Accueil Site Page 113

Gentleman cambrioleur

0

Angelo Rinaldi fut un critique littéraire redouté. D’anciens et (parfois) féroces textes sont republiés. L’œuvre de l’écrivain a été marquée par la solitude, la foi tourmentée et un culte du style, se remémore notre chroniqueur.


Angelo Rinaldi est mort le 7 mai 2025. Sa disparition a suscité de nombreux témoignages touchants, de Pierre Michon à Stéphane Barsacq, en passant par Louis-Henri de la Rochefoucauld. Il était né à Bastia, le 17 juin 1940, un jour avant le fameux appel du général de Gaulle invitant à résister et ne pas coucher avec le pétainisme dont nous ne sommes pas totalement sortis. Rinaldi était gaulliste de gauche, mais anti-Mitterrand, n’oubliant jamais ses origines modestes. Il était devenu le sniper de Saint-Germain-des-Prés, exécutant ce qu’il pensait être les fausses valeurs de la littérature contemporaine. Pour lui, un écrivain, c’était ça : « Une voix, un style, un tempérament, une expérience, un inconscient, des impressions d’enfance. » Le style, surtout. Alors ce salarié de la critique, qui avait débuté comme chroniqueur judiciaire à Nice matin, tirait sur les invalides de l’oreille – car un style, ça se reconnait à l’oreille. J’avoue avoir un peu de mal à évoquer avec détachement Rinaldi, même si je devine derrière son regard noisette – le regard des tireurs d’élite – et ses jugements assassins une grande sensibilité portée sur la mélancolie, et une non moins grande solitude.

Légende noire

J’ai cherché des éléments biographiques sur le net. J’ai trouvé un long témoignage sur le site de L’Express, mais l’un de ses fidèles amis, qui lui a rendu visite à la Fondation Rothschild et l’a accompagné au seuil de la mort, m’a dit que le texte était diffamatoire. Un peu de mal, donc, à en parler, même si son ultime livre, Les roses et les épines, un recueil de ses plus percutantes chroniques, m’y pousse, car mes amis littéraires, ceux qui, avec leurs livres, vous soutiennent dans les moments de dépression, ont été, peu ou prou, malmenés – le terme se veut modéré – par Rinaldi. Je me souviens de la remarque de Michel Déon : « Rinaldi tire sur tout ce qui le dépasse. Et comme il mesure 1m50 ! »

A lire aussi : Maximilien Friche ou la folle espérance d’un salut par le Verbe

Dans le recueil, Rinaldi est fidèle à sa légende noire. Il ne loupe jamais sa cible. C’est féroce, le trait d’humour ne manque pas, et c’est, reconnaissons-le, parfois subtil. Rinaldi est un écorché vif, érudit, au fond peut-être pas si méchant que ça. Mais sa souffrance, dont j’ignore exactement l’origine, finit par le rendre exaspérant. Et c’est une erreur, car l’autre face du personnage est plutôt attachante. Je veux parler du Rinaldi romancier. Dans ses critiques, il lui arrive de glisser une confidence. Il faut être attentif, et éviter de tempêter contre lui, quand il dégomme un auteur qu’on révère – Simenon, Sollers, Robbe-Grillet, Claude Simon (grand styliste pourtant), etc. À propos d’Albert Camus, rangé dans la catégorie des auteurs qu’il aime « un peu », il y a cet aveu : « La pauvreté, quand on l’a connue dans l’enfance, avec son cortège de menues humiliations, ayant la même vertu que les sacrements, sépare à jamais de ceux qui ne l’ont pas subie, quelle que soit la suite. » Et d’ajouter : « Il aura manqué au génie de Sartre de ne pas s’être lavé ce que je pense dans l’évier de la cuisine. »

Cambriolages

L’un des fils rouges suivi par Rinaldi, une sorte d’idée fixe, reste le déchirement intérieur que vit le croyant homosexuel ; la foi inébranlable, écartelée par la passion non avouable – et condamnée par le Code pénal jusqu’en 1982. Le seul écrivain, selon lui, qui ait résolu le dilemme de la Croix et de la chair, c’est Marcel Jouhandeau – chaque année je lui rends visite au cimetière de Montmartre. Dans son article daté du 12 août 1974, Rinaldi rappelle l’estime littéraire qu’il porte à l’auteur des Journaliers : « Avec ses malices, ses tourments religieux, son appétit de jouissance, son perpétuel balancement entre les garçons, dont la beauté le damne, et Dieu, dont la beauté l’absout. »

Si Rinaldi, souvent, nous crispe, il lui arrive de nous faire sourire. Par exemple, quand il résume l’œuvre de Le Clézio : « Dans l’ensemble, les ouvrages de M. Le Clézio font songer au bulletin de la météo quand le présentateur annonce une persistance du temps couvert avec passage de très belles éclaircies. » Ou encore lorsqu’il l’achève d’une balle dans la tête en le comparant à « du Saint-John Perse délavé ». Très vite, cependant, notre esprit s’assombrit. À propos de Claude Simon, alors que ses analyses psychologiques ne manquent pas de pertinence, Rinaldi frise la faute de goût : « L’ensemble, à l’exception de quelques moments de lyrisme, est d’un laborieux qui exclut le moindre souffle de grâce. »

A lire aussi: La réussite a-t-elle un âge?

Tout cela, au fond, n’a guère d’importance aujourd’hui. Rinaldi et ses cibles appartiennent à un même monde avec des approches, non plus opposées, mais complémentaires. Ses chroniques nous permettent de garder l’œil sur le meilleur des uns et des autres. Car Rinaldi avait ses écrivains de cœur, à commencer par Céline, dont il a su percevoir l’essence de son œuvre : « (…) il a besoin de l’horrible pour nourrir sa verve, satisfaire son appétit de désastres, (…) il n’est à l’aise que dans la malédiction et la boue dont il pétrit ses livres. » Ce monde, quand Rinaldi était le critique le plus redouté de France – à L’Express, au Figaro littéraire – comprenait environ 10 000 lecteurs – des lecteurs capables de lire aussi bien Gracq que Sollers. Ce « chiffre d’or » n’a sûrement pas augmenté. Il aurait même tendance à avoir maigri. Or l’affaiblissement de la lecture produit de très bons esclaves.

Angelo Rinaldi était très subjectif, il ne s’en cachait pas. Lui qui avait fini par rejoindre les rangs de l’Académie française, après avoir obtenu le Prix Femina en 1974, écrivait, lucide, le 10 novembre 1989 : « Dans le livre qu’on visite – qu’on cambriole, en fait – on laisse ses empreintes digitales aux inspecteurs de la postérité dont le flair ne sera pas forcément supérieur au nôtre. »

Angelo Rinaldi, Les roses et les épines, Chroniques littéraires, Éditions des instants. 272 pages

Les roses et les épines

Price: 21,00 €

9 used & new available from 15,51 €

De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

En marge du Festival de Cannes, 900 artistes du cinéma ont publié une tribune condamnant le « silence » sur le« génocide » à Gaza. Parmi eux, Catherine Deneuve. Le président d’Avocats sans frontières n’en est toujours pas revenu.


J’ai beau l’avoir prédit, j’en suis quand même un peu surpris.

Dans mon Journal de guerre, j’écrivais dès le 10 octobre 2023 : « J’entends ici prendre date. Le grand pogrom commis par les islamonazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. Et le chef de l’armée israélienne ne sera pas Montgomery, mais Rommel. Tsahal sera la Reischwehr. »

Car je connaissais mes classiques : entre une armée de soldats juifs blancs en uniforme et une troupe de terroristes basanés en haillons, je savais bien vers qui le cœur à gauche malade de l’idéologie médiatique n’allait pas tarder à balancer. Le tout fouetté par le Nombre et l’Argent. Et je savais aussi que la riposte juive de l’État pogromisé n’allait pas être plus timide que celle des alliés d’hier au-dessus de l’Allemagne hitlérienne ou de la France occupée, ou plus tard au-dessus de Raqqa. Et je savais aussi que les tueurs de gamins ou les violeurs de femmes se terraient sous les hôpitaux, les écoles et les mosquées, à jouer à qui perd ses enfants gagne.

Mais je suis tout de même un peu surpris. Je savais pour Mélenchon, je savais pour Le Monde et pour Libération. Mais Catherine Deneuve… Qui dans une de ces pétitions où le monde artistique sait montrer son courage depuis l’occupation ose le mot « génocide ». Je ne pourrais plus jamais écouter comme avant l’air des Parapluies.

A lire aussi : Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

Pour le reste, point de surprise. Le Monde reprend les bilans victimaires de la « Défense civile » en dissimulant qu’il s’agit du Hamas. France Inter les reprend comme s’il s’agissait du Journal officiel sans même donner leur source. Et tant pis si j’ai déjà fait condamner cette pratique par l’Arcom. Pourquoi voulez-vous qu’elle s’amende puisqu’elle n’en reçoit pas ? Quant à son responsable de politique internationale, Pierre Haski (ancien de Libération et vice-président de Reporters sans frontières), il a réussi l’exploit journalistique de consacrer mercredi matin un éditorial évidemment et unilatéralement critique à Israël, sans dire un mot sur l’attentat terroriste au cri de « Free Palestine » au musée juif de Washington. Il n’a donc pas pu dire que les deux Israéliens assassinés étaient membres de l’AJC, une organisation progressiste et pacifiste.

Pour finir par France 2, la chaîne enchaînée par l’idéologie, laisse passer sans s’excuser un Ardisson comparant Gaza à Auschwitz, égaré par un docteur Pitti, faux humanitaire mais vrai admirateur du Hamas qui avait, lui, comparé Gaza au ghetto de Varsovie. Ardisson, au moins, a demandé pardon.

Je me console comme je peux en pensant que, pour pouvoir continuer à crier « Free Israël », il vaut tout de même mieux gagner la guerre réelle que l’ingagnable guerre médiatique. 

Journal d'un prisonnier

Price: 20,00 €

35 used & new available from 4,49 €

Pourquoi les anges volent-ils?


Il avait des lettres, mais n’était pas un homme de lettres, enclin qu’il était plutôt, en prévision d’un prochain petit creux, à fourrer des petits fours dans ses poches lors de cocktails qui, pour être mondains, n’étaient en fait point de son monde.

Sa vie, il nous la relata au travers de divers récits tous aussi foutraques qu’endiablés, et toujours vernis à l’acide encaustique comme dirait ma concierge, à l’enseigne de ses différents postes : Vacances en Indo, Vacances à Saint-Tropez, Vacances au Tchad, enfin (de carrière), Vacances au Conseil d’Etat. Par son épouse avait-il ses entrées dans la famille gaulliste, lui-même se classant plutôt parmi les gaulliens critiques. À un moment, s’estimant suffisamment rompu à gratter des arrêts et histoire de se changer les idées (à défaut de pouvoir, on n’a pas dit influencer mais influer sur celles de ses collègues), et alors que la France cherchait à se doter d’un nouveau Haut-Commissaire en Nouvelle-Calédonie, il candidata auprès de Dominique de Vilpin, lequel, à défaut d’idées, lui aurait bien fait changer d’air, si le sien d’air, en l’occurrence, – et en toutes les autres que peut bien rencontrer dans sa carrière un haut magistrat de l’ordre administratif -, n’avait été si original.

A lire aussi, Jonathan Siksou: La boîte du bouquiniste

En l’espèce, nous retrouvons (feu) notre conseiller d’État, plus sans horaires qu’honoraire, dans la peau du ci-devant Romain de Cherchemidi, en goguette dans un genre Club Med, entouré d’une cour gouailleuse : une Josiane, genre cagole de Marseille sous les traits d’une piquante beurette multifonctionnelle, comme on ne dit plus, une Juliette, sous-préfète de Condom-sur-Baïse, dans le Gers. En arrière-plan (cul ou platonique), comme il se doit, on retrouve au téléphone (portable) la Comtesse, née Diane de Bonneval, alias Théodrade Bichette de Bonménage, Gros Lapin, le bon ami comme on ne dit toujours plus de Josiane, et Monsieur Pichegru, époux légitime de la sous-préfète.

Seules les mauvaises langues et les mauvais critiques soutiendront que cette littérature-là ne mange pas de pain. Au contraire, pour qui sait la lire, a-t-elle la consistance, le moelleux et la drôlerie roborative de la vraie vie délicatement pince-sans-rire.


Dans la même veine (parfois de sang bleu) s’inscrit le dernier opus en date du Petit théâtre de Rouart qu’il nous est donné, quoique différemment, d’apprécier tout autant que le grand.

Ici, sans l’écrire, je dis je. Voici les clefs, opératives diraient certains, qui, à l’unisson du rythme d’un Labiche, d’un Courteline ou, à un moindre degré, de Roger Vitrac, permettent de renvoyer à l’Histoire ou à l’actualité certains personnages. Le Président, c’est ce président de chambre de cour d’appel, du genre grand bourgeois, pas mauvais dans le fond, mais prêt à presque tout pour être promu. On a compris que toute la nuance, ou toute la comédie, ou toute la tragédie, comme vous voudrez (ou, plutôt, comme le voudra le fatum des dieux qui sont en l’espèce l’auteur même) tient dans ce « presque », oscillant entre les termes de ce triptyque qui a nom « mission, compromission, corruption », le tout sous les auspices de l’ambition. Ce personnage, nombre d’entre nous l’ont croisé ou y ont eu affaire. Eugénie, l’épouse du Président, revêt bien des traits de la mère de l’auteur, ce dernier nous écrivant qu’elle « est bonté même » ; c’est là en effet sa signature, et nous la laissons donc sans jugement moral aucun gentiment s’encanailler avec Roman Popovitch, l’immigré de service, « vingt-cinq ans, très beau, SDF yougoslave [yougoslave ? Et pourquoi donc, si ce n’est pas inconsciente réminiscence du Delon de l’affaire Markovic] », bien-nommé homme à tout faire de la maison qui « se lave en plein vent au robinet de la cour. » Chez Pierre, il y a du Rouart au même âge (25 ans), quelqu’un, comme on dit, qui se cherche, et son contraire aussi : une passion pour l’ébénisterie, activité à laquelle Augustin Rouart voulut un temps que son fils se consacra. Virginie, la fille de la maison, a, comme de coutume, fait « peu d’études » et ne connaît que peu de centres d’intérêt. À l’image des jeunes filles de son temps, elle ne voit pas où le mal, pour ne pas dire qu’elle ne voit pas grand-chose.

Après avoir lu ces deux pièces, on songe à ce mot qu’on devrait graver au fronton de tous les cimetières, de tous les théâtres, et qu’aimait à citer Jean d’Ormesson : Pourquoi les anges volent-ils ? Parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère.


Romée de Bellescize, VOUS ICI, Monsieur le Conseiller d’Etat ! Quelle surprise ! – Pièce en treize actes et en prose – Anne Rideau éditions, 178 pages.

Vous ici, Monsieur le Conseiller d'Etat ! Quelle surprise !

Price: ---

0 used & new available from

Jean-Marie Rouart, Drôle de justice, – Pièce en trois actesAlbin Michel, 178 pages.

Drôle de justice

Price: 14,00 €

20 used & new available from 9,90 €

Catholicisme et communisme

0

Un roman magistral, édifiant ; voilà ce que propose Valère Staraselski avec Les Passagers de la cathédrale, une sorte de Neveu de Rameau à cinq personnages qui dialoguent sur le catholicisme et le communisme, la vie et la mort. L’extrême gauche radicale et intolérante va râler. C’est fait pour. 


Avec Les passagers de la cathédrale, son dernier livre, Valère Staraselski nous propose une sorte de Neveu de Rameau. Mais ici, ils ne sont pas deux à dialoguer, mais cinq, quatre hommes et une femme : François Koseltzov, un double de l’auteur, Louis Massardier, un ancien universitaire, communiste à l’ancienne, Darius, ami iranien de François (il a passé dix-huit mois dans les geôles de Khomeiny), Thierry Roy alias Chéri-Bibi gardien au musée Carnavalet, et Katiuscia Ferrier, une jeune femme très sensuelle et délicieuse. Ils échangent aux abords de la cathédrale de Meaux, ou au bord du canal de l’Ourcq. Ils évoquent la vie, la mort, la foi, la politique ; ils sont tous chamboulés par l’incendie de Notre-Dame de Paris. Dans leurs propos, il est souvent question du catholicisme et du communisme, de l’engagement. Explications de l’auteur.


« Un peuple sans mémoire est un peuple sans défense… »

Causeur. Pourquoi ce roman ? Et comment est-il né ?

Valère Staraselski : La littérature sert, me semble-t-il, à montrer ce qu’on ne voit pas très bien. Après l’incendie de Notre-Dame de Paris en 2019, en proie à une indicible stupeur mêlée de tristesse et de révolte, moi le communiste athée, j’ai écrit un article Les Passagers de la cathédrale paru dans L’Humanité et La Croix où je disais que « l’intense émotion qui frappe les catholiques s’étend non seulement aux autres croyants mais bien plus largement à celles et ceux en qui les valeurs humanistes sont ancrées. » L’article est devenu un roman-contrepied de contre-vérités sur notre histoire assénées par des politiques à court terme (pléonasme aujourd’hui) et des intellectuels médiatiques triomphants qui commettent l’erreur de penser que l’on peut ignorer notre héritage. Exemple, sur la négation des racines chrétiennes de l’Europe se dresse fort heureusement un Pierre-Henri Tavoillot : « Oui, la civilisation européenne est bien l’héritière du christianisme. Bien sûr cette civilisation européenne a aussi connu le racisme, le sexisme, le colonialisme comme toutes les autres. En revanche, c’est la seule dans toute l’histoire de l’humanité, qui les a dépassés. Or, on s’acharne aujourd’hui à la haïr pour ce qu’elle a été la seule à dénoncer. » Dans la clairière de Châteaubriant où l’on honore toujours les 27 otages fusillés par les troupes d’occupation allemandes en octobre 1941, j’ai appris, très jeune, qu’un peuple sans mémoire est un peuple sans défense…

Est-ce exagéré de dire que vous faites un parallèle entre le catholicisme et le communisme ?

Dans le roman, je rapporte ce que m’a dit Bernard Marris un soir : « Le communisme n’est qu’un christianisme athée. » Il l’a d’ailleurs écrit. Il y a eu les distanciations et condamnations récurrentes de l’Eglise contre l’émergence, puis contre les expériences communistes. Expériences qui se sont trop souvent révélées, pour le moins, comme des religions sans miséricorde. Mais le communisme ne peut se ramener à une pédagogie établie sur des massacres comme le catholicisme ne peut se réduire à Torquemada ou à l’élimination des Incas. En outre, je constate qu’il y a aujourd’hui de plus en plus de jeunes, parmi de nombreux autres catéchumènes, militants communistes qui affichent leur foi. L’un d’eux, qui se destine à entrer dans les ordres monacaux, a rédigé la préface de mon Voyage à Assise (N.D.L.R. : Bérénice éditions nouvelles ; 45 p. ; 10 € ; mars 2025). A ce propos, écoutons, Paul Vaillant-Couturier dans Au service de l’esprit en 1936 : « Le capitalisme entend faire du ventre, le principal organe de l’humanité, et transformer l’esprit en marchandise. Sous son règne, toutes les valeurs immatérielles sont devenues des marchandises. Le capitalisme avilit la morale. Il s’attaque aux valeurs les plus sacrées comme un acide. Il dissout la moralité ! Les communistes (…) se sentent très près des bâtisseurs de cathédrales. » En 1970, le dirigeant communiste Jean Kanapa déclarait quant à lui : « Nous ne parviendrons à construire le socialisme en France que lorsque nous saurons intégrer réellement les données positives de la culture chrétienne à celles du marxisme. » Ça vient de loin et de nos jours, ça reprend assez fort.

« Calvin a facilité l’essor du capitalisme »

Vos personnages sont attachants ; plus vrais que nature. Comment définiriez-vous Louis Massardier, « l’homme de la tempête et de la cathédrale » ?

Si les personnages ont de l’épaisseur, c’est que l’écrivain s’oublie pour observer… Massardier ? Une centrale nucléaire de vie, une tour Montparnasse de culture, un maelstrom d’intelligence doté d’un cœur qui bat très fort. Un honnête homme ce Massardier qui lit Marx et Louis Aragon mais aussi Barrès et Alain de Benoist.

À lire aussi : Maximilien Friche ou la folle espérance d’un salut par le Verbe

Vous dites de lui que c’est un communiste mais « à long terme ». Qu’entendez-vous par là ?

Les humains ont créé le catholicisme où l’Alliance (invention juive), ce contrat avec une instance supérieure appelée Dieu, est réalisée par le Christ qui lance : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir.  » Mais le fait nouveau est que l’Alliance selon le Christ a pour moteur l’amour. Si ce n’est pas révolutionnaire, ça ! Massardier, vieux militant communiste français, pense qu’il n’y a pas de raison que nous ne parvenions, à terme, à dépasser la ploutocratie pour une « société réglée » dont parle Antonio Gramsci. D’ailleurs, a-t-on vraiment le choix si nous ne voulons pas que l’autodestruction en cours l’emporte ?

François Koseltov ? Ne serait-ce pas un peu votre double ?

Un peu, oui, il y a longtemps…

Vous égratignez un peu le protestantisme en rappelant – à juste titre – que Calvin serait à l’origine du prêt avec intérêt ; pouvez-vous revenir sur cette affirmation ?

Pour l’Eglise, il fallait prêter sans rien attendre en retour car dans la Bible le prêt avec intérêt est inique aux yeux de Dieu. Dans sa Lettre sur l’usure (1545), Calvin a légitimé l’usure du versement d’un intérêt dans le cas d’un prêt productif servant à financer la création d’un surcroît de richesse. Le Vatican le rendra licite en 1917 et l’Eglise catholique ne lèvera sa condamnation du prêt à intérêt qu’en 1930. S’il ne l’a pas provoqué, Calvin a facilité l’essor d’un capitalisme certes créateur mais aussi prédateur faute de contre-pouvoir…

Quel est votre préféré : Dieu ou Marx ? Et pourquoi ?

Pardon, mais je n’esquive pas la question : Pierre Paolo Pasolini. Parce qu’il a amorcé dans sa vie comme dans son œuvre ce que le philosophe Slavoj Zizek défend : « Oui, le marxisme est dans le droit fil du christianisme ; oui, le christianisme et le marxisme doivent combattre main dans la main, derrière la barricade, les nouvelles spiritualités. L’héritage chrétien authentique est bien trop précieux pour être abandonné aux freaks intégristes. » Comment ne pas songer au Compromis historique entre le Parti communiste italien et la Démocratie chrétienne avorté par l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges alliées objectives des intérêts américains ? Si on ne rabat pas tout sur le sociétal et sur une vision anachronique de l’Histoire comme le fait pour l’essentiel la Doxa gauchiste qui occupe des avant-postes médiatiques et a confisqué bien des pouvoirs depuis des décennies, il faut bien reconnaître que l’Eglise catholique, apostolique et romaine contemporaine s’est placée depuis quelque temps déjà dans le camp progressiste. Heureusement qu’elle est là !

L’intolérance ambiante

Quelle est la part de réalité dans notre roman ? Vous résidez à Meaux ; Chéri-Bibi ressemble fortement à l’un de vos amis, gardien de musée… Et les autres (Massardier, Darius, etc.) vous ont-ils été inspirés par des êtres existants ou sont-ils le fruit d’une pure fiction ?

Toute la réalité, rien que la réalité, je le jure, revue et présentée via l’imaginaire. Mais la réalité tout entière dans « le roman où mentir permet d’atteindre la vérité » nous rappelle Aragon.

Jean-Luc Mélenchon, très ému après le témoignage d’une musulmane lors de la marche contre l’islamophobie, Paris, 27 avril 2025 © SEVGI/SIPA

Que pensez-vous de la gauche actuelle ? Et de Mélenchon ?

Quand j’étais jeune, on taxait la droite de la plus bête du monde. Ça s’est inversé. Et salement ! À gauche, le peuple a été évacué, la direction des partis de gauche (à l’exception du Parti communiste profond) sont confisqués par les représentants des couches moyennes supérieures qui, pour se donner le beau rôle, sont prêts à tous les dénis et les compromissions possibles, n’hésitant pas à jouer la logique des extrêmes.  Cette « petite gauche », triomphante aujourd’hui, est limitée et fière de l’être et le paie cash dans les urnes. Mélenchon n’est, selon le mot de Nietzche, que « le comédien de son idéal ». Seulement son idéal n’est commandé que par la vanité. Ce personnage, qui fascine les foules du ressentiment, est donc non seulement vain et destructeur pour son propre camp mais néfaste et dangereux pour la France.

À lire aussi : Boileau et Narcejac – Les maîtres du suspense

Ne pensez-vous pas que la société actuelle souffre d’une terrible intolérance ? Les gens d’opinions différentes ne se parlent plus… Contrairement à autrefois juste après mai 68. Pourquoi ?

L’intolérance bien réelle, vous avez raison, est la marque d’un repli qui s’explique, selon moi, par une atomisation de la société où seule la lutte de tous contre tous supplante le besoin de vie commune.

Quels sont vos écrivains préférés ?

En ce moment, Hans Fallada, Panaït Istrati… L’incipit des Chardons du Baragan du Roumain Istrati : « Au ciel et sur la terre, la vie reprenait sa marche, élevait ses chants sincères, appelait au bonheur – pendant que l’homme semait la mort et descendait plus bas que l’animal. »

Un prochain livre ?

Oui, mais les obstacles seront nombreux, alors chut. Si, une chose encore : dans ce monde impossible, un roman est un signe de possible vie.


Les Passagers de la Cathédrale, Valère Staraselski ; le cherche midi ; 246 p.

Les passagers de la cathédrale

Price: 19,80 €

16 used & new available from 9,20 €

Voyage à Assise, Valère Staraselski ; Bérénice éditions nouvelles ; 45 p.

Voyage a Assise

Price: ---

0 used & new available from

Jésus-Christ, scénariste hollywoodien

0

Pierre Joncquez explore dans son nouvel ouvrage l’influence originale des Évangiles dans le cinéma hollywoodien. Des films populaires des années 80 et 90, apparemment éloignés de tout message religieux, contiennent en fait de nombreuses références bibliques.


Pierre Joncquez vient de publier aux Éditions Salvator un ouvrage sur l’étonnante inspiration d’Hollywood par les Évangiles. L’auteur présente cette hypothèse avec brio et beaucoup d’esprit. 

Malgré quelques controverses sur sa paternité, le cinéma est bien une invention française, et le marché a largement été dominé à ses débuts par les productions françaises et européennes. Mais le retard a vite été rattrapé quand quelques pionniers américains se sont installés sous le soleil californien, dans les environs de Los Angeles, aux côtés des parcelles d’une promotion immobilière nommée « Hollywood », à la recherche de luminosité, mais surtout d’absences de syndicats sur la côte ouest et à l’abri de la pression des taxes du trust Edison qui avait le monopole de la vente de pellicule…

L’immense historien du cinéma, Georges Sadoul (1904-1967) a relaté avec précision les débuts de l’art et de l’industrie du cinéma. Il rappelle notamment ce qu’il nomme « La première crise du cinéma de 1907-1908 » alors que celui-ci stagnait comme un divertissement de foires : « Beaucoup croyaient le cinéma prêt à mourir. Des salles obscures se vidaient et faisaient faillite. La “crise du sujet“ avait sa part dans cette décadence ».

Les Européens vont être dans les premiers à proposer de véritables histoires pour scénariser les films. Les Américains vont suivre et avec le succès que l’on sait, faisant en sorte que Hollywood domine encore de nos jours largement le marché mondial de l’audiovisuel et aussi l’imaginaire collectif…

Pas tout de suite évident…

Mais où aller chercher ces histoires racontées sur grand écran ? Dans un premier temps on se tourne vers la littérature, à l’image du projet français « Film d’Art » pour lequel on fait appel à Anatole France ou Edmond Rostand.

Et quelle plus universelle littérature que celle des Évangiles ? Si tant est qu’on accepte ces dernières davantage comme des biographies antiques…

Il n’est donc pas si étonnant de trouver des éléments évangéliques dans les histoires racontées par le cinéma, surtout depuis que celui-ci est dominé par les États-Unis, un pays qui bien que « laïque », donne une place et une visibilité très importante à la religion, essentiellement chrétienne, dans la sphère publique.

Pierre Joncquez recherche et trouve surtout des références aux Évangiles dans des films hollywoodiens auxquels on ne penserait pas immédiatement – Cela serait trop simple avec « Les Dix commandements » de Cecil B. DeMille (1956) ou « La Passion du Christ » de Mel Gibson (2004)… 

A lire aussi : « Mission impossible, The Final Reckoning » : Ne boudons pas notre plaisir !

Pierre Joncquez cible ainsi des films « cultes », issus de la culture populaire « VHS » des années 80 et 90, qui ne semblent pas forcément avoir de lien avec les Évangiles de « Piège de cristal » (1988) en passant par le dessin animé « Le Roi lion » (1994) et jusqu’à « La soupe aux choux » (1981), oui oui… (Seule exception à l’origine nord américaine des films présentés).


En lisant les chapitres dédiés à chaque film, on peut être sceptique au départ et se dire qu’il s’agit de simples coïncidences, voire de biais cognitifs de l’auteur, car il est toujours possible de trouver des détails dans une œuvre pouvant être orientés dans le sens de notre propos…

Et pourtant, on adhère rapidement aux démonstrations de Pierre Joncquez dont les recherches sont érudites et documentées, tout en n’étant jamais pontifiantes, mais au contraire pleines d’humour – On trouve même un tableau synthétique de la « continuité » entre Moïse, Jésus et… Superman pour sa version cinématographique de 1978 !

À chaque chapitre, on est curieux et en attente de voir comment l’auteur va arriver à nous convaincre de l’influence plus ou moins cachée des Évangiles dans une superproduction hollywoodienne que rien ne disposait à porter un message biblique…

Objectif caché ?

C’est ainsi que l’auteur compare par exemple le film de science-fiction « Terminator » (1984) à l’annonciation, le film d’action « Piège de cristal » (1988) à la Passion du Christ, la comédie « Un jour sans fin » (1993) à la purification de l’âme au purgatoire, etc.  

Peut-il s’agir d’un objectif non avoué d’évangélisation par les majors hollywoodiennes ?

L’influence quasi officielle de la religion dans le cinéma américain appartient normalement au passé. Le temps du Code Hays, du nom du sénateur et président de l’association des producteurs et distributeurs américains, qui a imposé des recommandations morales et une autocensure puritaine au cinéma entre les années trente et cinquante, est révolu.

Mais il peut s’agir d’une sorte de cryptomnésie, la mémorisation inconsciente qui réapparaît, comme cela arrive parfois à des artistes de bonne foi. Ou bien, s’agit-il simplement de la preuve que la Bible reste une influence majeure des scénaristes et « La plus grande histoire jamais contée » du nom du film de 1965 de George Stevens…

Touchdown: Journal de guerre

Price: 12,00 €

3 used & new available from 2,61 €

Ce que je reproche le plus à Nétanyahou

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise.


C’est un dimanche de fin mai sous une lumière grise, dans les allées des Buttes-Chaumont (19e arrondissement). Un homme, au crépuscule de sa vie, habillé avec soin, portant la kippa, me salue et engage la discussion. À la fin de notre échange, nos deux mains se serrent. C’est un lien d’humanité, d’émotion partagée, dans une époque qui peut de nouveau faire la bascule et mener au pire.

Le vieux monsieur aux yeux si clairs voulait me remercier pour mes propos « équilibrés et raisonnables » sur le conflit israélo-palestinien. Il a aussi exprimé son désaccord « total » avec la stratégie militaire du gouvernement Nétanyahou. J’ai écouté et peu parlé. Puis, je nous ai simplement souhaité « le meilleur ». En empoignant mes deux mains, il a répondu : « J’ai espoir… j’ai espoir. »

Alors que le carnage et la dévastation se poursuivent à Gaza, et que les objectifs de guerre du gouvernement israélien ne sont plus la libération des otages, mais l’occupation de l’enclave et de la Cisjordanie, est-il possible de critiquer Israël sans être accusé d’antisémitisme ? De dire que jamais, par le passé, l’extrême droite israélienne, avec Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir aux affaires, n’avait eu une telle influence ? Et qu’avec eux et Benjamin Nétanyahou, le gouvernement israélien est devenu le principal adversaire d’Israël ?

À lire aussi : Israël contre l’islamisme: un réveil pour la France endormie?

Est-il possible de faire la distinction entre les criminels du Hamas, responsables du pogrom du 7-Octobre, et la population civile de Gaza qui vit un véritable enfer depuis plus de vingt mois ? Pour certains, il n’y a pas de civils palestiniens innocents. Tous, y compris les enfants, seraient une seule et même menace, celle d’une Palestine de « la rivière à la mer ». Les terroristes du Hamas n’ont-ils pas beaucoup à gagner face à une telle rhétorique ? C’est ce que je reproche le plus à Nétanyahou : d’avoir fait le choix des islamistes du Hamas et non celui de l’Autorité palestinienne, de n’avoir jamais privilégié une solution à deux États, de poursuivre cette guerre pour se maintenir au pouvoir, d’isoler dramatiquement son pays sur la scène internationale, d’être le Premier ministre israélien d’une monstrueuse défaite politique et morale.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, il faut aussi dire la faillite et le déshonneur des Insoumis et de celles et ceux qui, à gauche, pour des raisons électoralistes, n’acteraient pas une rupture définitive avec LFI. La nazification d’Israël est une saloperie sans nom. Faire de tous les juifs les responsables de la politique du gouvernement Nétanyahou en est une autre. L’antisémitisme n’est en rien « résiduel ». Il est le poison de l’époque qui vient s’il continue à s’installer ici et ailleurs. Si la gauche se cherche quelques combats à mener, celui-ci est à prendre à bras-le-corps, car il dit le monde que nous voulons et celui dont nous ne voulons pas. Il dit ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas.

C’est déjà pas mal par les temps que nous traversons…

Atlas baisse les bras… et la France aussi 

0

Dans la course à l’innovation, la France semble se retirer doucement mais résolument du jeu, se désole notre contributrice, expatriée aux Etats-Unis. La France ne bénéficie ni de l’autoritarisme productif de la Chine, ni du dynamisme individualiste des États-Unis. L’État y est omniprésent mais impuissant. 


Alors que le président de la République participait, le 5 mai, à la conférence « Choose Europe for Science » et qu’il avait accueilli quelques semaines plus tôt, au Grand Palais, « le sommet de l’IA », exemple de planification à la française où l’on se gargarise d’objectifs mondiaux et de promesses d’investissements, une question persiste : ces grandes messes ont-elles réellement le pouvoir de susciter le succès ?

Stagnation

Selon un rapport de l’OCDE publié en mars 2025, la dépense intérieure brute en recherche et développement a baissé en France de 0,5 % en 2023, tandis que la Chine enregistrait une hausse de 8,7 % et les États-Unis une progression plus modeste de 1,7 %.

D’après les données du Nature Index, qui classe les pays selon le nombre d’articles publiés dans des revues scientifiques prestigieuses, la France stagne depuis une dizaine d’années à la sixième place, avec une production en recul constant. Pendant ce temps, la Chine caracole en tête.
Dans le domaine des modèles d’intelligence artificielle, ChatGPT incarne la suprématie technologique des États-Unis, tandis que la Chine concentre 15 % des entreprises mondiales du secteur et arrive en tête des dépôts de brevets.

La France ne bénéficie ni de l’autoritarisme productif de la Chine, ni du dynamisme individualiste des États-Unis. L’État y est omniprésent mais impuissant. Le secteur privé est toléré mais suspecté. Les intellectuels sont admirés mais sous-financés.

Lorsque je découvris La Grève (Atlas Shrugged), dont m’avait parlé une collègue américaine, cette dystopie d’Ayn Rand érigée en hommage à l’individu créateur, je fus d’abord frappée de n’en avoir jamais entendu parler, malgré sa notoriété : il est considéré comme l’ouvrage le plus influent aux États-Unis après la Bible. Je ne m’attendais pas non plus à y trouver une grille de lecture aussi éclairante pour comprendre le déclin de la France en matière d’innovation.

Le titre français, La Grève, est d’ailleurs révélateur. Dans l’imaginaire collectif français, la grève évoque spontanément une lutte sociale, menée par des ouvriers réclamant justice face à des employeurs perçus comme cupides. Or, le roman de Rand met en scène une dynamique tout autre : il ne s’agit pas d’une révolte mais d’un retrait volontaire de ceux qui soutiennent le monde en créant. Les « Atlas », métaphores des esprits productifs et novateurs, cessent d’agir parce que leur attachement à la création matérielle est méprisé. En ce sens, le titre français trahit un malentendu culturel : l’œuvre ne décrit pas une action collective et revendicative, mais une abdication individuelle, presque stoïcienne, face à un monde devenu hostile à l’excellence.

Le vaccin qui n’a jamais vu le jour

Vue d’outre-Atlantique, où je travaille désormais, l’érosion de la France n’est plus une impression diffuse mais une réalité saisissante. L’échec à produire un vaccin anti-Covid, en pleine urgence mondiale, quand les États-Unis, la Chine ou la Russie y sont parvenus, ne relève pas seulement d’un déficit de performance. Il révèle un mal plus profond : la France semble se retirer doucement mais résolument du jeu.

A lire aussi, Alexandre Dufosset : Partenariat stratégique UE-Asie centrale: quand la Commission européenne ignore la leçon du Mercosur…

En pleine pandémie, il n’était pas absurde d’espérer que la France, patrie de Louis Pasteur, figure parmi les nations à l’avant-garde. Pourtant, le vaccin de Sanofi connut des retards avant d’être relégué, et l’Institut Pasteur abandonna discrètement son candidat après des résultats décevants en phase précoce. Certains ont imputé cet échec à la complexité réglementaire, au manque d’investissement ou à un malheureux concours de circonstances. Peut-être…

Dans son roman, Ayn Rand décrit un monde où les créateurs de génie se retirent, non par protestation, mais par lassitude. Fatigués d’être dénigrés pour leur égoïsme matérialiste et entravés par un système qui punit l’excellence et récompense la médiocrité, ils disparaissent.

Un système qui punit l’excellence

La France s’enorgueillit d’un modèle censé conjuguer solidarité sociale et dynamisme économique. Mais en pratique, on se retrouve dans une situation absurde où le mérite, érigé en valeur suprême, devient suspect dès qu’il débouche sur la réussite, notamment financière. J’ai longtemps cru à ce système.  

À mon arrivée aux États-Unis, je contemplais avec méfiance cette société qui valorise intensément le travail, jusqu’à soupçonner les nécessiteux d’être responsables de leur sort. Je percevais cette idéologie méritocratique poussée à l’extrême comme un aveuglement cruel.
Je portais encore en moi cette lecture française selon laquelle le succès est le fruit des privilèges, et la richesse, donc, doit être redistribuée.

Mais il y a en France cette méfiance profonde envers la richesse, renforcée par la Révolution française, qui a désigné les riches comme ennemis a priori du peuple. Qu’ils soient aristocrates d’hier ou bourgeois d’aujourd’hui, ils portent l’héritage d’un ordre injuste.
Il existe peut-être aussi une dimension plus spirituelle. En France, fille aînée de l’Église, l’austérité est perçue comme vertu et la richesse comme facteur de corruption, conformément à la morale catholique. À l’inverse, les États-Unis, héritiers de l’éthique protestante du travail (selon Max Weber), valorisent l’effort comme devoir moral et considèrent la réussite comme le juste fruit du labeur : travailler et innover justifient un revenu plus élevé.

Ce contraste explique peut-être pourquoi, en France, les entrepreneurs doivent se justifier de leur succès, alors qu’aux États-Unis, on leur demande simplement comment ils y sont parvenus.

Logicisme

Dans Atlas Shrugged, Rand tourne en dérision l’éloge de la médiocrité et l’adoration de l’absurde. Elle met en scène un intellectuel vantant la restriction de la commercialisation des ouvrages… surtout ceux qui se vendent trop bien. Cela rappelle certains événements récents en France, où des auteurs confidentiels bénéficient d’une large couverture médiatique tandis qu’une chaîne populaire se voit supprimée.

Plus encore, Rand décrit un monde où, au nom d’un altruisme dévoyé, les dirigeants imposent l’arrêt d’industries prospères, sacrifiant toute amélioration matérielle. Cela rappelle le démantèlement du fleuron nucléaire français, ou encore l’obligation faite à EDF de vendre son électricité en dessous de ses coûts.

A lire aussi, Jean-Jacques Netter : Le mur des comptes

Quand on m’interrogea sur l’échec vaccinal français, je pensai à cette obsession nationale pour les belles théories. À cette manie de préférer l’élégance conceptuelle à l’expérimentation. À ces virologues défendant une stratégie originale mais sans doute difficile à mettre en œuvre dans des délais aussi courts : vacciner par voie nasale. Pendant ce temps, Pfizer, pragmatique, lançait ses essais cliniques sur une technologie déjà maîtrisée. Ce qui manque en France, c’est peut-être cette humilité propre aux entrepreneurs : essayer, se tromper et apprendre de ses erreurs.

Rigidité

Où sont passés nos Atlas français, les Eiffel, Schneider, Blériot, Dassault ? Autrefois, l’innovation passait par l’industrie lourde, aux cycles longs et à fort ancrage national. Aujourd’hui, elle repose sur les technologies dématérialisées et le capital-risque, qui exigent une flexibilité dont la France manque cruellement.

Je ne m’attarderai pas sur la rigidité du droit du travail ou sur le poids de l’administration, déjà dénoncés par Bernard Arnault ou François-Henri Pinault. Je préfère souligner ce qui, dans la culture, bride les esprits créatifs.

Mon parcours, de la recherche en neurosciences à la médecine, puis à la microbiologie, est vu en France comme erratique. Aux États-Unis, il est perçu comme adaptatif et courageux.
Ici, des parents organisent des levées de fonds pour que les élèves créent de vraies mini-entreprises. Gagner de l’argent n’est pas honteux.

J’ai aussi été frappée par la liberté de ton de jeunes techniciens, souvent étudiants, interrogeant un chercheur invité avec une acuité remarquable. En France, nos amphis restent figés et les étudiants notent en silence.

C’est ce climat où l’initiative est valorisée plus que l’évitement de l’erreur, qui nourrit l’innovation. Le drame du vaccin français ne réside pas dans l’absence de talents, mais dans un système qui étouffe l’audace et bride l’imagination.

Vers un réveil ?

La pensée d’Ayn Rand n’est pas exempte de critiques. Son rejet de l’altruisme est moralement discutable, et sa vision dystopique caricaturale. Mais sa défense de l’esprit créateur et sa mise en garde contre les belles âmes qui sacrifient l’individu au nom d’un idéal abstrait restent puissantes. Sa « grève des cerveaux » a déjà commencé en France, non par des disparitions spectaculaires, mais par une migration discrète ou un renoncement intérieur.

Ce qui frappe, c’est le silence autour de ce livre en France. Aucune traduction pendant un demi-siècle. Rand reste méconnue. Même les féministes l’ignorent, alors que son héroïne, Dagny Taggart, refuse de céder, raisonne en termes d’action et incarne une féminité sans culpabilité.

Rand était juive, et dans le judaïsme, l’homme n’est pas fait pour contempler le monde, mais pour le transformer. Atlas Shrugged se moque du fatalisme dont l’intellectuel s’entoure pour justifier son apathie.

Le déclin est-il inéluctable ? Non. La France a su renaître. Mais les réformes ne suffiront pas. Il faut une révolution idéologique. Récompenser ceux qui bâtissent, non ceux qui réglementent. Oser faire, plutôt que planifier.

Sinon, les créateurs continueront de s’éclipser. Et la France, lentement mais sûrement, poursuivra son effacement. Non dans le fracas. Mais dans le silence du renoncement.

La Grève : Atlas Shrugged

Price: 35,90 €

25 used & new available from 25,00 €

Rappel à l’ordre

Le niveau baisse ! Alors, ce sont les notes, que l’on « corrige »


C’est un jeu de rôles qui finit par être bien rodé. Le casting est toujours le même : d’un côté un inspecteur de lettres, contrôleur des bonnes mœurs pédagogiques, de l’autre un vilain professeur qui se refuse définitivement au confort de la soumission.

On ne change pas une équipe qui gagne

Et cette année comme les précédentes, le vilain professeur a reçu un message, minimalement courtois, l’enjoignant avec une inspectoriale fermeté de revoir sa notation des copies de BTS dont il venait de terminer la correction. Ai-je besoin de préciser que le vilain prof, c’est moi… 

Le rituel est toujours le même : nous autres professeurs subissons avant réception des copies une séance de brainwashing – moi aussi je peux faire du globish –, nous amenant à considérer que les normes orthographiques et syntaxiques doivent être globalement (sic) respectées et que de toute façon il faut se situer dans la moyenne atteinte lors de la session 2024. 

A lire aussi: Absents pour cause d’Aïd?

Le niveau des copies était très homogène. Les qualificatifs les plus synthétiquement adaptés à une juste perception des choses  seraient « effarant »,  « nullissime », « indigne »… C’est sans nuances mais hélas conforme au réel (je crois savoir qu’il est têtu !). On a affaire à des jeunes gens de vingt ans, bacheliers depuis deux ans, pour certains titulaires d’une mention, unanimement incapables d’élaborer une pensée et de construire une phrase correcte. Les deux inaptitudes vont d’ailleurs de pair et s’alimentent l’une l’autre. 

Fabrique du crétin

Voilà le fruit de décennies de déconstruction de l’apprentissage de la langue (jugé difficile et discriminant), validée par de nombreux enseignants depuis les petites classes, qui (se) font croire qu’on peut s’exprimer sans maîtriser la grammaire et l’orthographe. Ils se satisfont d’une bouillie qui ne ressemble à aucune langue connue, et vont parfois jusqu’à s’extasier sur une copie quand elle ne présente que dix fautes par page…Venez comme vous êtes, et surtout restez comme vous êtes. Pauvres élèves, que le laxisme maquillé en bienveillance abandonne à leur carence ! Rajoutez là-dessus la fin de la lecture, la prédominance des écrans, l’inertie intellectuelle, le mépris de tout effort… et vous comprendrez pourquoi votre fille est bébête. 

Une tête qui dépasse

À l’issue de la correction, il y eut donc échange entre l’inspecteur des bonnes manières et le vilain professeur. Le premier, sans connaissance aucune des copies évaluées, a trouvé injustifié l’écart entre la moyenne obtenue et celle des autres correcteurs. Le deuxième lui a répondu le message qui suit : « Les copies corrigées par mes soins obtiennent effectivement des résultats calamiteux… qui me paraissent pleinement justifiés au vu du niveau qu’elles révèlent presque toutes, tant en ce qui concerne le fond que la forme (degré zéro de la réflexion, absence de références, langue non maîtrisée jusque dans ses rudiments syntaxiques et orthographiques). 

A lire aussi, du même auteur: Confessions d’une truqueuse de notes

Je crois faire preuve d’une certaine honnêteté intellectuelle en évaluant à leur juste prix les travaux qu’on me soumet, sans chercher à m’illusionner sur leurs vertus pour atteindre à toute force une moyenne préalablement établie. Un certain nombre de collègues, de leur propre aveu, s’autocensurent afin de n’être pas rappelés à l’ordre à l’issue de leur correction. Pour ma part, j’ai la faiblesse de m’accrocher encore à une certaine forme de déontologie dont je sais pourtant qu’elle n’est plus de saison. 

Bien sûr je remonterai les notes de deux points, il n’y a pas de raison que les étudiants passés par moi ne soient pas trompés comme les autres sur leur niveau réel, mais j’aurai en le faisant la désagréable impression de contrevenir aux principes de tout professeur qui se respecte et de contribuer à mon corps défendant au discrédit de l’institution tout entière.  

Je récupère les copies de bac dans quelques jours. M’est avis qu’on reverra le même film. 

«Pride de Corse»: quand les associations importent des marcheurs

Pas assez de militants LGBT+ sur place ? L’Etat en fait venir d’ailleurs.


Début 2019, Marlène Schiappa annonçait à Valeurs Actuelles un projet ministériel de Gay Pride à Ajaccio, court-circuitant la communauté homosexuelle insulaire, réticente. L’Inter-LGBT calme alors le tollé naissant sur les réseaux sociaux en ramenant l’affaire à une « boutade » que la secrétaire d’Etat aurait prise au sérieux.

Comment fabriquer à grand frais des mouvements LGBT+ « locaux »

C’était faux : la Dilcrah, organisme anti-discrimination du gouvernement, est alors engagée dans la création artificielle de mouvements LGBT+ régionaux. Les préfectures lancent ainsi de très officiels appels à projet pour subventionner le montage de « Marches des fiertés », souvent squelettiques, mais prétextes à structurer le milieu homosexuel local en associations : les conseils préfectoraux Dilcrah (« CORAHD ») disposent alors de relais locaux à qui confier missions, interventions dans les écoles, etc.

A lire aussi: Touche pas à ma pute (nouvelle saison!)

Dans les zones très conservatrices où les volontaires manquent, autre méthode : parachuter des activistes chevronnés issus des grandes associations parisiennes. Avec des fonds Dilcrah, ils montent sur place des évènements coûteux (concerts, invitation de célébrités) qu’ils feront passer pour « locaux » en ne reculant devant aucune grosse ficelle. La Pride des champs organise un « concours du plus beau tracteur », la Pride des banlieues défile – sous lourde protection des forces de l’ordre – « contre la répression policière »… les indigènes ne s’y laissent pas prendre, et les audiences sont d’abord faibles. Dilcrah et préfectures n’y attachent que peu d’importance : l’essentiel est de créer des « interlocuteurs associatifs » LGBT+, et de les insérer dans le tissu administratif départemental (rectorat, collectivités) pour travailler progressivement l’opinion.

Un fiasco en Corse… compensé avec encore plus d’argent public

Montée selon ce plan, la « Pride de Corse » va vite mal tourner. Schiappa a vendu la mèche : les insulaires comprennent vite que la nouvelle association LGBT+ « corse », l’Arcu est dirigée depuis Paris par des cadres militants LGBT+ (Inter-LGBT, Act-Up…). Nés sur l’île, ils l’ont cependant quittée depuis longtemps et accumulent les impairs. Lobbying autoritaire des députés insulaires pour le vote de la PMA, altercation dans un bar aussitôt transformée en ratonnade « homophobe » impliquant tout un village, tentative de cancel d’universitaires corses… les méthodes de mise au pas woke, efficaces dans la capitale, ne leur valent sur l’île que rire ou mépris. Leurs Prides seront un fiasco : deux cent marcheurs en 2023, à peine cent cinquante en 2024, alors même que l’extrême-gauche avait été appelée en renfort. La greffe n’a pas visiblement pas pris.

A lire aussi: Rendez-nous Nicolas Bedos !

La préfecture n’a cependant pas attendu pour réagir. Début 2024, l’Agence Régionale de Santé Corse, présidée par le préfet de région, fait créer sa propre association dotée de forts moyens, « C3S ». Sans en porter le nom, celle-ci va assurer les missions d’un « centre LGBT+ mobile », dispositifs installés par l’Etat dans certaines campagnes françaises : van parcourant l’île avec son drapeau arc-en-ciel à la rencontre des minorités sexuelles, organisation d’évènements communautaires drag, etc. Le tout sous prétexte de « santé sexuelle » – vieille ruse de langage militante pour amalgamer prévention légitime (IST, violences conjugales) et idéologie LGBT+, justifiant ainsi de les faire financer de concert par le contribuable.  C3S finance aussi des podcasts se proposant ouvertement d’inculquer « la théorie du genre » aux petits Corses « dès le plus jeune âge ».

Naîtra aussi « U Soffiu », une nouvelle association « bénévole », en fait très liée à l’ARS : elle et C3S vont en mai-juin 2025 organiser sans les annoncer de très controversés évènements drag devant des enfants, mettant les Corses devant le fait accompli. Quant à la Pride 2025, plus aucun risque d’échec : on amènera à Bastia des manifestants par bus, par train avec billet offert… et on en invitera même depuis la Sardaigne. Arrivés sur place, ils auront deux heures d’atelier pour préparer leurs pancartes, matériel et assistance fournis. Leur effort se bornera donc à marcher cinq cent mètres sous le beau soleil de Méditerranée, avant d’aller profiter des animations municipales gratuites, la date étant opportunément choisie pour coïncider avec la fête de la Musique.

Tout cela est financé par de l’argent public : des collectivités locales, de la Dilcrah, mais aussi (pour C3S) détourné du secteur médical régional : ARS et CPAM de Corse-du-Sud. Que les hôpitaux de l’île soient dans le rouge, au bord de l’explosion, n’aurait-il aucune importance ? L’Etat français a-t-il décidé que la conversion idéologique des Corses passait avant leur santé ?

Frères musulmans: l’heure de la riposte républicaine a-t-elle vraiment sonné?

La France retire enfin le « masque » des Frères musulmans et entend s’attaquer aux racines du mouvement extrémiste. Mais beaucoup d’observateurs craignent qu’il ne soit déjà trop tard. Analyse


Longtemps, la France a toléré les activités sociales des associations islamiques sur son sol. Mais elle découvre aujourd’hui que nombre d’entre elles ne sont que des façades du mouvement des Frères musulmans, organisation classée terroriste dans plusieurs pays. Face à cette infiltration, Paris a entamé une vaste opération de « levée du masque », visant à neutraliser l’influence des Frères musulmans sur les plans financier, politique et social.

Une prise de conscience tardive mais déterminée

La classe politique et la société française ont été prises de court par l’emprise grandissante de l’organisation. Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » recommande l’instauration de nouveaux mécanismes pour endiguer la propagation de l’idéologie radicale des Frères, notamment au sein des communautés arabes, considérées comme particulièrement vulnérables à leur discours.

La langue arabe, enjeu stratégique

Pour faire barrage aux idées des Frères musulmans, le rapport précité propose d’enseigner la langue arabe dans les écoles publiques. Ce savoir, souvent monopolisé par des associations religieuses affiliées aux Frères, aurait servi, selon plusieurs études, à diffuser leur idéologie. Une initiative cependant accueillie avec froideur par le gouvernement : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a rappelé que la priorité restait la maîtrise de la langue française.

Pourtant, comme le souligne Le Parisien, l’arabe demeure très peu enseigné dans l’enseignement secondaire (à peine 3% des collèges et lycées), alors même qu’elle est la deuxième langue la plus parlée en France, avec près de 4 millions de locuteurs. Dès 2018, l’Institut Montaigne alertait sur l’usage instrumental de l’enseignement de l’arabe par les Frères pour enrôler les nouvelles générations dans une vision radicale de l’islam, et recommandait déjà son intégration dans le système scolaire public.

Une idéologie insidieuse

Le Figaro relate un incident survenu dans un club de football parisien, où un jeune entraîneur a tenu un discours religieux à des enfants avant un entraînement, prônant la soumission à Dieu au lieu de parler de sport. Ce discours faisait référence au concept de « souveraineté divine » (al-hâkimiyya), central dans l’idéologie des Frères musulmans. Selon cette vision, les lois humaines sont inférieures à la « loi divine », ce qui conduit les adeptes à rejeter les institutions démocratiques, considérées comme « impies ».

À lire aussi, Dominique Labarrière : Absents pour cause d’Aïd?

Alerté, un parent d’élève a déposé plainte. L’enquête qui a suivi a mis au jour un réseau lié aux Frères musulmans, actif dans plusieurs clubs sportifs, visant à diffuser leur idéologie sous couvert d’activités éducatives ou récréatives.

Des rapports des services de renseignement, publiés notamment sur le site Public Sénat, montrent que cet enracinement n’est pas ponctuel mais bien organisé, avec une stratégie d’infiltration des structures sociales, culturelles et éducatives dans l’objectif de pénétrer les institutions publiques.

Une menace « douce » mais réelle

Face à cette montée en puissance, le gouvernement français a décidé de ne plus se contenter d’une surveillance passive. Il s’agit désormais, selon les autorités, de « mener une guerre » contre cette organisation qualifiée de « secrète, clandestine et subversive », qui utilise les libertés démocratiques pour fragiliser la République de l’intérieur.

Macron monte au front

Le 21 mai, à l’issue d’une réunion du Conseil de défense, le président Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de prendre des mesures concrètes pour enrayer l’expansion de l’influence des Frères musulmans. L’Élysée a publié un communiqué soulignant la gravité du phénomène, considéré comme une menace pour la cohésion nationale.

Des mesures complémentaires seront examinées courant juin. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déclaré que les Frères musulmans représentent une « menace directe pour la République », et qu’ils œuvrent à « déconstruire le tissu social et saper les valeurs de la société française ». Les autorités envisagent notamment de tarir les financements étrangers du mouvement et de le priver de relais politiques et sociaux.

Une idéologie enracinée dans le radicalisme

Depuis sa fondation en Égypte en 1928, la confrérie a adopté une stratégie d’infiltration progressive. Mais c’est avec les écrits de Sayyid Qutb, figure majeure du mouvement, que son projet théocratique a pris une tournure ouvertement violente. Dans son ouvrage Jalons sur la route, Qutb affirme que les sociétés musulmanes vivent dans une nouvelle « jahiliyya » (ignorance) car elles n’appliquent pas la charia selon ses critères.

Il y prône la constitution d’une élite croyante séparée du reste de la société, et légitime l’usage de la violence pour renverser les régimes jugés impies. Son idéologie, bien que reniée officiellement par certains cadres des Frères musulmans, est devenue la matrice idéologique de nombreux groupes terroristes, comme Daech ou Al-Qaïda, qui justifient la violence extrême et le rejet de l’ordre établi.

En Égypte, ces idées ont nourri la formation de la Jama’a islamiya, responsable de l’assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981, après avoir combattu Israël en 1973 et signé un traité de paix controversé. Plus tard, Ayman al-Zawahiri, proche de Qutb, fondera le Jihad islamique égyptien, avant de devenir le bras droit d’Oussama ben Laden au sein d’Al-Qaïda.

Gentleman cambrioleur

0
Le journaliste et écrivain Angelo Rinaldi prenant la pose en 1995 © BERTRAND/NECO/SIPA

Angelo Rinaldi fut un critique littéraire redouté. D’anciens et (parfois) féroces textes sont republiés. L’œuvre de l’écrivain a été marquée par la solitude, la foi tourmentée et un culte du style, se remémore notre chroniqueur.


Angelo Rinaldi est mort le 7 mai 2025. Sa disparition a suscité de nombreux témoignages touchants, de Pierre Michon à Stéphane Barsacq, en passant par Louis-Henri de la Rochefoucauld. Il était né à Bastia, le 17 juin 1940, un jour avant le fameux appel du général de Gaulle invitant à résister et ne pas coucher avec le pétainisme dont nous ne sommes pas totalement sortis. Rinaldi était gaulliste de gauche, mais anti-Mitterrand, n’oubliant jamais ses origines modestes. Il était devenu le sniper de Saint-Germain-des-Prés, exécutant ce qu’il pensait être les fausses valeurs de la littérature contemporaine. Pour lui, un écrivain, c’était ça : « Une voix, un style, un tempérament, une expérience, un inconscient, des impressions d’enfance. » Le style, surtout. Alors ce salarié de la critique, qui avait débuté comme chroniqueur judiciaire à Nice matin, tirait sur les invalides de l’oreille – car un style, ça se reconnait à l’oreille. J’avoue avoir un peu de mal à évoquer avec détachement Rinaldi, même si je devine derrière son regard noisette – le regard des tireurs d’élite – et ses jugements assassins une grande sensibilité portée sur la mélancolie, et une non moins grande solitude.

Légende noire

J’ai cherché des éléments biographiques sur le net. J’ai trouvé un long témoignage sur le site de L’Express, mais l’un de ses fidèles amis, qui lui a rendu visite à la Fondation Rothschild et l’a accompagné au seuil de la mort, m’a dit que le texte était diffamatoire. Un peu de mal, donc, à en parler, même si son ultime livre, Les roses et les épines, un recueil de ses plus percutantes chroniques, m’y pousse, car mes amis littéraires, ceux qui, avec leurs livres, vous soutiennent dans les moments de dépression, ont été, peu ou prou, malmenés – le terme se veut modéré – par Rinaldi. Je me souviens de la remarque de Michel Déon : « Rinaldi tire sur tout ce qui le dépasse. Et comme il mesure 1m50 ! »

A lire aussi : Maximilien Friche ou la folle espérance d’un salut par le Verbe

Dans le recueil, Rinaldi est fidèle à sa légende noire. Il ne loupe jamais sa cible. C’est féroce, le trait d’humour ne manque pas, et c’est, reconnaissons-le, parfois subtil. Rinaldi est un écorché vif, érudit, au fond peut-être pas si méchant que ça. Mais sa souffrance, dont j’ignore exactement l’origine, finit par le rendre exaspérant. Et c’est une erreur, car l’autre face du personnage est plutôt attachante. Je veux parler du Rinaldi romancier. Dans ses critiques, il lui arrive de glisser une confidence. Il faut être attentif, et éviter de tempêter contre lui, quand il dégomme un auteur qu’on révère – Simenon, Sollers, Robbe-Grillet, Claude Simon (grand styliste pourtant), etc. À propos d’Albert Camus, rangé dans la catégorie des auteurs qu’il aime « un peu », il y a cet aveu : « La pauvreté, quand on l’a connue dans l’enfance, avec son cortège de menues humiliations, ayant la même vertu que les sacrements, sépare à jamais de ceux qui ne l’ont pas subie, quelle que soit la suite. » Et d’ajouter : « Il aura manqué au génie de Sartre de ne pas s’être lavé ce que je pense dans l’évier de la cuisine. »

Cambriolages

L’un des fils rouges suivi par Rinaldi, une sorte d’idée fixe, reste le déchirement intérieur que vit le croyant homosexuel ; la foi inébranlable, écartelée par la passion non avouable – et condamnée par le Code pénal jusqu’en 1982. Le seul écrivain, selon lui, qui ait résolu le dilemme de la Croix et de la chair, c’est Marcel Jouhandeau – chaque année je lui rends visite au cimetière de Montmartre. Dans son article daté du 12 août 1974, Rinaldi rappelle l’estime littéraire qu’il porte à l’auteur des Journaliers : « Avec ses malices, ses tourments religieux, son appétit de jouissance, son perpétuel balancement entre les garçons, dont la beauté le damne, et Dieu, dont la beauté l’absout. »

Si Rinaldi, souvent, nous crispe, il lui arrive de nous faire sourire. Par exemple, quand il résume l’œuvre de Le Clézio : « Dans l’ensemble, les ouvrages de M. Le Clézio font songer au bulletin de la météo quand le présentateur annonce une persistance du temps couvert avec passage de très belles éclaircies. » Ou encore lorsqu’il l’achève d’une balle dans la tête en le comparant à « du Saint-John Perse délavé ». Très vite, cependant, notre esprit s’assombrit. À propos de Claude Simon, alors que ses analyses psychologiques ne manquent pas de pertinence, Rinaldi frise la faute de goût : « L’ensemble, à l’exception de quelques moments de lyrisme, est d’un laborieux qui exclut le moindre souffle de grâce. »

A lire aussi: La réussite a-t-elle un âge?

Tout cela, au fond, n’a guère d’importance aujourd’hui. Rinaldi et ses cibles appartiennent à un même monde avec des approches, non plus opposées, mais complémentaires. Ses chroniques nous permettent de garder l’œil sur le meilleur des uns et des autres. Car Rinaldi avait ses écrivains de cœur, à commencer par Céline, dont il a su percevoir l’essence de son œuvre : « (…) il a besoin de l’horrible pour nourrir sa verve, satisfaire son appétit de désastres, (…) il n’est à l’aise que dans la malédiction et la boue dont il pétrit ses livres. » Ce monde, quand Rinaldi était le critique le plus redouté de France – à L’Express, au Figaro littéraire – comprenait environ 10 000 lecteurs – des lecteurs capables de lire aussi bien Gracq que Sollers. Ce « chiffre d’or » n’a sûrement pas augmenté. Il aurait même tendance à avoir maigri. Or l’affaiblissement de la lecture produit de très bons esclaves.

Angelo Rinaldi était très subjectif, il ne s’en cachait pas. Lui qui avait fini par rejoindre les rangs de l’Académie française, après avoir obtenu le Prix Femina en 1974, écrivait, lucide, le 10 novembre 1989 : « Dans le livre qu’on visite – qu’on cambriole, en fait – on laisse ses empreintes digitales aux inspecteurs de la postérité dont le flair ne sera pas forcément supérieur au nôtre. »

Angelo Rinaldi, Les roses et les épines, Chroniques littéraires, Éditions des instants. 272 pages

Les roses et les épines

Price: 21,00 €

9 used & new available from 15,51 €

De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

0
Catherine Deneuve à Cannes © Joel C Ryan/Invision/AP/SIPA

En marge du Festival de Cannes, 900 artistes du cinéma ont publié une tribune condamnant le « silence » sur le« génocide » à Gaza. Parmi eux, Catherine Deneuve. Le président d’Avocats sans frontières n’en est toujours pas revenu.


J’ai beau l’avoir prédit, j’en suis quand même un peu surpris.

Dans mon Journal de guerre, j’écrivais dès le 10 octobre 2023 : « J’entends ici prendre date. Le grand pogrom commis par les islamonazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. Et le chef de l’armée israélienne ne sera pas Montgomery, mais Rommel. Tsahal sera la Reischwehr. »

Car je connaissais mes classiques : entre une armée de soldats juifs blancs en uniforme et une troupe de terroristes basanés en haillons, je savais bien vers qui le cœur à gauche malade de l’idéologie médiatique n’allait pas tarder à balancer. Le tout fouetté par le Nombre et l’Argent. Et je savais aussi que la riposte juive de l’État pogromisé n’allait pas être plus timide que celle des alliés d’hier au-dessus de l’Allemagne hitlérienne ou de la France occupée, ou plus tard au-dessus de Raqqa. Et je savais aussi que les tueurs de gamins ou les violeurs de femmes se terraient sous les hôpitaux, les écoles et les mosquées, à jouer à qui perd ses enfants gagne.

Mais je suis tout de même un peu surpris. Je savais pour Mélenchon, je savais pour Le Monde et pour Libération. Mais Catherine Deneuve… Qui dans une de ces pétitions où le monde artistique sait montrer son courage depuis l’occupation ose le mot « génocide ». Je ne pourrais plus jamais écouter comme avant l’air des Parapluies.

A lire aussi : Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

Pour le reste, point de surprise. Le Monde reprend les bilans victimaires de la « Défense civile » en dissimulant qu’il s’agit du Hamas. France Inter les reprend comme s’il s’agissait du Journal officiel sans même donner leur source. Et tant pis si j’ai déjà fait condamner cette pratique par l’Arcom. Pourquoi voulez-vous qu’elle s’amende puisqu’elle n’en reçoit pas ? Quant à son responsable de politique internationale, Pierre Haski (ancien de Libération et vice-président de Reporters sans frontières), il a réussi l’exploit journalistique de consacrer mercredi matin un éditorial évidemment et unilatéralement critique à Israël, sans dire un mot sur l’attentat terroriste au cri de « Free Palestine » au musée juif de Washington. Il n’a donc pas pu dire que les deux Israéliens assassinés étaient membres de l’AJC, une organisation progressiste et pacifiste.

Pour finir par France 2, la chaîne enchaînée par l’idéologie, laisse passer sans s’excuser un Ardisson comparant Gaza à Auschwitz, égaré par un docteur Pitti, faux humanitaire mais vrai admirateur du Hamas qui avait, lui, comparé Gaza au ghetto de Varsovie. Ardisson, au moins, a demandé pardon.

Je me console comme je peux en pensant que, pour pouvoir continuer à crier « Free Israël », il vaut tout de même mieux gagner la guerre réelle que l’ingagnable guerre médiatique. 

Journal d'un prisonnier

Price: 20,00 €

35 used & new available from 4,49 €

Pourquoi les anges volent-ils?

0
D.R

Il avait des lettres, mais n’était pas un homme de lettres, enclin qu’il était plutôt, en prévision d’un prochain petit creux, à fourrer des petits fours dans ses poches lors de cocktails qui, pour être mondains, n’étaient en fait point de son monde.

Sa vie, il nous la relata au travers de divers récits tous aussi foutraques qu’endiablés, et toujours vernis à l’acide encaustique comme dirait ma concierge, à l’enseigne de ses différents postes : Vacances en Indo, Vacances à Saint-Tropez, Vacances au Tchad, enfin (de carrière), Vacances au Conseil d’Etat. Par son épouse avait-il ses entrées dans la famille gaulliste, lui-même se classant plutôt parmi les gaulliens critiques. À un moment, s’estimant suffisamment rompu à gratter des arrêts et histoire de se changer les idées (à défaut de pouvoir, on n’a pas dit influencer mais influer sur celles de ses collègues), et alors que la France cherchait à se doter d’un nouveau Haut-Commissaire en Nouvelle-Calédonie, il candidata auprès de Dominique de Vilpin, lequel, à défaut d’idées, lui aurait bien fait changer d’air, si le sien d’air, en l’occurrence, – et en toutes les autres que peut bien rencontrer dans sa carrière un haut magistrat de l’ordre administratif -, n’avait été si original.

A lire aussi, Jonathan Siksou: La boîte du bouquiniste

En l’espèce, nous retrouvons (feu) notre conseiller d’État, plus sans horaires qu’honoraire, dans la peau du ci-devant Romain de Cherchemidi, en goguette dans un genre Club Med, entouré d’une cour gouailleuse : une Josiane, genre cagole de Marseille sous les traits d’une piquante beurette multifonctionnelle, comme on ne dit plus, une Juliette, sous-préfète de Condom-sur-Baïse, dans le Gers. En arrière-plan (cul ou platonique), comme il se doit, on retrouve au téléphone (portable) la Comtesse, née Diane de Bonneval, alias Théodrade Bichette de Bonménage, Gros Lapin, le bon ami comme on ne dit toujours plus de Josiane, et Monsieur Pichegru, époux légitime de la sous-préfète.

Seules les mauvaises langues et les mauvais critiques soutiendront que cette littérature-là ne mange pas de pain. Au contraire, pour qui sait la lire, a-t-elle la consistance, le moelleux et la drôlerie roborative de la vraie vie délicatement pince-sans-rire.


Dans la même veine (parfois de sang bleu) s’inscrit le dernier opus en date du Petit théâtre de Rouart qu’il nous est donné, quoique différemment, d’apprécier tout autant que le grand.

Ici, sans l’écrire, je dis je. Voici les clefs, opératives diraient certains, qui, à l’unisson du rythme d’un Labiche, d’un Courteline ou, à un moindre degré, de Roger Vitrac, permettent de renvoyer à l’Histoire ou à l’actualité certains personnages. Le Président, c’est ce président de chambre de cour d’appel, du genre grand bourgeois, pas mauvais dans le fond, mais prêt à presque tout pour être promu. On a compris que toute la nuance, ou toute la comédie, ou toute la tragédie, comme vous voudrez (ou, plutôt, comme le voudra le fatum des dieux qui sont en l’espèce l’auteur même) tient dans ce « presque », oscillant entre les termes de ce triptyque qui a nom « mission, compromission, corruption », le tout sous les auspices de l’ambition. Ce personnage, nombre d’entre nous l’ont croisé ou y ont eu affaire. Eugénie, l’épouse du Président, revêt bien des traits de la mère de l’auteur, ce dernier nous écrivant qu’elle « est bonté même » ; c’est là en effet sa signature, et nous la laissons donc sans jugement moral aucun gentiment s’encanailler avec Roman Popovitch, l’immigré de service, « vingt-cinq ans, très beau, SDF yougoslave [yougoslave ? Et pourquoi donc, si ce n’est pas inconsciente réminiscence du Delon de l’affaire Markovic] », bien-nommé homme à tout faire de la maison qui « se lave en plein vent au robinet de la cour. » Chez Pierre, il y a du Rouart au même âge (25 ans), quelqu’un, comme on dit, qui se cherche, et son contraire aussi : une passion pour l’ébénisterie, activité à laquelle Augustin Rouart voulut un temps que son fils se consacra. Virginie, la fille de la maison, a, comme de coutume, fait « peu d’études » et ne connaît que peu de centres d’intérêt. À l’image des jeunes filles de son temps, elle ne voit pas où le mal, pour ne pas dire qu’elle ne voit pas grand-chose.

Après avoir lu ces deux pièces, on songe à ce mot qu’on devrait graver au fronton de tous les cimetières, de tous les théâtres, et qu’aimait à citer Jean d’Ormesson : Pourquoi les anges volent-ils ? Parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère.


Romée de Bellescize, VOUS ICI, Monsieur le Conseiller d’Etat ! Quelle surprise ! – Pièce en treize actes et en prose – Anne Rideau éditions, 178 pages.

Vous ici, Monsieur le Conseiller d'Etat ! Quelle surprise !

Price: ---

0 used & new available from

Jean-Marie Rouart, Drôle de justice, – Pièce en trois actesAlbin Michel, 178 pages.

Drôle de justice

Price: 14,00 €

20 used & new available from 9,90 €

Catholicisme et communisme

0
Valère Saraselski © D.R.

Un roman magistral, édifiant ; voilà ce que propose Valère Staraselski avec Les Passagers de la cathédrale, une sorte de Neveu de Rameau à cinq personnages qui dialoguent sur le catholicisme et le communisme, la vie et la mort. L’extrême gauche radicale et intolérante va râler. C’est fait pour. 


Avec Les passagers de la cathédrale, son dernier livre, Valère Staraselski nous propose une sorte de Neveu de Rameau. Mais ici, ils ne sont pas deux à dialoguer, mais cinq, quatre hommes et une femme : François Koseltzov, un double de l’auteur, Louis Massardier, un ancien universitaire, communiste à l’ancienne, Darius, ami iranien de François (il a passé dix-huit mois dans les geôles de Khomeiny), Thierry Roy alias Chéri-Bibi gardien au musée Carnavalet, et Katiuscia Ferrier, une jeune femme très sensuelle et délicieuse. Ils échangent aux abords de la cathédrale de Meaux, ou au bord du canal de l’Ourcq. Ils évoquent la vie, la mort, la foi, la politique ; ils sont tous chamboulés par l’incendie de Notre-Dame de Paris. Dans leurs propos, il est souvent question du catholicisme et du communisme, de l’engagement. Explications de l’auteur.


« Un peuple sans mémoire est un peuple sans défense… »

Causeur. Pourquoi ce roman ? Et comment est-il né ?

Valère Staraselski : La littérature sert, me semble-t-il, à montrer ce qu’on ne voit pas très bien. Après l’incendie de Notre-Dame de Paris en 2019, en proie à une indicible stupeur mêlée de tristesse et de révolte, moi le communiste athée, j’ai écrit un article Les Passagers de la cathédrale paru dans L’Humanité et La Croix où je disais que « l’intense émotion qui frappe les catholiques s’étend non seulement aux autres croyants mais bien plus largement à celles et ceux en qui les valeurs humanistes sont ancrées. » L’article est devenu un roman-contrepied de contre-vérités sur notre histoire assénées par des politiques à court terme (pléonasme aujourd’hui) et des intellectuels médiatiques triomphants qui commettent l’erreur de penser que l’on peut ignorer notre héritage. Exemple, sur la négation des racines chrétiennes de l’Europe se dresse fort heureusement un Pierre-Henri Tavoillot : « Oui, la civilisation européenne est bien l’héritière du christianisme. Bien sûr cette civilisation européenne a aussi connu le racisme, le sexisme, le colonialisme comme toutes les autres. En revanche, c’est la seule dans toute l’histoire de l’humanité, qui les a dépassés. Or, on s’acharne aujourd’hui à la haïr pour ce qu’elle a été la seule à dénoncer. » Dans la clairière de Châteaubriant où l’on honore toujours les 27 otages fusillés par les troupes d’occupation allemandes en octobre 1941, j’ai appris, très jeune, qu’un peuple sans mémoire est un peuple sans défense…

Est-ce exagéré de dire que vous faites un parallèle entre le catholicisme et le communisme ?

Dans le roman, je rapporte ce que m’a dit Bernard Marris un soir : « Le communisme n’est qu’un christianisme athée. » Il l’a d’ailleurs écrit. Il y a eu les distanciations et condamnations récurrentes de l’Eglise contre l’émergence, puis contre les expériences communistes. Expériences qui se sont trop souvent révélées, pour le moins, comme des religions sans miséricorde. Mais le communisme ne peut se ramener à une pédagogie établie sur des massacres comme le catholicisme ne peut se réduire à Torquemada ou à l’élimination des Incas. En outre, je constate qu’il y a aujourd’hui de plus en plus de jeunes, parmi de nombreux autres catéchumènes, militants communistes qui affichent leur foi. L’un d’eux, qui se destine à entrer dans les ordres monacaux, a rédigé la préface de mon Voyage à Assise (N.D.L.R. : Bérénice éditions nouvelles ; 45 p. ; 10 € ; mars 2025). A ce propos, écoutons, Paul Vaillant-Couturier dans Au service de l’esprit en 1936 : « Le capitalisme entend faire du ventre, le principal organe de l’humanité, et transformer l’esprit en marchandise. Sous son règne, toutes les valeurs immatérielles sont devenues des marchandises. Le capitalisme avilit la morale. Il s’attaque aux valeurs les plus sacrées comme un acide. Il dissout la moralité ! Les communistes (…) se sentent très près des bâtisseurs de cathédrales. » En 1970, le dirigeant communiste Jean Kanapa déclarait quant à lui : « Nous ne parviendrons à construire le socialisme en France que lorsque nous saurons intégrer réellement les données positives de la culture chrétienne à celles du marxisme. » Ça vient de loin et de nos jours, ça reprend assez fort.

« Calvin a facilité l’essor du capitalisme »

Vos personnages sont attachants ; plus vrais que nature. Comment définiriez-vous Louis Massardier, « l’homme de la tempête et de la cathédrale » ?

Si les personnages ont de l’épaisseur, c’est que l’écrivain s’oublie pour observer… Massardier ? Une centrale nucléaire de vie, une tour Montparnasse de culture, un maelstrom d’intelligence doté d’un cœur qui bat très fort. Un honnête homme ce Massardier qui lit Marx et Louis Aragon mais aussi Barrès et Alain de Benoist.

À lire aussi : Maximilien Friche ou la folle espérance d’un salut par le Verbe

Vous dites de lui que c’est un communiste mais « à long terme ». Qu’entendez-vous par là ?

Les humains ont créé le catholicisme où l’Alliance (invention juive), ce contrat avec une instance supérieure appelée Dieu, est réalisée par le Christ qui lance : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir.  » Mais le fait nouveau est que l’Alliance selon le Christ a pour moteur l’amour. Si ce n’est pas révolutionnaire, ça ! Massardier, vieux militant communiste français, pense qu’il n’y a pas de raison que nous ne parvenions, à terme, à dépasser la ploutocratie pour une « société réglée » dont parle Antonio Gramsci. D’ailleurs, a-t-on vraiment le choix si nous ne voulons pas que l’autodestruction en cours l’emporte ?

François Koseltov ? Ne serait-ce pas un peu votre double ?

Un peu, oui, il y a longtemps…

Vous égratignez un peu le protestantisme en rappelant – à juste titre – que Calvin serait à l’origine du prêt avec intérêt ; pouvez-vous revenir sur cette affirmation ?

Pour l’Eglise, il fallait prêter sans rien attendre en retour car dans la Bible le prêt avec intérêt est inique aux yeux de Dieu. Dans sa Lettre sur l’usure (1545), Calvin a légitimé l’usure du versement d’un intérêt dans le cas d’un prêt productif servant à financer la création d’un surcroît de richesse. Le Vatican le rendra licite en 1917 et l’Eglise catholique ne lèvera sa condamnation du prêt à intérêt qu’en 1930. S’il ne l’a pas provoqué, Calvin a facilité l’essor d’un capitalisme certes créateur mais aussi prédateur faute de contre-pouvoir…

Quel est votre préféré : Dieu ou Marx ? Et pourquoi ?

Pardon, mais je n’esquive pas la question : Pierre Paolo Pasolini. Parce qu’il a amorcé dans sa vie comme dans son œuvre ce que le philosophe Slavoj Zizek défend : « Oui, le marxisme est dans le droit fil du christianisme ; oui, le christianisme et le marxisme doivent combattre main dans la main, derrière la barricade, les nouvelles spiritualités. L’héritage chrétien authentique est bien trop précieux pour être abandonné aux freaks intégristes. » Comment ne pas songer au Compromis historique entre le Parti communiste italien et la Démocratie chrétienne avorté par l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges alliées objectives des intérêts américains ? Si on ne rabat pas tout sur le sociétal et sur une vision anachronique de l’Histoire comme le fait pour l’essentiel la Doxa gauchiste qui occupe des avant-postes médiatiques et a confisqué bien des pouvoirs depuis des décennies, il faut bien reconnaître que l’Eglise catholique, apostolique et romaine contemporaine s’est placée depuis quelque temps déjà dans le camp progressiste. Heureusement qu’elle est là !

L’intolérance ambiante

Quelle est la part de réalité dans notre roman ? Vous résidez à Meaux ; Chéri-Bibi ressemble fortement à l’un de vos amis, gardien de musée… Et les autres (Massardier, Darius, etc.) vous ont-ils été inspirés par des êtres existants ou sont-ils le fruit d’une pure fiction ?

Toute la réalité, rien que la réalité, je le jure, revue et présentée via l’imaginaire. Mais la réalité tout entière dans « le roman où mentir permet d’atteindre la vérité » nous rappelle Aragon.

Jean-Luc Mélenchon, très ému après le témoignage d’une musulmane lors de la marche contre l’islamophobie, Paris, 27 avril 2025 © SEVGI/SIPA

Que pensez-vous de la gauche actuelle ? Et de Mélenchon ?

Quand j’étais jeune, on taxait la droite de la plus bête du monde. Ça s’est inversé. Et salement ! À gauche, le peuple a été évacué, la direction des partis de gauche (à l’exception du Parti communiste profond) sont confisqués par les représentants des couches moyennes supérieures qui, pour se donner le beau rôle, sont prêts à tous les dénis et les compromissions possibles, n’hésitant pas à jouer la logique des extrêmes.  Cette « petite gauche », triomphante aujourd’hui, est limitée et fière de l’être et le paie cash dans les urnes. Mélenchon n’est, selon le mot de Nietzche, que « le comédien de son idéal ». Seulement son idéal n’est commandé que par la vanité. Ce personnage, qui fascine les foules du ressentiment, est donc non seulement vain et destructeur pour son propre camp mais néfaste et dangereux pour la France.

À lire aussi : Boileau et Narcejac – Les maîtres du suspense

Ne pensez-vous pas que la société actuelle souffre d’une terrible intolérance ? Les gens d’opinions différentes ne se parlent plus… Contrairement à autrefois juste après mai 68. Pourquoi ?

L’intolérance bien réelle, vous avez raison, est la marque d’un repli qui s’explique, selon moi, par une atomisation de la société où seule la lutte de tous contre tous supplante le besoin de vie commune.

Quels sont vos écrivains préférés ?

En ce moment, Hans Fallada, Panaït Istrati… L’incipit des Chardons du Baragan du Roumain Istrati : « Au ciel et sur la terre, la vie reprenait sa marche, élevait ses chants sincères, appelait au bonheur – pendant que l’homme semait la mort et descendait plus bas que l’animal. »

Un prochain livre ?

Oui, mais les obstacles seront nombreux, alors chut. Si, une chose encore : dans ce monde impossible, un roman est un signe de possible vie.


Les Passagers de la Cathédrale, Valère Staraselski ; le cherche midi ; 246 p.

Les passagers de la cathédrale

Price: 19,80 €

16 used & new available from 9,20 €

Voyage à Assise, Valère Staraselski ; Bérénice éditions nouvelles ; 45 p.

Voyage a Assise

Price: ---

0 used & new available from

Jésus-Christ, scénariste hollywoodien

0
Arnold Schwarzenegger dans "The Terminator" (1984) © REX FEATURES/SIPA

Pierre Joncquez explore dans son nouvel ouvrage l’influence originale des Évangiles dans le cinéma hollywoodien. Des films populaires des années 80 et 90, apparemment éloignés de tout message religieux, contiennent en fait de nombreuses références bibliques.


Pierre Joncquez vient de publier aux Éditions Salvator un ouvrage sur l’étonnante inspiration d’Hollywood par les Évangiles. L’auteur présente cette hypothèse avec brio et beaucoup d’esprit. 

Malgré quelques controverses sur sa paternité, le cinéma est bien une invention française, et le marché a largement été dominé à ses débuts par les productions françaises et européennes. Mais le retard a vite été rattrapé quand quelques pionniers américains se sont installés sous le soleil californien, dans les environs de Los Angeles, aux côtés des parcelles d’une promotion immobilière nommée « Hollywood », à la recherche de luminosité, mais surtout d’absences de syndicats sur la côte ouest et à l’abri de la pression des taxes du trust Edison qui avait le monopole de la vente de pellicule…

L’immense historien du cinéma, Georges Sadoul (1904-1967) a relaté avec précision les débuts de l’art et de l’industrie du cinéma. Il rappelle notamment ce qu’il nomme « La première crise du cinéma de 1907-1908 » alors que celui-ci stagnait comme un divertissement de foires : « Beaucoup croyaient le cinéma prêt à mourir. Des salles obscures se vidaient et faisaient faillite. La “crise du sujet“ avait sa part dans cette décadence ».

Les Européens vont être dans les premiers à proposer de véritables histoires pour scénariser les films. Les Américains vont suivre et avec le succès que l’on sait, faisant en sorte que Hollywood domine encore de nos jours largement le marché mondial de l’audiovisuel et aussi l’imaginaire collectif…

Pas tout de suite évident…

Mais où aller chercher ces histoires racontées sur grand écran ? Dans un premier temps on se tourne vers la littérature, à l’image du projet français « Film d’Art » pour lequel on fait appel à Anatole France ou Edmond Rostand.

Et quelle plus universelle littérature que celle des Évangiles ? Si tant est qu’on accepte ces dernières davantage comme des biographies antiques…

Il n’est donc pas si étonnant de trouver des éléments évangéliques dans les histoires racontées par le cinéma, surtout depuis que celui-ci est dominé par les États-Unis, un pays qui bien que « laïque », donne une place et une visibilité très importante à la religion, essentiellement chrétienne, dans la sphère publique.

Pierre Joncquez recherche et trouve surtout des références aux Évangiles dans des films hollywoodiens auxquels on ne penserait pas immédiatement – Cela serait trop simple avec « Les Dix commandements » de Cecil B. DeMille (1956) ou « La Passion du Christ » de Mel Gibson (2004)… 

A lire aussi : « Mission impossible, The Final Reckoning » : Ne boudons pas notre plaisir !

Pierre Joncquez cible ainsi des films « cultes », issus de la culture populaire « VHS » des années 80 et 90, qui ne semblent pas forcément avoir de lien avec les Évangiles de « Piège de cristal » (1988) en passant par le dessin animé « Le Roi lion » (1994) et jusqu’à « La soupe aux choux » (1981), oui oui… (Seule exception à l’origine nord américaine des films présentés).


En lisant les chapitres dédiés à chaque film, on peut être sceptique au départ et se dire qu’il s’agit de simples coïncidences, voire de biais cognitifs de l’auteur, car il est toujours possible de trouver des détails dans une œuvre pouvant être orientés dans le sens de notre propos…

Et pourtant, on adhère rapidement aux démonstrations de Pierre Joncquez dont les recherches sont érudites et documentées, tout en n’étant jamais pontifiantes, mais au contraire pleines d’humour – On trouve même un tableau synthétique de la « continuité » entre Moïse, Jésus et… Superman pour sa version cinématographique de 1978 !

À chaque chapitre, on est curieux et en attente de voir comment l’auteur va arriver à nous convaincre de l’influence plus ou moins cachée des Évangiles dans une superproduction hollywoodienne que rien ne disposait à porter un message biblique…

Objectif caché ?

C’est ainsi que l’auteur compare par exemple le film de science-fiction « Terminator » (1984) à l’annonciation, le film d’action « Piège de cristal » (1988) à la Passion du Christ, la comédie « Un jour sans fin » (1993) à la purification de l’âme au purgatoire, etc.  

Peut-il s’agir d’un objectif non avoué d’évangélisation par les majors hollywoodiennes ?

L’influence quasi officielle de la religion dans le cinéma américain appartient normalement au passé. Le temps du Code Hays, du nom du sénateur et président de l’association des producteurs et distributeurs américains, qui a imposé des recommandations morales et une autocensure puritaine au cinéma entre les années trente et cinquante, est révolu.

Mais il peut s’agir d’une sorte de cryptomnésie, la mémorisation inconsciente qui réapparaît, comme cela arrive parfois à des artistes de bonne foi. Ou bien, s’agit-il simplement de la preuve que la Bible reste une influence majeure des scénaristes et « La plus grande histoire jamais contée » du nom du film de 1965 de George Stevens…

Touchdown: Journal de guerre

Price: 12,00 €

3 used & new available from 2,61 €

Ce que je reproche le plus à Nétanyahou

0
Le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou s'exprime lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 21 mai 2025 © Ronen Zvulun/AP/SIPA

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise.


C’est un dimanche de fin mai sous une lumière grise, dans les allées des Buttes-Chaumont (19e arrondissement). Un homme, au crépuscule de sa vie, habillé avec soin, portant la kippa, me salue et engage la discussion. À la fin de notre échange, nos deux mains se serrent. C’est un lien d’humanité, d’émotion partagée, dans une époque qui peut de nouveau faire la bascule et mener au pire.

Le vieux monsieur aux yeux si clairs voulait me remercier pour mes propos « équilibrés et raisonnables » sur le conflit israélo-palestinien. Il a aussi exprimé son désaccord « total » avec la stratégie militaire du gouvernement Nétanyahou. J’ai écouté et peu parlé. Puis, je nous ai simplement souhaité « le meilleur ». En empoignant mes deux mains, il a répondu : « J’ai espoir… j’ai espoir. »

Alors que le carnage et la dévastation se poursuivent à Gaza, et que les objectifs de guerre du gouvernement israélien ne sont plus la libération des otages, mais l’occupation de l’enclave et de la Cisjordanie, est-il possible de critiquer Israël sans être accusé d’antisémitisme ? De dire que jamais, par le passé, l’extrême droite israélienne, avec Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir aux affaires, n’avait eu une telle influence ? Et qu’avec eux et Benjamin Nétanyahou, le gouvernement israélien est devenu le principal adversaire d’Israël ?

À lire aussi : Israël contre l’islamisme: un réveil pour la France endormie?

Est-il possible de faire la distinction entre les criminels du Hamas, responsables du pogrom du 7-Octobre, et la population civile de Gaza qui vit un véritable enfer depuis plus de vingt mois ? Pour certains, il n’y a pas de civils palestiniens innocents. Tous, y compris les enfants, seraient une seule et même menace, celle d’une Palestine de « la rivière à la mer ». Les terroristes du Hamas n’ont-ils pas beaucoup à gagner face à une telle rhétorique ? C’est ce que je reproche le plus à Nétanyahou : d’avoir fait le choix des islamistes du Hamas et non celui de l’Autorité palestinienne, de n’avoir jamais privilégié une solution à deux États, de poursuivre cette guerre pour se maintenir au pouvoir, d’isoler dramatiquement son pays sur la scène internationale, d’être le Premier ministre israélien d’une monstrueuse défaite politique et morale.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, il faut aussi dire la faillite et le déshonneur des Insoumis et de celles et ceux qui, à gauche, pour des raisons électoralistes, n’acteraient pas une rupture définitive avec LFI. La nazification d’Israël est une saloperie sans nom. Faire de tous les juifs les responsables de la politique du gouvernement Nétanyahou en est une autre. L’antisémitisme n’est en rien « résiduel ». Il est le poison de l’époque qui vient s’il continue à s’installer ici et ailleurs. Si la gauche se cherche quelques combats à mener, celui-ci est à prendre à bras-le-corps, car il dit le monde que nous voulons et celui dont nous ne voulons pas. Il dit ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas.

C’est déjà pas mal par les temps que nous traversons…

Atlas baisse les bras… et la France aussi 

0
Emmanuel Macron au salon viva technology (2025) © Stephane Lemouton/SIPA

Dans la course à l’innovation, la France semble se retirer doucement mais résolument du jeu, se désole notre contributrice, expatriée aux Etats-Unis. La France ne bénéficie ni de l’autoritarisme productif de la Chine, ni du dynamisme individualiste des États-Unis. L’État y est omniprésent mais impuissant. 


Alors que le président de la République participait, le 5 mai, à la conférence « Choose Europe for Science » et qu’il avait accueilli quelques semaines plus tôt, au Grand Palais, « le sommet de l’IA », exemple de planification à la française où l’on se gargarise d’objectifs mondiaux et de promesses d’investissements, une question persiste : ces grandes messes ont-elles réellement le pouvoir de susciter le succès ?

Stagnation

Selon un rapport de l’OCDE publié en mars 2025, la dépense intérieure brute en recherche et développement a baissé en France de 0,5 % en 2023, tandis que la Chine enregistrait une hausse de 8,7 % et les États-Unis une progression plus modeste de 1,7 %.

D’après les données du Nature Index, qui classe les pays selon le nombre d’articles publiés dans des revues scientifiques prestigieuses, la France stagne depuis une dizaine d’années à la sixième place, avec une production en recul constant. Pendant ce temps, la Chine caracole en tête.
Dans le domaine des modèles d’intelligence artificielle, ChatGPT incarne la suprématie technologique des États-Unis, tandis que la Chine concentre 15 % des entreprises mondiales du secteur et arrive en tête des dépôts de brevets.

La France ne bénéficie ni de l’autoritarisme productif de la Chine, ni du dynamisme individualiste des États-Unis. L’État y est omniprésent mais impuissant. Le secteur privé est toléré mais suspecté. Les intellectuels sont admirés mais sous-financés.

Lorsque je découvris La Grève (Atlas Shrugged), dont m’avait parlé une collègue américaine, cette dystopie d’Ayn Rand érigée en hommage à l’individu créateur, je fus d’abord frappée de n’en avoir jamais entendu parler, malgré sa notoriété : il est considéré comme l’ouvrage le plus influent aux États-Unis après la Bible. Je ne m’attendais pas non plus à y trouver une grille de lecture aussi éclairante pour comprendre le déclin de la France en matière d’innovation.

Le titre français, La Grève, est d’ailleurs révélateur. Dans l’imaginaire collectif français, la grève évoque spontanément une lutte sociale, menée par des ouvriers réclamant justice face à des employeurs perçus comme cupides. Or, le roman de Rand met en scène une dynamique tout autre : il ne s’agit pas d’une révolte mais d’un retrait volontaire de ceux qui soutiennent le monde en créant. Les « Atlas », métaphores des esprits productifs et novateurs, cessent d’agir parce que leur attachement à la création matérielle est méprisé. En ce sens, le titre français trahit un malentendu culturel : l’œuvre ne décrit pas une action collective et revendicative, mais une abdication individuelle, presque stoïcienne, face à un monde devenu hostile à l’excellence.

Le vaccin qui n’a jamais vu le jour

Vue d’outre-Atlantique, où je travaille désormais, l’érosion de la France n’est plus une impression diffuse mais une réalité saisissante. L’échec à produire un vaccin anti-Covid, en pleine urgence mondiale, quand les États-Unis, la Chine ou la Russie y sont parvenus, ne relève pas seulement d’un déficit de performance. Il révèle un mal plus profond : la France semble se retirer doucement mais résolument du jeu.

A lire aussi, Alexandre Dufosset : Partenariat stratégique UE-Asie centrale: quand la Commission européenne ignore la leçon du Mercosur…

En pleine pandémie, il n’était pas absurde d’espérer que la France, patrie de Louis Pasteur, figure parmi les nations à l’avant-garde. Pourtant, le vaccin de Sanofi connut des retards avant d’être relégué, et l’Institut Pasteur abandonna discrètement son candidat après des résultats décevants en phase précoce. Certains ont imputé cet échec à la complexité réglementaire, au manque d’investissement ou à un malheureux concours de circonstances. Peut-être…

Dans son roman, Ayn Rand décrit un monde où les créateurs de génie se retirent, non par protestation, mais par lassitude. Fatigués d’être dénigrés pour leur égoïsme matérialiste et entravés par un système qui punit l’excellence et récompense la médiocrité, ils disparaissent.

Un système qui punit l’excellence

La France s’enorgueillit d’un modèle censé conjuguer solidarité sociale et dynamisme économique. Mais en pratique, on se retrouve dans une situation absurde où le mérite, érigé en valeur suprême, devient suspect dès qu’il débouche sur la réussite, notamment financière. J’ai longtemps cru à ce système.  

À mon arrivée aux États-Unis, je contemplais avec méfiance cette société qui valorise intensément le travail, jusqu’à soupçonner les nécessiteux d’être responsables de leur sort. Je percevais cette idéologie méritocratique poussée à l’extrême comme un aveuglement cruel.
Je portais encore en moi cette lecture française selon laquelle le succès est le fruit des privilèges, et la richesse, donc, doit être redistribuée.

Mais il y a en France cette méfiance profonde envers la richesse, renforcée par la Révolution française, qui a désigné les riches comme ennemis a priori du peuple. Qu’ils soient aristocrates d’hier ou bourgeois d’aujourd’hui, ils portent l’héritage d’un ordre injuste.
Il existe peut-être aussi une dimension plus spirituelle. En France, fille aînée de l’Église, l’austérité est perçue comme vertu et la richesse comme facteur de corruption, conformément à la morale catholique. À l’inverse, les États-Unis, héritiers de l’éthique protestante du travail (selon Max Weber), valorisent l’effort comme devoir moral et considèrent la réussite comme le juste fruit du labeur : travailler et innover justifient un revenu plus élevé.

Ce contraste explique peut-être pourquoi, en France, les entrepreneurs doivent se justifier de leur succès, alors qu’aux États-Unis, on leur demande simplement comment ils y sont parvenus.

Logicisme

Dans Atlas Shrugged, Rand tourne en dérision l’éloge de la médiocrité et l’adoration de l’absurde. Elle met en scène un intellectuel vantant la restriction de la commercialisation des ouvrages… surtout ceux qui se vendent trop bien. Cela rappelle certains événements récents en France, où des auteurs confidentiels bénéficient d’une large couverture médiatique tandis qu’une chaîne populaire se voit supprimée.

Plus encore, Rand décrit un monde où, au nom d’un altruisme dévoyé, les dirigeants imposent l’arrêt d’industries prospères, sacrifiant toute amélioration matérielle. Cela rappelle le démantèlement du fleuron nucléaire français, ou encore l’obligation faite à EDF de vendre son électricité en dessous de ses coûts.

A lire aussi, Jean-Jacques Netter : Le mur des comptes

Quand on m’interrogea sur l’échec vaccinal français, je pensai à cette obsession nationale pour les belles théories. À cette manie de préférer l’élégance conceptuelle à l’expérimentation. À ces virologues défendant une stratégie originale mais sans doute difficile à mettre en œuvre dans des délais aussi courts : vacciner par voie nasale. Pendant ce temps, Pfizer, pragmatique, lançait ses essais cliniques sur une technologie déjà maîtrisée. Ce qui manque en France, c’est peut-être cette humilité propre aux entrepreneurs : essayer, se tromper et apprendre de ses erreurs.

Rigidité

Où sont passés nos Atlas français, les Eiffel, Schneider, Blériot, Dassault ? Autrefois, l’innovation passait par l’industrie lourde, aux cycles longs et à fort ancrage national. Aujourd’hui, elle repose sur les technologies dématérialisées et le capital-risque, qui exigent une flexibilité dont la France manque cruellement.

Je ne m’attarderai pas sur la rigidité du droit du travail ou sur le poids de l’administration, déjà dénoncés par Bernard Arnault ou François-Henri Pinault. Je préfère souligner ce qui, dans la culture, bride les esprits créatifs.

Mon parcours, de la recherche en neurosciences à la médecine, puis à la microbiologie, est vu en France comme erratique. Aux États-Unis, il est perçu comme adaptatif et courageux.
Ici, des parents organisent des levées de fonds pour que les élèves créent de vraies mini-entreprises. Gagner de l’argent n’est pas honteux.

J’ai aussi été frappée par la liberté de ton de jeunes techniciens, souvent étudiants, interrogeant un chercheur invité avec une acuité remarquable. En France, nos amphis restent figés et les étudiants notent en silence.

C’est ce climat où l’initiative est valorisée plus que l’évitement de l’erreur, qui nourrit l’innovation. Le drame du vaccin français ne réside pas dans l’absence de talents, mais dans un système qui étouffe l’audace et bride l’imagination.

Vers un réveil ?

La pensée d’Ayn Rand n’est pas exempte de critiques. Son rejet de l’altruisme est moralement discutable, et sa vision dystopique caricaturale. Mais sa défense de l’esprit créateur et sa mise en garde contre les belles âmes qui sacrifient l’individu au nom d’un idéal abstrait restent puissantes. Sa « grève des cerveaux » a déjà commencé en France, non par des disparitions spectaculaires, mais par une migration discrète ou un renoncement intérieur.

Ce qui frappe, c’est le silence autour de ce livre en France. Aucune traduction pendant un demi-siècle. Rand reste méconnue. Même les féministes l’ignorent, alors que son héroïne, Dagny Taggart, refuse de céder, raisonne en termes d’action et incarne une féminité sans culpabilité.

Rand était juive, et dans le judaïsme, l’homme n’est pas fait pour contempler le monde, mais pour le transformer. Atlas Shrugged se moque du fatalisme dont l’intellectuel s’entoure pour justifier son apathie.

Le déclin est-il inéluctable ? Non. La France a su renaître. Mais les réformes ne suffiront pas. Il faut une révolution idéologique. Récompenser ceux qui bâtissent, non ceux qui réglementent. Oser faire, plutôt que planifier.

Sinon, les créateurs continueront de s’éclipser. Et la France, lentement mais sûrement, poursuivra son effacement. Non dans le fracas. Mais dans le silence du renoncement.

La Grève : Atlas Shrugged

Price: 35,90 €

25 used & new available from 25,00 €

Rappel à l’ordre

0
Cannes, 2024 © SYSPEO/SIPA

Le niveau baisse ! Alors, ce sont les notes, que l’on « corrige »


C’est un jeu de rôles qui finit par être bien rodé. Le casting est toujours le même : d’un côté un inspecteur de lettres, contrôleur des bonnes mœurs pédagogiques, de l’autre un vilain professeur qui se refuse définitivement au confort de la soumission.

On ne change pas une équipe qui gagne

Et cette année comme les précédentes, le vilain professeur a reçu un message, minimalement courtois, l’enjoignant avec une inspectoriale fermeté de revoir sa notation des copies de BTS dont il venait de terminer la correction. Ai-je besoin de préciser que le vilain prof, c’est moi… 

Le rituel est toujours le même : nous autres professeurs subissons avant réception des copies une séance de brainwashing – moi aussi je peux faire du globish –, nous amenant à considérer que les normes orthographiques et syntaxiques doivent être globalement (sic) respectées et que de toute façon il faut se situer dans la moyenne atteinte lors de la session 2024. 

A lire aussi: Absents pour cause d’Aïd?

Le niveau des copies était très homogène. Les qualificatifs les plus synthétiquement adaptés à une juste perception des choses  seraient « effarant »,  « nullissime », « indigne »… C’est sans nuances mais hélas conforme au réel (je crois savoir qu’il est têtu !). On a affaire à des jeunes gens de vingt ans, bacheliers depuis deux ans, pour certains titulaires d’une mention, unanimement incapables d’élaborer une pensée et de construire une phrase correcte. Les deux inaptitudes vont d’ailleurs de pair et s’alimentent l’une l’autre. 

Fabrique du crétin

Voilà le fruit de décennies de déconstruction de l’apprentissage de la langue (jugé difficile et discriminant), validée par de nombreux enseignants depuis les petites classes, qui (se) font croire qu’on peut s’exprimer sans maîtriser la grammaire et l’orthographe. Ils se satisfont d’une bouillie qui ne ressemble à aucune langue connue, et vont parfois jusqu’à s’extasier sur une copie quand elle ne présente que dix fautes par page…Venez comme vous êtes, et surtout restez comme vous êtes. Pauvres élèves, que le laxisme maquillé en bienveillance abandonne à leur carence ! Rajoutez là-dessus la fin de la lecture, la prédominance des écrans, l’inertie intellectuelle, le mépris de tout effort… et vous comprendrez pourquoi votre fille est bébête. 

Une tête qui dépasse

À l’issue de la correction, il y eut donc échange entre l’inspecteur des bonnes manières et le vilain professeur. Le premier, sans connaissance aucune des copies évaluées, a trouvé injustifié l’écart entre la moyenne obtenue et celle des autres correcteurs. Le deuxième lui a répondu le message qui suit : « Les copies corrigées par mes soins obtiennent effectivement des résultats calamiteux… qui me paraissent pleinement justifiés au vu du niveau qu’elles révèlent presque toutes, tant en ce qui concerne le fond que la forme (degré zéro de la réflexion, absence de références, langue non maîtrisée jusque dans ses rudiments syntaxiques et orthographiques). 

A lire aussi, du même auteur: Confessions d’une truqueuse de notes

Je crois faire preuve d’une certaine honnêteté intellectuelle en évaluant à leur juste prix les travaux qu’on me soumet, sans chercher à m’illusionner sur leurs vertus pour atteindre à toute force une moyenne préalablement établie. Un certain nombre de collègues, de leur propre aveu, s’autocensurent afin de n’être pas rappelés à l’ordre à l’issue de leur correction. Pour ma part, j’ai la faiblesse de m’accrocher encore à une certaine forme de déontologie dont je sais pourtant qu’elle n’est plus de saison. 

Bien sûr je remonterai les notes de deux points, il n’y a pas de raison que les étudiants passés par moi ne soient pas trompés comme les autres sur leur niveau réel, mais j’aurai en le faisant la désagréable impression de contrevenir aux principes de tout professeur qui se respecte et de contribuer à mon corps défendant au discrédit de l’institution tout entière.  

Je récupère les copies de bac dans quelques jours. M’est avis qu’on reverra le même film. 

«Pride de Corse»: quand les associations importent des marcheurs

0
Image d'illustration.

Pas assez de militants LGBT+ sur place ? L’Etat en fait venir d’ailleurs.


Début 2019, Marlène Schiappa annonçait à Valeurs Actuelles un projet ministériel de Gay Pride à Ajaccio, court-circuitant la communauté homosexuelle insulaire, réticente. L’Inter-LGBT calme alors le tollé naissant sur les réseaux sociaux en ramenant l’affaire à une « boutade » que la secrétaire d’Etat aurait prise au sérieux.

Comment fabriquer à grand frais des mouvements LGBT+ « locaux »

C’était faux : la Dilcrah, organisme anti-discrimination du gouvernement, est alors engagée dans la création artificielle de mouvements LGBT+ régionaux. Les préfectures lancent ainsi de très officiels appels à projet pour subventionner le montage de « Marches des fiertés », souvent squelettiques, mais prétextes à structurer le milieu homosexuel local en associations : les conseils préfectoraux Dilcrah (« CORAHD ») disposent alors de relais locaux à qui confier missions, interventions dans les écoles, etc.

A lire aussi: Touche pas à ma pute (nouvelle saison!)

Dans les zones très conservatrices où les volontaires manquent, autre méthode : parachuter des activistes chevronnés issus des grandes associations parisiennes. Avec des fonds Dilcrah, ils montent sur place des évènements coûteux (concerts, invitation de célébrités) qu’ils feront passer pour « locaux » en ne reculant devant aucune grosse ficelle. La Pride des champs organise un « concours du plus beau tracteur », la Pride des banlieues défile – sous lourde protection des forces de l’ordre – « contre la répression policière »… les indigènes ne s’y laissent pas prendre, et les audiences sont d’abord faibles. Dilcrah et préfectures n’y attachent que peu d’importance : l’essentiel est de créer des « interlocuteurs associatifs » LGBT+, et de les insérer dans le tissu administratif départemental (rectorat, collectivités) pour travailler progressivement l’opinion.

Un fiasco en Corse… compensé avec encore plus d’argent public

Montée selon ce plan, la « Pride de Corse » va vite mal tourner. Schiappa a vendu la mèche : les insulaires comprennent vite que la nouvelle association LGBT+ « corse », l’Arcu est dirigée depuis Paris par des cadres militants LGBT+ (Inter-LGBT, Act-Up…). Nés sur l’île, ils l’ont cependant quittée depuis longtemps et accumulent les impairs. Lobbying autoritaire des députés insulaires pour le vote de la PMA, altercation dans un bar aussitôt transformée en ratonnade « homophobe » impliquant tout un village, tentative de cancel d’universitaires corses… les méthodes de mise au pas woke, efficaces dans la capitale, ne leur valent sur l’île que rire ou mépris. Leurs Prides seront un fiasco : deux cent marcheurs en 2023, à peine cent cinquante en 2024, alors même que l’extrême-gauche avait été appelée en renfort. La greffe n’a pas visiblement pas pris.

A lire aussi: Rendez-nous Nicolas Bedos !

La préfecture n’a cependant pas attendu pour réagir. Début 2024, l’Agence Régionale de Santé Corse, présidée par le préfet de région, fait créer sa propre association dotée de forts moyens, « C3S ». Sans en porter le nom, celle-ci va assurer les missions d’un « centre LGBT+ mobile », dispositifs installés par l’Etat dans certaines campagnes françaises : van parcourant l’île avec son drapeau arc-en-ciel à la rencontre des minorités sexuelles, organisation d’évènements communautaires drag, etc. Le tout sous prétexte de « santé sexuelle » – vieille ruse de langage militante pour amalgamer prévention légitime (IST, violences conjugales) et idéologie LGBT+, justifiant ainsi de les faire financer de concert par le contribuable.  C3S finance aussi des podcasts se proposant ouvertement d’inculquer « la théorie du genre » aux petits Corses « dès le plus jeune âge ».

Naîtra aussi « U Soffiu », une nouvelle association « bénévole », en fait très liée à l’ARS : elle et C3S vont en mai-juin 2025 organiser sans les annoncer de très controversés évènements drag devant des enfants, mettant les Corses devant le fait accompli. Quant à la Pride 2025, plus aucun risque d’échec : on amènera à Bastia des manifestants par bus, par train avec billet offert… et on en invitera même depuis la Sardaigne. Arrivés sur place, ils auront deux heures d’atelier pour préparer leurs pancartes, matériel et assistance fournis. Leur effort se bornera donc à marcher cinq cent mètres sous le beau soleil de Méditerranée, avant d’aller profiter des animations municipales gratuites, la date étant opportunément choisie pour coïncider avec la fête de la Musique.

Tout cela est financé par de l’argent public : des collectivités locales, de la Dilcrah, mais aussi (pour C3S) détourné du secteur médical régional : ARS et CPAM de Corse-du-Sud. Que les hôpitaux de l’île soient dans le rouge, au bord de l’explosion, n’aurait-il aucune importance ? L’Etat français a-t-il décidé que la conversion idéologique des Corses passait avant leur santé ?

Frères musulmans: l’heure de la riposte républicaine a-t-elle vraiment sonné?

0
Bruno Retailleau photographié à la préfecture des Hauts-de-Seine, lors d'une réunion sur la lutte contre l'islamisme et le repli communautaire, le 26 mai 2025 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

La France retire enfin le « masque » des Frères musulmans et entend s’attaquer aux racines du mouvement extrémiste. Mais beaucoup d’observateurs craignent qu’il ne soit déjà trop tard. Analyse


Longtemps, la France a toléré les activités sociales des associations islamiques sur son sol. Mais elle découvre aujourd’hui que nombre d’entre elles ne sont que des façades du mouvement des Frères musulmans, organisation classée terroriste dans plusieurs pays. Face à cette infiltration, Paris a entamé une vaste opération de « levée du masque », visant à neutraliser l’influence des Frères musulmans sur les plans financier, politique et social.

Une prise de conscience tardive mais déterminée

La classe politique et la société française ont été prises de court par l’emprise grandissante de l’organisation. Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » recommande l’instauration de nouveaux mécanismes pour endiguer la propagation de l’idéologie radicale des Frères, notamment au sein des communautés arabes, considérées comme particulièrement vulnérables à leur discours.

La langue arabe, enjeu stratégique

Pour faire barrage aux idées des Frères musulmans, le rapport précité propose d’enseigner la langue arabe dans les écoles publiques. Ce savoir, souvent monopolisé par des associations religieuses affiliées aux Frères, aurait servi, selon plusieurs études, à diffuser leur idéologie. Une initiative cependant accueillie avec froideur par le gouvernement : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a rappelé que la priorité restait la maîtrise de la langue française.

Pourtant, comme le souligne Le Parisien, l’arabe demeure très peu enseigné dans l’enseignement secondaire (à peine 3% des collèges et lycées), alors même qu’elle est la deuxième langue la plus parlée en France, avec près de 4 millions de locuteurs. Dès 2018, l’Institut Montaigne alertait sur l’usage instrumental de l’enseignement de l’arabe par les Frères pour enrôler les nouvelles générations dans une vision radicale de l’islam, et recommandait déjà son intégration dans le système scolaire public.

Une idéologie insidieuse

Le Figaro relate un incident survenu dans un club de football parisien, où un jeune entraîneur a tenu un discours religieux à des enfants avant un entraînement, prônant la soumission à Dieu au lieu de parler de sport. Ce discours faisait référence au concept de « souveraineté divine » (al-hâkimiyya), central dans l’idéologie des Frères musulmans. Selon cette vision, les lois humaines sont inférieures à la « loi divine », ce qui conduit les adeptes à rejeter les institutions démocratiques, considérées comme « impies ».

À lire aussi, Dominique Labarrière : Absents pour cause d’Aïd?

Alerté, un parent d’élève a déposé plainte. L’enquête qui a suivi a mis au jour un réseau lié aux Frères musulmans, actif dans plusieurs clubs sportifs, visant à diffuser leur idéologie sous couvert d’activités éducatives ou récréatives.

Des rapports des services de renseignement, publiés notamment sur le site Public Sénat, montrent que cet enracinement n’est pas ponctuel mais bien organisé, avec une stratégie d’infiltration des structures sociales, culturelles et éducatives dans l’objectif de pénétrer les institutions publiques.

Une menace « douce » mais réelle

Face à cette montée en puissance, le gouvernement français a décidé de ne plus se contenter d’une surveillance passive. Il s’agit désormais, selon les autorités, de « mener une guerre » contre cette organisation qualifiée de « secrète, clandestine et subversive », qui utilise les libertés démocratiques pour fragiliser la République de l’intérieur.

Macron monte au front

Le 21 mai, à l’issue d’une réunion du Conseil de défense, le président Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de prendre des mesures concrètes pour enrayer l’expansion de l’influence des Frères musulmans. L’Élysée a publié un communiqué soulignant la gravité du phénomène, considéré comme une menace pour la cohésion nationale.

Des mesures complémentaires seront examinées courant juin. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déclaré que les Frères musulmans représentent une « menace directe pour la République », et qu’ils œuvrent à « déconstruire le tissu social et saper les valeurs de la société française ». Les autorités envisagent notamment de tarir les financements étrangers du mouvement et de le priver de relais politiques et sociaux.

Une idéologie enracinée dans le radicalisme

Depuis sa fondation en Égypte en 1928, la confrérie a adopté une stratégie d’infiltration progressive. Mais c’est avec les écrits de Sayyid Qutb, figure majeure du mouvement, que son projet théocratique a pris une tournure ouvertement violente. Dans son ouvrage Jalons sur la route, Qutb affirme que les sociétés musulmanes vivent dans une nouvelle « jahiliyya » (ignorance) car elles n’appliquent pas la charia selon ses critères.

Il y prône la constitution d’une élite croyante séparée du reste de la société, et légitime l’usage de la violence pour renverser les régimes jugés impies. Son idéologie, bien que reniée officiellement par certains cadres des Frères musulmans, est devenue la matrice idéologique de nombreux groupes terroristes, comme Daech ou Al-Qaïda, qui justifient la violence extrême et le rejet de l’ordre établi.

En Égypte, ces idées ont nourri la formation de la Jama’a islamiya, responsable de l’assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981, après avoir combattu Israël en 1973 et signé un traité de paix controversé. Plus tard, Ayman al-Zawahiri, proche de Qutb, fondera le Jihad islamique égyptien, avant de devenir le bras droit d’Oussama ben Laden au sein d’Al-Qaïda.