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Frères musulmans: l’heure de la riposte républicaine a-t-elle vraiment sonné?

Le 21 mai 2025, le gouvernement dévoilait le fameux rapport "Frères musulmans et islamisme politique en France"


Frères musulmans: l’heure de la riposte républicaine a-t-elle vraiment sonné?
Bruno Retailleau photographié à la préfecture des Hauts-de-Seine, lors d'une réunion sur la lutte contre l'islamisme et le repli communautaire, le 26 mai 2025 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

La France retire enfin le « masque » des Frères musulmans et entend s’attaquer aux racines du mouvement extrémiste. Mais beaucoup d’observateurs craignent qu’il ne soit déjà trop tard. Analyse


Longtemps, la France a toléré les activités sociales des associations islamiques sur son sol. Mais elle découvre aujourd’hui que nombre d’entre elles ne sont que des façades du mouvement des Frères musulmans, organisation classée terroriste dans plusieurs pays. Face à cette infiltration, Paris a entamé une vaste opération de « levée du masque », visant à neutraliser l’influence des Frères musulmans sur les plans financier, politique et social.

Une prise de conscience tardive mais déterminée

La classe politique et la société française ont été prises de court par l’emprise grandissante de l’organisation. Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » recommande l’instauration de nouveaux mécanismes pour endiguer la propagation de l’idéologie radicale des Frères, notamment au sein des communautés arabes, considérées comme particulièrement vulnérables à leur discours.

La langue arabe, enjeu stratégique

Pour faire barrage aux idées des Frères musulmans, le rapport précité propose d’enseigner la langue arabe dans les écoles publiques. Ce savoir, souvent monopolisé par des associations religieuses affiliées aux Frères, aurait servi, selon plusieurs études, à diffuser leur idéologie. Une initiative cependant accueillie avec froideur par le gouvernement : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a rappelé que la priorité restait la maîtrise de la langue française.

Pourtant, comme le souligne Le Parisien, l’arabe demeure très peu enseigné dans l’enseignement secondaire (à peine 3% des collèges et lycées), alors même qu’elle est la deuxième langue la plus parlée en France, avec près de 4 millions de locuteurs. Dès 2018, l’Institut Montaigne alertait sur l’usage instrumental de l’enseignement de l’arabe par les Frères pour enrôler les nouvelles générations dans une vision radicale de l’islam, et recommandait déjà son intégration dans le système scolaire public.

Une idéologie insidieuse

Le Figaro relate un incident survenu dans un club de football parisien, où un jeune entraîneur a tenu un discours religieux à des enfants avant un entraînement, prônant la soumission à Dieu au lieu de parler de sport. Ce discours faisait référence au concept de « souveraineté divine » (al-hâkimiyya), central dans l’idéologie des Frères musulmans. Selon cette vision, les lois humaines sont inférieures à la « loi divine », ce qui conduit les adeptes à rejeter les institutions démocratiques, considérées comme « impies ».

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Alerté, un parent d’élève a déposé plainte. L’enquête qui a suivi a mis au jour un réseau lié aux Frères musulmans, actif dans plusieurs clubs sportifs, visant à diffuser leur idéologie sous couvert d’activités éducatives ou récréatives.

Des rapports des services de renseignement, publiés notamment sur le site Public Sénat, montrent que cet enracinement n’est pas ponctuel mais bien organisé, avec une stratégie d’infiltration des structures sociales, culturelles et éducatives dans l’objectif de pénétrer les institutions publiques.

Une menace « douce » mais réelle

Face à cette montée en puissance, le gouvernement français a décidé de ne plus se contenter d’une surveillance passive. Il s’agit désormais, selon les autorités, de « mener une guerre » contre cette organisation qualifiée de « secrète, clandestine et subversive », qui utilise les libertés démocratiques pour fragiliser la République de l’intérieur.

Macron monte au front

Le 21 mai, à l’issue d’une réunion du Conseil de défense, le président Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de prendre des mesures concrètes pour enrayer l’expansion de l’influence des Frères musulmans. L’Élysée a publié un communiqué soulignant la gravité du phénomène, considéré comme une menace pour la cohésion nationale.

Des mesures complémentaires seront examinées courant juin. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déclaré que les Frères musulmans représentent une « menace directe pour la République », et qu’ils œuvrent à « déconstruire le tissu social et saper les valeurs de la société française ». Les autorités envisagent notamment de tarir les financements étrangers du mouvement et de le priver de relais politiques et sociaux.

Une idéologie enracinée dans le radicalisme

Depuis sa fondation en Égypte en 1928, la confrérie a adopté une stratégie d’infiltration progressive. Mais c’est avec les écrits de Sayyid Qutb, figure majeure du mouvement, que son projet théocratique a pris une tournure ouvertement violente. Dans son ouvrage Jalons sur la route, Qutb affirme que les sociétés musulmanes vivent dans une nouvelle « jahiliyya » (ignorance) car elles n’appliquent pas la charia selon ses critères.

Il y prône la constitution d’une élite croyante séparée du reste de la société, et légitime l’usage de la violence pour renverser les régimes jugés impies. Son idéologie, bien que reniée officiellement par certains cadres des Frères musulmans, est devenue la matrice idéologique de nombreux groupes terroristes, comme Daech ou Al-Qaïda, qui justifient la violence extrême et le rejet de l’ordre établi.

En Égypte, ces idées ont nourri la formation de la Jama’a islamiya, responsable de l’assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981, après avoir combattu Israël en 1973 et signé un traité de paix controversé. Plus tard, Ayman al-Zawahiri, proche de Qutb, fondera le Jihad islamique égyptien, avant de devenir le bras droit d’Oussama ben Laden au sein d’Al-Qaïda.




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Souad Sbai est une ancienne députée italienne d’origine marocaine, active dans la lutte contre les injustices faites aux femmes issues de l’immigration.

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