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Un peu de beauté dans un monde de brut

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Si l’Iran ne dispose (ou ne disposait) que « presque » de la bombe, elle possède, sans contestation possible, un des plus beaux et surtout un des plus riches musées d’art contemporain du monde.


Tout comme le centre Pompidou, le Téhéran Museum of Contempory Art a été inauguré en 1977. Avec, pour le TMoCA, un look nettement  moins « avant-gardiste » que l’usine à gaz parisienne.  Karam Diba, architecte du projet et cousin de la Chahbanou, s’est plutôt ingénié à contemporiser des éléments architecturaux traditionnels. Ce qui donne des badguirs, tours « attrape-vent », cohabitant fort harmonieusement  avec des blocs de béton-brut et des toits en cuivre.

Des espaces intérieurs d’exposition savamment pensés, un atrium spacieux avec un bassin rectangulaire inspiré des howz de l’architecture persane, des jardins organisés pour accueillir des sculptures contemporaines, le projet était sans conteste de faire jouer l’Iran dans la cour des grands. Avec un écrin à la hauteur de l’ambition.

Portrait lacéré

Et pour le contenu, Farah, aidée de Karam, avait constitué une collection considérée, à l’époque et encore aujourd’hui, comme la plus importante collection d’art contemporain tant oriental qu’occidental, hors Europe et États-Unis.

Deux petites années plus tard, fin du conte de fées. Mais, Téhéran n’est pas Bâmiyân, ayatollah n’est pas taliban. Même si la tentation est forte, aucun pillage, aucune exaction, à part un portrait lacéré : « Farah Diba by Andy Warhol ». Un jeune gardien œuvre au sauvetage des œuvres dans des circonstances rocambolesques et les trésors sont rangés dans les sous-sols. Les nouveaux maîtres congédient sans façon les experts des grandes maisons de vente, arrivés au pas de course, et ferment le palais au public. En veillant, au fil du temps, à tout bien préserver.

Tout doucement, le lieu commence à reprendre vie. Biennale des graphistes de Téhéran à partir de 1987. Biennale de la peinture iranienne à partir de 1993. Biennale internationale de l’illustration de livres pour enfants à partir de 1993. Biennale de la céramique contemporaine iranienne à partir de 1994. Triennale de sculpture contemporaine à partir de 1997. Biennale internationale de peinture dans le monde islamique à partir de 2000. Et aussi, quelques expositions thématiques : Miniatures persanes en 1990, Exposition internationale de dessin en 1999, Jardins d’Iran en 2004. Mais, rien d’échevelé. On est loin de ce qu’avaient prévu Farah et Karam.

En 1997, à l’arrivée à la présidence de Mohammad Khatami, l’intelligentsia artistique se prend à rêver. Des artistes iraniens incontestables (et octogénaires) ont droit à leur rétrospective : Mohsen Vaziri Moghaddam, Behjat Sadr, Morteza Momayez, Mansoureh Hosseini…

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Et, curieusement, le nouveau directeur, Alireza Sami Azar, qui dirigera aussi Tehran Auction (initiative privée lancée en 2012) organise une grande rétrospective… du Français Arman. Qui devient ainsi le premier artiste occidental à être réexposé en Iran depuis l’instauration de la République Islamique. Certes, « Le Cœur en Verre » (1969), bloc de résine avec objets incrustés, appartenait à la collection du TMoCA, mais sans vouloir minimiser le talent d’Arman, pourquoi l’avoir choisi quand on possède des Monet, des Gauguin, des Warhol, des Pollock, des Picasso, des Giacometti, des Magritte ? Pourquoi commencer par un nouveau réaliste et de surcroît pas le plus emblématique ? Peut-être tout simplement parce que Arman connaissait bien l’Iran et que l’Iran le connaissait bien. En 1958, il avait rallié Téhéran en 2CV pour rejoindre la mission archéologique d’un moine dominicain. Dans la foulée, il avait exposé une crèche de Noël, réalisée à partir d’éclats de verre et d’un ballon de football, au collège Saint Louis de Téhéran des Pères Lazaristes. Sa première exposition à l’étranger !

Train-train islamique

L’esprit d’ouverture est de courte durée. À partir de 2005, le musée retombe dans son train-train islamique : biennales sans réelles portées internationales, dessins de tapis… En 2014, surprise ! Une initiative inattendue change la donne. Pour « Unedited History, Iran 1960 – 2014 », le TMoCA accepte de prêter au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, deux cents peintures, photos, vidéos produites par des artistes iraniens historiques (Bahman Mohassess, Kaveh Golestan) et contemporains (Barbad Golshiri, Tahmineh Monzavi). L’exposition, qui permet de reconstituer un panorama de l’Iran des cinquante dernières années, se montre difficile à organiser mais a lieu. Et, c’est parti !

En 2015, le musée expose cent trente tableaux de la peintre iranienne, de renommée internationale, Farideh Lashai, récemment décédée, et surtout quarante œuvres d’artistes occidentaux. « Mural on Indian Red Ground » (1950) de Jackson Pollock, estimé à deux cent cinquante millions de dollars par Christie’s en 2010, « Suicide » (1963) d’Andy Warhol, de la série « Death and Disaster » (une pièce de cette série est partie à cent cinq millions de dollars chez Sotheby’s, en 2013). Que du lourd !

Nouvelle surprise en 2022. L’exposition « Minimalisme et art conceptuel » présente cent trente-deux œuvres (d’avant 1979 ) de trente-quatre artistes « contemporains »… plus vraiment contemporains : Marcel Duchamp, Sol LeWitt, Donald Judd, Christo et Jeanne-Claude, Michelangelo Pistoletto, Robert Smithson, Dan Flavin… Trente-huit œuvres sont montrées pour la première fois. Petite fantaisie de la modernité, l’exposition a le droit à son quart d’heure warholien. Une vidéo de deux insectes argentés, bien visibles sous le cadre en verre d’une photo signée Bernd et Hilla Becher, devient en effet virale worldwide. Un vrai ramdam. Peu habitué à la dictature des réseaux sociaux, le musée commence par nier la présence scandaleuse des deux intrus, refuse ensuite que l’authenticité de la vidéo soit vérifiée de manière indépendante. Puis finit par céder et présente ses excuses. Le musée est fermé pendant deux jours pour cause de… fumigation.

Puisse très bientôt le TMoCA proposer au monde entier des expositions et des performances qui décoiffent. Avec ou sans chiures de mouches. On ne fera pas les dégoûtés.

Le héros Bertin est immortel

Stéphane Oiry fait revivre la folle cavale du regretté Gilles Bertin, bassiste chanteur du groupe punk mythique Camera Silens. Ça déménage !


Fin des seventies ; début des eighties. De l’autre côté de la Manche, il y avait les Sex Pistols, Clash et Jam ; à Paris, Asphalt Jungle (de notre ami Patrick Eudeline), La Souris Déglinguée, Parabellum et les Porte-Mentaux. Et à Bordeaux, il y avait Camera Silens, un groupe anarcho-punk, composé de squatteurs urbains qui propulsaient un rock urgent, brutal comme une eau de vie de prune serbe, avec une Gibson SG qui dispensait des riffs d’acier en fusion…

A la basse et au chant de ce gang de fous furieux : Gilles Bertin, un blondinet à tête d’ange lestée de pensées abimées par les songes de Kropotkine. Ils donnent des concerts, connaissent un certain succès. Mais le Bertin, qui vient de devenir père, se lasse. Il devient cambrioleur ; puis il réussit un gros coup, un braquage du tonnerre et doit quitter la France pour échapper à la police. Il commence une nouvelle vie, tient une boutique de vente de disques à Lisbonne, change d’identité… 

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Tutoyer son héros

C’est cette cavale que raconte avec vivacité, panache et talent Stéphane Oiry dans son album Les héros du peuple sont immortels (nom d’un album compilation Gougnaf Mouvement). Il s’est inspiré de l’autobiographie de Gilles Bertin, Trente ans de cavale : ma vie de punk, parue en 2019 chez Robert Laffont, année de sa mort. Trois ans avant, il était revenu en France pour se livrer à la Justice qui, clémente (des juges rouges, d’anciens punks ?) ne l’avait condamné qu’à cinq ans de prison avec sursis. Il aurait pu profiter d’une vie tranquille mais ses excès divers, la shooteuse et l’hépatite l’ont rattrapé. Bertin est aujourd’hui au paradis des punk rockers au côté de Sid Vicious et de Schultz, de Parabellum. 

La ligne presque claire de Stéphane Oiry fait merveille ; sa narration aussi. Il tutoie même le Bertin ce qui procure une proximité avec nous, lecteurs épatés, anciens crêtés empâtés. A quand des albums sur Roland « Chamallow » Chamarat, bassiste des Rats, décédé en 2011, Roger « Schultz » Fritsch, chanteur guitariste de Parabellum, mort en 2014, et quelques autres, histoire de faire revivre nos années mortes ?


Les héros du peuple sont immortels, La cavale de Gilles Bertin, Stéphane Oiry ; Dargaud ; 128 p.

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Vinyles Vidi Vici

À bientôt 80 ans, « La tribune des critiques de disques » est la doyenne des émissions de Radio France. Chaque dimanche après-midi sur France Musique, critiques et musiciens animés par un idéal de beauté débattent interprétation et direction d’orchestre. Le public en redemande.


La France peut se prévaloir de certaines institutions sacrées sans lesquelles notre vie quotidienne serait insupportable. Parmi ces trésors nationaux, citons la Sécurité sociale, l’hôpital public et… France Musique ! Le soin du corps et le soin de l’âme. On n’en dira pas autant, hélas, de France Culture (devenue un clone de France Inter) dont on écoutait pourtant religieusement, à l’heure du déjeuner, le « Panorama » animé par Jacques Duchateau et Michel Bydlowski (qui en février 1998 se jeta par la fenêtre de son bureau de la Maison ronde après que la direction eut décidé de mettre fin à son émission jugée « trop élitiste »).

Un désert de culture

En 1987, le philosophe américain Allan Bloom publiait un livre prophétique (vendu à un million d’exemplaires) : L’Âme désarmée : essai sur le déclin de la culture générale (réédité aux Belles Lettres en 2019). Ce disciple de Leo Strauss décrivait comment les étudiants américains s’étaient peu à peu détournés de la grande culture classique européenne (Shakespeare et Beethoven) au profit de l’idéologie narcissique du développement personnel, se privant ainsi des armes essentielles qui leur auraient permis de résister à la barbarie de la société de consommation basée sur le pur affect. Quarante ans après, on ne peut que faire le même constat chez nous, tant paraît lointaine cette France où Delacroix et Berlioz ornaient nos billets de banque tandis que les classes populaires regardaient avec respect, à la télé, les « Dossiers de l’écran » (1967-1991) et « Alain Decaux raconte » (1969-1987).

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Dans ce désert, France Musique est une oasis culturelle où l’on vient s’abreuver, un petit Collège de France accessible à tous, chaque animateur possédant une voix, une diction, une personnalité, un talent de conteur qui tranchent avec le phrasé monocorde et blasé de la plupart des autres journalistes dont le discours est plus que jamais contaminé par les horripilants tics de langage à la mode (comme ce « du coup » à chaque phrase pour combler le vide de la pensée).

À côté de Bach et de Debussy, le jazz, le rock, la pop, la variété, la musique de film, les musiques du monde, la comédie musicale et les créations contemporaines sont très largement défendus avec une érudition toujours mise au service du plaisir.

La tribune des critiques de disques 

Et puis… il y a l’émission phare du dimanche après-midi que tous les mélomanes adorent « détester » depuis des lustres en buvant leur thé de Chine : « La tribune des critiques de disques » ! Créée en 1946 sous le nom de « Club des amateurs de disques », c’est la doyenne de Radio France (« Le masque et la plume » datant de 1955) et un vrai hymne au disque qui demeure une invention géniale : Le Chant de la Terre de Mahler par Bruno Walter et Kathleen Ferrier, Le clavier bien tempéré de Bach par Glenn Gould ou Kind of Blue de Miles Davis (enregistré en une seule prise) sont des œuvres d’art à part entière qui ont accompagné des millions de vies au même titre que les tableaux de Monet ou les romans de Stefan Zweig.

Au lendemain de la guerre, donc, voici un groupe de poètes animés par un idéal de beauté et pour qui la radio doit faire entrer la grande littérature et la grande musique dans les foyers des Français les plus modestes. Née en 1944, la Radiodiffusion française regroupe alors des gens comme Pierre Tchernia, Michel Bouquet, Raymond Queneau, Francis Ponge, Jean Tardieu, Boris Vian et un certain Armand Panigel qui voue une passion aux disques. C’est sous son impulsion que l’émission est créée, le principe étant de réunir les meilleurs critiques musicaux de l’époque et de les faire réagir à des écoutes de disques, en direct. Les discussions sont totalement improvisées, chacun donnant son avis dans un nuage de fumée de cigarettes et de pipes. Très vite, le succès est fulgurant, d’autant plus que naît au même moment l’âge d’or du disque vinyle (porté par les grandes stars françaises de l’époque comme Samson François, Jean-Pierre Rampal, Alexandre Lagoya et Maurice André qui vendent des millions d’albums) et qu’apparaissent ensuite simultanément la hi-fi, la stéréophonie et la modulation de fréquence pour un confort d’écoute optimale. Les joutes verbales passionnées entre les critiques musicaux (Jacques Bourgeois, Antoine Goléa, Jean Roy et Armand Panigel) deviennent célèbres pour leurs excès : « Tout ça est très bien mais c’est au fond une situation tragique : comment un criminel pareil peut-il arriver à être Leonard Bernstein ? » (Antoine Goléa)…

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Ces empoignades vont d’ailleurs inspirer à Jean Yanne un sketch fameux (deux routiers s’engueulant dans leur camion au sujet des quatuors de Beethoven) et poussent Peter Ustinov à parodier l’émission en imitant les voix de tous les critiques : « — Moi, je l’aime sans l’admirer. — Moi, je l’admire sans l’aimer. — C’est très mal fait, c’est mal calculé, et c’est beaucoup trop lent ! »

Depuis 2014, « La tribune des critiques de disques », animée avec enthousiasme par le musicologue et ancien directeur de Classica, Jérémie Rousseau, est suivie par 350 000 auditeurs tous les dimanches. L’écoute des disques à l’aveugle demeure la règle (comme on goûte des vins sans voir l’étiquette), mais les débats entre invités se font à fleuret moucheté, comme si les critiques d’aujourd’hui tendaient à choisir des versions consensuelles au détriment de versions plus radicales. On se surprend ainsi à parfois regretter la passion qui caractérisait l’émission quand certains ténors de la critique musicale (comme Patrick Szersnovicz, surnommé « Tchernobyl ») défendaient de façon volcanique leur version préférée. Avec sa chaude voix de baryton, Jérémie Rousseau a imprimé sa marque à la « Tribune » en invitant des musiciens et des chefs d’orchestre capables d’apporter au débat une vision plus pragmatique des chefs-d’œuvre. Grâce à lui, on a aussi pu découvrir ces dernières années des talents vivants prodigieux comme le pianiste coréen Yunchan Lim, incroyable dans les Études d’exécution transcendante de Liszt et auprès de qui Daniil Trifonov lui-même semble jouer comme un petit garçon bien sage… À l’approche de ses 80 ans, on ne peut que souhaiter longue vie à « La tribune des critiques de disques » !

France tv: un sens de l’éthique qui fait tiquer


Succédant à Anne-Sophie Lapix – celle-ci ayant été quelque onze années à la manœuvre – Léa Salamé va devenir prochainement le visage et la voix du 20 heures de France 2. D’aucuns, espiègles ou ronchons, au choix, ajouteraient au visage et à la voix ce qu’on peut appeler l’esprit maison. La maison en question étant le service public d’information. (Vous savez, celui qui fonctionne sur les sous du contribuable.) Le lecteur averti sait donc parfaitement de quel esprit il s’agit. C’est celui qui fait florès notamment dans les matinales de France Inter, où officiait jusqu’alors Madame Salamé, en compagnie de Patrick Cohen – qu’on ne présente plus – lui aussi pénétré comme il convient de ce même esprit.  

La continuité semble donc assurée. La bonne parole à l’office du matin de la Maison ronde, et désormais son prolongement vespéral sur France 2. On peut dire que, à environ une année d’une campagne électorale pour des présidentielles, ce coup stratégique doit être salué bien bas. Ceux qui se seraient aventurés à rêver d’une espèce de rééquilibrage idéologique au sein du service public d’info en sont donc pour leurs frais. L’ouverture n’est toujours pas de mise. 

Cependant, il y a mieux encore. La nouvelle icône du 20 heures de France 2 a pour compagnon un homme politique – de gauche, cela s’entend – dont il se dit qu’il pourrait être lui-même partant pour la course à l’Élysée. Rien d’illégal dans tout cela, bien évidemment. Mais curieux sens de l’éthique tout de même du côté de France Télévision. 

Je précise qu’il n’est absolument pas question pour moi – si peu que ce soit – d’émettre le moindre doute sur l’intégrité intellectuelle et morale de Léa Salamé. Elle est une vraie professionnelle et pratique sa discipline avec un indéniable talent. Il s’agit seulement de souligner ce qui pourrait plus ou moins s’apparenter, sinon à un conflit d’intérêt, du moins à un risque de rupture d’égalité.

À ce jour, le compagnon de la nouvelle recrue du 20 heures n’ayant nullement envisagé de se déporter, ayant même déclaré qu’il ne voyait aucun problème dans cette évolution de sa situation domestique, il semble donc acquis qu’il ne verrait là aucun obstacle à son éventuelle candidature.

Risque de rupture d’égalité, disais-je. 

En raison de son poste éminent, du fait de son rôle de vigie de l’actualité politique, la présentatrice vedette se trouvera tout naturellement et en permanence placée aux premières loges pour observer et connaître les manœuvres, les plans, les préparatifs, les adaptations de campagne des états-majors des concurrents.   

Certes ce serait tomber dans la facilité – diffamatoire au demeurant – de penser une seule seconde que la journaliste concernée pourrait être tentée d’en faire profiter le candidat qui lui est à l’évidence le plus proche, non seulement affectivement, mais aussi idéologiquement. Je le redis, il n’est absolument pas question de cela.

Toutefois, ce qui me semble déjà problématique en soi, c’est juste que par cette nomination, survenant à ce moment politique tout de même particulier, elle se trouve mise en situation de suspicion. Aussi, il m’étonne que, à France Télévision, on n’ait pas su anticiper ce qui, selon moi, – au risque de m’avancer un peu trop – devrait conduire les adversaires à pousser de très hauts cris. Voire à se rouler par terre…

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L’écrivain Alexis Legayet continue de brocarder gaiement ce monde calamiteux…

… mais tellement grotesque qu’il en devient parfois risible.


Alexis Legayet © D.R.

Alexis Legayet a déjà écrit une dizaine de « fictions romanesques à tendance loufoïde » – j’ai eu le plaisir d’encenser plusieurs d’entre elles dans ces colonnes. Il ajoute à sa collection deux nouvelles farces (1) ridiculisant ce monde désolant, dégénéré et paradoxalement imbu de lui-même. La verve ironique d’Alexis Legayet étant une arme de destruction subtile de la bêtise, il serait dommage de s’en priver.

Une satire grinçante du monde littéraire

Dans L’œil du cyclope, Alexis Legayet décrit, avec son humour habituel, la vie de Corentin Duchaussoy, un écrivain amateur ayant soif de reconnaissance et, surtout, le monde cruel de l’édition : les auteurs éliminés d’office – « t’es pas une femme, t’es blanc, complètement inconnu, t’appartiens à aucune minorité – si t’étais gay ou trans, j’dis pas, mais là, non vraiment… Pour Chalimard et compagnie, il faut plus y compter », affirme une protagoniste qui sait de quoi elle parle – les comités de lecture dont le travail a été mâché par une nuée d’étudiants payés avec un lance-pierre pour lire des tombereaux d’ouvrages insignifiants, les petites boîtes qui rackettent les auteurs qu’ils publient en leur vendant d’abord une centaine de… leur propre livre, les compérages médiatiques et les copinages copulatoires. Mais Corentin Duchaussoy est prêt à tout pour être publié et connaître le succès. À tout ? À tout. L’énigmatique Angelica Dias, « attachée de presse, coach.euse éditive » et fine connaisseuse des arcanes des cénacles littéraires, va d’ailleurs l’aider à surmonter les épreuves et, mieux encore, à surpasser ses dernières réticences d’honnête homme. Ce ne sera pas gratuit. Je vous laisse découvrir jusqu’où Corentin sera prêt à aller pour être publié puis remporter un célèbre prix littéraire – mais je préviens : c’est du brutal !

A lire aussi, Paul Rafin : Boileau et Narcejac – Les maîtres du suspense

Dans Histoire de merde, Alexis Legayet écharpe à nouveau (2) ceux qui, se réclamant de l’écologie, pourrissent l’existence de leurs compatriotes. Lorsqu’il s’agit de décrire la vie de ces créatures tout à la fois opportunistes et hébétées, l’écriture ironique de l’auteur fait merveille. Son « héros », Marin Venius, conseiller municipal écologiste de la ville de Poissy, est un concentré de bêtise écologique et de naïveté idéologique – pour « sauver la planète », il est prêt à tout : critiquer le nucléaire et les énergies fossiles, désapprouver les voyages lointains de sa touriste d’épouse, lutter « contre le capitalisme et la consommation écocidaire ». Mouchard dans l’âme, il est heureux d’avoir contribué à la création de patrouilles municipales chargées de contrôler le tri des poubelles de ses concitoyens. Fidèle à ses convictions, il ne possède que deux paires de chaussures. Malheureusement, par un beau matin de printemps, tandis qu’il se rend à la mairie chaussé de la plus belle d’entre elles, des sneakers blancs qui « lui avaient coûté un bras », voilà-t-y pas que son pied droit s’enfonce dans une matière spongieuse, marronnasse et fétide. Ulcéré, Marin Venius déclare alors une guerre totale aux crottes de chien. Mais un ennemi sournois, invisible, lui rend la vie difficile en déposant toutes les nuits des étrons dans son minuscule carré de jardin et sur l’itinéraire qui le mène à la mairie. Un truc à devenir fou. D’ailleurs… 

Écologie punitive et absurdités vertes en pleine lumière

Alexis Legayet nous venge des écolos qui, dans la vraie vie, nous empoisonnent l’existence, en brossant les portraits drolatiques de Bénédicte Fontaine, la maire de Poissy, ex-militante de l’association Filles de la Terre, d’Enzo Biglot, un activiste vert qui a lu Foucault et affirme que « l’éclairage public, c’est le panoptique, la société de surveillance », et, donc, de Marin Venius, l’inventeur des Toutounet, installations disséminées dans toute la ville pour forcer les propriétaires de chiens à ramasser les excréments de leur animal domestique. Aucun n’est foncièrement méchant, mais tous sont bêtes à manger du foin. L’esprit totalitaire qui anime ces cucurbitacées révèle surtout des désordres psychiatriques qui vont du simple dérèglement compulsif à l’obsession paranoïde en passant par les troubles bileux qui touchent particulièrement les jeunes gens auto-diagnostiqués éco-anxieux ou climato-dépressifs. Comme Marin, ces derniers finissent le plus souvent par se jeter dans les bras d’adroits carriéristes de l’environnement, de chefs de tribus zadistes ou de pseudo-philosophes aux allures de gourous les incitant à devenir des « éléments fluides et circulants » et à « rejoindre le grand Pan ». Un des mentors de Marin Venius semble avoir fait siennes, à sa manière, les théories de Donna Haraway. Cette philosophe écolo-butlérienne, fort appréciée des universitaires wokes de Paris VIII et de la Sorbonne, considère que l’avenir radieux de l’humanité confrontée aux « désastres climatiques » est « l’Humain putréfié, décomposé en humus et compostant avec toutes les autres espèces » afin de créer un nouveau substrat « impur et révolutionnaire », substrat dont le rôle sera de« troubler les catégories de pensées occidentales » et de déstabiliser un monde obsolète parce que « trop blanc, trop masculin, trop hétérosexuel et trop humain », selon cette illuminée. Donna Haraway, dont le destin est de faire le bonheur des futurs paléontologues en devenant le plus gros coprolithe découvert sur Terre, est convaincue que « vivre dans la boue, devenir des Enfants du Compost dans le fourmillement de la vie symbiotique » est l’horizon indépassable du post-humain qu’elle appelle de ses vœux. Sous la férule d’un « maître de sagesse » totalement azimuté, Marin Venius finira par gober des théories voisines, des élucubrations sur le « grand circulus de la Vie » aussi grotesques que celles d’Haraway. 

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Rire au milieu du désastre. Rire de cette époque risible. « À la tautologie démesurée par laquelle s’exprime la société actuelle, il faut répondre par des tautologies parodiques ; à ses fictions par des fables et à ses fables par des fictions ; à son comique involontaire par un comique lucide », affirmait Philippe Muray en décrivant le seul projet esthétique qui avait grâce à ses yeux en ces temps d’effondrement : une littérature salvatrice et comique, salvatrice parce que volontairement comique, parodiant cette époque misérable, ridicule et malfaisante, en la citant le plus souvent possible, car « ce qu’elle a de pire ne peut littéralement pas s’inventer, c’est indicible autrement que dans sa langue : il faut la laisser en parler, lui ouvrir sans cesse des guillemets ; la mettre entre guillemets dans l’espoir qu’elle voie ce qu’elle dit et qu’elle entende ce qu’elle fait. » Imiter ironiquement cette époque arrogante pour la ridiculiser, c’est exactement la tâche littéraire qu’Alexis Legayet s’est assigné. Pour notre plus grand plaisir.    


(1) Alexis Legayet, L’oeil du cyclope et Histoire de merde, 2025, Éditions La Mouette de Minerve.    

(2) C’était déjà le cas dans Ainsi parlait Célestine, que j’ai recensé ici : https://www.causeur.fr/ainsi-parlait-celestine-ou-greta-manes-maya-257785

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Dessine-moi un jardin !

Patrick Cloux, l’Auvergnat de Paris, l’écrivain des zones vertes nous propose une déambulation mi-savante, mi-poétique dans les Jardins Parisiens aux éditions Le mot et le reste…


Il n’est pas le premier, il ne sera certainement pas le dernier à braquer son stylo plume sur la capitale, son onde et ses contreforts, ses pelouses et ses bosquets. Paris aura fait verser beaucoup d’encre depuis des siècles. « Je pars en grand retard » avoue-t-il, tant la ville lumière demeure une source d’inspiration et d’éclosion, un marchepied à la littérature d’évasion urbaine. Chacun veut, un jour, se mesurer à cet escargot recroquevillé sur lui-même, veut en tirer une sonate ou un requiem, veut planter son drapeau au sommet des Buttes-Chaumont. Chaque écrivain, selon son humeur et sa verve, doit s’attaquer à ce Parnasse-là. 

À nous deux, Paris !

Lui dire, les yeux dans les yeux : à nous deux maintenant ! Tu ne me résisteras pas tour boulonnée et avenues percées par feu le baron Haussmann, je dirai ta vérité à la face du monde, je serai le seul à comprendre ton magma. Certains à la manière de Jacques Réda ou d’Éric Hazan ont bâti leur carrière sur les fondations de la vieille ville, ont su la faire parler, lui faire avouer ses rides et ses pleurs, ses lanternes magiques et ses corps-à-corps, ses lamentations et ses plaisirs dans la nuit. Patrick Cloux, en jardinier des herbes folles, avance sur ce terrain damassé avec des précautions de sioux. Il tapisse son livre de références historiques et d’émotions printanières, il baguenaude d’Est en Ouest, de Montsouris cher à Léo Malet à l’excentré Boulogne-Billancourt ; il furète et se laisse surprendre par l’apparition du vert dans la grisaille. Peu d’écrivains auront si bien décrit l’effraction du végétal dans l’univers bétonné, la juxtaposition heureuse et étrange du pavé luisant et d’une nature impatiente. Cloux n’est pas un écrivain amer, il n’est pas réfractaire au bonheur dans le pré, ce qui donne à la lecture de son ouvrage la force des convertis et des idées de sorties pour ce mois de juin.  

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Avec Jardins Parisiens sous le bras, on se prend à aimer de nouveau certains coins oubliés qui nous rappellent comme dans une chanson d’Eddy Mitchell les étreintes du passé. Les parcs et les squares sont les témoins de nos amours anciennes, les traverser, des années après, c’est rallumer les lucioles du souvenir. Je ne peux m’empêcher d’enjamber le square Viviani, face à Notre-Dame, sans penser à Philippe Noiret en costume en seersucker et à Annie Girardot en commissaire frivole. Cloux m’a donné envie de retourner, tout-là bas, près de l’Autoroute A13 et de la Normandie naissante, revoir le jardin japonisant d’Albert-Khan ou de me perdre dans la Cité Universitaire et d’y croiser le fantôme d’une étudiante américaine dans le décor d’une Nouvelle-Angleterre recréé artificiellement dans ce Paris bleu de chauffe, non loin des ateliers Panhard. Cloux ne se jette pas dans les débats stériles sur la végétalisation ou non de l’espace urbain, il est professeur en classe verte, plutôt même instituteur de l’œil lorsqu’il explique la genèse du Parc Monceau ou les secrets des serres botaniques. Il ne joue pas les fiers-à-bras des Halles qui savent tout et surplombent leur sujet. 

Coulée verte

Cloux possède la fibre nostalgique des amoureux de Peynet. Dupe de rien, ni des transformations récentes, ni des réactionnaires enchaînés, il trace sa propre coulée verte. Il s’empourpre quand ses promenades le poussent dans les villas fleuries. « Une sorte de course aux trésors pour les découvrir, les approcher, en démasquer l’existence, justifie de vraies promenades. Elles sont des pépites, des géodes. Un cristal soudain quand on tombe dessus par chance » écrit-il. Elles s’appellent, pêle-mêle, villa Riberolle, villa Brune, villa d’Alésia, villa de l’Adour ou villa Georgina. Cloux réhabilite le Luxembourg, lui redonne son romantisme de lycéen, trop souvent on moque ce parc bourgeois de la Rive Gauche, son entre-soi et ses belles manières exclusives, le provincial y voit autre chose, les tremblements de la jeunesse et la rêverie des esprits libres. « Tant de choses inédites et troublantes me plaisent au jardin du Luxembourg, cette grande cour de collège où on passe en rentrant comme en une rue traversière » lâche-t-il dans un cri extatique

Jardins Parisiens de Patrick Cloux – Le mot et le reste – 224 pages

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Un homme nu au fond du jardin

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Nous avons bien fait, ma Sauvageonne et moi, de nous rendre au vernissage de l’exposition des œuvres de mon ami le peintre Marc Deudon dans les locaux (prestigieux) de la Société d’Horticulture de Picardie (SHP), rue Le Nôtre, à Amiens. Il faisait chaud ; ma belle était peu vêtue, un peu de lin et de coton sur sa peau de blonde ; des escarpins veillaient sur ses fines pattes de biche. Je crois me souvenir qu’elle avait orné sa cheville gauche de l’adorable petite chaîne d’argent au motif de plume que je lui ai offerte ; une façon de me rassurer : si elle se perd, les concupiscents découvreurs de mon amour seront avertis qu’un écrivain de 107 kilogrammes, adepte des arts martiaux, au menton mussolinien plus volontaire que celui de l’humoriste Booder, veille sur elle. (J’ai oublié de préciser que je venais d’embaucher Rickybanlieue, son admirateur du courrier des lecteurs du site de Causeur, comme garde du corps.)

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À peine arrivée, ma Sauvageonne se dirigea vers les toiles deudoniennes pour les admirer. Je tentais d’en faire de même quand je sentis un regard insistant de poser sur ma nuque rasée par mon coiffeur Didier (galerie marchande d’Intermarché, 410, route d’Abbeville, Amiens). C’était la vice-présidente de la Société de Picardie. « Vous ne me reconnaissez pas ? », m’interrogea-t-elle de ses yeux clairs comme les eaux de la Vesle au lieu-dit La Prise d’Eau, à Sept-Saulx (Marne). « Non… », bredouillai-je, plus timide que Zabou Breitman dans le rôle d’Isabelle dans Thierry La Fronde. « Mais, enfin, nous sommes amis sur Facebook ; je suis Loreline Simonis, la nièce d’Olivier Simonis… » Olivier Simonis ; mon vieux sang et oublonisé de boomer ternois ne fit qu’un tour. Des images me remontaient : Olivier, un bon copain du lycée Henri-Martin, les bières brunes Porter que nous allions engloutir au café Central de Saint-Quentin en compagnie de Philippe Duplaquet, plus marrant qu’un personnage d’un long-métrage de Jean Girault. Et les bringues carabinées auxquelles nous nous adonnions au 136 de la rue de Vermand, garçonnière du grand frère de notre Olivier.

« Bon Dieu mais c’est bien sûr ! », lâchais-je comme assommé par tant d’émotions. Tu te doutes, lectrice adulée, qu’après cette plongée dans mon passé lycéen, je ne pouvais rien refuser à Loreline. Et quand elle me proposa de rencontrer en sa présence, Daniel Carbonnel, président de la SHP, afin qu’il m’exposât les difficultés de son association pour entretenir les beaux locaux de la société, j’excipais mon statut de grand reporter régional chez Causeur, et on y alla tout de go. « Nous avons fêté en décembre dernier les 180 ans de la Société d’Horticulture de Picardie », me confia Daniel Carbonnel. « C’est l’une des plus anciennes d’Amiens car elle est née en 1844. L’espace où nous nous trouvons (N.D.A. : le lieu d’exposition) a été bâti en 1897. En 2027, nous fêterons les 130 ans de l’hôtel de l’horticulture d’Amiens. À l’origine, c’était une immense salle de 300 mètres carrés avec une verrière afin d’obtenir un éclairage zénithal. Tout cela était voulu par le président de l’époque ; il était à la tête de cette société savante. Cette dernière voulait obtenir son autonomie car les cinquante premières années, on l’a promenée un peu partout au sein de la capitale picarde avec des conditions peu faciles pour assurer des cours, des conférences, etc. Son but était d’apporter des connaissances au niveau des jardins, tant pour les plantes potagères qu’ornementales. Aujourd’hui, elle compte 150 membres avec une augmentation de 50% par rapport à l’année dernière. Depuis quatre ans, notre but est de la redynamiser – l’activité avait diminué ces dernières années. Les bâtiments sont sur un seul niveau. Un faux-plafond a été posé dans les années 80 après le choc pétrolier de 73 car l’immeuble était un gouffre au niveau du chauffage. Notre souhait est de garder et préserver l’édifice, donc de faire sauteur de plafond et doubler tous les murs afin de garantir une meilleure isolation. Et créer une verrière isolée. Vous imaginez les coûts des travaux ? On lance donc un appel aux soutiens financiers afin de rénover l’ensemble. On voudrait également renouveler l’ensemble des chaises. On a fait une demande de classement qui doit passer en commission… » Et Loreline d’ajouter : « Ce bâtiment a passé deux guerres ; il est resté intact. Il a été réquisitionné par les Allemands… » Daniel Carbonnel précise : « Ils l’ont un peu dévasté ; ils ont utilisé l’ancien jardin où des camions militaires ne cessaient de passer. Les parquets ont dû être refaits après la guerre. » (Bénéficiant de la reconnaissance d’intérêt général, la SHP peut recevoir des dons, et les donateurs peuvent bénéficier des déductions fiscales. Adresse : 58/60, rue Le Nôtre, 80000 Amiens).

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Avant de quitter les lieux, Loreline nous a fait savoir qu’une mystérieuse et très belle statue ornait le fond du jardin. Ma Sauvageonne et moi sommes allés la découvrir. Devant nous : un homme nu aux longues jambes. Même s’il exhibe une coiffure semblable à celle d’Emmanuel Macron, il ne s’agit pas de lui. Si quelqu’un reconnaît cet être impudique, merci de prévenir la police.

La chute d’Imane Khelif

La boxeuse Imane Khelif serait finalement… un homme! Une enquête révèle que sa réalité biologique a été soigneusement dissimulée au grand public: porteuse de chromosomes XY et atteinte d’un trouble rare du développement sexuel, elle aurait été protégée pendant des années par les autorités sportives algériennes et son cas particulier soigneusement ignoré par le Comité Olympique International.


On dispose aujourd’hui des éléments permettant de reconstituer l’étonnant parcours d’Imane Khelif, accusée par de nombreux médias et personnalités d’avoir remporté une médaille d’or de boxe féminine aux JO 2024 de Paris par une imposture. Cette accusation semble aujourd’hui étayée par la concordance entre l’enquête du média en ligne, Le Correspondant, dirigé par le journaliste franco-algérien Djaffer Ait Aoudia, et d’autres documents pertinents.

Une petite fille très sportive

La petite Imane naît dans une famille très pauvre d’une ville reculée d’Algérie. Dès l’âge de six ans, elle se passionne pour le sport, jouant d’abord au football avec les garçons de son village, où elle se distingue par sa robustesse. À 16 ans, sur les conseils du frère d’une amie, elle découvre la boxe au club de Tiaret, à 10 km de chez elle, où l’entraîneur cherche à former une équipe féminine.  

Lors d’une visite médicale de routine, le médecin féminin Nacera Ammoura observe sa poitrine à la pilosité généreuse, lui demande d’enlever son short. Imane se met à hurler, menaçant de parler à son père et de porter plainte.

Le médecin n’abandonne pas, soutenu par ses collègues de la médecine du sport, et décide de savoir si Imane est un homme ou une femme et veut envoyer un prélèvement de sang en France pour effectuer un caryotype. Khelif refuse, et le personnel médical n’a pas les moyens de l’y contraindre. Seule la Fédération algérienne de boxe avait le pouvoir de la mettre face à ses responsabilités. Le docteur Ammoura saisit donc sa hiérarchie, dans un rapport à la fédération d’avril 2018. Le directeur de la Fédération de Boxe décide, après avoir parlé au ministre des sports, d’écarter… le médecin. Un endocrinologue situé à 400 km de distance rédige en septembre 2018 un simple certificat sans résultat de tests : « Bilan hormonal normal… sexe féminin » (document reproduit par Le Correspondant). Imane continue à s’entraîner et multiplie les stages internationaux, notamment à Las Vegas et en Floride, où elle affronte des boxeuses de haut niveau. Chaque fois qu’on met son identité sexuelle en doute, elle brandit son certificat de complaisance. Le jeu continue jusqu’aux Championnats du monde féminins de boxe amateur de New Delhi en mars 2023.

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Cette supercherie apparemment couverte par le Secrétaire Général du Comité Olympique Algérien et par le ministre des Sports algérien fonctionne pendant cinq années d’ascension de « la boxeuse » : en 2018, Imane remporte la 17e place aux Championnats du monde féminins de boxe amateur à New Delhi ; en 2019, elle participe aux Championnats du monde en Russie et aux Jeux africains ; en 2020, elle représente l’Algérie aux JO de Tokyo, atteignant les quarts de finale ; en 2022, médaille d’or au tournoi Strandja Memorial, première boxeuse algérienne à atteindre une finale mondiale à Istanbul (médaille d’argent), médailles d’or aux Jeux méditerranéens (Oran) et aux Championnats d’Afrique (Maputo).

La controverse naît donc en mars 2023, lorsque Imane est disqualifiée des Championnats du monde à New Delhi par l’International Boxing Association (IBA) suite à un test chromosomique qui se révèle XY (masculin). En fait, l’IBA a disqualifié rétrospectivement Imane Khelif et la Taïwanaise Lin Yu-ting des Championnats de New Delhi sur la base de tests médicaux réalisés au cours de ces mêmes Championnats et lors des Championnats de 2022 à Istanbul. Selon l’IBA, « les deux athlètes ne répondaient pas aux critères d’éligibilité requis et se sont avérées avoir des avantages compétitifs par rapport aux autres concurrentes féminines ». Les détails des tests sont restés confidentiels, mais le président de l’IBA, Umar Kremlev, a confié à l’agence russe, TASS, que les deux athlètes avaient des chromosomes XY. Le média en ligne, 3 Wire Sports, a reproduit un extrait du test de New Delhi.

En août 2023, Khelif est néanmoins autorisée à participer aux JO 2024 de Paris dirigés par le Comité international olympique (CIO) qui estime qu’un passeport suffit à établir l’identité sexuelle. Lors des JO, Imane remporte une médaille d’or, battant l’Italienne Angela Carini (par abandon après 46 secondes), la Hongroise Anna Luca Hamori, la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng, et la Chinoise Yang Liu en finale.

Dans le contexte des JO 2024 de Paris, l’affaire déclenche une polémique où l’on accuse des figures traitées de conservatrices comme JK Rowling ou Elon Musk d’entretenir des rumeurs infondées. Imane prétend porter plainte pour harcèlement moral en raison des attaques en ligne et des fuites présumées de son dossier médical. Le paradoxe est qu’elle est soutenue par les partisans du genre qui en font une star LGBTQ+, alors qu’Imane nie être transgenre et affirme être une femme.

Enfin, la vérité éclate

Le média en ligne Le Correspondant révélera en octobre 2024 qu’un rapport du Professeur Young de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre à Paris, daté de juin 2023 et donc antérieur à la décision du CIO du mois d’août de cette année, avait confirmé de nouveau le caryotype XY et diagnostiqué une anomalie génétique, nommée déficit en 5-alpha réductase de type 2. Ce déficit est une condition génétique rare qui affecte la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), hormone cruciale pour le développement des caractéristiques sexuelles masculines pendant la vie fœtale et la puberté. Avec un déficit en 5-AR2, les organes génitaux externes peuvent ne pas se développer complètement comme ceux d’un garçon, ressemblant plutôt à ceux d’une fille à la naissance, ou être ambigus.

À la puberté, la testostérone, bien que non convertie efficacement en DHT, peut induire des traits masculins comme l’augmentation de la musculature, mais les caractéristiques sexuelles secondaires comme la pilosité faciale et corporelle peuvent être réduites, et les organes génitaux peuvent rester petits. Un déficit en 5-AR2 affecte donc le développement des caractéristiques sexuelles de sorte que les individus puissent être initialement élevés ou s’identifier comme féminins. Le Pr Young constate en outre l’absence de seins et d’ovaires, la présence de testicules de taille normale dans l’abdomen (produisant un taux de testostérone masculin), un vagin court, pas d’utérus et une hypertrophie clitoridienne.

Il faut souligner le fait que le sexe biologique est déterminé par le caryotype (XX ou XY) et par les gonades (ovaires ou testicules). Les individus souffrant d’un déficit en 5-AR2 sont de sexe masculin, car ils possèdent des chromosomes XY et des testicules fonctionnels. L’aspect physique ambigu ou féminisé à la naissance est une conséquence du déficit en DHT, mais n’affecte pas leur sexe biologique. Le déficit en 5-AR2 relève du pseudo-hermaphrodisme, discordance entre le sexe génétique/gonadique (mâle) et l’apparence externe (ambiguë ou féminisée), due au manque de DHT. Dans le vrai hermaphrodisme on a la présence de tissu testiculaire et ovarien chez le même individu, avec des caractéristiques sexuelles potentiellement ambiguës.

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Le Comité Olympique International a reçu le dossier médical du Pr Young, en juin 2023 – fourni par Imane Khelif lui-même. Les journalistes qui posaient des questions sur la condition médicale d’Imane Khelif ont reçu pour toute réponse : « Le comité de sélection ne se base pas sur des analyses médicales et prend des décisions souveraines ». Pourtant, en août 2024, la boxeuse bulgare Joana Nwamerue, qui a affronté Imane Khelif lors de séances d’entraînement à Sofia, affirmait que Khelif était un homme : puissance masculine, techniques masculines… L’équipe de boxe algérienne (qui connaissait le dossier médical) lui a expliqué : « Imane n’est pas un homme. C’est une femme qui vit dans les montagnes avec sa famille et ses parents. Il se peut qu’il y ait un changement au niveau de la testostérone, des chromosomes, etc. » L’air de la montagne a des effets surprenants…

Imane se brûle les ailes

Mais on ne peut continuer à raconter éternellement des fables. Le 30 mai 2025, la nouvelle organisation mondiale de boxe, World Boxing, chargée d’organiser les épreuves de boxe lors des Jeux olympiques de Los Angeles 2028, a publié un communiqué instaurant une nouvelle règle officielle : les athlètes au caryotype XY seront exclus de la catégorie féminine. Le président de la Fédération précise que la boxeuse algérienne devra se soumettre à un test avant de pouvoir participer à toute compétition, à commencer par la Coupe féminine d’Eindhoven du 5 au 10 juin 2025, où Imane Khelif était inscrite, mais ne s’est pas présentée. Le président de la World Boxing s’est excusé plus tard d’avoir cité nommément Imane Khelif. 

Imane, qui était montée trop haut s’est brûlé les ailes comme Icare. La presse, qui a étouffé si longtemps le scandale, continue dans une certaine mesure à le faire. Libération dénonce les « polémiques nauséabondes » alimentées par des spéculations sur le genre de Khelif, alors qu’il ne s’agit pas de son genre, mais de son sexe biologique. Le quotidien britannique le Daily Telegraph a fait preuve de moins d’indulgence, déclarant: « Imane Khelif scandal brings everlasting shame on the IOC » (Le scandale Imane Khelif jette une honte éternelle sur le Comité Olympique International).

L’Algérie semble décidée à arrêter les frais : le ministre des Sports a été remplacé en novembre 2024, et – selon Le Correspondant – on y reproche à l’entraîneur d’Imane Khelif d’avoir facilité la participation de l’athlète aux Jeux de Paris 2024, tout en sachant quelle était sa vraie condition génétique. Il se peut aussi que l’Algérie n’ait pas envie d’entrer en conflit ouvert avec Donald Trump, qui a déjà refusé le visa d’entrée aux États-Unis d’Imane Khelif pour les JO 2028 de Los Angeles.

Gentleman cambrioleur

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Angelo Rinaldi fut un critique littéraire redouté. D’anciens et (parfois) féroces textes sont republiés. L’œuvre de l’écrivain a été marquée par la solitude, la foi tourmentée et un culte du style, se remémore notre chroniqueur.


Angelo Rinaldi est mort le 7 mai 2025. Sa disparition a suscité de nombreux témoignages touchants, de Pierre Michon à Stéphane Barsacq, en passant par Louis-Henri de la Rochefoucauld. Il était né à Bastia, le 17 juin 1940, un jour avant le fameux appel du général de Gaulle invitant à résister et ne pas coucher avec le pétainisme dont nous ne sommes pas totalement sortis. Rinaldi était gaulliste de gauche, mais anti-Mitterrand, n’oubliant jamais ses origines modestes. Il était devenu le sniper de Saint-Germain-des-Prés, exécutant ce qu’il pensait être les fausses valeurs de la littérature contemporaine. Pour lui, un écrivain, c’était ça : « Une voix, un style, un tempérament, une expérience, un inconscient, des impressions d’enfance. » Le style, surtout. Alors ce salarié de la critique, qui avait débuté comme chroniqueur judiciaire à Nice matin, tirait sur les invalides de l’oreille – car un style, ça se reconnait à l’oreille. J’avoue avoir un peu de mal à évoquer avec détachement Rinaldi, même si je devine derrière son regard noisette – le regard des tireurs d’élite – et ses jugements assassins une grande sensibilité portée sur la mélancolie, et une non moins grande solitude.

Légende noire

J’ai cherché des éléments biographiques sur le net. J’ai trouvé un long témoignage sur le site de L’Express, mais l’un de ses fidèles amis, qui lui a rendu visite à la Fondation Rothschild et l’a accompagné au seuil de la mort, m’a dit que le texte était diffamatoire. Un peu de mal, donc, à en parler, même si son ultime livre, Les roses et les épines, un recueil de ses plus percutantes chroniques, m’y pousse, car mes amis littéraires, ceux qui, avec leurs livres, vous soutiennent dans les moments de dépression, ont été, peu ou prou, malmenés – le terme se veut modéré – par Rinaldi. Je me souviens de la remarque de Michel Déon : « Rinaldi tire sur tout ce qui le dépasse. Et comme il mesure 1m50 ! »

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Dans le recueil, Rinaldi est fidèle à sa légende noire. Il ne loupe jamais sa cible. C’est féroce, le trait d’humour ne manque pas, et c’est, reconnaissons-le, parfois subtil. Rinaldi est un écorché vif, érudit, au fond peut-être pas si méchant que ça. Mais sa souffrance, dont j’ignore exactement l’origine, finit par le rendre exaspérant. Et c’est une erreur, car l’autre face du personnage est plutôt attachante. Je veux parler du Rinaldi romancier. Dans ses critiques, il lui arrive de glisser une confidence. Il faut être attentif, et éviter de tempêter contre lui, quand il dégomme un auteur qu’on révère – Simenon, Sollers, Robbe-Grillet, Claude Simon (grand styliste pourtant), etc. À propos d’Albert Camus, rangé dans la catégorie des auteurs qu’il aime « un peu », il y a cet aveu : « La pauvreté, quand on l’a connue dans l’enfance, avec son cortège de menues humiliations, ayant la même vertu que les sacrements, sépare à jamais de ceux qui ne l’ont pas subie, quelle que soit la suite. » Et d’ajouter : « Il aura manqué au génie de Sartre de ne pas s’être lavé ce que je pense dans l’évier de la cuisine. »

Cambriolages

L’un des fils rouges suivi par Rinaldi, une sorte d’idée fixe, reste le déchirement intérieur que vit le croyant homosexuel ; la foi inébranlable, écartelée par la passion non avouable – et condamnée par le Code pénal jusqu’en 1982. Le seul écrivain, selon lui, qui ait résolu le dilemme de la Croix et de la chair, c’est Marcel Jouhandeau – chaque année je lui rends visite au cimetière de Montmartre. Dans son article daté du 12 août 1974, Rinaldi rappelle l’estime littéraire qu’il porte à l’auteur des Journaliers : « Avec ses malices, ses tourments religieux, son appétit de jouissance, son perpétuel balancement entre les garçons, dont la beauté le damne, et Dieu, dont la beauté l’absout. »

Si Rinaldi, souvent, nous crispe, il lui arrive de nous faire sourire. Par exemple, quand il résume l’œuvre de Le Clézio : « Dans l’ensemble, les ouvrages de M. Le Clézio font songer au bulletin de la météo quand le présentateur annonce une persistance du temps couvert avec passage de très belles éclaircies. » Ou encore lorsqu’il l’achève d’une balle dans la tête en le comparant à « du Saint-John Perse délavé ». Très vite, cependant, notre esprit s’assombrit. À propos de Claude Simon, alors que ses analyses psychologiques ne manquent pas de pertinence, Rinaldi frise la faute de goût : « L’ensemble, à l’exception de quelques moments de lyrisme, est d’un laborieux qui exclut le moindre souffle de grâce. »

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Tout cela, au fond, n’a guère d’importance aujourd’hui. Rinaldi et ses cibles appartiennent à un même monde avec des approches, non plus opposées, mais complémentaires. Ses chroniques nous permettent de garder l’œil sur le meilleur des uns et des autres. Car Rinaldi avait ses écrivains de cœur, à commencer par Céline, dont il a su percevoir l’essence de son œuvre : « (…) il a besoin de l’horrible pour nourrir sa verve, satisfaire son appétit de désastres, (…) il n’est à l’aise que dans la malédiction et la boue dont il pétrit ses livres. » Ce monde, quand Rinaldi était le critique le plus redouté de France – à L’Express, au Figaro littéraire – comprenait environ 10 000 lecteurs – des lecteurs capables de lire aussi bien Gracq que Sollers. Ce « chiffre d’or » n’a sûrement pas augmenté. Il aurait même tendance à avoir maigri. Or l’affaiblissement de la lecture produit de très bons esclaves.

Angelo Rinaldi était très subjectif, il ne s’en cachait pas. Lui qui avait fini par rejoindre les rangs de l’Académie française, après avoir obtenu le Prix Femina en 1974, écrivait, lucide, le 10 novembre 1989 : « Dans le livre qu’on visite – qu’on cambriole, en fait – on laisse ses empreintes digitales aux inspecteurs de la postérité dont le flair ne sera pas forcément supérieur au nôtre. »

Angelo Rinaldi, Les roses et les épines, Chroniques littéraires, Éditions des instants. 272 pages

De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

En marge du Festival de Cannes, 900 artistes du cinéma ont publié une tribune condamnant le « silence » sur le« génocide » à Gaza. Parmi eux, Catherine Deneuve. Le président d’Avocats sans frontières n’en est toujours pas revenu.


J’ai beau l’avoir prédit, j’en suis quand même un peu surpris.

Dans mon Journal de guerre, j’écrivais dès le 10 octobre 2023 : « J’entends ici prendre date. Le grand pogrom commis par les islamonazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. Et le chef de l’armée israélienne ne sera pas Montgomery, mais Rommel. Tsahal sera la Reischwehr. »

Car je connaissais mes classiques : entre une armée de soldats juifs blancs en uniforme et une troupe de terroristes basanés en haillons, je savais bien vers qui le cœur à gauche malade de l’idéologie médiatique n’allait pas tarder à balancer. Le tout fouetté par le Nombre et l’Argent. Et je savais aussi que la riposte juive de l’État pogromisé n’allait pas être plus timide que celle des alliés d’hier au-dessus de l’Allemagne hitlérienne ou de la France occupée, ou plus tard au-dessus de Raqqa. Et je savais aussi que les tueurs de gamins ou les violeurs de femmes se terraient sous les hôpitaux, les écoles et les mosquées, à jouer à qui perd ses enfants gagne.

Mais je suis tout de même un peu surpris. Je savais pour Mélenchon, je savais pour Le Monde et pour Libération. Mais Catherine Deneuve… Qui dans une de ces pétitions où le monde artistique sait montrer son courage depuis l’occupation ose le mot « génocide ». Je ne pourrais plus jamais écouter comme avant l’air des Parapluies.

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Pour le reste, point de surprise. Le Monde reprend les bilans victimaires de la « Défense civile » en dissimulant qu’il s’agit du Hamas. France Inter les reprend comme s’il s’agissait du Journal officiel sans même donner leur source. Et tant pis si j’ai déjà fait condamner cette pratique par l’Arcom. Pourquoi voulez-vous qu’elle s’amende puisqu’elle n’en reçoit pas ? Quant à son responsable de politique internationale, Pierre Haski (ancien de Libération et vice-président de Reporters sans frontières), il a réussi l’exploit journalistique de consacrer mercredi matin un éditorial évidemment et unilatéralement critique à Israël, sans dire un mot sur l’attentat terroriste au cri de « Free Palestine » au musée juif de Washington. Il n’a donc pas pu dire que les deux Israéliens assassinés étaient membres de l’AJC, une organisation progressiste et pacifiste.

Pour finir par France 2, la chaîne enchaînée par l’idéologie, laisse passer sans s’excuser un Ardisson comparant Gaza à Auschwitz, égaré par un docteur Pitti, faux humanitaire mais vrai admirateur du Hamas qui avait, lui, comparé Gaza au ghetto de Varsovie. Ardisson, au moins, a demandé pardon.

Je me console comme je peux en pensant que, pour pouvoir continuer à crier « Free Israël », il vaut tout de même mieux gagner la guerre réelle que l’ingagnable guerre médiatique. 

Journal d'un prisonnier

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Un peu de beauté dans un monde de brut

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Une femme devant un tableau d'Andy Warhol au Tehran Museum of Contemporary Art, Iran, 19 octobre 2021 © Vahid Salemi/AP/SIPA

Si l’Iran ne dispose (ou ne disposait) que « presque » de la bombe, elle possède, sans contestation possible, un des plus beaux et surtout un des plus riches musées d’art contemporain du monde.


Tout comme le centre Pompidou, le Téhéran Museum of Contempory Art a été inauguré en 1977. Avec, pour le TMoCA, un look nettement  moins « avant-gardiste » que l’usine à gaz parisienne.  Karam Diba, architecte du projet et cousin de la Chahbanou, s’est plutôt ingénié à contemporiser des éléments architecturaux traditionnels. Ce qui donne des badguirs, tours « attrape-vent », cohabitant fort harmonieusement  avec des blocs de béton-brut et des toits en cuivre.

Des espaces intérieurs d’exposition savamment pensés, un atrium spacieux avec un bassin rectangulaire inspiré des howz de l’architecture persane, des jardins organisés pour accueillir des sculptures contemporaines, le projet était sans conteste de faire jouer l’Iran dans la cour des grands. Avec un écrin à la hauteur de l’ambition.

Portrait lacéré

Et pour le contenu, Farah, aidée de Karam, avait constitué une collection considérée, à l’époque et encore aujourd’hui, comme la plus importante collection d’art contemporain tant oriental qu’occidental, hors Europe et États-Unis.

Deux petites années plus tard, fin du conte de fées. Mais, Téhéran n’est pas Bâmiyân, ayatollah n’est pas taliban. Même si la tentation est forte, aucun pillage, aucune exaction, à part un portrait lacéré : « Farah Diba by Andy Warhol ». Un jeune gardien œuvre au sauvetage des œuvres dans des circonstances rocambolesques et les trésors sont rangés dans les sous-sols. Les nouveaux maîtres congédient sans façon les experts des grandes maisons de vente, arrivés au pas de course, et ferment le palais au public. En veillant, au fil du temps, à tout bien préserver.

Tout doucement, le lieu commence à reprendre vie. Biennale des graphistes de Téhéran à partir de 1987. Biennale de la peinture iranienne à partir de 1993. Biennale internationale de l’illustration de livres pour enfants à partir de 1993. Biennale de la céramique contemporaine iranienne à partir de 1994. Triennale de sculpture contemporaine à partir de 1997. Biennale internationale de peinture dans le monde islamique à partir de 2000. Et aussi, quelques expositions thématiques : Miniatures persanes en 1990, Exposition internationale de dessin en 1999, Jardins d’Iran en 2004. Mais, rien d’échevelé. On est loin de ce qu’avaient prévu Farah et Karam.

En 1997, à l’arrivée à la présidence de Mohammad Khatami, l’intelligentsia artistique se prend à rêver. Des artistes iraniens incontestables (et octogénaires) ont droit à leur rétrospective : Mohsen Vaziri Moghaddam, Behjat Sadr, Morteza Momayez, Mansoureh Hosseini…

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Et, curieusement, le nouveau directeur, Alireza Sami Azar, qui dirigera aussi Tehran Auction (initiative privée lancée en 2012) organise une grande rétrospective… du Français Arman. Qui devient ainsi le premier artiste occidental à être réexposé en Iran depuis l’instauration de la République Islamique. Certes, « Le Cœur en Verre » (1969), bloc de résine avec objets incrustés, appartenait à la collection du TMoCA, mais sans vouloir minimiser le talent d’Arman, pourquoi l’avoir choisi quand on possède des Monet, des Gauguin, des Warhol, des Pollock, des Picasso, des Giacometti, des Magritte ? Pourquoi commencer par un nouveau réaliste et de surcroît pas le plus emblématique ? Peut-être tout simplement parce que Arman connaissait bien l’Iran et que l’Iran le connaissait bien. En 1958, il avait rallié Téhéran en 2CV pour rejoindre la mission archéologique d’un moine dominicain. Dans la foulée, il avait exposé une crèche de Noël, réalisée à partir d’éclats de verre et d’un ballon de football, au collège Saint Louis de Téhéran des Pères Lazaristes. Sa première exposition à l’étranger !

Train-train islamique

L’esprit d’ouverture est de courte durée. À partir de 2005, le musée retombe dans son train-train islamique : biennales sans réelles portées internationales, dessins de tapis… En 2014, surprise ! Une initiative inattendue change la donne. Pour « Unedited History, Iran 1960 – 2014 », le TMoCA accepte de prêter au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, deux cents peintures, photos, vidéos produites par des artistes iraniens historiques (Bahman Mohassess, Kaveh Golestan) et contemporains (Barbad Golshiri, Tahmineh Monzavi). L’exposition, qui permet de reconstituer un panorama de l’Iran des cinquante dernières années, se montre difficile à organiser mais a lieu. Et, c’est parti !

En 2015, le musée expose cent trente tableaux de la peintre iranienne, de renommée internationale, Farideh Lashai, récemment décédée, et surtout quarante œuvres d’artistes occidentaux. « Mural on Indian Red Ground » (1950) de Jackson Pollock, estimé à deux cent cinquante millions de dollars par Christie’s en 2010, « Suicide » (1963) d’Andy Warhol, de la série « Death and Disaster » (une pièce de cette série est partie à cent cinq millions de dollars chez Sotheby’s, en 2013). Que du lourd !

Nouvelle surprise en 2022. L’exposition « Minimalisme et art conceptuel » présente cent trente-deux œuvres (d’avant 1979 ) de trente-quatre artistes « contemporains »… plus vraiment contemporains : Marcel Duchamp, Sol LeWitt, Donald Judd, Christo et Jeanne-Claude, Michelangelo Pistoletto, Robert Smithson, Dan Flavin… Trente-huit œuvres sont montrées pour la première fois. Petite fantaisie de la modernité, l’exposition a le droit à son quart d’heure warholien. Une vidéo de deux insectes argentés, bien visibles sous le cadre en verre d’une photo signée Bernd et Hilla Becher, devient en effet virale worldwide. Un vrai ramdam. Peu habitué à la dictature des réseaux sociaux, le musée commence par nier la présence scandaleuse des deux intrus, refuse ensuite que l’authenticité de la vidéo soit vérifiée de manière indépendante. Puis finit par céder et présente ses excuses. Le musée est fermé pendant deux jours pour cause de… fumigation.

Puisse très bientôt le TMoCA proposer au monde entier des expositions et des performances qui décoiffent. Avec ou sans chiures de mouches. On ne fera pas les dégoûtés.

Le héros Bertin est immortel

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Stéphane Oiry, auteur de la BD "les héros du peuple sont immortels" (juin 2025) © D.R.

Stéphane Oiry fait revivre la folle cavale du regretté Gilles Bertin, bassiste chanteur du groupe punk mythique Camera Silens. Ça déménage !


Fin des seventies ; début des eighties. De l’autre côté de la Manche, il y avait les Sex Pistols, Clash et Jam ; à Paris, Asphalt Jungle (de notre ami Patrick Eudeline), La Souris Déglinguée, Parabellum et les Porte-Mentaux. Et à Bordeaux, il y avait Camera Silens, un groupe anarcho-punk, composé de squatteurs urbains qui propulsaient un rock urgent, brutal comme une eau de vie de prune serbe, avec une Gibson SG qui dispensait des riffs d’acier en fusion…

A la basse et au chant de ce gang de fous furieux : Gilles Bertin, un blondinet à tête d’ange lestée de pensées abimées par les songes de Kropotkine. Ils donnent des concerts, connaissent un certain succès. Mais le Bertin, qui vient de devenir père, se lasse. Il devient cambrioleur ; puis il réussit un gros coup, un braquage du tonnerre et doit quitter la France pour échapper à la police. Il commence une nouvelle vie, tient une boutique de vente de disques à Lisbonne, change d’identité… 

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Tutoyer son héros

C’est cette cavale que raconte avec vivacité, panache et talent Stéphane Oiry dans son album Les héros du peuple sont immortels (nom d’un album compilation Gougnaf Mouvement). Il s’est inspiré de l’autobiographie de Gilles Bertin, Trente ans de cavale : ma vie de punk, parue en 2019 chez Robert Laffont, année de sa mort. Trois ans avant, il était revenu en France pour se livrer à la Justice qui, clémente (des juges rouges, d’anciens punks ?) ne l’avait condamné qu’à cinq ans de prison avec sursis. Il aurait pu profiter d’une vie tranquille mais ses excès divers, la shooteuse et l’hépatite l’ont rattrapé. Bertin est aujourd’hui au paradis des punk rockers au côté de Sid Vicious et de Schultz, de Parabellum. 

La ligne presque claire de Stéphane Oiry fait merveille ; sa narration aussi. Il tutoie même le Bertin ce qui procure une proximité avec nous, lecteurs épatés, anciens crêtés empâtés. A quand des albums sur Roland « Chamallow » Chamarat, bassiste des Rats, décédé en 2011, Roger « Schultz » Fritsch, chanteur guitariste de Parabellum, mort en 2014, et quelques autres, histoire de faire revivre nos années mortes ?


Les héros du peuple sont immortels, La cavale de Gilles Bertin, Stéphane Oiry ; Dargaud ; 128 p.

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Vinyles Vidi Vici

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Jérémie Rousseau © Hannah Assouline

À bientôt 80 ans, « La tribune des critiques de disques » est la doyenne des émissions de Radio France. Chaque dimanche après-midi sur France Musique, critiques et musiciens animés par un idéal de beauté débattent interprétation et direction d’orchestre. Le public en redemande.


La France peut se prévaloir de certaines institutions sacrées sans lesquelles notre vie quotidienne serait insupportable. Parmi ces trésors nationaux, citons la Sécurité sociale, l’hôpital public et… France Musique ! Le soin du corps et le soin de l’âme. On n’en dira pas autant, hélas, de France Culture (devenue un clone de France Inter) dont on écoutait pourtant religieusement, à l’heure du déjeuner, le « Panorama » animé par Jacques Duchateau et Michel Bydlowski (qui en février 1998 se jeta par la fenêtre de son bureau de la Maison ronde après que la direction eut décidé de mettre fin à son émission jugée « trop élitiste »).

Un désert de culture

En 1987, le philosophe américain Allan Bloom publiait un livre prophétique (vendu à un million d’exemplaires) : L’Âme désarmée : essai sur le déclin de la culture générale (réédité aux Belles Lettres en 2019). Ce disciple de Leo Strauss décrivait comment les étudiants américains s’étaient peu à peu détournés de la grande culture classique européenne (Shakespeare et Beethoven) au profit de l’idéologie narcissique du développement personnel, se privant ainsi des armes essentielles qui leur auraient permis de résister à la barbarie de la société de consommation basée sur le pur affect. Quarante ans après, on ne peut que faire le même constat chez nous, tant paraît lointaine cette France où Delacroix et Berlioz ornaient nos billets de banque tandis que les classes populaires regardaient avec respect, à la télé, les « Dossiers de l’écran » (1967-1991) et « Alain Decaux raconte » (1969-1987).

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Dans ce désert, France Musique est une oasis culturelle où l’on vient s’abreuver, un petit Collège de France accessible à tous, chaque animateur possédant une voix, une diction, une personnalité, un talent de conteur qui tranchent avec le phrasé monocorde et blasé de la plupart des autres journalistes dont le discours est plus que jamais contaminé par les horripilants tics de langage à la mode (comme ce « du coup » à chaque phrase pour combler le vide de la pensée).

À côté de Bach et de Debussy, le jazz, le rock, la pop, la variété, la musique de film, les musiques du monde, la comédie musicale et les créations contemporaines sont très largement défendus avec une érudition toujours mise au service du plaisir.

La tribune des critiques de disques 

Et puis… il y a l’émission phare du dimanche après-midi que tous les mélomanes adorent « détester » depuis des lustres en buvant leur thé de Chine : « La tribune des critiques de disques » ! Créée en 1946 sous le nom de « Club des amateurs de disques », c’est la doyenne de Radio France (« Le masque et la plume » datant de 1955) et un vrai hymne au disque qui demeure une invention géniale : Le Chant de la Terre de Mahler par Bruno Walter et Kathleen Ferrier, Le clavier bien tempéré de Bach par Glenn Gould ou Kind of Blue de Miles Davis (enregistré en une seule prise) sont des œuvres d’art à part entière qui ont accompagné des millions de vies au même titre que les tableaux de Monet ou les romans de Stefan Zweig.

Au lendemain de la guerre, donc, voici un groupe de poètes animés par un idéal de beauté et pour qui la radio doit faire entrer la grande littérature et la grande musique dans les foyers des Français les plus modestes. Née en 1944, la Radiodiffusion française regroupe alors des gens comme Pierre Tchernia, Michel Bouquet, Raymond Queneau, Francis Ponge, Jean Tardieu, Boris Vian et un certain Armand Panigel qui voue une passion aux disques. C’est sous son impulsion que l’émission est créée, le principe étant de réunir les meilleurs critiques musicaux de l’époque et de les faire réagir à des écoutes de disques, en direct. Les discussions sont totalement improvisées, chacun donnant son avis dans un nuage de fumée de cigarettes et de pipes. Très vite, le succès est fulgurant, d’autant plus que naît au même moment l’âge d’or du disque vinyle (porté par les grandes stars françaises de l’époque comme Samson François, Jean-Pierre Rampal, Alexandre Lagoya et Maurice André qui vendent des millions d’albums) et qu’apparaissent ensuite simultanément la hi-fi, la stéréophonie et la modulation de fréquence pour un confort d’écoute optimale. Les joutes verbales passionnées entre les critiques musicaux (Jacques Bourgeois, Antoine Goléa, Jean Roy et Armand Panigel) deviennent célèbres pour leurs excès : « Tout ça est très bien mais c’est au fond une situation tragique : comment un criminel pareil peut-il arriver à être Leonard Bernstein ? » (Antoine Goléa)…

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Ces empoignades vont d’ailleurs inspirer à Jean Yanne un sketch fameux (deux routiers s’engueulant dans leur camion au sujet des quatuors de Beethoven) et poussent Peter Ustinov à parodier l’émission en imitant les voix de tous les critiques : « — Moi, je l’aime sans l’admirer. — Moi, je l’admire sans l’aimer. — C’est très mal fait, c’est mal calculé, et c’est beaucoup trop lent ! »

Depuis 2014, « La tribune des critiques de disques », animée avec enthousiasme par le musicologue et ancien directeur de Classica, Jérémie Rousseau, est suivie par 350 000 auditeurs tous les dimanches. L’écoute des disques à l’aveugle demeure la règle (comme on goûte des vins sans voir l’étiquette), mais les débats entre invités se font à fleuret moucheté, comme si les critiques d’aujourd’hui tendaient à choisir des versions consensuelles au détriment de versions plus radicales. On se surprend ainsi à parfois regretter la passion qui caractérisait l’émission quand certains ténors de la critique musicale (comme Patrick Szersnovicz, surnommé « Tchernobyl ») défendaient de façon volcanique leur version préférée. Avec sa chaude voix de baryton, Jérémie Rousseau a imprimé sa marque à la « Tribune » en invitant des musiciens et des chefs d’orchestre capables d’apporter au débat une vision plus pragmatique des chefs-d’œuvre. Grâce à lui, on a aussi pu découvrir ces dernières années des talents vivants prodigieux comme le pianiste coréen Yunchan Lim, incroyable dans les Études d’exécution transcendante de Liszt et auprès de qui Daniil Trifonov lui-même semble jouer comme un petit garçon bien sage… À l’approche de ses 80 ans, on ne peut que souhaiter longue vie à « La tribune des critiques de disques » !

France tv: un sens de l’éthique qui fait tiquer

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La journaliste Léa Salamé en 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Succédant à Anne-Sophie Lapix – celle-ci ayant été quelque onze années à la manœuvre – Léa Salamé va devenir prochainement le visage et la voix du 20 heures de France 2. D’aucuns, espiègles ou ronchons, au choix, ajouteraient au visage et à la voix ce qu’on peut appeler l’esprit maison. La maison en question étant le service public d’information. (Vous savez, celui qui fonctionne sur les sous du contribuable.) Le lecteur averti sait donc parfaitement de quel esprit il s’agit. C’est celui qui fait florès notamment dans les matinales de France Inter, où officiait jusqu’alors Madame Salamé, en compagnie de Patrick Cohen – qu’on ne présente plus – lui aussi pénétré comme il convient de ce même esprit.  

La continuité semble donc assurée. La bonne parole à l’office du matin de la Maison ronde, et désormais son prolongement vespéral sur France 2. On peut dire que, à environ une année d’une campagne électorale pour des présidentielles, ce coup stratégique doit être salué bien bas. Ceux qui se seraient aventurés à rêver d’une espèce de rééquilibrage idéologique au sein du service public d’info en sont donc pour leurs frais. L’ouverture n’est toujours pas de mise. 

Cependant, il y a mieux encore. La nouvelle icône du 20 heures de France 2 a pour compagnon un homme politique – de gauche, cela s’entend – dont il se dit qu’il pourrait être lui-même partant pour la course à l’Élysée. Rien d’illégal dans tout cela, bien évidemment. Mais curieux sens de l’éthique tout de même du côté de France Télévision. 

Je précise qu’il n’est absolument pas question pour moi – si peu que ce soit – d’émettre le moindre doute sur l’intégrité intellectuelle et morale de Léa Salamé. Elle est une vraie professionnelle et pratique sa discipline avec un indéniable talent. Il s’agit seulement de souligner ce qui pourrait plus ou moins s’apparenter, sinon à un conflit d’intérêt, du moins à un risque de rupture d’égalité.

À ce jour, le compagnon de la nouvelle recrue du 20 heures n’ayant nullement envisagé de se déporter, ayant même déclaré qu’il ne voyait aucun problème dans cette évolution de sa situation domestique, il semble donc acquis qu’il ne verrait là aucun obstacle à son éventuelle candidature.

Risque de rupture d’égalité, disais-je. 

En raison de son poste éminent, du fait de son rôle de vigie de l’actualité politique, la présentatrice vedette se trouvera tout naturellement et en permanence placée aux premières loges pour observer et connaître les manœuvres, les plans, les préparatifs, les adaptations de campagne des états-majors des concurrents.   

Certes ce serait tomber dans la facilité – diffamatoire au demeurant – de penser une seule seconde que la journaliste concernée pourrait être tentée d’en faire profiter le candidat qui lui est à l’évidence le plus proche, non seulement affectivement, mais aussi idéologiquement. Je le redis, il n’est absolument pas question de cela.

Toutefois, ce qui me semble déjà problématique en soi, c’est juste que par cette nomination, survenant à ce moment politique tout de même particulier, elle se trouve mise en situation de suspicion. Aussi, il m’étonne que, à France Télévision, on n’ait pas su anticiper ce qui, selon moi, – au risque de m’avancer un peu trop – devrait conduire les adversaires à pousser de très hauts cris. Voire à se rouler par terre…

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L’écrivain Alexis Legayet continue de brocarder gaiement ce monde calamiteux…

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"Les canettes" motos dans Paris nettoyant les crottes (1982) © ROBERT PATRICK/SIPA

… mais tellement grotesque qu’il en devient parfois risible.


Alexis Legayet © D.R.

Alexis Legayet a déjà écrit une dizaine de « fictions romanesques à tendance loufoïde » – j’ai eu le plaisir d’encenser plusieurs d’entre elles dans ces colonnes. Il ajoute à sa collection deux nouvelles farces (1) ridiculisant ce monde désolant, dégénéré et paradoxalement imbu de lui-même. La verve ironique d’Alexis Legayet étant une arme de destruction subtile de la bêtise, il serait dommage de s’en priver.

Une satire grinçante du monde littéraire

Dans L’œil du cyclope, Alexis Legayet décrit, avec son humour habituel, la vie de Corentin Duchaussoy, un écrivain amateur ayant soif de reconnaissance et, surtout, le monde cruel de l’édition : les auteurs éliminés d’office – « t’es pas une femme, t’es blanc, complètement inconnu, t’appartiens à aucune minorité – si t’étais gay ou trans, j’dis pas, mais là, non vraiment… Pour Chalimard et compagnie, il faut plus y compter », affirme une protagoniste qui sait de quoi elle parle – les comités de lecture dont le travail a été mâché par une nuée d’étudiants payés avec un lance-pierre pour lire des tombereaux d’ouvrages insignifiants, les petites boîtes qui rackettent les auteurs qu’ils publient en leur vendant d’abord une centaine de… leur propre livre, les compérages médiatiques et les copinages copulatoires. Mais Corentin Duchaussoy est prêt à tout pour être publié et connaître le succès. À tout ? À tout. L’énigmatique Angelica Dias, « attachée de presse, coach.euse éditive » et fine connaisseuse des arcanes des cénacles littéraires, va d’ailleurs l’aider à surmonter les épreuves et, mieux encore, à surpasser ses dernières réticences d’honnête homme. Ce ne sera pas gratuit. Je vous laisse découvrir jusqu’où Corentin sera prêt à aller pour être publié puis remporter un célèbre prix littéraire – mais je préviens : c’est du brutal !

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Dans Histoire de merde, Alexis Legayet écharpe à nouveau (2) ceux qui, se réclamant de l’écologie, pourrissent l’existence de leurs compatriotes. Lorsqu’il s’agit de décrire la vie de ces créatures tout à la fois opportunistes et hébétées, l’écriture ironique de l’auteur fait merveille. Son « héros », Marin Venius, conseiller municipal écologiste de la ville de Poissy, est un concentré de bêtise écologique et de naïveté idéologique – pour « sauver la planète », il est prêt à tout : critiquer le nucléaire et les énergies fossiles, désapprouver les voyages lointains de sa touriste d’épouse, lutter « contre le capitalisme et la consommation écocidaire ». Mouchard dans l’âme, il est heureux d’avoir contribué à la création de patrouilles municipales chargées de contrôler le tri des poubelles de ses concitoyens. Fidèle à ses convictions, il ne possède que deux paires de chaussures. Malheureusement, par un beau matin de printemps, tandis qu’il se rend à la mairie chaussé de la plus belle d’entre elles, des sneakers blancs qui « lui avaient coûté un bras », voilà-t-y pas que son pied droit s’enfonce dans une matière spongieuse, marronnasse et fétide. Ulcéré, Marin Venius déclare alors une guerre totale aux crottes de chien. Mais un ennemi sournois, invisible, lui rend la vie difficile en déposant toutes les nuits des étrons dans son minuscule carré de jardin et sur l’itinéraire qui le mène à la mairie. Un truc à devenir fou. D’ailleurs… 

Écologie punitive et absurdités vertes en pleine lumière

Alexis Legayet nous venge des écolos qui, dans la vraie vie, nous empoisonnent l’existence, en brossant les portraits drolatiques de Bénédicte Fontaine, la maire de Poissy, ex-militante de l’association Filles de la Terre, d’Enzo Biglot, un activiste vert qui a lu Foucault et affirme que « l’éclairage public, c’est le panoptique, la société de surveillance », et, donc, de Marin Venius, l’inventeur des Toutounet, installations disséminées dans toute la ville pour forcer les propriétaires de chiens à ramasser les excréments de leur animal domestique. Aucun n’est foncièrement méchant, mais tous sont bêtes à manger du foin. L’esprit totalitaire qui anime ces cucurbitacées révèle surtout des désordres psychiatriques qui vont du simple dérèglement compulsif à l’obsession paranoïde en passant par les troubles bileux qui touchent particulièrement les jeunes gens auto-diagnostiqués éco-anxieux ou climato-dépressifs. Comme Marin, ces derniers finissent le plus souvent par se jeter dans les bras d’adroits carriéristes de l’environnement, de chefs de tribus zadistes ou de pseudo-philosophes aux allures de gourous les incitant à devenir des « éléments fluides et circulants » et à « rejoindre le grand Pan ». Un des mentors de Marin Venius semble avoir fait siennes, à sa manière, les théories de Donna Haraway. Cette philosophe écolo-butlérienne, fort appréciée des universitaires wokes de Paris VIII et de la Sorbonne, considère que l’avenir radieux de l’humanité confrontée aux « désastres climatiques » est « l’Humain putréfié, décomposé en humus et compostant avec toutes les autres espèces » afin de créer un nouveau substrat « impur et révolutionnaire », substrat dont le rôle sera de« troubler les catégories de pensées occidentales » et de déstabiliser un monde obsolète parce que « trop blanc, trop masculin, trop hétérosexuel et trop humain », selon cette illuminée. Donna Haraway, dont le destin est de faire le bonheur des futurs paléontologues en devenant le plus gros coprolithe découvert sur Terre, est convaincue que « vivre dans la boue, devenir des Enfants du Compost dans le fourmillement de la vie symbiotique » est l’horizon indépassable du post-humain qu’elle appelle de ses vœux. Sous la férule d’un « maître de sagesse » totalement azimuté, Marin Venius finira par gober des théories voisines, des élucubrations sur le « grand circulus de la Vie » aussi grotesques que celles d’Haraway. 

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Rire au milieu du désastre. Rire de cette époque risible. « À la tautologie démesurée par laquelle s’exprime la société actuelle, il faut répondre par des tautologies parodiques ; à ses fictions par des fables et à ses fables par des fictions ; à son comique involontaire par un comique lucide », affirmait Philippe Muray en décrivant le seul projet esthétique qui avait grâce à ses yeux en ces temps d’effondrement : une littérature salvatrice et comique, salvatrice parce que volontairement comique, parodiant cette époque misérable, ridicule et malfaisante, en la citant le plus souvent possible, car « ce qu’elle a de pire ne peut littéralement pas s’inventer, c’est indicible autrement que dans sa langue : il faut la laisser en parler, lui ouvrir sans cesse des guillemets ; la mettre entre guillemets dans l’espoir qu’elle voie ce qu’elle dit et qu’elle entende ce qu’elle fait. » Imiter ironiquement cette époque arrogante pour la ridiculiser, c’est exactement la tâche littéraire qu’Alexis Legayet s’est assigné. Pour notre plus grand plaisir.    


(1) Alexis Legayet, L’oeil du cyclope et Histoire de merde, 2025, Éditions La Mouette de Minerve.    

(2) C’était déjà le cas dans Ainsi parlait Célestine, que j’ai recensé ici : https://www.causeur.fr/ainsi-parlait-celestine-ou-greta-manes-maya-257785

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Dessine-moi un jardin !

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Patrick Cloux © Le mot et le reste

Patrick Cloux, l’Auvergnat de Paris, l’écrivain des zones vertes nous propose une déambulation mi-savante, mi-poétique dans les Jardins Parisiens aux éditions Le mot et le reste…


Il n’est pas le premier, il ne sera certainement pas le dernier à braquer son stylo plume sur la capitale, son onde et ses contreforts, ses pelouses et ses bosquets. Paris aura fait verser beaucoup d’encre depuis des siècles. « Je pars en grand retard » avoue-t-il, tant la ville lumière demeure une source d’inspiration et d’éclosion, un marchepied à la littérature d’évasion urbaine. Chacun veut, un jour, se mesurer à cet escargot recroquevillé sur lui-même, veut en tirer une sonate ou un requiem, veut planter son drapeau au sommet des Buttes-Chaumont. Chaque écrivain, selon son humeur et sa verve, doit s’attaquer à ce Parnasse-là. 

À nous deux, Paris !

Lui dire, les yeux dans les yeux : à nous deux maintenant ! Tu ne me résisteras pas tour boulonnée et avenues percées par feu le baron Haussmann, je dirai ta vérité à la face du monde, je serai le seul à comprendre ton magma. Certains à la manière de Jacques Réda ou d’Éric Hazan ont bâti leur carrière sur les fondations de la vieille ville, ont su la faire parler, lui faire avouer ses rides et ses pleurs, ses lanternes magiques et ses corps-à-corps, ses lamentations et ses plaisirs dans la nuit. Patrick Cloux, en jardinier des herbes folles, avance sur ce terrain damassé avec des précautions de sioux. Il tapisse son livre de références historiques et d’émotions printanières, il baguenaude d’Est en Ouest, de Montsouris cher à Léo Malet à l’excentré Boulogne-Billancourt ; il furète et se laisse surprendre par l’apparition du vert dans la grisaille. Peu d’écrivains auront si bien décrit l’effraction du végétal dans l’univers bétonné, la juxtaposition heureuse et étrange du pavé luisant et d’une nature impatiente. Cloux n’est pas un écrivain amer, il n’est pas réfractaire au bonheur dans le pré, ce qui donne à la lecture de son ouvrage la force des convertis et des idées de sorties pour ce mois de juin.  

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Avec Jardins Parisiens sous le bras, on se prend à aimer de nouveau certains coins oubliés qui nous rappellent comme dans une chanson d’Eddy Mitchell les étreintes du passé. Les parcs et les squares sont les témoins de nos amours anciennes, les traverser, des années après, c’est rallumer les lucioles du souvenir. Je ne peux m’empêcher d’enjamber le square Viviani, face à Notre-Dame, sans penser à Philippe Noiret en costume en seersucker et à Annie Girardot en commissaire frivole. Cloux m’a donné envie de retourner, tout-là bas, près de l’Autoroute A13 et de la Normandie naissante, revoir le jardin japonisant d’Albert-Khan ou de me perdre dans la Cité Universitaire et d’y croiser le fantôme d’une étudiante américaine dans le décor d’une Nouvelle-Angleterre recréé artificiellement dans ce Paris bleu de chauffe, non loin des ateliers Panhard. Cloux ne se jette pas dans les débats stériles sur la végétalisation ou non de l’espace urbain, il est professeur en classe verte, plutôt même instituteur de l’œil lorsqu’il explique la genèse du Parc Monceau ou les secrets des serres botaniques. Il ne joue pas les fiers-à-bras des Halles qui savent tout et surplombent leur sujet. 

Coulée verte

Cloux possède la fibre nostalgique des amoureux de Peynet. Dupe de rien, ni des transformations récentes, ni des réactionnaires enchaînés, il trace sa propre coulée verte. Il s’empourpre quand ses promenades le poussent dans les villas fleuries. « Une sorte de course aux trésors pour les découvrir, les approcher, en démasquer l’existence, justifie de vraies promenades. Elles sont des pépites, des géodes. Un cristal soudain quand on tombe dessus par chance » écrit-il. Elles s’appellent, pêle-mêle, villa Riberolle, villa Brune, villa d’Alésia, villa de l’Adour ou villa Georgina. Cloux réhabilite le Luxembourg, lui redonne son romantisme de lycéen, trop souvent on moque ce parc bourgeois de la Rive Gauche, son entre-soi et ses belles manières exclusives, le provincial y voit autre chose, les tremblements de la jeunesse et la rêverie des esprits libres. « Tant de choses inédites et troublantes me plaisent au jardin du Luxembourg, cette grande cour de collège où on passe en rentrant comme en une rue traversière » lâche-t-il dans un cri extatique

Jardins Parisiens de Patrick Cloux – Le mot et le reste – 224 pages

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Un homme nu au fond du jardin

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Loreline Simonis de la Société d'horticulture de Picardie © Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Nous avons bien fait, ma Sauvageonne et moi, de nous rendre au vernissage de l’exposition des œuvres de mon ami le peintre Marc Deudon dans les locaux (prestigieux) de la Société d’Horticulture de Picardie (SHP), rue Le Nôtre, à Amiens. Il faisait chaud ; ma belle était peu vêtue, un peu de lin et de coton sur sa peau de blonde ; des escarpins veillaient sur ses fines pattes de biche. Je crois me souvenir qu’elle avait orné sa cheville gauche de l’adorable petite chaîne d’argent au motif de plume que je lui ai offerte ; une façon de me rassurer : si elle se perd, les concupiscents découvreurs de mon amour seront avertis qu’un écrivain de 107 kilogrammes, adepte des arts martiaux, au menton mussolinien plus volontaire que celui de l’humoriste Booder, veille sur elle. (J’ai oublié de préciser que je venais d’embaucher Rickybanlieue, son admirateur du courrier des lecteurs du site de Causeur, comme garde du corps.)

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À peine arrivée, ma Sauvageonne se dirigea vers les toiles deudoniennes pour les admirer. Je tentais d’en faire de même quand je sentis un regard insistant de poser sur ma nuque rasée par mon coiffeur Didier (galerie marchande d’Intermarché, 410, route d’Abbeville, Amiens). C’était la vice-présidente de la Société de Picardie. « Vous ne me reconnaissez pas ? », m’interrogea-t-elle de ses yeux clairs comme les eaux de la Vesle au lieu-dit La Prise d’Eau, à Sept-Saulx (Marne). « Non… », bredouillai-je, plus timide que Zabou Breitman dans le rôle d’Isabelle dans Thierry La Fronde. « Mais, enfin, nous sommes amis sur Facebook ; je suis Loreline Simonis, la nièce d’Olivier Simonis… » Olivier Simonis ; mon vieux sang et oublonisé de boomer ternois ne fit qu’un tour. Des images me remontaient : Olivier, un bon copain du lycée Henri-Martin, les bières brunes Porter que nous allions engloutir au café Central de Saint-Quentin en compagnie de Philippe Duplaquet, plus marrant qu’un personnage d’un long-métrage de Jean Girault. Et les bringues carabinées auxquelles nous nous adonnions au 136 de la rue de Vermand, garçonnière du grand frère de notre Olivier.

« Bon Dieu mais c’est bien sûr ! », lâchais-je comme assommé par tant d’émotions. Tu te doutes, lectrice adulée, qu’après cette plongée dans mon passé lycéen, je ne pouvais rien refuser à Loreline. Et quand elle me proposa de rencontrer en sa présence, Daniel Carbonnel, président de la SHP, afin qu’il m’exposât les difficultés de son association pour entretenir les beaux locaux de la société, j’excipais mon statut de grand reporter régional chez Causeur, et on y alla tout de go. « Nous avons fêté en décembre dernier les 180 ans de la Société d’Horticulture de Picardie », me confia Daniel Carbonnel. « C’est l’une des plus anciennes d’Amiens car elle est née en 1844. L’espace où nous nous trouvons (N.D.A. : le lieu d’exposition) a été bâti en 1897. En 2027, nous fêterons les 130 ans de l’hôtel de l’horticulture d’Amiens. À l’origine, c’était une immense salle de 300 mètres carrés avec une verrière afin d’obtenir un éclairage zénithal. Tout cela était voulu par le président de l’époque ; il était à la tête de cette société savante. Cette dernière voulait obtenir son autonomie car les cinquante premières années, on l’a promenée un peu partout au sein de la capitale picarde avec des conditions peu faciles pour assurer des cours, des conférences, etc. Son but était d’apporter des connaissances au niveau des jardins, tant pour les plantes potagères qu’ornementales. Aujourd’hui, elle compte 150 membres avec une augmentation de 50% par rapport à l’année dernière. Depuis quatre ans, notre but est de la redynamiser – l’activité avait diminué ces dernières années. Les bâtiments sont sur un seul niveau. Un faux-plafond a été posé dans les années 80 après le choc pétrolier de 73 car l’immeuble était un gouffre au niveau du chauffage. Notre souhait est de garder et préserver l’édifice, donc de faire sauteur de plafond et doubler tous les murs afin de garantir une meilleure isolation. Et créer une verrière isolée. Vous imaginez les coûts des travaux ? On lance donc un appel aux soutiens financiers afin de rénover l’ensemble. On voudrait également renouveler l’ensemble des chaises. On a fait une demande de classement qui doit passer en commission… » Et Loreline d’ajouter : « Ce bâtiment a passé deux guerres ; il est resté intact. Il a été réquisitionné par les Allemands… » Daniel Carbonnel précise : « Ils l’ont un peu dévasté ; ils ont utilisé l’ancien jardin où des camions militaires ne cessaient de passer. Les parquets ont dû être refaits après la guerre. » (Bénéficiant de la reconnaissance d’intérêt général, la SHP peut recevoir des dons, et les donateurs peuvent bénéficier des déductions fiscales. Adresse : 58/60, rue Le Nôtre, 80000 Amiens).

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Avant de quitter les lieux, Loreline nous a fait savoir qu’une mystérieuse et très belle statue ornait le fond du jardin. Ma Sauvageonne et moi sommes allés la découvrir. Devant nous : un homme nu aux longues jambes. Même s’il exhibe une coiffure semblable à celle d’Emmanuel Macron, il ne s’agit pas de lui. Si quelqu’un reconnaît cet être impudique, merci de prévenir la police.

La chute d’Imane Khelif

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Victoire de l'Algérienne Imane Khelif face à la Chinoise Yang Liu en finale de boxe féminine des 66 kg lors des Jeux Olympiques de Paris 2024 au stade Roland-Garros, à Paris le 9 août © JEANNE ACCORSINI/SIPA

La boxeuse Imane Khelif serait finalement… un homme! Une enquête révèle que sa réalité biologique a été soigneusement dissimulée au grand public: porteuse de chromosomes XY et atteinte d’un trouble rare du développement sexuel, elle aurait été protégée pendant des années par les autorités sportives algériennes et son cas particulier soigneusement ignoré par le Comité Olympique International.


On dispose aujourd’hui des éléments permettant de reconstituer l’étonnant parcours d’Imane Khelif, accusée par de nombreux médias et personnalités d’avoir remporté une médaille d’or de boxe féminine aux JO 2024 de Paris par une imposture. Cette accusation semble aujourd’hui étayée par la concordance entre l’enquête du média en ligne, Le Correspondant, dirigé par le journaliste franco-algérien Djaffer Ait Aoudia, et d’autres documents pertinents.

Une petite fille très sportive

La petite Imane naît dans une famille très pauvre d’une ville reculée d’Algérie. Dès l’âge de six ans, elle se passionne pour le sport, jouant d’abord au football avec les garçons de son village, où elle se distingue par sa robustesse. À 16 ans, sur les conseils du frère d’une amie, elle découvre la boxe au club de Tiaret, à 10 km de chez elle, où l’entraîneur cherche à former une équipe féminine.  

Lors d’une visite médicale de routine, le médecin féminin Nacera Ammoura observe sa poitrine à la pilosité généreuse, lui demande d’enlever son short. Imane se met à hurler, menaçant de parler à son père et de porter plainte.

Le médecin n’abandonne pas, soutenu par ses collègues de la médecine du sport, et décide de savoir si Imane est un homme ou une femme et veut envoyer un prélèvement de sang en France pour effectuer un caryotype. Khelif refuse, et le personnel médical n’a pas les moyens de l’y contraindre. Seule la Fédération algérienne de boxe avait le pouvoir de la mettre face à ses responsabilités. Le docteur Ammoura saisit donc sa hiérarchie, dans un rapport à la fédération d’avril 2018. Le directeur de la Fédération de Boxe décide, après avoir parlé au ministre des sports, d’écarter… le médecin. Un endocrinologue situé à 400 km de distance rédige en septembre 2018 un simple certificat sans résultat de tests : « Bilan hormonal normal… sexe féminin » (document reproduit par Le Correspondant). Imane continue à s’entraîner et multiplie les stages internationaux, notamment à Las Vegas et en Floride, où elle affronte des boxeuses de haut niveau. Chaque fois qu’on met son identité sexuelle en doute, elle brandit son certificat de complaisance. Le jeu continue jusqu’aux Championnats du monde féminins de boxe amateur de New Delhi en mars 2023.

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Cette supercherie apparemment couverte par le Secrétaire Général du Comité Olympique Algérien et par le ministre des Sports algérien fonctionne pendant cinq années d’ascension de « la boxeuse » : en 2018, Imane remporte la 17e place aux Championnats du monde féminins de boxe amateur à New Delhi ; en 2019, elle participe aux Championnats du monde en Russie et aux Jeux africains ; en 2020, elle représente l’Algérie aux JO de Tokyo, atteignant les quarts de finale ; en 2022, médaille d’or au tournoi Strandja Memorial, première boxeuse algérienne à atteindre une finale mondiale à Istanbul (médaille d’argent), médailles d’or aux Jeux méditerranéens (Oran) et aux Championnats d’Afrique (Maputo).

La controverse naît donc en mars 2023, lorsque Imane est disqualifiée des Championnats du monde à New Delhi par l’International Boxing Association (IBA) suite à un test chromosomique qui se révèle XY (masculin). En fait, l’IBA a disqualifié rétrospectivement Imane Khelif et la Taïwanaise Lin Yu-ting des Championnats de New Delhi sur la base de tests médicaux réalisés au cours de ces mêmes Championnats et lors des Championnats de 2022 à Istanbul. Selon l’IBA, « les deux athlètes ne répondaient pas aux critères d’éligibilité requis et se sont avérées avoir des avantages compétitifs par rapport aux autres concurrentes féminines ». Les détails des tests sont restés confidentiels, mais le président de l’IBA, Umar Kremlev, a confié à l’agence russe, TASS, que les deux athlètes avaient des chromosomes XY. Le média en ligne, 3 Wire Sports, a reproduit un extrait du test de New Delhi.

En août 2023, Khelif est néanmoins autorisée à participer aux JO 2024 de Paris dirigés par le Comité international olympique (CIO) qui estime qu’un passeport suffit à établir l’identité sexuelle. Lors des JO, Imane remporte une médaille d’or, battant l’Italienne Angela Carini (par abandon après 46 secondes), la Hongroise Anna Luca Hamori, la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng, et la Chinoise Yang Liu en finale.

Dans le contexte des JO 2024 de Paris, l’affaire déclenche une polémique où l’on accuse des figures traitées de conservatrices comme JK Rowling ou Elon Musk d’entretenir des rumeurs infondées. Imane prétend porter plainte pour harcèlement moral en raison des attaques en ligne et des fuites présumées de son dossier médical. Le paradoxe est qu’elle est soutenue par les partisans du genre qui en font une star LGBTQ+, alors qu’Imane nie être transgenre et affirme être une femme.

Enfin, la vérité éclate

Le média en ligne Le Correspondant révélera en octobre 2024 qu’un rapport du Professeur Young de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre à Paris, daté de juin 2023 et donc antérieur à la décision du CIO du mois d’août de cette année, avait confirmé de nouveau le caryotype XY et diagnostiqué une anomalie génétique, nommée déficit en 5-alpha réductase de type 2. Ce déficit est une condition génétique rare qui affecte la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), hormone cruciale pour le développement des caractéristiques sexuelles masculines pendant la vie fœtale et la puberté. Avec un déficit en 5-AR2, les organes génitaux externes peuvent ne pas se développer complètement comme ceux d’un garçon, ressemblant plutôt à ceux d’une fille à la naissance, ou être ambigus.

À la puberté, la testostérone, bien que non convertie efficacement en DHT, peut induire des traits masculins comme l’augmentation de la musculature, mais les caractéristiques sexuelles secondaires comme la pilosité faciale et corporelle peuvent être réduites, et les organes génitaux peuvent rester petits. Un déficit en 5-AR2 affecte donc le développement des caractéristiques sexuelles de sorte que les individus puissent être initialement élevés ou s’identifier comme féminins. Le Pr Young constate en outre l’absence de seins et d’ovaires, la présence de testicules de taille normale dans l’abdomen (produisant un taux de testostérone masculin), un vagin court, pas d’utérus et une hypertrophie clitoridienne.

Il faut souligner le fait que le sexe biologique est déterminé par le caryotype (XX ou XY) et par les gonades (ovaires ou testicules). Les individus souffrant d’un déficit en 5-AR2 sont de sexe masculin, car ils possèdent des chromosomes XY et des testicules fonctionnels. L’aspect physique ambigu ou féminisé à la naissance est une conséquence du déficit en DHT, mais n’affecte pas leur sexe biologique. Le déficit en 5-AR2 relève du pseudo-hermaphrodisme, discordance entre le sexe génétique/gonadique (mâle) et l’apparence externe (ambiguë ou féminisée), due au manque de DHT. Dans le vrai hermaphrodisme on a la présence de tissu testiculaire et ovarien chez le même individu, avec des caractéristiques sexuelles potentiellement ambiguës.

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Le Comité Olympique International a reçu le dossier médical du Pr Young, en juin 2023 – fourni par Imane Khelif lui-même. Les journalistes qui posaient des questions sur la condition médicale d’Imane Khelif ont reçu pour toute réponse : « Le comité de sélection ne se base pas sur des analyses médicales et prend des décisions souveraines ». Pourtant, en août 2024, la boxeuse bulgare Joana Nwamerue, qui a affronté Imane Khelif lors de séances d’entraînement à Sofia, affirmait que Khelif était un homme : puissance masculine, techniques masculines… L’équipe de boxe algérienne (qui connaissait le dossier médical) lui a expliqué : « Imane n’est pas un homme. C’est une femme qui vit dans les montagnes avec sa famille et ses parents. Il se peut qu’il y ait un changement au niveau de la testostérone, des chromosomes, etc. » L’air de la montagne a des effets surprenants…

Imane se brûle les ailes

Mais on ne peut continuer à raconter éternellement des fables. Le 30 mai 2025, la nouvelle organisation mondiale de boxe, World Boxing, chargée d’organiser les épreuves de boxe lors des Jeux olympiques de Los Angeles 2028, a publié un communiqué instaurant une nouvelle règle officielle : les athlètes au caryotype XY seront exclus de la catégorie féminine. Le président de la Fédération précise que la boxeuse algérienne devra se soumettre à un test avant de pouvoir participer à toute compétition, à commencer par la Coupe féminine d’Eindhoven du 5 au 10 juin 2025, où Imane Khelif était inscrite, mais ne s’est pas présentée. Le président de la World Boxing s’est excusé plus tard d’avoir cité nommément Imane Khelif. 

Imane, qui était montée trop haut s’est brûlé les ailes comme Icare. La presse, qui a étouffé si longtemps le scandale, continue dans une certaine mesure à le faire. Libération dénonce les « polémiques nauséabondes » alimentées par des spéculations sur le genre de Khelif, alors qu’il ne s’agit pas de son genre, mais de son sexe biologique. Le quotidien britannique le Daily Telegraph a fait preuve de moins d’indulgence, déclarant: « Imane Khelif scandal brings everlasting shame on the IOC » (Le scandale Imane Khelif jette une honte éternelle sur le Comité Olympique International).

L’Algérie semble décidée à arrêter les frais : le ministre des Sports a été remplacé en novembre 2024, et – selon Le Correspondant – on y reproche à l’entraîneur d’Imane Khelif d’avoir facilité la participation de l’athlète aux Jeux de Paris 2024, tout en sachant quelle était sa vraie condition génétique. Il se peut aussi que l’Algérie n’ait pas envie d’entrer en conflit ouvert avec Donald Trump, qui a déjà refusé le visa d’entrée aux États-Unis d’Imane Khelif pour les JO 2028 de Los Angeles.

Gentleman cambrioleur

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Le journaliste et écrivain Angelo Rinaldi prenant la pose en 1995 © BERTRAND/NECO/SIPA

Angelo Rinaldi fut un critique littéraire redouté. D’anciens et (parfois) féroces textes sont republiés. L’œuvre de l’écrivain a été marquée par la solitude, la foi tourmentée et un culte du style, se remémore notre chroniqueur.


Angelo Rinaldi est mort le 7 mai 2025. Sa disparition a suscité de nombreux témoignages touchants, de Pierre Michon à Stéphane Barsacq, en passant par Louis-Henri de la Rochefoucauld. Il était né à Bastia, le 17 juin 1940, un jour avant le fameux appel du général de Gaulle invitant à résister et ne pas coucher avec le pétainisme dont nous ne sommes pas totalement sortis. Rinaldi était gaulliste de gauche, mais anti-Mitterrand, n’oubliant jamais ses origines modestes. Il était devenu le sniper de Saint-Germain-des-Prés, exécutant ce qu’il pensait être les fausses valeurs de la littérature contemporaine. Pour lui, un écrivain, c’était ça : « Une voix, un style, un tempérament, une expérience, un inconscient, des impressions d’enfance. » Le style, surtout. Alors ce salarié de la critique, qui avait débuté comme chroniqueur judiciaire à Nice matin, tirait sur les invalides de l’oreille – car un style, ça se reconnait à l’oreille. J’avoue avoir un peu de mal à évoquer avec détachement Rinaldi, même si je devine derrière son regard noisette – le regard des tireurs d’élite – et ses jugements assassins une grande sensibilité portée sur la mélancolie, et une non moins grande solitude.

Légende noire

J’ai cherché des éléments biographiques sur le net. J’ai trouvé un long témoignage sur le site de L’Express, mais l’un de ses fidèles amis, qui lui a rendu visite à la Fondation Rothschild et l’a accompagné au seuil de la mort, m’a dit que le texte était diffamatoire. Un peu de mal, donc, à en parler, même si son ultime livre, Les roses et les épines, un recueil de ses plus percutantes chroniques, m’y pousse, car mes amis littéraires, ceux qui, avec leurs livres, vous soutiennent dans les moments de dépression, ont été, peu ou prou, malmenés – le terme se veut modéré – par Rinaldi. Je me souviens de la remarque de Michel Déon : « Rinaldi tire sur tout ce qui le dépasse. Et comme il mesure 1m50 ! »

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Dans le recueil, Rinaldi est fidèle à sa légende noire. Il ne loupe jamais sa cible. C’est féroce, le trait d’humour ne manque pas, et c’est, reconnaissons-le, parfois subtil. Rinaldi est un écorché vif, érudit, au fond peut-être pas si méchant que ça. Mais sa souffrance, dont j’ignore exactement l’origine, finit par le rendre exaspérant. Et c’est une erreur, car l’autre face du personnage est plutôt attachante. Je veux parler du Rinaldi romancier. Dans ses critiques, il lui arrive de glisser une confidence. Il faut être attentif, et éviter de tempêter contre lui, quand il dégomme un auteur qu’on révère – Simenon, Sollers, Robbe-Grillet, Claude Simon (grand styliste pourtant), etc. À propos d’Albert Camus, rangé dans la catégorie des auteurs qu’il aime « un peu », il y a cet aveu : « La pauvreté, quand on l’a connue dans l’enfance, avec son cortège de menues humiliations, ayant la même vertu que les sacrements, sépare à jamais de ceux qui ne l’ont pas subie, quelle que soit la suite. » Et d’ajouter : « Il aura manqué au génie de Sartre de ne pas s’être lavé ce que je pense dans l’évier de la cuisine. »

Cambriolages

L’un des fils rouges suivi par Rinaldi, une sorte d’idée fixe, reste le déchirement intérieur que vit le croyant homosexuel ; la foi inébranlable, écartelée par la passion non avouable – et condamnée par le Code pénal jusqu’en 1982. Le seul écrivain, selon lui, qui ait résolu le dilemme de la Croix et de la chair, c’est Marcel Jouhandeau – chaque année je lui rends visite au cimetière de Montmartre. Dans son article daté du 12 août 1974, Rinaldi rappelle l’estime littéraire qu’il porte à l’auteur des Journaliers : « Avec ses malices, ses tourments religieux, son appétit de jouissance, son perpétuel balancement entre les garçons, dont la beauté le damne, et Dieu, dont la beauté l’absout. »

Si Rinaldi, souvent, nous crispe, il lui arrive de nous faire sourire. Par exemple, quand il résume l’œuvre de Le Clézio : « Dans l’ensemble, les ouvrages de M. Le Clézio font songer au bulletin de la météo quand le présentateur annonce une persistance du temps couvert avec passage de très belles éclaircies. » Ou encore lorsqu’il l’achève d’une balle dans la tête en le comparant à « du Saint-John Perse délavé ». Très vite, cependant, notre esprit s’assombrit. À propos de Claude Simon, alors que ses analyses psychologiques ne manquent pas de pertinence, Rinaldi frise la faute de goût : « L’ensemble, à l’exception de quelques moments de lyrisme, est d’un laborieux qui exclut le moindre souffle de grâce. »

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Tout cela, au fond, n’a guère d’importance aujourd’hui. Rinaldi et ses cibles appartiennent à un même monde avec des approches, non plus opposées, mais complémentaires. Ses chroniques nous permettent de garder l’œil sur le meilleur des uns et des autres. Car Rinaldi avait ses écrivains de cœur, à commencer par Céline, dont il a su percevoir l’essence de son œuvre : « (…) il a besoin de l’horrible pour nourrir sa verve, satisfaire son appétit de désastres, (…) il n’est à l’aise que dans la malédiction et la boue dont il pétrit ses livres. » Ce monde, quand Rinaldi était le critique le plus redouté de France – à L’Express, au Figaro littéraire – comprenait environ 10 000 lecteurs – des lecteurs capables de lire aussi bien Gracq que Sollers. Ce « chiffre d’or » n’a sûrement pas augmenté. Il aurait même tendance à avoir maigri. Or l’affaiblissement de la lecture produit de très bons esclaves.

Angelo Rinaldi était très subjectif, il ne s’en cachait pas. Lui qui avait fini par rejoindre les rangs de l’Académie française, après avoir obtenu le Prix Femina en 1974, écrivait, lucide, le 10 novembre 1989 : « Dans le livre qu’on visite – qu’on cambriole, en fait – on laisse ses empreintes digitales aux inspecteurs de la postérité dont le flair ne sera pas forcément supérieur au nôtre. »

Angelo Rinaldi, Les roses et les épines, Chroniques littéraires, Éditions des instants. 272 pages

De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

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Catherine Deneuve à Cannes © Joel C Ryan/Invision/AP/SIPA

En marge du Festival de Cannes, 900 artistes du cinéma ont publié une tribune condamnant le « silence » sur le« génocide » à Gaza. Parmi eux, Catherine Deneuve. Le président d’Avocats sans frontières n’en est toujours pas revenu.


J’ai beau l’avoir prédit, j’en suis quand même un peu surpris.

Dans mon Journal de guerre, j’écrivais dès le 10 octobre 2023 : « J’entends ici prendre date. Le grand pogrom commis par les islamonazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. Et le chef de l’armée israélienne ne sera pas Montgomery, mais Rommel. Tsahal sera la Reischwehr. »

Car je connaissais mes classiques : entre une armée de soldats juifs blancs en uniforme et une troupe de terroristes basanés en haillons, je savais bien vers qui le cœur à gauche malade de l’idéologie médiatique n’allait pas tarder à balancer. Le tout fouetté par le Nombre et l’Argent. Et je savais aussi que la riposte juive de l’État pogromisé n’allait pas être plus timide que celle des alliés d’hier au-dessus de l’Allemagne hitlérienne ou de la France occupée, ou plus tard au-dessus de Raqqa. Et je savais aussi que les tueurs de gamins ou les violeurs de femmes se terraient sous les hôpitaux, les écoles et les mosquées, à jouer à qui perd ses enfants gagne.

Mais je suis tout de même un peu surpris. Je savais pour Mélenchon, je savais pour Le Monde et pour Libération. Mais Catherine Deneuve… Qui dans une de ces pétitions où le monde artistique sait montrer son courage depuis l’occupation ose le mot « génocide ». Je ne pourrais plus jamais écouter comme avant l’air des Parapluies.

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Pour le reste, point de surprise. Le Monde reprend les bilans victimaires de la « Défense civile » en dissimulant qu’il s’agit du Hamas. France Inter les reprend comme s’il s’agissait du Journal officiel sans même donner leur source. Et tant pis si j’ai déjà fait condamner cette pratique par l’Arcom. Pourquoi voulez-vous qu’elle s’amende puisqu’elle n’en reçoit pas ? Quant à son responsable de politique internationale, Pierre Haski (ancien de Libération et vice-président de Reporters sans frontières), il a réussi l’exploit journalistique de consacrer mercredi matin un éditorial évidemment et unilatéralement critique à Israël, sans dire un mot sur l’attentat terroriste au cri de « Free Palestine » au musée juif de Washington. Il n’a donc pas pu dire que les deux Israéliens assassinés étaient membres de l’AJC, une organisation progressiste et pacifiste.

Pour finir par France 2, la chaîne enchaînée par l’idéologie, laisse passer sans s’excuser un Ardisson comparant Gaza à Auschwitz, égaré par un docteur Pitti, faux humanitaire mais vrai admirateur du Hamas qui avait, lui, comparé Gaza au ghetto de Varsovie. Ardisson, au moins, a demandé pardon.

Je me console comme je peux en pensant que, pour pouvoir continuer à crier « Free Israël », il vaut tout de même mieux gagner la guerre réelle que l’ingagnable guerre médiatique. 

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