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Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?

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Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert « Chambre 2806: l’affaire DSK » nous a fait revenir au mois de mai 2011.


Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l’une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu’il s’apprêtait à quitter New York.

On peut éliminer de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !

Un sentiment d’injustice

Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu’il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.

L’arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s’en prenant au « violeur », sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l’avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès

Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d’abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d’une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.

Le documentaire a décrit clairement, à l’aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d’une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l’accusateur américain – à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d’1,5 million de dollars.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès. On est frappé par la persévérance, voire l’acharnement avec lesquels la justice américaine s’est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l’essentiel pour nous : les faits s’étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l’adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L’aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.

En France, le droit à un procès équitable

Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen – DSK, pour poursuivre la comparaison – aurait été renvoyé devant la cour d’assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu’on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n’aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d’assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs. Et tout cela dans le cadre d’un procès.
Nafissatou Diallo n’aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d’un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu’elle disait avoir subis.

Nous sommes donc en France.

DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.

Quid de la version de Dominique Strauss-Kahn ?

Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.

L’entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l’aveu d’une attitude « inappropriée ».

À lire aussi, Alexis Brunet : DSK m’a tuer

DSK nous annonce qu’il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l’année prochaine. Je parie qu’il sera question d’argent. Pourquoi si tard ? Ce n’est pas que l’impatience nous tenaille mais tout de même !

Enfin, cet homme intelligent déclare qu’il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !

Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l’occasion.

Si elle avait été en France, quel changement !

Télérama: sur le toit du monde progressiste

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L’hebdomadaire culturel propose des numéros de plus en plus riches, de plus en plus savants et progressistes.


Le magazine Télérama n’est pas un simple hebdomadaire télé. Il est aussi, selon Fabienne Pascaud, sa directrice de la rédaction, un magazine culturel. Et il est de plus en plus un magazine culturel à la pointe de tous les progressismes qui progressent.

Un très récent numéro (n° 3697) semblait avoir atteint le sommet en matière de contenus progressistes. La page de couverture et un dossier complet étaient consacrés au philosophe humaniste Lilian Thuram et à son concept de « pensée blanche » reposant sur trois anecdotes de cour de récréation et de vestiaires.

À lire aussi, Benjamin Nolange: Pour Lilian Thuram, tout blanc est un raciste qui s’ignore

Plus loin, un article présentait « l’alphabet du genre inclusif-ve » inventé par un étudiant de la Haute école d’art et de design de Genève et censé simplifier l’apprentissage et l’utilisation de l’écriture dite inclusive, laquelle était utilisée par le journaliste pour vanter ce nouveau charabia. Plus loin encore, dans le même numéro, deux pages étaient consacrés à l’égérie de l’antiracisme racialo-raciste à la mode des campus américains, Rokhaya Diallo. Les témoignages poignants de Maboula Soumahoro et d’Alice Coffin contrebalancèrent facilement celui du journaliste de Médiapart Jérôme Confavreux qui n’en revenait pas d’avoir dû passer par « l’agente américaine » de Mme Diallo pour pouvoir travailler avec elle.

Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R

Rééducation féministe avec Caroline De Haas

Mais Télérama n’avait pas l’intention d’en rester là. Le magazine a profité pendant de nombreux mois du concours d’une société promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes. Egaé, la société en question, a été co-créée et est co-dirigée par Caroline De Haas. Elle a pour ambition de « percuter l’illusion de l’égalité », cette illusion bien française qui nuit au recul « des stéréotypes, des préjugés et des idées reçues. » Grâce à un carnet d’adresses construit pendant ses riches années d’activité syndicale, politique et ministérielle, Caroline De Haas rééduque essentiellement les agents de services publics – ministères, fédérations sportives, mairies ou préfectures. Mais elle redresse aussi, à l’occasion, les employés d’organes de presse, Médiapart, Le Monde et… Télérama.

Après quelques séances de sensibilisation à l’égalité, à la déconstruction des stéréotypes et à l’éducation non-sexiste, les journalistes de Télérama rendent en ce moment même leur mémoire de fin d’études égalitaires et déconstructivistes. C’est le dernier numéro du magazine (n° 3700). Cela commence par l’entretien d’un spécialiste québécois du féminisme, Francis Dupuis-Déri. En gros : il y a eu des progrès mais pour ce qui est de « la répartition des tâches parentales, des tâches domestiques ou du temps libre au sein d’un couple hétérosexuel », c’est pas encore ça. La « crise de la masculinité » – dont Télérama souligne qu’il n’y a plus « besoin d’aller la chercher à l’extrême-droite » (sic) – est « une stratégie de résistance d’un patriarcat bien ancré » que M. Dupuis-Déri confesse utiliser parfois pour échapper aux tâches domestiques. « Je suis loin d’être parfait », reconnaît-il. Il avoue avoir « examiné [ses] comportements passés » et en avoir tiré de très sévères conclusions. Ce laborieux travail de sociologie déconstructiviste auto-analytique l’a conduit à la réflexion supersonique suivante : « Les hommes ne sont pas en crise, ils font des crises. »

Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R

Déboulonner les codes de la masculinité

Quelques pages plus loin, un article est intitulé « Regarde les hommes changer. » Il s’agit des portraits de différents jeunes hommes qui « déboulonnent les codes d’une masculinité virile et dominatrice. Et inventent de nouvelles façons d’être des hommes. » Les « hommes » en question sont « des garçons différents » qui modifient leur « rapport à la séduction ou aux tâches ménagères. » Un de ces déboulonneurs anime des ateliers dans les collèges, les maisons d’enfants (sic) ou les prisons : « Les gens de banlieue ou de la campagne ne sont pas idiots. » Et ils n’ont pas l’intention de le devenir, donc : au large, jeune « homme » !

La page 45 du même numéro ouvre un nouveau chapitre : « La misandrie s’affirme dans les milieux féministes. Un rejet masculin revendiqué comme une étape radicale mais nécessaire pour la libération des femmes. » Un enseignant à Paris 8 dénonce le « sexisme systémique subi par les femmes ». Alice Coffin et Pauline Harmange sont soutenues par l’historienne Christine Bard qui voit dans cette misandrie un juste combat contre le… patriarcat. Il est promis un « outil de pensée et de déconstruction » pour se « construire contre les hommes ». Page 47, un dessin représentant une femme dégustant un pénis qu’elle porte en collier révèle idéalement l’esprit dans lequel a été écrit l’ensemble de ce numéro spécial de Télérama.

Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R
Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R

Homme viril = fasciste 

Enfin, le dernier dossier s’intitule « Virilité et imagerie fasciste ». Les journalistes ont choisi Julien Rochedy, ex-cadre du FN ( il fallait le préciser !), pour illustrer les dérives « viriles » d’un club masculiniste dont l’ensemble des adhérents tient dans une cabine téléphonique. Au moins cela aura-t-il permis de conclure en établissant ce que dans certains milieux féministes haassiens on appelle un beau continuum : homme, patriarcat, domination, fascisme. CQFD.

À lire aussi, Yves Mamou: « Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

« Le progrès remonte à la plus haute Antiquité, disent certains. D’autres affirment que l’avenir lui appartient. Rares sont ceux qui doutent de son existence. Il est convenu que rien ne l’arrête. Et même qu’il sait où il va. Il est apparemment le seul. » (Alisandre Violette)

Ce que cache la une du « Time » avec Assa Traoré

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Assa Traoré en une de Time: black panther et soft power


Le choix de la militante Assa Traoré comme personnalité en couverture par le magazine américain Time s’inscrit dans une politique à long terme de séduction des Français d’origine musulmane. Cette politique est paradoxalement relayée par une gauche traditionnellement anti-américaine.

En 2019, en France, 19 personnes ont été tuées par la police. A situation comparable, les Etats-Unis, cinq fois plus peuplés, auraient dû compter cette année-là 95 décès imputables aux forces de l’ordre. Selon les chiffres compilés par le Washington Post, il y en a eu 1010, c’est à dire dix fois plus.

Cet écart hallucinant n’a pas empêché le magazine américain Time d’asséner à la France une pénible leçon sur le thème des violences policières à caractère raciste, tout au long d’un article publié le 12 décembre. L’édition Europe-Proche Orient du magazine affichait en couverture Assa Traoré, catapultée Personnalité de l’année, présentée comme l’égérie d’un combat sacré pour le respect de la vie des « racisés ».

Une clientèle américanophile constituée dans les banlieues françaises

Les critères de choix des « Person of the year » du Time ne sont pas publics, mais défendre l’idée que la France est un pays viscéralement raciste, manifestement, ne peut pas nuire.

Voilà quinze ans que l’intelligentsia américaine progressiste – dont la rédaction de l’hebdomadaire new-yorkais est la quintessence – soutient, forme et finance les porte-parole d’un discours victimaire, formaté pour les jeunes noirs et arabes.

A lire, enquête: La vérité sur l’affaire Adama Traoré

Les Wikileaks contiennent des télégrammes diplomatiques éloquents à cet égard. Ils décrivent comment l’ambassade américaine à Paris a pensé faire d’une pierre deux coups, après les émeutes ayant secoué nos banlieues en 2005. L’ambassadeur américain Charles Rivkin voulait choyer les Français de culture musulmane, afin de se constituer une clientèle américanophile, et espérait aussi regagner un peu du crédit perdu dans le monde arabe suite à l’invasion de l’Irak en 2003. L’ambassade n’a pas lésiné. Elle a organisé une rencontre entre des jeunes de Seine-Saint-Denis et la star Samuel Jackson en 2010. Elle a appuyé la publication d’un très long article sur le Bondy Blog dans le New York Times en 2015. Elle a donné une grande latitude à son attaché culturel du consulat de Lyon, Victor Vitelli, pour travailler à « la promotion des minorités ». Le tout était complété par une réorientation de programmes plus anciens comme les « Young Leaders » de la French American Foundation, en direction des minorités visibles. Rokhaya Diallo en a profité en 2010.

L’ONG US Ashoka en soutien de Coexister

Les riches organisations non-gouvernementales américaines sont venues en renfort.

En 2016, l’Alliance Citoyenne, organisatrice de l’opération burkini dans les piscines de Grenoble l’an dernier, a reçu 80 000 dollars de l’Open society Foundation de Georges Soros. Coexister n’a pas été oubliée. Obsédée par l’islamophobie, l’association de «  management interconvictionnel » a été couvée par le réseau Ashoka. Discrète, cette ONG financée par des grandes entreprises américaines a un objet social assez flou : former des « entrepreneurs du social ». En termes plus concrets, il s’agit de coacher des relais d’opinion et des lobbyistes, intervenant en général à la frontière du public et du privé. Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister, a été Ashoka Fellow en 2016. A ce titre, de l’aveu de sa présidente, Radia Bakkouch, l’association Coexister a bénéficié d’un accompagnement poussé, pendant des mois. Ashoka ne verse pas d’argent, mais apporte une expertise précieuse. L’organisation travaille en finesse. La sélection des « fellows » est beaucoup moins grossière que celle du Time. Leurs parcours sont très variés et ils sont généralement de bon niveau. Assa Traoré n’a pas le profil. Stéphane de Freitas, oui. Ce cinéaste est à l’origine du projet Eloquentia, un concours d’éloquence à destination des jeunes, visant à mettre ceux des cités en valeur. Ce n’est écrit nulle part aussi clairement, mais le compte-rendu de la finale 2019 par le Bondy Blog se passe de commentaire à cet égard.

A lire aussi, du même auteur: Coexister: touchée, mais pas coulée

Il n’y a aucune raison de penser que ce travail d’influence fort professionnel s’arrêtera dans les mois qui viennent. Il va finir par créer une situation inédite sur le plan politique pour la présidentielle et les législatives de 2022.

Pleine de tendresse pour les indigénistes, prête à accueillir Assa Traoré, la France insoumise va finir par arriver au scrutin avec l’image d’un parti noyauté par Washington !

Nos élus et l'islam

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Mon Covid à Barcelone

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Benoît Barthes est Français, et vit à Barcelone — il y a pire comme destin. Je lui ai demandé de se présenter, il y a consenti avec une sobriété qui force l’admiration : « Ex-parisien vivant à Barcelone depuis 8 ans, un demi-siècle au compteur, je suis ce qu’on appelle très vaguement un apporteur d’affaires, c’est-à-dire que j’apporte des affaires pour une poignée d’entreprises françaises dans le domaine de l’ingénierie industrielle. La littérature est ma passion, j’aime lire et j’aime écrire, et tout compte fait, c’est une raison d’être suffisante. » Je le rejoins, sur cette dernière phrase, en tous points.

Je le savais dans la capitale catalane, pour laquelle j’ai un goût très vif. L’idée de lui demander de nous narrer la survie de cette grande ville en ces temps d’épidémie s’imposa d’elle-même.
Jean-Paul Brighelli

« L’été dernier nous avons découvert une Barcelone inédite : il n’y avait pas de touristes. Chose inouïe, on pouvait traverser la Ciutat Vella en vélo à toute allure alors que d’ordinaire la foule compacte qui la gorge tout entière six mois de l’année sur douze et déambule comme une lave lente dans l’entrelacs de ses ruelles en écoutant les clichés approximatifs des guides formés sur Wikipédia, décourage les Barcelonais de s’y aventurer ne serait-ce que pour une brève course. La Cathédrale et son parvis cessèrent de servir d’arrière-plan à des centaines de milliers de selfies journaliers, on pouvait y pénétrer sans avoir à faire la queue sous le cagnard et visiter enfin ce beau morceau d’histoire gothique dédiée à la patronne de la ville, sainte Eulalie. Même les opposants au tourisme les plus déterminés (et ils ne se sont pas privés de se faire entendre ces dernières années allant jusqu’à bloquer l’accès de la Sagrada Familia au cri de « Tourists Go Home ! ») n’auraient osé imaginer pouvoir un jour lire tranquillement au Parc Güell au son des oiseaux et du froufrou des feuillages, face au panorama urbain que termine l’horizon d’une Méditerranée scintillante. Ce parc conçu précisément comme un sanctuaire de silence et de quiétude, forêt incrustée dans la ville et sertie des céramiques de Gaudi, s’est transformé en quelques années en un parc d’attraction bondé compromettant non seulement le silence mais le désir de s’enfouir dans la nature pour s’y rencontrer soi-même. Lire au Parc Güell en été, susurrer des douceurs à l’oreille de sa bien-aimée sur un des bancs de céramiques ceignant la célèbre esplanade, examiner sa vie, ses amours, ses tracas, ses espoirs, au cours d’une promenade solitaire parmi les arbres, tout cela était devenu aussi incongru que, je ne sais, jouer une sonate de Schubert sur le pas de tir de la fusée Ariane au moment de son lancement, par exemple, ou travailler sa voix de soprano à côté des chutes du Niagara. Et ceux qui y enseignaient le yoga dans quelque recoin à peu près épargné par les troupeaux de visiteurs ne tardaient pas à replier leurs tapis en raison du passage incessant des vendeurs à la sauvette fuyant les policiers.

Image: Creative Commons

« Et les Ramblas, ces fameuses Ramblas décrites dans tous les guides touristiques comme un des lieux les plus pittoresques de la ville et dont on se demande bien pourquoi la terre entière vient y traîner ses tongs vu qu’on n’y trouvera plus un seul Barcelonais prenant son vermouth de 19 h sous les arbres de l’allée centrale, le Covid les rendit enfin praticables. Il nous avait frayé le passage, on y circulait à pied, en vélo, en voiture, comme dans un patelin paisible aux trottoirs parsemés d’un mélange d’excitation et d’étonnement et le sentiment paradoxal de découvrir une cité interdite.

« Les plages elles aussi redevinrent des plages. Finis ces dépotoirs des années antérieures qui nous faisaient préférer des baignades à quelques encablures de la capitale catalane, là où l’on est sûr que le touriste ne viendra pas vider sa vessie d’insatiable buveur de mojito. On put étendre nos serviettes sur du sable propre et nager dans des eaux limpides que même les méduses, sans doute déçues de ne pas trouver le long des cinq km de plages barcelonaises leurs doses habituelles de contaminants de toutes sortes et de pisse mêlée de shit, de cocaïne, de vodka, de biè̀re, décidèrent pour une fois de bouder. Ce fut un été sans méduses et sans canettes sur le sable, coup dur pour les manteros, ces vendeurs ambulants d’origine pakistanaise et africaine qui sillonnent le sable à longueur de journée sous le soleil, les bras chargé de paréos et de sacs remplis de glaçons et de bières et criant sans relâche leurs marchandises dans un anglais tout juste reconnaissable.

« Ô Covid, si tu n’étais pas aussi meurtrier je chanterais tes louanges ! Grâce à toi, mon été barcelonais fut un été sans regret. Et dieu sait pourtant si j’avais de bonnes raisons de pester contre toi qui m’avais, à l’occasion du premier confinement, infligé une saignée des plus rudes dans ma trésorerie de travailleur free-lance. Il y avait tant de choses à déplorer à cause de ce fichu virus qu’on n’osait se féliciter trop ouvertement d’une sorte de libération. Et pourtant qui pouvait sans hypocrisie regretter l’absence de touristes cet été à Barcelone ? La vache à lait qu’ils représentent n’est guère une vache sacrée pour ses habitants qui ont vu peu à peu leur ville se laisser dévorer par un organisme tentaculaire nécessitant pour sa croissance de se nourrir de possessions locales : des appartements, des bars, des commerces des rues, des quartiers, des plages, une portion entière de la cité — son cœur même.

A lire aussi: Causeur: Un été sans touristes

« Mais la saison touristique a passé et ces réjouissances inavouables n’ont plus lieu d’être maintenant que Covid le Conquérant a installé ses quartiers d’hiver dans notre ville refroidie. Sous la baguette du gouvernement de Catalogne, Barcelone compose avec l’ennemi campant en son sein. Après un confinement automnal des plus stricts, à peu près semblable au premier, la capitale catalane a rouvert ses salles de spectacles, ses bars, ses restaurants avec des conditions infiniment contraignantes. La ville, toque de queda (couvre-feu) oblige, ferme les yeux à vingt-deux heures, si bien que les restaurants dans leur grande majorité ne prennent pas la peine d’ouvrir le soir et se contentent d’un seul service en mi-journée. Vingt-deux heures, c’est le moment où, en temps normal, les restaurants commencent à faire le plein ici. Quant à ceux qui résistent malgré tout, leurs tables restent majoritairement inoccupées : le protocole sanitaire stipule une limitation de la fréquentation et de toute façon bien des clients frustrés à l’idée de devoir chronométrer leur sortie vespérale, choisissent de rester chez eux.

« Tout semble fait d’une manière générale pour décourager les consommateurs sans désespérer les commerces. On freine et on incite, sans quitter des yeux l’indicateur-clé, ce fétiche nommé tasa de incidencia (taux d’incidence). C’est de lui que dépendent tous les ajustements régaliens du gouvernement catalan. Les chiffres étant ce qu’ils sont, il y a fort à craindre que les restrictions perdurent : toque de queda à 22 h, interdiction de sortir de Barcelone le week-end, interdiction de franchir les frontières de la Catalogne le reste du temps, centres commerciaux et boîtes de nuit fermés, limitation du taux de fréquentation de tout établissement destiné à recevoir du public, lieux de culte soumis aux mêmes restrictions…

« Pour l’heure aucun des grands noms de la restauration barcelonaise ne se risque à proposer un menu spécial Noche Vieja (réveillon du Nouvel An), et si la Mairie de Barcelone a daigné orner les rues de ses illuminations rituelles, elles brilleront davantage au moment de quitter 2020 dans le silence des rues désertes, sous nos fenêtres de Barcelonais confinés. »

Benoît Barthes

« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

Touche pas à ma déesse !

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.

Au revoir les jeunes


Les adolescentes, film (1960) d’Alberto Lattuadaqui évoque la découverte de la sexualité par une adolescente, scandalisa l’Italie lors de sa sortie…


Sortie en 1960, ce film franco-italien est l’un des plus réussis de son auteur, Alberto Lattuada, et pas seulement parce qu’il offre son premier rôle à une jeune et séduisante jeune fille de 15 ans, Catherine Spaak. Elle fait ici face à deux acteurs français : Jean Sorel et Christian Marquand. Le cinéaste évoque avec une sensualité qui lui vaudra les foudres de la censure italienne l’émancipation féminine d’une adolescente bourgeoise, comme le faisait son collègue Bolognini avec Les Garçons.

C’est un roman d’apprentissage pudique et audacieux à la fois, parfait symbole d’un cinéma des années 1960 qui sait capter l’air du temps à la perfection.

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Immigration: taisez-vous et accueillez!


Le règlement européen sur l’asile et les migrations en cours de discussion aura bientôt force de loi en France. Il va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. C’est notre avenir qu’on hypothèque. 


La nouvelle politique migratoire de l’UE, annoncée par la Commission européenne le 23 septembre dernier, est en cours d’élaboration. Elle se décline en plusieurs textes législatifs qui vont aggraver sensiblement le carcan juridique étreignant les États membres (EM). La pierre angulaire du futur dispositif est la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, que le Parlement européen et le Conseil instruisent actuellement. La Commission souhaite obtenir un accord politique sur ce texte fondateur avant la fin de l’année 2020, qui verra s’achever la présidence allemande.

Les dispositions essentielles de ce règlement

Il consacre le principe de l’examen obligatoire par les EM de toute demande de protection présentée sur leur territoire par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride. Il ouvre ainsi une brèche dans laquelle des clandestins ne manqueront pas de s’engouffrer en masse, en se prétendant persécutés. Il confirme et élargit le principe instauré en 2016 de relocalisation de demandeurs d’asile dans d’autres pays, avec une priorité aux mineurs non accompagnés, dès lors que le pays d’arrivée initiale ne parvient plus à absorber des flux excessifs de postulants. Il crée un mécanisme de solidarité en faveur des EM soumis à une pression migratoire ou dans lesquels des débarquements sont opérés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.

À lire aussi, Michel Aubouin: Expulsions: l’État de droit dans le mur

Assorti d’une organisation bureaucratique démesurée, ce système instaure des contributions de solidarité à la charge des différents EM, permettant de soulager ceux qui affrontent temporairement une situation devenue ingérable. Pour chaque EM, ces contributions pourront revêtir plusieurs formes (relocalisation des demandeurs, prise en charge des retours de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, assistance logistique et opérationnelle…). Elle sera évaluée en fonction de deux critères (population et PIB) et sera ajustable en tant que de besoin. La clef de répartition retenue fera de la France le deuxième contributeur au mécanisme de solidarité, après l’Allemagne.

L’état d’avancement du dossier

La proposition de règlement est examinée au pas de charge par les institutions européennes. Son adoption par le Conseil requiert un vote favorable de la majorité qualifiée (55 % des EM, représentant au moins 65 % de la population de l’UE). Il y a donc peu de chances que les opposants atteignent la minorité de blocage (quatre EM représentant au moins 35 % de la population de l’UE). Peu de suspense également quant à la position du Parlement européen, majoritairement favorable aux « migrants ». Au niveau français, ce dossier est géré par un cercle restreint de technocrates et de juristes, qui prennent des positions déterminantes en dehors de tout contrôle démocratique national. Le Parlement français est simplement informé.

Si le processus aboutit, le texte adopté par les deux organes législateurs de l’UE deviendra une loi européenne que tous les EM devront appliquer. Ainsi tout gouvernement français devra respecter ce nouveau cadre juridique, sauf à organiser un Frexit ou à accepter de voir la France fréquemment condamnée à de fortes amendes par la Cour de justice de l’UE. Il est illusoire en effet de compter sur une abrogation ou même une révision de ce règlement, qui ne pourraient intervenir qu’à l’initiative de la Commission européenne et avec le soutien de la majorité qualifiée des EM. Cela fait 24 ans, par exemple, que la France est engluée dans la directive sur les travailleurs détachés qui pénalise fortement ses propres salariés.

L’impact prévisible pour la France

L’exécutif et la presse dite progressiste se sont bien gardés bien d’informer les Français sur ce dossier stratégique. Il contient pourtant les ferments d’une submersion migratoire incontrôlable, qui risque de grever lourdement les finances publiques, d’augmenter la pression fiscale et de provoquer à terme une guerre civile.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen

Cette initiative est ardemment soutenue par Mme Merkel et M. Macron. Les récents attentats avaient pourtant incité le président à réclamer un sursaut européen à ses homologues, à dénoncer les liens qui existent entre l’immigration clandestine et le terrorisme, et à déplorer le dévoiement du droit d’asile. Pour lutter contre le terrorisme, Emmanuel Macron entend durcir les règles de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais avec le règlement en discussion, cela sera aussi efficace que si les copropriétaires d’un immeuble décidaient de contrôler davantage les entrées dans leur domicile sans avoir le droit de fermer les accès extérieurs du bâtiment. Des personnes étrangères continueraient d’affluer en masse, de pénétrer et de s’installer en toute impunité dans les parties communes, exerçant une pression irrésistible pour s’introduire dans les différents logements.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen. Les flux venant d’Afghanistan, du Pakistan, des Balkans, de Tchétchénie … ne risquent pas de se tarir, bien au contraire. La poussée migratoire aux frontières de l’UE deviendra vite irrésistible. En France, elle fera exploser les digues édifiées par un pays qui s’enfonce dans une crise économique et sociale inédite et dans lequel la pauvreté s’accroît dangereusement. Par ailleurs, il est probable que beaucoup de nouveaux arrivants grossiront les rangs des islamistes.

Emmanuel Macron prend ainsi le risque de priver pour longtemps ses successeurs de toute marge de manœuvre pour contrôler nos frontières, même lorsque nos intérêts fondamentaux seront menacés. Lorsqu’une crise majeure, qui est inéluctable, adviendra, le pouvoir en place ne pourra pas se contenter d’instaurer un numéro vert.

Déni de démocratie

La nouvelle stratégie en matière d’asile et de migration confirme la dérive oligarchique qui pervertit le grand dessein européen. Les Français doivent être consultés sur cette stratégie migratoire qui hypothèque leur avenir et celui de leurs enfants. Dans cet univers en éruption permanente, la France ne peut plus se permettre d’aliéner sa souveraineté et de confier la maîtrise de son destin aux technocrates de Bruxelles. Elle ne peut plus subordonner la continuité de sa culture et la pérennité de son mode de vie aux décisions de juges nationaux ou supranationaux.

À lire aussi: Pour un débat démocratique sur l’immigration

Le peuple a déjà été grugé par M. Sarkozy lors du référendum de 2005. Ce hold-up démocratique ne saurait être réédité. Il est grand temps de revenir à la Constitution et à son article 2, en vertu duquel le principe de la République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

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Martine ne sait plus lire

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Plusieurs internautes se sont étonnés de la réduction de textes dans les livres pour enfants « Martine ». Mais c’est un peu plus compliqué que ça…


Le niveau des mouflets étant en baisse constante, adapterait-on la collection bien connue des albums de « Martine » pour la rendre plus facile d’accès ? C’est une lourde accusation. Les internautes s’en inquiétaient la semaine dernière en comparant les anciens albums aux nouveaux, où les mots les plus élaborés d’autrefois semblaient avoir été écartés.

Sur Twitter, Benjamin s’indigne: « Le niveau a baissé. On s’adapte ». Wesley, un autre utilisateur du réseau social, raille: « La prochaine étape sera-t-elle le langage SMS ? » Un troisième, Marc, est carrément inquiet: « Réduire le champ de l’expression permet de réduire le champ de la pensée. Et les résultats seront d’autant plus spectaculaires que les sujets auront été soumis très tôt au processus. L’abêtissement généralisé facilite le contrôle des masses, et elles semblent y consentir… »

Une fake news de plus?

Intrigués, les décodeurs du Monde ont interrogé sur le sujet la directrice de Casterman Jeunesse en charge de la collection.

Céline Charvet confirme et défend le raccourcissement des textes, mais indique qu’il s’agit d’« un choix complètement réfléchi » qui s’explique autrement. Elle révèle que l’éditeur souhaite en réalité que la série des Martine puisse s’adresser aux enfants dès l’âge de quatre ans, contre sept auparavant. L’accusation de nivellement par le bas tombe ainsi à l’eau. De plus, Casterman propose en réalité différentes collections. Aux côtés des albums d’autrefois, on retrouve plusieurs versions des mêmes histoires: « Je commence à lire avec Martine », « Mes premières histoires avec Martine » etc.

La logique de l’époque

Mais au-delà de l’appauvrissement du texte qui a choqué, le lifting progressiste de certains titres peut aussi énerver certains réacs. « Après la mort de Marcel Marlier, Casterman a décidé de réécrire les albums de Martine pour qu’ils puissent encore s’adresser à un public contemporain » expliquent nos confrères du Monde. Depuis 2016, Martine petite maman est ainsi devenu Martine garde son petit frère, un titre dénué des fameux stéréotypes de genre qu’on veut à tout prix éviter.

A lire aussi: Causeur: Le niveau baisse!

L’éditrice explique que l’album en question avait été « écrit à une époque où on assignait aux petites filles un destin de futures mamans ». Cette sombre époque étant révolue, désormais Martine s’occupe de son frère cadet, ce qui est « plus logique ».

Martine n’étant pas franchement un apport des plus significatifs à notre littérature, même enfantine, nous ne lancerons aucune pétition contre ces décisions éditoriales contestables.

Reste qu’il n’est effectivement pas rassurant de constater que plusieurs livres pour enfants aient été simplifiés ces dernières années. Et si la prochaine étape de simplification concernait les romans de Victor Hugo, laisserait-on faire ?

On déplore le niveau en français de nos enfants, mais ils peuvent peut-être se rattraper en mathématiques ? Malheureusement, la dernière étude TIMSS vient de révéler qu’en la matière, en classe de CM1, la France était en queue de peloton de l’Union européenne. Martine bonnet d’âne et au coin!

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Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?

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Nafissatou Diallo. © Capture d'écran Netflix.

Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert « Chambre 2806: l’affaire DSK » nous a fait revenir au mois de mai 2011.


Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l’une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu’il s’apprêtait à quitter New York.

On peut éliminer de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !

Un sentiment d’injustice

Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu’il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.

L’arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s’en prenant au « violeur », sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l’avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès

Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d’abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d’une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.

Le documentaire a décrit clairement, à l’aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d’une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l’accusateur américain – à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d’1,5 million de dollars.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès. On est frappé par la persévérance, voire l’acharnement avec lesquels la justice américaine s’est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l’essentiel pour nous : les faits s’étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l’adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L’aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.

En France, le droit à un procès équitable

Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen – DSK, pour poursuivre la comparaison – aurait été renvoyé devant la cour d’assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu’on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n’aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d’assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs. Et tout cela dans le cadre d’un procès.
Nafissatou Diallo n’aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d’un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu’elle disait avoir subis.

Nous sommes donc en France.

DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.

Quid de la version de Dominique Strauss-Kahn ?

Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.

L’entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l’aveu d’une attitude « inappropriée ».

À lire aussi, Alexis Brunet : DSK m’a tuer

DSK nous annonce qu’il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l’année prochaine. Je parie qu’il sera question d’argent. Pourquoi si tard ? Ce n’est pas que l’impatience nous tenaille mais tout de même !

Enfin, cet homme intelligent déclare qu’il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !

Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l’occasion.

Si elle avait été en France, quel changement !

Télérama: sur le toit du monde progressiste

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Caroline de Haas et Rokhaya Diallo, deux égéries du progrès mises en avant par Télérama.©Alain ROBERT/SIPA-IBO/SIPA Numéros de reportage : 00879178_000007, 00839612_000024

L’hebdomadaire culturel propose des numéros de plus en plus riches, de plus en plus savants et progressistes.


Le magazine Télérama n’est pas un simple hebdomadaire télé. Il est aussi, selon Fabienne Pascaud, sa directrice de la rédaction, un magazine culturel. Et il est de plus en plus un magazine culturel à la pointe de tous les progressismes qui progressent.

Un très récent numéro (n° 3697) semblait avoir atteint le sommet en matière de contenus progressistes. La page de couverture et un dossier complet étaient consacrés au philosophe humaniste Lilian Thuram et à son concept de « pensée blanche » reposant sur trois anecdotes de cour de récréation et de vestiaires.

À lire aussi, Benjamin Nolange: Pour Lilian Thuram, tout blanc est un raciste qui s’ignore

Plus loin, un article présentait « l’alphabet du genre inclusif-ve » inventé par un étudiant de la Haute école d’art et de design de Genève et censé simplifier l’apprentissage et l’utilisation de l’écriture dite inclusive, laquelle était utilisée par le journaliste pour vanter ce nouveau charabia. Plus loin encore, dans le même numéro, deux pages étaient consacrés à l’égérie de l’antiracisme racialo-raciste à la mode des campus américains, Rokhaya Diallo. Les témoignages poignants de Maboula Soumahoro et d’Alice Coffin contrebalancèrent facilement celui du journaliste de Médiapart Jérôme Confavreux qui n’en revenait pas d’avoir dû passer par « l’agente américaine » de Mme Diallo pour pouvoir travailler avec elle.

Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R

Rééducation féministe avec Caroline De Haas

Mais Télérama n’avait pas l’intention d’en rester là. Le magazine a profité pendant de nombreux mois du concours d’une société promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes. Egaé, la société en question, a été co-créée et est co-dirigée par Caroline De Haas. Elle a pour ambition de « percuter l’illusion de l’égalité », cette illusion bien française qui nuit au recul « des stéréotypes, des préjugés et des idées reçues. » Grâce à un carnet d’adresses construit pendant ses riches années d’activité syndicale, politique et ministérielle, Caroline De Haas rééduque essentiellement les agents de services publics – ministères, fédérations sportives, mairies ou préfectures. Mais elle redresse aussi, à l’occasion, les employés d’organes de presse, Médiapart, Le Monde et… Télérama.

Après quelques séances de sensibilisation à l’égalité, à la déconstruction des stéréotypes et à l’éducation non-sexiste, les journalistes de Télérama rendent en ce moment même leur mémoire de fin d’études égalitaires et déconstructivistes. C’est le dernier numéro du magazine (n° 3700). Cela commence par l’entretien d’un spécialiste québécois du féminisme, Francis Dupuis-Déri. En gros : il y a eu des progrès mais pour ce qui est de « la répartition des tâches parentales, des tâches domestiques ou du temps libre au sein d’un couple hétérosexuel », c’est pas encore ça. La « crise de la masculinité » – dont Télérama souligne qu’il n’y a plus « besoin d’aller la chercher à l’extrême-droite » (sic) – est « une stratégie de résistance d’un patriarcat bien ancré » que M. Dupuis-Déri confesse utiliser parfois pour échapper aux tâches domestiques. « Je suis loin d’être parfait », reconnaît-il. Il avoue avoir « examiné [ses] comportements passés » et en avoir tiré de très sévères conclusions. Ce laborieux travail de sociologie déconstructiviste auto-analytique l’a conduit à la réflexion supersonique suivante : « Les hommes ne sont pas en crise, ils font des crises. »

Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R

Déboulonner les codes de la masculinité

Quelques pages plus loin, un article est intitulé « Regarde les hommes changer. » Il s’agit des portraits de différents jeunes hommes qui « déboulonnent les codes d’une masculinité virile et dominatrice. Et inventent de nouvelles façons d’être des hommes. » Les « hommes » en question sont « des garçons différents » qui modifient leur « rapport à la séduction ou aux tâches ménagères. » Un de ces déboulonneurs anime des ateliers dans les collèges, les maisons d’enfants (sic) ou les prisons : « Les gens de banlieue ou de la campagne ne sont pas idiots. » Et ils n’ont pas l’intention de le devenir, donc : au large, jeune « homme » !

La page 45 du même numéro ouvre un nouveau chapitre : « La misandrie s’affirme dans les milieux féministes. Un rejet masculin revendiqué comme une étape radicale mais nécessaire pour la libération des femmes. » Un enseignant à Paris 8 dénonce le « sexisme systémique subi par les femmes ». Alice Coffin et Pauline Harmange sont soutenues par l’historienne Christine Bard qui voit dans cette misandrie un juste combat contre le… patriarcat. Il est promis un « outil de pensée et de déconstruction » pour se « construire contre les hommes ». Page 47, un dessin représentant une femme dégustant un pénis qu’elle porte en collier révèle idéalement l’esprit dans lequel a été écrit l’ensemble de ce numéro spécial de Télérama.

Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R
Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R

Homme viril = fasciste 

Enfin, le dernier dossier s’intitule « Virilité et imagerie fasciste ». Les journalistes ont choisi Julien Rochedy, ex-cadre du FN ( il fallait le préciser !), pour illustrer les dérives « viriles » d’un club masculiniste dont l’ensemble des adhérents tient dans une cabine téléphonique. Au moins cela aura-t-il permis de conclure en établissant ce que dans certains milieux féministes haassiens on appelle un beau continuum : homme, patriarcat, domination, fascisme. CQFD.

À lire aussi, Yves Mamou: « Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

« Le progrès remonte à la plus haute Antiquité, disent certains. D’autres affirment que l’avenir lui appartient. Rares sont ceux qui doutent de son existence. Il est convenu que rien ne l’arrête. Et même qu’il sait où il va. Il est apparemment le seul. » (Alisandre Violette)

Ce que cache la une du « Time » avec Assa Traoré

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Madame Traoré à Beaumont sur Oise le 19 juillet 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 00973238_000002

Assa Traoré en une de Time: black panther et soft power


Le choix de la militante Assa Traoré comme personnalité en couverture par le magazine américain Time s’inscrit dans une politique à long terme de séduction des Français d’origine musulmane. Cette politique est paradoxalement relayée par une gauche traditionnellement anti-américaine.

En 2019, en France, 19 personnes ont été tuées par la police. A situation comparable, les Etats-Unis, cinq fois plus peuplés, auraient dû compter cette année-là 95 décès imputables aux forces de l’ordre. Selon les chiffres compilés par le Washington Post, il y en a eu 1010, c’est à dire dix fois plus.

Cet écart hallucinant n’a pas empêché le magazine américain Time d’asséner à la France une pénible leçon sur le thème des violences policières à caractère raciste, tout au long d’un article publié le 12 décembre. L’édition Europe-Proche Orient du magazine affichait en couverture Assa Traoré, catapultée Personnalité de l’année, présentée comme l’égérie d’un combat sacré pour le respect de la vie des « racisés ».

Une clientèle américanophile constituée dans les banlieues françaises

Les critères de choix des « Person of the year » du Time ne sont pas publics, mais défendre l’idée que la France est un pays viscéralement raciste, manifestement, ne peut pas nuire.

Voilà quinze ans que l’intelligentsia américaine progressiste – dont la rédaction de l’hebdomadaire new-yorkais est la quintessence – soutient, forme et finance les porte-parole d’un discours victimaire, formaté pour les jeunes noirs et arabes.

A lire, enquête: La vérité sur l’affaire Adama Traoré

Les Wikileaks contiennent des télégrammes diplomatiques éloquents à cet égard. Ils décrivent comment l’ambassade américaine à Paris a pensé faire d’une pierre deux coups, après les émeutes ayant secoué nos banlieues en 2005. L’ambassadeur américain Charles Rivkin voulait choyer les Français de culture musulmane, afin de se constituer une clientèle américanophile, et espérait aussi regagner un peu du crédit perdu dans le monde arabe suite à l’invasion de l’Irak en 2003. L’ambassade n’a pas lésiné. Elle a organisé une rencontre entre des jeunes de Seine-Saint-Denis et la star Samuel Jackson en 2010. Elle a appuyé la publication d’un très long article sur le Bondy Blog dans le New York Times en 2015. Elle a donné une grande latitude à son attaché culturel du consulat de Lyon, Victor Vitelli, pour travailler à « la promotion des minorités ». Le tout était complété par une réorientation de programmes plus anciens comme les « Young Leaders » de la French American Foundation, en direction des minorités visibles. Rokhaya Diallo en a profité en 2010.

L’ONG US Ashoka en soutien de Coexister

Les riches organisations non-gouvernementales américaines sont venues en renfort.

En 2016, l’Alliance Citoyenne, organisatrice de l’opération burkini dans les piscines de Grenoble l’an dernier, a reçu 80 000 dollars de l’Open society Foundation de Georges Soros. Coexister n’a pas été oubliée. Obsédée par l’islamophobie, l’association de «  management interconvictionnel » a été couvée par le réseau Ashoka. Discrète, cette ONG financée par des grandes entreprises américaines a un objet social assez flou : former des « entrepreneurs du social ». En termes plus concrets, il s’agit de coacher des relais d’opinion et des lobbyistes, intervenant en général à la frontière du public et du privé. Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister, a été Ashoka Fellow en 2016. A ce titre, de l’aveu de sa présidente, Radia Bakkouch, l’association Coexister a bénéficié d’un accompagnement poussé, pendant des mois. Ashoka ne verse pas d’argent, mais apporte une expertise précieuse. L’organisation travaille en finesse. La sélection des « fellows » est beaucoup moins grossière que celle du Time. Leurs parcours sont très variés et ils sont généralement de bon niveau. Assa Traoré n’a pas le profil. Stéphane de Freitas, oui. Ce cinéaste est à l’origine du projet Eloquentia, un concours d’éloquence à destination des jeunes, visant à mettre ceux des cités en valeur. Ce n’est écrit nulle part aussi clairement, mais le compte-rendu de la finale 2019 par le Bondy Blog se passe de commentaire à cet égard.

A lire aussi, du même auteur: Coexister: touchée, mais pas coulée

Il n’y a aucune raison de penser que ce travail d’influence fort professionnel s’arrêtera dans les mois qui viennent. Il va finir par créer une situation inédite sur le plan politique pour la présidentielle et les législatives de 2022.

Pleine de tendresse pour les indigénistes, prête à accueillir Assa Traoré, la France insoumise va finir par arriver au scrutin avec l’image d’un parti noyauté par Washington !

Nos élus et l'islam

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Mon Covid à Barcelone

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Riccardo De Capitani / Unsplash

Benoît Barthes est Français, et vit à Barcelone — il y a pire comme destin. Je lui ai demandé de se présenter, il y a consenti avec une sobriété qui force l’admiration : « Ex-parisien vivant à Barcelone depuis 8 ans, un demi-siècle au compteur, je suis ce qu’on appelle très vaguement un apporteur d’affaires, c’est-à-dire que j’apporte des affaires pour une poignée d’entreprises françaises dans le domaine de l’ingénierie industrielle. La littérature est ma passion, j’aime lire et j’aime écrire, et tout compte fait, c’est une raison d’être suffisante. » Je le rejoins, sur cette dernière phrase, en tous points.

Je le savais dans la capitale catalane, pour laquelle j’ai un goût très vif. L’idée de lui demander de nous narrer la survie de cette grande ville en ces temps d’épidémie s’imposa d’elle-même.
Jean-Paul Brighelli

« L’été dernier nous avons découvert une Barcelone inédite : il n’y avait pas de touristes. Chose inouïe, on pouvait traverser la Ciutat Vella en vélo à toute allure alors que d’ordinaire la foule compacte qui la gorge tout entière six mois de l’année sur douze et déambule comme une lave lente dans l’entrelacs de ses ruelles en écoutant les clichés approximatifs des guides formés sur Wikipédia, décourage les Barcelonais de s’y aventurer ne serait-ce que pour une brève course. La Cathédrale et son parvis cessèrent de servir d’arrière-plan à des centaines de milliers de selfies journaliers, on pouvait y pénétrer sans avoir à faire la queue sous le cagnard et visiter enfin ce beau morceau d’histoire gothique dédiée à la patronne de la ville, sainte Eulalie. Même les opposants au tourisme les plus déterminés (et ils ne se sont pas privés de se faire entendre ces dernières années allant jusqu’à bloquer l’accès de la Sagrada Familia au cri de « Tourists Go Home ! ») n’auraient osé imaginer pouvoir un jour lire tranquillement au Parc Güell au son des oiseaux et du froufrou des feuillages, face au panorama urbain que termine l’horizon d’une Méditerranée scintillante. Ce parc conçu précisément comme un sanctuaire de silence et de quiétude, forêt incrustée dans la ville et sertie des céramiques de Gaudi, s’est transformé en quelques années en un parc d’attraction bondé compromettant non seulement le silence mais le désir de s’enfouir dans la nature pour s’y rencontrer soi-même. Lire au Parc Güell en été, susurrer des douceurs à l’oreille de sa bien-aimée sur un des bancs de céramiques ceignant la célèbre esplanade, examiner sa vie, ses amours, ses tracas, ses espoirs, au cours d’une promenade solitaire parmi les arbres, tout cela était devenu aussi incongru que, je ne sais, jouer une sonate de Schubert sur le pas de tir de la fusée Ariane au moment de son lancement, par exemple, ou travailler sa voix de soprano à côté des chutes du Niagara. Et ceux qui y enseignaient le yoga dans quelque recoin à peu près épargné par les troupeaux de visiteurs ne tardaient pas à replier leurs tapis en raison du passage incessant des vendeurs à la sauvette fuyant les policiers.

Image: Creative Commons

« Et les Ramblas, ces fameuses Ramblas décrites dans tous les guides touristiques comme un des lieux les plus pittoresques de la ville et dont on se demande bien pourquoi la terre entière vient y traîner ses tongs vu qu’on n’y trouvera plus un seul Barcelonais prenant son vermouth de 19 h sous les arbres de l’allée centrale, le Covid les rendit enfin praticables. Il nous avait frayé le passage, on y circulait à pied, en vélo, en voiture, comme dans un patelin paisible aux trottoirs parsemés d’un mélange d’excitation et d’étonnement et le sentiment paradoxal de découvrir une cité interdite.

« Les plages elles aussi redevinrent des plages. Finis ces dépotoirs des années antérieures qui nous faisaient préférer des baignades à quelques encablures de la capitale catalane, là où l’on est sûr que le touriste ne viendra pas vider sa vessie d’insatiable buveur de mojito. On put étendre nos serviettes sur du sable propre et nager dans des eaux limpides que même les méduses, sans doute déçues de ne pas trouver le long des cinq km de plages barcelonaises leurs doses habituelles de contaminants de toutes sortes et de pisse mêlée de shit, de cocaïne, de vodka, de biè̀re, décidèrent pour une fois de bouder. Ce fut un été sans méduses et sans canettes sur le sable, coup dur pour les manteros, ces vendeurs ambulants d’origine pakistanaise et africaine qui sillonnent le sable à longueur de journée sous le soleil, les bras chargé de paréos et de sacs remplis de glaçons et de bières et criant sans relâche leurs marchandises dans un anglais tout juste reconnaissable.

« Ô Covid, si tu n’étais pas aussi meurtrier je chanterais tes louanges ! Grâce à toi, mon été barcelonais fut un été sans regret. Et dieu sait pourtant si j’avais de bonnes raisons de pester contre toi qui m’avais, à l’occasion du premier confinement, infligé une saignée des plus rudes dans ma trésorerie de travailleur free-lance. Il y avait tant de choses à déplorer à cause de ce fichu virus qu’on n’osait se féliciter trop ouvertement d’une sorte de libération. Et pourtant qui pouvait sans hypocrisie regretter l’absence de touristes cet été à Barcelone ? La vache à lait qu’ils représentent n’est guère une vache sacrée pour ses habitants qui ont vu peu à peu leur ville se laisser dévorer par un organisme tentaculaire nécessitant pour sa croissance de se nourrir de possessions locales : des appartements, des bars, des commerces des rues, des quartiers, des plages, une portion entière de la cité — son cœur même.

A lire aussi: Causeur: Un été sans touristes

« Mais la saison touristique a passé et ces réjouissances inavouables n’ont plus lieu d’être maintenant que Covid le Conquérant a installé ses quartiers d’hiver dans notre ville refroidie. Sous la baguette du gouvernement de Catalogne, Barcelone compose avec l’ennemi campant en son sein. Après un confinement automnal des plus stricts, à peu près semblable au premier, la capitale catalane a rouvert ses salles de spectacles, ses bars, ses restaurants avec des conditions infiniment contraignantes. La ville, toque de queda (couvre-feu) oblige, ferme les yeux à vingt-deux heures, si bien que les restaurants dans leur grande majorité ne prennent pas la peine d’ouvrir le soir et se contentent d’un seul service en mi-journée. Vingt-deux heures, c’est le moment où, en temps normal, les restaurants commencent à faire le plein ici. Quant à ceux qui résistent malgré tout, leurs tables restent majoritairement inoccupées : le protocole sanitaire stipule une limitation de la fréquentation et de toute façon bien des clients frustrés à l’idée de devoir chronométrer leur sortie vespérale, choisissent de rester chez eux.

« Tout semble fait d’une manière générale pour décourager les consommateurs sans désespérer les commerces. On freine et on incite, sans quitter des yeux l’indicateur-clé, ce fétiche nommé tasa de incidencia (taux d’incidence). C’est de lui que dépendent tous les ajustements régaliens du gouvernement catalan. Les chiffres étant ce qu’ils sont, il y a fort à craindre que les restrictions perdurent : toque de queda à 22 h, interdiction de sortir de Barcelone le week-end, interdiction de franchir les frontières de la Catalogne le reste du temps, centres commerciaux et boîtes de nuit fermés, limitation du taux de fréquentation de tout établissement destiné à recevoir du public, lieux de culte soumis aux mêmes restrictions…

« Pour l’heure aucun des grands noms de la restauration barcelonaise ne se risque à proposer un menu spécial Noche Vieja (réveillon du Nouvel An), et si la Mairie de Barcelone a daigné orner les rues de ses illuminations rituelles, elles brilleront davantage au moment de quitter 2020 dans le silence des rues désertes, sous nos fenêtres de Barcelonais confinés. »

Benoît Barthes

« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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L'immeuble du journal le Monde à Paris © RICCARDO MILANI / HANS LUCAS

Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Alexandra Laignel-Lavastine Photo: capture d'écran France.tv

Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

La Déraison sanitaire: Le Covid-19 et le culte de la vie par-dessus tout

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Touche pas à ma déesse !

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Caricature de Deepika Singh Rajawat. © D.R

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.

Au revoir les jeunes

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Catherine Spaak dans Les adolescentes (1960). © Tamasa

Les adolescentes, film (1960) d’Alberto Lattuadaqui évoque la découverte de la sexualité par une adolescente, scandalisa l’Italie lors de sa sortie…


Sortie en 1960, ce film franco-italien est l’un des plus réussis de son auteur, Alberto Lattuada, et pas seulement parce qu’il offre son premier rôle à une jeune et séduisante jeune fille de 15 ans, Catherine Spaak. Elle fait ici face à deux acteurs français : Jean Sorel et Christian Marquand. Le cinéaste évoque avec une sensualité qui lui vaudra les foudres de la censure italienne l’émancipation féminine d’une adolescente bourgeoise, comme le faisait son collègue Bolognini avec Les Garçons.

C’est un roman d’apprentissage pudique et audacieux à la fois, parfait symbole d’un cinéma des années 1960 qui sait capter l’air du temps à la perfection.

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Immigration: taisez-vous et accueillez!

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Conférence de presse de présentation du Pacte européen sur la migration et l'asile, Bruxelles, 23 septembre 2020. © Dursun Aydemir / Anadolu Agency

Le règlement européen sur l’asile et les migrations en cours de discussion aura bientôt force de loi en France. Il va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. C’est notre avenir qu’on hypothèque. 


La nouvelle politique migratoire de l’UE, annoncée par la Commission européenne le 23 septembre dernier, est en cours d’élaboration. Elle se décline en plusieurs textes législatifs qui vont aggraver sensiblement le carcan juridique étreignant les États membres (EM). La pierre angulaire du futur dispositif est la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, que le Parlement européen et le Conseil instruisent actuellement. La Commission souhaite obtenir un accord politique sur ce texte fondateur avant la fin de l’année 2020, qui verra s’achever la présidence allemande.

Les dispositions essentielles de ce règlement

Il consacre le principe de l’examen obligatoire par les EM de toute demande de protection présentée sur leur territoire par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride. Il ouvre ainsi une brèche dans laquelle des clandestins ne manqueront pas de s’engouffrer en masse, en se prétendant persécutés. Il confirme et élargit le principe instauré en 2016 de relocalisation de demandeurs d’asile dans d’autres pays, avec une priorité aux mineurs non accompagnés, dès lors que le pays d’arrivée initiale ne parvient plus à absorber des flux excessifs de postulants. Il crée un mécanisme de solidarité en faveur des EM soumis à une pression migratoire ou dans lesquels des débarquements sont opérés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.

À lire aussi, Michel Aubouin: Expulsions: l’État de droit dans le mur

Assorti d’une organisation bureaucratique démesurée, ce système instaure des contributions de solidarité à la charge des différents EM, permettant de soulager ceux qui affrontent temporairement une situation devenue ingérable. Pour chaque EM, ces contributions pourront revêtir plusieurs formes (relocalisation des demandeurs, prise en charge des retours de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, assistance logistique et opérationnelle…). Elle sera évaluée en fonction de deux critères (population et PIB) et sera ajustable en tant que de besoin. La clef de répartition retenue fera de la France le deuxième contributeur au mécanisme de solidarité, après l’Allemagne.

L’état d’avancement du dossier

La proposition de règlement est examinée au pas de charge par les institutions européennes. Son adoption par le Conseil requiert un vote favorable de la majorité qualifiée (55 % des EM, représentant au moins 65 % de la population de l’UE). Il y a donc peu de chances que les opposants atteignent la minorité de blocage (quatre EM représentant au moins 35 % de la population de l’UE). Peu de suspense également quant à la position du Parlement européen, majoritairement favorable aux « migrants ». Au niveau français, ce dossier est géré par un cercle restreint de technocrates et de juristes, qui prennent des positions déterminantes en dehors de tout contrôle démocratique national. Le Parlement français est simplement informé.

Si le processus aboutit, le texte adopté par les deux organes législateurs de l’UE deviendra une loi européenne que tous les EM devront appliquer. Ainsi tout gouvernement français devra respecter ce nouveau cadre juridique, sauf à organiser un Frexit ou à accepter de voir la France fréquemment condamnée à de fortes amendes par la Cour de justice de l’UE. Il est illusoire en effet de compter sur une abrogation ou même une révision de ce règlement, qui ne pourraient intervenir qu’à l’initiative de la Commission européenne et avec le soutien de la majorité qualifiée des EM. Cela fait 24 ans, par exemple, que la France est engluée dans la directive sur les travailleurs détachés qui pénalise fortement ses propres salariés.

L’impact prévisible pour la France

L’exécutif et la presse dite progressiste se sont bien gardés bien d’informer les Français sur ce dossier stratégique. Il contient pourtant les ferments d’une submersion migratoire incontrôlable, qui risque de grever lourdement les finances publiques, d’augmenter la pression fiscale et de provoquer à terme une guerre civile.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen

Cette initiative est ardemment soutenue par Mme Merkel et M. Macron. Les récents attentats avaient pourtant incité le président à réclamer un sursaut européen à ses homologues, à dénoncer les liens qui existent entre l’immigration clandestine et le terrorisme, et à déplorer le dévoiement du droit d’asile. Pour lutter contre le terrorisme, Emmanuel Macron entend durcir les règles de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais avec le règlement en discussion, cela sera aussi efficace que si les copropriétaires d’un immeuble décidaient de contrôler davantage les entrées dans leur domicile sans avoir le droit de fermer les accès extérieurs du bâtiment. Des personnes étrangères continueraient d’affluer en masse, de pénétrer et de s’installer en toute impunité dans les parties communes, exerçant une pression irrésistible pour s’introduire dans les différents logements.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen. Les flux venant d’Afghanistan, du Pakistan, des Balkans, de Tchétchénie … ne risquent pas de se tarir, bien au contraire. La poussée migratoire aux frontières de l’UE deviendra vite irrésistible. En France, elle fera exploser les digues édifiées par un pays qui s’enfonce dans une crise économique et sociale inédite et dans lequel la pauvreté s’accroît dangereusement. Par ailleurs, il est probable que beaucoup de nouveaux arrivants grossiront les rangs des islamistes.

Emmanuel Macron prend ainsi le risque de priver pour longtemps ses successeurs de toute marge de manœuvre pour contrôler nos frontières, même lorsque nos intérêts fondamentaux seront menacés. Lorsqu’une crise majeure, qui est inéluctable, adviendra, le pouvoir en place ne pourra pas se contenter d’instaurer un numéro vert.

Déni de démocratie

La nouvelle stratégie en matière d’asile et de migration confirme la dérive oligarchique qui pervertit le grand dessein européen. Les Français doivent être consultés sur cette stratégie migratoire qui hypothèque leur avenir et celui de leurs enfants. Dans cet univers en éruption permanente, la France ne peut plus se permettre d’aliéner sa souveraineté et de confier la maîtrise de son destin aux technocrates de Bruxelles. Elle ne peut plus subordonner la continuité de sa culture et la pérennité de son mode de vie aux décisions de juges nationaux ou supranationaux.

À lire aussi: Pour un débat démocratique sur l’immigration

Le peuple a déjà été grugé par M. Sarkozy lors du référendum de 2005. Ce hold-up démocratique ne saurait être réédité. Il est grand temps de revenir à la Constitution et à son article 2, en vertu duquel le principe de la République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

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Martine ne sait plus lire

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Le livre pour enfants "Martine". © Twitter

Plusieurs internautes se sont étonnés de la réduction de textes dans les livres pour enfants « Martine ». Mais c’est un peu plus compliqué que ça…


Le niveau des mouflets étant en baisse constante, adapterait-on la collection bien connue des albums de « Martine » pour la rendre plus facile d’accès ? C’est une lourde accusation. Les internautes s’en inquiétaient la semaine dernière en comparant les anciens albums aux nouveaux, où les mots les plus élaborés d’autrefois semblaient avoir été écartés.

Sur Twitter, Benjamin s’indigne: « Le niveau a baissé. On s’adapte ». Wesley, un autre utilisateur du réseau social, raille: « La prochaine étape sera-t-elle le langage SMS ? » Un troisième, Marc, est carrément inquiet: « Réduire le champ de l’expression permet de réduire le champ de la pensée. Et les résultats seront d’autant plus spectaculaires que les sujets auront été soumis très tôt au processus. L’abêtissement généralisé facilite le contrôle des masses, et elles semblent y consentir… »

Une fake news de plus?

Intrigués, les décodeurs du Monde ont interrogé sur le sujet la directrice de Casterman Jeunesse en charge de la collection.

Céline Charvet confirme et défend le raccourcissement des textes, mais indique qu’il s’agit d’« un choix complètement réfléchi » qui s’explique autrement. Elle révèle que l’éditeur souhaite en réalité que la série des Martine puisse s’adresser aux enfants dès l’âge de quatre ans, contre sept auparavant. L’accusation de nivellement par le bas tombe ainsi à l’eau. De plus, Casterman propose en réalité différentes collections. Aux côtés des albums d’autrefois, on retrouve plusieurs versions des mêmes histoires: « Je commence à lire avec Martine », « Mes premières histoires avec Martine » etc.

La logique de l’époque

Mais au-delà de l’appauvrissement du texte qui a choqué, le lifting progressiste de certains titres peut aussi énerver certains réacs. « Après la mort de Marcel Marlier, Casterman a décidé de réécrire les albums de Martine pour qu’ils puissent encore s’adresser à un public contemporain » expliquent nos confrères du Monde. Depuis 2016, Martine petite maman est ainsi devenu Martine garde son petit frère, un titre dénué des fameux stéréotypes de genre qu’on veut à tout prix éviter.

A lire aussi: Causeur: Le niveau baisse!

L’éditrice explique que l’album en question avait été « écrit à une époque où on assignait aux petites filles un destin de futures mamans ». Cette sombre époque étant révolue, désormais Martine s’occupe de son frère cadet, ce qui est « plus logique ».

Martine n’étant pas franchement un apport des plus significatifs à notre littérature, même enfantine, nous ne lancerons aucune pétition contre ces décisions éditoriales contestables.

Reste qu’il n’est effectivement pas rassurant de constater que plusieurs livres pour enfants aient été simplifiés ces dernières années. Et si la prochaine étape de simplification concernait les romans de Victor Hugo, laisserait-on faire ?

On déplore le niveau en français de nos enfants, mais ils peuvent peut-être se rattraper en mathématiques ? Malheureusement, la dernière étude TIMSS vient de révéler qu’en la matière, en classe de CM1, la France était en queue de peloton de l’Union européenne. Martine bonnet d’âne et au coin!

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