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Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?

La justice américaine ne l'a pas ménagée


Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?
Nafissatou Diallo. © Capture d'écran Netflix.

Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert « Chambre 2806: l’affaire DSK » nous a fait revenir au mois de mai 2011.


Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l’une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu’il s’apprêtait à quitter New York.

On peut éliminer de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !

Un sentiment d’injustice

Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu’il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.

L’arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s’en prenant au « violeur », sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l’avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès

Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d’abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d’une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.

Le documentaire a décrit clairement, à l’aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d’une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l’accusateur américain – à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d’1,5 million de dollars.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès. On est frappé par la persévérance, voire l’acharnement avec lesquels la justice américaine s’est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l’essentiel pour nous : les faits s’étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l’adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L’aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.

En France, le droit à un procès équitable

Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen – DSK, pour poursuivre la comparaison – aurait été renvoyé devant la cour d’assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu’on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n’aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d’assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs. Et tout cela dans le cadre d’un procès.
Nafissatou Diallo n’aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d’un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu’elle disait avoir subis.

Nous sommes donc en France.

DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.

Quid de la version de Dominique Strauss-Kahn ?

Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.

L’entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l’aveu d’une attitude « inappropriée ».

À lire aussi, Alexis Brunet : DSK m’a tuer

DSK nous annonce qu’il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l’année prochaine. Je parie qu’il sera question d’argent. Pourquoi si tard ? Ce n’est pas que l’impatience nous tenaille mais tout de même !

Enfin, cet homme intelligent déclare qu’il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !

Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l’occasion.

Si elle avait été en France, quel changement !



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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