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La Cour européenne des droits de l’Homme charia un peu

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Une énième affaire de menaces proférées sur les réseaux sociaux contre une personne ayant manqué de respect à l’islam remet sur le devant de la scène une décision de la Cour européenne des droits de l’homme redoutablement ambiguë en ce qui concerne le statut de la charia dans nos États de droit.


27 octobre 2020. Un professeur de droit formule quelques remarques acerbes sur l’islam, lors d’un cours en ligne, à propos d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) relatif à la compatibilité de la charia avec les principes démocratiques. Sortis de leur contexte, ses propos circulent sur Twitter et lui valent des menaces de mort, assortis d’une plainte de la Ligue des droits de l’Homme.

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Mais de quel arrêt traitait le cours, au juste ? La question peut sembler anecdotique. En réalité, elle ne l’est pas du tout. Il s’agit d’une décision rendue le 19 décembre 2018, « Molla Sali contre Grèce ». Passée relativement inaperçue, elle a marqué un inflexion de jurisprudence potentiellement lourde de conséquences. Depuis 2003, la CEDH considérait que la charia était incompatible avec les principes démocratiques[tooltips content= »arrêt Refah Partisi et autres c. Turquie du 13 février 2003″](1)[/tooltips].  Elle avait tranché en ce sens alors qu’elle était saisie par le parti de la Prospérité, le Refah, que la Turquie venait d’interdire. « Le projet politique à long terme du Refah visant à instaurer un régime fondé sur la charia », disait la Cour, est « en contradiction avec la conception de la société démocratique ». Fin de la discussion pour quinze ans.

Dans sa décision de 2018, la CEDH ne fait pas marche arrière, mais elle prend un virage très net[tooltips content= »arrêt Molla Sali c. Grèce, req. 20452-14. »](2)[/tooltips]. Elle devait se prononcer sur le sort de Molla Sali, une ressortissante grecque de la minorité musulmane de Thrace. Forte de quelques dizaines de milliers de membres, cette minorité applique la charia à ses affaires familiales, en vertu d’une clause particulière du traité de Lausanne de 1920. Droit musulman oblige, les femmes sont désavantagées dans les affaires de succession. Bien que musulmane, Molla Sali avait saisi la Cour européenne afin de bénéficier du droit commun grec. Déboutée par la justice de son pays, elle a eu gain de cause au niveau européen. La Grèce s’y attendait. Elle avait modifié son droit national sans attendre le verdict, afin de rendre la charia optionnelle pour ses citoyens musulmans. Autant dire que la CEDH avait un boulevard devant elle pour redire que la charia n’est pas compatible avec la démocratie.

La charia, impossible à imposer comme à interdire…

Mais elle a choisi une position beaucoup moins tranchée. « La liberté de religion n’astreint pas les États contractants à créer un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses un statut spécial », mais rien ne leur interdit non plus de le faire. Les croyants pourront choisir ce cadre. « Le choix en question est parfaitement libre, pourvu qu’il soit éclairé », dit la Cour, et pourvu qu’il ne soit pas contraire à un « intérêt public important ». L’égalité des sexes faisant partie de ces « intérêts publics importants », selon la jurisprudence de la CEDH, la fenêtre pour appliquer la charia dans les pays européens se réduit singulièrement, mais elle ne disparait pas ! 

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Au Royaume-Uni, il existe des « shariah courts » arbitrales compétentes en affaires familiales. Elles sont saisies seulement lorsque toutes les parties sont d’accord. Le problème, pointé par l’ONG britannique Civitas (aucun lien avec le mouvement français catholique traditionaliste éponyme), est que le volontariat est parfois ambigu. Dans les affaires de divorces, beaucoup de femmes se résignent à passer par la sharia court de guerre lasse. 

La charia et le blasphème avancent à petits pas

Question à ce stade sans réponse, l’enseignant actuellement pris à partie est-il ciblé parce qu’il a tenu des propos désobligeants sur l’islam, ou parce qu’il s’est insurgé contre la logique de la CEDH ? Il s’est écoulé plus d’un mois entre son cours et le moment où l’affaire est sortie. 

La mouvance islamiste n’a pas du tout commenté l’arrêt Molla Sali, mais il ne fait aucun doute que ses juristes surveillent attentivement les jurisprudences de la CEDH. En 2018 encore, ils ont obtenu une autre belle victoire devant elle: la Cour avait confirmé la validité de la condamnation d’une Autrichienne poursuivie pour avoir dit que Mahomet était pédophile (au motif que son épouse Aïcha avait une dizaine d’années quand son mariage avec le prophète fut consommé). [tooltips content= »Affaire E.S. c. Autriche, req. 38450/12. »](3)[/tooltips]

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En France, aucune formation politique, aucune ONG n’a jamais proposé de créer des tribunaux arbitraux islamiques compétents en matière familiale. Si la charia devait se ménager une niche juridique dans notre pays, ce serait sans doute en commençant par un domaine moins sensible. La finance, par exemple. Une filiale du Crédit du Nord, La Française, commercialise depuis 2018 un produit de placement immobilier Charia, « compatible avec les préceptes de la finance islamique ». La réalité de la demande se confirme. Selon un sondage Ifop pour le Comité Laïcité République publié en novembre 2020, 57% des musulmans de 18 à 24 ans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Dix points de plus qu’en 2016.

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Covid: Non, il n’y a pas eu d’« effet Thanksgiving » !

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Plus de trois semaines après la fête américaine de Thanksgiving, un article du New York Times s’appuie sur des données téléphoniques et scientifiques pour mettre à mal « l’effet Thanksgiving » et infirme ainsi les discours des experts et politiques brandissant la menace des fêtes de Noël en France. Explications.


Le 7 décembre 2020, Valérie Pécresse affirmait sur France Inter: « Pour éviter une troisième vague, on aura besoin que tous les Franciliens aillent se faire tester massivement après les fêtes » afin d’éviter « un effet Thanksgiving ».

Autrement dit, les rassemblements publics et privés pour la fête de Thanksgiving auraient participé au rebond de l’épidémie aux États-Unis. Ne s’appuyant sur aucune source scientifique, Valérie Pécresse aurait pu s’abstenir mais à sa décharge, elle n’est pas la seule à avoir évoqué « l’effet Thanksgiving ». Le Conseil scientifique l’a également mentionné. Par ailleurs, bon nombre de médias ont suivi le fameux Conseil scientifique et ont relayé cette information douteuse.

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Or, les données scientifiques américaines ne vont pas dans le sens des autorités françaises. De manière générale, dans les États où la situation sanitaire empirait avant Thanksgiving, celle-ci a continué de s’aggraver. Et dans les États où la situation sanitaire s’améliorait avant que les Américains ne s’attablent autour de leur dinde traditionnelle, on n’a pas connu d’inversion de la tendance. Ce graphique ci-dessous est à cet égard assez parlant :

Évolution du nombre moyen de cas sur les sept derniers jours à trois dates différentes: 11 novembre ; 25 novembre ; 9 décembre. Le point du milieu correspond à la date du 25 novembre, soit un jour avant Thanksgiving. © Capture d'écran New York Times.
Évolution du nombre moyen de cas sur les sept derniers jours à trois dates différentes: 11 novembre ; 25 novembre ; 9 décembre. Le point du milieu correspond à la date du 25 novembre, soit un jour avant Thanksgiving. © Capture d’écran New York Times.

La responsabilité individuelle à l’œuvre

Il faut toutefois nuancer l’hypothèse d’un risque quasi nul de contamination pour les fêtes de fin d’année. En effet, grâce aux données de géolocalisation[tooltips content= »Ces données sont produites par Cuebiq, une société d’analyse de localisation, et reprises par le New York Times. »](1)[/tooltips], le New York Times constate que les Américains ont considérablement réduit leurs interactions durant Thanksgiving par rapport à l’année dernière (-66% au nord-est et dans la moitié ouest ; -55% dans le sud des États-Unis). Les comtés où les Américains ont eu plus d’interactions que l’année dernière ne représentaient que 0,5% de la population américaine. Les Américains ont ainsi fait preuve de civisme et d’intelligence lors de Thanksgiving. Auront-ils le même comportement lors des fêtes de fin d’année ?

Il n’est donc pas illégitime d’appeler les Français à « redoubler de vigilance » pendant les fêtes comme le fait l’exécutif en France, mais il est inexact d’affirmer que les États-Unis connaissent une nouvelle période de hausse des cas de Covid-19 à cause de Thanksgiving. Les fake news ne font qu’apporter de l’eau au moulin des complotistes…

La quarantaine éclatante

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Brasseur laissait filtrer comme personne les sentiments, avec une retenue et une élégance qui nous élevaient…


Les professions libérales sont tristes ce soir. Elles viennent de perdre leur meilleur représentant au cinéma. Combien de futurs dentistes, vétérinaires ou pharmaciens ont entamé d’ennuyeuses études scientifiques dans l’espoir fou et réconfortant de ressembler à Claude Brasseur, à la quarantaine venue ? Ces bons élèves n’avaient pas le souhait de faire plaisir à leurs parents et de ramener des diplômes dorés sur tranches à la maison, seulement de conduire une imposante Jeep Cherokee Chief achetée chez le concessionnaire Jean Charles, entre Alma et Trocadéro, avec comme passagères d’un jour, Brigitte Fossey, Valérie Kaprisky, Mireille Darc ou Agostina Belli. Avec un chèche ou un stéthoscope autour du cou, Brasseur était le coup de sirocco de la décennie 1975-1985. Un peu gouailleur, un peu dragueur, avec cet air tendre qui pouvait virer à la colère noire, la voix grillée par des nuits trop courtes, il incarnait le quadra triomphant, cette forme d’assurance bourgeoise à la papa, un brin décorsetée et terriblement attachante. Un après-Mai 68 qui ne se vautre pas dans le héros souillon et sentencieux. Il était à cheval entre deux mondes, celui de son père, monstre hirsute et flamboyant, commandeur cabotin, figure un peu trop lourde à porter pour un fils qui avait choisi le même métier que lui et puis cette modernité ravageuse veule et transparente que nous subissons depuis près de trente ans. Entre ces deux bornes temporelles, nous n’avons pas vécu une parenthèse enchantée, nous avons seulement goûté à une certaine liberté d’aimer, de jouir, de rouler, d’embrasser et de bambocher. Sans honte et fausse pudeur. De jouer avec les limites, parfois. De ne rien prendre au tragique tout en conservant le sens des valeurs. Ce « en même temps-là » avait une sacrée gueule, classieux aurait dit Gainsbourg. Je me rends compte que cet étroit chemin est incompréhensible pour de nouvelles générations avides de liquider le passé et de juger. 

Nous, les enfants nés dans les années 1970, en recherche d’un modèle qui a du chien et du cran, rêvions de devenir, à l’âge adulte, la copie conforme de l’acteur. Un Brasseur épanoui qui s’autorise la cavalerie et la fantaisie, les pistes du Dakar et les bars de palaces, qui aime confusément les garces et les bêcheuses, les beaux garçons et les vieilles dames. Il y a des images qui marquent durablement une jeunesse provinciale, qui restent figées dans notre mémoire d’adolescent. Je revois l’acteur dans « Signes extérieurs de richesse » en proie à un délicat contrôle fiscal mené par une Josiane Balasko sensible au romantisme animalier et accompagné d’un expert en comptabilité guignolesque interprété par un Jean-Pierre Marielle d’anthologie. Et je suis heureux. Profondément heureux d’avoir été élevé, oui éduqué, par des hommes de ce calibre-là, qui refusaient le sérieux et le plombant, qui faisaient de la comédie populaire, un art de vivre, notre identité disparue. Ils avaient ce rire taquin en partage, ce magnétisme qui s’appelle le talent et surtout cette faculté à nous nourrir l’esprit sans affèterie et pesanteur. Ils étaient nos tuteurs, tellement légers et brillants à l’écran, que jamais le sentiment d’abandon n’a été aussi fort ce soir. La disparition de Brasseur, après celle de Noiret, Rochefort, Rich, Cremer et tant d’autres, nous laisse groggy. Même si nous nous estimons incroyablement chanceux d’avoir croisé leur route. 

Nous pleurons avec Vic Beretton, une époque pas si lointaine où les hommes roulaient en Matra Rancho, portaient des polo Lacoste durant tout l’été, s’engageaient dans des relations amoureuses acrobatiques avec des filles dont ils n’avaient même pas envie et puis, à la faveur d’un déménagement, s’apercevaient qu’ils étaient amoureux de leur femme comme dans le tube de Richard Anthony. Entre nous, il suffit de revoir la bande d’« Un éléphant » ou de « Nous irons tous au paradis » pour que l’émotion nous étreigne. Nous avons aimé le tennis, les AMC Pacer et les jupes qui virevoltent grâce à eux. C’étaient nos copains, c’était notre France. Brasseur laissait filtrer comme personne les sentiments, avec une retenue et une élégance qui nous élevaient. J’ai de nouveau envie d’avoir quarante ans.

A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

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Le gouvernement nous annonçait il y a quelques semaines qu’un consentement éclairé serait demandé à toute personne recevant un vaccin anti-Covid-19. Or pour qu’un consentement soit éclairé, il faut que l’information soit honnête et intelligible. Discuter l’innocuité et l’efficacité du vaccin anti-Covid-19 à ARN messager avant de décider de se faire vacciner ou non devrait pouvoir se faire sans susciter immédiatement une levée de boucliers dans la presse et la communauté médicale.


Quelles sont les données connues sur le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Polack et al., 2020, The New England Journal of Medicine« ](1)[/tooltips], autorisé hier par l’Agence européenne des médicaments?

Si pour un cancer agressif le bénéfice que l’on peut retirer d’un traitement expérimental potentiellement toxique surpasse les risques associés à ce traitement, cela est plus discutable pour une maladie dont la létalité varie de 0,01 à 1,63 % suivant les régions du monde et qui ne touche qu’exceptionnellement de façon sévère les enfants et les jeunes adultes[tooltips content= »Santé Publique France, COVID-19 : point épidémiologique du 17 décembre 2020« ](2)[/tooltips]. Dans ces conditions, même quelques jours de fatigue ou de maux de tête (principaux effets secondaires rapportés par Pfizer-BioNTech), qui peuvent être sévères dans 4 à 6 % des cas, c’est-à-dire entraver les activités de la vie quotidienne, peuvent être difficiles à accepter pour une personne active en bonne santé. D’autant plus que l’argument selon lequel les gens qui ne font pas partie des personnes à risque devraient se faire vacciner pour la collectivité ne peut être pour le moment avancé. Car si l’étude de Pfizer-BioNTech suggère que le vaccin diminue le risque de faire une forme symptomatique et même une forme grave de Covid-19[tooltips content= »De plus l’étude n’a pas testé toutes les personnes à des intervalles de temps régulier pour dépister les asymptomatiques donc on ne sait pas si parmi les vaccinés et les non vaccinés il y avait des personnes COVID-19 asymptomatiques. »](3)[/tooltips], elle ne répond pas à la question de la capacité du vaccin à empêcher la transmission du virus d’une personne à l’autre. De plus, quatre effets indésirables graves ont été rapportés dans cette étude. Quatre chez plus de vingt mille participants vaccinés, ce n’est pas grand-chose ; mais comme les statistiques ne s’appliquent pas à l’individu et que par ailleurs on ne connait pas le profil des individus touchés par ces effets graves (personnes âgées ou jeunes ? avec ou sans comorbidité ?), on peut comprendre que certaines personnes n’aient pas envie de prendre le risque de compter parmi ces exceptions. De la même façon qu’une personne jeune pourrait ne pas avoir envie de prendre le risque de faire partie des exceptionnels cas de patients jeunes sans comorbidité connue qui sont décédés de la Covid-19 et opter pour la vaccination sans hésitation. Ce qui importe est que chacun puisse prendre la décision de se faire vacciner en étant honnêtement et clairement informé.  

Si certaines réticences paraissent donc justifiées, certaines craintes devraient pouvoir être surmontées avec les données désormais disponibles. 

Le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller? Doit-on interdire le doute?

Certes on ignore quels sont les effets du vaccin anti-Covid-19 à ARNm au-delà de trois mois. Les auteurs de l’étude de Pfizer-BioNtech précisent que le suivi des participants se poursuivra sur deux ans. D’autres vaccins à ARNm ont été testés chez l’homme, comme un vaccin contre la grippe aviaire testé aux États-Unis et en Allemagne entre 2016 et 2017[tooltips content= »Feldman et al., 2019, Vaccine« ](4)[/tooltips] ou ce vaccin à ARNm contre la rage étudié en Allemagne entre 2013 et 2016[tooltips content= »Alberer et al., 2017, The Lancet« ](5)[/tooltips]. Sur les 101 participants de cette dernière étude les effets secondaires les plus fréquents étaient aussi les maux de tête et la fatigue avec des formes sévères chez huit participants. Il y a eu également chez un participant qui avait reçu une forte dose une paralysie faciale qui a disparu sans laisser de séquelle, comme rapporté avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Selon la FDA, la fréquence observée de la paralysie de Bell signalée dans le vaccin Pfizer-BioNTech est cohérent avec le taux attendu dans la population générale, et il n’existe pas d’argument pour conclure sur un lien de causalité pour le moment… mais la FDA recommande la surveillance des cas de paralysie de Bell avec le déploiement du vaccin »](6)[/tooltips]. Ce qui inquiète avec les vaccins à ARNm est le risque d’auto-immunité, c’est-à-dire que notre organisme se mette à produire des anticorps dirigés contre nos propres constituants, notamment nos molécules d’ARN. Or cette étude avec un suivi prolongé n’a pas retrouvé d’augmentation des auto-anticorps chez les personnes vaccinées.  

Qu’en est-il de l’effet des anticorps facilitants (ADE en anglais) ? Il n’est ni prouvé pour le moment que ce phénomène existe dans la Covid-19 ni que le vaccin anti-Covid-19 à ARNm puisse faciliter ce phénomène[tooltips content= »Lee et al., 2020, Nature microbiology »](7)[/tooltips]. De quoi s’agit-il ? Pour lutter contre les microbes notre système immunitaire produit des anticorps qui vont en se fixant à sa surface empêcher le microbe d’agir. Il arrive dans de rares cas que ces anticorps soient incapables de neutraliser le virus (par ex. lorsqu’ils ciblent une partie du virus qui ne l’empêche pas de fonctionner) et pire qu’ils aident alors le virus à proliférer : ce sont des anticorps facilitants. Ces anticorps facilitants sont surtout observés avec les vaccins utilisant des virus entiers ou lorsque les anticorps sont faiblement produits. Comme ces vaccins à virus entier présentent à notre système immunitaire un panel large de protéines virales donc de cibles potentielles, il y a plus de risque que notre système immunitaire produise des anticorps inefficaces et donc potentiellement facilitants. Or l’ARNm du vaccin de Pfizer-BioNTech induit dans notre organisme la production d’une seule protéine virale (la protéine spike du SARS-COV-2). Donc dans ce cas une seule cible est pertinente puisque les anticorps qui se fixent sur cette protéine spike empêchent le virus SARS-CoV-2 de pénétrer nos cellules donc de proliférer. De plus les taux d’anticorps induits par le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux produits lors d’une infection naturelle[tooltips content= » Walsh et al., 2020, The New England Journal of Medicine »](8)[/tooltips].

Quant à la possibilité d’une intégration de l’ARN du vaccin dans notre génome, ce phénomène est en théorie improbable car il faudrait qu’il y ait dans nos cellules une enzyme (transcriptase inverse) que nous ne possédons pas − et que les coronavirus ne possèdent pas non plus contrairement à d’autres virus − pour transformer l’ARN en ADN pour qu’il puisse ensuite intégrer notre génome.

Covid 19. Fusion Medical Animation / Unsplash
Covid-19. Fusion Medical Animation / Unsplash

Enfin, on ignore la durée de l’efficacité du vaccin et s’il résistera à des mutations du virus. L’avantage des vaccins à ARNm réside dans la possibilité de fabriquer rapidement une nouvelle version pour répondre à une mutation qui compromettrait l’efficacité du vaccin. De plus, le fait que certains cas de réinfection à la Covid-19 aient été associés à des taux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 faibles et le fait que les taux d’anticorps produits lors de la vaccination avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux induits par une infection naturelle, laisse penser que ce vaccin à ARNm pourrait éviter les réinfections. 

Se faire vacciner ou ne pas se faire vacciner, telle est la question interdite

L’histoire médicale est émaillée d’exemples où les effets indésirables graves d’un traitement qui n’avaient pu être mis en évidence lors des premières études cliniques ne sont apparus qu’au fil de l’utilisation dans « la vie réelle » de ce traitement. Si un médecin ne devrait pas se faire le relais de théories douteuses et infondées scientifiquement, il est en droit de faire part de ses doutes lorsqu’il ne sait pas. 

Certes le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller ? Doit-on interdire le doute, sur lequel se fonde la vie intellectuelle et le débat ? C’est bien connu (et confirmé par plusieurs études), la France est le « pays anti-vaccin » par excellence. Mais le problème touche d’autres pays, notamment là où il existe une défiance envers les dirigeants et où la population s’informe largement sur internet.  Et dans les pays dits développés, le vaccino-scepticisme toucherait préférentiellement les personnes ayant fait des études supérieures. Dans un monde où la connaissance est à portée de clic, les profanes sont devenus ces généralistes qui ne savent presque rien sur presque tout et les experts des spécialistes qui savent presque tout sur presque rien. Dans ce cadre, difficile pour les patients sceptiques plus ou moins bien informés de se laisser convaincre par des médecins parfois dépassés par l’évolution exponentielle des connaissances qui accélère l’obsolescence de leur savoir.

Hidalgo: la mandature de tous les dangers

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Paris navigue à vue. Alors que sa coque est percée de toutes parts, son capitaine regarde ailleurs. Anne Hidalgo a les yeux ancrés sur une rive plus lointaine, celle des élections présidentielles. Et pour rejoindre l’autre rive, elle tente de garder à bord de son équipage de fortune ses alliés écologistes, quitte à plonger Paris dans l’abîme.


Des dépenses qui explosent 

Le naufrage prévisible est d’abord économique. En cette période de crise sanitaire, les déflagrations se ressentent particulièrement en raison de la forte dépendance de la capitale au tourisme, qu’il soit de loisirs ou d’affaires. Le plan de soutien pour l’économie parisienne lancé par la municipalité n’est pas à la hauteur des enjeux. Depuis plusieurs années, la mairie de Paris est dans l’incapacité à dégager des marges financières et à maitriser ses dépenses. En effet, depuis 2013, nous subissons une augmentation considérable des dépenses, celles de fonctionnement ont augmenté de 12%, tandis que celles de personnel connaissent une hausse de 18%. Résultat ? Avant même la crise du Covid-19, notre dette se situait à près de 64% par rapport à 2013. Aujourd’hui, il semble se diriger vers une hausse de 93% d’ici fin 2021!

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Mais comme si cela ne suffisait pas, les écologistes ont utilisé le prétexte de la crise sanitaire pour accélérer les mesures radicales contre les mobilités (hors vélos), sans concertation, apportant un coup fatal aux commerces qui avaient miraculeusement résisté aux grèves, manifestations massives et confinements. Toujours prisonnier des écologistes, l’exécutif parisien se trouve dans une impasse face à la question du déploiement de la 5G. Il jongle avec un moratoire qui ne porte pas son nom et entraine la capitale dans un retard sur le déploiement de cette technologie qui recèle pourtant un fort potentiel de développement pour les acteurs de l’économie parisienne.

Une myriade d’accommodements concédés par Anne Hidalgo

Le naufrage est également moral. Cela prend la forme d’une noyade des valeurs de la République où les alliances d’Anne Hidalgo méritent une clarification. Les déclarations de la Maire de Paris affirmant que « les écologistes d’EELV ont un problème de rapport à la République » lui imposent de faire un choix de cohérence concernant le maintien de ces mêmes élus au sein de son exécutif municipal. Tous les messages de la majorité sont actuellement brouillés, comme lors de l’intervention indécente des Verts lors du débat sur l’instauration d’un lieu dédié à la mémoire de Samuel Paty, ou contradictoires voir agressifs lorsque sont évoqués les forces de l’ordre, le préfet de Police ou le ministre de l’Intérieur.

D’autres accommodements concédés par Anne Hidalgo ont d’ailleurs des conséquences lourdes en termes de sécurité et de liberté. Pour satisfaire l’idéologie de ses alliés, la Ville refuse l’armement de la future police municipale au péril de la vie des futurs agents. Ces derniers revêtiront l’uniforme… sans les armes létales. Ils risquent ainsi de devenir des cibles potentielles ne pouvant assurer ni la protection des Parisiens, ni la leur, face à des individus toujours plus violents et armés ! L’exemple de la neutralisation d’un terroriste à Nice par la police municipale est pourtant probant.

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Enfin, Anne Hidalgo laisse les écologistes installer insidieusement une idéologie autoritaire et punitive. Elle accède aux demandes de contrôles de lieux culturels et de budget « genré » par la modulation des subventions fondées sur les nombres d’artistes ou œuvres féministes, et ce au mépris de la liberté de création et de diffusion. On ne peut que déplorer une vision aussi sectaire sans discernement, et surtout sans œuvrer concrètement à la reconnaissance du talent des femmes.

Les Verts ou l’écologie dévoyée

Si seulement les écologistes défendaient la cause dont ils ont si habilement su usurper le nom, c’est-à-dire l’écologie. Mais c’est loin d’être le cas ! Le 12e arrondissement, territoire sacrifié aux Verts en dépit du choix des électeurs, est illustratif des effets du pacte entre Paris en Commun et les écologistes. Au-delà de la question du respect du choix démocratique des électeurs, ce sont les renoncements de la part des protagonistes qui interrogent. Ainsi, au fil des premiers conseils municipaux, les écologistes entérinent les projets de densification du portefeuille du 1er adjoint à la Maire de Paris, en charge de l’Urbanisme, lesquels vont pourtant à l’encontre de l’urgence climatique et de leurs promesses de campagne. En contrepartie, la maire du 12e Emmanuelle Pierre-Marie semble avoir les mains libres pour distiller une idéologie de déconstruction de notre société et de notre culture à l’instar de la création des cours de récréation dites « Oasis » dans les écoles. L’urgence étant d’empêcher les petits garçons de jouer au foot car ils prendraient trop de place pour le faire ! Quelle tristesse si le féminisme s’exprime de la sorte aujourd’hui !

Pour résumer, cette alliance produit ce qu’il y a de plus caricatural alors que dans le même temps sont éludés les vrais problèmes des Parisiens, toujours plus nombreux à quitter la capitale au rythme de 12 000 par an. Les véritables enjeux écologiques autour de projets innovants et de solutions technologiques alliant croissance économique et défense de l’environnement sont ignorés. Un proverbe chinois dit que « la mer la plus profonde a un fond, la montagne la plus haute a une cime ». À Paris, au sixième mois du nouveau mandat d’Hidalgo, nous craignons un abysse colossal.

Les leçons de vie de Gims

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Gims, le rappeur congolais ancien membre du groupe Sexion d’Assaut, a donné une interview à Paris Match. Le chanteur y parle notamment d’esclavage, de racisme, et donne sa vision de la France d’aujourd’hui. Morceaux choisis…


Gandhi Djuna ne veut plus qu’on l’appelle « Maître », et préfère désormais qu’on le nomme simplement Gims : « A la base, je me suis appelé comme ça par rapport aux mangas, aux arts martiaux. J’aimais bien. C’était un délire de gamin, un petit peu », expliquait-il dans l’émission C à vous le 4 février 2019. Le rappeur, né au Congo, est à l’heure de la maturité. Alors qu’il enchaîne les interviews pour la promotion de son quatrième album « Le Fléau », celui qui n’est plus un “gamin” se permet de donner son avis sur les questions raciales, qui n’ont cessé d’agiter l’Occident ces derniers mois.

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Heureuse surprise : contrairement à nombre de ses collègues du show-biz, Gims ne tombe pas complètement dans le discours victimaire. À la une de Paris Match le 17 décembre, le chanteur a livré son ressenti sur le racisme, le mouvement Black Lives Matter et l’état de la société française, qui l’a recueilli, après sa fuite du Zaïre où sa famille était menacée de mort. Il assure ne pas éprouver de ressentiment contre une partie de la population: « J’ai rencontré des gens incroyables en France, je ne suis pas dans cette haine de Noir, de Blanc. » Avant de gravement transgresser la doxa antiraciste. D’abord en révélant croire « totalement » à l’ascenseur social promis par la France, puis en expliquant ne pas vouloir prendre part au mouvement Black Lives Matter, dont l’idéologie le froisse: « Le fait de devoir proclamer que la vie d’un Noir compte est une dinguerie absolue. On complique les choses. » Il ajoute même:  « On sait que l’esclavage a été pointé du doigt. Il n’est pas le fait de tous les Blancs. Les Noirs aussi ont fait des choses horribles. »

Une de Paris Match du 17 décembre 2020.© D.R
Une de Paris Match du 17 décembre 2020.© D.R

Colère chez les progressistes

Le rappeur a ainsi provoqué l’ire des obsédés de la race venue de la gauche progressiste sur Twitter. Dan Hastings, journaliste franco-britannique pour le HuffPost UK et British Vogue s’indigne sur le contenu de l’interview de Gims : « Rien ne va dans cette interview », « Un joli discours de droite en somme ».

Même son de cloche pour Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique à Paris VIII spécialisée sur les violences policières, le racisme et le mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis : « On avait bien besoin de terminer 2020 avec Gims qui récupère des symboles du #blackpower pour ensuite expliquer que #BlackLivesMatter est un slogan qui amoindrit les Noirs, et que c’est pcq c’est inadmissible que ça existe qu’il ne manifeste pas. Cette itw est une dinguerie !! »

D’autres sont plus violents encore sur le réseau américain : « Si vous aimez votre couleur de peau vous ne pouvez pas cautionnez (sic) ce que dit ce gims de mes deux! Blacklisted moi cet inculte! Honte à la personne qui a élevé ce tordu! », écrit l’un d’eux.

Rien de bien transgressif pourtant dans le discours de Gims. Ce n’est pas Patrice Quarteron ou Candace Owen non plus ! D’autant qu’il confirme que le racisme contre les noirs serait plus fort aujourd’hui que lors des dernières décennies : « Aujourd’hui en 2020, j’en souffre plus (du racisme) que dans les années 90 ou qu’au début des années 2000. Ce qui s’est passé avec George Floyd, avec cet Américain qui a pris sept balles dans le dos, avec cet entraîneur lors du match PSG-Istanbul, sans parler de Michel Zecler [producteur lynché par des policiers en novembre à Paris, ndlr]… » Il poursuit : « Ce rejet de l’homme noir est probablement lié à plein de choses: tous ces films qu’on a pu voir sur l’esclavage, ces séries, ce qu’on a appris à l’école sur le sujet… » Gims ne va pas rejoindre la fachosphère de sitôt.

Maitre Gims n’a pas toujours eu ce discours mesuré

Les opinions livrées par Gims dans Paris Match cette semaine demeurent moins victimaires que celles qu’il livrait au temps ou il rappait dans le groupe Sexion d’Assaut. En 2012 il dénonçait la spoliation du continent africain dans le titre « Africain » : « Ils nous ont divisés pour mieux nous dominer. Ils nous ont séparés de nos frères les Antillais Africains ». Pire, en 2010, son compère Black M fustigeait la France comme un « pays de kouffars (infidèles) » dans le titre « Désolé » : « J’me sens coupable, quand j’vois ce que vous a fait c’pays de koufars ». Un documentaire Netflix qui lui est consacré a révélé que Maître Gims a même été sous l’influence de l’islamisme: en 2005 il a rejoint le mouvement fondamentaliste des Frères du Tabligh, avant d’en sortir et de dénoncer une secte. Il affirme désormais avoir trouvé une forme de paix intérieure grâce à l’islam. Gims a appris des erreurs de Maître Gims et vient désormais nous livrer la bonne parole. Réjouissons-nous que son discours ne prenne pas la direction voulue par Rokhaya Diallo, Lilian Thuram et consorts.

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Pour remplir le Zénith ou le Stade de France, il s’agit aussi de ne pas froisser son public, qui n’est probablement pas le même que celui du temps de Sexion d’Assaut.

La laïcité guimauve du SNUIPP

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Connaissez-vous le SNUIPP? Derrière ce sigle se drape le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (professeurs d’enseignement général de collège), syndicat majoritaire dans le premier degré. Partisan de règles sanitaires à la soviétique, le syndicat est toujours enclin à s’indigner du moindre assouplissement du « protocole sanitaire » dans les salles de classe, pas assez drastique à son goût. En revanche, il est bien plus accommodant sur la laïcité. Pour preuve, les pistes de lecture recommandées sur son site pour “enseigner après les attentats”.


À la fin du mois de septembre, en compagnie de ses camarades du FSU et de la CGT, le SNUIPP se fendit d’un communiqué volant au secours de ses camarades musulmans suite au projet de loi sur le séparatisme : « Personne n’est dupe : ce sont nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane qui sont visés par ce projet de loi […] Hérité du racisme colonial, ce projet est une nouvelle expression d’un débat public saturé de fantasmes xénophobes ». 

Depuis la décapitation du professeur Samuel Paty, le syndicat propose sur son site « quelques pistes pédagogiques pour aider les enseignantes et les enseignants » des écoles primaires à « enseigner après les attentats ». 

Après des vidéos à destination de nos bambins expliquant avec des dessins la notion de laïcité, l’utilisation d’un entretien de la revue Les cahiers pédagogiques avec un didacticien dénommé Michel Tozzi – lequel est présenté comme « professeur émérite en sciences de l’éducation »- est suggérée. Fort de ce statut de didacticien, l’intéressé nous y priait, juste après la tuerie de Charlie-Hebdo en 2015, de « ne pas réduire, à cause des événements, la question de la liberté d’expression à la question religieuse » et soutenait sans frémir que « 50% des procès aux dessinateurs français sont le fait des multinationales ». Peut-être, mais il n’est pas certain que les familles des victimes d’attentats apprécient ce relativisme. 

Sus aux « convertis » laïcards! 

« Pour se mettre au point » sur le concept de laïcité, il est également proposé un manifeste de la Ligue de l’enseignement. Dans une savoureuse introduction, la Ligue nous met en garde : « Des prières dans la rue à la viande halal, en passant par la non-mixité des piscines ou le port de signes religieux, tout est bon pour interpeller nos concitoyens sur les risques que ferait courir à nos traditions républicaines l’expression publique des convictions religieuses. Les fraîchement convertis à l’idée laïque apparaissent comme les plus virulents dans sa défense, non sans arrière pensée car évidemment ils considèrent que toutes les religions ne présentent pas les mêmes dangers : c’est bien l’islam qui est stigmatisé comme portant atteinte à une conception particulière de « l’identité française » »

A lire aussi: Coexister: touchée, mais pas coulée

Et un peu plus loin : « Il faut courageusement faire l’examen critique des prétentions hégémoniques d’une culture dont l’universalité proclamée cache souvent des tentations uniformisantes ». Vous pensez encore que les Zineb El Rhazoui, Hassen Chalghoumi ou autres soldats de la laïcité traqués par les islamistes sont bien méritants ? Détrompez-vous ! En comparaison des coups encaissés par les courageux militants de la Ligue de l’enseignement, ils vivent une promenade de santé.  

La « laïcité interculturelle » de Rokhaya Diallo…

Venons-en à Comment parler de la laïcité aux enfants, livre rédigé par Jean Baubérot suggéré par le SNUIPP à ses adhérents pour “aider à préparer la classe”. Baubérot est présenté comme le fondateur de la « sociologie de la laïcité » – il est interdit de sourire – et il cosigne son ouvrage avec Rokhaya Diallo. La militante afro-féministe, qui a déploré il y a peu l’interdiction du voile intégral en France auprès des Qataris d’Al Jazeera regrette que « le paradoxe de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux à l’école, réside dans le fait que, mis à part quelques sikhs, seules les filles musulmanes ont été exclues de l’école ». A quand des curés en soutane armés d’énormes croix à l’assaut des cours de récré pour changer la donne ? Un chapitre intitulé Une laïcité interculturelle interpelle le lecteur avec ce sous-titre : Le Québec, avenir de la France ? Nos deux gâte-papiers s’en frottent déjà les mains : « La laïcité interculturelle signifie que les Québécois peuvent s’apprécier et former un groupe, quels que soient les parcours les croyances (la virgule a été omise dans le livre) et les idées des uns et des autres ». Dans les colonnes de Libération, Régis Debray a soutenu il y a peu que « le mot de laïcité n’existe dans aucune autre langue, mis à part le turc […] où il n’a pas du tout le même sens ». L’intellectuel se tromperait-il ? « L’idée que la laïcité est une exception française est fausse, et sa répétition ne la rend pas exacte pour autant », assurent sans rire Jean Baubérot et Rokhaya Diallo.

A lire aussi: Rokhaya Diallo: « Cher.e.s lectrices et lecteurs de Causeur… »

L’embrigadement des futurs citoyens se poursuit sur le site du SNUIPP avec un Petit manuel pour une laïcité apaisée, une publication du même Jean Baubérot et du « cercle des enseignant.e.s laïques ». Cette prose est parvenue à écœurer Laurent Joffrin – qu’on peut difficilement soupçonner de zemmourophilie : « les auteurs se lancent à plusieurs reprises dans un réquisitoire vibrant contre la loi de 2004 qui interdit les signes religieux ostentatoires dans les salles de classe. Étrange croisade », écrit-il dans Libé. Dans leur lutte autoproclamée laïque, ils soutiennent en effet que les musulmans sont victimes d’une « traque des vêtements censément religieux, d’une surveillance accrue des élèves supposé.e.s musulman.e.s , d’une injonction insistante à l’adhésion aux valeurs républicaines ». Halte à l’islamo-phobie des CPE ! « Pendant qu’on nous fait croire qu’il est féministe de renvoyer une jeune femme car elle porte une jupe au-dessus de son pantalon, on laisse le sexisme institutionnel forger le destin scolaire des élèves, par exemple dans l’orientation, par exemple dans la représentation des femmes dans les manuels », s’offusquaient deux co-auteurs de l’ouvrage dans un entretien il y a quatre ans.  

Générations offensées

Le SNUIPP propose enfin de lire à vos enfants En finir avec les idées fausses sur la laïcité de Nicolas Cadène, secrétaire général de l’Observatoire de la laïcité. Dans une vidéo postée sur sa chaîne Youtube, le géopolitologue Pascal Boniface vient de se réjouir que l’auteur ait été soutenu « par les meilleurs universitaires […], par la Ligue des Droits de l’homme et par la Ligue de l’enseignement », et affirme qu’« Emmanuel Macron n’a pas à céder à la pression pour décapiter l’Observatoire de la laïcité ». Une métaphore qui devrait ravir la famille de Samuel Paty. 

A relire: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

À la décharge du SNUIPP, Histoire de la laïcité, genèse d’un idéal par Henri Pena-Ruiz, est tout de même cité en fin de liste. À quoi le syndicat n’a pas jugé utile d’ajouter le Dictionnaire amoureux de la laïcité du même auteur, vivement conseillé par Jean-Paul Brighelli. S’il n’était pas aveuglé par son idéologie tiers-mondiste, le SNUIPP aurait aussi recommandé de parcourir Penser la laïcité de Catherine Kintzler, Génie de la laïcité par Caroline Fourest ou Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école de Jean-Pierre Obin. 

Craignant de froisser les musulmans, il ne l’a pas fait. Au pays de Voltaire, il prêche donc une laïcité « apaisée », « repensée », « interculturelle », « inclusive » – à quand une laïcité « intersectionnelle » ? -, une laïcité dévoyée qui n’a d’égal que la soumission aux jeunes âmes outrées à la vue d’une caricature de Charlie. Soyez fin prêts pour le meilleur des mondes, la croissance des générations offensées ne fait que commencer. 

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Procès Sarkozy: qui jugera nos juges ?

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Les juges se font un malin plaisir de prendre en charge les dossiers politiques, quitte à user de méthodes peu scrupuleuses. Dans le procès mettant en accusation Nicolas Sarkozy, tous les moyens sont bons pour essayer de démontrer qu’un pacte de corruption a été scellé. Mais l’accusation n’a pas de preuves formelles. Qu’ils aient voté pour lui ou pas par le passé, de nombreux Français s’indignent de voir leur ancien président menacé d’une peine d’emprisonnement.


Le 8 décembre s’est clos le procès qui met en accusation Nicolas Sarkozy, son avocat Thierry Herzog ainsi que l’ancien premier avocat à la Cour de cassation Gilbert Azibert.

Pour rappel, l’ancien président et son avocat sont suspectés d’avoir demandé à ce dernier de leur fournir des informations sur les débats de la Cour de cassation concernant la saisie de l’agenda de Nicolas Sarkozy dans le cadre des poursuites judiciaires liées à l’affaire Bettancourt. En échange, Nicolas Sarkozy aurait usé de son influence pour aider Gilbert Azibert à obtenir un poste à Monaco, conversant sur un téléphone secret à la carte SIM au nom désormais célèbre de « Paul Bismuth ».

Une inquiétante judiciarisation de la vie politique française

Ce procès avait tout pour exciter la curiosité médiatique. C’est d’abord la première fois de
l’histoire de la Ve République qu’un procureur requiert une peine d’emprisonnement
pour un ancien président de la République, réquisition qui créa la surprise par sa sévérité, et qui tranche radicalement dans un contexte où le doute plane encore sur l’éventuel retour de Nicolas Sarkozy dans le jeu politique. Ensuite parce que ce procès fut pour le moins théâtral, et que, de la subtile plaidoirie de Jacqueline Laffont aux saillies grandioses de Hervé Temime, en passant par les agitations corporelles de l’ancien président et les liens d’amitié profonde qui unissent Hervé Temime à Thierry Herzog, le procès fit une fois de plus la démonstration que la politique comme la justice se font devant le 4e mur.

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Du point de vue de l’analyse politique, ce procès est surtout symptomatique d’un renversement dangereux entre la justice et le politique. Nous en voulons pour preuve l’apostrophe de Jean-Luc Blachon, l’un des deux procureurs du procès aux côtés de Céline Guillet : « La République n’oublie pas ses anciens présidents, mais ses anciens présidents ne doivent pas oublier la République et l’État de droit », a-t-il admonesté à plusieurs reprises devant l’accusé présidentiel. On devine dans cette phrase une accusation envers le politique, comme l’orientation d’un parquet parfois partial qui choisit ses proies selon la couleur de leur carte, et donnant le choix entre son omniprésence et le retour aux lettres de cachet. Or si quelqu’un ne respecte pas l’État de droit dans cette affaire, c’est bien la justice elle-même. D’abord parce que les méthodes mises en œuvre par l’information judiciaire du Parquet National Financier ont fait fi du scrupule et de la légalité. La perquisition du bureau de Gilbert Azibert fut étonnante dans la mesure où ce dernier était normalement couvert par le secret du délibéré, ce qui a ensuite été reconnu par le Conseil Constitutionnel qui n’a toutefois pas donné d’effet rétroactif à sa décision.

Un dossier peu consistant

Les écoutes des conversations secrètes tenues entre Sarkozy et Herzog, ébruitées ensuite au mépris du droit auprès du gouvernement de Jean-Marc Ayrault (et en particulier de la garde des Sceaux de l’époque Christiane Taubira) fut carrément une atteinte au secret professionnel. Quant à l’information judiciaire ouverte par le PNF, qui a épluché les notes téléphoniques – ou « fadettes » – de 60 lignes dont certaines de grands avocats, elles constituent ce qu’Éric Dupont-Moretti – qu’on ne peut suspecter d’alliance politique avec Sarkozy – a qualifié de « méthodes de barbouzes ».

Malgré ces informations judiciaires illégales, malgré les 96 heures d’interrogatoires de
Nicolas Sarkozy – aurait-on été aussi zélés pour un justiciable « normal » ? – on aurait au
moins pu s’attendre à ce que le dossier constitué par le PNF eût quelque consistance. Il n’en est rien.

Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise

Sur toute cette débauche de recherches acharnées et d’écoutes à la soviétique, le dossier
constitué par le parquet s’appuie exclusivement sur les 19 écoutes de conversation
téléphoniques entre Sarkozy et Herzog sous la carte SIM de Paul Bismuth, dans lesquelles on peut entendre Nicolas Sarkozy dire en 2014 qu’il aiderait Gilbert Azibert, mais qui n’avait absolument pas candidaté pour un quelconque poste à Monaco, ce qu’Hervé Temime souligne au cours du procès. De ces enregistrements, on ne retient que des conversations amicales qui ne permettent pas de porter une seule accusation fondée. Réponse du parquet : c’est bien parce qu’ils n’ont rien dit qu’ils savaient être écoutés, et qu’ils sont donc coupables ! « Nous sommes face à une accusation diabolique, où s’il n’y a rien, c’est qu’on est coupable », résume Temime.

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Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les
conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise, face à un Nicolas Sarkozy qui s’est soumis aux procédures, contre lequel personne n’a trouvé d’éléments compromettants et qui se voit affublé d’une réquisition plus que sévère. Le PNF, dont les méthodes ont également été mises en accusation par l’affaire Fillon, n’en est pas à son premier fait d’arme.

Alors, qui jugera nos juges ?

Alain de Benoist: « Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité »


Penseur inclassable qui revendique la paternité de l’expression « la pensée unique », l’auteur de La Chape de plomb traque les causes de la disparition de notre liberté d’expression et rappelle que la liberté de l’individu dépend de la liberté de son pays. 


Causeur. Vous êtes l’auteur d’une œuvre considérable, et une des figures les plus controversées de la vie intellectuelle française. Dans votre dernier livre (La Chape de plomb, La Nouvelle Librairie), vous vous livrez à une attaque en règle contre les « nouvelles censures ». Dans quelle intention ?

Alain de Benoist. Je ne suis pas le premier à publier un livre sur la disparition de la liberté d’expression. Le mien se distingue des autres par un refus de se cantonner dans la déploration, et par une tentative d’explication théorique visant à expliquer comment nous en sommes arrivés là. Vous connaissez le propos mille fois cité de Bossuet sur ceux qui se plaignent des conséquences et chérissent les causes. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que les causes sont souvent très lointaines. Pour les élucider, il faut remonter loin en amont. L’histoire des idées peut y aider.

Le fait d’avoir été ostracisé par vos pairs vous a-t-il permis de fourbir vos propres armes intellectuelles ? N’êtes-vous pas parfois tenté par la victimisation que vous dénoncez ?

Je mentirais si je disais que je n’ai pas souffert de cet ostracisme. Cela dit, d’autres ont beaucoup plus souffert que moi, et je n’aime pas me poser en victime. Vous connaissez l’adage : never explain, never complain. Le ressentiment est toujours un produit de la haine et de l’envie.

La censure est de tous les temps, et ceux qui la dénoncent ne sont que trop souvent désireux d’en imposer une autre à leur tour

On parlait dans les années d’après-guerre de « terrorisme intellectuel », puis quelques décennies après de « police de la pensée ». Comment définiriez-vous les censeurs d’aujourd’hui par rapport à ceux d’hier ?

La censure est de tous les temps, et ceux qui la dénoncent ne sont que trop souvent désireux d’en imposer une autre à leur tour. Mais il y a deux grandes différences. Autrefois, la censure était essentiellement le fait des pouvoirs publics, tandis que la presse jouait un rôle de contre-pouvoir. Aujourd’hui, les médias sont presque tous gagnés à l’idéologie dominante et ce sont eux qui jouent les chiens de garde en appelant à censurer. Les journalistes dénoncent d’autres journalistes, des écrivains applaudissent à l’épuration d’autres écrivains. L’autre fait nouveau, c’est que les pouvoirs publics ont privatisé la censure en la confiant aux multinationales comme Facebook et Twitter. Cela ne s’était encore jamais vu. S’y ajoute l’apparition de tribunaux d’opinion dont les réseaux sociaux sont les relais. Le principe est celui de la justice expéditive : soupçon vaut condamnation, le tribunal ne comprend que des procureurs et les jugements ne sont jamais susceptibles d’appel. La novlangue orwellienne, qu’on appelle le « politiquement correct », et les délires des milieux néoféministes et LGBT fournissent le carburant. Le résultat est quasi soviétique : en public, on n’ose plus rien dire. L’inculture régnante fait le reste.

Vous allez jusqu’à parler de « nouvelle Inquisition » à propos du politiquement correct, de la pensée unique et du diktat des minorités. Il y aurait donc là des traits rappelant la mainmise du pouvoir religieux sur les esprits ?

Il y a toujours du religieux dans le fanatisme. L’idéologie dominante, qui est toujours l’idéologie de la classe dominante, est ainsi organisée qu’elle a ses grands-prêtres, ses inquisiteurs et ses dévots. Elle appelle à la repentance, elle représente le passé comme n’étant plus qu’un motif de contrition. Elle se désole que l’histoire ne soit pas morale, mais tragique, et elle entend la réécrire selon ses canons en se réclamant d’une morale (Nietzsche aurait parlé de moraline) qui veut que la société soit rendue « plus juste », fût-ce au prix de la disparition du bien commun.

Vous dites aussi que la « pensée unique » se veut rationnelle et s’interdit tout écart par rapport à un axe qui, étant celui du Vrai, est aussi celui du Bien. Comment cette rationalité technocratique s’accorde-t-elle avec la religiosité dont nous venons de parler ?

Les deux ne sont pas incompatibles. Auguste Comte théorisait le positivisme tout en prêchant une « religion de l’humanité ». L’une des sources, trop souvent ignorée, de la pensée unique (expression que je crois avoir été le premier à employer) est l’idée que les problèmes politiques ne sont en dernière analyse que des problèmes techniques. L’homme étant posé comme un individu rationnel qui cherche toujours à maximiser son propre intérêt, on suppose qu’il n’y a pour tout problème qu’une seule solution optimale rationnelle elle aussi (« there is no alternative », disait Margaret Thatcher). Cette conception du monde fondamentalement impolitique ignore complètement que le politique est irréductiblement conflictuel compte tenu de la pluralité des projets et de ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ». C’est un retour à la vision saint-simonienne, selon laquelle il faudrait substituer l’administration des choses (la « gouvernance ») au gouvernement des hommes. À terme, cette vision transforme les rapports entre les hommes en rapports avec des choses. C’est ce que le jeune Georg Lukács appelait la « réification » (Verdinglichung) des rapports sociaux.

Theodor W.Adorno, 1958. © AFP
Theodor W.Adorno, 1958. © AFP

Vous voyez dans le rêve de transparence intégrale des sociétés postmodernes un « idéal fondamentalement nihiliste » et totalitaire. La crise du nihilisme européen annoncée par Nietzsche à la fin du xixe siècle est-elle en train d’accoucher d’une société à la fois compatissante et dictatoriale ?

« Compatissante et dictatoriale » est une bonne formule. La façon dont la sensiblerie a remplacé la sensibilité, dont l’émotionnalisme lacrymal s’est substitué aux arguments raisonnés est très parlante à cet égard. Ce n’est plus Big Brother qui gouverne, mais Big Mother. Voyez ce que Christopher Lasch a écrit sur la montée de l’« État thérapeutique ». À l’heure de la chasse au coronavirus, on constate que c’était prophétique.

« Nous vivons désormais sous l’horizon de la fatalité », écrivez-vous. Iriez-vous jusqu’à penser, comme Maria Zambrano en 1945, qu’il s’agit là d’une « servilité devant les faits » annonçant l’agonie prochaine de l’Europe ?

Il y a une révérence devant « les faits » qui conduit elle aussi à l’impuissance. C’est l’un des ressorts de l’expertocratie. Or, les faits ne signifient rien par eux-mêmes, ils sont indissociables d’une herméneutique. L’homme est un animal qui interprète ce qu’il connaît en fonction de ses projets et de ses choix. Quand je parle d’un « horizon de la fatalité », je veux dire que le message implicite distillé aujourd’hui par à peu près tous les médias est que nous vivons dans un monde certes imparfait, mais qui reste quand même le meilleur sinon le seul possible. Beaucoup de nos contemporains ont intériorisé cette idée, à laquelle je ne crois pas un instant.

Vous reprochez aux nouveaux censeurs de faire des Lumières un « socle de légitimité » qui leur permet d’imposer des formes inédites de Terreur. Quel regard portez-vous sur les Lumières ?

La philosophie des Lumières s’est voulue émancipationniste, et elle nous a effectivement libérés de certains dogmes religieux. Malheureusement, elle a aussi rendu possible d’autres formes d’aliénation humaine, ainsi que l’avaient bien vu Horkheimer et Adorno : dislocation des cultures enracinées et des valeurs partagées, soumission aux diktats de la Technique, esclavage du salariat (le remplacement du métier par l’emploi), obsession de la croissance et hybris de la marchandise, remplacement des inégalités de statut par l’explosion des inégalités économiques, etc. Son épine dorsale, l’idéologie du progrès, qui conviait à regarder toute l’histoire advenue avant nous comme un amas de traditions et de superstitions sans valeurs, est aujourd’hui entrée en crise. La peur de l’avenir a remplacé les « lendemains qui chantent ». Les Lumières ont joué leur rôle, mais elles ont aussi fait leurs temps (aux deux sens du terme).

De manière directe ou indirecte, c’est la modernité que vous attaquez dans la plupart de vos livres. La liberté de pensée que vous revendiquez ne fait pourtant pas de vous un antimoderne fidèle à une tradition spécifique. Est-ce là l’équation personnelle qui est à l’origine de bien des malentendus vous concernant, et qui fait qu’il est si difficile de vous situer sur l’échiquier intellectuel contemporain ?

Je suis très allergique aux étiquettes, c’est sans doute pour cela qu’il est difficile de me situer ! Cela dit, les « malentendus » dont vous parlez se dissipent vite si l’on prend la peine de me lire. Je suis en effet un critique d’une modernité essentiellement portée par l’économisme et l’individualisme qui caractérisent l’Homo œconomicus. Mais je n’ignore pas que je suis aussi un enfant de cette modernité. Disons seulement que, tout en étant conscient que beaucoup de choses « étaient mieux avant », je ne suis pas un adepte du restaurationnisme. Je crois plutôt à la possibilité d’un nouveau commencement.

Pour le libéralisme, les cultures, les peuples, ne sont que des agrégats hasardeux d’individus

Face à la tyrannie des minorités, vous affirmez que la véritable majorité « est dans le peuple. Elle est le peuple. » Les débats autour du « populisme » montrent pourtant que la notion de « peuple » est devenue problématique. Les classes populaires ne sont-elles pas les premières atteintes par la pensée unique ?

Je n’idéalise pas le peuple, que j’essaie d’envisager dans sa double dimension de l’ethnos et du demos. Vous avez raison de dire que cette notion est problématique, ce que je souligne moi-même dans mon livre sur le populisme (Le Moment populiste, 2017). Mais les élites sont plus subjuguées encore par l’idéologie dominante, parce que celle-ci correspond à leurs intérêts. Je reste sur ce point fidèle à Jean-Claude Michéa : c’est dans le peuple, dans les classes populaires, où les réactions spontanées sont plus saines, qu’il faut rechercher le sujet historique de notre temps.

Votre dernier livre est une invitation « au rassemblement des esprits libres et des cœurs rebelles ». Un hymne à la liberté en somme, dévoyée par le libéralisme. Pourriez-vous revenir sur cette question qui est présente dans la plupart de vos écrits ?

Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité. Son anthropologie reposant sur un homme hors-sol, dessaisi de ses appartenances et de ses héritages, se construisant lui-même à partir de rien, la seule liberté qu’il reconnaisse est la liberté individuelle. Les cultures, les peuples, les pays ne sont à ses yeux que des agrégats hasardeux d’individus. Je pense au contraire que la liberté est indissociable du commun : je ne peux pas être libre si mon pays ne l’est pas.

Vous invitez à une sorte de fronde civique et intellectuelle, mais la grande question demeure : pourquoi est-il devenu si difficile, et si risqué, d’être courageux aujourd’hui ?

Le courage civil est plus rare que le courage militaire. Il comporte des risques que la plupart des riches et des puissants trouvent insupportables : perdre sa carrière, perdre son rang, perdre ses privilèges, perdre son argent. C’est toujours plus facile de rallier les « mutins de Panurge », comme disait notre cher Philippe Muray.

Parmi les procédés inquisitoriaux, il en est un qui consiste, dites-vous, à fouiller le passé d’un auteur pour y découvrir quelque péché de jeunesse « comme si la vie d’un homme pouvait être ramenée à un épisode de son existence ». Pensez-vous être resté fidèle à vous-même ou avoir évolué ?

La formule que vous citez est de Karl Marx. Le fait d’avoir évolué ne m’a jamais empêché d’être fidèle à moi-même. C’est en restant l’esprit en éveil, en gardant intacte sa capacité de curiosité, que l’on est le mieux fidèle à soi-même. Chez moi, cette évolution a, comme toujours, été marquée par des lectures décisives (Hannah Arendt, Günther Anders, Louis Dumont, Karl Polanyi, Charles Péguy, Martin Buber et tant d’autres), mais elle est aussi le reflet du monde extérieur. Je suis de ceux qui ont eu le triste privilège d’avoir vu disparaître en l’espace d’une génération une civilisation (française) et une religion (chrétienne). On peut y ajouter la fin du monde rural, l’arraisonnement du monde, le déchaînement de l’axiomatique de l’intérêt, l’effondrement de la culture, la marchandisation planétaire, le règne de l’argent transformé en capital, la montée de l’indistinction sous les effets de ce que j’ai appelé l’idéologie du Même. En trente ans, nous avons totalement changé de monde. On n’analyse pas ce qui vient en regardant dans le rétroviseur !

La Chape de plomb: Une déconstruction des nouvelles censures

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Miss Provence et les antisémites

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April Benayoum (notre photo), finaliste à l’élection de Miss France samedi a été visée par de nombreux commentaires antisémites.


Franchement, les concours de Miss ne sont pas ma tasse de thé. La vraie beauté est dans les courbes de la Vénus d’Arles, dans les fesses de la Vénus au miroir de Velasquez, ou le dos de la Grande Odalisque d’Ingres. Un rêve de pierre, comme dit Baudelaire. Un concept qui appartient au domaine de l’art, pas à celui des hommes.

Alors, Miss France ou Miss Monde…

Mais les déluges de haine qu’a suscités, il y a deux jours, la désignation de Miss Provence comme « première dauphine » de la nouvelle Miss France m’ont quelque peu sidéré. Je savais que l’antisémitisme avait de beaux jours devant lui, que Mohamed Merah est révéré çà et là, qu’un Tchétchène assassin de prof est vénéré dans son pays, que l’arbre planté en mémoire d’Ilan Halimi a été arraché, que les salopards qui ont massacré Sarah Halimi étaient, quoi qu’en ait dit la Justice, de vrais racistes persuadés que tous les Juifs s’appellent Rothschild, etc. J’avais remarqué, dans mon adolescence militante, que la Ligue Communiste camouflait sous son antisionisme de principe des réflexes plus archaïques. Je n’ignorais pas que les Arabes, un peu partout dans le monde, rendent les Juifs responsables de leurs échecs chaque fois qu’ils ont tenté de les attaquer — comme un roquet se plaindrait de s’être fait bouffer tout cru par le molosse dont il a mordu les talons. Et que certains Musulmans pensent que le Prix Nobel devrait être attribué selon des principes ethniques, vu que les Juifs en ont récolté des paquets, et que les autres Sémites (faut-il rappeler à ces crétins que Juifs et Musulmans sont demi-frères, si l’on en croit la descendance d’Abraham ?) peinent à en décrocher un…

Mais enfin, écrire sur Twitter que la candidate — beau brin de fille, mais c’est normal, sinon elle ne serait pas là — est une bitch, comme disent ces analphabètes, parce que son père est israélien, ou que Hitler, encore une fois, a raté son coup, prouve le degré d’inculture, de racisme, de frustrations accumulées de quelques énervés dont on sait comment ils commencent et comment ils finissent. Moi qui croyais que le racisme était un délit, je me demande ce qu’attend la police pour arrêter les auteurs de tels propos.

facebook_1608461167438_6746375108431185709facebook_1608461094897_6746374804176899540facebook_1608461043874_6746374590165664565facebook_1608460990624_6746374366819895506Les Arabes ou les Turcs ont jadis constitué des empires. Les Juifs qui y vivaient étaient des citoyens de seconde zone — en Europe aussi, à la même époque. Mais aujourd’hui, de ces anciens empires, il ne reste rien — rien que des sables infertiles : inutile d’accuser la colonisation, il est des pays qui se débrouillent très bien pour faire leur malheur tout seul — l’Algérie, par exemple : comparez avec le Maroc, ancien protectorat français lui aussi, mais qui est largement sorti de la misère et de la superstition. Quant au sultan qui s’agite à Ankara, il cherche ainsi à camoufler l’échec de sa politique économique. Alors que l’Europe après la Révolution s’est réformée, même si comme disait Brecht, la Bête immonde est encore fertile — elle l’a prouvé à diverses reprises…

Eh bien voici la preuve de sa fécondité. Quelques énergumènes insultent, sous un courageux anonymat, une jolie fille qui par ailleurs ébranle sans doute leurs rêves… Et qui s’affiche en maillot de bain, sans même recourir au burkini exigé par la pudeur musulmane…

Ladite pudeur a ses meilleurs jours derrière elle. Dans les Mille et Une Nuits, l’un des plus grands romans jamais écrits (mais c’était il y a dix siècles), l’un des héros s’écrie, à la vue d’une houri terrestre : « Elle a un derrière énorme et somptueux qui l’oblige à se rassoir quand elle se lève, et me met le zeb, quand j’y pense, toujours debout ». C’était à l’époque où Bagdad était l’une des villes-phares de l’humanité — et où Haroun al Rashid, le sultan célébré de l’empire, parcourait sa ville en compagnie de son poète favori, homosexuel par choix — et ça ne gênait personne. 

Quand une nation, un peuple, un empire, ont des ressources, ils ne s’émeuvent guère des débordements lyriques des poètes. Que ce soit au niveau des civilisations ou des individus, le puritanisme est un effet secondaire de la nullité culturelle et de la peur de disparaître. Ils peuvent bien crier, déjà ils n’existent plus que dans la vocifération, l’imprécation, et le racisme. En un mot, la violence.

Cela dit, je sais que nombre de Musulmans n’adhèrent pas aux propos outranciers d’une poignée d’imbéciles. Et qu’ils regardent April Benayoum avec admiration — parce que le Beau reste le Beau, quelle que soit son étiquette. Mais les crétins hurlent si fort leur rage d’être des imbéciles qu’ils occupent le champ médiatique. Qu’ils le sachent : jamais un hurlement de rage n’a été un argument. Ni même une opinion. C’est juste un aveu d’impuissance — et c’est peut-être cela, le sale petit secret des antisémites.

La Cour européenne des droits de l’Homme charia un peu

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Citoyens opposés à la construction d'une grande mosquée à Cologne en Allemagne, juin 2007 © JUELICH/SIPA Numéro de reportage: 00545849_000001

Une énième affaire de menaces proférées sur les réseaux sociaux contre une personne ayant manqué de respect à l’islam remet sur le devant de la scène une décision de la Cour européenne des droits de l’homme redoutablement ambiguë en ce qui concerne le statut de la charia dans nos États de droit.


27 octobre 2020. Un professeur de droit formule quelques remarques acerbes sur l’islam, lors d’un cours en ligne, à propos d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) relatif à la compatibilité de la charia avec les principes démocratiques. Sortis de leur contexte, ses propos circulent sur Twitter et lui valent des menaces de mort, assortis d’une plainte de la Ligue des droits de l’Homme.

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Mais de quel arrêt traitait le cours, au juste ? La question peut sembler anecdotique. En réalité, elle ne l’est pas du tout. Il s’agit d’une décision rendue le 19 décembre 2018, « Molla Sali contre Grèce ». Passée relativement inaperçue, elle a marqué un inflexion de jurisprudence potentiellement lourde de conséquences. Depuis 2003, la CEDH considérait que la charia était incompatible avec les principes démocratiques[tooltips content= »arrêt Refah Partisi et autres c. Turquie du 13 février 2003″](1)[/tooltips].  Elle avait tranché en ce sens alors qu’elle était saisie par le parti de la Prospérité, le Refah, que la Turquie venait d’interdire. « Le projet politique à long terme du Refah visant à instaurer un régime fondé sur la charia », disait la Cour, est « en contradiction avec la conception de la société démocratique ». Fin de la discussion pour quinze ans.

Dans sa décision de 2018, la CEDH ne fait pas marche arrière, mais elle prend un virage très net[tooltips content= »arrêt Molla Sali c. Grèce, req. 20452-14. »](2)[/tooltips]. Elle devait se prononcer sur le sort de Molla Sali, une ressortissante grecque de la minorité musulmane de Thrace. Forte de quelques dizaines de milliers de membres, cette minorité applique la charia à ses affaires familiales, en vertu d’une clause particulière du traité de Lausanne de 1920. Droit musulman oblige, les femmes sont désavantagées dans les affaires de succession. Bien que musulmane, Molla Sali avait saisi la Cour européenne afin de bénéficier du droit commun grec. Déboutée par la justice de son pays, elle a eu gain de cause au niveau européen. La Grèce s’y attendait. Elle avait modifié son droit national sans attendre le verdict, afin de rendre la charia optionnelle pour ses citoyens musulmans. Autant dire que la CEDH avait un boulevard devant elle pour redire que la charia n’est pas compatible avec la démocratie.

La charia, impossible à imposer comme à interdire…

Mais elle a choisi une position beaucoup moins tranchée. « La liberté de religion n’astreint pas les États contractants à créer un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses un statut spécial », mais rien ne leur interdit non plus de le faire. Les croyants pourront choisir ce cadre. « Le choix en question est parfaitement libre, pourvu qu’il soit éclairé », dit la Cour, et pourvu qu’il ne soit pas contraire à un « intérêt public important ». L’égalité des sexes faisant partie de ces « intérêts publics importants », selon la jurisprudence de la CEDH, la fenêtre pour appliquer la charia dans les pays européens se réduit singulièrement, mais elle ne disparait pas ! 

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Au Royaume-Uni, il existe des « shariah courts » arbitrales compétentes en affaires familiales. Elles sont saisies seulement lorsque toutes les parties sont d’accord. Le problème, pointé par l’ONG britannique Civitas (aucun lien avec le mouvement français catholique traditionaliste éponyme), est que le volontariat est parfois ambigu. Dans les affaires de divorces, beaucoup de femmes se résignent à passer par la sharia court de guerre lasse. 

La charia et le blasphème avancent à petits pas

Question à ce stade sans réponse, l’enseignant actuellement pris à partie est-il ciblé parce qu’il a tenu des propos désobligeants sur l’islam, ou parce qu’il s’est insurgé contre la logique de la CEDH ? Il s’est écoulé plus d’un mois entre son cours et le moment où l’affaire est sortie. 

La mouvance islamiste n’a pas du tout commenté l’arrêt Molla Sali, mais il ne fait aucun doute que ses juristes surveillent attentivement les jurisprudences de la CEDH. En 2018 encore, ils ont obtenu une autre belle victoire devant elle: la Cour avait confirmé la validité de la condamnation d’une Autrichienne poursuivie pour avoir dit que Mahomet était pédophile (au motif que son épouse Aïcha avait une dizaine d’années quand son mariage avec le prophète fut consommé). [tooltips content= »Affaire E.S. c. Autriche, req. 38450/12. »](3)[/tooltips]

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En France, aucune formation politique, aucune ONG n’a jamais proposé de créer des tribunaux arbitraux islamiques compétents en matière familiale. Si la charia devait se ménager une niche juridique dans notre pays, ce serait sans doute en commençant par un domaine moins sensible. La finance, par exemple. Une filiale du Crédit du Nord, La Française, commercialise depuis 2018 un produit de placement immobilier Charia, « compatible avec les préceptes de la finance islamique ». La réalité de la demande se confirme. Selon un sondage Ifop pour le Comité Laïcité République publié en novembre 2020, 57% des musulmans de 18 à 24 ans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Dix points de plus qu’en 2016.

Nos élus et l'islam

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Covid: Non, il n’y a pas eu d’« effet Thanksgiving » !

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Donald Trump gracie la dinde "Corn" pour Thanksgiving, Maison Blanche, 24 novembre 2020. © Susan Walsh/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22517353_000003

Plus de trois semaines après la fête américaine de Thanksgiving, un article du New York Times s’appuie sur des données téléphoniques et scientifiques pour mettre à mal « l’effet Thanksgiving » et infirme ainsi les discours des experts et politiques brandissant la menace des fêtes de Noël en France. Explications.


Le 7 décembre 2020, Valérie Pécresse affirmait sur France Inter: « Pour éviter une troisième vague, on aura besoin que tous les Franciliens aillent se faire tester massivement après les fêtes » afin d’éviter « un effet Thanksgiving ».

Autrement dit, les rassemblements publics et privés pour la fête de Thanksgiving auraient participé au rebond de l’épidémie aux États-Unis. Ne s’appuyant sur aucune source scientifique, Valérie Pécresse aurait pu s’abstenir mais à sa décharge, elle n’est pas la seule à avoir évoqué « l’effet Thanksgiving ». Le Conseil scientifique l’a également mentionné. Par ailleurs, bon nombre de médias ont suivi le fameux Conseil scientifique et ont relayé cette information douteuse.

À lire aussi, Lydia Pouga: A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

Or, les données scientifiques américaines ne vont pas dans le sens des autorités françaises. De manière générale, dans les États où la situation sanitaire empirait avant Thanksgiving, celle-ci a continué de s’aggraver. Et dans les États où la situation sanitaire s’améliorait avant que les Américains ne s’attablent autour de leur dinde traditionnelle, on n’a pas connu d’inversion de la tendance. Ce graphique ci-dessous est à cet égard assez parlant :

Évolution du nombre moyen de cas sur les sept derniers jours à trois dates différentes: 11 novembre ; 25 novembre ; 9 décembre. Le point du milieu correspond à la date du 25 novembre, soit un jour avant Thanksgiving. © Capture d'écran New York Times.
Évolution du nombre moyen de cas sur les sept derniers jours à trois dates différentes: 11 novembre ; 25 novembre ; 9 décembre. Le point du milieu correspond à la date du 25 novembre, soit un jour avant Thanksgiving. © Capture d’écran New York Times.

La responsabilité individuelle à l’œuvre

Il faut toutefois nuancer l’hypothèse d’un risque quasi nul de contamination pour les fêtes de fin d’année. En effet, grâce aux données de géolocalisation[tooltips content= »Ces données sont produites par Cuebiq, une société d’analyse de localisation, et reprises par le New York Times. »](1)[/tooltips], le New York Times constate que les Américains ont considérablement réduit leurs interactions durant Thanksgiving par rapport à l’année dernière (-66% au nord-est et dans la moitié ouest ; -55% dans le sud des États-Unis). Les comtés où les Américains ont eu plus d’interactions que l’année dernière ne représentaient que 0,5% de la population américaine. Les Américains ont ainsi fait preuve de civisme et d’intelligence lors de Thanksgiving. Auront-ils le même comportement lors des fêtes de fin d’année ?

Il n’est donc pas illégitime d’appeler les Français à « redoubler de vigilance » pendant les fêtes comme le fait l’exécutif en France, mais il est inexact d’affirmer que les États-Unis connaissent une nouvelle période de hausse des cas de Covid-19 à cause de Thanksgiving. Les fake news ne font qu’apporter de l’eau au moulin des complotistes…

La quarantaine éclatante

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L'acteur Claude Brasseur en 2007 © IBO/SIPA Numéro de reportage : 00549348_000003

Brasseur laissait filtrer comme personne les sentiments, avec une retenue et une élégance qui nous élevaient…


Les professions libérales sont tristes ce soir. Elles viennent de perdre leur meilleur représentant au cinéma. Combien de futurs dentistes, vétérinaires ou pharmaciens ont entamé d’ennuyeuses études scientifiques dans l’espoir fou et réconfortant de ressembler à Claude Brasseur, à la quarantaine venue ? Ces bons élèves n’avaient pas le souhait de faire plaisir à leurs parents et de ramener des diplômes dorés sur tranches à la maison, seulement de conduire une imposante Jeep Cherokee Chief achetée chez le concessionnaire Jean Charles, entre Alma et Trocadéro, avec comme passagères d’un jour, Brigitte Fossey, Valérie Kaprisky, Mireille Darc ou Agostina Belli. Avec un chèche ou un stéthoscope autour du cou, Brasseur était le coup de sirocco de la décennie 1975-1985. Un peu gouailleur, un peu dragueur, avec cet air tendre qui pouvait virer à la colère noire, la voix grillée par des nuits trop courtes, il incarnait le quadra triomphant, cette forme d’assurance bourgeoise à la papa, un brin décorsetée et terriblement attachante. Un après-Mai 68 qui ne se vautre pas dans le héros souillon et sentencieux. Il était à cheval entre deux mondes, celui de son père, monstre hirsute et flamboyant, commandeur cabotin, figure un peu trop lourde à porter pour un fils qui avait choisi le même métier que lui et puis cette modernité ravageuse veule et transparente que nous subissons depuis près de trente ans. Entre ces deux bornes temporelles, nous n’avons pas vécu une parenthèse enchantée, nous avons seulement goûté à une certaine liberté d’aimer, de jouir, de rouler, d’embrasser et de bambocher. Sans honte et fausse pudeur. De jouer avec les limites, parfois. De ne rien prendre au tragique tout en conservant le sens des valeurs. Ce « en même temps-là » avait une sacrée gueule, classieux aurait dit Gainsbourg. Je me rends compte que cet étroit chemin est incompréhensible pour de nouvelles générations avides de liquider le passé et de juger. 

Nous, les enfants nés dans les années 1970, en recherche d’un modèle qui a du chien et du cran, rêvions de devenir, à l’âge adulte, la copie conforme de l’acteur. Un Brasseur épanoui qui s’autorise la cavalerie et la fantaisie, les pistes du Dakar et les bars de palaces, qui aime confusément les garces et les bêcheuses, les beaux garçons et les vieilles dames. Il y a des images qui marquent durablement une jeunesse provinciale, qui restent figées dans notre mémoire d’adolescent. Je revois l’acteur dans « Signes extérieurs de richesse » en proie à un délicat contrôle fiscal mené par une Josiane Balasko sensible au romantisme animalier et accompagné d’un expert en comptabilité guignolesque interprété par un Jean-Pierre Marielle d’anthologie. Et je suis heureux. Profondément heureux d’avoir été élevé, oui éduqué, par des hommes de ce calibre-là, qui refusaient le sérieux et le plombant, qui faisaient de la comédie populaire, un art de vivre, notre identité disparue. Ils avaient ce rire taquin en partage, ce magnétisme qui s’appelle le talent et surtout cette faculté à nous nourrir l’esprit sans affèterie et pesanteur. Ils étaient nos tuteurs, tellement légers et brillants à l’écran, que jamais le sentiment d’abandon n’a été aussi fort ce soir. La disparition de Brasseur, après celle de Noiret, Rochefort, Rich, Cremer et tant d’autres, nous laisse groggy. Même si nous nous estimons incroyablement chanceux d’avoir croisé leur route. 

Nous pleurons avec Vic Beretton, une époque pas si lointaine où les hommes roulaient en Matra Rancho, portaient des polo Lacoste durant tout l’été, s’engageaient dans des relations amoureuses acrobatiques avec des filles dont ils n’avaient même pas envie et puis, à la faveur d’un déménagement, s’apercevaient qu’ils étaient amoureux de leur femme comme dans le tube de Richard Anthony. Entre nous, il suffit de revoir la bande d’« Un éléphant » ou de « Nous irons tous au paradis » pour que l’émotion nous étreigne. Nous avons aimé le tennis, les AMC Pacer et les jupes qui virevoltent grâce à eux. C’étaient nos copains, c’était notre France. Brasseur laissait filtrer comme personne les sentiments, avec une retenue et une élégance qui nous élevaient. J’ai de nouveau envie d’avoir quarante ans.

A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

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Site de Pfizer à Puurs en Belgique © Valentin Bianchi/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22524054_000012

Le gouvernement nous annonçait il y a quelques semaines qu’un consentement éclairé serait demandé à toute personne recevant un vaccin anti-Covid-19. Or pour qu’un consentement soit éclairé, il faut que l’information soit honnête et intelligible. Discuter l’innocuité et l’efficacité du vaccin anti-Covid-19 à ARN messager avant de décider de se faire vacciner ou non devrait pouvoir se faire sans susciter immédiatement une levée de boucliers dans la presse et la communauté médicale.


Quelles sont les données connues sur le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Polack et al., 2020, The New England Journal of Medicine« ](1)[/tooltips], autorisé hier par l’Agence européenne des médicaments?

Si pour un cancer agressif le bénéfice que l’on peut retirer d’un traitement expérimental potentiellement toxique surpasse les risques associés à ce traitement, cela est plus discutable pour une maladie dont la létalité varie de 0,01 à 1,63 % suivant les régions du monde et qui ne touche qu’exceptionnellement de façon sévère les enfants et les jeunes adultes[tooltips content= »Santé Publique France, COVID-19 : point épidémiologique du 17 décembre 2020« ](2)[/tooltips]. Dans ces conditions, même quelques jours de fatigue ou de maux de tête (principaux effets secondaires rapportés par Pfizer-BioNTech), qui peuvent être sévères dans 4 à 6 % des cas, c’est-à-dire entraver les activités de la vie quotidienne, peuvent être difficiles à accepter pour une personne active en bonne santé. D’autant plus que l’argument selon lequel les gens qui ne font pas partie des personnes à risque devraient se faire vacciner pour la collectivité ne peut être pour le moment avancé. Car si l’étude de Pfizer-BioNTech suggère que le vaccin diminue le risque de faire une forme symptomatique et même une forme grave de Covid-19[tooltips content= »De plus l’étude n’a pas testé toutes les personnes à des intervalles de temps régulier pour dépister les asymptomatiques donc on ne sait pas si parmi les vaccinés et les non vaccinés il y avait des personnes COVID-19 asymptomatiques. »](3)[/tooltips], elle ne répond pas à la question de la capacité du vaccin à empêcher la transmission du virus d’une personne à l’autre. De plus, quatre effets indésirables graves ont été rapportés dans cette étude. Quatre chez plus de vingt mille participants vaccinés, ce n’est pas grand-chose ; mais comme les statistiques ne s’appliquent pas à l’individu et que par ailleurs on ne connait pas le profil des individus touchés par ces effets graves (personnes âgées ou jeunes ? avec ou sans comorbidité ?), on peut comprendre que certaines personnes n’aient pas envie de prendre le risque de compter parmi ces exceptions. De la même façon qu’une personne jeune pourrait ne pas avoir envie de prendre le risque de faire partie des exceptionnels cas de patients jeunes sans comorbidité connue qui sont décédés de la Covid-19 et opter pour la vaccination sans hésitation. Ce qui importe est que chacun puisse prendre la décision de se faire vacciner en étant honnêtement et clairement informé.  

Si certaines réticences paraissent donc justifiées, certaines craintes devraient pouvoir être surmontées avec les données désormais disponibles. 

Le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller? Doit-on interdire le doute?

Certes on ignore quels sont les effets du vaccin anti-Covid-19 à ARNm au-delà de trois mois. Les auteurs de l’étude de Pfizer-BioNtech précisent que le suivi des participants se poursuivra sur deux ans. D’autres vaccins à ARNm ont été testés chez l’homme, comme un vaccin contre la grippe aviaire testé aux États-Unis et en Allemagne entre 2016 et 2017[tooltips content= »Feldman et al., 2019, Vaccine« ](4)[/tooltips] ou ce vaccin à ARNm contre la rage étudié en Allemagne entre 2013 et 2016[tooltips content= »Alberer et al., 2017, The Lancet« ](5)[/tooltips]. Sur les 101 participants de cette dernière étude les effets secondaires les plus fréquents étaient aussi les maux de tête et la fatigue avec des formes sévères chez huit participants. Il y a eu également chez un participant qui avait reçu une forte dose une paralysie faciale qui a disparu sans laisser de séquelle, comme rapporté avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Selon la FDA, la fréquence observée de la paralysie de Bell signalée dans le vaccin Pfizer-BioNTech est cohérent avec le taux attendu dans la population générale, et il n’existe pas d’argument pour conclure sur un lien de causalité pour le moment… mais la FDA recommande la surveillance des cas de paralysie de Bell avec le déploiement du vaccin »](6)[/tooltips]. Ce qui inquiète avec les vaccins à ARNm est le risque d’auto-immunité, c’est-à-dire que notre organisme se mette à produire des anticorps dirigés contre nos propres constituants, notamment nos molécules d’ARN. Or cette étude avec un suivi prolongé n’a pas retrouvé d’augmentation des auto-anticorps chez les personnes vaccinées.  

Qu’en est-il de l’effet des anticorps facilitants (ADE en anglais) ? Il n’est ni prouvé pour le moment que ce phénomène existe dans la Covid-19 ni que le vaccin anti-Covid-19 à ARNm puisse faciliter ce phénomène[tooltips content= »Lee et al., 2020, Nature microbiology »](7)[/tooltips]. De quoi s’agit-il ? Pour lutter contre les microbes notre système immunitaire produit des anticorps qui vont en se fixant à sa surface empêcher le microbe d’agir. Il arrive dans de rares cas que ces anticorps soient incapables de neutraliser le virus (par ex. lorsqu’ils ciblent une partie du virus qui ne l’empêche pas de fonctionner) et pire qu’ils aident alors le virus à proliférer : ce sont des anticorps facilitants. Ces anticorps facilitants sont surtout observés avec les vaccins utilisant des virus entiers ou lorsque les anticorps sont faiblement produits. Comme ces vaccins à virus entier présentent à notre système immunitaire un panel large de protéines virales donc de cibles potentielles, il y a plus de risque que notre système immunitaire produise des anticorps inefficaces et donc potentiellement facilitants. Or l’ARNm du vaccin de Pfizer-BioNTech induit dans notre organisme la production d’une seule protéine virale (la protéine spike du SARS-COV-2). Donc dans ce cas une seule cible est pertinente puisque les anticorps qui se fixent sur cette protéine spike empêchent le virus SARS-CoV-2 de pénétrer nos cellules donc de proliférer. De plus les taux d’anticorps induits par le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux produits lors d’une infection naturelle[tooltips content= » Walsh et al., 2020, The New England Journal of Medicine »](8)[/tooltips].

Quant à la possibilité d’une intégration de l’ARN du vaccin dans notre génome, ce phénomène est en théorie improbable car il faudrait qu’il y ait dans nos cellules une enzyme (transcriptase inverse) que nous ne possédons pas − et que les coronavirus ne possèdent pas non plus contrairement à d’autres virus − pour transformer l’ARN en ADN pour qu’il puisse ensuite intégrer notre génome.

Covid 19. Fusion Medical Animation / Unsplash
Covid-19. Fusion Medical Animation / Unsplash

Enfin, on ignore la durée de l’efficacité du vaccin et s’il résistera à des mutations du virus. L’avantage des vaccins à ARNm réside dans la possibilité de fabriquer rapidement une nouvelle version pour répondre à une mutation qui compromettrait l’efficacité du vaccin. De plus, le fait que certains cas de réinfection à la Covid-19 aient été associés à des taux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 faibles et le fait que les taux d’anticorps produits lors de la vaccination avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux induits par une infection naturelle, laisse penser que ce vaccin à ARNm pourrait éviter les réinfections. 

Se faire vacciner ou ne pas se faire vacciner, telle est la question interdite

L’histoire médicale est émaillée d’exemples où les effets indésirables graves d’un traitement qui n’avaient pu être mis en évidence lors des premières études cliniques ne sont apparus qu’au fil de l’utilisation dans « la vie réelle » de ce traitement. Si un médecin ne devrait pas se faire le relais de théories douteuses et infondées scientifiquement, il est en droit de faire part de ses doutes lorsqu’il ne sait pas. 

Certes le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller ? Doit-on interdire le doute, sur lequel se fonde la vie intellectuelle et le débat ? C’est bien connu (et confirmé par plusieurs études), la France est le « pays anti-vaccin » par excellence. Mais le problème touche d’autres pays, notamment là où il existe une défiance envers les dirigeants et où la population s’informe largement sur internet.  Et dans les pays dits développés, le vaccino-scepticisme toucherait préférentiellement les personnes ayant fait des études supérieures. Dans un monde où la connaissance est à portée de clic, les profanes sont devenus ces généralistes qui ne savent presque rien sur presque tout et les experts des spécialistes qui savent presque tout sur presque rien. Dans ce cadre, difficile pour les patients sceptiques plus ou moins bien informés de se laisser convaincre par des médecins parfois dépassés par l’évolution exponentielle des connaissances qui accélère l’obsolescence de leur savoir.

Hidalgo: la mandature de tous les dangers

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Anne Hidalgo, pour l'inauguration de l'extension de la ligne 14 du métro, Paris, 14 décembre 2020. © Stephane Lemouton -pool/SIPA Numéro de reportage: 00995921_000054

Paris navigue à vue. Alors que sa coque est percée de toutes parts, son capitaine regarde ailleurs. Anne Hidalgo a les yeux ancrés sur une rive plus lointaine, celle des élections présidentielles. Et pour rejoindre l’autre rive, elle tente de garder à bord de son équipage de fortune ses alliés écologistes, quitte à plonger Paris dans l’abîme.


Des dépenses qui explosent 

Le naufrage prévisible est d’abord économique. En cette période de crise sanitaire, les déflagrations se ressentent particulièrement en raison de la forte dépendance de la capitale au tourisme, qu’il soit de loisirs ou d’affaires. Le plan de soutien pour l’économie parisienne lancé par la municipalité n’est pas à la hauteur des enjeux. Depuis plusieurs années, la mairie de Paris est dans l’incapacité à dégager des marges financières et à maitriser ses dépenses. En effet, depuis 2013, nous subissons une augmentation considérable des dépenses, celles de fonctionnement ont augmenté de 12%, tandis que celles de personnel connaissent une hausse de 18%. Résultat ? Avant même la crise du Covid-19, notre dette se situait à près de 64% par rapport à 2013. Aujourd’hui, il semble se diriger vers une hausse de 93% d’ici fin 2021!

À lire aussi, François Tauriac: Hidalgo, un petit vélo dans la tête

Mais comme si cela ne suffisait pas, les écologistes ont utilisé le prétexte de la crise sanitaire pour accélérer les mesures radicales contre les mobilités (hors vélos), sans concertation, apportant un coup fatal aux commerces qui avaient miraculeusement résisté aux grèves, manifestations massives et confinements. Toujours prisonnier des écologistes, l’exécutif parisien se trouve dans une impasse face à la question du déploiement de la 5G. Il jongle avec un moratoire qui ne porte pas son nom et entraine la capitale dans un retard sur le déploiement de cette technologie qui recèle pourtant un fort potentiel de développement pour les acteurs de l’économie parisienne.

Une myriade d’accommodements concédés par Anne Hidalgo

Le naufrage est également moral. Cela prend la forme d’une noyade des valeurs de la République où les alliances d’Anne Hidalgo méritent une clarification. Les déclarations de la Maire de Paris affirmant que « les écologistes d’EELV ont un problème de rapport à la République » lui imposent de faire un choix de cohérence concernant le maintien de ces mêmes élus au sein de son exécutif municipal. Tous les messages de la majorité sont actuellement brouillés, comme lors de l’intervention indécente des Verts lors du débat sur l’instauration d’un lieu dédié à la mémoire de Samuel Paty, ou contradictoires voir agressifs lorsque sont évoqués les forces de l’ordre, le préfet de Police ou le ministre de l’Intérieur.

D’autres accommodements concédés par Anne Hidalgo ont d’ailleurs des conséquences lourdes en termes de sécurité et de liberté. Pour satisfaire l’idéologie de ses alliés, la Ville refuse l’armement de la future police municipale au péril de la vie des futurs agents. Ces derniers revêtiront l’uniforme… sans les armes létales. Ils risquent ainsi de devenir des cibles potentielles ne pouvant assurer ni la protection des Parisiens, ni la leur, face à des individus toujours plus violents et armés ! L’exemple de la neutralisation d’un terroriste à Nice par la police municipale est pourtant probant.

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Enfin, Anne Hidalgo laisse les écologistes installer insidieusement une idéologie autoritaire et punitive. Elle accède aux demandes de contrôles de lieux culturels et de budget « genré » par la modulation des subventions fondées sur les nombres d’artistes ou œuvres féministes, et ce au mépris de la liberté de création et de diffusion. On ne peut que déplorer une vision aussi sectaire sans discernement, et surtout sans œuvrer concrètement à la reconnaissance du talent des femmes.

Les Verts ou l’écologie dévoyée

Si seulement les écologistes défendaient la cause dont ils ont si habilement su usurper le nom, c’est-à-dire l’écologie. Mais c’est loin d’être le cas ! Le 12e arrondissement, territoire sacrifié aux Verts en dépit du choix des électeurs, est illustratif des effets du pacte entre Paris en Commun et les écologistes. Au-delà de la question du respect du choix démocratique des électeurs, ce sont les renoncements de la part des protagonistes qui interrogent. Ainsi, au fil des premiers conseils municipaux, les écologistes entérinent les projets de densification du portefeuille du 1er adjoint à la Maire de Paris, en charge de l’Urbanisme, lesquels vont pourtant à l’encontre de l’urgence climatique et de leurs promesses de campagne. En contrepartie, la maire du 12e Emmanuelle Pierre-Marie semble avoir les mains libres pour distiller une idéologie de déconstruction de notre société et de notre culture à l’instar de la création des cours de récréation dites « Oasis » dans les écoles. L’urgence étant d’empêcher les petits garçons de jouer au foot car ils prendraient trop de place pour le faire ! Quelle tristesse si le féminisme s’exprime de la sorte aujourd’hui !

Pour résumer, cette alliance produit ce qu’il y a de plus caricatural alors que dans le même temps sont éludés les vrais problèmes des Parisiens, toujours plus nombreux à quitter la capitale au rythme de 12 000 par an. Les véritables enjeux écologiques autour de projets innovants et de solutions technologiques alliant croissance économique et défense de l’environnement sont ignorés. Un proverbe chinois dit que « la mer la plus profonde a un fond, la montagne la plus haute a une cime ». À Paris, au sixième mois du nouveau mandat d’Hidalgo, nous craignons un abysse colossal.

Les leçons de vie de Gims

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Gims lors des NRJ Music Awards à Cannes le 10 novembre 2018. © LAURENT VU/NMA 2018/SIPA Numéro de reportage : 00883847_000117

Gims, le rappeur congolais ancien membre du groupe Sexion d’Assaut, a donné une interview à Paris Match. Le chanteur y parle notamment d’esclavage, de racisme, et donne sa vision de la France d’aujourd’hui. Morceaux choisis…


Gandhi Djuna ne veut plus qu’on l’appelle « Maître », et préfère désormais qu’on le nomme simplement Gims : « A la base, je me suis appelé comme ça par rapport aux mangas, aux arts martiaux. J’aimais bien. C’était un délire de gamin, un petit peu », expliquait-il dans l’émission C à vous le 4 février 2019. Le rappeur, né au Congo, est à l’heure de la maturité. Alors qu’il enchaîne les interviews pour la promotion de son quatrième album « Le Fléau », celui qui n’est plus un “gamin” se permet de donner son avis sur les questions raciales, qui n’ont cessé d’agiter l’Occident ces derniers mois.

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Heureuse surprise : contrairement à nombre de ses collègues du show-biz, Gims ne tombe pas complètement dans le discours victimaire. À la une de Paris Match le 17 décembre, le chanteur a livré son ressenti sur le racisme, le mouvement Black Lives Matter et l’état de la société française, qui l’a recueilli, après sa fuite du Zaïre où sa famille était menacée de mort. Il assure ne pas éprouver de ressentiment contre une partie de la population: « J’ai rencontré des gens incroyables en France, je ne suis pas dans cette haine de Noir, de Blanc. » Avant de gravement transgresser la doxa antiraciste. D’abord en révélant croire « totalement » à l’ascenseur social promis par la France, puis en expliquant ne pas vouloir prendre part au mouvement Black Lives Matter, dont l’idéologie le froisse: « Le fait de devoir proclamer que la vie d’un Noir compte est une dinguerie absolue. On complique les choses. » Il ajoute même:  « On sait que l’esclavage a été pointé du doigt. Il n’est pas le fait de tous les Blancs. Les Noirs aussi ont fait des choses horribles. »

Une de Paris Match du 17 décembre 2020.© D.R
Une de Paris Match du 17 décembre 2020.© D.R

Colère chez les progressistes

Le rappeur a ainsi provoqué l’ire des obsédés de la race venue de la gauche progressiste sur Twitter. Dan Hastings, journaliste franco-britannique pour le HuffPost UK et British Vogue s’indigne sur le contenu de l’interview de Gims : « Rien ne va dans cette interview », « Un joli discours de droite en somme ».

Même son de cloche pour Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique à Paris VIII spécialisée sur les violences policières, le racisme et le mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis : « On avait bien besoin de terminer 2020 avec Gims qui récupère des symboles du #blackpower pour ensuite expliquer que #BlackLivesMatter est un slogan qui amoindrit les Noirs, et que c’est pcq c’est inadmissible que ça existe qu’il ne manifeste pas. Cette itw est une dinguerie !! »

D’autres sont plus violents encore sur le réseau américain : « Si vous aimez votre couleur de peau vous ne pouvez pas cautionnez (sic) ce que dit ce gims de mes deux! Blacklisted moi cet inculte! Honte à la personne qui a élevé ce tordu! », écrit l’un d’eux.

Rien de bien transgressif pourtant dans le discours de Gims. Ce n’est pas Patrice Quarteron ou Candace Owen non plus ! D’autant qu’il confirme que le racisme contre les noirs serait plus fort aujourd’hui que lors des dernières décennies : « Aujourd’hui en 2020, j’en souffre plus (du racisme) que dans les années 90 ou qu’au début des années 2000. Ce qui s’est passé avec George Floyd, avec cet Américain qui a pris sept balles dans le dos, avec cet entraîneur lors du match PSG-Istanbul, sans parler de Michel Zecler [producteur lynché par des policiers en novembre à Paris, ndlr]… » Il poursuit : « Ce rejet de l’homme noir est probablement lié à plein de choses: tous ces films qu’on a pu voir sur l’esclavage, ces séries, ce qu’on a appris à l’école sur le sujet… » Gims ne va pas rejoindre la fachosphère de sitôt.

Maitre Gims n’a pas toujours eu ce discours mesuré

Les opinions livrées par Gims dans Paris Match cette semaine demeurent moins victimaires que celles qu’il livrait au temps ou il rappait dans le groupe Sexion d’Assaut. En 2012 il dénonçait la spoliation du continent africain dans le titre « Africain » : « Ils nous ont divisés pour mieux nous dominer. Ils nous ont séparés de nos frères les Antillais Africains ». Pire, en 2010, son compère Black M fustigeait la France comme un « pays de kouffars (infidèles) » dans le titre « Désolé » : « J’me sens coupable, quand j’vois ce que vous a fait c’pays de koufars ». Un documentaire Netflix qui lui est consacré a révélé que Maître Gims a même été sous l’influence de l’islamisme: en 2005 il a rejoint le mouvement fondamentaliste des Frères du Tabligh, avant d’en sortir et de dénoncer une secte. Il affirme désormais avoir trouvé une forme de paix intérieure grâce à l’islam. Gims a appris des erreurs de Maître Gims et vient désormais nous livrer la bonne parole. Réjouissons-nous que son discours ne prenne pas la direction voulue par Rokhaya Diallo, Lilian Thuram et consorts.

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Pour remplir le Zénith ou le Stade de France, il s’agit aussi de ne pas froisser son public, qui n’est probablement pas le même que celui du temps de Sexion d’Assaut.

La laïcité guimauve du SNUIPP

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Manifestation d'enseignants à Toulouse le 10 novembre à l'appel de Snes-Snep-Snuep, Snuipp, CGT educ action, SNFOLC-Sud education © FRED SCHEIBER/SIPA Numéro de reportage: 00990499_000002

Connaissez-vous le SNUIPP? Derrière ce sigle se drape le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (professeurs d’enseignement général de collège), syndicat majoritaire dans le premier degré. Partisan de règles sanitaires à la soviétique, le syndicat est toujours enclin à s’indigner du moindre assouplissement du « protocole sanitaire » dans les salles de classe, pas assez drastique à son goût. En revanche, il est bien plus accommodant sur la laïcité. Pour preuve, les pistes de lecture recommandées sur son site pour “enseigner après les attentats”.


À la fin du mois de septembre, en compagnie de ses camarades du FSU et de la CGT, le SNUIPP se fendit d’un communiqué volant au secours de ses camarades musulmans suite au projet de loi sur le séparatisme : « Personne n’est dupe : ce sont nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane qui sont visés par ce projet de loi […] Hérité du racisme colonial, ce projet est une nouvelle expression d’un débat public saturé de fantasmes xénophobes ». 

Depuis la décapitation du professeur Samuel Paty, le syndicat propose sur son site « quelques pistes pédagogiques pour aider les enseignantes et les enseignants » des écoles primaires à « enseigner après les attentats ». 

Après des vidéos à destination de nos bambins expliquant avec des dessins la notion de laïcité, l’utilisation d’un entretien de la revue Les cahiers pédagogiques avec un didacticien dénommé Michel Tozzi – lequel est présenté comme « professeur émérite en sciences de l’éducation »- est suggérée. Fort de ce statut de didacticien, l’intéressé nous y priait, juste après la tuerie de Charlie-Hebdo en 2015, de « ne pas réduire, à cause des événements, la question de la liberté d’expression à la question religieuse » et soutenait sans frémir que « 50% des procès aux dessinateurs français sont le fait des multinationales ». Peut-être, mais il n’est pas certain que les familles des victimes d’attentats apprécient ce relativisme. 

Sus aux « convertis » laïcards! 

« Pour se mettre au point » sur le concept de laïcité, il est également proposé un manifeste de la Ligue de l’enseignement. Dans une savoureuse introduction, la Ligue nous met en garde : « Des prières dans la rue à la viande halal, en passant par la non-mixité des piscines ou le port de signes religieux, tout est bon pour interpeller nos concitoyens sur les risques que ferait courir à nos traditions républicaines l’expression publique des convictions religieuses. Les fraîchement convertis à l’idée laïque apparaissent comme les plus virulents dans sa défense, non sans arrière pensée car évidemment ils considèrent que toutes les religions ne présentent pas les mêmes dangers : c’est bien l’islam qui est stigmatisé comme portant atteinte à une conception particulière de « l’identité française » »

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Et un peu plus loin : « Il faut courageusement faire l’examen critique des prétentions hégémoniques d’une culture dont l’universalité proclamée cache souvent des tentations uniformisantes ». Vous pensez encore que les Zineb El Rhazoui, Hassen Chalghoumi ou autres soldats de la laïcité traqués par les islamistes sont bien méritants ? Détrompez-vous ! En comparaison des coups encaissés par les courageux militants de la Ligue de l’enseignement, ils vivent une promenade de santé.  

La « laïcité interculturelle » de Rokhaya Diallo…

Venons-en à Comment parler de la laïcité aux enfants, livre rédigé par Jean Baubérot suggéré par le SNUIPP à ses adhérents pour “aider à préparer la classe”. Baubérot est présenté comme le fondateur de la « sociologie de la laïcité » – il est interdit de sourire – et il cosigne son ouvrage avec Rokhaya Diallo. La militante afro-féministe, qui a déploré il y a peu l’interdiction du voile intégral en France auprès des Qataris d’Al Jazeera regrette que « le paradoxe de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux à l’école, réside dans le fait que, mis à part quelques sikhs, seules les filles musulmanes ont été exclues de l’école ». A quand des curés en soutane armés d’énormes croix à l’assaut des cours de récré pour changer la donne ? Un chapitre intitulé Une laïcité interculturelle interpelle le lecteur avec ce sous-titre : Le Québec, avenir de la France ? Nos deux gâte-papiers s’en frottent déjà les mains : « La laïcité interculturelle signifie que les Québécois peuvent s’apprécier et former un groupe, quels que soient les parcours les croyances (la virgule a été omise dans le livre) et les idées des uns et des autres ». Dans les colonnes de Libération, Régis Debray a soutenu il y a peu que « le mot de laïcité n’existe dans aucune autre langue, mis à part le turc […] où il n’a pas du tout le même sens ». L’intellectuel se tromperait-il ? « L’idée que la laïcité est une exception française est fausse, et sa répétition ne la rend pas exacte pour autant », assurent sans rire Jean Baubérot et Rokhaya Diallo.

A lire aussi: Rokhaya Diallo: « Cher.e.s lectrices et lecteurs de Causeur… »

L’embrigadement des futurs citoyens se poursuit sur le site du SNUIPP avec un Petit manuel pour une laïcité apaisée, une publication du même Jean Baubérot et du « cercle des enseignant.e.s laïques ». Cette prose est parvenue à écœurer Laurent Joffrin – qu’on peut difficilement soupçonner de zemmourophilie : « les auteurs se lancent à plusieurs reprises dans un réquisitoire vibrant contre la loi de 2004 qui interdit les signes religieux ostentatoires dans les salles de classe. Étrange croisade », écrit-il dans Libé. Dans leur lutte autoproclamée laïque, ils soutiennent en effet que les musulmans sont victimes d’une « traque des vêtements censément religieux, d’une surveillance accrue des élèves supposé.e.s musulman.e.s , d’une injonction insistante à l’adhésion aux valeurs républicaines ». Halte à l’islamo-phobie des CPE ! « Pendant qu’on nous fait croire qu’il est féministe de renvoyer une jeune femme car elle porte une jupe au-dessus de son pantalon, on laisse le sexisme institutionnel forger le destin scolaire des élèves, par exemple dans l’orientation, par exemple dans la représentation des femmes dans les manuels », s’offusquaient deux co-auteurs de l’ouvrage dans un entretien il y a quatre ans.  

Générations offensées

Le SNUIPP propose enfin de lire à vos enfants En finir avec les idées fausses sur la laïcité de Nicolas Cadène, secrétaire général de l’Observatoire de la laïcité. Dans une vidéo postée sur sa chaîne Youtube, le géopolitologue Pascal Boniface vient de se réjouir que l’auteur ait été soutenu « par les meilleurs universitaires […], par la Ligue des Droits de l’homme et par la Ligue de l’enseignement », et affirme qu’« Emmanuel Macron n’a pas à céder à la pression pour décapiter l’Observatoire de la laïcité ». Une métaphore qui devrait ravir la famille de Samuel Paty. 

A relire: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

À la décharge du SNUIPP, Histoire de la laïcité, genèse d’un idéal par Henri Pena-Ruiz, est tout de même cité en fin de liste. À quoi le syndicat n’a pas jugé utile d’ajouter le Dictionnaire amoureux de la laïcité du même auteur, vivement conseillé par Jean-Paul Brighelli. S’il n’était pas aveuglé par son idéologie tiers-mondiste, le SNUIPP aurait aussi recommandé de parcourir Penser la laïcité de Catherine Kintzler, Génie de la laïcité par Caroline Fourest ou Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école de Jean-Pierre Obin. 

Craignant de froisser les musulmans, il ne l’a pas fait. Au pays de Voltaire, il prêche donc une laïcité « apaisée », « repensée », « interculturelle », « inclusive » – à quand une laïcité « intersectionnelle » ? -, une laïcité dévoyée qui n’a d’égal que la soumission aux jeunes âmes outrées à la vue d’une caricature de Charlie. Soyez fin prêts pour le meilleur des mondes, la croissance des générations offensées ne fait que commencer. 

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Procès Sarkozy: qui jugera nos juges ?

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Nicolas Sarkozy, le 10 décembre 2020. © J.E.E/SIPA Numéro de reportage : 00995739_000022

Les juges se font un malin plaisir de prendre en charge les dossiers politiques, quitte à user de méthodes peu scrupuleuses. Dans le procès mettant en accusation Nicolas Sarkozy, tous les moyens sont bons pour essayer de démontrer qu’un pacte de corruption a été scellé. Mais l’accusation n’a pas de preuves formelles. Qu’ils aient voté pour lui ou pas par le passé, de nombreux Français s’indignent de voir leur ancien président menacé d’une peine d’emprisonnement.


Le 8 décembre s’est clos le procès qui met en accusation Nicolas Sarkozy, son avocat Thierry Herzog ainsi que l’ancien premier avocat à la Cour de cassation Gilbert Azibert.

Pour rappel, l’ancien président et son avocat sont suspectés d’avoir demandé à ce dernier de leur fournir des informations sur les débats de la Cour de cassation concernant la saisie de l’agenda de Nicolas Sarkozy dans le cadre des poursuites judiciaires liées à l’affaire Bettancourt. En échange, Nicolas Sarkozy aurait usé de son influence pour aider Gilbert Azibert à obtenir un poste à Monaco, conversant sur un téléphone secret à la carte SIM au nom désormais célèbre de « Paul Bismuth ».

Une inquiétante judiciarisation de la vie politique française

Ce procès avait tout pour exciter la curiosité médiatique. C’est d’abord la première fois de
l’histoire de la Ve République qu’un procureur requiert une peine d’emprisonnement
pour un ancien président de la République, réquisition qui créa la surprise par sa sévérité, et qui tranche radicalement dans un contexte où le doute plane encore sur l’éventuel retour de Nicolas Sarkozy dans le jeu politique. Ensuite parce que ce procès fut pour le moins théâtral, et que, de la subtile plaidoirie de Jacqueline Laffont aux saillies grandioses de Hervé Temime, en passant par les agitations corporelles de l’ancien président et les liens d’amitié profonde qui unissent Hervé Temime à Thierry Herzog, le procès fit une fois de plus la démonstration que la politique comme la justice se font devant le 4e mur.

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Du point de vue de l’analyse politique, ce procès est surtout symptomatique d’un renversement dangereux entre la justice et le politique. Nous en voulons pour preuve l’apostrophe de Jean-Luc Blachon, l’un des deux procureurs du procès aux côtés de Céline Guillet : « La République n’oublie pas ses anciens présidents, mais ses anciens présidents ne doivent pas oublier la République et l’État de droit », a-t-il admonesté à plusieurs reprises devant l’accusé présidentiel. On devine dans cette phrase une accusation envers le politique, comme l’orientation d’un parquet parfois partial qui choisit ses proies selon la couleur de leur carte, et donnant le choix entre son omniprésence et le retour aux lettres de cachet. Or si quelqu’un ne respecte pas l’État de droit dans cette affaire, c’est bien la justice elle-même. D’abord parce que les méthodes mises en œuvre par l’information judiciaire du Parquet National Financier ont fait fi du scrupule et de la légalité. La perquisition du bureau de Gilbert Azibert fut étonnante dans la mesure où ce dernier était normalement couvert par le secret du délibéré, ce qui a ensuite été reconnu par le Conseil Constitutionnel qui n’a toutefois pas donné d’effet rétroactif à sa décision.

Un dossier peu consistant

Les écoutes des conversations secrètes tenues entre Sarkozy et Herzog, ébruitées ensuite au mépris du droit auprès du gouvernement de Jean-Marc Ayrault (et en particulier de la garde des Sceaux de l’époque Christiane Taubira) fut carrément une atteinte au secret professionnel. Quant à l’information judiciaire ouverte par le PNF, qui a épluché les notes téléphoniques – ou « fadettes » – de 60 lignes dont certaines de grands avocats, elles constituent ce qu’Éric Dupont-Moretti – qu’on ne peut suspecter d’alliance politique avec Sarkozy – a qualifié de « méthodes de barbouzes ».

Malgré ces informations judiciaires illégales, malgré les 96 heures d’interrogatoires de
Nicolas Sarkozy – aurait-on été aussi zélés pour un justiciable « normal » ? – on aurait au
moins pu s’attendre à ce que le dossier constitué par le PNF eût quelque consistance. Il n’en est rien.

Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise

Sur toute cette débauche de recherches acharnées et d’écoutes à la soviétique, le dossier
constitué par le parquet s’appuie exclusivement sur les 19 écoutes de conversation
téléphoniques entre Sarkozy et Herzog sous la carte SIM de Paul Bismuth, dans lesquelles on peut entendre Nicolas Sarkozy dire en 2014 qu’il aiderait Gilbert Azibert, mais qui n’avait absolument pas candidaté pour un quelconque poste à Monaco, ce qu’Hervé Temime souligne au cours du procès. De ces enregistrements, on ne retient que des conversations amicales qui ne permettent pas de porter une seule accusation fondée. Réponse du parquet : c’est bien parce qu’ils n’ont rien dit qu’ils savaient être écoutés, et qu’ils sont donc coupables ! « Nous sommes face à une accusation diabolique, où s’il n’y a rien, c’est qu’on est coupable », résume Temime.

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Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les
conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise, face à un Nicolas Sarkozy qui s’est soumis aux procédures, contre lequel personne n’a trouvé d’éléments compromettants et qui se voit affublé d’une réquisition plus que sévère. Le PNF, dont les méthodes ont également été mises en accusation par l’affaire Fillon, n’en est pas à son premier fait d’arme.

Alors, qui jugera nos juges ?

Alain de Benoist: « Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité »

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Le philosophe Alain de Benoist.© Hannah Assouline

Penseur inclassable qui revendique la paternité de l’expression « la pensée unique », l’auteur de La Chape de plomb traque les causes de la disparition de notre liberté d’expression et rappelle que la liberté de l’individu dépend de la liberté de son pays. 


Causeur. Vous êtes l’auteur d’une œuvre considérable, et une des figures les plus controversées de la vie intellectuelle française. Dans votre dernier livre (La Chape de plomb, La Nouvelle Librairie), vous vous livrez à une attaque en règle contre les « nouvelles censures ». Dans quelle intention ?

Alain de Benoist. Je ne suis pas le premier à publier un livre sur la disparition de la liberté d’expression. Le mien se distingue des autres par un refus de se cantonner dans la déploration, et par une tentative d’explication théorique visant à expliquer comment nous en sommes arrivés là. Vous connaissez le propos mille fois cité de Bossuet sur ceux qui se plaignent des conséquences et chérissent les causes. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que les causes sont souvent très lointaines. Pour les élucider, il faut remonter loin en amont. L’histoire des idées peut y aider.

Le fait d’avoir été ostracisé par vos pairs vous a-t-il permis de fourbir vos propres armes intellectuelles ? N’êtes-vous pas parfois tenté par la victimisation que vous dénoncez ?

Je mentirais si je disais que je n’ai pas souffert de cet ostracisme. Cela dit, d’autres ont beaucoup plus souffert que moi, et je n’aime pas me poser en victime. Vous connaissez l’adage : never explain, never complain. Le ressentiment est toujours un produit de la haine et de l’envie.

La censure est de tous les temps, et ceux qui la dénoncent ne sont que trop souvent désireux d’en imposer une autre à leur tour

On parlait dans les années d’après-guerre de « terrorisme intellectuel », puis quelques décennies après de « police de la pensée ». Comment définiriez-vous les censeurs d’aujourd’hui par rapport à ceux d’hier ?

La censure est de tous les temps, et ceux qui la dénoncent ne sont que trop souvent désireux d’en imposer une autre à leur tour. Mais il y a deux grandes différences. Autrefois, la censure était essentiellement le fait des pouvoirs publics, tandis que la presse jouait un rôle de contre-pouvoir. Aujourd’hui, les médias sont presque tous gagnés à l’idéologie dominante et ce sont eux qui jouent les chiens de garde en appelant à censurer. Les journalistes dénoncent d’autres journalistes, des écrivains applaudissent à l’épuration d’autres écrivains. L’autre fait nouveau, c’est que les pouvoirs publics ont privatisé la censure en la confiant aux multinationales comme Facebook et Twitter. Cela ne s’était encore jamais vu. S’y ajoute l’apparition de tribunaux d’opinion dont les réseaux sociaux sont les relais. Le principe est celui de la justice expéditive : soupçon vaut condamnation, le tribunal ne comprend que des procureurs et les jugements ne sont jamais susceptibles d’appel. La novlangue orwellienne, qu’on appelle le « politiquement correct », et les délires des milieux néoféministes et LGBT fournissent le carburant. Le résultat est quasi soviétique : en public, on n’ose plus rien dire. L’inculture régnante fait le reste.

Vous allez jusqu’à parler de « nouvelle Inquisition » à propos du politiquement correct, de la pensée unique et du diktat des minorités. Il y aurait donc là des traits rappelant la mainmise du pouvoir religieux sur les esprits ?

Il y a toujours du religieux dans le fanatisme. L’idéologie dominante, qui est toujours l’idéologie de la classe dominante, est ainsi organisée qu’elle a ses grands-prêtres, ses inquisiteurs et ses dévots. Elle appelle à la repentance, elle représente le passé comme n’étant plus qu’un motif de contrition. Elle se désole que l’histoire ne soit pas morale, mais tragique, et elle entend la réécrire selon ses canons en se réclamant d’une morale (Nietzsche aurait parlé de moraline) qui veut que la société soit rendue « plus juste », fût-ce au prix de la disparition du bien commun.

Vous dites aussi que la « pensée unique » se veut rationnelle et s’interdit tout écart par rapport à un axe qui, étant celui du Vrai, est aussi celui du Bien. Comment cette rationalité technocratique s’accorde-t-elle avec la religiosité dont nous venons de parler ?

Les deux ne sont pas incompatibles. Auguste Comte théorisait le positivisme tout en prêchant une « religion de l’humanité ». L’une des sources, trop souvent ignorée, de la pensée unique (expression que je crois avoir été le premier à employer) est l’idée que les problèmes politiques ne sont en dernière analyse que des problèmes techniques. L’homme étant posé comme un individu rationnel qui cherche toujours à maximiser son propre intérêt, on suppose qu’il n’y a pour tout problème qu’une seule solution optimale rationnelle elle aussi (« there is no alternative », disait Margaret Thatcher). Cette conception du monde fondamentalement impolitique ignore complètement que le politique est irréductiblement conflictuel compte tenu de la pluralité des projets et de ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ». C’est un retour à la vision saint-simonienne, selon laquelle il faudrait substituer l’administration des choses (la « gouvernance ») au gouvernement des hommes. À terme, cette vision transforme les rapports entre les hommes en rapports avec des choses. C’est ce que le jeune Georg Lukács appelait la « réification » (Verdinglichung) des rapports sociaux.

Theodor W.Adorno, 1958. © AFP
Theodor W.Adorno, 1958. © AFP

Vous voyez dans le rêve de transparence intégrale des sociétés postmodernes un « idéal fondamentalement nihiliste » et totalitaire. La crise du nihilisme européen annoncée par Nietzsche à la fin du xixe siècle est-elle en train d’accoucher d’une société à la fois compatissante et dictatoriale ?

« Compatissante et dictatoriale » est une bonne formule. La façon dont la sensiblerie a remplacé la sensibilité, dont l’émotionnalisme lacrymal s’est substitué aux arguments raisonnés est très parlante à cet égard. Ce n’est plus Big Brother qui gouverne, mais Big Mother. Voyez ce que Christopher Lasch a écrit sur la montée de l’« État thérapeutique ». À l’heure de la chasse au coronavirus, on constate que c’était prophétique.

« Nous vivons désormais sous l’horizon de la fatalité », écrivez-vous. Iriez-vous jusqu’à penser, comme Maria Zambrano en 1945, qu’il s’agit là d’une « servilité devant les faits » annonçant l’agonie prochaine de l’Europe ?

Il y a une révérence devant « les faits » qui conduit elle aussi à l’impuissance. C’est l’un des ressorts de l’expertocratie. Or, les faits ne signifient rien par eux-mêmes, ils sont indissociables d’une herméneutique. L’homme est un animal qui interprète ce qu’il connaît en fonction de ses projets et de ses choix. Quand je parle d’un « horizon de la fatalité », je veux dire que le message implicite distillé aujourd’hui par à peu près tous les médias est que nous vivons dans un monde certes imparfait, mais qui reste quand même le meilleur sinon le seul possible. Beaucoup de nos contemporains ont intériorisé cette idée, à laquelle je ne crois pas un instant.

Vous reprochez aux nouveaux censeurs de faire des Lumières un « socle de légitimité » qui leur permet d’imposer des formes inédites de Terreur. Quel regard portez-vous sur les Lumières ?

La philosophie des Lumières s’est voulue émancipationniste, et elle nous a effectivement libérés de certains dogmes religieux. Malheureusement, elle a aussi rendu possible d’autres formes d’aliénation humaine, ainsi que l’avaient bien vu Horkheimer et Adorno : dislocation des cultures enracinées et des valeurs partagées, soumission aux diktats de la Technique, esclavage du salariat (le remplacement du métier par l’emploi), obsession de la croissance et hybris de la marchandise, remplacement des inégalités de statut par l’explosion des inégalités économiques, etc. Son épine dorsale, l’idéologie du progrès, qui conviait à regarder toute l’histoire advenue avant nous comme un amas de traditions et de superstitions sans valeurs, est aujourd’hui entrée en crise. La peur de l’avenir a remplacé les « lendemains qui chantent ». Les Lumières ont joué leur rôle, mais elles ont aussi fait leurs temps (aux deux sens du terme).

De manière directe ou indirecte, c’est la modernité que vous attaquez dans la plupart de vos livres. La liberté de pensée que vous revendiquez ne fait pourtant pas de vous un antimoderne fidèle à une tradition spécifique. Est-ce là l’équation personnelle qui est à l’origine de bien des malentendus vous concernant, et qui fait qu’il est si difficile de vous situer sur l’échiquier intellectuel contemporain ?

Je suis très allergique aux étiquettes, c’est sans doute pour cela qu’il est difficile de me situer ! Cela dit, les « malentendus » dont vous parlez se dissipent vite si l’on prend la peine de me lire. Je suis en effet un critique d’une modernité essentiellement portée par l’économisme et l’individualisme qui caractérisent l’Homo œconomicus. Mais je n’ignore pas que je suis aussi un enfant de cette modernité. Disons seulement que, tout en étant conscient que beaucoup de choses « étaient mieux avant », je ne suis pas un adepte du restaurationnisme. Je crois plutôt à la possibilité d’un nouveau commencement.

Pour le libéralisme, les cultures, les peuples, ne sont que des agrégats hasardeux d’individus

Face à la tyrannie des minorités, vous affirmez que la véritable majorité « est dans le peuple. Elle est le peuple. » Les débats autour du « populisme » montrent pourtant que la notion de « peuple » est devenue problématique. Les classes populaires ne sont-elles pas les premières atteintes par la pensée unique ?

Je n’idéalise pas le peuple, que j’essaie d’envisager dans sa double dimension de l’ethnos et du demos. Vous avez raison de dire que cette notion est problématique, ce que je souligne moi-même dans mon livre sur le populisme (Le Moment populiste, 2017). Mais les élites sont plus subjuguées encore par l’idéologie dominante, parce que celle-ci correspond à leurs intérêts. Je reste sur ce point fidèle à Jean-Claude Michéa : c’est dans le peuple, dans les classes populaires, où les réactions spontanées sont plus saines, qu’il faut rechercher le sujet historique de notre temps.

Votre dernier livre est une invitation « au rassemblement des esprits libres et des cœurs rebelles ». Un hymne à la liberté en somme, dévoyée par le libéralisme. Pourriez-vous revenir sur cette question qui est présente dans la plupart de vos écrits ?

Le libéralisme est à la liberté ce que l’égalitarisme est à l’égalité. Son anthropologie reposant sur un homme hors-sol, dessaisi de ses appartenances et de ses héritages, se construisant lui-même à partir de rien, la seule liberté qu’il reconnaisse est la liberté individuelle. Les cultures, les peuples, les pays ne sont à ses yeux que des agrégats hasardeux d’individus. Je pense au contraire que la liberté est indissociable du commun : je ne peux pas être libre si mon pays ne l’est pas.

Vous invitez à une sorte de fronde civique et intellectuelle, mais la grande question demeure : pourquoi est-il devenu si difficile, et si risqué, d’être courageux aujourd’hui ?

Le courage civil est plus rare que le courage militaire. Il comporte des risques que la plupart des riches et des puissants trouvent insupportables : perdre sa carrière, perdre son rang, perdre ses privilèges, perdre son argent. C’est toujours plus facile de rallier les « mutins de Panurge », comme disait notre cher Philippe Muray.

Parmi les procédés inquisitoriaux, il en est un qui consiste, dites-vous, à fouiller le passé d’un auteur pour y découvrir quelque péché de jeunesse « comme si la vie d’un homme pouvait être ramenée à un épisode de son existence ». Pensez-vous être resté fidèle à vous-même ou avoir évolué ?

La formule que vous citez est de Karl Marx. Le fait d’avoir évolué ne m’a jamais empêché d’être fidèle à moi-même. C’est en restant l’esprit en éveil, en gardant intacte sa capacité de curiosité, que l’on est le mieux fidèle à soi-même. Chez moi, cette évolution a, comme toujours, été marquée par des lectures décisives (Hannah Arendt, Günther Anders, Louis Dumont, Karl Polanyi, Charles Péguy, Martin Buber et tant d’autres), mais elle est aussi le reflet du monde extérieur. Je suis de ceux qui ont eu le triste privilège d’avoir vu disparaître en l’espace d’une génération une civilisation (française) et une religion (chrétienne). On peut y ajouter la fin du monde rural, l’arraisonnement du monde, le déchaînement de l’axiomatique de l’intérêt, l’effondrement de la culture, la marchandisation planétaire, le règne de l’argent transformé en capital, la montée de l’indistinction sous les effets de ce que j’ai appelé l’idéologie du Même. En trente ans, nous avons totalement changé de monde. On n’analyse pas ce qui vient en regardant dans le rétroviseur !

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Miss Provence et les antisémites

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Miss Provence, lors de l'élection de Miss France 2021 au Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996753_000002

April Benayoum (notre photo), finaliste à l’élection de Miss France samedi a été visée par de nombreux commentaires antisémites.


Franchement, les concours de Miss ne sont pas ma tasse de thé. La vraie beauté est dans les courbes de la Vénus d’Arles, dans les fesses de la Vénus au miroir de Velasquez, ou le dos de la Grande Odalisque d’Ingres. Un rêve de pierre, comme dit Baudelaire. Un concept qui appartient au domaine de l’art, pas à celui des hommes.

Alors, Miss France ou Miss Monde…

Mais les déluges de haine qu’a suscités, il y a deux jours, la désignation de Miss Provence comme « première dauphine » de la nouvelle Miss France m’ont quelque peu sidéré. Je savais que l’antisémitisme avait de beaux jours devant lui, que Mohamed Merah est révéré çà et là, qu’un Tchétchène assassin de prof est vénéré dans son pays, que l’arbre planté en mémoire d’Ilan Halimi a été arraché, que les salopards qui ont massacré Sarah Halimi étaient, quoi qu’en ait dit la Justice, de vrais racistes persuadés que tous les Juifs s’appellent Rothschild, etc. J’avais remarqué, dans mon adolescence militante, que la Ligue Communiste camouflait sous son antisionisme de principe des réflexes plus archaïques. Je n’ignorais pas que les Arabes, un peu partout dans le monde, rendent les Juifs responsables de leurs échecs chaque fois qu’ils ont tenté de les attaquer — comme un roquet se plaindrait de s’être fait bouffer tout cru par le molosse dont il a mordu les talons. Et que certains Musulmans pensent que le Prix Nobel devrait être attribué selon des principes ethniques, vu que les Juifs en ont récolté des paquets, et que les autres Sémites (faut-il rappeler à ces crétins que Juifs et Musulmans sont demi-frères, si l’on en croit la descendance d’Abraham ?) peinent à en décrocher un…

Mais enfin, écrire sur Twitter que la candidate — beau brin de fille, mais c’est normal, sinon elle ne serait pas là — est une bitch, comme disent ces analphabètes, parce que son père est israélien, ou que Hitler, encore une fois, a raté son coup, prouve le degré d’inculture, de racisme, de frustrations accumulées de quelques énervés dont on sait comment ils commencent et comment ils finissent. Moi qui croyais que le racisme était un délit, je me demande ce qu’attend la police pour arrêter les auteurs de tels propos.

facebook_1608461167438_6746375108431185709facebook_1608461094897_6746374804176899540facebook_1608461043874_6746374590165664565facebook_1608460990624_6746374366819895506Les Arabes ou les Turcs ont jadis constitué des empires. Les Juifs qui y vivaient étaient des citoyens de seconde zone — en Europe aussi, à la même époque. Mais aujourd’hui, de ces anciens empires, il ne reste rien — rien que des sables infertiles : inutile d’accuser la colonisation, il est des pays qui se débrouillent très bien pour faire leur malheur tout seul — l’Algérie, par exemple : comparez avec le Maroc, ancien protectorat français lui aussi, mais qui est largement sorti de la misère et de la superstition. Quant au sultan qui s’agite à Ankara, il cherche ainsi à camoufler l’échec de sa politique économique. Alors que l’Europe après la Révolution s’est réformée, même si comme disait Brecht, la Bête immonde est encore fertile — elle l’a prouvé à diverses reprises…

Eh bien voici la preuve de sa fécondité. Quelques énergumènes insultent, sous un courageux anonymat, une jolie fille qui par ailleurs ébranle sans doute leurs rêves… Et qui s’affiche en maillot de bain, sans même recourir au burkini exigé par la pudeur musulmane…

Ladite pudeur a ses meilleurs jours derrière elle. Dans les Mille et Une Nuits, l’un des plus grands romans jamais écrits (mais c’était il y a dix siècles), l’un des héros s’écrie, à la vue d’une houri terrestre : « Elle a un derrière énorme et somptueux qui l’oblige à se rassoir quand elle se lève, et me met le zeb, quand j’y pense, toujours debout ». C’était à l’époque où Bagdad était l’une des villes-phares de l’humanité — et où Haroun al Rashid, le sultan célébré de l’empire, parcourait sa ville en compagnie de son poète favori, homosexuel par choix — et ça ne gênait personne. 

Quand une nation, un peuple, un empire, ont des ressources, ils ne s’émeuvent guère des débordements lyriques des poètes. Que ce soit au niveau des civilisations ou des individus, le puritanisme est un effet secondaire de la nullité culturelle et de la peur de disparaître. Ils peuvent bien crier, déjà ils n’existent plus que dans la vocifération, l’imprécation, et le racisme. En un mot, la violence.

Cela dit, je sais que nombre de Musulmans n’adhèrent pas aux propos outranciers d’une poignée d’imbéciles. Et qu’ils regardent April Benayoum avec admiration — parce que le Beau reste le Beau, quelle que soit son étiquette. Mais les crétins hurlent si fort leur rage d’être des imbéciles qu’ils occupent le champ médiatique. Qu’ils le sachent : jamais un hurlement de rage n’a été un argument. Ni même une opinion. C’est juste un aveu d’impuissance — et c’est peut-être cela, le sale petit secret des antisémites.