Alors que la résolution de l’affaire semble au point mort – pas d’interpellations à cette heure – l’Elysée a apporté son soutien à la malheureuse victime de ce qui ressemble à un règlement de comptes. Pour le magistrat honoraire Philippe Bilger, quand bien même cette affaire est éminemment médiatique, le président a tort de choisir les victimes à choyer. Selon lui, c’est “tout le monde ou personne, Monsieur le président !”
Rien ne donne plus le sentiment de l’inéquité républicaine que des interventions présidentielles partielles, partiales, tactiquement ciblées au lieu d’être globales et sans la moindre arrière-pensée. Le président s’était beaucoup ému auprès de Michel Zecler de ce que celui-ci avait dit avoir subi et dont des traces sur son visage attestaient la réalité. Récemment, à la suite du lynchage dont Yuriy a été victime de la part de dix voyous dans le quartier de Beaugrenelle le 15 janvier, le président s’est à nouveau manifesté en prenant langue avec la mère de ce jeune homme âgé de quinze ans.
Une agression dont nous aurions ignoré l’existence sans la fuite de la vidéo
Il convient de noter que cette agression n’a été rendue publique que grâce aux réseaux sociaux: un compte anonyme a diffusé ces secondes d’une extrême violence. Faut-il s’en féliciter? ou regretter par avance que, connu ou demeuré inconnu, ce scandaleux épisode aboutira ni plus ni moins aux mêmes conséquences : une indignation aussi vive que l’impuissance sera forte ?
Capture d’écran de la vidéo extrêmement violente du lynchage
Yuriy a même été gratifié de soutiens sportifs et médiatiques qui en général allaient plus volontiers vers ceux que la police aurait maltraités[tooltips content= »Le footballeur Antoine Griezmann ou le comédien Omar Sy par exemple NDLR »](1)[/tooltips]. On ne peut que se réjouir de ce changement de cap : les voyous, mineurs ou non, ne sont plus pris pour des victimes! Yuriy se serait trouvé malencontreusement pris dans un affrontement de deux bandes rivales, dont l’une venue de Vanves, à Paris, vers 18 heures 30, sans la moindre crainte d’une quelconque intervention policière.
Une affaire encore entourée d’ombres
Actuellement on ne sait pas trop ce qu’il en est de l’implication ou non de Yuriy dans cette affaire – on nous affirme qu’il s’agit d’un adolescent très calme et tranquille, pourquoi pas? – mais je relève que le président s’est précipité pour consoler sa mère et je note que les amis de Yuriy se réfugient dans le silence. Il n’y a que Raquel Garrido, dont l’idéologie fait d’elle une extralucide, pour tout savoir puisqu’elle dénonce « les charognards d’extrême droite ». La volupté d’accabler en totale ignorance, cela ne se refuse pas !
Le lâche lynchage de #Yuriy est une abjection. J’espère que les auteurs seront vite appréhendés et punis. Compassion et soutien pour lui et sa famille. Dégoût pour les charognards d’extrême-droite qui se servent de Yuriy pour relativiser leur propre complaisance avec la violence.
Le président de la République n’est absolument pas dans son rôle en choisissant ses victimes. S’il considère que son attention et sa compassion doivent ostensiblement être offertes, il me semble que, quitte à se prétendre grand consolateur, Emmanuel Macron doit l’être avec toutes les victimes. C’est tout ou rien. Que pensent actuellement tous les laissés-pour-compte de l’indifférence présidentielle ? Il est trop facile de se donner bonne conscience en téléphonant à une mère, comme si cet épisode affreux ne résultait pas, d’une certaine manière, de la carence d’une politique globale de sécurité dont deux de ses ministres et lui-même sont responsables devant les Français. Je téléphone donc je n’y suis pour rien!
Comme si la parole présidentielle permettait de passer à autre chose
Échec qui se suffit à lui-même, qui n’a pas besoin pour être aggravé de considérations sur les immigrés, les Français d’origine étrangère ou les étrangers. Victimes de notre incurie pénale, ils le sont tous également. Pour les coupables, il conviendra d’en tirer les conséquences. Le président de la République, agissant si confortablement – quelques mots et le tour est joué -, se prive, par les sélections qu’il opère et les discriminations qu’on lui recommande, du constat d’une insupportable réalité. Toutes ces victimes qui chaque jour révèlent une criminalité en hausse, une délinquance violente de la part de bandes de mineurs, si elles étaient prises en compte par la mansuétude présidentielle comme Michel Zecler et Yuriy l’ont été, ne lui permettraient plus ce rôle hypocrite de bon samaritain tardif. Il serait obligé de faire face à cette France du malheur et de la violence : plus de compatir au compte-gouttes!
Ne sélectionnons pas parmi les victimes!
Ces sinistrés de l’insécurité et du laxisme ne surgissent pas de rien mais d’une politique gangrenée par une philosophie pénale sans ressort et un cynisme tactique. Tout pour 2022 mais avec tant de retard !
Monsieur le Président, si vous tenez à tout prix à persuader les Français que vous avez du cœur et que vous les aimez – contrairement à la charge cinglante de Michel Onfray qui vous reproche de n’être proche ni de la France ni des Français – cessez de sélectionner comme un grand seigneur les douleurs qui rapportent mais penchez-vous sur toutes ! Vous nous persuaderez ainsi que votre compassion est sincère, ne fait pas de tri et révèle une authentique sensibilité.
Alors, de grâce, monsieur le président, tout le monde ou personne !
Hier au micro de Sud Radio, Elisabeth Lévy livrait ses premières observations sur l’affaire. Causeur vous propose de retrouver son intervention. Regardez:
L’assassinat de Samuel Paty semblait avoir offert à Emmanuel Macron un bref moment de lucidité. Force est pourtant de constater que les remèdes proposés par le projet de loi confortant le respect des principes de la République font appel à deux concepts inappropriés et mal compris pour combattre l’islamisme: les valeurs de la République et la laïcité.
Employés à tort et à travers depuis des décennies, ils n’ont jamais empêché l’accroissement de l’islam culturel dans l’espace public ni permis de contenir la poussée de l’islamisme. Le Mouvement Conservateur rappelle dans Le Manifeste du conservatisme que bien que la France soit une République laïque, elle ne s’y réduit pas et constitue aussi un espace culturel et civilisationnel distinct dont la protection et la promotion doivent être le fil rouge de l’action politique.
Il est intéressant de noter que le projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale met l’accent sur le respect des principes de la République mais ne mentionne jamais le respect de la France. Elle n’y est d’ailleurs citée que six fois, contre 49 fois pour les mots « République » et « républicains ». Or, c’est la France qui est en danger et qui a besoin d’être protégée, la république n’étant qu’un régime politique. Là où on cherche à réaffirmer les valeurs et les principes de la République, c’est plutôt ce qui caractérise la France, ses us et coutumes ainsi que son mode de vie qui devraient être rappelés et confortés. Ils sont d’ailleurs les meilleurs outils dont nous disposons pour lutter efficacement contre l’islamisme : si ce dernier est un projet civilisationnel, alors c’est avec l’affirmation de notre propre civilisation que nous devons mener le combat. La Commission d’enquête du Sénat l’a souligné en juillet dernier : « Les islamistes cherchent à peser sur la vie quotidienne et le rapport aux autres des Français de confession musulmane et des musulmans étrangers résidant en France, pour leur imposer une orthopraxie, des pratiques vestimentaires, alimentaires, rituelles, mais surtout une norme de comportement et de rapports entre les hommes et les femmes, afin de les séparer du reste de la population française. » C’est ainsi que, petit à petit, la société civile est islamisée et que le séparatisme prend forme. Battons-nous donc à armes égales pour que la France soit enfin capablede contrer le développement de l’Islam culturel et ses dérives totalitaires qui cherchent à régenter les modes de vie et qui se développent en marge du djihad terroriste.
La République s’accommode très bien de régimes islamistes: la République islamiste d’Iran a beau être une théocratie régie par la Charia, elle n’en répond pas moins aux critères d’une république!
À chaque fois que le gouvernement tente de s’atteler à la lourde tâche qu’est la lutte contre l’islamisme, il en appelle aux valeurs de la République et à ses principes. Or, la démarche est bancale et laisse dubitatif. La république n’est stricto sensu qu’un régime politique dans lequel le pouvoir est accordé par le corps social – par opposition au pouvoir héréditaire. La république n’est porteuse d’aucune essence ni d’aucun message normatif, culturel ou civilisationnel ; elle n’est même pas garante de la démocratie ! Elle s’accommode d’ailleurs très bien de régimes islamistes : la République islamiste d’Iran a beau être une théocratie régie par la Charia, elle n’en répond pas moins aux critères d’une république. On a donc du mal à voir en quoi l’affirmation des principes régissant la République, un simple régime politique, serait la réponse appropriée au projet islamiste qui est un projet civilisationnel. Avons-nous déjà vu le Royaume-Uni en appeler aux principes de la monarchie constitutionnelle ou la Suisse aux principes confédéraux pour lutter contre l’islamisme ? Non.
L’appel ad nauseam aux valeurs et aux principes de la République est problématique, car ils peuvent toujours se discuter. L’exemple du voile islamique est éloquent : c’est au nom de la liberté que des femmes s’y opposent ou le portent ! Les valeurs de la République, que personne ne prend le soin de définir, sont toujours relatives et dépendent de l’interprétation subjective que chacun en fait ; elles ne semblent donc pas être les meilleurs outils dont nous disposons pour lutter contre l’islamisme. L’enjeu est ailleurs. Il réside davantage dans l’affirmation de ce que nous sommes et de notre identité. Les us et coutumes de la France, son mode de vie, ses traditions, ce qui la caractérise d’un point de vue anthropologique et civilisationnel sont des données objectives consacrées par l’histoire et qui ne souffrent aucune discussion ou interprétation possible. Cessons de tergiverser sur des valeurs abstraites et ayons le courage d’opposer à nos ennemis qui nous sommes objectivement. D’autant plus que notre héritage, notre culture et notre civilisation sont pétris d’ouverture, de tolérance, d’égalité entre les hommes et les femmes, en tout point opposées au projet politique de l’islamisme. L’enjeu est bel et bien de refuser certaines coutumes venues d’ailleurs qui ne correspondent tout simplement pas au mode de vie français et aux principes qui les inspirent.
Cette tendance à faire appel à des concepts désincarnés pour lutter contre l’islamisme se retrouve aussi dans le recours à la laïcité, y compris dans le présent projet de loi où elle est rappelée dès l’exposé des motifs. Or, la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État ne visait qu’à protéger le pouvoir politique de l’influence de l’Église. Le principe de laïcité ne permettra pas de lutter contre l’Islam culturel et politique, car la loi de 1905 concerne l’État alors que le totalitarisme islamique exerce une emprise et une influence qui vise la société civile. Convoquer la laïcité, tel un réflexe pavlovien, à chaque fois que l’islamisme se rappelle à nous, est donc insuffisant.
On en vient finalement à s’interroger : est-il devenu interdit de parler de la France ? Quarante années de gauchisme politique ont rendu tabou tout lien d’enracinement et de rapport charnel des Français avec leur pays, son histoire, ses traditions, et ce qui le caractérise. Parler des valeurs de la République, de ses principes, de la laïcité, sont finalement autant de moyens de tourner autour du pot pour ne pas avoir à parler de ce qui est réellement essentiel : que ce n’est pas la République qui est attaquée, mais la France en tant qu’espace civilisationnel. On en vient aussi à ne plus pouvoir nommer le réel. L’islamisme n’est mentionné que deux fois dans le projet de loi, et toujours dans le cadre plus large des « séparatismes », dont l’emploi du pluriel par souci de non-discrimination relève d’un terrible manque de courage pour nommer l’ennemi.
C’est une approche conservatrice, celle de la réappropriation et de l’affirmation de notre héritage culturel façonné par notre tradition gréco-romaine et nos racines chrétiennes qui peut relever l’immense défi auquel l’Occident est confronté. C’est une urgence vitale de refuser la soumission au multiculturalisme et à l’immigrationnisme, ces deux dogmes progressistes qui empêchent d’ouvrir les yeux sur une réalité qui crève pourtant les yeux : la protection de la Nation exige la défense des frontières pour mettre fin au chaos migratoire, car la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Parce que l’immigration est majoritairement de culture musulmane, elle est un défi civilisationnel pour que la France reste la France. Seule une politique de l’enracinement permettra de répondre à l’instinct de conservation qui anime les Français, un instinct de résistance et de courage qui appelle une volonté politique portée par un amour inconditionnel de la France.
Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne !
On aura tout essayé. Orchestres réduits pour respecter le mètre barrière, public masqué un siège sur deux, pièces abrégées sans entracte, concerts à 17 heures pour tenir le couvre-feu. Quand Monsieur Jean a interdit les spectacles, Madame Roselyne a trouvé l’astuce : « Certaines activités professionnelles peuvent continuer dès lors qu’il n’y a pas de public. » À la différence du confinement n° 1, le confinement n° 2 autorisait ainsi les tournages, les répétitions à huis clos, les enregistrements, tout ce qui se passe de public.
Alors on y est allé franco. L’Opéra de Paris, au point mort depuis un an, a enregistré l’intégralité du Ring : quinze heures de Wagner sur France Musique pour les adieux du chef Philippe Jordan, hop c’est dans la boîte. Tout le monde s’est mis à streamer en espérant que Madame Roselyne tiendrait la caisse à défaut de la barre. L’Opéra-Comique a aiguillé vers son site internet la tragédie de Rameau que les artistes répétaient depuis septembre. Au lieu de Donizetti, la Scala de Milan s’est fendue d’un gala All-Star avec incrustations 3D et garde-robe Armani. Les Forces musicales, regroupement d’une cinquantaine d’orchestres et de théâtres lyriques, nous ont fait « L’amour de loin », premier festival d’opéras, concerts et ballets en ligne 100 % made in France…
Quelquefois, on se marre : l’Opéra de Rennes nous a pomponné une joyeuse Dame blanche (le tube que brame Tintin ivre dans Le Crabe aux pinces d’or). Quelquefois moins : Lohengrin envoyé de Berlin sur Arte c’était, comment dire ? Arte. Dans tous les cas, on piaffe. On s’énerve. Ces salles vides, ce silence, cette absence ! Cet absentiel diraient nos technolâtres qui viennent d’inventer la notion de présence comme cas particulier, quasi trouble à l’ordre public.
Exception viennoise
Tous les cas sauf un : le traditionnel concert du Nouvel An à Vienne. Suite de polkas et de valses moitié kitsch moitié punch, instituée par les nazis en Quarante, mais jugée pacificatrice par les Alliés et maintenue sans pause depuis lors au même titre que la fête des mères ou le beaujolais nouveau. Évidemment, la cage dorée du Musikverein, vide elle aussi, fait un peu peur. Mais ce concert-là ne s’adresse qu’accessoirement au public local. Télévisé depuis 1958, il touche plus de 50 millions d’âmes dans une centaine de pays. Avec ou sans auditoire, ce 1er janvier 2021, qui aura senti la différence ?
Un seul hic : le bis. Après le programme officiel (famille Strauss et compatriotes), le chef dirige les premières mesures du Beau Danube bleu, que le public interrompt en applaudissant, l’orchestre s’arrête et crie « prosit Neujahr ! », « bonne année ! », le chef reprend alors son Danube, jusqu’au bout. Rituel immuable. Or là, pas de public, pas d’applaudissements, pas de tradition. Pas de tradition ? À Vienne ? Jamais vu ça. Le Philharmonique a donc trouvé la parade. Vendredi 1er à 11 h 15, si vous vouliez applaudir, vous vous inscriviez sur son site et allumiez votre smartphone ou votre ordinateur. « Les applaudissements à la fin de chaque moitié de concert retentiront en direct dans le Musikverein grâce à la sono et seront également audibles dans la retransmission TV. » Plus fort : « Ceux qui le souhaitent pourront envoyer une photo créative au préalable pour partager leur enthousiasme. Certaines photos seront diffusées pendant les applaudissements. » Prêts pour l’absentiel participatif généralisé ? Cinq, quatre, trois, deux, un… Bonne année !
La présence d’une porte-parole de Génération identitaire dans l’émission de Cyril Hanouna a indigné de nombreux téléspectateurs et la quasi-totalité des personnes présentes sur le plateau, certaines allant jusqu’à réclamer la dissolution du mouvement anti-immigration. Quand la jeune militante annonce que 52% des violeurs en Île-de-France sont étrangers, l’assistance bondit, alors que le chiffre est avéré. En revanche, dans son contre-argumentaire, Raquel Garrido a déformé les propos d’une autre étude…
Face à la jeune femme, point de jury populaire mais des figures médiatiques telles que l’écrivain Yann Moix, le chroniqueur Éric Naulleau, l’humoriste Yassine Belattar ou encore Benjamin Lucas (porte-parole du parti Génération.s).
Néo-nazis de montagne
À peine l’émission avait-elle débuté que Benjamin Lucas qualifiait les militants de Génération identitaire de « néo-nazis de montagne ». Éric Naulleau estimait pour sa part que « les zozos comme Génération identitaire, ça donne un jour des gens armés qui contestent le scrutin populaire. » Suscitant un silence gêné, Yacine Belattar ironisa: « J’étais en pyjama, on m’a dit il y a une ratonnade, je suis venu ». Enfin, Yann Moix, tout enorgueilli d’avoir « passé deux mois avec des migrants » traita la jeune femme de « fasciste » à deux reprises.
Parmi les saillies de la jeune femme qui ont fait bondir, une phrase prononcée après la page de pub: « le parquet de Paris a récemment démontré qu’il y avait 52% des individus jugés pour viol en Île-de-France qui étaient étrangers ».
Mais d’où vous sortez ces statistiques ?
Remous sur le plateau, écœurement convenu d’un Cyril Hanouna qui peine à apaiser ses estafiers. « C’est pas vrai, il y a pas de statistiques ethniques », objecte Yassine Belattar. « Mais d’où vous sortez ces statistiques ? », abonde le présentateur en fronçant les sourcils.
Cette statistique existe. C’est celle de l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales. Dans un rapport du 2 janvier 2016 portant sur les viols commis entre 2013 et 2014 à Paris, il est inscrit à la page 18 que « 52% des mis en cause pour viol commis sur majeur sont de nationalité étrangère ». Il y est aussi noté que « 31% des victimes sont de nationalité étrangère ». Aucun des censeurs de Thaïs d’Escufon n’a pensé à lui rétorquer cette dernière information. Comment leur en vouloir ? Ils n’ont pas forcément lu ce rapport.
Manque de diversité dans nos prisons
Seule Raquel Garrido, avocate et ancienne porte-parole de La France Insoumise ébauche un début d’argumentation pour contre-attaquer : « L’Observatoire national des prisons a bien montré que quand on est étranger, on a plus de chance d’être condamné par un tribunal à de la prison ferme que quand on n’est pas étranger. »
Arrêtons-nous brièvement sur cette dernière assertion. Cette thèse d’une plus grande sévérité de la justice envers les étrangers émane en réalité de Virginie Gautron, chercheuse et maître de conférences en droit pénal et sciences criminelles de l’Université de Nantes. Dans le cadre d’une interview par l’ONDP, elle dit que « la comparution immédiate aboutit à ce que des publics comme les étrangers et les SDF écopent de peines bien plus lourdes qu’une personne ayant commis les mêmes faits jugée dans le cadre d’une autre procédure », ce qui n’est pas exactement ce que soutient Garrido.Dans la même interview, la chercheuse ajoute que « d’autres variables liées à l’attitude du prévenu au cours de l’audience ressortent des observations […] Certains magistrats disent aussi : « Quand on voit arriver quelqu’un avec le nez rouge, la peau bouffie, on sait tout de suite qu’il y a un problème d’alcool. » » En d’autres termes, les amateurs de gros rouge auraient aussi plus de chance d’être mis sous les verrous.
Toute vérité est-elle bonne à dire? Il y a matière à débat. En l’occurrence, toute personne très à droite énonçant une vérité qui dérange semble mériter un torrent de boue. Qu’en disent les téléspectateurs ? À la question « faut-il obliger le gouvernement à dissoudre Génération identitaire », ils sont 68% à avoir répondu « non ». Et si le lynchage de Thaïs d’Escufon n’avait fait qu’affûter sa popularité ?
Coronavirus, vaccinations, élections, identité de genre, souverainisme, écologisme, crise économique… si vous avez aimé 2020, vous allez adorer 2027.
Janvier 2027. Paris, quartier de Montparnasse.
Eden sort son smartphone et présente sa carte d’identité nationale numérique. A côté des traditionnelles lettres M (Masculin) et F (Féminin) figure la lettre N (Neutre). Et une mention obligatoire : « VACCINATION COVID », renvoyant à un QR code. Pour se faire vacciner en 2027, rien de plus simple : il suffit de télécharger l’application tou.te.s.vacciné.e.s.fr, où chacun peut choisir en un seul clic le vaccin de son choix, livré directement à domicile. La logistique des vaccins est assurée par Amazon, suite aux recommandations de McKinsey. Si les Français sont bons en rhétorique, les Américains le sont en logistique. Cette vaccination à la carte, nous la devons à Jérôme Salomon, promu ministre d’État à la tête d’un grand ministère de la vaccination. Presque toute la population française a été fichée et vaccinée (un rappel semestriel est obligatoire) à l’exception d’une certaine frange, marginalisée de fait car n’ayant pas les mêmes droits. Également réfractaires à la 7G, le président les a surnommés les « péquenauds », instaurant de fait la création du mouvement péquenaudiste.
Le vigile flashe le QR code d’Eden : «dernier rappel : 15 décembre 2026» et l’autorise à pénétrer dans la supérette Couche-Tôt. Le Québécois Couche-Tard a finalement pu racheter Carrefour mais a changé de nom (en raison du couvre-feu permanent à 18h). Eden change sa paire de gants (devenus obligatoires) depuis qu’il a été démontré que les Français ne savent pas se laver les mains. La jeune fille vient y acheter son déjeuner, les bars et restaurants ayant presque tous disparu. Six années de fermeture, c’est long. Les survivants ont été transformés en musées pour les générations futures.
Le passeport vaccinal, l’une des mesures phares du plan décennal du haut-commissariat au plan, devait permettre le retour au monde d’avant. Mais tout y est interdit. Tout, sauf les vaccins. L’emploi s’est raréfié, le télétravail ayant révélé un grand nombre de « bullshit jobs ». L’intelligence artificielle et la robotisation ont fait exploser le chômage, rendant inévitable la mise en place du revenu universel.
Eden s’installe sur un banc urbain végétalisé. A Paris, les arbres ont remplacé les voitures. Elle enlève son masque et sirote un soda, au risque d’avoir une amende. Depuis qu’Anne Souyris a succédé à Anne Hidalgo, il est interdit de manger, boire ou fumer dans les rues, car le port du masque est obligatoire. Eden regarde une famille de sangliers pénétrer dans une librairie désaffectée, déchirant et souillant les derniers livres oubliés par terre. A côté se trouve la brasserie La Rotonde, l’un des rares restaurants à ne pas avoir mis la clef sous la porte. Cela fait bientôt dix ans qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, réélu de justesse en 2022 face à Marine le Pen, avec une abstention record. Quelques jours avant le second tour, Emmanuel et Brigitte se sont fait vacciner en direct sur BFM TV. Après deux mandats, le président a indiqué qu’il ne se représentera pas. La rumeur dit qu’il prendrait la direction d’Uber Europe.
A l’approche d’un drone, Eden remet rapidement son masque, puis consulte les dernières brèves d’actualités.
Les derniers sondages pour l’élection présidentielle de 2027 révèlent la percée d’une liste souverainiste menée par le tandem Zemmour/Onfray, et talonnée de près par la liste de Michel Houellebecq, fédérant tous les dépressifs de France.
Jean Castex a démissionné de son poste de Premier ministre pour devenir l’égérie d’Alain Afflelou avec le slogan : « Qu’est-ce que j’ai fait de mes lunettes ? » Crise oblige, le lunetier offre cinq paires supplémentaires pour un euro.
Marlène Schiappa est nommée responsable de la division produits capillaires pour non-binaires chez L’Oréal, une entreprise jugée pionnière en matière de pluralisme et de diversité après avoir supprimé les mots « blanc » et « clair » de ses produits.
Olivier Véran rejoint la liste des ministres jugés non-essentiels après en être venu aux mains avec Didier Raoult lors d’une visite au CHU de Marseille. Le professeur avait déclaré que le plus dangereux des variants était le Véran.
Bernard Arnault inaugure une boutique Louis Vuitton au sein même de la cathédrale Notre Dame de Paris. François Pinault, quant à lui, va inaugurer un flagship Gucci dans la Basilique du Sacré Cœur. La désaffection pour la religion catholique, ainsi que l’entretien trop coûteux des églises pour l’État, rendait inévitable une reconversion de ces monuments visités en majorité par les touristes. Les marchands du temple (du luxe) ont repris le pouvoir. Par respect de l’environnement, une éolienne a été érigée en lieu et place de la flèche de Viollet-le-Duc.
Aux États-Unis, Donald Trump est élu face à Michelle Obama, qui a immédiatement parlé de fraude électorale (provoquant des émeutes raciales dans tout le pays) et tweetant qu’il fallait par tous les moyens sauver la démocratie en barrant la route à Donald Trump. L’intéressé ne put s’exprimer, son compte Twitter étant toujours fermé.
Un sommet international sur le climat a lieu à Cancún au Mexique. Il est présidé par Greta Thunberg qui a traversé l’Atlantique en chaloupe. La jeune Suédoise (qui figure déjà sur les timbres postaux depuis de nombreuses années) a été élue Première ministre de Suède grâce au slogan : « Save the planet, eat more insects ». A l’issue du sommet, il est décidé que les insectes remplaceront la viande. La France s’est empressée de faire adopter la mesure, réglant par là même la question épineuse du porc au menu des cantines scolaires.
Elon Musk, patron de Tesla, est devenu l’homme le plus riche de la galaxie depuis qu’il a établi une colonie sur Mars. Le prix d’un lopin de terre (où aucune trace de Covid n’est présente) atteint plusieurs centaines de milliers de bitcoins. A ce jour, seuls Jeff Bezos et Bill Gates y ont construit une villa.
Comparativement à Donald Trump, Joe Biden maîtrise avec aisance les rouages de la géopolitique. Son parcours politique à la présidence de la commission des Affaires étrangères du Sénat lui a en effet donné l’occasion de s’y intéresser de près.
Homme de compromis, multilatéraliste, désireux de renouer avec la stratégie de son ancien mentor Barack Obama, Joe Biden s’apprête donc à rompre avec l’héritage Trump. Un virage à 180 degrés pour les États-Unis?
Après Donald Trump, l’unilatéralisme et le patriotisme économique vont laisser la place à une nouvelle diplomatie. Nouvelle ? Pas exactement, car Joe Biden, c’est le couple Obama-Clinton de retour à la Maison-Blanche. Bien que les intérêts des États-Unis demeureront toujours dirigés vers l’Extrême-Orient et continueront donc de se détourner de l’Europe, ce que Barack Obama avait déjà enclenché avec le «pivot vers l’Est», de nombreux changements diplomatiques vont voir le jour. En réalité, c’est bien la tactique qui changera et pas réellement la stratégie.
Dans un tweet du 7 juillet 2020, Joe Biden déclare: « Je rétablirai notre leadership sur la scène internationale. » Si Donald Trump ne l’a pas forcément annihilé, il a, sans nul doute, considérablement restreint la face interventionniste des États-Unis. À l’égard de l’Europe, tout d’abord, Joe Biden souhaite renouer avec la politique menée par son ancien mentor. Sous Barack Obama, en effet, il avait promu l’élargissement de l’OTAN et un rapprochement conséquent avec l’Union européenne. Joe Biden souhaite donc recouvrir un rôle de premier plan dans une Europe divisée et désireuse de se bâtir une certaine autonomie stratégique. Ainsi, si le nouveau président sera plus complaisant à l’égard de l’Occident, retenons qu’il ne cèdera pas sur les dépenses du vieux continent à l’égard de l’OTAN. Une rengaine qui laisse penser à des nouvelles crises au sein de l’Alliance atlantique.
Les membres du Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur des pouvoirs publics parmi les musulmans, ont trouvé un accord et signé une «charte des principes». Elle affirme enfin l’égalité hommes-femmes et le droit de changer de religion. Mais des zones d’ombre dans le texte et la faiblesse de l’autorité du CFCM sur les fidèles ne sont pas sans laisser de nombreux problèmes irrésolus. Analyse.
Le simple fait que l’on ait envie d’applaudir parce que le CFCM s’est enfin décidé à adopter une charte par laquelle il s’engage à respecter certains principes fondamentaux de la République montre à quel point le mal est profond. Ce devrait être une évidence, un prérequis indispensable, on y voit une avancée majeure, et les signataires eux-mêmes évoquent « une page importante de l’histoire de France » pour qualifier le fait que l’islam ne se proclame plus au-dessus des lois.
Reste que les auteurs de cette charte ne sont pas responsables du passé. Alors oui, c’est une avancée. Oui, on devine que la tâche a été ardue. Oui, c’était une démarche nécessaire. Et on peut saluer l’action du gouvernement qui a voulu l’existence de ce document. Comme quoi, quelques mois de fermeté ont obtenu bien plus que des décennies d’accommodements et des milliards de subventions, et c’est sans doute la principale leçon à retirer de tout ceci. L’islam ne respecte la République que lorsqu’elle ose enfin se faire respecter.
Ceci posé, que dire de cette charte ? Elle souffre de deux péchés originels, qui malheureusement en limitent considérablement la portée malgré les bonnes intentions évidentes de ses principaux artisans. D’abord, elle veut rassembler au lieu de distinguer, d’où des formulations à l’ambiguïté dangereuse, et des compromis douteux que l’on devine entre les lignes. Ensuite, elle évite soigneusement tout regard critique sur l’islam pour se contenter de parler de ce qu’elle appelle l’usage fait de la religion, ce qui l’empêche de traiter les vrais problèmes. Je rejoins là totalement l’analyse de Razika Adnani, islamologue et membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France.
Les signataires prennent parti pour la France
Soulignons tout de même certains des principaux points forts de la charte : l’affirmation que « aucune conviction religieuse ne peut être invoquée pour se soustraire aux obligations des citoyens » ; le refus que « les lieux de culte servent à diffuser des discours politiques ou importent des conflits qui ont lieu dans d’autres parties du monde » ainsi que le rejet des « politiques étrangères hostiles à la France, notre pays, et à nos compatriotes Français » (on comprend que les sbires d’Erdogan n’aient pas signé !) ; enfin la déclaration que « les dénonciations d’un prétendu racisme d’État, comme toutes les postures victimaires, relèvent de la diffamation » et un paragraphe que je reproduis intégralement car il me semble fondamental : « Dans notre pays, visé trop souvent par des propagandes qui le dénigrent, des millions de croyants se rendent paisiblement à l’office religieux de leur choix et des millions d’autres s’abstiennent de le faire en toute liberté. Cette réalité qui nous semble normale n’est malheureusement pas celle de nombreuses sociétés du monde d’aujourd’hui. » Par ce crucial « malheureusement », les signataires sortent du simple constat et prennent parti pour la France contre le modèle historique du « monde musulman ». Il y a donc du bon dans ce texte, et même du très bon.
Hélas ! À côté de ces déclarations fortes et bienvenues, la charte peine à naviguer la distinction entre l’essence et l’usage. Ainsi dit-elle que « les valeurs islamiques et les principes de droit applicables dans la République sont parfaitement compatibles » : ce n’est pas faire injure à nos concitoyens musulmans que de constater que 14 siècles d’histoire ainsi que la lecture des injonctions coraniques démontrent le contraire, et que la démarche des musulmans humanistes n’en est que plus méritoire, puisqu’elle est non un confortable retour aux sources, mais une exigeante et radicale rupture.
De même, l’article 6 est remarquable par cette note de bas de page qui rejette toute promotion du « salafisme (wahhabisme) » – qu’en est-il du salafisme non wahhabite ? – du Tabligh et de « la pensée des Frères musulmans et des courants nationalistes qui s’y rattachent » – les oreilles du néo-sultan Erdogan ont dû siffler derechef – mais il parle encore « d’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques ». Double erreur : d’une part parce que l’islamisme n’est pas une instrumentalisation de la religion à des fins politiques, mais une instrumentalisation de la politique à des fins religieuses, d’autre part parce que l’islam est depuis son origine un projet de société total et donc entre autres politique. Le fiqh n’est pas un épiphénomène !
On peut comprendre que les rédacteurs de la charte aient choisi de ne pas se couper de l’islam tel qu’il existe partout ailleurs, en affirmant ne critiquer que des usages de la religion et non son essence. C’est néanmoins regrettable : dans les faits, certaines de leurs prises de position introduisent une distance critique courageuse vis-à-vis tant du texte coranique que de la tradition, notamment sunnite. Mais en ne l’assumant pas clairement, ils permettent des ambiguïtés potentiellement dangereuses. Par exemple, ils refusent toute promotion de « l’islam politique » (avec la fameuse liste wahhabisme, Tabligh, Frères Musulmans) mais affirment également que « toutes les écoles doctrinales de l’islam revêtent la même légitimité », y compris donc celles dont ils refusent de faire la promotion mais qu’ils ne vont manifestement pas jusqu’à condamner franchement.
Autre exemple frappant, et qui devra être rapidement clarifié : l’apostasie. Le droit de changer de religion est enfin reconnu, et les signataires s’engagent à ne pas criminaliser ni stigmatiser un renoncement à l’islam « ni à le qualifier « d’apostasie » (ridda) ». Un esprit chagrin dira que cela revient à s’engager à ne pas qualifier de pain un aliment obtenu par la cuisson d’une pâte mélangeant de la farine et de l’eau, pour dire que l’on autorise la consommation de cet aliment tout en continuant à interdire le pain. Sans aller jusque-là, il faudra tout de même préciser quelle est la différence entre l’apostasie (au sens du dictionnaire) et la ridda. Je crains, parce que cette argutie est fréquente dans nombre de pays musulmans, que dans l’esprit des signataires de la charte la nuance porte sur la « discrétion » du renoncement à l’islam. Ils insisteront alors pour que, par « respect », les apostats ne fassent pas la « publicité » de leur apostasie, ce qui veut dire soit ne la rendent pas publique, soit n’en fassent pas la promotion en exposant leurs motivations, soit les deux – positions évidemment inacceptables. J’espère me tromper, mais en tout cas il y a là une ambiguïté qu’il faut lever au plus vite.
Par ailleurs, cette question de la « publicité » de l’apostasie m’amène à la grande absente de la charte : la liberté d’expression, avec ses corollaires évidents que sont le droit de critiquer l’islam (et les religions en général) et le droit au blasphème. Bien sûr, il est écrit « nous acceptons tous les débats », mais sa propre charte va-t-elle obliger le CFCM à se débarrasser d’Abdallah Zekri, qui trouvait que Mila l’avait « bien cherché » ? Si la réponse est non, si la « charte des principes pour l’islam de France » permet de continuer à affirmer qu’une adolescente a « bien cherché » de voir sa vie menacée et d’être confrontée à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort parce qu’elle a blasphémé, alors cette charte n’est qu’une triste fumisterie.
On peut aussi se demander quel sera la portée concrète de ce texte. Une chose est sûre : il servira de cache-sexe à certains de ceux qui voudront affirmer que « cépaçalislam » et que les crimes commis au nom de l’islam et en conformité avec le Coran n’ont rien à voir avec l’islam. Mais encore ? Les manquements aux engagements pris doivent entraîner l’exclusion des « instances représentatives de l’islam de France » : avec quelles conséquences en termes de statut légal ? De subventions ? De droit de prêcher ?
Le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles
De plus, n’imaginons pas que la mentalité des fidèles va miraculeusement changer – mais ne le reprochons pas aux signataires de la charte. Les catholiques ne sont pas tous subitement devenus des militants no-borders sous prétexte que le Pape en est un, et il faut rappeler que contrairement au Vatican le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles. Et le silence assourdissant de la fameuse « majorité silencieuse » face aux crimes et aux ambitions des islamistes laisse craindre qu’elle soit plus sensible aux discours de ces derniers qu’à ceux de la frange républicaine du CFCM.
Et justement, l’opposition à cette charte n’a pas tardé à se faire entendre. « Dômes et Minarets » par exemple, qui qualifie Hassen Chalghoumi de « faux imam » parce qu’il exerce un jugement moral et critique sur certains passages du « noble Coran » (statut des femmes, mise à mort des polythéistes, etc), s’oppose explicitement à la charte et a organisé ces jours-ci un sondage « vous sentez-vous représenté par le CFCM ? », question à laquelle les internautes ont répondu « non » à 96%.
De cette opposition, les rédacteurs et les signataires de la charte ne sont pas responsables, mais ils le sont des zones d’ombre du texte. Face aux unes comme aux autres, la balle est désormais dans le camp du gouvernement. Puisse-t-il poursuivre ses efforts et se souvenir de cette leçon : face à l’hydre islamiste, seule la fermeté est efficace.
Le magazine sociologique Marie Claire interviouwe la chanteuse Aya Nakamura. Comme Rokhaya Diallo, elle est victime de “misogynoir”. Explications.
Marie Claire fut un magazine féminin léger, facile d’accès, récréatif. On pouvait le lire à table, sur la plage ou au lit. Il est maintenant une revue sociologique qui scrute les phénomènes permettant d’expliquer les mutations de la société française en matière de féminisme, de racisme, d’intersectionnalité et de langue. Les sujets sont graves et la rédaction du journal n’hésite pas à les aborder par le versant le plus intellectuellement abrupt. On le lit dans un fauteuil, et on prend des notes.
Rokhaya Diallo a pu y faire récemment la promotion de sa bande dessinée dénonçant le « sexisme pernicieux » en France. Elle-même se dit discriminée. La preuve : sur les plateaux de TV elle est parfois interrompue. Selon le magazine sociologique, elle est victime de “misogynoir”.
Le lendemain, la revue a interviouwé Aya Nakamura, la chanteuse à textes qui illumine les journées du député LREM Rémy Rebeyrotte qui la trouve « absolument remarquable » : « Elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue. Et ça, ce sont des choses extrêmement fortes. »
Avant que d’aller plus loin dans l’entretien qu’a donné cette possible future académicienne, nous nous devons de porter à la connaissance des lecteurs de Causeur le refrain de son tube Doudou qui a fait chavirer M. Reyberotte : « Mon chéri laisse, laisse-laisse tomber. Aime-moi, doudou Aime-moi, doudou. Montre-le moi, doudou, T’es mimi, dis-le moi, doudou. Prouve-le moi, doudou. Et ça, c’est quel comportement, doudou ? Tu me mens beaucoup. Ça, c’est quel comportement, doudou ? »
Une artiste qui bouscule les codes
Marie Claire a décelé dans le titre Djadja une réflexion sur « l’empowerment », ce que confirme Rhoda Tchokokam, critique “culturelle” qui a écrit un livre dans le but de « décoloniser la langue française »[tooltips content= »Le dérangeur : Petit lexique en voie de décolonisation, 2020″](1)[/tooltips] : « Elle est attachée à son identité et à ne pas la lisser. […] Elle ne veut pas changer son image pour plaire. Rien que ça, c’est inédit. » Ce qui est inédit aussi, c’est la prose extraite de Djadja : « Hello papi mais qué pasa? J’entends des bails atroces sur moi. À c’qui paraît, j’te cours après ? Mais ça va pas, mais t’es taré ouais. Mais comment ça le monde est tipeu? […] Oh Djadja. Y a pas moyen Djadja. J’suis pas ta catin Djadja, genre en Catchana baby tu dead ça. » Alors là, pour décoloniser la langue, ça décolonise. Ou ça colonise, tout dépend du point de vue. Enfin, comme l’écrit la journaliste de Marie Claire : « À sa manière, elle a bousculé les paysages médiatique et musical français. »
La chose est d’autant plus méritoire qu’Aya Nakamura est « une femme noire, à la peau foncée (sic), originaire de Seine-Saint-Denis… » et qu’elle est plus souvent critiquée depuis qu’elle est célèbre que du temps où elle était « une petite meuf d’Instagram avec six abonnés. » Comme c’est curieux !
Un concept inventé par Moya Bailey
Si elle est attaquée, ce n’est pas à cause des textes de ses chansons, mais parce qu’elle est une femme noire, écrit la journaliste du magazine sociologique : « C’est ce que l’on appelle la “misogynoir”, concept sociologique inventé par l’universitaire afro-américaine Moya Bailey, qui définit une forme de misogynie envers les femmes noires, où la race et le genre jouent un rôle concomitant. » Décidément, on en apprend tous les jours.
Il est certain qu’on ne voit pas ce qui pourrait être reproché d’autre à cette chanteuse. En tout cas pas ces textes envoûtants, à la métrique originale et stimulante, au sens poétiquement sibyllin, et qui montrent « la capacité de la langue à se réinventer sans arrêt et en même temps à continuer à porter ses accents et sa diversité », pour dire comme le député amouraché. Nous ne résistons pas à l’envie de citer une dernière fois cette artiste et à décourager ainsi, nous l’espérons, toutes les critiques des réactionnaires qui veulent voir la langue française figée dans des raideurs anciennes : « Blah blah blah d’la pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’side. Blah blah blah d’la pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’sas. Pookie, pook-pook-pookie. Ferme, ferme la porte, t’as la pookie dans l’side. Pookie, pookie, pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’sas. Ah, depuis longtemps, j’ai vu dans ça depuis longtemps. J’ai vu dans ça depuis longtemps, ah, ah, j’ai vu dans ça. »
Le vieux Paris n’est plus, la forme d’une ville / Change plus vite, hélas, que le cœur d’un mortel. Ainsi écrit Baudelaire dans Tableaux parisiens. En 1858, le poète ne reconnaît plus le Paris cher à son cœur que l’urbanisme d’Haussmann a transformé. Avec la destruction des vieux faubourgs, des immeubles cossus naissent le long des boulevards, éclairés la nuit, avec leurs trottoirs et leurs bancs, leurs arbres et des urinoirs. C’est à Haussmann qu’on doit des égouts sous terre, des espaces verts, des gares aux portes de la ville, la vie nocturne à la sortie des cafés. De ce Paris, nous bénéficions.
Paris aux mains des bobos
L’urbanisme parisien a toujours obéi à deux impératifs : l’hygiène et le logement. Dans les années 60, le fer remplace la pierre, la tour, le toit. Un mouvement de grande ampleur naît de l’urbanisme sur dalle, freiné, dans les années 70 et 80, par un retour à l’urbanisme haussmannien. À partir de 1974, les tours sont abandonnées. On réhabilite l’îlot ouvert. Notre-Dame du Travail et sa charpente originale de fer, (datant de 1902!) fait bon voisinage avec la rue des Thermopyles fleurant la glycine. L’élan vert se poursuit. Paris respire s’aère de squares, on plante des arbres. En 2000, Bertrand Delanoë veut relancer les tours: sans succès. La Petite Ceinture devient une promenade champêtre avec coquelicots et boutons d’or.
Madame Hidalgo, elle, voue Paris aux vélos, aux piétons et aux chantiers. La vague verte submerge tout. De là des rues rétrécies et des places encombrées, comme celle du Panthéon, jonchée de lattes de bois, de pierres brutes en guise de bancs, d’arbres prisonniers. En été on s’y vautre, on y apporte son manger, les canettes vides jonchent le sol. Impossible de dormir pour les riverains. La maire, en revanche, ne soutient pas l’inscription des toits de Paris au patrimoine mondial de l’UNESCO, supprime les kiosques à journaux à l’ancienne ainsi que les colonnes Morris et privilégie, à la saison, les arcs-en-ciel sur les passages piétons. Paris est aux mains des bobos qui font pousser de la ciboulette sur leurs terrasses.
Paris, ville morte
À Paris, plus qu’ailleurs, l’espace devient l’ennemi : un vide qu’il faut remplir. Les grilles du Luxembourg, encombrées de photos d’ours polaires et d’oiseaux aux plumes criardes ne laissent plus voir la beauté du jardin. Les stations Vélib brisent le ruban gris des rues. Des statues informes poussent partout, devant les monuments historiques, dans les squares, tandis que les Halles exhibent la nudité de sa Canopée et son Forum fleurant l’urine. Que sera la métropole du Grand Paris ?
Dans Le livre des passages, Walter Benjamin fait un bilan pessimiste du Paris haussmannien. « Orphelins de leur vocation humaine, » les passages ne sont plus que des lieux dédiés au commerce de luxe. Que dire à présent ? La très féminine Covid achève le cœur battant de Paris. Tout est désert. Les commerces font place aux agences immobilières. Paris passe aux mains d’émirs chinois tandis qu’un diktat sanitaire tient les Parisiens et les Parisiennes barricadés, chez eux, devant leurs écrans, bâillonnés, hystérisés par la peur de vivre et de mourir.
Haussmann avait redessiné Paris par hantise des barricades. Le virus nous fait la guerre ? Avec l’opération « Paris, ville morte » plus de danger. Profitant du confinement, les rats y prolifèrent joyeusement. Un énième Conseil de défense se tiendra mercredi. Le temps de préparer les Français à toute éventualité : port d’un masque à oxygène préventif, descentes dans les caves au déclenchement d’une sirène, provision de pâtes et de menthe fraîche. Un hashtag de résistance a été lancé sur Twitter : Je ne # meconfineraipas.
Cours accéléré d’histoire de France à l’intention d’un jeune citoyen musulman qui s’interroge sur son identité.
Mon cher Mohammed,
Tu es français et musulman.
Tu es né à la Castellane, une cité des quartiers nord de Marseille – comme Zidane. Tu as l’accent frotté d’ail et d’anis de Marcel Pagnol avec le phrasé d’un rappeur, tu adores Fonky Family et Jul – on dit : « Djoul », hein !
Tu es un supporter de l’OM, tu ne peux pas piffer les Parisiens – comme le Dr Raoult.
Tu as douze ans – et demi ?… tu fais beaucoup plus que ton âge. Tu es déjà ombrageux et fier, comme Mansour ibn Sarjoun alias Jean Damascène, un Père de l’Église – et Abou Nouwas, poète bachique et érotique, au Moyen Âge.
Des Arabes comme toi.
Sauf que ta mère née au bled est illettrée, ton père est au chômage, ton grand frère, dealer précoce, est en calèche aux Beaumettes. Ton cousin est mort en Syrie, aïe ! tu es sûr ?…
Et la France, tu la kiffes, la France ?
On ne va pas se mentir, pour toi, ce sera plus compliqué.
L’islam ? Parlons-en. Les odes ou les fatwas ? Les bibliothèques d’Al-Andalus ou les autodafés ? Les madrasas, le goût des sciences – la physique, l’astronomie, la médecine – ou l’obscurantisme ?
Est-ce si dur de choisir ?
Tu as lu le Coran ? Moi aussi.
Alors ?
La religion de l’amour, l’éloge de la beauté sous le sceau de l’Unique comme un miroir de Dieu, ou les sourates médinoises – abrogeantes, meurtrières, pétrifiées par le dogme ?
Puisque tu es français, je ne doute pas de ta réponse.
D’ailleurs l’islam dans ses ambivalences n’est ni un obstacle ni une solution, c’est une question – les Français adorent les questions.
Je ne sais pas qui tu es dans ton cœur, Mohammed, mais je sais ce que peut la France.
Un homme qui a observé ce pays au siècle dernier y a cueilli une vérité toute simple : « Depuis des siècles, la France oppose aux diversités qui l’assiègent et la pénètrent sa force d’assimilation. Elle transforme ce qu’elle reçoit. Les contrastes s’y atténuent ; les invasions s’y éteignent. » Il s’appelait Paul Vidal de La Blache, il est le père de l’école géographique française[tooltips content= »Tableau de la géographie de la France, Tallandier, 1979. Éloge du temps long et du melting-pot à la française. « Comment se raidir, poursuit Vidal, contre une force insensible qui nous rend de moins en moins étrangers les uns aux autres ? C’est un je ne sais quoi qui flotte au-dessus des différences. Il les compense et les combine en un tout ; et cependant ces variétés subsistent, elles sont vivantes. » Cette vision optimiste peut-elle encore être la nôtre ? Cette « force insensible », ce « je ne sais quoi qui flotte au-dessus des différences », qu’en est-il aujourd’hui ? C’est tout le débat. En 2007, selon une enquête de l’IFOP pour Le Figaro, 49 % des Français pensaient que l’immigration était « une chance pour la France » contre 37 % aujourd’hui. 78 % pensent que l’immigration doit être « choisie et non pas subie ». 58 % souhaitent l’instauration d’un « droit du sang », grrr ! (Alexandre Devecchio (dir.), La France face au défi de l’immigration, Le Figaro Enquêtes, 2020) »](1)[/tooltips].
N’en déplaise aux adeptes de la Grande Muraille – qui se dit en français la « Ligne Maginot » –, cette « force d’assimilation », ce charme d’alambic, qui nous a rendus plus forts hier et qui nous a un peu quittés aujourd’hui, c’est ça, la France, et c’est ça, les Français !
À leur corps défendant.
Comme si au fil des siècles la principale vertu de ces anciens paysans sédentaires et belliqueux, souvent vaincus, moins rebelles que subjugués par leurs envahisseurs, c’était ce mélange d’intolérance et de passivité devant l’étranger. Les enfants d’Astérix ont fini par se couper les cheveux et par ânonner en chœur rosa, rosae, rosam.
Après la conquête romaine, la France a été au ve siècle le cul-de-sac des invasions – on ne pouvait pas aller plus loin à cause de la mer ! Vandales, Sarmates, Alains, Gépides, Hérules, Saxons, Burgondes, Alamans… et tu me demandes d’où vient dans ce pays l’amour des belles étrangères !
Ce n’est pas de l’histoire, c’est de la géographie.
Qu’est-ce qu’un immigré ? Un Français en puissance – ce n’est qu’une question de temps. Oui, je sais, tout aujourd’hui semble contredire ce bel optimisme.
Et pour toi ce sera un combat.
Sache que ton ennemi, Mohammed, ce n’est pas la République, ce sont les fossoyeurs de la République – tous ceux qui s’autorisent à parler en son nom et qui ne t’aiment pas tout autant que les islamistes qui veulent l’abattre et qui ne t’aiment pas non plus.
Ne deviens pas leur proie.
Les uns se prétendent plus français que toi, les autres plus près d’Allah. Ne les écoute pas. Ce sont des escrocs de l’absolu – des menteurs. Rien n’est écrit de ton destin. C’est ton fils ou ton petit-fils peut-être qui enseigneront demain à leurs enfants à vivre et à penser sans crainte au sein de la République.
Qui es-tu, Mohammed ?
Un citoyen français parmi d’autres.
Seulement si tu le veux.
Alors s’il te plaît, arrête de nous bassiner avec tes douleurs, tes heures de prière, tes interdits alimentaires ou sexuels. On s’en fiche, c’est de l’intime, personne ne va inspecter ton âme ni surveiller tes nuits, ça ne nous regarde pas.
Sois souverain, prie et danse dans le secret de ton cœur.
Et rappelle-toi que le djihad, quand on est sérieux, c’est une aventure intérieure – un travail sur soi.
Pour commencer, parlons plutôt français, si tu veux bien.
L’arabe est une langue magnifique, mais en France la langue officielle depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts sous François Ier, c’est le français.
On ne va pas changer cela.
Souviens-toi de l’Algérien Kateb Yacine, ramasse les cailloux qu’on t’a jetés, oui c’est ça, la « langue du colonisateur », et fais-en des pierres précieuses, des chansons, des poèmes. Déchire ton costume de victime. Fends-toi d’une confession dédaigneuse en écrivant le dictionnaire de tes humiliations.
Si tu deviens célèbre, on se vantera de t’avoir accueilli à bras ouverts, on s’empressera de te réclamer comme Chopin, Picasso ou Marcel Cerdan qui sont devenus français parce que des Françaises les ont aimés.
Car, tu le sais mieux qu’un autre, la vie n’est pas douce, et personne ne te fera de cadeau. Tu chercheras un ami, un boulot, un logement ? Bon courage, wesh ! Certains jours tu te sentiras bien oublié et bien seul.
Quoi d’autre ?
Ton ennemi, ce n’est pas l’Histoire de France. La nation n’est qu’une assemblée de citoyens, hommes et femmes égaux devant la loi, et qui se sentent solidaires à défaut de se comprendre, unis malgré toutes leurs différences par un passé douteux et un avenir qu’ils rêvent en commun.
Une illusion, dis-tu !
Non, un objectif. Un idéal, défaillant comme tout idéal, et qui mérite qu’on se lève pour le défendre. De l’imaginaire et du symbolique, oh ça oui ! Mes ancêtres ne sont pas plus gaulois que les tiens, et cela n’a aucune importance.
Ton ennemi, ce n’est pas non plus le prof de ton collège qui te juge digne d’être instruit et capable de liberté.
Si dans sa classe, on prétend tout examiner, si on met en doute ce que tu as appris dès ton plus jeune âge en s’attaquant même à des valeurs chéries de tes ancêtres, n’en sois pas offensé.
Ton grand-père est sage, respecte-le, mais il n’a pas toujours raison. Toi non plus. L’imam non plus. Le prof non plus.
La « neutralité », c’est non pas l’abstention, mais une confrontation pesée et sereine. L’école est aussi ce lieu où, au-delà du b.a.-ba, et de deux et deux font quatre, on vérifie comment et jusqu’où le sacré résiste au sacrilège.
Avec Voltaire, Sartre ou Darwin.
Sans les savants arabes qui l’ont traduit du grec, on saurait à peine qui est Aristote – un mécréant oui, mais génial. Et Ibn Rushd (Averroès), ça ne te dit rien ? Hchouma ! La honte sur toi !
Ainsi quand ton maître oppose la science ou la raison à tes chères croyances, il te tend une arme que tu pourras utiliser à ton tour pour te défendre, sans rien abjurer de ce que tu es, ni de ce que tu crois.
En quoi est-ce un affront ? Remercie-le plutôt.
Surtout si tu n’es pas d’accord.
Apprends à t’insurger ou à te taire, mais à bon escient.
Entre nous, tu ferais mieux d’étudier comme ta grande sœur, Leila, qui s’en sort mieux que toi !
En France, la culture est un lien plus solide que la religion, la race ou le commerce. Les Français, on les connaît, toujours décevants, absolutistes, chauvins, épris de système, enracinés dans leurs abstractions mais, Dieu merci, réfractaires à l’ethnique – dialectes, tribus, races, sectes, idoles, pitié !
C’est pourquoi la seule communauté qui nous est permise, c’est la nation. L’Europe ? Arrête de m’embrouiller, ce n’est pas le sujet.
Ce qu’il t’enseigne, ce prof, c’est le pouvoir de l’esprit, c’est-à-dire la faculté de t’élever au-dessus des usages aveugles qui t’interdisent de penser par toi-même, et de tous les dogmes, sans pour autant les renier ou les mépriser.
Ton credo, ton héritage – foi, rites, traditions – resteront intacts, si tu le souhaites.
Cela s’appelle la liberté, qui n’est qu’à soi.
Tu n’en seras que plus capable de déceler les faux dévots et les voyous qui se cachent à chaque coin de rue.
Que te dire encore ?
En France, ce n’est pas Dieu qui écrit l’histoire, la République et le divin font chambre à part.
On reste laconique sur le ciel afin d’éviter sur terre toute controverse. Le détenteur ultime de la souveraineté, c’est Dieu, si tu veux, mais son dépositaire, c’est l’État. Cette tutelle monarchique qu’il exerce sur le religieux peut te sembler féroce, elle n’est pas négociable.
En Amérique, on ressent la nécessité de moraliser la démocratie par la religion. Les Français, c’est le contraire. On suspecte les dévots – même sincères, surtout sincères – de vouloir dominer les esprits et asservir les corps autant que sauver les âmes.
Tu veux des exemples ?…
Dès lors, la laïcité, ce n’est pas ce qui t’écrase ou ce qui te nie, c’est ce qui te protège et qui te rend libre.
C’est un bouclier.
Le pacte de protection que nous impose l’État républicain n’est pas discriminatoire en principe. S’il y a des abus, on a le devoir de les dénoncer car tu as les mêmes droits que les autres. Cela s’appelle : l’égalité.
Il y a de pires servitudes, crois-moi.
Tu me répondras que c’est devenu une arme utilisée par la France contre les musulmans. Le président de la Turquie, M. Erdogan – est-il un dictateur ou un nouveau calife ? – proclame que la France est islamophobe, ne tombe pas dans le panneau – c’est lui qui l’est et il se moque de toi, comme il se moque des Ouïghours persécutés par le gouvernement de Pékin ou des Rohingyas chassés de Birmanie !
L’islamophobie, Mohammed, c’est la laïcité trahie par des imbéciles, elle ne doit pas devenir une nouvelle religion brandie par des censeurs frénétiques acharnés contre l’islam ; ce n’est qu’un principe de précaution. Mais c’est notre loi : si tu ne l’acceptes pas, si cela t’opprime ou te blesse, mieux vaut vivre ailleurs car dans ce pays, tu seras forcément incompris et malheureux.
La France a été dévastée au xvie siècle par les guerres de religion entre catholiques et protestants. On ne reviendra pas en arrière.
Des milliers de musulmans français, tu le sais, se sont fait trouer la peau en 1914-1918 et en 1939-1945 au service de la France. Alors, oui, je te le dis, Mohammed, on peut être à la fois patriote et fidèle au Coran – ou à l’Évangile. Ne crois pas ceux qui te disent le contraire. À toi de leur prouver que l’identité française est nombreuse et que par définition quand on dit nous, c’est un pluriel.
Ce ne sera pas simple.
Car en devenant français, tu seras d’abord sourd, orphelin d’un royaume, avant de te sentir hélé de loin comme d’une autre rive.
On ne reçoit pas tous les mêmes cartes à la naissance mais il te revient à toi et à personne d’autre de jouer la partie qui est la tienne.
Ne te contente pas de vivre ta vie, essaye de l’imaginer.
Et sois toujours fier du prénom que t’ont donné tes parents.
Sur son compte Instagram, la mère du jeune a donné des nouvelles plus rassurantes le 26 janvier. Capture d'écran Instgram
Alors que la résolution de l’affaire semble au point mort – pas d’interpellations à cette heure – l’Elysée a apporté son soutien à la malheureuse victime de ce qui ressemble à un règlement de comptes. Pour le magistrat honoraire Philippe Bilger, quand bien même cette affaire est éminemment médiatique, le président a tort de choisir les victimes à choyer. Selon lui, c’est “tout le monde ou personne, Monsieur le président !”
Rien ne donne plus le sentiment de l’inéquité républicaine que des interventions présidentielles partielles, partiales, tactiquement ciblées au lieu d’être globales et sans la moindre arrière-pensée. Le président s’était beaucoup ému auprès de Michel Zecler de ce que celui-ci avait dit avoir subi et dont des traces sur son visage attestaient la réalité. Récemment, à la suite du lynchage dont Yuriy a été victime de la part de dix voyous dans le quartier de Beaugrenelle le 15 janvier, le président s’est à nouveau manifesté en prenant langue avec la mère de ce jeune homme âgé de quinze ans.
Une agression dont nous aurions ignoré l’existence sans la fuite de la vidéo
Il convient de noter que cette agression n’a été rendue publique que grâce aux réseaux sociaux: un compte anonyme a diffusé ces secondes d’une extrême violence. Faut-il s’en féliciter? ou regretter par avance que, connu ou demeuré inconnu, ce scandaleux épisode aboutira ni plus ni moins aux mêmes conséquences : une indignation aussi vive que l’impuissance sera forte ?
Capture d’écran de la vidéo extrêmement violente du lynchage
Yuriy a même été gratifié de soutiens sportifs et médiatiques qui en général allaient plus volontiers vers ceux que la police aurait maltraités[tooltips content= »Le footballeur Antoine Griezmann ou le comédien Omar Sy par exemple NDLR »](1)[/tooltips]. On ne peut que se réjouir de ce changement de cap : les voyous, mineurs ou non, ne sont plus pris pour des victimes! Yuriy se serait trouvé malencontreusement pris dans un affrontement de deux bandes rivales, dont l’une venue de Vanves, à Paris, vers 18 heures 30, sans la moindre crainte d’une quelconque intervention policière.
Une affaire encore entourée d’ombres
Actuellement on ne sait pas trop ce qu’il en est de l’implication ou non de Yuriy dans cette affaire – on nous affirme qu’il s’agit d’un adolescent très calme et tranquille, pourquoi pas? – mais je relève que le président s’est précipité pour consoler sa mère et je note que les amis de Yuriy se réfugient dans le silence. Il n’y a que Raquel Garrido, dont l’idéologie fait d’elle une extralucide, pour tout savoir puisqu’elle dénonce « les charognards d’extrême droite ». La volupté d’accabler en totale ignorance, cela ne se refuse pas !
Le lâche lynchage de #Yuriy est une abjection. J’espère que les auteurs seront vite appréhendés et punis. Compassion et soutien pour lui et sa famille. Dégoût pour les charognards d’extrême-droite qui se servent de Yuriy pour relativiser leur propre complaisance avec la violence.
Le président de la République n’est absolument pas dans son rôle en choisissant ses victimes. S’il considère que son attention et sa compassion doivent ostensiblement être offertes, il me semble que, quitte à se prétendre grand consolateur, Emmanuel Macron doit l’être avec toutes les victimes. C’est tout ou rien. Que pensent actuellement tous les laissés-pour-compte de l’indifférence présidentielle ? Il est trop facile de se donner bonne conscience en téléphonant à une mère, comme si cet épisode affreux ne résultait pas, d’une certaine manière, de la carence d’une politique globale de sécurité dont deux de ses ministres et lui-même sont responsables devant les Français. Je téléphone donc je n’y suis pour rien!
Comme si la parole présidentielle permettait de passer à autre chose
Échec qui se suffit à lui-même, qui n’a pas besoin pour être aggravé de considérations sur les immigrés, les Français d’origine étrangère ou les étrangers. Victimes de notre incurie pénale, ils le sont tous également. Pour les coupables, il conviendra d’en tirer les conséquences. Le président de la République, agissant si confortablement – quelques mots et le tour est joué -, se prive, par les sélections qu’il opère et les discriminations qu’on lui recommande, du constat d’une insupportable réalité. Toutes ces victimes qui chaque jour révèlent une criminalité en hausse, une délinquance violente de la part de bandes de mineurs, si elles étaient prises en compte par la mansuétude présidentielle comme Michel Zecler et Yuriy l’ont été, ne lui permettraient plus ce rôle hypocrite de bon samaritain tardif. Il serait obligé de faire face à cette France du malheur et de la violence : plus de compatir au compte-gouttes!
Ne sélectionnons pas parmi les victimes!
Ces sinistrés de l’insécurité et du laxisme ne surgissent pas de rien mais d’une politique gangrenée par une philosophie pénale sans ressort et un cynisme tactique. Tout pour 2022 mais avec tant de retard !
Monsieur le Président, si vous tenez à tout prix à persuader les Français que vous avez du cœur et que vous les aimez – contrairement à la charge cinglante de Michel Onfray qui vous reproche de n’être proche ni de la France ni des Français – cessez de sélectionner comme un grand seigneur les douleurs qui rapportent mais penchez-vous sur toutes ! Vous nous persuaderez ainsi que votre compassion est sincère, ne fait pas de tri et révèle une authentique sensibilité.
Alors, de grâce, monsieur le président, tout le monde ou personne !
Hier au micro de Sud Radio, Elisabeth Lévy livrait ses premières observations sur l’affaire. Causeur vous propose de retrouver son intervention. Regardez:
L’assassinat de Samuel Paty semblait avoir offert à Emmanuel Macron un bref moment de lucidité. Force est pourtant de constater que les remèdes proposés par le projet de loi confortant le respect des principes de la République font appel à deux concepts inappropriés et mal compris pour combattre l’islamisme: les valeurs de la République et la laïcité.
Employés à tort et à travers depuis des décennies, ils n’ont jamais empêché l’accroissement de l’islam culturel dans l’espace public ni permis de contenir la poussée de l’islamisme. Le Mouvement Conservateur rappelle dans Le Manifeste du conservatisme que bien que la France soit une République laïque, elle ne s’y réduit pas et constitue aussi un espace culturel et civilisationnel distinct dont la protection et la promotion doivent être le fil rouge de l’action politique.
Il est intéressant de noter que le projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale met l’accent sur le respect des principes de la République mais ne mentionne jamais le respect de la France. Elle n’y est d’ailleurs citée que six fois, contre 49 fois pour les mots « République » et « républicains ». Or, c’est la France qui est en danger et qui a besoin d’être protégée, la république n’étant qu’un régime politique. Là où on cherche à réaffirmer les valeurs et les principes de la République, c’est plutôt ce qui caractérise la France, ses us et coutumes ainsi que son mode de vie qui devraient être rappelés et confortés. Ils sont d’ailleurs les meilleurs outils dont nous disposons pour lutter efficacement contre l’islamisme : si ce dernier est un projet civilisationnel, alors c’est avec l’affirmation de notre propre civilisation que nous devons mener le combat. La Commission d’enquête du Sénat l’a souligné en juillet dernier : « Les islamistes cherchent à peser sur la vie quotidienne et le rapport aux autres des Français de confession musulmane et des musulmans étrangers résidant en France, pour leur imposer une orthopraxie, des pratiques vestimentaires, alimentaires, rituelles, mais surtout une norme de comportement et de rapports entre les hommes et les femmes, afin de les séparer du reste de la population française. » C’est ainsi que, petit à petit, la société civile est islamisée et que le séparatisme prend forme. Battons-nous donc à armes égales pour que la France soit enfin capablede contrer le développement de l’Islam culturel et ses dérives totalitaires qui cherchent à régenter les modes de vie et qui se développent en marge du djihad terroriste.
La République s’accommode très bien de régimes islamistes: la République islamiste d’Iran a beau être une théocratie régie par la Charia, elle n’en répond pas moins aux critères d’une république!
À chaque fois que le gouvernement tente de s’atteler à la lourde tâche qu’est la lutte contre l’islamisme, il en appelle aux valeurs de la République et à ses principes. Or, la démarche est bancale et laisse dubitatif. La république n’est stricto sensu qu’un régime politique dans lequel le pouvoir est accordé par le corps social – par opposition au pouvoir héréditaire. La république n’est porteuse d’aucune essence ni d’aucun message normatif, culturel ou civilisationnel ; elle n’est même pas garante de la démocratie ! Elle s’accommode d’ailleurs très bien de régimes islamistes : la République islamiste d’Iran a beau être une théocratie régie par la Charia, elle n’en répond pas moins aux critères d’une république. On a donc du mal à voir en quoi l’affirmation des principes régissant la République, un simple régime politique, serait la réponse appropriée au projet islamiste qui est un projet civilisationnel. Avons-nous déjà vu le Royaume-Uni en appeler aux principes de la monarchie constitutionnelle ou la Suisse aux principes confédéraux pour lutter contre l’islamisme ? Non.
L’appel ad nauseam aux valeurs et aux principes de la République est problématique, car ils peuvent toujours se discuter. L’exemple du voile islamique est éloquent : c’est au nom de la liberté que des femmes s’y opposent ou le portent ! Les valeurs de la République, que personne ne prend le soin de définir, sont toujours relatives et dépendent de l’interprétation subjective que chacun en fait ; elles ne semblent donc pas être les meilleurs outils dont nous disposons pour lutter contre l’islamisme. L’enjeu est ailleurs. Il réside davantage dans l’affirmation de ce que nous sommes et de notre identité. Les us et coutumes de la France, son mode de vie, ses traditions, ce qui la caractérise d’un point de vue anthropologique et civilisationnel sont des données objectives consacrées par l’histoire et qui ne souffrent aucune discussion ou interprétation possible. Cessons de tergiverser sur des valeurs abstraites et ayons le courage d’opposer à nos ennemis qui nous sommes objectivement. D’autant plus que notre héritage, notre culture et notre civilisation sont pétris d’ouverture, de tolérance, d’égalité entre les hommes et les femmes, en tout point opposées au projet politique de l’islamisme. L’enjeu est bel et bien de refuser certaines coutumes venues d’ailleurs qui ne correspondent tout simplement pas au mode de vie français et aux principes qui les inspirent.
Cette tendance à faire appel à des concepts désincarnés pour lutter contre l’islamisme se retrouve aussi dans le recours à la laïcité, y compris dans le présent projet de loi où elle est rappelée dès l’exposé des motifs. Or, la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État ne visait qu’à protéger le pouvoir politique de l’influence de l’Église. Le principe de laïcité ne permettra pas de lutter contre l’Islam culturel et politique, car la loi de 1905 concerne l’État alors que le totalitarisme islamique exerce une emprise et une influence qui vise la société civile. Convoquer la laïcité, tel un réflexe pavlovien, à chaque fois que l’islamisme se rappelle à nous, est donc insuffisant.
On en vient finalement à s’interroger : est-il devenu interdit de parler de la France ? Quarante années de gauchisme politique ont rendu tabou tout lien d’enracinement et de rapport charnel des Français avec leur pays, son histoire, ses traditions, et ce qui le caractérise. Parler des valeurs de la République, de ses principes, de la laïcité, sont finalement autant de moyens de tourner autour du pot pour ne pas avoir à parler de ce qui est réellement essentiel : que ce n’est pas la République qui est attaquée, mais la France en tant qu’espace civilisationnel. On en vient aussi à ne plus pouvoir nommer le réel. L’islamisme n’est mentionné que deux fois dans le projet de loi, et toujours dans le cadre plus large des « séparatismes », dont l’emploi du pluriel par souci de non-discrimination relève d’un terrible manque de courage pour nommer l’ennemi.
C’est une approche conservatrice, celle de la réappropriation et de l’affirmation de notre héritage culturel façonné par notre tradition gréco-romaine et nos racines chrétiennes qui peut relever l’immense défi auquel l’Occident est confronté. C’est une urgence vitale de refuser la soumission au multiculturalisme et à l’immigrationnisme, ces deux dogmes progressistes qui empêchent d’ouvrir les yeux sur une réalité qui crève pourtant les yeux : la protection de la Nation exige la défense des frontières pour mettre fin au chaos migratoire, car la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Parce que l’immigration est majoritairement de culture musulmane, elle est un défi civilisationnel pour que la France reste la France. Seule une politique de l’enracinement permettra de répondre à l’instinct de conservation qui anime les Français, un instinct de résistance et de courage qui appelle une volonté politique portée par un amour inconditionnel de la France.
Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne !
On aura tout essayé. Orchestres réduits pour respecter le mètre barrière, public masqué un siège sur deux, pièces abrégées sans entracte, concerts à 17 heures pour tenir le couvre-feu. Quand Monsieur Jean a interdit les spectacles, Madame Roselyne a trouvé l’astuce : « Certaines activités professionnelles peuvent continuer dès lors qu’il n’y a pas de public. » À la différence du confinement n° 1, le confinement n° 2 autorisait ainsi les tournages, les répétitions à huis clos, les enregistrements, tout ce qui se passe de public.
Alors on y est allé franco. L’Opéra de Paris, au point mort depuis un an, a enregistré l’intégralité du Ring : quinze heures de Wagner sur France Musique pour les adieux du chef Philippe Jordan, hop c’est dans la boîte. Tout le monde s’est mis à streamer en espérant que Madame Roselyne tiendrait la caisse à défaut de la barre. L’Opéra-Comique a aiguillé vers son site internet la tragédie de Rameau que les artistes répétaient depuis septembre. Au lieu de Donizetti, la Scala de Milan s’est fendue d’un gala All-Star avec incrustations 3D et garde-robe Armani. Les Forces musicales, regroupement d’une cinquantaine d’orchestres et de théâtres lyriques, nous ont fait « L’amour de loin », premier festival d’opéras, concerts et ballets en ligne 100 % made in France…
Quelquefois, on se marre : l’Opéra de Rennes nous a pomponné une joyeuse Dame blanche (le tube que brame Tintin ivre dans Le Crabe aux pinces d’or). Quelquefois moins : Lohengrin envoyé de Berlin sur Arte c’était, comment dire ? Arte. Dans tous les cas, on piaffe. On s’énerve. Ces salles vides, ce silence, cette absence ! Cet absentiel diraient nos technolâtres qui viennent d’inventer la notion de présence comme cas particulier, quasi trouble à l’ordre public.
Exception viennoise
Tous les cas sauf un : le traditionnel concert du Nouvel An à Vienne. Suite de polkas et de valses moitié kitsch moitié punch, instituée par les nazis en Quarante, mais jugée pacificatrice par les Alliés et maintenue sans pause depuis lors au même titre que la fête des mères ou le beaujolais nouveau. Évidemment, la cage dorée du Musikverein, vide elle aussi, fait un peu peur. Mais ce concert-là ne s’adresse qu’accessoirement au public local. Télévisé depuis 1958, il touche plus de 50 millions d’âmes dans une centaine de pays. Avec ou sans auditoire, ce 1er janvier 2021, qui aura senti la différence ?
Un seul hic : le bis. Après le programme officiel (famille Strauss et compatriotes), le chef dirige les premières mesures du Beau Danube bleu, que le public interrompt en applaudissant, l’orchestre s’arrête et crie « prosit Neujahr ! », « bonne année ! », le chef reprend alors son Danube, jusqu’au bout. Rituel immuable. Or là, pas de public, pas d’applaudissements, pas de tradition. Pas de tradition ? À Vienne ? Jamais vu ça. Le Philharmonique a donc trouvé la parade. Vendredi 1er à 11 h 15, si vous vouliez applaudir, vous vous inscriviez sur son site et allumiez votre smartphone ou votre ordinateur. « Les applaudissements à la fin de chaque moitié de concert retentiront en direct dans le Musikverein grâce à la sono et seront également audibles dans la retransmission TV. » Plus fort : « Ceux qui le souhaitent pourront envoyer une photo créative au préalable pour partager leur enthousiasme. Certaines photos seront diffusées pendant les applaudissements. » Prêts pour l’absentiel participatif généralisé ? Cinq, quatre, trois, deux, un… Bonne année !
La présence d’une porte-parole de Génération identitaire dans l’émission de Cyril Hanouna a indigné de nombreux téléspectateurs et la quasi-totalité des personnes présentes sur le plateau, certaines allant jusqu’à réclamer la dissolution du mouvement anti-immigration. Quand la jeune militante annonce que 52% des violeurs en Île-de-France sont étrangers, l’assistance bondit, alors que le chiffre est avéré. En revanche, dans son contre-argumentaire, Raquel Garrido a déformé les propos d’une autre étude…
Face à la jeune femme, point de jury populaire mais des figures médiatiques telles que l’écrivain Yann Moix, le chroniqueur Éric Naulleau, l’humoriste Yassine Belattar ou encore Benjamin Lucas (porte-parole du parti Génération.s).
Néo-nazis de montagne
À peine l’émission avait-elle débuté que Benjamin Lucas qualifiait les militants de Génération identitaire de « néo-nazis de montagne ». Éric Naulleau estimait pour sa part que « les zozos comme Génération identitaire, ça donne un jour des gens armés qui contestent le scrutin populaire. » Suscitant un silence gêné, Yacine Belattar ironisa: « J’étais en pyjama, on m’a dit il y a une ratonnade, je suis venu ». Enfin, Yann Moix, tout enorgueilli d’avoir « passé deux mois avec des migrants » traita la jeune femme de « fasciste » à deux reprises.
Parmi les saillies de la jeune femme qui ont fait bondir, une phrase prononcée après la page de pub: « le parquet de Paris a récemment démontré qu’il y avait 52% des individus jugés pour viol en Île-de-France qui étaient étrangers ».
Mais d’où vous sortez ces statistiques ?
Remous sur le plateau, écœurement convenu d’un Cyril Hanouna qui peine à apaiser ses estafiers. « C’est pas vrai, il y a pas de statistiques ethniques », objecte Yassine Belattar. « Mais d’où vous sortez ces statistiques ? », abonde le présentateur en fronçant les sourcils.
Cette statistique existe. C’est celle de l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales. Dans un rapport du 2 janvier 2016 portant sur les viols commis entre 2013 et 2014 à Paris, il est inscrit à la page 18 que « 52% des mis en cause pour viol commis sur majeur sont de nationalité étrangère ». Il y est aussi noté que « 31% des victimes sont de nationalité étrangère ». Aucun des censeurs de Thaïs d’Escufon n’a pensé à lui rétorquer cette dernière information. Comment leur en vouloir ? Ils n’ont pas forcément lu ce rapport.
Manque de diversité dans nos prisons
Seule Raquel Garrido, avocate et ancienne porte-parole de La France Insoumise ébauche un début d’argumentation pour contre-attaquer : « L’Observatoire national des prisons a bien montré que quand on est étranger, on a plus de chance d’être condamné par un tribunal à de la prison ferme que quand on n’est pas étranger. »
Arrêtons-nous brièvement sur cette dernière assertion. Cette thèse d’une plus grande sévérité de la justice envers les étrangers émane en réalité de Virginie Gautron, chercheuse et maître de conférences en droit pénal et sciences criminelles de l’Université de Nantes. Dans le cadre d’une interview par l’ONDP, elle dit que « la comparution immédiate aboutit à ce que des publics comme les étrangers et les SDF écopent de peines bien plus lourdes qu’une personne ayant commis les mêmes faits jugée dans le cadre d’une autre procédure », ce qui n’est pas exactement ce que soutient Garrido.Dans la même interview, la chercheuse ajoute que « d’autres variables liées à l’attitude du prévenu au cours de l’audience ressortent des observations […] Certains magistrats disent aussi : « Quand on voit arriver quelqu’un avec le nez rouge, la peau bouffie, on sait tout de suite qu’il y a un problème d’alcool. » » En d’autres termes, les amateurs de gros rouge auraient aussi plus de chance d’être mis sous les verrous.
Toute vérité est-elle bonne à dire? Il y a matière à débat. En l’occurrence, toute personne très à droite énonçant une vérité qui dérange semble mériter un torrent de boue. Qu’en disent les téléspectateurs ? À la question « faut-il obliger le gouvernement à dissoudre Génération identitaire », ils sont 68% à avoir répondu « non ». Et si le lynchage de Thaïs d’Escufon n’avait fait qu’affûter sa popularité ?
Image d'illustration Photo: Daniel Monteiro / Unsplash
Coronavirus, vaccinations, élections, identité de genre, souverainisme, écologisme, crise économique… si vous avez aimé 2020, vous allez adorer 2027.
Janvier 2027. Paris, quartier de Montparnasse.
Eden sort son smartphone et présente sa carte d’identité nationale numérique. A côté des traditionnelles lettres M (Masculin) et F (Féminin) figure la lettre N (Neutre). Et une mention obligatoire : « VACCINATION COVID », renvoyant à un QR code. Pour se faire vacciner en 2027, rien de plus simple : il suffit de télécharger l’application tou.te.s.vacciné.e.s.fr, où chacun peut choisir en un seul clic le vaccin de son choix, livré directement à domicile. La logistique des vaccins est assurée par Amazon, suite aux recommandations de McKinsey. Si les Français sont bons en rhétorique, les Américains le sont en logistique. Cette vaccination à la carte, nous la devons à Jérôme Salomon, promu ministre d’État à la tête d’un grand ministère de la vaccination. Presque toute la population française a été fichée et vaccinée (un rappel semestriel est obligatoire) à l’exception d’une certaine frange, marginalisée de fait car n’ayant pas les mêmes droits. Également réfractaires à la 7G, le président les a surnommés les « péquenauds », instaurant de fait la création du mouvement péquenaudiste.
Le vigile flashe le QR code d’Eden : «dernier rappel : 15 décembre 2026» et l’autorise à pénétrer dans la supérette Couche-Tôt. Le Québécois Couche-Tard a finalement pu racheter Carrefour mais a changé de nom (en raison du couvre-feu permanent à 18h). Eden change sa paire de gants (devenus obligatoires) depuis qu’il a été démontré que les Français ne savent pas se laver les mains. La jeune fille vient y acheter son déjeuner, les bars et restaurants ayant presque tous disparu. Six années de fermeture, c’est long. Les survivants ont été transformés en musées pour les générations futures.
Le passeport vaccinal, l’une des mesures phares du plan décennal du haut-commissariat au plan, devait permettre le retour au monde d’avant. Mais tout y est interdit. Tout, sauf les vaccins. L’emploi s’est raréfié, le télétravail ayant révélé un grand nombre de « bullshit jobs ». L’intelligence artificielle et la robotisation ont fait exploser le chômage, rendant inévitable la mise en place du revenu universel.
Eden s’installe sur un banc urbain végétalisé. A Paris, les arbres ont remplacé les voitures. Elle enlève son masque et sirote un soda, au risque d’avoir une amende. Depuis qu’Anne Souyris a succédé à Anne Hidalgo, il est interdit de manger, boire ou fumer dans les rues, car le port du masque est obligatoire. Eden regarde une famille de sangliers pénétrer dans une librairie désaffectée, déchirant et souillant les derniers livres oubliés par terre. A côté se trouve la brasserie La Rotonde, l’un des rares restaurants à ne pas avoir mis la clef sous la porte. Cela fait bientôt dix ans qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, réélu de justesse en 2022 face à Marine le Pen, avec une abstention record. Quelques jours avant le second tour, Emmanuel et Brigitte se sont fait vacciner en direct sur BFM TV. Après deux mandats, le président a indiqué qu’il ne se représentera pas. La rumeur dit qu’il prendrait la direction d’Uber Europe.
A l’approche d’un drone, Eden remet rapidement son masque, puis consulte les dernières brèves d’actualités.
Les derniers sondages pour l’élection présidentielle de 2027 révèlent la percée d’une liste souverainiste menée par le tandem Zemmour/Onfray, et talonnée de près par la liste de Michel Houellebecq, fédérant tous les dépressifs de France.
Jean Castex a démissionné de son poste de Premier ministre pour devenir l’égérie d’Alain Afflelou avec le slogan : « Qu’est-ce que j’ai fait de mes lunettes ? » Crise oblige, le lunetier offre cinq paires supplémentaires pour un euro.
Marlène Schiappa est nommée responsable de la division produits capillaires pour non-binaires chez L’Oréal, une entreprise jugée pionnière en matière de pluralisme et de diversité après avoir supprimé les mots « blanc » et « clair » de ses produits.
Olivier Véran rejoint la liste des ministres jugés non-essentiels après en être venu aux mains avec Didier Raoult lors d’une visite au CHU de Marseille. Le professeur avait déclaré que le plus dangereux des variants était le Véran.
Bernard Arnault inaugure une boutique Louis Vuitton au sein même de la cathédrale Notre Dame de Paris. François Pinault, quant à lui, va inaugurer un flagship Gucci dans la Basilique du Sacré Cœur. La désaffection pour la religion catholique, ainsi que l’entretien trop coûteux des églises pour l’État, rendait inévitable une reconversion de ces monuments visités en majorité par les touristes. Les marchands du temple (du luxe) ont repris le pouvoir. Par respect de l’environnement, une éolienne a été érigée en lieu et place de la flèche de Viollet-le-Duc.
Aux États-Unis, Donald Trump est élu face à Michelle Obama, qui a immédiatement parlé de fraude électorale (provoquant des émeutes raciales dans tout le pays) et tweetant qu’il fallait par tous les moyens sauver la démocratie en barrant la route à Donald Trump. L’intéressé ne put s’exprimer, son compte Twitter étant toujours fermé.
Un sommet international sur le climat a lieu à Cancún au Mexique. Il est présidé par Greta Thunberg qui a traversé l’Atlantique en chaloupe. La jeune Suédoise (qui figure déjà sur les timbres postaux depuis de nombreuses années) a été élue Première ministre de Suède grâce au slogan : « Save the planet, eat more insects ». A l’issue du sommet, il est décidé que les insectes remplaceront la viande. La France s’est empressée de faire adopter la mesure, réglant par là même la question épineuse du porc au menu des cantines scolaires.
Elon Musk, patron de Tesla, est devenu l’homme le plus riche de la galaxie depuis qu’il a établi une colonie sur Mars. Le prix d’un lopin de terre (où aucune trace de Covid n’est présente) atteint plusieurs centaines de milliers de bitcoins. A ce jour, seuls Jeff Bezos et Bill Gates y ont construit une villa.
Comparativement à Donald Trump, Joe Biden maîtrise avec aisance les rouages de la géopolitique. Son parcours politique à la présidence de la commission des Affaires étrangères du Sénat lui a en effet donné l’occasion de s’y intéresser de près.
Homme de compromis, multilatéraliste, désireux de renouer avec la stratégie de son ancien mentor Barack Obama, Joe Biden s’apprête donc à rompre avec l’héritage Trump. Un virage à 180 degrés pour les États-Unis?
Après Donald Trump, l’unilatéralisme et le patriotisme économique vont laisser la place à une nouvelle diplomatie. Nouvelle ? Pas exactement, car Joe Biden, c’est le couple Obama-Clinton de retour à la Maison-Blanche. Bien que les intérêts des États-Unis demeureront toujours dirigés vers l’Extrême-Orient et continueront donc de se détourner de l’Europe, ce que Barack Obama avait déjà enclenché avec le «pivot vers l’Est», de nombreux changements diplomatiques vont voir le jour. En réalité, c’est bien la tactique qui changera et pas réellement la stratégie.
Dans un tweet du 7 juillet 2020, Joe Biden déclare: « Je rétablirai notre leadership sur la scène internationale. » Si Donald Trump ne l’a pas forcément annihilé, il a, sans nul doute, considérablement restreint la face interventionniste des États-Unis. À l’égard de l’Europe, tout d’abord, Joe Biden souhaite renouer avec la politique menée par son ancien mentor. Sous Barack Obama, en effet, il avait promu l’élargissement de l’OTAN et un rapprochement conséquent avec l’Union européenne. Joe Biden souhaite donc recouvrir un rôle de premier plan dans une Europe divisée et désireuse de se bâtir une certaine autonomie stratégique. Ainsi, si le nouveau président sera plus complaisant à l’égard de l’Occident, retenons qu’il ne cèdera pas sur les dépenses du vieux continent à l’égard de l’OTAN. Une rengaine qui laisse penser à des nouvelles crises au sein de l’Alliance atlantique.
Les membres du Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur des pouvoirs publics parmi les musulmans, ont trouvé un accord et signé une «charte des principes». Elle affirme enfin l’égalité hommes-femmes et le droit de changer de religion. Mais des zones d’ombre dans le texte et la faiblesse de l’autorité du CFCM sur les fidèles ne sont pas sans laisser de nombreux problèmes irrésolus. Analyse.
Le simple fait que l’on ait envie d’applaudir parce que le CFCM s’est enfin décidé à adopter une charte par laquelle il s’engage à respecter certains principes fondamentaux de la République montre à quel point le mal est profond. Ce devrait être une évidence, un prérequis indispensable, on y voit une avancée majeure, et les signataires eux-mêmes évoquent « une page importante de l’histoire de France » pour qualifier le fait que l’islam ne se proclame plus au-dessus des lois.
Reste que les auteurs de cette charte ne sont pas responsables du passé. Alors oui, c’est une avancée. Oui, on devine que la tâche a été ardue. Oui, c’était une démarche nécessaire. Et on peut saluer l’action du gouvernement qui a voulu l’existence de ce document. Comme quoi, quelques mois de fermeté ont obtenu bien plus que des décennies d’accommodements et des milliards de subventions, et c’est sans doute la principale leçon à retirer de tout ceci. L’islam ne respecte la République que lorsqu’elle ose enfin se faire respecter.
Ceci posé, que dire de cette charte ? Elle souffre de deux péchés originels, qui malheureusement en limitent considérablement la portée malgré les bonnes intentions évidentes de ses principaux artisans. D’abord, elle veut rassembler au lieu de distinguer, d’où des formulations à l’ambiguïté dangereuse, et des compromis douteux que l’on devine entre les lignes. Ensuite, elle évite soigneusement tout regard critique sur l’islam pour se contenter de parler de ce qu’elle appelle l’usage fait de la religion, ce qui l’empêche de traiter les vrais problèmes. Je rejoins là totalement l’analyse de Razika Adnani, islamologue et membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France.
Les signataires prennent parti pour la France
Soulignons tout de même certains des principaux points forts de la charte : l’affirmation que « aucune conviction religieuse ne peut être invoquée pour se soustraire aux obligations des citoyens » ; le refus que « les lieux de culte servent à diffuser des discours politiques ou importent des conflits qui ont lieu dans d’autres parties du monde » ainsi que le rejet des « politiques étrangères hostiles à la France, notre pays, et à nos compatriotes Français » (on comprend que les sbires d’Erdogan n’aient pas signé !) ; enfin la déclaration que « les dénonciations d’un prétendu racisme d’État, comme toutes les postures victimaires, relèvent de la diffamation » et un paragraphe que je reproduis intégralement car il me semble fondamental : « Dans notre pays, visé trop souvent par des propagandes qui le dénigrent, des millions de croyants se rendent paisiblement à l’office religieux de leur choix et des millions d’autres s’abstiennent de le faire en toute liberté. Cette réalité qui nous semble normale n’est malheureusement pas celle de nombreuses sociétés du monde d’aujourd’hui. » Par ce crucial « malheureusement », les signataires sortent du simple constat et prennent parti pour la France contre le modèle historique du « monde musulman ». Il y a donc du bon dans ce texte, et même du très bon.
Hélas ! À côté de ces déclarations fortes et bienvenues, la charte peine à naviguer la distinction entre l’essence et l’usage. Ainsi dit-elle que « les valeurs islamiques et les principes de droit applicables dans la République sont parfaitement compatibles » : ce n’est pas faire injure à nos concitoyens musulmans que de constater que 14 siècles d’histoire ainsi que la lecture des injonctions coraniques démontrent le contraire, et que la démarche des musulmans humanistes n’en est que plus méritoire, puisqu’elle est non un confortable retour aux sources, mais une exigeante et radicale rupture.
De même, l’article 6 est remarquable par cette note de bas de page qui rejette toute promotion du « salafisme (wahhabisme) » – qu’en est-il du salafisme non wahhabite ? – du Tabligh et de « la pensée des Frères musulmans et des courants nationalistes qui s’y rattachent » – les oreilles du néo-sultan Erdogan ont dû siffler derechef – mais il parle encore « d’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques ». Double erreur : d’une part parce que l’islamisme n’est pas une instrumentalisation de la religion à des fins politiques, mais une instrumentalisation de la politique à des fins religieuses, d’autre part parce que l’islam est depuis son origine un projet de société total et donc entre autres politique. Le fiqh n’est pas un épiphénomène !
On peut comprendre que les rédacteurs de la charte aient choisi de ne pas se couper de l’islam tel qu’il existe partout ailleurs, en affirmant ne critiquer que des usages de la religion et non son essence. C’est néanmoins regrettable : dans les faits, certaines de leurs prises de position introduisent une distance critique courageuse vis-à-vis tant du texte coranique que de la tradition, notamment sunnite. Mais en ne l’assumant pas clairement, ils permettent des ambiguïtés potentiellement dangereuses. Par exemple, ils refusent toute promotion de « l’islam politique » (avec la fameuse liste wahhabisme, Tabligh, Frères Musulmans) mais affirment également que « toutes les écoles doctrinales de l’islam revêtent la même légitimité », y compris donc celles dont ils refusent de faire la promotion mais qu’ils ne vont manifestement pas jusqu’à condamner franchement.
Autre exemple frappant, et qui devra être rapidement clarifié : l’apostasie. Le droit de changer de religion est enfin reconnu, et les signataires s’engagent à ne pas criminaliser ni stigmatiser un renoncement à l’islam « ni à le qualifier « d’apostasie » (ridda) ». Un esprit chagrin dira que cela revient à s’engager à ne pas qualifier de pain un aliment obtenu par la cuisson d’une pâte mélangeant de la farine et de l’eau, pour dire que l’on autorise la consommation de cet aliment tout en continuant à interdire le pain. Sans aller jusque-là, il faudra tout de même préciser quelle est la différence entre l’apostasie (au sens du dictionnaire) et la ridda. Je crains, parce que cette argutie est fréquente dans nombre de pays musulmans, que dans l’esprit des signataires de la charte la nuance porte sur la « discrétion » du renoncement à l’islam. Ils insisteront alors pour que, par « respect », les apostats ne fassent pas la « publicité » de leur apostasie, ce qui veut dire soit ne la rendent pas publique, soit n’en fassent pas la promotion en exposant leurs motivations, soit les deux – positions évidemment inacceptables. J’espère me tromper, mais en tout cas il y a là une ambiguïté qu’il faut lever au plus vite.
Par ailleurs, cette question de la « publicité » de l’apostasie m’amène à la grande absente de la charte : la liberté d’expression, avec ses corollaires évidents que sont le droit de critiquer l’islam (et les religions en général) et le droit au blasphème. Bien sûr, il est écrit « nous acceptons tous les débats », mais sa propre charte va-t-elle obliger le CFCM à se débarrasser d’Abdallah Zekri, qui trouvait que Mila l’avait « bien cherché » ? Si la réponse est non, si la « charte des principes pour l’islam de France » permet de continuer à affirmer qu’une adolescente a « bien cherché » de voir sa vie menacée et d’être confrontée à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort parce qu’elle a blasphémé, alors cette charte n’est qu’une triste fumisterie.
On peut aussi se demander quel sera la portée concrète de ce texte. Une chose est sûre : il servira de cache-sexe à certains de ceux qui voudront affirmer que « cépaçalislam » et que les crimes commis au nom de l’islam et en conformité avec le Coran n’ont rien à voir avec l’islam. Mais encore ? Les manquements aux engagements pris doivent entraîner l’exclusion des « instances représentatives de l’islam de France » : avec quelles conséquences en termes de statut légal ? De subventions ? De droit de prêcher ?
Le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles
De plus, n’imaginons pas que la mentalité des fidèles va miraculeusement changer – mais ne le reprochons pas aux signataires de la charte. Les catholiques ne sont pas tous subitement devenus des militants no-borders sous prétexte que le Pape en est un, et il faut rappeler que contrairement au Vatican le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles. Et le silence assourdissant de la fameuse « majorité silencieuse » face aux crimes et aux ambitions des islamistes laisse craindre qu’elle soit plus sensible aux discours de ces derniers qu’à ceux de la frange républicaine du CFCM.
Et justement, l’opposition à cette charte n’a pas tardé à se faire entendre. « Dômes et Minarets » par exemple, qui qualifie Hassen Chalghoumi de « faux imam » parce qu’il exerce un jugement moral et critique sur certains passages du « noble Coran » (statut des femmes, mise à mort des polythéistes, etc), s’oppose explicitement à la charte et a organisé ces jours-ci un sondage « vous sentez-vous représenté par le CFCM ? », question à laquelle les internautes ont répondu « non » à 96%.
De cette opposition, les rédacteurs et les signataires de la charte ne sont pas responsables, mais ils le sont des zones d’ombre du texte. Face aux unes comme aux autres, la balle est désormais dans le camp du gouvernement. Puisse-t-il poursuivre ses efforts et se souvenir de cette leçon : face à l’hydre islamiste, seule la fermeté est efficace.
Le magazine sociologique Marie Claire interviouwe la chanteuse Aya Nakamura. Comme Rokhaya Diallo, elle est victime de “misogynoir”. Explications.
Marie Claire fut un magazine féminin léger, facile d’accès, récréatif. On pouvait le lire à table, sur la plage ou au lit. Il est maintenant une revue sociologique qui scrute les phénomènes permettant d’expliquer les mutations de la société française en matière de féminisme, de racisme, d’intersectionnalité et de langue. Les sujets sont graves et la rédaction du journal n’hésite pas à les aborder par le versant le plus intellectuellement abrupt. On le lit dans un fauteuil, et on prend des notes.
Rokhaya Diallo a pu y faire récemment la promotion de sa bande dessinée dénonçant le « sexisme pernicieux » en France. Elle-même se dit discriminée. La preuve : sur les plateaux de TV elle est parfois interrompue. Selon le magazine sociologique, elle est victime de “misogynoir”.
Le lendemain, la revue a interviouwé Aya Nakamura, la chanteuse à textes qui illumine les journées du député LREM Rémy Rebeyrotte qui la trouve « absolument remarquable » : « Elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue. Et ça, ce sont des choses extrêmement fortes. »
Avant que d’aller plus loin dans l’entretien qu’a donné cette possible future académicienne, nous nous devons de porter à la connaissance des lecteurs de Causeur le refrain de son tube Doudou qui a fait chavirer M. Reyberotte : « Mon chéri laisse, laisse-laisse tomber. Aime-moi, doudou Aime-moi, doudou. Montre-le moi, doudou, T’es mimi, dis-le moi, doudou. Prouve-le moi, doudou. Et ça, c’est quel comportement, doudou ? Tu me mens beaucoup. Ça, c’est quel comportement, doudou ? »
Une artiste qui bouscule les codes
Marie Claire a décelé dans le titre Djadja une réflexion sur « l’empowerment », ce que confirme Rhoda Tchokokam, critique “culturelle” qui a écrit un livre dans le but de « décoloniser la langue française »[tooltips content= »Le dérangeur : Petit lexique en voie de décolonisation, 2020″](1)[/tooltips] : « Elle est attachée à son identité et à ne pas la lisser. […] Elle ne veut pas changer son image pour plaire. Rien que ça, c’est inédit. » Ce qui est inédit aussi, c’est la prose extraite de Djadja : « Hello papi mais qué pasa? J’entends des bails atroces sur moi. À c’qui paraît, j’te cours après ? Mais ça va pas, mais t’es taré ouais. Mais comment ça le monde est tipeu? […] Oh Djadja. Y a pas moyen Djadja. J’suis pas ta catin Djadja, genre en Catchana baby tu dead ça. » Alors là, pour décoloniser la langue, ça décolonise. Ou ça colonise, tout dépend du point de vue. Enfin, comme l’écrit la journaliste de Marie Claire : « À sa manière, elle a bousculé les paysages médiatique et musical français. »
La chose est d’autant plus méritoire qu’Aya Nakamura est « une femme noire, à la peau foncée (sic), originaire de Seine-Saint-Denis… » et qu’elle est plus souvent critiquée depuis qu’elle est célèbre que du temps où elle était « une petite meuf d’Instagram avec six abonnés. » Comme c’est curieux !
Un concept inventé par Moya Bailey
Si elle est attaquée, ce n’est pas à cause des textes de ses chansons, mais parce qu’elle est une femme noire, écrit la journaliste du magazine sociologique : « C’est ce que l’on appelle la “misogynoir”, concept sociologique inventé par l’universitaire afro-américaine Moya Bailey, qui définit une forme de misogynie envers les femmes noires, où la race et le genre jouent un rôle concomitant. » Décidément, on en apprend tous les jours.
Il est certain qu’on ne voit pas ce qui pourrait être reproché d’autre à cette chanteuse. En tout cas pas ces textes envoûtants, à la métrique originale et stimulante, au sens poétiquement sibyllin, et qui montrent « la capacité de la langue à se réinventer sans arrêt et en même temps à continuer à porter ses accents et sa diversité », pour dire comme le député amouraché. Nous ne résistons pas à l’envie de citer une dernière fois cette artiste et à décourager ainsi, nous l’espérons, toutes les critiques des réactionnaires qui veulent voir la langue française figée dans des raideurs anciennes : « Blah blah blah d’la pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’side. Blah blah blah d’la pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’sas. Pookie, pook-pook-pookie. Ferme, ferme la porte, t’as la pookie dans l’side. Pookie, pookie, pookie. Ferme la porte, t’as la pookie dans l’sas. Ah, depuis longtemps, j’ai vu dans ça depuis longtemps. J’ai vu dans ça depuis longtemps, ah, ah, j’ai vu dans ça. »
Le vieux Paris n’est plus, la forme d’une ville / Change plus vite, hélas, que le cœur d’un mortel. Ainsi écrit Baudelaire dans Tableaux parisiens. En 1858, le poète ne reconnaît plus le Paris cher à son cœur que l’urbanisme d’Haussmann a transformé. Avec la destruction des vieux faubourgs, des immeubles cossus naissent le long des boulevards, éclairés la nuit, avec leurs trottoirs et leurs bancs, leurs arbres et des urinoirs. C’est à Haussmann qu’on doit des égouts sous terre, des espaces verts, des gares aux portes de la ville, la vie nocturne à la sortie des cafés. De ce Paris, nous bénéficions.
Paris aux mains des bobos
L’urbanisme parisien a toujours obéi à deux impératifs : l’hygiène et le logement. Dans les années 60, le fer remplace la pierre, la tour, le toit. Un mouvement de grande ampleur naît de l’urbanisme sur dalle, freiné, dans les années 70 et 80, par un retour à l’urbanisme haussmannien. À partir de 1974, les tours sont abandonnées. On réhabilite l’îlot ouvert. Notre-Dame du Travail et sa charpente originale de fer, (datant de 1902!) fait bon voisinage avec la rue des Thermopyles fleurant la glycine. L’élan vert se poursuit. Paris respire s’aère de squares, on plante des arbres. En 2000, Bertrand Delanoë veut relancer les tours: sans succès. La Petite Ceinture devient une promenade champêtre avec coquelicots et boutons d’or.
Madame Hidalgo, elle, voue Paris aux vélos, aux piétons et aux chantiers. La vague verte submerge tout. De là des rues rétrécies et des places encombrées, comme celle du Panthéon, jonchée de lattes de bois, de pierres brutes en guise de bancs, d’arbres prisonniers. En été on s’y vautre, on y apporte son manger, les canettes vides jonchent le sol. Impossible de dormir pour les riverains. La maire, en revanche, ne soutient pas l’inscription des toits de Paris au patrimoine mondial de l’UNESCO, supprime les kiosques à journaux à l’ancienne ainsi que les colonnes Morris et privilégie, à la saison, les arcs-en-ciel sur les passages piétons. Paris est aux mains des bobos qui font pousser de la ciboulette sur leurs terrasses.
Paris, ville morte
À Paris, plus qu’ailleurs, l’espace devient l’ennemi : un vide qu’il faut remplir. Les grilles du Luxembourg, encombrées de photos d’ours polaires et d’oiseaux aux plumes criardes ne laissent plus voir la beauté du jardin. Les stations Vélib brisent le ruban gris des rues. Des statues informes poussent partout, devant les monuments historiques, dans les squares, tandis que les Halles exhibent la nudité de sa Canopée et son Forum fleurant l’urine. Que sera la métropole du Grand Paris ?
Dans Le livre des passages, Walter Benjamin fait un bilan pessimiste du Paris haussmannien. « Orphelins de leur vocation humaine, » les passages ne sont plus que des lieux dédiés au commerce de luxe. Que dire à présent ? La très féminine Covid achève le cœur battant de Paris. Tout est désert. Les commerces font place aux agences immobilières. Paris passe aux mains d’émirs chinois tandis qu’un diktat sanitaire tient les Parisiens et les Parisiennes barricadés, chez eux, devant leurs écrans, bâillonnés, hystérisés par la peur de vivre et de mourir.
Haussmann avait redessiné Paris par hantise des barricades. Le virus nous fait la guerre ? Avec l’opération « Paris, ville morte » plus de danger. Profitant du confinement, les rats y prolifèrent joyeusement. Un énième Conseil de défense se tiendra mercredi. Le temps de préparer les Français à toute éventualité : port d’un masque à oxygène préventif, descentes dans les caves au déclenchement d’une sirène, provision de pâtes et de menthe fraîche. Un hashtag de résistance a été lancé sur Twitter : Je ne # meconfineraipas.
Cours accéléré d’histoire de France à l’intention d’un jeune citoyen musulman qui s’interroge sur son identité.
Mon cher Mohammed,
Tu es français et musulman.
Tu es né à la Castellane, une cité des quartiers nord de Marseille – comme Zidane. Tu as l’accent frotté d’ail et d’anis de Marcel Pagnol avec le phrasé d’un rappeur, tu adores Fonky Family et Jul – on dit : « Djoul », hein !
Tu es un supporter de l’OM, tu ne peux pas piffer les Parisiens – comme le Dr Raoult.
Tu as douze ans – et demi ?… tu fais beaucoup plus que ton âge. Tu es déjà ombrageux et fier, comme Mansour ibn Sarjoun alias Jean Damascène, un Père de l’Église – et Abou Nouwas, poète bachique et érotique, au Moyen Âge.
Des Arabes comme toi.
Sauf que ta mère née au bled est illettrée, ton père est au chômage, ton grand frère, dealer précoce, est en calèche aux Beaumettes. Ton cousin est mort en Syrie, aïe ! tu es sûr ?…
Et la France, tu la kiffes, la France ?
On ne va pas se mentir, pour toi, ce sera plus compliqué.
L’islam ? Parlons-en. Les odes ou les fatwas ? Les bibliothèques d’Al-Andalus ou les autodafés ? Les madrasas, le goût des sciences – la physique, l’astronomie, la médecine – ou l’obscurantisme ?
Est-ce si dur de choisir ?
Tu as lu le Coran ? Moi aussi.
Alors ?
La religion de l’amour, l’éloge de la beauté sous le sceau de l’Unique comme un miroir de Dieu, ou les sourates médinoises – abrogeantes, meurtrières, pétrifiées par le dogme ?
Puisque tu es français, je ne doute pas de ta réponse.
D’ailleurs l’islam dans ses ambivalences n’est ni un obstacle ni une solution, c’est une question – les Français adorent les questions.
Je ne sais pas qui tu es dans ton cœur, Mohammed, mais je sais ce que peut la France.
Un homme qui a observé ce pays au siècle dernier y a cueilli une vérité toute simple : « Depuis des siècles, la France oppose aux diversités qui l’assiègent et la pénètrent sa force d’assimilation. Elle transforme ce qu’elle reçoit. Les contrastes s’y atténuent ; les invasions s’y éteignent. » Il s’appelait Paul Vidal de La Blache, il est le père de l’école géographique française[tooltips content= »Tableau de la géographie de la France, Tallandier, 1979. Éloge du temps long et du melting-pot à la française. « Comment se raidir, poursuit Vidal, contre une force insensible qui nous rend de moins en moins étrangers les uns aux autres ? C’est un je ne sais quoi qui flotte au-dessus des différences. Il les compense et les combine en un tout ; et cependant ces variétés subsistent, elles sont vivantes. » Cette vision optimiste peut-elle encore être la nôtre ? Cette « force insensible », ce « je ne sais quoi qui flotte au-dessus des différences », qu’en est-il aujourd’hui ? C’est tout le débat. En 2007, selon une enquête de l’IFOP pour Le Figaro, 49 % des Français pensaient que l’immigration était « une chance pour la France » contre 37 % aujourd’hui. 78 % pensent que l’immigration doit être « choisie et non pas subie ». 58 % souhaitent l’instauration d’un « droit du sang », grrr ! (Alexandre Devecchio (dir.), La France face au défi de l’immigration, Le Figaro Enquêtes, 2020) »](1)[/tooltips].
N’en déplaise aux adeptes de la Grande Muraille – qui se dit en français la « Ligne Maginot » –, cette « force d’assimilation », ce charme d’alambic, qui nous a rendus plus forts hier et qui nous a un peu quittés aujourd’hui, c’est ça, la France, et c’est ça, les Français !
À leur corps défendant.
Comme si au fil des siècles la principale vertu de ces anciens paysans sédentaires et belliqueux, souvent vaincus, moins rebelles que subjugués par leurs envahisseurs, c’était ce mélange d’intolérance et de passivité devant l’étranger. Les enfants d’Astérix ont fini par se couper les cheveux et par ânonner en chœur rosa, rosae, rosam.
Après la conquête romaine, la France a été au ve siècle le cul-de-sac des invasions – on ne pouvait pas aller plus loin à cause de la mer ! Vandales, Sarmates, Alains, Gépides, Hérules, Saxons, Burgondes, Alamans… et tu me demandes d’où vient dans ce pays l’amour des belles étrangères !
Ce n’est pas de l’histoire, c’est de la géographie.
Qu’est-ce qu’un immigré ? Un Français en puissance – ce n’est qu’une question de temps. Oui, je sais, tout aujourd’hui semble contredire ce bel optimisme.
Et pour toi ce sera un combat.
Sache que ton ennemi, Mohammed, ce n’est pas la République, ce sont les fossoyeurs de la République – tous ceux qui s’autorisent à parler en son nom et qui ne t’aiment pas tout autant que les islamistes qui veulent l’abattre et qui ne t’aiment pas non plus.
Ne deviens pas leur proie.
Les uns se prétendent plus français que toi, les autres plus près d’Allah. Ne les écoute pas. Ce sont des escrocs de l’absolu – des menteurs. Rien n’est écrit de ton destin. C’est ton fils ou ton petit-fils peut-être qui enseigneront demain à leurs enfants à vivre et à penser sans crainte au sein de la République.
Qui es-tu, Mohammed ?
Un citoyen français parmi d’autres.
Seulement si tu le veux.
Alors s’il te plaît, arrête de nous bassiner avec tes douleurs, tes heures de prière, tes interdits alimentaires ou sexuels. On s’en fiche, c’est de l’intime, personne ne va inspecter ton âme ni surveiller tes nuits, ça ne nous regarde pas.
Sois souverain, prie et danse dans le secret de ton cœur.
Et rappelle-toi que le djihad, quand on est sérieux, c’est une aventure intérieure – un travail sur soi.
Pour commencer, parlons plutôt français, si tu veux bien.
L’arabe est une langue magnifique, mais en France la langue officielle depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts sous François Ier, c’est le français.
On ne va pas changer cela.
Souviens-toi de l’Algérien Kateb Yacine, ramasse les cailloux qu’on t’a jetés, oui c’est ça, la « langue du colonisateur », et fais-en des pierres précieuses, des chansons, des poèmes. Déchire ton costume de victime. Fends-toi d’une confession dédaigneuse en écrivant le dictionnaire de tes humiliations.
Si tu deviens célèbre, on se vantera de t’avoir accueilli à bras ouverts, on s’empressera de te réclamer comme Chopin, Picasso ou Marcel Cerdan qui sont devenus français parce que des Françaises les ont aimés.
Car, tu le sais mieux qu’un autre, la vie n’est pas douce, et personne ne te fera de cadeau. Tu chercheras un ami, un boulot, un logement ? Bon courage, wesh ! Certains jours tu te sentiras bien oublié et bien seul.
Quoi d’autre ?
Ton ennemi, ce n’est pas l’Histoire de France. La nation n’est qu’une assemblée de citoyens, hommes et femmes égaux devant la loi, et qui se sentent solidaires à défaut de se comprendre, unis malgré toutes leurs différences par un passé douteux et un avenir qu’ils rêvent en commun.
Une illusion, dis-tu !
Non, un objectif. Un idéal, défaillant comme tout idéal, et qui mérite qu’on se lève pour le défendre. De l’imaginaire et du symbolique, oh ça oui ! Mes ancêtres ne sont pas plus gaulois que les tiens, et cela n’a aucune importance.
Ton ennemi, ce n’est pas non plus le prof de ton collège qui te juge digne d’être instruit et capable de liberté.
Si dans sa classe, on prétend tout examiner, si on met en doute ce que tu as appris dès ton plus jeune âge en s’attaquant même à des valeurs chéries de tes ancêtres, n’en sois pas offensé.
Ton grand-père est sage, respecte-le, mais il n’a pas toujours raison. Toi non plus. L’imam non plus. Le prof non plus.
La « neutralité », c’est non pas l’abstention, mais une confrontation pesée et sereine. L’école est aussi ce lieu où, au-delà du b.a.-ba, et de deux et deux font quatre, on vérifie comment et jusqu’où le sacré résiste au sacrilège.
Avec Voltaire, Sartre ou Darwin.
Sans les savants arabes qui l’ont traduit du grec, on saurait à peine qui est Aristote – un mécréant oui, mais génial. Et Ibn Rushd (Averroès), ça ne te dit rien ? Hchouma ! La honte sur toi !
Ainsi quand ton maître oppose la science ou la raison à tes chères croyances, il te tend une arme que tu pourras utiliser à ton tour pour te défendre, sans rien abjurer de ce que tu es, ni de ce que tu crois.
En quoi est-ce un affront ? Remercie-le plutôt.
Surtout si tu n’es pas d’accord.
Apprends à t’insurger ou à te taire, mais à bon escient.
Entre nous, tu ferais mieux d’étudier comme ta grande sœur, Leila, qui s’en sort mieux que toi !
En France, la culture est un lien plus solide que la religion, la race ou le commerce. Les Français, on les connaît, toujours décevants, absolutistes, chauvins, épris de système, enracinés dans leurs abstractions mais, Dieu merci, réfractaires à l’ethnique – dialectes, tribus, races, sectes, idoles, pitié !
C’est pourquoi la seule communauté qui nous est permise, c’est la nation. L’Europe ? Arrête de m’embrouiller, ce n’est pas le sujet.
Ce qu’il t’enseigne, ce prof, c’est le pouvoir de l’esprit, c’est-à-dire la faculté de t’élever au-dessus des usages aveugles qui t’interdisent de penser par toi-même, et de tous les dogmes, sans pour autant les renier ou les mépriser.
Ton credo, ton héritage – foi, rites, traditions – resteront intacts, si tu le souhaites.
Cela s’appelle la liberté, qui n’est qu’à soi.
Tu n’en seras que plus capable de déceler les faux dévots et les voyous qui se cachent à chaque coin de rue.
Que te dire encore ?
En France, ce n’est pas Dieu qui écrit l’histoire, la République et le divin font chambre à part.
On reste laconique sur le ciel afin d’éviter sur terre toute controverse. Le détenteur ultime de la souveraineté, c’est Dieu, si tu veux, mais son dépositaire, c’est l’État. Cette tutelle monarchique qu’il exerce sur le religieux peut te sembler féroce, elle n’est pas négociable.
En Amérique, on ressent la nécessité de moraliser la démocratie par la religion. Les Français, c’est le contraire. On suspecte les dévots – même sincères, surtout sincères – de vouloir dominer les esprits et asservir les corps autant que sauver les âmes.
Tu veux des exemples ?…
Dès lors, la laïcité, ce n’est pas ce qui t’écrase ou ce qui te nie, c’est ce qui te protège et qui te rend libre.
C’est un bouclier.
Le pacte de protection que nous impose l’État républicain n’est pas discriminatoire en principe. S’il y a des abus, on a le devoir de les dénoncer car tu as les mêmes droits que les autres. Cela s’appelle : l’égalité.
Il y a de pires servitudes, crois-moi.
Tu me répondras que c’est devenu une arme utilisée par la France contre les musulmans. Le président de la Turquie, M. Erdogan – est-il un dictateur ou un nouveau calife ? – proclame que la France est islamophobe, ne tombe pas dans le panneau – c’est lui qui l’est et il se moque de toi, comme il se moque des Ouïghours persécutés par le gouvernement de Pékin ou des Rohingyas chassés de Birmanie !
L’islamophobie, Mohammed, c’est la laïcité trahie par des imbéciles, elle ne doit pas devenir une nouvelle religion brandie par des censeurs frénétiques acharnés contre l’islam ; ce n’est qu’un principe de précaution. Mais c’est notre loi : si tu ne l’acceptes pas, si cela t’opprime ou te blesse, mieux vaut vivre ailleurs car dans ce pays, tu seras forcément incompris et malheureux.
La France a été dévastée au xvie siècle par les guerres de religion entre catholiques et protestants. On ne reviendra pas en arrière.
Des milliers de musulmans français, tu le sais, se sont fait trouer la peau en 1914-1918 et en 1939-1945 au service de la France. Alors, oui, je te le dis, Mohammed, on peut être à la fois patriote et fidèle au Coran – ou à l’Évangile. Ne crois pas ceux qui te disent le contraire. À toi de leur prouver que l’identité française est nombreuse et que par définition quand on dit nous, c’est un pluriel.
Ce ne sera pas simple.
Car en devenant français, tu seras d’abord sourd, orphelin d’un royaume, avant de te sentir hélé de loin comme d’une autre rive.
On ne reçoit pas tous les mêmes cartes à la naissance mais il te revient à toi et à personne d’autre de jouer la partie qui est la tienne.
Ne te contente pas de vivre ta vie, essaye de l’imaginer.
Et sois toujours fier du prénom que t’ont donné tes parents.