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Défendre l’environnement en défendant l’agriculture: c’est possible!


Une tribune libre de Jean-Paul Garraud, député européen (RN)


« Nous ne sommes pas seulement d’une province, mais d’une région. Elle est une part de notre identité. » Fernand Braudel.

Les ruraux sont les protecteurs de l’environnement; gardiens et architectes de la nature. Ils sont malheureusement trop peu écoutés, trop peu consultés. Qu’ils soient agriculteurs, éleveurs, chasseurs ou randonneurs, tous savent comment protéger les espaces naturels lentement façonnés par la main de l’homme. Une politique environnementale digne de ce nom ne saurait donc se faire sans leur assentiment, sans leur pleine et entière coopération.

Dans la Gaule pré-romaine, où voisinaient Celtes, Aquitains et Germains au nord, les espaces forestiers étaient depuis longtemps gérés par les hommes. Passés maîtres dans l’art de l’agriculture, « nos ancêtres les Gaulois » utilisaient les attelages, la faux, le sarclage, ou encore l’amendement des cultures. Ils étaient si savants en la matière que leur surproduction céréalière eut tôt fait de susciter l’intérêt de leurs puissants voisins de la botte latine, désireux d’accaparer ces richesses agricoles qu’ils ont longtemps commercées, échangeant leur vin contre du blé.

La Gaule n’était pas du tout comme le laissent penser les images d’Epinal contemporaine, héritées de l’historiographie du dix-neuvième siècle. Les cultures avaient déjà remplacé les forêts. Les chemins et les routes permettaient le passage de convois commerciaux – dont Jules César sut faire bon usage -. Les Gaulois n’avaient donc rien de « bons sauvages »: ils avaient aménagé le territoire qu’on nomme aujourd’hui France. Un territoire qui est d’ailleurs, dans ces zones rurales, peu ou prou le même que celui que les Gaulois connaissaient. Nous n’avons rien inventé en la matière depuis, nous n’avons fait qu’améliorer cet héritage.

Il ne faut pas donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent (…) Qui a condamné le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros! 

Eleveurs, cultivateurs ou maraîchers, ont simplement remplacé les faucilles d’antan et les moissonneuses antiques par des tracteurs, moissonneuses batteuses et autres machines à ensemencer. Le progrès technique a permis une plus grande productivité, jusqu’à l’excès d’après-guerre et son agriculture productiviste, ses poulets en batterie et ses méga-exploitations de la Beauce. Des évolutions coupables que la nouvelle génération d’agriculteurs combat, avec lucidité mais sans manquer de discernement. Rompre avec des pratiques peu respectueuses de l’environnement et du consommateur ne signifie pas abandonner le progrès technique, la recherche en agronomie et le bon sens. La marche arrière ne permet pas d’aller de l’avant.

Comme l’a écrit Emmanuelle Ducros dans L’Opinion : « En l’état actuel des connaissances, cultiver sans pesticides d’aucune sorte -ni bio ni autres – se traduirait par la disparition de 30% des volumes produits ». Ce grand bond en arrière prôné par des idéologues, des partisans de la décroissance et de multiples ONG subventionnées, pourrait à terme entraîner des crises de subsistance, une baisse drastique de nos exportations et l’épuisement des paysans français qui ont su trouver un très juste équilibre entre le rendement agricole et la qualité de la production. Soyons fiers : nos produits sont les meilleurs du monde, notre alimentation l’une des plus saines.

L’agriculture de « nos grands-parents », nos grands-parents n’en auraient pas voulu s’ils avaient eu la possibilité de faire autrement. L’agribashing en cours, alimenté notamment par les partisans de la « végétalisation », souvent des vegans et des antispécistes camouflés, cache une volonté de retour au sauvage, c’est-à-dire à une nature qui se redévelopperait sans contrainte, sacralisée. Qu’on se le dise: cela n’a jamais existé depuis le Néolithique ! C’est une vision post-moderne, négatrice de la place de l’Homme dans le règne du vivant, une vision archaïque qui est porteuse du déclin. Les agriculteurs en bio n’en veulent pas, ni même tous ceux qui travaillent pour ressusciter des races à viande disparues ou des espèces un temps démodées.

Certains agriculteurs pratiquent l’agriculture raisonnée sans bénéficier du label bio, difficile à obtenir. Ils font pourtant de la qualité. Du reste, les agriculteurs syndiqués et non syndiqués sont d’accord pour dire qu’il ne faut pas opposer les façons différentes de travailler la terre. L’éleveur de porc noir de Bigorre ne peut pas nourrir toute la planète, mais il faut qu’il existe car il est le porte-étendard d’un merveilleux produit. Certaines cultures, certaines exploitations et certains agriculteurs s’épanouissent dans le bio et y trouvent un rendement idéal. D’autres ne peuvent pas se mettre au bio. Cessons de les opposer, cessons de les diviser : écoutons-les et réunissons-les.

Trois chantiers sont prioritaires pour aider notre agriculture et nos agriculteurs. D’abord, ne plus donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent. Cela affaiblit nos agriculteurs qui sont les premiers défenseurs de notre indispensable indépendance alimentaire. Qui a condamné, parmi la classe politique, le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary au début du mois de mars ? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros ! De la même manière, nous ne pouvons pas tolérer que des associations bloquent de grands projets essentiels. Il faut briser le mur administratif qui empêche les porteurs de projets d’agir concrètement, qui les démoralise.

Enfin, c’est là qu’est l’enjeu des futures élections régionales en matière agricole, il ne faut surtout pas laisser le deuxième pilier de la PAC être pris en otage par les idéologues décroissants, en opposant les structures et en finançant qu’une agriculture conforme à l’air du temps. Le fléchage des financements de la PAC est un enjeu majeur, de la responsabilité des exécutifs régionaux qui doivent permettre aux exploitations de se développer et de se diversifier. Les agriculteurs doivent vivre de leur travail !

Espace et histoire: ESPACE ET HISTOIRE

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Contes de faits: l’impasse des « souvenirs retrouvés »


Freud l’a appris de ses erreurs: les récits d’abus sexuels ne sont pas toujours la reconstitution du réel, mais l’expression de fantasmes. Cet acquis de la psychanalyse devrait nous mettre en garde contre les charlatans qui encouragent les dénonciations à base de souvenirs retrouvés. Trop de psys confondent processus judiciaire, fondé sur des faits et des preuves, et psychothérapie, seul cadre où une « libération » de la parole peut avoir un sens.


 L’affaire Franklin, ci-dessous brièvement rapportée, fut emblématique de l’épidémie des « souvenirs retrouvés » qui, dans l’Amérique des années 1980, conduisit à de multiples dénonciations et plaintes. Nous avons là une sorte de cas d’école indicatif, comme le fut l’affaire d’Outreau, des errements d’un univers judiciaire soumis au subjectivisme de discours sociaux extérieurs au droit. Une Justice qui dès lors, pour le pire, se met elle aussi à confondre la dimension du fait et celle du fantasme. Ce sont là deux affaires qui, dans notre conjoncture, devraient inciter à la mesure, à la prudence et pour le moins à un certain retour aux protections du droit, à la sagesse du droit. Qui n’est jamais très loin de « la sagesse du roman » (Kundera).

En 1969, « Susan Nason, âgée de huit ans disparaissait du domicile de ses parents. Trois mois plus tard, son corps était retrouvé dans des buissons en contrebas d’une route peu fréquentée. L’autopsie révéla qu’elle avait été battue à mort après avoir subi des sévices sexuels. L’enquête menée pendant plusieurs années ne permit d’identifier aucun suspect »[tooltips content= »L. Mayali et J. Samrad, « Entre l’expert et le juge : la science des souvenirs refoulés dans le droit américain », in Du pouvoir de diviser les mots et les choses (éd. Pierre Legendre), « Travaux du laboratoire européen pour l’étude de la filiation, vol. 2 », Maison des sciences de l’homme, 1998. »](1)[/tooltips]. Vingt ans plus tard, en 1989, une jeune femme de 28 ans, Eileen Franklin, retrouvant ce « souvenir refoulé » lors d’une psychanalyse combinée à de l’hypnose, accusa son père du meurtre de Susan, sa camarade d’école, auquel, dit-elle, elle avait assisté. Sur la base de ce seul témoignage, sans autres indices concordants, George Franklin fut arrêté, jugé et condamné à la prison à vie. Lors du procès, « les avocats de la défense se virent interdire par le juge de citer les journaux qui avaient donné, à l’époque du meurtre de la fillette, tous les détails dont Eileen Franklin affirmait personnellement se souvenir comme témoin direct. […] De plus, les membres du jury n’accordèrent aucune attention particulière aux inconsistances répétées et aux multiples variations de son témoignage. » La seule véracité supposée, confirmée par des experts psys, du « souvenir refoulé », justifia de la condamnation infligée. Et la cour suprême de Californie rejeta l’ultime pourvoi en cassation de G. Franklin en 1993.

©D.R.
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Cette façon de donner autorité à une expertise psy, au titre de « la véracité des souvenirs réprimés », la substituant à la recherche objective des preuves, provoqua toutefois le courroux de la cour fédérale qui, en 1995, octroya à Franklin « la protection de l’habeas corpus pour violation de ses droits protégés par la Constitution »… Le jugement fut annulé, et par la suite le ministère public renonça à poursuivre en l’absence de nouvelles preuves. « À l’occasion de la procédure d’habeas corpus, le juge fédéral J. Jensen souligna l’importance du processus judiciaire en observant que “les experts de la santé mentale ne peuvent jamais établir si ledit souvenir est vrai ou faux. Ceci doit être la fonction du procès.” »

Les auteurs de l’article évoquent le contexte culturel, épidémique, dans lequel survint cette affaire. « À la fin des années 1980, au moment de l’arrestation de George Franklin, les accusations et les enquêtes policières basées sur la soudaine réminiscence de souvenirs depuis longtemps oubliés ou refoulés n’ont rien d’exceptionnel. Pratiquement inconnues dix ans auparavant, les plaintes se sont très rapidement multipliées. […] L’essentiel de ces accusations dénonce des sévices sexuels subis pendant l’enfance, le plus souvent mais pas exclusivement dans le cadre de rapports incestueux. […] Poussé à l’extrême, ce mouvement prit rapidement, dans certains cas, la forme d’une croisade […] où les seules déclarations des jeunes victimes, réelles ou supposées, suffirent à incriminer les parents, traités comme des suspects potentiels. »

Des experts psys établirent la liste des symptômes susceptibles de signaler un passage à l’acte incestueux, allant jusqu’à répandre l’idée, véritable virus épidémique, que « si vous êtes incapables de vous souvenir d’aucune circonstance spécifique, mais si vous avez le sentiment d’avoir subi des sévices, c’est probablement parce que vous les avez subis ». Les mêmes imposèrent le présupposé d’une prétendue vertu libératoire en soi de la « parole des victimes », comme celui de la tout aussi prétendue vertu thérapeutique intrinsèque d’une dénonciation de ce type. Les « thérapeutes » ou pseudo-psychanalystes tenants de cette thèse ont ainsi instillé dans la société et la culture la croyance qu’un sujet, victime réelle ou pas d’un passage à l’acte incestueux, ne pourrait surmonter sa souffrance, se dégager de l’« hydre » de la culpabilité, qu’en intégrant dans le cours de son processus thérapeutique cette dénonciation, accompagnée ou pas d’un processus judiciaire.

Une régression de la psychanalyse

Élisabeth Levy s’étonnait qu’en la matière, « les psychanalystes abandonnent le terrain à des charlatans, en particulier à une charlatane qui se pique d’expliquer à des adultes désemparés que leurs échecs sont dus à des traumatismes d’enfance refoulés et de convaincre les victimes d’abus réels que leur vie est détruite ».

Si ce retrait peut tenir pour certains analystes au sage souci de ne pas se précipiter dans le champ de bataille, je crains qu’il soit surtout le signe de la montée en puissance, au sein même du mouvement psychanalytique, d’une psychanalyse empathique, maternalisée. Une psychanalyse qui pour se rendre compatible aux tendances culturelles du temps, a peu ou prou épousé, sinon usiné, les prédicats militants de la nouvelle normativité homosexualiste, justifiant de la déconstruction des digues du droit civil. Cette psychanalyse, limant « ses crocs à venin » (Freud), s’est enferrée dans cet effacement du complexe d’Œdipe déjà signalé par Lacan dans un entretien de 1958 donné à L’Express. De cette régression, masquée sous des sophistiques redoutables, comme celle si séduisante et flatteuse de l’anti-dogme, Ferenczi, disciple de Freud, est devenu pour beaucoup la figure tutélaire. Et Madame Roudinesco, toujours à la pointe du progrès, de s’enthousiasmer : « Ferenczi représente le cœur, l’émotion, la sensibilité, la pulsion de guérir permanente. Avec un affect très particulier pour la souffrance. C’est probablement le plus grand clinicien, au sens strict du mot clinique, c’est-à-dire qu’il a une passion pour ses patients. »

Selon ce courant, Freud, après avoir reconnu la séduction sexuelle réelle subie dans l’enfance comme cause du trauma, aurait fui cette découverte pour de très mauvaises raisons, en la reléguant dans le seul univers du fantasme et de la sexualité infantile. Il aurait voulu en fait se protéger, protéger le père incestueux, et avec lui l’ordre de la bourgeoisie viennoise et le patriarcat…

Les deux scènes du trauma

La distinction de ces deux scènes fut éclairée d’un jour nouveau par Freud lorsque, renonçant à expliquer les troubles hystériques par la seule réalité de la séduction par le père (ou substitut) évoquée par ses patientes, il découvrit que le refoulement pathogène de la sexualité infantile était la cause psychique nodale de la névrose et du trauma. Confronté à la permanence de récits et souvenirs de ce type, doutant d’une perversion aussi généralisée des pères, il saisit que ces scènes rapportées dans le cours de l’analyse par ses patientes, si elles ont pu parfois exister, peuvent être également le fruit d’une reconstruction fantasmatique, procédant d’un désir infantile inconscient mal sublimé. Prenant la mesure de cette réalité fantasmatique interne, l’éclairant du mythe de l’Œdipe, de ce qu’il en découvrait en lui comme en ses patients, il va alors ouvrir une tout autre voie pour se dégager du trauma. Celle qui consiste, via l’élaboration subjective qui accompagne la levée du refoulement œdipien dans le cours de la cure, à s’extraire de l’emprise de son propre fantasme de séduction, et de la culpabilité associée. Mais pour autant, comme le soulignaient Laplanche et Pontalis dans leur Vocabulaire de la psychanalyse« Freud n’a cessé, jusqu’à la fin de sa vie, de soutenir l’existence, la fréquence et la valeur pathogène des scènes de séduction effectivement vécues par les enfants. »

A lire aussi, du même auteur: Françoise Dolto, le procès posthume

A contrario, alimentant une croyance aux effets délétères multiples, les charlatans et autres manipulateurs sans rigueur des patients laissent accroire aux sujets concernés que leur souffrance, leur détresse subjective, leur sentiment de culpabilité tiennent au seul réel d’une séduction traumatique vécue, à la seule emprise externe du « monstre ». Ces patients reçoivent de ces psys sous-analysés des indulgences et des réassurances narcissiques, qui peuvent certes les rendre narcissiquement « innocents », mais leur barrent en vérité le chemin de l’élaboration de leur propre désir d’emprise, de domination…

Mais que le lecteur ici m’entende bien : rapporter le sujet, victime ou pas de passages à l’acte incestueux, au mouvement de son désir, ne vise en rien à l’en accuser ou à le placer en quoi que ce soit sur la même ligne de responsabilité que l’adulte abuseur. Renvoyer un sujet aux sources subjectives internes de l’angoisse de culpabilité qui l’accable a dans le champ de la clinique analytique pour seul objet de l’aider à se dégager de cette angoisse qui le fixe dans la scène du trauma. Un chemin analytique qui reste toutefois semé d’embûches, celle en particulier de passages à l’acte venant interrompre l’analyse, et cela d’autant que l’analyste, pour son économie propre, aura cédé aux sirènes de l’anti-œdipisme…

La construction imaginaire de la scène du trauma

Le fantasme incestueux, source de la colle imaginaire à la Mère constitutive de l’humain, s’il n’a pu suffisamment se métaboliser dans la traversée du drame œdipien, deviendra, avec sa composante de meurtre, l’origine de cette angoisse de culpabilité. Une angoisse tellement envahissante qu’il pourra dans certains cas chercher à s’en délivrer en projetant son propre désir inconscient dans le scénario d’une agression sexuelle externe, auquel il se mettra à croire. Et le pire est que quand l’agression sexuelle a eu lieu dans la réalité, un tel sujet peut s’en servir comme d’une défense et d’un refuge, recouvrant sa culpabilité subjective par la culpabilité, elle bien réelle, de l’abuseur. Une véritable clinique analytique consiste alors à faire en sorte que ce recouvrement n’empêche pas le sujet d’accéder à la reconnaissance, particulièrement entravée par le passage à l’acte de l’abuseur, de sa propre sexualité infantile refoulée, cause de son angoisse de culpabilité.

Les deux scènes du traitement

Si la psychanalyse ouvre donc un autre abord et traitement du trauma, renvoyant le sujet à sa responsabilité, à son désir, quels que soient les outrages réels qu’il a pu subir ou infliger par ailleurs, les vérités refoulées (jamais toute la vérité !) que le cours d’une cure permet de lever ne sauraient être assimilées, même si elles peuvent parfois la redoubler, à la dimension des abus sexuels, incestueux. Et quoique la passion justicière et le manichéisme moral ne veuillent rien en entendre, cette distinction dont le droit, au plan juridique du traitement des faits, et la psychanalyse, au plan non juridique du traitement du subjectif, sont chacun à leur manière comptables, dans le respect de leurs propres limites, demeure une clé d’une protection civilisée de tous les sujets, victimes comme coupables.

Le rôle de l’environnement

Une dernière remarque. Relever le facteur subjectif interne du trauma n’est pas mésestimer les facteurs externes. Tout vécu traumatique, qu’il soit noué à un passage à l’acte réel ou pas, a toujours à voir avec la façon dont, en raison d’un contexte parental symboliquement plus ou moins perverti, défaillant, le sujet s’est trouvé scotché à la représentation fantasmatique d’une scène primitive prédatrice, confusionnelle et/ou violente. Lacan y avait insisté : le sort psychologique d’un enfant dépend avant tout de la relation qu’entretiennent entre elles les figures parentales. La privation symbolique d’une représentation fondatrice non faussée, dans laquelle les figures Mère et Père valent comme des figures sexuées, tout à la fois distinctes et liées, demeure la causalité principale d’une souffrance traumatique, névrotique. Une souffrance dont on peut communément observer qu’elle pourra être plus intense pour un sujet n’ayant pas subi d’agression sexuelle, que pour un sujet qui, ayant été suffisamment structuré avant de subir un trauma réel, pourra mieux digérer celui-ci, s’en délivrer, sans en faire une rente.

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Qui sont les lanceurs d’alerte d’aujourd’hui?

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À la différence des États-Unis, les « lanceurs d’alerte » sont souvent vus en France comme des délateurs, sans doute à cause de l’histoire sombre de la collaboration. On leur reproche aussi d’être instrumentalisés à des fins politiques par les extrêmes. Entretien avec Pierre Farge qui publie Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur (JC Lattès, 2021)


En France, les lanceurs d’alerte sont souvent perçus en France comme des délateurs. Ailleurs, nombre d’entre eux ailleurs sont devenus des symboles de la liberté : Erin Brockovitch (connue aussi par le film éponyme de Soderbergh), Edward Snowden (dont l’histoire a été racontée par Oliver Stone), Li Wenliang, ce médecin chinois ayant fait part de ses inquiétudes quant à la propagation de la Covid-19, Hervé Falciani, ingénieur chez HSBC, dénonçant les évasions fiscales ou Julian Assange publiant des documents classés secret défense. Ils ont, chacun dans leur domaine, « alerté » sur des faits de corruption, sur de gigantesques fraudes fiscales, sur l’exploitation de nos données personnelles ou sur la mise en danger de notre santé.

Irène Frachon au tribunal le 29 mars 2021. Les laboratoires Servier ont été condamnés pour « tromperie aggravée » et « homicides involontaires » dans le cadre de l'affaire du Mediator © THOMAS COEX / AFP.
Irène Frachon au tribunal le 29 mars 2021. Les laboratoires Servier ont été condamnés pour « tromperie aggravée » et « homicides involontaires » dans le cadre de l’affaire du Mediator © THOMAS COEX / AFP.

Comme l’a fait la pneumologue française Irène Frachon qui a révélé les méfaits d’un médicament, le Médiator, en 2007. Hier, après 15 ans de combat, le tribunal judiciaire de Paris a reconnu le laboratoire Servier coupable  de tromperie aggravée, d’homicides et de blessures involontaires et l’a condamné à payer 2, 7 millions d’euros amende. Au même moment, un livre coup de poing, Le Lanceur d’Alerte n’est pas un délateur vient d’être publié sous la plume de Maître Pierre Farge. Il nous aide à réfléchir sur ces nouveaux parrèsiastes, ces diseurs de vérité des temps modernes. La fonction de lanceur d’alerte est ancienne, nous rappelle l’auteur. Elle est même à l’origine de la démocratie. Elle puise ses sources dans l’Antiquité grecque et romaine où elle était une obligation légale. Une obligation légale qui s’est ensuite professionnalisée sous ce que l’on connait aujourd’hui par le Ministère public, ou le Procureur de la République, cette autorité chargée de faire appliquer la loi, de défendre l’intérêt général, de représenter les intérêts de la société. Suite à un délitement, il réapparait au Moyen âge, sous Henri IV, avec la loi du qui tam[tooltips content= »Celui qui agit. »](1)[/tooltips] de 1318, permettant aux citoyens d’informer les autorités compétentes de toutes dérives portant atteinte aux biens du roi.

L’avocat nous rappelle aussi qu’au XVIe siècle surgit un grand lanceur d’alerte, Martin Luther, qui dénonça le Commerce des Indulgences[tooltips content= »Rachat des Indulgences : commerce instauré à son profit par la papauté, consistant à racheter ses péchés. »](2)[/tooltips] et fut à l’origine de la Réforme protestante.

 Maya Nahum. Que veulent les lanceurs d’alerte ? Agissent-ils, comme vous l’affirmez, dans l’intérêt général, expression essentielle dans votre livre, ou sont-ils animés par l’appât du gain, par la haine du pouvoir ou simplement par un désir de célébrité ?

Pierre Farge. Tout mon propos est de distinguer la personne soucieuse de l’intérêt général de celle qui calomnie, qui dénonce dans un intérêt personnel, renvoyant aux pires périodes de notre histoire contemporaine. Le vrai lanceur d’alerte sert la démocratie et doit être reconnu comme tel. Je prends dans mon livre l’exemple des Etats-Unis, où le whistleblower (l’équivalent de notre lanceur d’alerte) n’est pas considéré comme un délateur. On fait appel à lui pour signaler des fraudes fiscales colossales, et permettre des recouvrements sans précédent de fonds publics. Tout signalement d’utilité publique y est identifié, évalué, classé, par l’OWB[tooltips content= »Office of Market intelligence. »](3)[/tooltips], un organisme indépendant. A ce titre, le lanceur d’alerte est protégé et indemnisé grâce à des lois très claires, et qui fonctionnent. Cela dans le secteur privé bien sûr.

Il en va autrement dans le secteur public. C’est ce que j’appelle le paradoxe américain. Les textes laissent croire que le lanceur d’alerte est protégé, pourtant il peut être la première victime de son initiative. Snowden par exemple, informaticien de la NSA, a révélé pour la première fois aux yeux du monde l’exploitation que faisait l’Etat américain de nos données personnelles sur les réseaux sociaux. Sans lui, nous n’en saurions rien encore aujourd’hui. Et je précise qu’il n’a jamais révélé des informations regardant la sécurité de l’Etat comme le gouvernement de l’époque a essayé de le faire croire pour le décrédibiliser dans l’opinion. Malgré ces avancées, il n’a jamais pu prétendre à une quelconque protection, et se trouve encore réfugié en Russie à l’heure où je vous parle. C’est le côté ambiguë, hypocrite de la loi américaine : protéger le lanceur d’alerte quand cela rapporte des centaines de millions de dollars, mais lui refuser toute protection quand il dénonce une faute de l’Etat de lui-même.

Qu’en est-il de la France ? Vous écrivez que nous sommes en retard sur notre approche des lanceurs d’alerte, souvent vus comme des délateurs sans doute à cause de l’histoire sombre de la collaboration. Sans oublier aussi le fait qu’ils sont soutenus par certains extrêmes politiques.

En France, tous les lanceurs d’alerte ont été trainés dans la boue suite à leur alerte. L’exemple d’Irène Frachon est symptomatique. Après avoir dénoncé le Médiator, il lui aura fallu quinze ans pour que les victimes obtiennent gain de cause en justice, qu’elles soient indemnisées, et surtout que l’on reconnaisse publiquement grâce à une condamnation du laboratoire Servier qu’elle avait raison. Elle est aujourd’hui reconnue comme une héroïne. Tant mieux. Enfin.

Reste que les lanceurs d’alerte dans la santé ou dans l’environnement ont meilleure réputation que ceux dans la finance, considérés comme des balances, alors qu’ils permettent le recouvrement de fonds public sans précédent, des fonds qui ont échappé à l’impôt et permettent de financier nos réformes. Je pense à Stéphane Gibaud (UBS), Hervé Flaciani (HSBC) ou Antoine Deltour (Luxembourg Leaks).

Quant aux extrêmes politiques, je pense que les lanceurs d’alerte s’inscrivent dans le sens de l’histoire, qu’ils constituent un véritable sujet de société, et à ce titre peuvent être instrumentalisés à des fins populistes. Si cela peut amener l’opinion à s’y intéresser, et le législateur à s’en saisir, tant mieux. Tout le travail du parlement sera alors de rédiger un texte protecteur du lanceur d’alerte qui anticipe et pallie les dérives possibles de ceux qui se prétendent lanceurs d’alerte. Je ne suis donc pas du tout inquiet que les extrêmes se saisissent de ces questions. Un seul exemple. La France Insoumise était à l’origine d’une proposition de loi en janvier 2020. De façon remarquable, Les Républicains avaient plaidé pour une coproduction parlementaire, invitant tous les partis à s’élever au-delà de leur idéologie, et donc à protéger les lanceurs d’alerte dans l’intérêt général.

Des lois se sont succédé depuis 2000. Que pensez-vous de la loi Sapin 2, adoptée le 9 décembre 2016 ?

C’est une loi d’affichage. Comme toute loi d’affichage, elle apparait d’abord comme une avancée. Et effectivement, la loi Sapin 2 donne une définition du lanceur d’alerte. Il est désormais officiellement, formellement, institutionnellement, pour le première fois, protégé par la loi. Cependant, elle ne protège que théoriquement le lanceur d’alerte, au point d’en être même dangereuse ou contre-productive. Il est par exemple inconcevable que le lanceur d’alerte doive prévenir sa direction avant de lancer son alerte, selon une procédure en trois paliers absolument aberrante. Elle est aussi contre-productive dans la mesure où elle permet aux entreprises une alternative aux poursuites judiciaires par le mécanisme de la CJIP ; et donc, si l’on pousse le raisonnement, permette une impunité pénale de l’entreprise à l’origine de la fraude ! Faute de loi protectrice, ce sont donc les juges qui sont souvent venus au secours des lanceurs d’alerte, sanctionnant au cas par cas un licenciement abusif, ou autorisant des indemnités suite à une alerte lancée.

C’est pourquoi j’en appelle dans la dernière partie du livre à une réforme. Une réforme urgente qui pourrait prendre forme dans le cadre de l’obligation de transposition de la directive européenne que nous avons d’ici le mois de décembre 2021. C’est une opportunité formidable pour protéger les lanceurs d’alerte. La majorité des français sont favorables à leur protection, ce ne sont que des obstacles politiques auxquels nous faisons face. Pourquoi donc pas un référendum sur la question?

Guilhem Carayon, candidat à la présidence des Jeunes Républicains: « Il faut tout rebâtir »


Entretien avec Guilhem Carayon, favori de l’élection qui aura lieu les 12 et 14 avril. Le Tarnais vient d’être rejoint par le Parisien Théo Michel.


Causeur. Pourquoi êtes-vous candidat à la présidence nationale des Jeunes Républicains?

Guilhem Carayon. Je suis candidat à la présidence des Jeunes Républicains car je veux reconstruire un mouvement à la hauteur des enjeux de notre pays. Il faut tout rebâtir et redonner à la fois une espérance et une capacité d’action aux jeunes. Je suis accompagné par une équipe large et solide, destinée à rassembler les Jeunes Républicains. Notre président Christian Jacob nous a confié le défi de l’autonomie: nous le relevons. C’est pourquoi, la liste que je conduis est représentative de tous les territoires de France et incarne la diversité de nos sensibilités. Je ne suis pas le chef d’un clan : les jeunes, comme nos ainés, ont trop souffert de divisions ou de rivalités personnelles. Face à Emmanuel Macron, l’heure est évidemment au rassemblement de toutes nos forces. Les grandes victoires de la droite ont été rendues possibles grâce à la jeunesse, son enthousiasme et sa volonté forte de faire bouger les lignes. La campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy en est un bon exemple. Si les Jeunes Républicains font confiance à notre liste, nous mettrons toute mon énergie à la reconquête des territoires.

A lire aussi, Kevin Bossuet: Présidence des Jeunes LR: une élection à haute portée symbolique

Nouv’LR, est-ce que cela veut dire que le parti LR actuel ne convient pas aux jeunes militants?

Notre mouvement est en reconstruction. Notre rentrée à Port-Marly en septembre dernier a été encourageante. Nous étions 1000. Mais il ne faut pas se leurrer. On est très loin du niveau des Jeunes Populaires lorsque le mouvement comptait plusieurs dizaines de milliers de jeunes. Mon ambition est claire : refaire des Jeunes Républicains le premier mouvement politique de jeunes en France. Pour cela, trois axes guideront notre mandature : d’abord, le militantisme pour redonner aux jeunes les outils pour défendre nos idées sur le terrain. Notre mouvement doit également être force de propositions. Les Jeunes LR doivent être le réservoir d’idées des Républicains.

Dès le lendemain de notre élection, nous donnerons un mois à nos délégués régionaux pour faire remonter des propositions sur chacun des thèmes qui intéressent la jeunesse. Nous voulons aller vite. Dans le même temps, nous organiserons un échange sur ces thèmes avec les jeunes des Partis de droite en Europe. Enfin, la formation idéologique et militante. Nous travaillerons sur la création d’une école de formation des Jeunes Républicains, avec une structure pour chaque région. Cette école sera ouverte aux jeunes qui veulent prendre des responsabilités. C’est la condition pour former la relève de demain.

L’UNI va-t-elle vous manquer ? De quelles réalisations êtes-vous fier?

Je suis fier d’avoir été le responsable de l’UNI pendant deux ans pour l’université de La Sorbonne, bastion de la gauche depuis bien trop longtemps. Face à l’extrême gauche, nous avons remporté de nombreux succès électoraux. Avec mon équipe, nous n’avons cessé d’alerter sur les dangers des thèses décolonialistes qui infiltrent de plus en plus l’université. En prônant les ateliers en non-mixité raciale, les décolonialistes stigmatisent les communautés et attisent les haines inter-ethniques. Face au racialisme qui gagne du terrain à l’université, nous devons tous nous mobiliser.

Bellamy, Lisnard et Retailleau vous soutiennent. Faut-il en déduire que vous incarnez chez LR la ligne la plus dure?

Je récuse l’expression de « droite dure ». Ce que vous appelez « droite dure » est en réalité une droite ferme et déterminée. Pour ma part, je suis le candidat du rassemblement de toutes les sensibilités de notre famille politique. C’est ce qu’il nous faut pour rebâtir un mouvement jeune solide et dynamique. Ce n’est pas un hasard si notre liste a reçu le soutien de plus de 65% des Responsables départementaux jeunes. Je suis effectivement soutenu par François-Xavier Bellamy, David Lisnard, Bruno Retailleau mais également par Franck Louvrier, Frédéric Péchenard, Valérie Lacroute, Anne Sander ou encore le Premier Vice-Président de la région Ile-de-France Othman Nasrou.

Mettre en place un revenu universel n’est pas une idée à jeter, selon le député LR Aurélien Pradié. Êtes-vous sur la même ligne?

Ma première campagne politique était l’élection présidentielle de 2017. J’étais totalement défavorable à la proposition de Benoit Hamon de la mise en place d’un revenu universel. Je n’ai pas changé de position. À droite, nous sommes attachés au travail, condition de l’émancipation individuelle. On connait les effets dévastateurs sur le plan humain de l’absence de travail. Dans un parti comme le nôtre où la liberté d’opinion prime, il est naturel qu’aucune idée ne soit rejetée d’avance, mais elle doit être évidemment examinée, débattue puis tranchée. Ce que je sens et ce que je sais de notre jeunesse, c’est qu’elle veut une formation pour acquérir un métier et non pas des revenus sans formation ni travail. Nous voulons une reconnaissance à proportion de nos efforts et de nos mérites. C’est quand même simple non ?

Présidence des Jeunes LR: une élection à haute portée symbolique

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Guilhem Carayon et Sébastien Canovas se disputeront les suffrages des militants dans deux semaines


Les 12 et 14 avril prochains, les Jeunes Républicains vont devoir se choisir un nouveau leader. Deux candidats sont en lice : Guilhem Carayon et Sébastien Canovas. La campagne qui avait débuté de manière doucereuse et respectueuse a connu ce mercredi 24 mars un véritable rebondissement. En effet, alors que Théo Michel, conseiller LR du 17e arrondissement de Paris et responsable adjoint des Jeunes LR de Paris, devait mener sa propre liste, il a finalement décidé de rejoindre Guilhem Carayon.

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Ce revirement qui s’explique d’abord et avant tout par la volonté de gagner en robustesse face à la liste portée par Sébastien Canovas qui est officieusement celle soutenue par une partie de la direction de LR, et notamment par Aurélien Pradié, n’est finalement pas très étonnant. En effet, même si Guilhem Carayon et Théo Michel n’appartiennent pas tout à fait à la même droite, ils se connaissent très bien et partagent un socle de valeurs communes tout en ayant pour ambition de transformer les Jeunes Républicains en un mouvement structuré autour d’une vraie colonne vertébrale idéologique.

Carayon soutenu par Aubert, Bellamy, Boyer et Retailleau

Très proche de Julien Aubert, député LR du Vaucluse, Guilhem Carayon, responsable des Jeunes LR du Tarn, est un digne représentant de cette droite des territoires qui n’a pas troqué les valeurs du gaullisme social sur l’autel des petites accointances idéologiques avec la gauche et l’extrême gauche. Soutenu par Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée et président du groupe LR au Sénat ou encore par Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, il souhaite transformer les Jeunes Républicains pour en faire une structure militante active et efficace au service du parti. Valoriser les territoires français en créant une école de formation des Jeunes LR décentralisée pour permettre à chaque région de disposer de son centre de formation est au cœur de son projet. 

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Très proche des idées de François-Xavier Bellamy avec lequel il entretient des liens privilégiés et qui le soutient, Guilhem Carayon, qui est allergique à cette dictature du politiquement correct imposée par la gauche, n’hésite pas à réaffirmer régulièrement l’identité judéo-chrétienne de la France tout en faisant de la lutte contre les communautarismes et l’islamisme un vrai cheval de bataille. Profondément attaché à la nation française, à sa souveraineté et à la grandeur de la France, il défend ardemment une certaine idée de l’État et du régalien. Pour lui, une droite qui renonce, c’est une droite qui trahit ses électeurs et qui n’est pas digne de se revendiquer de l’héritage gaulliste. Il est incontestablement de ceux pour qui la reconquête à droite doit passer par une certaine intransigeance vis-à-vis des idées de la gauche qu’il faut combattre par-dessus tout. Ancien responsable de l’UNI à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Guilhem Carayon est un militant de terrain qui a fait de la lutte contre l’égalitarisme, le nivellement par le bas et les thèses indigénistes et racialistes un combat quotidien. Pour lui, c’est clair, tant que la droite continuera à faire le jeu de la gauche et du macronisme déliquescent, elle ne réussira jamais à se relever de la léthargie au sein de laquelle elle s’est engouffrée. Réveiller les consciences et ramener au sein de son parti les âmes perdues dans le droit chemin fait incontestablement partie des objectifs qu’il s’est fixés.

Théo Michel: « notre République est certes laïque mais la France est chrétienne »

Théo Michel, quant à lui, qui a connu une ascension politique fulgurante dans le 17e arrondissement de Paris, incarne davantage cette droite orléaniste qui a fait du libéralisme économique la pierre angulaire de son idéologie. Fiscaliste chez Deloitte et se présentant volontiers comme un homme qui ne doit sa réussite qu’à lui-même, il partage avec Guilhem Carayon des valeurs patriotiques et un amour immodéré pour la culture française. Pour lui, cela ne fait aucun doute, « notre République est certes laïque mais la France est chrétienne. » C’est pour cela que d’après lui, il apparaît essentiel d’en finir avec une immigration non choisie tout en renouant avec l’assimilation républicaine, seul instrument capable de lutter efficacement contre la montée de l’islamisme. Se trouvant à la troisième place sur la liste de Guilhem Carayon derrière Charlotte Vaillot, fille de Valérie Lacroute (ancienne députée LR de Seine-et-Marne et maire de Nemours), il est notamment soutenu par Frédéric Péchenard, vice-président LR du Conseil régional d’Île-de-France chargé de la Sécurité et Conseiller de Paris, ainsi que Brigitte Kuster, ancien maire du 17e arrondissement de Paris et députée LR de la 4ème circonscription de Paris. 

Ce duo de choc qui rassemble des soutiens qui proviennent des différents courants de la droite républicaine, des sarkozistes aux fillonistes en passant par les gaullistes sociaux, détonne par son dynamisme, sa capacité à élever le débat public et sa volonté de changer vraiment les choses. Il constitue assurément un espoir chez beaucoup de jeunes LR qui en ont marre d’appartenir à un mouvement qui, depuis plusieurs années, brille par son immobilisme. 

Sébastien Canovas, un candidat (trop) consensuel

En face de la liste menée par Guilhem Carayon, Charlotte Vaillot et Théo Michel, on trouve une liste concurrente ayant à sa tête Sébastien Canovas, reponsable des Jeunes Républicains de Haute-Garonne. Inconnu aux bataillons à part au sein de la jeunesse toulousaine notamment pour sa nonchalance, il semble avoir du mal à prendre ses marques. Soutenu par Constance Le Grip, députée LR des Hauts-de-Seine, Virginie Duby-Muller, députée LR de Haute-Savoie et Vice-Présidente des Républicains ou encore Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses qui a quitté LR par « cohérence » et « sincérité » avec « les idées et les valeurs » qu’il défend, il souhaite en finir avec les querelles internes et les guerres d’égos. Entouré par Amanda Guénard, responsable des Jeunes LR de Maine-et-Loire, Valentin Rouffiac, responsable des Jeunes LR de Paris, et Livia Graziani-Sanciu, responsable des Jeunes LR de Haute-Corse, il se perçoit en porte-voix de la diversité des territoires et des différents courants idéologiques de la droite républicaine. 

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Souhaitant transformer les Jeunes Républicains en une « pépinière de jeunes talents », Sébastien Canovas ambitionne d’encourager l’émergence d’une nouvelle génération de cadres et d’élus à l’image d’Hugo Huet, conseiller municipal délégué d’Asnières-sur-Seine, de Rémi Capeau, conseiller municipal d’Aix-en-Provence ou encore de Raphaël Labreuil, conseiller municipal de Chelles. Malheureusement, en ne voulant pas trancher et en se réfugiant derrière l’envie de rassembler le plus grand nombre pour mieux dissimuler la mollesse idéologique que sa liste incarne, Sébastien Canovas n’apparaît pas comme un homme ayant la stature suffisante pour mener à bien un projet qui le dépasse. Il faut dire qu’il a été choisi d’abord et avant tout pour être un gage de neutralité et d’aseptisation mollassonne pour mieux court-circuiter Guilhem Carayon et Théo Michel. C’était la volonté d’Aurélien Pradié et le moins que l’on puisse dire est que son souhait a été exaucé ! 


Alors, que vont finalement décider les Jeunes Républicains ? Vont-ils opter pour la liste de Sébastien Canovas, c’est-à-dire la liste du compromis et du gloubi-boulga idéologique ou bien choisir une vraie orientation politique en faisant le choix de Guilhem Carayon et de Théo Michel ?

L’enjeu est certes modeste étant donné le faible poids des Jeunes LR au sein du mouvement, mais cette élection pourrait aussi permettre aux jeunes de la droite républicaine d’impulser une dynamique politique et idéologique et de redevenir un tantinet audibles et légitimes sur la scène politique nationale. Ne pas choisir, c’est ne pas cliver mais c’est aussi renoncer. Il serait dommage que ce dont souffre aujourd’hui les Républicains aille jusqu’à contaminer les plus jeunes de leurs adhérents qui seraient bien inspirés de se démarquer de leurs ainés en misant sur leur énergie, leur fougue et leur volonté de tout révolutionner.

Strasbourg: la fausse bonne idée de la fin du Régime concordataire


Suite à l’affaire de la mosquée Eyyub Sultan à Strasbourg, certains – surtout à gauche – se sont empressés d’exiger la fin du Concordat d’Alsace-Moselle, parfois avec les meilleures intentions du monde. C’est pourtant une fausse bonne idée, qui repose sur l’illusion dangereuse qu’il faudrait traiter toutes les religions de la même façon.


Céline Pina a clairement décrit la situation strasbourgeoise, et le soutien financier colossal que la mairie EELV a décidé d’octroyer à une association islamiste pour bâtir ce qui doit être le double symbole de la conquête progressive de l’Europe par l’islam, et de l’impérialisme turc. Je n’y reviens donc pas.

Ce qui m’intéresse ici, c’est d’analyser les réactions qui partent de ce constat pour demander la fin du Concordat, régime juridique spécifique à l’Alsace-Moselle et dérogatoire de la loi de 1905 relative à la séparation des églises et de l’État.

Un compromis historique pour les anciens sujets du Kaiser

Pour mémoire, ce Concordat est le fruit de circonstances historiques particulières. En 1905,  l’Alsace et la Moselle étaient allemandes : le Reichsland Elsaß-Lothringen. Contrairement à ce que pourraient laisser croire les dessins charmants mais militants de l’Oncle Hansi, la reconquête par la France à l’issue de la première guerre mondiale ne se déroula pas sans heurts : il fallut faire des compromis et des concessions pour que les anciens sujets du Kaiser adoptent (plus ou moins volontiers) leur nouvelle identité de citoyens de la République. Conformément à une promesse du Général Joffre puis du Président Poincarré, l’Alsace-Moselle concerva donc un régime des cultes qui lui est propre, à savoir celui du concordat napoléonien complété par quelques lois allemandes prises pendant la période 1871-1918.

Outre divers particularismes juridiques ouverts à tous (par exemple une version locale du droit d’association, la loi de 1901 ne s’appliquant pas), le Concordat stricto-sensus concerne spécifiquement quatre cultes : catholique, luthérien, réformé, et israélite. Contrairement à ce que l’on imagine parfois, ni les autres églises protestantes (évangéliques, mennonites….) ni les églises orthodoxes (russe, roumaine, grecque….) n’en bénéficient.

L’islam ne fait pas partie des religions concordataires

On peut évidemment critiquer le Concordat pour de nombreuses et légitimes raisons, à condition qu’elles soient cohérentes. Notamment, l’argument naturel selon lequel la loi doit s’appliquer de la même manière sur tout le territoire national devra-t-il intégrer les Outre-Mers et leurs particularismes dans sa réflexion. On peut aussi aspirer à une évolution de ce système : ainsi, à titre personnel je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’il soit étendu par exemple au bouddhisme ou aux églises orthodoxes, parfaitement assimilées, ou encore aux associations de libres-penseurs.

Mais partir du cas précis de la compromission d’une municipalité EELV vis-à-vis de l’islamisme pour attaquer le Concordat n’a pas de sens, et voici pourquoi.

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D’abord, il est faux de croire que le régime juridique concordataire serait nécessaire au clientélisme. Les cas sont hélas nombreux qui montrent que des municipalités de tous les bords ou presque trouvent des moyens légaux pour courtiser le communautarisme en général, et la communauté musulmane en particulier. Trappes, par exemple, n’est pas sous régime concordataire, et pourtant la situation y est pire que dans n’importe quelle commune d’Alsace-Moselle. Et l’on pourrait parler de Bobigny, de Grenoble, de Rennes, et j’en passe.

Ensuite, il faut rappeler que l’islam ne fait pas partie des religions concordataires. Il serait pour le moins paradoxal de priver d’avantages concédés depuis longtemps des cultes respectueux des lois françaises, sous prétexte qu’un culte qui n’est pas l’un d’entre eux ne respecte pas ces mêmes lois ! C’est un peu comme si l’on prétendait lutter contre l’insécurité routière en retirant leur permis de conduire à des conducteurs respectueux du code de la route, sous prétexte qu’un chauffard roulant sans permis n’a pas respecté ce code… Certes, le régime juridique d’Alsace-Moselle offre des facilités à tous les cultes, quels qu’ils soient. Mais là encore : les en priver tous alors qu’il n’y en a qu’un seul qui pose problème serait à la fois injuste et dangereux.

Il serait malvenu d’ajouter de nouvelles tensions

Injuste d’abord : je l’ai dit, la situation des cultes respectueux des lois est une véritable question, et il ne serait pas choquant que les bouddhistes, les orthodoxes ou les athées militants se plaignent d’être privés des avantages reconnus aux catholiques, aux luthériens ou aux juifs. En revanche, nul ne peut sérieusement nier qu’aujourd’hui l’islam pose, en France comme partout sur la planète, des problèmes que ne pose aucune autre religion. Entre les attentats, les pressions mondiales contre la liberté d’expression, et la négation quasi-systématique de la liberté de conscience là où les communautés musulmanes disposent d’une influence suffisante pour imposer leur volonté, la liste est aussi longue que sinistre, et il serait pour le moins paradoxal qu’elle soit sans conséquences.

Bien sûr, le militantisme anti-occidental acharné du Pape François comme l’obscurantisme de beaucoup d’évangéliques américains, ou de certains juifs ultra-orthodoxes, nous rappelle que la vigilance est toujours nécessaire, mais enfin ! Même ces évidentes dérives restent insignifiantes en comparaison de tout ce qui est imputable à l’islam – et pas seulement à l’islamisme.

Bien sûr aussi, certains ne manqueront pas de hurler à la discrimination – à tort. Que la loi soit la même pour tous n’implique absolument pas qu’il faille traiter de la même manière ceux qui la violent et ceux qui la respectent. Un culte qui promeut comme référence normative suprême un corpus de règles encourageant l’esclavage sexuel des prisonnières de guerre et la mise à mort des apostats ne saurait prétendre être traité comme une communauté religieuse « normale ».

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Dangereux ensuite : victimes d’une injustice manifeste, les cultes aujourd’hui concordataires ne seraient-ils pas poussés dans les bras d’un « front des religions » unies contre les « laïcards » ? Front évidemment et inévitablement instrumentalisé par les pires fanatiques pour attaquer une laïcité qu’il deviendrait facile de présenter (à tort) comme l’instrument d’un « athéisme d’état » ne disant pas son nom.

Restreignant tous les cultes à cause des dérives d’un seul, la loi sur les « principes républicains » a d’ores et déjà attisé des tensions inutiles. Certaines des absurdités de la gestion de la pandémie de Covid-19 ont fait de même. Il serait malvenu d’en rajouter encore, en menaçant des religions qui n’ont aucun rapport avec la soif de conquête des islamistes, ni avec l’impérialisme turc, et encore moins avec les délires et les compromissions de plus en plus manifestes d’EELV.

Au service d’un idéal plus grand

Plus encore : il serait malvenu de menacer des religions dont les clergés et les fidèles pourraient être des alliés précieux de l’idéal laïque d’émancipation et de dignité, contre les ambitions théocratiques séculaires de l’islam, contre l’influence du néo-sultan, contre l’entreprise de destruction de notre civilisation à laquelle se livre l’extrême-gauche, y compris dans sa forme soi-disant « écologiste », mais aussi contre la marchandisation du monde et de l’Homme aux mains impitoyables des seigneurs de la guerre économique.

Ni le Concordat ni la loi de 1905 ne sauraient être considérés comme des fins en soi. Ce ne sont que des moyens au service d’un idéal plus grand, idéal que partagent les vrais républicains et les courants humanistes de certaines religions – dont celles qui bénéficient aujourd’hui du Concordat. Et il est grand temps que tous ceux qui partagent cet idéal, croyants ou incroyants, s’unissent contre leurs ennemis communs au lieu de se tirer dans les pattes pour des prétextes totalement futiles au regard des vrais enjeux.

Un courrier de soutien à Didier Lemaire

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Parmi les nombreux messages de soutiens reçus par Didier Lemaire, celui-ci, envoyé par Rachid B., 62 ans, l’a particulièrement ému. Causeur le publie tel quel ce matin.


Cher Monsieur,

C’est un fils d’immigrés algériens et musulmans qui tient à vous témoigner sa sympathie après le tourbillon de malentendus, mais surtout la haine et les mauvais procédés dont vous avez été et continuez d’être la cible.

Je vous prie d’accepter l’expression de ma solidarité envers votre personne et votre métier si noble de professeur.

Relire Paul Yonnet

Je suis déjà un vieux monsieur (62 ans), un « chibani », et je partage entièrement non pas votre pessimisme, mais votre constat : la France ni l’Europe ne vivent plus dans la continuité historique de leur culture et de leur civilisation. La cause est entendue, comme l’a prophétisé Spengler il y a déjà un siècle. J’étais pourtant jusqu’à il y a quelques années encore lesté d’un vague espoir de sursaut. En 1993, le sociologue Paul Yonnet essuyait une vague d’hostilité de la part des journalistes bien-pensants dont beaucoup sévissent encore aujourd’hui, après la publication de son Voyage au centre du malaise français. Il faut relire ce qu’en disaient alors les Joffrin, Szafran, Ferry, Jean-Paul Enthoven, Robert Maggiori, Colombani, Françoise Giroud, Gérard Leclerc, etc. 

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Pour y répondre, il écrivait dans Le Débat : « Les choses sont ce qu’elles sont. Je n’écris pas dans la collection Harlequin, ni pour la Bibliothèque rose. Ce livre est un livre sur la mort et sur l’angoisse. De la première à la dernière page, il parle de la mort, de la dilution. Non pas de la mort individuelle, mais de quelque chose de bien pire, de ce qui rend supportable la mort des individus parce qu’elle lui donne un sens, la certitude d’avoir été un maillon de la continuité collective, ce sentiment de sécurité identitaire minimal et proprement humain qui autorise à œuvrer sans développer d’insupportables angoisses sur l’avenir du groupe. » C’était en 1993.

Un mode de vie étranger qui s’impose

On a prétendu vous faire dire que la ville de Trappes serait en quelque sorte « à feu et à sang ». Je suis bien placé pour savoir, comme « musulman d’apparence » vivant dans une HLM parisienne islamisée, que la violence physique n’est pas nécessaire pour imposer un mode de vie et une culture totalement étrangère à la tradition française. Il y a à peine une semaine, tenant un chien en laisse devant l’ascenseur, mon voisin, père de famille tunisien qui se rend tous les jours à la Grande Mosquée toute proche, fort sympathique au demeurant, m’a supplié de ne pas l’approcher : « Si votre chien me frôle, je vais être obligé de refaire mes ablutions », m’a-t-il dit. 

Je vis en rasant les murs, supportant les insultes de gamins qui me surprennent avec une cigarette en période ramadan, me traitent de kouffar parce que je vis seul, etc. 

A lire ensuite, Martin Pimentel: A Trappes nigaud

Il faut aussi supporter la transformation du paysage en plein Paris : femmes enfoulardées, hommes barbus en kamis, etc. 

La « bande-son » aussi faite de dialectes exotiques auxquels on ne peut s’habituer lorsqu’on est amoureux d’une certaine langue qui constitue la vraie patrie. Il faut finir sa vie en exil.

Croyez bien, s’il vous plaît Monsieur, à mon entier soutien et à ma toute cordiale sympathie.

Rachid B.

Île de la Cité/marché aux fleurs: il faut craindre le pire


Villedeparisme. Après avoir entériné la fermeture du marché aux oiseaux, le conseil de Paris poursuit la « réhabilitation » du marché aux fleurs. Ce mot laisse présager une restructuration profonde de ce coin si poétique de la capitale. Quand la mairie de Paris parle d’esthétique, il faut craindre le pire.


Dès que la Mairie de Paris parle de patrimoine, on s’attend au pire. Une crainte plus que jamais justifiée dans le cas du marché aux fleurs – qui abrite le marché aux oiseaux chaque dimanche –, tant les menaces pesant sur cette place Louis-Lépine et ses pavillons fin xixe sont nombreuses et récurrentes. Nous avions été quelques naïfs à penser que la visite de la reine d’Angleterre, en juin 2014, sur ce marché rebaptisé à cette occasion « Marché aux fleurs-Reine Elizabeth-II », lui garantirait une protection éternelle. Las, dès 2016, François Hollande, alors président de la République (si, si, souvenez-vous), confiait à Dominique Perrault, l’architecte qui a commis la BNF-François-Mitterrand, une mission d’étude sur « l’avenir de l’île de la Cité ». Ceux qui ont vu l’exposition de son projet visionnaire à la Conciergerie sont encore en état de choc. Il proposait de raser toute cette place, selon lui scandaleusement sous-exploitée avec ses petits pavillons charmants et désuets, afin d’y construire un cube de verre sur plusieurs étages « à la façon du Crystal Palace ». Tant de modestie n’a pas convaincu et l’idée de transformer l’île-mère de Paris en centre commercial pour touristes a été abandonnée. De toute façon, il n’y a plus de touristes et le marché aux fleurs a pu tranquillement bénéficier de la négligence de la Ville. Comme souvent désormais, il a fallu attendre un état de dégradation avancée pour que le Conseil de Paris vote, en décembre dernier, sa réhabilitation avec « remise dans leur état d’origine des halles patrimoniales » et, pour cela, un budget de près de 5 millions d’euros. Le chantier devrait s’étaler de 2023 à 2025 (flûte, en plein JO).

On pourrait se féliciter de ce vote, mais cette mauvaise habitude de voir le mal partout me pousse à m’interroger sur les intentions réelles de la municipalité. Il suffit de lire son site pour se gratter la joue : « Le projet prévoit aussi de repenser l’usage des lieux pour les commerçants comme pour les visiteurs. Une piétonnisation des abords du marché et de ses allées centrales est prévue, ainsi qu’une végétalisation en pleine terre avec notamment la plantation d’arbres et l’implantation d’un stand de petite restauration. Le règlement du marché, actuellement en régie directe, sera aussi révisé. Enfin, les boîtes sur le quai de Corse devraient être déposées afin de retrouver la vue sur la Seine. »

Végétaliser un marché aux fleurs déjà blotti entre les arbres est une idée rigolote, je doute en revanche que la Préfecture de police voisine accepte la piétonnisation de la rue de la Cité qui la dessert. Couper la circulation quai de Corse ne serait qu’une contrariété de plus infligée aux Parisiens qui, à en juger par le résultat des élections, semblent adorer qu’on leur pourrisse la vie, et supprimer ces « boîtes » ne ferait que mettre quelques fleuristes au chômage. Sauf si le projet de réhabilitation prévoit de construire de nouvelles « halles patrimoniales » ; d’ailleurs, on préfère ne pas imaginer à quoi ressemblera le « stand de petite restauration » ni la nature de celle-ci.

Il est également annoncé le lancement d’un concours d’architectes. S’il est bien question d’une « remise dans leur état d’origine des halles patrimoniales », la supervision du chantier par un architecte des Monuments devrait suffire, non ? Faudrait-il comprendre que cette « remise en état » inclurait quelques mètres d’asphalte supplémentaires et quelques baraques d’architecte pour répondre à la promesse du Conseil de Paris de « repenser l’usage des lieux » ?

Sous la pression, bienvenue, d’une association de défense des animaux, la PAZ (Paris animaux zoopolis), l’Hôtel de Ville a d’ores et déjà commencé à le repenser, cet usage des lieux. Pour entériner la fermeture du marché aux oiseaux, institution remontant au Premier Empire, Christophe Najdovski, le maire adjoint chargé de la condition animale, a déclaré qu’il « était devenu l’épicentre d’un trafic d’oiseaux » et que, « malgré un certain nombre d’actions menées, ces trafics perdurent aujourd’hui ». On peut ici penser à cette expression : « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. » La PAZ dénonçait aussi un « vestige d’un autre temps ». Vlan ! Argument imparable, plus fort que les images filmées par L214 dans les abattoirs, et qui motive également ses actions pour fermer le zoo du jardin des Plantes et interdire la pêche dans la Seine.

Dans Les Échos du 26 novembre 2020, Emmanuel Grégoire, premier adjoint du maire de la capitale en charge de l’urbanisme et de l’architecture, annonçait tout de go qu’il y avait un « besoin » de repenser l’esthétique de Paris et qu’à cette fin, un « Manifeste pour une nouvelle esthétique parisienne » présentant la « doctrine » de l’équipe dirigeante verrait le jour au printemps, après une « grande consultation » qui inclura les élèves des classes primaires. Sa prose est un délice : « La mairie veut faire du design l’un des éléments de critères dans les appels d’offres pour les marchés publics […] avec des indications très contraignantes, comme des lignes de grammaires esthétiques ou un référentiel de couleurs imposées. » Pour rassurer les sceptiques, il ajoutait : « Nous essayerons d’aller le plus loin possible. »

Les intentions sont désormais très claires, donc, oui, je m’attends au pire. Toutefois, afin de surmonter cette mauvaise passe, j’envisage de faire appel à l’adjointe au maire en charge de la Résilience.

Signé Conchon!

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Sortie en DVD d’«Une affaire d’hommes» de Nicolas Ribowski, scénario et dialogue de Georges Conchon


Comment a-t-on pu si vite oublier le nom de Georges Conchon (1925-1990)? La postérité est forcément injuste. Dégueulasse même. Elle promeut les médiocres, les bateleurs et les habiles communicants de leur propre œuvre. Tandis que disparaissent des écrits essentiels au fond des boîtes, dans la poussière des bouquinistes, le papier jauni entre les mains et cette odeur tenace de semi-moisi qui prend le nez, Conchon écrivit des romans qui obtinrent pourtant, en leur temps, des distinctions à la pelle: Prix Fénéon 1956 pour Les Honneurs de la guerre, Prix des Libraires 1960 pour La Corrida de la victoire, Prix Goncourt 1964 pour L’État sauvage etc… Et même des romans qui connurent des adaptations au cinéma avec, s’il vous plaît Visconti, Rouffio, Annaud, Girod ou Chéreau (L’Étranger, Sept morts sur ordonnance, La Victoire en chantant, Le Sucre, La Banquière, Lacenaire, etc…).

Conchon démontait les mécanismes les plus complexes, rien ne résistait à son appétit de dissection…

À ma connaissance, aucun comité de défense de Georges Conchon ne s’est constitué pour réparer cette injustice. Alors que d’autres écrivains mineurs ont droit à des campagnes d’affichage dans les rues de Paris et les génuflexions d’une presse culturelle déconsidérée par des années d’errements esthétiques. Que fait également l’Université si prompte d’habitude à colloquer sur les opprimés des Lettres et le moindre dissident politique ayant pondu un poème mal séquencé?

Le contraire d’un idéologue

On peut avancer deux arguments pour expliquer ce désintérêt, voire cette méconnaissance totale pour l’un des piliers de la littérature française dans la deuxième moitié du XXème siècle: Conchon écrivait bien et ses livres s’appuyaient sur une réalité sociale peu reluisante. Il enquêtait, à la manière des Américains, de longs mois, il s’imprégnait à fond d’un sujet afin d’en percevoir toutes les faces obscures, de la décolonisation au marché à terme de marchandises, il démontait les mécanismes les plus complexes, l’Afrique, le sucre ou le pouvoir judiciaire, rien ne résistait à son appétit de dissection.

Il n’avançait jamais avec les œillères de son milieu d’origine. Pour cet homme de gauche, aucun camp n’avait le monopole du cœur. Il distribuait les coups de griffe de chaque côté. C’était le contraire d’un idéologue, son indépendance d’esprit menaçait les affidés du système. À sa parfaite connaissance des thèmes les plus arides du moment, il avait le don inné pour le dialogue. Il préférait utiliser le singulier comme si le pluriel dénaturait sa tapisserie et détraquait sa dramaturgie.

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Le dialogue est un tout, harmonieux et rond, qui façonne une histoire. Conchon écrivait des histoires, de très bonnes histoires inspirées de faits réels qui passionnaient les lecteurs et fascinaient les réalisateurs. C’en était trop pour un seul homme. Un type qui plaît autant est forcément suspect aux yeux des aigris et censeurs de l’édition. Pour couronner le tout, il était Secrétaire des débats au Sénat. Fonctionnaire et écrivain, ami de Carmet et de Gégé, proche de Rocard et ayant été à l’école avec Giscard sous l’Occupation, Auvergnat et prolixe à la fois, pointilleux sur la véracité et doué d’un comique persifleur, humaniste sans être victimaire, doué pour le portrait psychologique et la frise policière, Conchon incarnait cette qualité «France» qui résiste au temps et qui nous manque tant. Il n’avait pas la gueule de l’emploi, pas le genre débraillé ou bohème chic, plutôt rond-de-cuir à la Courteline ou notaire balzacien; lunettes épaisses et costume trois pièces; rigueur vestimentaire et fantaisie littéraire. À son contact, on prend une leçon d’écriture et d’humilité que ce soit sur papier imprimé ou grand écran.

La précision d’une montre suisse

Datant de 1981, « Une affaire d’hommes » avec Claude Brasseur dans le rôle du commissaire Servolle et Jean-Louis Trintignant dans celui du promoteur immobilier Louis Faguet en est une illustration magistrale. Le film ressort en DVD agrémenté d’un entretien exclusif très éclairant avec le réalisateur Nicolas Ribowski. En évoquant le souvenir de Conchon, il file la métaphore horlogère, il parle d’une «Patek Philippe» tellement le scénario et le dialogue entraînent une mécanique implacable. La science narrative de Conchon a la précision d’une montre suisse, elle lance insidieusement le chronomètre de la défiance quand l’amitié vient à dérailler.

A lire aussi: Joël Séria: «Aujourd’hui, ce serait impossible de tourner Les Galettes de Pont-Aven!»

Le film se passe essentiellement à Longchamp dans un peloton de cyclistes amateurs.

Quand l’un des coureurs vient à être accusé du meurtre de sa femme, le groupe vacille. À l’originalité du sujet et la beauté du duel fascinant entre Brasseur et Trintignant, mélange d’endurance et de désamour, «Une affaire d’hommes» vaut pour le décor. Les tours de pistes, les crevaisons et les fringales, l’hiver parisien, la sueur qui colle au cuissard et l’effort sans cesse renouvelé pour améliorer son chrono ou trahir ses amis. Le casting (Jean-Paul Roussillon, Jean Carmet, Eva Darlan, Béatrice Camurat, exceptionnel Patrice Kerbrat sans oublier la présence de Noëlle Châtelet et Elisabeth Huppert) fait de ce film, une référence du genre. Sucer la roue de Conchon n’est pas tromper!

Une affaire d’hommes – Film de Nicolas Ribowski – Scénario et dialogue de Georges Conchon – DVD Studiocanal

L’école à la maison? Péguy et Stendhal répondent


Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.


L’article 21 de la loi sur le séparatisme visant à restreindre l’instruction à domicile ravive une guerre scolaire qui ne date pas d’hier. L’école laïque a pourtant été célébrée longtemps dans notre littérature comme une référence républicaine, politique mais aussi poétique, de Péguy à Marcel Pagnol en passant par Louis Pergaud. Mais l’école, laïque ou pas, est pour nombre de parents synonyme d’une intrusion dans l’éducation de leurs enfants par des valeurs qu’ils ne partagent pas. Le Monde publie le témoignage d’une mère qui a fait le choix d’éduquer ses trois filles à la maison: « L’État s’autoproclame premier éducateur de nos enfants, mais cela va à l’encontre de tous les textes fondateurs ! » Il est intéressant de voir que Charles Péguy, d’une certaine manière, conforte cette analyse : « Il ne faut pas que l’instituteur soit dans la commune le représentant du gouvernement ; il convient qu’il y soit le représentant de l’humanité ; ce n’est pas un président du Conseil, si considérable que soit un président du Conseil, ce n’est pas une majorité qu’il faut que l’instituteur dans la commune représente. [] Il est le seul et l’inestimable représentant des poètes et des artistes, des philosophes et des savants. » (Œuvres en prose) Pourtant Péguy poursuit : « Mais pour cela, et nous devons avoir le courage de le répéter aux instituteurs, il est indispensable qu’ils se cultivent eux-mêmes ; il ne s’agit pas d’enseigner à tort et à travers. »

Il semble là, par anticipation, répondre aux dérives pédagogistes et à la baisse du niveau des enseignants et des élèves qui sont aussi une des motivations de l’école à domicile. Premières raisons évoquées en effet par les associations : « La formation des enseignants incomplète, le refus du redoublement, l’évolution de la société qui fait que la parole de l’enseignant est moins prise en compte. »

A lire aussi, la tribune d’Anne Coffinier: Voilà pourquoi nous défendrons l’instruction en famille jusqu’à la victoire

Cette résistance fera-t-elle réapparaître dans le roman cette figure du précepteur qui avait disparu au profit de celle de l’instituteur ? Précepteur qu’on voit, par exemple, dans Le Rouge et le Noir avec Julien Sorel. Ce ne serait pas forcément fait pour rassurer les partisans de l’école à la maison : « Les enfants auxquels l’on avait annoncé le nouveau précepteur, accablaient leur mère de questions. Enfin Julien parut. C’était un autre homme. C’eût été mal parler de dire qu’il était grave ; c’était la gravité incarnée. »

Il n’empêche que cette « gravité incarnée » ne l’empêchera pas de devenir l’amant de Madame de Rénal mère. Autant dire que l’école à la maison est à manier avec prudence…

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Défendre l’environnement en défendant l’agriculture: c’est possible!

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Image d'illustration Unsplash

Une tribune libre de Jean-Paul Garraud, député européen (RN)


« Nous ne sommes pas seulement d’une province, mais d’une région. Elle est une part de notre identité. » Fernand Braudel.

Les ruraux sont les protecteurs de l’environnement; gardiens et architectes de la nature. Ils sont malheureusement trop peu écoutés, trop peu consultés. Qu’ils soient agriculteurs, éleveurs, chasseurs ou randonneurs, tous savent comment protéger les espaces naturels lentement façonnés par la main de l’homme. Une politique environnementale digne de ce nom ne saurait donc se faire sans leur assentiment, sans leur pleine et entière coopération.

Dans la Gaule pré-romaine, où voisinaient Celtes, Aquitains et Germains au nord, les espaces forestiers étaient depuis longtemps gérés par les hommes. Passés maîtres dans l’art de l’agriculture, « nos ancêtres les Gaulois » utilisaient les attelages, la faux, le sarclage, ou encore l’amendement des cultures. Ils étaient si savants en la matière que leur surproduction céréalière eut tôt fait de susciter l’intérêt de leurs puissants voisins de la botte latine, désireux d’accaparer ces richesses agricoles qu’ils ont longtemps commercées, échangeant leur vin contre du blé.

La Gaule n’était pas du tout comme le laissent penser les images d’Epinal contemporaine, héritées de l’historiographie du dix-neuvième siècle. Les cultures avaient déjà remplacé les forêts. Les chemins et les routes permettaient le passage de convois commerciaux – dont Jules César sut faire bon usage -. Les Gaulois n’avaient donc rien de « bons sauvages »: ils avaient aménagé le territoire qu’on nomme aujourd’hui France. Un territoire qui est d’ailleurs, dans ces zones rurales, peu ou prou le même que celui que les Gaulois connaissaient. Nous n’avons rien inventé en la matière depuis, nous n’avons fait qu’améliorer cet héritage.

Il ne faut pas donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent (…) Qui a condamné le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros! 

Eleveurs, cultivateurs ou maraîchers, ont simplement remplacé les faucilles d’antan et les moissonneuses antiques par des tracteurs, moissonneuses batteuses et autres machines à ensemencer. Le progrès technique a permis une plus grande productivité, jusqu’à l’excès d’après-guerre et son agriculture productiviste, ses poulets en batterie et ses méga-exploitations de la Beauce. Des évolutions coupables que la nouvelle génération d’agriculteurs combat, avec lucidité mais sans manquer de discernement. Rompre avec des pratiques peu respectueuses de l’environnement et du consommateur ne signifie pas abandonner le progrès technique, la recherche en agronomie et le bon sens. La marche arrière ne permet pas d’aller de l’avant.

Comme l’a écrit Emmanuelle Ducros dans L’Opinion : « En l’état actuel des connaissances, cultiver sans pesticides d’aucune sorte -ni bio ni autres – se traduirait par la disparition de 30% des volumes produits ». Ce grand bond en arrière prôné par des idéologues, des partisans de la décroissance et de multiples ONG subventionnées, pourrait à terme entraîner des crises de subsistance, une baisse drastique de nos exportations et l’épuisement des paysans français qui ont su trouver un très juste équilibre entre le rendement agricole et la qualité de la production. Soyons fiers : nos produits sont les meilleurs du monde, notre alimentation l’une des plus saines.

L’agriculture de « nos grands-parents », nos grands-parents n’en auraient pas voulu s’ils avaient eu la possibilité de faire autrement. L’agribashing en cours, alimenté notamment par les partisans de la « végétalisation », souvent des vegans et des antispécistes camouflés, cache une volonté de retour au sauvage, c’est-à-dire à une nature qui se redévelopperait sans contrainte, sacralisée. Qu’on se le dise: cela n’a jamais existé depuis le Néolithique ! C’est une vision post-moderne, négatrice de la place de l’Homme dans le règne du vivant, une vision archaïque qui est porteuse du déclin. Les agriculteurs en bio n’en veulent pas, ni même tous ceux qui travaillent pour ressusciter des races à viande disparues ou des espèces un temps démodées.

Certains agriculteurs pratiquent l’agriculture raisonnée sans bénéficier du label bio, difficile à obtenir. Ils font pourtant de la qualité. Du reste, les agriculteurs syndiqués et non syndiqués sont d’accord pour dire qu’il ne faut pas opposer les façons différentes de travailler la terre. L’éleveur de porc noir de Bigorre ne peut pas nourrir toute la planète, mais il faut qu’il existe car il est le porte-étendard d’un merveilleux produit. Certaines cultures, certaines exploitations et certains agriculteurs s’épanouissent dans le bio et y trouvent un rendement idéal. D’autres ne peuvent pas se mettre au bio. Cessons de les opposer, cessons de les diviser : écoutons-les et réunissons-les.

Trois chantiers sont prioritaires pour aider notre agriculture et nos agriculteurs. D’abord, ne plus donner un trop grand espace aux propagandistes de l’agribashing qui manipulent les cerveaux des enfants et mentent. Cela affaiblit nos agriculteurs qui sont les premiers défenseurs de notre indispensable indépendance alimentaire. Qui a condamné, parmi la classe politique, le saccage des semences de tournesol de la coopérative Arterris de Castelnaudary au début du mois de mars ? Les pertes se chiffrent pourtant en million d’euros ! De la même manière, nous ne pouvons pas tolérer que des associations bloquent de grands projets essentiels. Il faut briser le mur administratif qui empêche les porteurs de projets d’agir concrètement, qui les démoralise.

Enfin, c’est là qu’est l’enjeu des futures élections régionales en matière agricole, il ne faut surtout pas laisser le deuxième pilier de la PAC être pris en otage par les idéologues décroissants, en opposant les structures et en finançant qu’une agriculture conforme à l’air du temps. Le fléchage des financements de la PAC est un enjeu majeur, de la responsabilité des exécutifs régionaux qui doivent permettre aux exploitations de se développer et de se diversifier. Les agriculteurs doivent vivre de leur travail !

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Contes de faits: l’impasse des « souvenirs retrouvés »

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Sigmund Freud et Sandor Ferenczi à Scorbato (Hongrie), 1917. ©Mary Evans/Bridgeman Images

Freud l’a appris de ses erreurs: les récits d’abus sexuels ne sont pas toujours la reconstitution du réel, mais l’expression de fantasmes. Cet acquis de la psychanalyse devrait nous mettre en garde contre les charlatans qui encouragent les dénonciations à base de souvenirs retrouvés. Trop de psys confondent processus judiciaire, fondé sur des faits et des preuves, et psychothérapie, seul cadre où une « libération » de la parole peut avoir un sens.


 L’affaire Franklin, ci-dessous brièvement rapportée, fut emblématique de l’épidémie des « souvenirs retrouvés » qui, dans l’Amérique des années 1980, conduisit à de multiples dénonciations et plaintes. Nous avons là une sorte de cas d’école indicatif, comme le fut l’affaire d’Outreau, des errements d’un univers judiciaire soumis au subjectivisme de discours sociaux extérieurs au droit. Une Justice qui dès lors, pour le pire, se met elle aussi à confondre la dimension du fait et celle du fantasme. Ce sont là deux affaires qui, dans notre conjoncture, devraient inciter à la mesure, à la prudence et pour le moins à un certain retour aux protections du droit, à la sagesse du droit. Qui n’est jamais très loin de « la sagesse du roman » (Kundera).

En 1969, « Susan Nason, âgée de huit ans disparaissait du domicile de ses parents. Trois mois plus tard, son corps était retrouvé dans des buissons en contrebas d’une route peu fréquentée. L’autopsie révéla qu’elle avait été battue à mort après avoir subi des sévices sexuels. L’enquête menée pendant plusieurs années ne permit d’identifier aucun suspect »[tooltips content= »L. Mayali et J. Samrad, « Entre l’expert et le juge : la science des souvenirs refoulés dans le droit américain », in Du pouvoir de diviser les mots et les choses (éd. Pierre Legendre), « Travaux du laboratoire européen pour l’étude de la filiation, vol. 2 », Maison des sciences de l’homme, 1998. »](1)[/tooltips]. Vingt ans plus tard, en 1989, une jeune femme de 28 ans, Eileen Franklin, retrouvant ce « souvenir refoulé » lors d’une psychanalyse combinée à de l’hypnose, accusa son père du meurtre de Susan, sa camarade d’école, auquel, dit-elle, elle avait assisté. Sur la base de ce seul témoignage, sans autres indices concordants, George Franklin fut arrêté, jugé et condamné à la prison à vie. Lors du procès, « les avocats de la défense se virent interdire par le juge de citer les journaux qui avaient donné, à l’époque du meurtre de la fillette, tous les détails dont Eileen Franklin affirmait personnellement se souvenir comme témoin direct. […] De plus, les membres du jury n’accordèrent aucune attention particulière aux inconsistances répétées et aux multiples variations de son témoignage. » La seule véracité supposée, confirmée par des experts psys, du « souvenir refoulé », justifia de la condamnation infligée. Et la cour suprême de Californie rejeta l’ultime pourvoi en cassation de G. Franklin en 1993.

©D.R.
©D.R.

Cette façon de donner autorité à une expertise psy, au titre de « la véracité des souvenirs réprimés », la substituant à la recherche objective des preuves, provoqua toutefois le courroux de la cour fédérale qui, en 1995, octroya à Franklin « la protection de l’habeas corpus pour violation de ses droits protégés par la Constitution »… Le jugement fut annulé, et par la suite le ministère public renonça à poursuivre en l’absence de nouvelles preuves. « À l’occasion de la procédure d’habeas corpus, le juge fédéral J. Jensen souligna l’importance du processus judiciaire en observant que “les experts de la santé mentale ne peuvent jamais établir si ledit souvenir est vrai ou faux. Ceci doit être la fonction du procès.” »

Les auteurs de l’article évoquent le contexte culturel, épidémique, dans lequel survint cette affaire. « À la fin des années 1980, au moment de l’arrestation de George Franklin, les accusations et les enquêtes policières basées sur la soudaine réminiscence de souvenirs depuis longtemps oubliés ou refoulés n’ont rien d’exceptionnel. Pratiquement inconnues dix ans auparavant, les plaintes se sont très rapidement multipliées. […] L’essentiel de ces accusations dénonce des sévices sexuels subis pendant l’enfance, le plus souvent mais pas exclusivement dans le cadre de rapports incestueux. […] Poussé à l’extrême, ce mouvement prit rapidement, dans certains cas, la forme d’une croisade […] où les seules déclarations des jeunes victimes, réelles ou supposées, suffirent à incriminer les parents, traités comme des suspects potentiels. »

Des experts psys établirent la liste des symptômes susceptibles de signaler un passage à l’acte incestueux, allant jusqu’à répandre l’idée, véritable virus épidémique, que « si vous êtes incapables de vous souvenir d’aucune circonstance spécifique, mais si vous avez le sentiment d’avoir subi des sévices, c’est probablement parce que vous les avez subis ». Les mêmes imposèrent le présupposé d’une prétendue vertu libératoire en soi de la « parole des victimes », comme celui de la tout aussi prétendue vertu thérapeutique intrinsèque d’une dénonciation de ce type. Les « thérapeutes » ou pseudo-psychanalystes tenants de cette thèse ont ainsi instillé dans la société et la culture la croyance qu’un sujet, victime réelle ou pas d’un passage à l’acte incestueux, ne pourrait surmonter sa souffrance, se dégager de l’« hydre » de la culpabilité, qu’en intégrant dans le cours de son processus thérapeutique cette dénonciation, accompagnée ou pas d’un processus judiciaire.

Une régression de la psychanalyse

Élisabeth Levy s’étonnait qu’en la matière, « les psychanalystes abandonnent le terrain à des charlatans, en particulier à une charlatane qui se pique d’expliquer à des adultes désemparés que leurs échecs sont dus à des traumatismes d’enfance refoulés et de convaincre les victimes d’abus réels que leur vie est détruite ».

Si ce retrait peut tenir pour certains analystes au sage souci de ne pas se précipiter dans le champ de bataille, je crains qu’il soit surtout le signe de la montée en puissance, au sein même du mouvement psychanalytique, d’une psychanalyse empathique, maternalisée. Une psychanalyse qui pour se rendre compatible aux tendances culturelles du temps, a peu ou prou épousé, sinon usiné, les prédicats militants de la nouvelle normativité homosexualiste, justifiant de la déconstruction des digues du droit civil. Cette psychanalyse, limant « ses crocs à venin » (Freud), s’est enferrée dans cet effacement du complexe d’Œdipe déjà signalé par Lacan dans un entretien de 1958 donné à L’Express. De cette régression, masquée sous des sophistiques redoutables, comme celle si séduisante et flatteuse de l’anti-dogme, Ferenczi, disciple de Freud, est devenu pour beaucoup la figure tutélaire. Et Madame Roudinesco, toujours à la pointe du progrès, de s’enthousiasmer : « Ferenczi représente le cœur, l’émotion, la sensibilité, la pulsion de guérir permanente. Avec un affect très particulier pour la souffrance. C’est probablement le plus grand clinicien, au sens strict du mot clinique, c’est-à-dire qu’il a une passion pour ses patients. »

Selon ce courant, Freud, après avoir reconnu la séduction sexuelle réelle subie dans l’enfance comme cause du trauma, aurait fui cette découverte pour de très mauvaises raisons, en la reléguant dans le seul univers du fantasme et de la sexualité infantile. Il aurait voulu en fait se protéger, protéger le père incestueux, et avec lui l’ordre de la bourgeoisie viennoise et le patriarcat…

Les deux scènes du trauma

La distinction de ces deux scènes fut éclairée d’un jour nouveau par Freud lorsque, renonçant à expliquer les troubles hystériques par la seule réalité de la séduction par le père (ou substitut) évoquée par ses patientes, il découvrit que le refoulement pathogène de la sexualité infantile était la cause psychique nodale de la névrose et du trauma. Confronté à la permanence de récits et souvenirs de ce type, doutant d’une perversion aussi généralisée des pères, il saisit que ces scènes rapportées dans le cours de l’analyse par ses patientes, si elles ont pu parfois exister, peuvent être également le fruit d’une reconstruction fantasmatique, procédant d’un désir infantile inconscient mal sublimé. Prenant la mesure de cette réalité fantasmatique interne, l’éclairant du mythe de l’Œdipe, de ce qu’il en découvrait en lui comme en ses patients, il va alors ouvrir une tout autre voie pour se dégager du trauma. Celle qui consiste, via l’élaboration subjective qui accompagne la levée du refoulement œdipien dans le cours de la cure, à s’extraire de l’emprise de son propre fantasme de séduction, et de la culpabilité associée. Mais pour autant, comme le soulignaient Laplanche et Pontalis dans leur Vocabulaire de la psychanalyse« Freud n’a cessé, jusqu’à la fin de sa vie, de soutenir l’existence, la fréquence et la valeur pathogène des scènes de séduction effectivement vécues par les enfants. »

A lire aussi, du même auteur: Françoise Dolto, le procès posthume

A contrario, alimentant une croyance aux effets délétères multiples, les charlatans et autres manipulateurs sans rigueur des patients laissent accroire aux sujets concernés que leur souffrance, leur détresse subjective, leur sentiment de culpabilité tiennent au seul réel d’une séduction traumatique vécue, à la seule emprise externe du « monstre ». Ces patients reçoivent de ces psys sous-analysés des indulgences et des réassurances narcissiques, qui peuvent certes les rendre narcissiquement « innocents », mais leur barrent en vérité le chemin de l’élaboration de leur propre désir d’emprise, de domination…

Mais que le lecteur ici m’entende bien : rapporter le sujet, victime ou pas de passages à l’acte incestueux, au mouvement de son désir, ne vise en rien à l’en accuser ou à le placer en quoi que ce soit sur la même ligne de responsabilité que l’adulte abuseur. Renvoyer un sujet aux sources subjectives internes de l’angoisse de culpabilité qui l’accable a dans le champ de la clinique analytique pour seul objet de l’aider à se dégager de cette angoisse qui le fixe dans la scène du trauma. Un chemin analytique qui reste toutefois semé d’embûches, celle en particulier de passages à l’acte venant interrompre l’analyse, et cela d’autant que l’analyste, pour son économie propre, aura cédé aux sirènes de l’anti-œdipisme…

La construction imaginaire de la scène du trauma

Le fantasme incestueux, source de la colle imaginaire à la Mère constitutive de l’humain, s’il n’a pu suffisamment se métaboliser dans la traversée du drame œdipien, deviendra, avec sa composante de meurtre, l’origine de cette angoisse de culpabilité. Une angoisse tellement envahissante qu’il pourra dans certains cas chercher à s’en délivrer en projetant son propre désir inconscient dans le scénario d’une agression sexuelle externe, auquel il se mettra à croire. Et le pire est que quand l’agression sexuelle a eu lieu dans la réalité, un tel sujet peut s’en servir comme d’une défense et d’un refuge, recouvrant sa culpabilité subjective par la culpabilité, elle bien réelle, de l’abuseur. Une véritable clinique analytique consiste alors à faire en sorte que ce recouvrement n’empêche pas le sujet d’accéder à la reconnaissance, particulièrement entravée par le passage à l’acte de l’abuseur, de sa propre sexualité infantile refoulée, cause de son angoisse de culpabilité.

Les deux scènes du traitement

Si la psychanalyse ouvre donc un autre abord et traitement du trauma, renvoyant le sujet à sa responsabilité, à son désir, quels que soient les outrages réels qu’il a pu subir ou infliger par ailleurs, les vérités refoulées (jamais toute la vérité !) que le cours d’une cure permet de lever ne sauraient être assimilées, même si elles peuvent parfois la redoubler, à la dimension des abus sexuels, incestueux. Et quoique la passion justicière et le manichéisme moral ne veuillent rien en entendre, cette distinction dont le droit, au plan juridique du traitement des faits, et la psychanalyse, au plan non juridique du traitement du subjectif, sont chacun à leur manière comptables, dans le respect de leurs propres limites, demeure une clé d’une protection civilisée de tous les sujets, victimes comme coupables.

Le rôle de l’environnement

Une dernière remarque. Relever le facteur subjectif interne du trauma n’est pas mésestimer les facteurs externes. Tout vécu traumatique, qu’il soit noué à un passage à l’acte réel ou pas, a toujours à voir avec la façon dont, en raison d’un contexte parental symboliquement plus ou moins perverti, défaillant, le sujet s’est trouvé scotché à la représentation fantasmatique d’une scène primitive prédatrice, confusionnelle et/ou violente. Lacan y avait insisté : le sort psychologique d’un enfant dépend avant tout de la relation qu’entretiennent entre elles les figures parentales. La privation symbolique d’une représentation fondatrice non faussée, dans laquelle les figures Mère et Père valent comme des figures sexuées, tout à la fois distinctes et liées, demeure la causalité principale d’une souffrance traumatique, névrotique. Une souffrance dont on peut communément observer qu’elle pourra être plus intense pour un sujet n’ayant pas subi d’agression sexuelle, que pour un sujet qui, ayant été suffisamment structuré avant de subir un trauma réel, pourra mieux digérer celui-ci, s’en délivrer, sans en faire une rente.

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Qui sont les lanceurs d’alerte d’aujourd’hui?

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Pierre Farge © Olivier Roller

À la différence des États-Unis, les « lanceurs d’alerte » sont souvent vus en France comme des délateurs, sans doute à cause de l’histoire sombre de la collaboration. On leur reproche aussi d’être instrumentalisés à des fins politiques par les extrêmes. Entretien avec Pierre Farge qui publie Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur (JC Lattès, 2021)


En France, les lanceurs d’alerte sont souvent perçus en France comme des délateurs. Ailleurs, nombre d’entre eux ailleurs sont devenus des symboles de la liberté : Erin Brockovitch (connue aussi par le film éponyme de Soderbergh), Edward Snowden (dont l’histoire a été racontée par Oliver Stone), Li Wenliang, ce médecin chinois ayant fait part de ses inquiétudes quant à la propagation de la Covid-19, Hervé Falciani, ingénieur chez HSBC, dénonçant les évasions fiscales ou Julian Assange publiant des documents classés secret défense. Ils ont, chacun dans leur domaine, « alerté » sur des faits de corruption, sur de gigantesques fraudes fiscales, sur l’exploitation de nos données personnelles ou sur la mise en danger de notre santé.

Irène Frachon au tribunal le 29 mars 2021. Les laboratoires Servier ont été condamnés pour « tromperie aggravée » et « homicides involontaires » dans le cadre de l'affaire du Mediator © THOMAS COEX / AFP.
Irène Frachon au tribunal le 29 mars 2021. Les laboratoires Servier ont été condamnés pour « tromperie aggravée » et « homicides involontaires » dans le cadre de l’affaire du Mediator © THOMAS COEX / AFP.

Comme l’a fait la pneumologue française Irène Frachon qui a révélé les méfaits d’un médicament, le Médiator, en 2007. Hier, après 15 ans de combat, le tribunal judiciaire de Paris a reconnu le laboratoire Servier coupable  de tromperie aggravée, d’homicides et de blessures involontaires et l’a condamné à payer 2, 7 millions d’euros amende. Au même moment, un livre coup de poing, Le Lanceur d’Alerte n’est pas un délateur vient d’être publié sous la plume de Maître Pierre Farge. Il nous aide à réfléchir sur ces nouveaux parrèsiastes, ces diseurs de vérité des temps modernes. La fonction de lanceur d’alerte est ancienne, nous rappelle l’auteur. Elle est même à l’origine de la démocratie. Elle puise ses sources dans l’Antiquité grecque et romaine où elle était une obligation légale. Une obligation légale qui s’est ensuite professionnalisée sous ce que l’on connait aujourd’hui par le Ministère public, ou le Procureur de la République, cette autorité chargée de faire appliquer la loi, de défendre l’intérêt général, de représenter les intérêts de la société. Suite à un délitement, il réapparait au Moyen âge, sous Henri IV, avec la loi du qui tam[tooltips content= »Celui qui agit. »](1)[/tooltips] de 1318, permettant aux citoyens d’informer les autorités compétentes de toutes dérives portant atteinte aux biens du roi.

L’avocat nous rappelle aussi qu’au XVIe siècle surgit un grand lanceur d’alerte, Martin Luther, qui dénonça le Commerce des Indulgences[tooltips content= »Rachat des Indulgences : commerce instauré à son profit par la papauté, consistant à racheter ses péchés. »](2)[/tooltips] et fut à l’origine de la Réforme protestante.

 Maya Nahum. Que veulent les lanceurs d’alerte ? Agissent-ils, comme vous l’affirmez, dans l’intérêt général, expression essentielle dans votre livre, ou sont-ils animés par l’appât du gain, par la haine du pouvoir ou simplement par un désir de célébrité ?

Pierre Farge. Tout mon propos est de distinguer la personne soucieuse de l’intérêt général de celle qui calomnie, qui dénonce dans un intérêt personnel, renvoyant aux pires périodes de notre histoire contemporaine. Le vrai lanceur d’alerte sert la démocratie et doit être reconnu comme tel. Je prends dans mon livre l’exemple des Etats-Unis, où le whistleblower (l’équivalent de notre lanceur d’alerte) n’est pas considéré comme un délateur. On fait appel à lui pour signaler des fraudes fiscales colossales, et permettre des recouvrements sans précédent de fonds publics. Tout signalement d’utilité publique y est identifié, évalué, classé, par l’OWB[tooltips content= »Office of Market intelligence. »](3)[/tooltips], un organisme indépendant. A ce titre, le lanceur d’alerte est protégé et indemnisé grâce à des lois très claires, et qui fonctionnent. Cela dans le secteur privé bien sûr.

Il en va autrement dans le secteur public. C’est ce que j’appelle le paradoxe américain. Les textes laissent croire que le lanceur d’alerte est protégé, pourtant il peut être la première victime de son initiative. Snowden par exemple, informaticien de la NSA, a révélé pour la première fois aux yeux du monde l’exploitation que faisait l’Etat américain de nos données personnelles sur les réseaux sociaux. Sans lui, nous n’en saurions rien encore aujourd’hui. Et je précise qu’il n’a jamais révélé des informations regardant la sécurité de l’Etat comme le gouvernement de l’époque a essayé de le faire croire pour le décrédibiliser dans l’opinion. Malgré ces avancées, il n’a jamais pu prétendre à une quelconque protection, et se trouve encore réfugié en Russie à l’heure où je vous parle. C’est le côté ambiguë, hypocrite de la loi américaine : protéger le lanceur d’alerte quand cela rapporte des centaines de millions de dollars, mais lui refuser toute protection quand il dénonce une faute de l’Etat de lui-même.

Qu’en est-il de la France ? Vous écrivez que nous sommes en retard sur notre approche des lanceurs d’alerte, souvent vus comme des délateurs sans doute à cause de l’histoire sombre de la collaboration. Sans oublier aussi le fait qu’ils sont soutenus par certains extrêmes politiques.

En France, tous les lanceurs d’alerte ont été trainés dans la boue suite à leur alerte. L’exemple d’Irène Frachon est symptomatique. Après avoir dénoncé le Médiator, il lui aura fallu quinze ans pour que les victimes obtiennent gain de cause en justice, qu’elles soient indemnisées, et surtout que l’on reconnaisse publiquement grâce à une condamnation du laboratoire Servier qu’elle avait raison. Elle est aujourd’hui reconnue comme une héroïne. Tant mieux. Enfin.

Reste que les lanceurs d’alerte dans la santé ou dans l’environnement ont meilleure réputation que ceux dans la finance, considérés comme des balances, alors qu’ils permettent le recouvrement de fonds public sans précédent, des fonds qui ont échappé à l’impôt et permettent de financier nos réformes. Je pense à Stéphane Gibaud (UBS), Hervé Flaciani (HSBC) ou Antoine Deltour (Luxembourg Leaks).

Quant aux extrêmes politiques, je pense que les lanceurs d’alerte s’inscrivent dans le sens de l’histoire, qu’ils constituent un véritable sujet de société, et à ce titre peuvent être instrumentalisés à des fins populistes. Si cela peut amener l’opinion à s’y intéresser, et le législateur à s’en saisir, tant mieux. Tout le travail du parlement sera alors de rédiger un texte protecteur du lanceur d’alerte qui anticipe et pallie les dérives possibles de ceux qui se prétendent lanceurs d’alerte. Je ne suis donc pas du tout inquiet que les extrêmes se saisissent de ces questions. Un seul exemple. La France Insoumise était à l’origine d’une proposition de loi en janvier 2020. De façon remarquable, Les Républicains avaient plaidé pour une coproduction parlementaire, invitant tous les partis à s’élever au-delà de leur idéologie, et donc à protéger les lanceurs d’alerte dans l’intérêt général.

Des lois se sont succédé depuis 2000. Que pensez-vous de la loi Sapin 2, adoptée le 9 décembre 2016 ?

C’est une loi d’affichage. Comme toute loi d’affichage, elle apparait d’abord comme une avancée. Et effectivement, la loi Sapin 2 donne une définition du lanceur d’alerte. Il est désormais officiellement, formellement, institutionnellement, pour le première fois, protégé par la loi. Cependant, elle ne protège que théoriquement le lanceur d’alerte, au point d’en être même dangereuse ou contre-productive. Il est par exemple inconcevable que le lanceur d’alerte doive prévenir sa direction avant de lancer son alerte, selon une procédure en trois paliers absolument aberrante. Elle est aussi contre-productive dans la mesure où elle permet aux entreprises une alternative aux poursuites judiciaires par le mécanisme de la CJIP ; et donc, si l’on pousse le raisonnement, permette une impunité pénale de l’entreprise à l’origine de la fraude ! Faute de loi protectrice, ce sont donc les juges qui sont souvent venus au secours des lanceurs d’alerte, sanctionnant au cas par cas un licenciement abusif, ou autorisant des indemnités suite à une alerte lancée.

C’est pourquoi j’en appelle dans la dernière partie du livre à une réforme. Une réforme urgente qui pourrait prendre forme dans le cadre de l’obligation de transposition de la directive européenne que nous avons d’ici le mois de décembre 2021. C’est une opportunité formidable pour protéger les lanceurs d’alerte. La majorité des français sont favorables à leur protection, ce ne sont que des obstacles politiques auxquels nous faisons face. Pourquoi donc pas un référendum sur la question?

Le lanceur d'alerte n'est pas un délateur

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Guilhem Carayon, candidat à la présidence des Jeunes Républicains: « Il faut tout rebâtir »

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Guilhem Carayon

Entretien avec Guilhem Carayon, favori de l’élection qui aura lieu les 12 et 14 avril. Le Tarnais vient d’être rejoint par le Parisien Théo Michel.


Causeur. Pourquoi êtes-vous candidat à la présidence nationale des Jeunes Républicains?

Guilhem Carayon. Je suis candidat à la présidence des Jeunes Républicains car je veux reconstruire un mouvement à la hauteur des enjeux de notre pays. Il faut tout rebâtir et redonner à la fois une espérance et une capacité d’action aux jeunes. Je suis accompagné par une équipe large et solide, destinée à rassembler les Jeunes Républicains. Notre président Christian Jacob nous a confié le défi de l’autonomie: nous le relevons. C’est pourquoi, la liste que je conduis est représentative de tous les territoires de France et incarne la diversité de nos sensibilités. Je ne suis pas le chef d’un clan : les jeunes, comme nos ainés, ont trop souffert de divisions ou de rivalités personnelles. Face à Emmanuel Macron, l’heure est évidemment au rassemblement de toutes nos forces. Les grandes victoires de la droite ont été rendues possibles grâce à la jeunesse, son enthousiasme et sa volonté forte de faire bouger les lignes. La campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy en est un bon exemple. Si les Jeunes Républicains font confiance à notre liste, nous mettrons toute mon énergie à la reconquête des territoires.

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Nouv’LR, est-ce que cela veut dire que le parti LR actuel ne convient pas aux jeunes militants?

Notre mouvement est en reconstruction. Notre rentrée à Port-Marly en septembre dernier a été encourageante. Nous étions 1000. Mais il ne faut pas se leurrer. On est très loin du niveau des Jeunes Populaires lorsque le mouvement comptait plusieurs dizaines de milliers de jeunes. Mon ambition est claire : refaire des Jeunes Républicains le premier mouvement politique de jeunes en France. Pour cela, trois axes guideront notre mandature : d’abord, le militantisme pour redonner aux jeunes les outils pour défendre nos idées sur le terrain. Notre mouvement doit également être force de propositions. Les Jeunes LR doivent être le réservoir d’idées des Républicains.

Dès le lendemain de notre élection, nous donnerons un mois à nos délégués régionaux pour faire remonter des propositions sur chacun des thèmes qui intéressent la jeunesse. Nous voulons aller vite. Dans le même temps, nous organiserons un échange sur ces thèmes avec les jeunes des Partis de droite en Europe. Enfin, la formation idéologique et militante. Nous travaillerons sur la création d’une école de formation des Jeunes Républicains, avec une structure pour chaque région. Cette école sera ouverte aux jeunes qui veulent prendre des responsabilités. C’est la condition pour former la relève de demain.

L’UNI va-t-elle vous manquer ? De quelles réalisations êtes-vous fier?

Je suis fier d’avoir été le responsable de l’UNI pendant deux ans pour l’université de La Sorbonne, bastion de la gauche depuis bien trop longtemps. Face à l’extrême gauche, nous avons remporté de nombreux succès électoraux. Avec mon équipe, nous n’avons cessé d’alerter sur les dangers des thèses décolonialistes qui infiltrent de plus en plus l’université. En prônant les ateliers en non-mixité raciale, les décolonialistes stigmatisent les communautés et attisent les haines inter-ethniques. Face au racialisme qui gagne du terrain à l’université, nous devons tous nous mobiliser.

Bellamy, Lisnard et Retailleau vous soutiennent. Faut-il en déduire que vous incarnez chez LR la ligne la plus dure?

Je récuse l’expression de « droite dure ». Ce que vous appelez « droite dure » est en réalité une droite ferme et déterminée. Pour ma part, je suis le candidat du rassemblement de toutes les sensibilités de notre famille politique. C’est ce qu’il nous faut pour rebâtir un mouvement jeune solide et dynamique. Ce n’est pas un hasard si notre liste a reçu le soutien de plus de 65% des Responsables départementaux jeunes. Je suis effectivement soutenu par François-Xavier Bellamy, David Lisnard, Bruno Retailleau mais également par Franck Louvrier, Frédéric Péchenard, Valérie Lacroute, Anne Sander ou encore le Premier Vice-Président de la région Ile-de-France Othman Nasrou.

Mettre en place un revenu universel n’est pas une idée à jeter, selon le député LR Aurélien Pradié. Êtes-vous sur la même ligne?

Ma première campagne politique était l’élection présidentielle de 2017. J’étais totalement défavorable à la proposition de Benoit Hamon de la mise en place d’un revenu universel. Je n’ai pas changé de position. À droite, nous sommes attachés au travail, condition de l’émancipation individuelle. On connait les effets dévastateurs sur le plan humain de l’absence de travail. Dans un parti comme le nôtre où la liberté d’opinion prime, il est naturel qu’aucune idée ne soit rejetée d’avance, mais elle doit être évidemment examinée, débattue puis tranchée. Ce que je sens et ce que je sais de notre jeunesse, c’est qu’elle veut une formation pour acquérir un métier et non pas des revenus sans formation ni travail. Nous voulons une reconnaissance à proportion de nos efforts et de nos mérites. C’est quand même simple non ?

Présidence des Jeunes LR: une élection à haute portée symbolique

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© WITT/SIPA Numéro de reportage : 00919423_000018

Guilhem Carayon et Sébastien Canovas se disputeront les suffrages des militants dans deux semaines


Les 12 et 14 avril prochains, les Jeunes Républicains vont devoir se choisir un nouveau leader. Deux candidats sont en lice : Guilhem Carayon et Sébastien Canovas. La campagne qui avait débuté de manière doucereuse et respectueuse a connu ce mercredi 24 mars un véritable rebondissement. En effet, alors que Théo Michel, conseiller LR du 17e arrondissement de Paris et responsable adjoint des Jeunes LR de Paris, devait mener sa propre liste, il a finalement décidé de rejoindre Guilhem Carayon.

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Ce revirement qui s’explique d’abord et avant tout par la volonté de gagner en robustesse face à la liste portée par Sébastien Canovas qui est officieusement celle soutenue par une partie de la direction de LR, et notamment par Aurélien Pradié, n’est finalement pas très étonnant. En effet, même si Guilhem Carayon et Théo Michel n’appartiennent pas tout à fait à la même droite, ils se connaissent très bien et partagent un socle de valeurs communes tout en ayant pour ambition de transformer les Jeunes Républicains en un mouvement structuré autour d’une vraie colonne vertébrale idéologique.

Carayon soutenu par Aubert, Bellamy, Boyer et Retailleau

Très proche de Julien Aubert, député LR du Vaucluse, Guilhem Carayon, responsable des Jeunes LR du Tarn, est un digne représentant de cette droite des territoires qui n’a pas troqué les valeurs du gaullisme social sur l’autel des petites accointances idéologiques avec la gauche et l’extrême gauche. Soutenu par Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée et président du groupe LR au Sénat ou encore par Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, il souhaite transformer les Jeunes Républicains pour en faire une structure militante active et efficace au service du parti. Valoriser les territoires français en créant une école de formation des Jeunes LR décentralisée pour permettre à chaque région de disposer de son centre de formation est au cœur de son projet. 

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Très proche des idées de François-Xavier Bellamy avec lequel il entretient des liens privilégiés et qui le soutient, Guilhem Carayon, qui est allergique à cette dictature du politiquement correct imposée par la gauche, n’hésite pas à réaffirmer régulièrement l’identité judéo-chrétienne de la France tout en faisant de la lutte contre les communautarismes et l’islamisme un vrai cheval de bataille. Profondément attaché à la nation française, à sa souveraineté et à la grandeur de la France, il défend ardemment une certaine idée de l’État et du régalien. Pour lui, une droite qui renonce, c’est une droite qui trahit ses électeurs et qui n’est pas digne de se revendiquer de l’héritage gaulliste. Il est incontestablement de ceux pour qui la reconquête à droite doit passer par une certaine intransigeance vis-à-vis des idées de la gauche qu’il faut combattre par-dessus tout. Ancien responsable de l’UNI à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Guilhem Carayon est un militant de terrain qui a fait de la lutte contre l’égalitarisme, le nivellement par le bas et les thèses indigénistes et racialistes un combat quotidien. Pour lui, c’est clair, tant que la droite continuera à faire le jeu de la gauche et du macronisme déliquescent, elle ne réussira jamais à se relever de la léthargie au sein de laquelle elle s’est engouffrée. Réveiller les consciences et ramener au sein de son parti les âmes perdues dans le droit chemin fait incontestablement partie des objectifs qu’il s’est fixés.

Théo Michel: « notre République est certes laïque mais la France est chrétienne »

Théo Michel, quant à lui, qui a connu une ascension politique fulgurante dans le 17e arrondissement de Paris, incarne davantage cette droite orléaniste qui a fait du libéralisme économique la pierre angulaire de son idéologie. Fiscaliste chez Deloitte et se présentant volontiers comme un homme qui ne doit sa réussite qu’à lui-même, il partage avec Guilhem Carayon des valeurs patriotiques et un amour immodéré pour la culture française. Pour lui, cela ne fait aucun doute, « notre République est certes laïque mais la France est chrétienne. » C’est pour cela que d’après lui, il apparaît essentiel d’en finir avec une immigration non choisie tout en renouant avec l’assimilation républicaine, seul instrument capable de lutter efficacement contre la montée de l’islamisme. Se trouvant à la troisième place sur la liste de Guilhem Carayon derrière Charlotte Vaillot, fille de Valérie Lacroute (ancienne députée LR de Seine-et-Marne et maire de Nemours), il est notamment soutenu par Frédéric Péchenard, vice-président LR du Conseil régional d’Île-de-France chargé de la Sécurité et Conseiller de Paris, ainsi que Brigitte Kuster, ancien maire du 17e arrondissement de Paris et députée LR de la 4ème circonscription de Paris. 

Ce duo de choc qui rassemble des soutiens qui proviennent des différents courants de la droite républicaine, des sarkozistes aux fillonistes en passant par les gaullistes sociaux, détonne par son dynamisme, sa capacité à élever le débat public et sa volonté de changer vraiment les choses. Il constitue assurément un espoir chez beaucoup de jeunes LR qui en ont marre d’appartenir à un mouvement qui, depuis plusieurs années, brille par son immobilisme. 

Sébastien Canovas, un candidat (trop) consensuel

En face de la liste menée par Guilhem Carayon, Charlotte Vaillot et Théo Michel, on trouve une liste concurrente ayant à sa tête Sébastien Canovas, reponsable des Jeunes Républicains de Haute-Garonne. Inconnu aux bataillons à part au sein de la jeunesse toulousaine notamment pour sa nonchalance, il semble avoir du mal à prendre ses marques. Soutenu par Constance Le Grip, députée LR des Hauts-de-Seine, Virginie Duby-Muller, députée LR de Haute-Savoie et Vice-Présidente des Républicains ou encore Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses qui a quitté LR par « cohérence » et « sincérité » avec « les idées et les valeurs » qu’il défend, il souhaite en finir avec les querelles internes et les guerres d’égos. Entouré par Amanda Guénard, responsable des Jeunes LR de Maine-et-Loire, Valentin Rouffiac, responsable des Jeunes LR de Paris, et Livia Graziani-Sanciu, responsable des Jeunes LR de Haute-Corse, il se perçoit en porte-voix de la diversité des territoires et des différents courants idéologiques de la droite républicaine. 

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Souhaitant transformer les Jeunes Républicains en une « pépinière de jeunes talents », Sébastien Canovas ambitionne d’encourager l’émergence d’une nouvelle génération de cadres et d’élus à l’image d’Hugo Huet, conseiller municipal délégué d’Asnières-sur-Seine, de Rémi Capeau, conseiller municipal d’Aix-en-Provence ou encore de Raphaël Labreuil, conseiller municipal de Chelles. Malheureusement, en ne voulant pas trancher et en se réfugiant derrière l’envie de rassembler le plus grand nombre pour mieux dissimuler la mollesse idéologique que sa liste incarne, Sébastien Canovas n’apparaît pas comme un homme ayant la stature suffisante pour mener à bien un projet qui le dépasse. Il faut dire qu’il a été choisi d’abord et avant tout pour être un gage de neutralité et d’aseptisation mollassonne pour mieux court-circuiter Guilhem Carayon et Théo Michel. C’était la volonté d’Aurélien Pradié et le moins que l’on puisse dire est que son souhait a été exaucé ! 


Alors, que vont finalement décider les Jeunes Républicains ? Vont-ils opter pour la liste de Sébastien Canovas, c’est-à-dire la liste du compromis et du gloubi-boulga idéologique ou bien choisir une vraie orientation politique en faisant le choix de Guilhem Carayon et de Théo Michel ?

L’enjeu est certes modeste étant donné le faible poids des Jeunes LR au sein du mouvement, mais cette élection pourrait aussi permettre aux jeunes de la droite républicaine d’impulser une dynamique politique et idéologique et de redevenir un tantinet audibles et légitimes sur la scène politique nationale. Ne pas choisir, c’est ne pas cliver mais c’est aussi renoncer. Il serait dommage que ce dont souffre aujourd’hui les Républicains aille jusqu’à contaminer les plus jeunes de leurs adhérents qui seraient bien inspirés de se démarquer de leurs ainés en misant sur leur énergie, leur fougue et leur volonté de tout révolutionner.

Strasbourg: la fausse bonne idée de la fin du Régime concordataire

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Les travaux de la mosquée Eyyub Sultan à Strasbourg, source de graves tensions avec la Turquie, mars 2021 © Javier Aguilar/EFE/SIPA Numéro de reportage : 01011806_000001

Suite à l’affaire de la mosquée Eyyub Sultan à Strasbourg, certains – surtout à gauche – se sont empressés d’exiger la fin du Concordat d’Alsace-Moselle, parfois avec les meilleures intentions du monde. C’est pourtant une fausse bonne idée, qui repose sur l’illusion dangereuse qu’il faudrait traiter toutes les religions de la même façon.


Céline Pina a clairement décrit la situation strasbourgeoise, et le soutien financier colossal que la mairie EELV a décidé d’octroyer à une association islamiste pour bâtir ce qui doit être le double symbole de la conquête progressive de l’Europe par l’islam, et de l’impérialisme turc. Je n’y reviens donc pas.

Ce qui m’intéresse ici, c’est d’analyser les réactions qui partent de ce constat pour demander la fin du Concordat, régime juridique spécifique à l’Alsace-Moselle et dérogatoire de la loi de 1905 relative à la séparation des églises et de l’État.

Un compromis historique pour les anciens sujets du Kaiser

Pour mémoire, ce Concordat est le fruit de circonstances historiques particulières. En 1905,  l’Alsace et la Moselle étaient allemandes : le Reichsland Elsaß-Lothringen. Contrairement à ce que pourraient laisser croire les dessins charmants mais militants de l’Oncle Hansi, la reconquête par la France à l’issue de la première guerre mondiale ne se déroula pas sans heurts : il fallut faire des compromis et des concessions pour que les anciens sujets du Kaiser adoptent (plus ou moins volontiers) leur nouvelle identité de citoyens de la République. Conformément à une promesse du Général Joffre puis du Président Poincarré, l’Alsace-Moselle concerva donc un régime des cultes qui lui est propre, à savoir celui du concordat napoléonien complété par quelques lois allemandes prises pendant la période 1871-1918.

Outre divers particularismes juridiques ouverts à tous (par exemple une version locale du droit d’association, la loi de 1901 ne s’appliquant pas), le Concordat stricto-sensus concerne spécifiquement quatre cultes : catholique, luthérien, réformé, et israélite. Contrairement à ce que l’on imagine parfois, ni les autres églises protestantes (évangéliques, mennonites….) ni les églises orthodoxes (russe, roumaine, grecque….) n’en bénéficient.

L’islam ne fait pas partie des religions concordataires

On peut évidemment critiquer le Concordat pour de nombreuses et légitimes raisons, à condition qu’elles soient cohérentes. Notamment, l’argument naturel selon lequel la loi doit s’appliquer de la même manière sur tout le territoire national devra-t-il intégrer les Outre-Mers et leurs particularismes dans sa réflexion. On peut aussi aspirer à une évolution de ce système : ainsi, à titre personnel je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’il soit étendu par exemple au bouddhisme ou aux églises orthodoxes, parfaitement assimilées, ou encore aux associations de libres-penseurs.

Mais partir du cas précis de la compromission d’une municipalité EELV vis-à-vis de l’islamisme pour attaquer le Concordat n’a pas de sens, et voici pourquoi.

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D’abord, il est faux de croire que le régime juridique concordataire serait nécessaire au clientélisme. Les cas sont hélas nombreux qui montrent que des municipalités de tous les bords ou presque trouvent des moyens légaux pour courtiser le communautarisme en général, et la communauté musulmane en particulier. Trappes, par exemple, n’est pas sous régime concordataire, et pourtant la situation y est pire que dans n’importe quelle commune d’Alsace-Moselle. Et l’on pourrait parler de Bobigny, de Grenoble, de Rennes, et j’en passe.

Ensuite, il faut rappeler que l’islam ne fait pas partie des religions concordataires. Il serait pour le moins paradoxal de priver d’avantages concédés depuis longtemps des cultes respectueux des lois françaises, sous prétexte qu’un culte qui n’est pas l’un d’entre eux ne respecte pas ces mêmes lois ! C’est un peu comme si l’on prétendait lutter contre l’insécurité routière en retirant leur permis de conduire à des conducteurs respectueux du code de la route, sous prétexte qu’un chauffard roulant sans permis n’a pas respecté ce code… Certes, le régime juridique d’Alsace-Moselle offre des facilités à tous les cultes, quels qu’ils soient. Mais là encore : les en priver tous alors qu’il n’y en a qu’un seul qui pose problème serait à la fois injuste et dangereux.

Il serait malvenu d’ajouter de nouvelles tensions

Injuste d’abord : je l’ai dit, la situation des cultes respectueux des lois est une véritable question, et il ne serait pas choquant que les bouddhistes, les orthodoxes ou les athées militants se plaignent d’être privés des avantages reconnus aux catholiques, aux luthériens ou aux juifs. En revanche, nul ne peut sérieusement nier qu’aujourd’hui l’islam pose, en France comme partout sur la planète, des problèmes que ne pose aucune autre religion. Entre les attentats, les pressions mondiales contre la liberté d’expression, et la négation quasi-systématique de la liberté de conscience là où les communautés musulmanes disposent d’une influence suffisante pour imposer leur volonté, la liste est aussi longue que sinistre, et il serait pour le moins paradoxal qu’elle soit sans conséquences.

Bien sûr, le militantisme anti-occidental acharné du Pape François comme l’obscurantisme de beaucoup d’évangéliques américains, ou de certains juifs ultra-orthodoxes, nous rappelle que la vigilance est toujours nécessaire, mais enfin ! Même ces évidentes dérives restent insignifiantes en comparaison de tout ce qui est imputable à l’islam – et pas seulement à l’islamisme.

Bien sûr aussi, certains ne manqueront pas de hurler à la discrimination – à tort. Que la loi soit la même pour tous n’implique absolument pas qu’il faille traiter de la même manière ceux qui la violent et ceux qui la respectent. Un culte qui promeut comme référence normative suprême un corpus de règles encourageant l’esclavage sexuel des prisonnières de guerre et la mise à mort des apostats ne saurait prétendre être traité comme une communauté religieuse « normale ».

A lire aussi: Strasbourg: quand Jeanne Barseghian s’abrite derrière le concordat pour financer l’islam politique

Dangereux ensuite : victimes d’une injustice manifeste, les cultes aujourd’hui concordataires ne seraient-ils pas poussés dans les bras d’un « front des religions » unies contre les « laïcards » ? Front évidemment et inévitablement instrumentalisé par les pires fanatiques pour attaquer une laïcité qu’il deviendrait facile de présenter (à tort) comme l’instrument d’un « athéisme d’état » ne disant pas son nom.

Restreignant tous les cultes à cause des dérives d’un seul, la loi sur les « principes républicains » a d’ores et déjà attisé des tensions inutiles. Certaines des absurdités de la gestion de la pandémie de Covid-19 ont fait de même. Il serait malvenu d’en rajouter encore, en menaçant des religions qui n’ont aucun rapport avec la soif de conquête des islamistes, ni avec l’impérialisme turc, et encore moins avec les délires et les compromissions de plus en plus manifestes d’EELV.

Au service d’un idéal plus grand

Plus encore : il serait malvenu de menacer des religions dont les clergés et les fidèles pourraient être des alliés précieux de l’idéal laïque d’émancipation et de dignité, contre les ambitions théocratiques séculaires de l’islam, contre l’influence du néo-sultan, contre l’entreprise de destruction de notre civilisation à laquelle se livre l’extrême-gauche, y compris dans sa forme soi-disant « écologiste », mais aussi contre la marchandisation du monde et de l’Homme aux mains impitoyables des seigneurs de la guerre économique.

Ni le Concordat ni la loi de 1905 ne sauraient être considérés comme des fins en soi. Ce ne sont que des moyens au service d’un idéal plus grand, idéal que partagent les vrais républicains et les courants humanistes de certaines religions – dont celles qui bénéficient aujourd’hui du Concordat. Et il est grand temps que tous ceux qui partagent cet idéal, croyants ou incroyants, s’unissent contre leurs ennemis communs au lieu de se tirer dans les pattes pour des prétextes totalement futiles au regard des vrais enjeux.

Un courrier de soutien à Didier Lemaire

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Parmi les nombreux messages de soutiens reçus par Didier Lemaire, celui-ci, envoyé par Rachid B., 62 ans, l’a particulièrement ému. Causeur le publie tel quel ce matin.


Cher Monsieur,

C’est un fils d’immigrés algériens et musulmans qui tient à vous témoigner sa sympathie après le tourbillon de malentendus, mais surtout la haine et les mauvais procédés dont vous avez été et continuez d’être la cible.

Je vous prie d’accepter l’expression de ma solidarité envers votre personne et votre métier si noble de professeur.

Relire Paul Yonnet

Je suis déjà un vieux monsieur (62 ans), un « chibani », et je partage entièrement non pas votre pessimisme, mais votre constat : la France ni l’Europe ne vivent plus dans la continuité historique de leur culture et de leur civilisation. La cause est entendue, comme l’a prophétisé Spengler il y a déjà un siècle. J’étais pourtant jusqu’à il y a quelques années encore lesté d’un vague espoir de sursaut. En 1993, le sociologue Paul Yonnet essuyait une vague d’hostilité de la part des journalistes bien-pensants dont beaucoup sévissent encore aujourd’hui, après la publication de son Voyage au centre du malaise français. Il faut relire ce qu’en disaient alors les Joffrin, Szafran, Ferry, Jean-Paul Enthoven, Robert Maggiori, Colombani, Françoise Giroud, Gérard Leclerc, etc. 

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Pour y répondre, il écrivait dans Le Débat : « Les choses sont ce qu’elles sont. Je n’écris pas dans la collection Harlequin, ni pour la Bibliothèque rose. Ce livre est un livre sur la mort et sur l’angoisse. De la première à la dernière page, il parle de la mort, de la dilution. Non pas de la mort individuelle, mais de quelque chose de bien pire, de ce qui rend supportable la mort des individus parce qu’elle lui donne un sens, la certitude d’avoir été un maillon de la continuité collective, ce sentiment de sécurité identitaire minimal et proprement humain qui autorise à œuvrer sans développer d’insupportables angoisses sur l’avenir du groupe. » C’était en 1993.

Un mode de vie étranger qui s’impose

On a prétendu vous faire dire que la ville de Trappes serait en quelque sorte « à feu et à sang ». Je suis bien placé pour savoir, comme « musulman d’apparence » vivant dans une HLM parisienne islamisée, que la violence physique n’est pas nécessaire pour imposer un mode de vie et une culture totalement étrangère à la tradition française. Il y a à peine une semaine, tenant un chien en laisse devant l’ascenseur, mon voisin, père de famille tunisien qui se rend tous les jours à la Grande Mosquée toute proche, fort sympathique au demeurant, m’a supplié de ne pas l’approcher : « Si votre chien me frôle, je vais être obligé de refaire mes ablutions », m’a-t-il dit. 

Je vis en rasant les murs, supportant les insultes de gamins qui me surprennent avec une cigarette en période ramadan, me traitent de kouffar parce que je vis seul, etc. 

A lire ensuite, Martin Pimentel: A Trappes nigaud

Il faut aussi supporter la transformation du paysage en plein Paris : femmes enfoulardées, hommes barbus en kamis, etc. 

La « bande-son » aussi faite de dialectes exotiques auxquels on ne peut s’habituer lorsqu’on est amoureux d’une certaine langue qui constitue la vraie patrie. Il faut finir sa vie en exil.

Croyez bien, s’il vous plaît Monsieur, à mon entier soutien et à ma toute cordiale sympathie.

Rachid B.

Île de la Cité/marché aux fleurs: il faut craindre le pire

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Le marché aux fleurs en 1951. Il anime le quai de Corse depuis le début du XIXe siècle. ©Agip/Bridgeman Images

Villedeparisme. Après avoir entériné la fermeture du marché aux oiseaux, le conseil de Paris poursuit la « réhabilitation » du marché aux fleurs. Ce mot laisse présager une restructuration profonde de ce coin si poétique de la capitale. Quand la mairie de Paris parle d’esthétique, il faut craindre le pire.


Dès que la Mairie de Paris parle de patrimoine, on s’attend au pire. Une crainte plus que jamais justifiée dans le cas du marché aux fleurs – qui abrite le marché aux oiseaux chaque dimanche –, tant les menaces pesant sur cette place Louis-Lépine et ses pavillons fin xixe sont nombreuses et récurrentes. Nous avions été quelques naïfs à penser que la visite de la reine d’Angleterre, en juin 2014, sur ce marché rebaptisé à cette occasion « Marché aux fleurs-Reine Elizabeth-II », lui garantirait une protection éternelle. Las, dès 2016, François Hollande, alors président de la République (si, si, souvenez-vous), confiait à Dominique Perrault, l’architecte qui a commis la BNF-François-Mitterrand, une mission d’étude sur « l’avenir de l’île de la Cité ». Ceux qui ont vu l’exposition de son projet visionnaire à la Conciergerie sont encore en état de choc. Il proposait de raser toute cette place, selon lui scandaleusement sous-exploitée avec ses petits pavillons charmants et désuets, afin d’y construire un cube de verre sur plusieurs étages « à la façon du Crystal Palace ». Tant de modestie n’a pas convaincu et l’idée de transformer l’île-mère de Paris en centre commercial pour touristes a été abandonnée. De toute façon, il n’y a plus de touristes et le marché aux fleurs a pu tranquillement bénéficier de la négligence de la Ville. Comme souvent désormais, il a fallu attendre un état de dégradation avancée pour que le Conseil de Paris vote, en décembre dernier, sa réhabilitation avec « remise dans leur état d’origine des halles patrimoniales » et, pour cela, un budget de près de 5 millions d’euros. Le chantier devrait s’étaler de 2023 à 2025 (flûte, en plein JO).

On pourrait se féliciter de ce vote, mais cette mauvaise habitude de voir le mal partout me pousse à m’interroger sur les intentions réelles de la municipalité. Il suffit de lire son site pour se gratter la joue : « Le projet prévoit aussi de repenser l’usage des lieux pour les commerçants comme pour les visiteurs. Une piétonnisation des abords du marché et de ses allées centrales est prévue, ainsi qu’une végétalisation en pleine terre avec notamment la plantation d’arbres et l’implantation d’un stand de petite restauration. Le règlement du marché, actuellement en régie directe, sera aussi révisé. Enfin, les boîtes sur le quai de Corse devraient être déposées afin de retrouver la vue sur la Seine. »

Végétaliser un marché aux fleurs déjà blotti entre les arbres est une idée rigolote, je doute en revanche que la Préfecture de police voisine accepte la piétonnisation de la rue de la Cité qui la dessert. Couper la circulation quai de Corse ne serait qu’une contrariété de plus infligée aux Parisiens qui, à en juger par le résultat des élections, semblent adorer qu’on leur pourrisse la vie, et supprimer ces « boîtes » ne ferait que mettre quelques fleuristes au chômage. Sauf si le projet de réhabilitation prévoit de construire de nouvelles « halles patrimoniales » ; d’ailleurs, on préfère ne pas imaginer à quoi ressemblera le « stand de petite restauration » ni la nature de celle-ci.

Il est également annoncé le lancement d’un concours d’architectes. S’il est bien question d’une « remise dans leur état d’origine des halles patrimoniales », la supervision du chantier par un architecte des Monuments devrait suffire, non ? Faudrait-il comprendre que cette « remise en état » inclurait quelques mètres d’asphalte supplémentaires et quelques baraques d’architecte pour répondre à la promesse du Conseil de Paris de « repenser l’usage des lieux » ?

Sous la pression, bienvenue, d’une association de défense des animaux, la PAZ (Paris animaux zoopolis), l’Hôtel de Ville a d’ores et déjà commencé à le repenser, cet usage des lieux. Pour entériner la fermeture du marché aux oiseaux, institution remontant au Premier Empire, Christophe Najdovski, le maire adjoint chargé de la condition animale, a déclaré qu’il « était devenu l’épicentre d’un trafic d’oiseaux » et que, « malgré un certain nombre d’actions menées, ces trafics perdurent aujourd’hui ». On peut ici penser à cette expression : « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. » La PAZ dénonçait aussi un « vestige d’un autre temps ». Vlan ! Argument imparable, plus fort que les images filmées par L214 dans les abattoirs, et qui motive également ses actions pour fermer le zoo du jardin des Plantes et interdire la pêche dans la Seine.

Dans Les Échos du 26 novembre 2020, Emmanuel Grégoire, premier adjoint du maire de la capitale en charge de l’urbanisme et de l’architecture, annonçait tout de go qu’il y avait un « besoin » de repenser l’esthétique de Paris et qu’à cette fin, un « Manifeste pour une nouvelle esthétique parisienne » présentant la « doctrine » de l’équipe dirigeante verrait le jour au printemps, après une « grande consultation » qui inclura les élèves des classes primaires. Sa prose est un délice : « La mairie veut faire du design l’un des éléments de critères dans les appels d’offres pour les marchés publics […] avec des indications très contraignantes, comme des lignes de grammaires esthétiques ou un référentiel de couleurs imposées. » Pour rassurer les sceptiques, il ajoutait : « Nous essayerons d’aller le plus loin possible. »

Les intentions sont désormais très claires, donc, oui, je m’attends au pire. Toutefois, afin de surmonter cette mauvaise passe, j’envisage de faire appel à l’adjointe au maire en charge de la Résilience.

Signé Conchon!

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Jean-Louis Trintignant et Claude Brasseur dans "Une Affaire d'hommes" de Nicolas Ribowski (1981). Image: jaquette du DVD.

Sortie en DVD d’«Une affaire d’hommes» de Nicolas Ribowski, scénario et dialogue de Georges Conchon


Comment a-t-on pu si vite oublier le nom de Georges Conchon (1925-1990)? La postérité est forcément injuste. Dégueulasse même. Elle promeut les médiocres, les bateleurs et les habiles communicants de leur propre œuvre. Tandis que disparaissent des écrits essentiels au fond des boîtes, dans la poussière des bouquinistes, le papier jauni entre les mains et cette odeur tenace de semi-moisi qui prend le nez, Conchon écrivit des romans qui obtinrent pourtant, en leur temps, des distinctions à la pelle: Prix Fénéon 1956 pour Les Honneurs de la guerre, Prix des Libraires 1960 pour La Corrida de la victoire, Prix Goncourt 1964 pour L’État sauvage etc… Et même des romans qui connurent des adaptations au cinéma avec, s’il vous plaît Visconti, Rouffio, Annaud, Girod ou Chéreau (L’Étranger, Sept morts sur ordonnance, La Victoire en chantant, Le Sucre, La Banquière, Lacenaire, etc…).

Conchon démontait les mécanismes les plus complexes, rien ne résistait à son appétit de dissection…

À ma connaissance, aucun comité de défense de Georges Conchon ne s’est constitué pour réparer cette injustice. Alors que d’autres écrivains mineurs ont droit à des campagnes d’affichage dans les rues de Paris et les génuflexions d’une presse culturelle déconsidérée par des années d’errements esthétiques. Que fait également l’Université si prompte d’habitude à colloquer sur les opprimés des Lettres et le moindre dissident politique ayant pondu un poème mal séquencé?

Le contraire d’un idéologue

On peut avancer deux arguments pour expliquer ce désintérêt, voire cette méconnaissance totale pour l’un des piliers de la littérature française dans la deuxième moitié du XXème siècle: Conchon écrivait bien et ses livres s’appuyaient sur une réalité sociale peu reluisante. Il enquêtait, à la manière des Américains, de longs mois, il s’imprégnait à fond d’un sujet afin d’en percevoir toutes les faces obscures, de la décolonisation au marché à terme de marchandises, il démontait les mécanismes les plus complexes, l’Afrique, le sucre ou le pouvoir judiciaire, rien ne résistait à son appétit de dissection.

Il n’avançait jamais avec les œillères de son milieu d’origine. Pour cet homme de gauche, aucun camp n’avait le monopole du cœur. Il distribuait les coups de griffe de chaque côté. C’était le contraire d’un idéologue, son indépendance d’esprit menaçait les affidés du système. À sa parfaite connaissance des thèmes les plus arides du moment, il avait le don inné pour le dialogue. Il préférait utiliser le singulier comme si le pluriel dénaturait sa tapisserie et détraquait sa dramaturgie.

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Le dialogue est un tout, harmonieux et rond, qui façonne une histoire. Conchon écrivait des histoires, de très bonnes histoires inspirées de faits réels qui passionnaient les lecteurs et fascinaient les réalisateurs. C’en était trop pour un seul homme. Un type qui plaît autant est forcément suspect aux yeux des aigris et censeurs de l’édition. Pour couronner le tout, il était Secrétaire des débats au Sénat. Fonctionnaire et écrivain, ami de Carmet et de Gégé, proche de Rocard et ayant été à l’école avec Giscard sous l’Occupation, Auvergnat et prolixe à la fois, pointilleux sur la véracité et doué d’un comique persifleur, humaniste sans être victimaire, doué pour le portrait psychologique et la frise policière, Conchon incarnait cette qualité «France» qui résiste au temps et qui nous manque tant. Il n’avait pas la gueule de l’emploi, pas le genre débraillé ou bohème chic, plutôt rond-de-cuir à la Courteline ou notaire balzacien; lunettes épaisses et costume trois pièces; rigueur vestimentaire et fantaisie littéraire. À son contact, on prend une leçon d’écriture et d’humilité que ce soit sur papier imprimé ou grand écran.

La précision d’une montre suisse

Datant de 1981, « Une affaire d’hommes » avec Claude Brasseur dans le rôle du commissaire Servolle et Jean-Louis Trintignant dans celui du promoteur immobilier Louis Faguet en est une illustration magistrale. Le film ressort en DVD agrémenté d’un entretien exclusif très éclairant avec le réalisateur Nicolas Ribowski. En évoquant le souvenir de Conchon, il file la métaphore horlogère, il parle d’une «Patek Philippe» tellement le scénario et le dialogue entraînent une mécanique implacable. La science narrative de Conchon a la précision d’une montre suisse, elle lance insidieusement le chronomètre de la défiance quand l’amitié vient à dérailler.

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Le film se passe essentiellement à Longchamp dans un peloton de cyclistes amateurs.

Quand l’un des coureurs vient à être accusé du meurtre de sa femme, le groupe vacille. À l’originalité du sujet et la beauté du duel fascinant entre Brasseur et Trintignant, mélange d’endurance et de désamour, «Une affaire d’hommes» vaut pour le décor. Les tours de pistes, les crevaisons et les fringales, l’hiver parisien, la sueur qui colle au cuissard et l’effort sans cesse renouvelé pour améliorer son chrono ou trahir ses amis. Le casting (Jean-Paul Roussillon, Jean Carmet, Eva Darlan, Béatrice Camurat, exceptionnel Patrice Kerbrat sans oublier la présence de Noëlle Châtelet et Elisabeth Huppert) fait de ce film, une référence du genre. Sucer la roue de Conchon n’est pas tromper!

Une affaire d’hommes – Film de Nicolas Ribowski – Scénario et dialogue de Georges Conchon – DVD Studiocanal

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L’école à la maison? Péguy et Stendhal répondent

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Charles Péguy. ©Lavoro / Leemage / via AFP

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.


L’article 21 de la loi sur le séparatisme visant à restreindre l’instruction à domicile ravive une guerre scolaire qui ne date pas d’hier. L’école laïque a pourtant été célébrée longtemps dans notre littérature comme une référence républicaine, politique mais aussi poétique, de Péguy à Marcel Pagnol en passant par Louis Pergaud. Mais l’école, laïque ou pas, est pour nombre de parents synonyme d’une intrusion dans l’éducation de leurs enfants par des valeurs qu’ils ne partagent pas. Le Monde publie le témoignage d’une mère qui a fait le choix d’éduquer ses trois filles à la maison: « L’État s’autoproclame premier éducateur de nos enfants, mais cela va à l’encontre de tous les textes fondateurs ! » Il est intéressant de voir que Charles Péguy, d’une certaine manière, conforte cette analyse : « Il ne faut pas que l’instituteur soit dans la commune le représentant du gouvernement ; il convient qu’il y soit le représentant de l’humanité ; ce n’est pas un président du Conseil, si considérable que soit un président du Conseil, ce n’est pas une majorité qu’il faut que l’instituteur dans la commune représente. [] Il est le seul et l’inestimable représentant des poètes et des artistes, des philosophes et des savants. » (Œuvres en prose) Pourtant Péguy poursuit : « Mais pour cela, et nous devons avoir le courage de le répéter aux instituteurs, il est indispensable qu’ils se cultivent eux-mêmes ; il ne s’agit pas d’enseigner à tort et à travers. »

Il semble là, par anticipation, répondre aux dérives pédagogistes et à la baisse du niveau des enseignants et des élèves qui sont aussi une des motivations de l’école à domicile. Premières raisons évoquées en effet par les associations : « La formation des enseignants incomplète, le refus du redoublement, l’évolution de la société qui fait que la parole de l’enseignant est moins prise en compte. »

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Cette résistance fera-t-elle réapparaître dans le roman cette figure du précepteur qui avait disparu au profit de celle de l’instituteur ? Précepteur qu’on voit, par exemple, dans Le Rouge et le Noir avec Julien Sorel. Ce ne serait pas forcément fait pour rassurer les partisans de l’école à la maison : « Les enfants auxquels l’on avait annoncé le nouveau précepteur, accablaient leur mère de questions. Enfin Julien parut. C’était un autre homme. C’eût été mal parler de dire qu’il était grave ; c’était la gravité incarnée. »

Il n’empêche que cette « gravité incarnée » ne l’empêchera pas de devenir l’amant de Madame de Rénal mère. Autant dire que l’école à la maison est à manier avec prudence…

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