Accueil Site Page 105

Cinéma: l’envers du décor

Les films nous racontent des histoires. Mais qui nous raconte celles des films ? Journaliste collaborant à Première et Télérama, l’historien du cinéma Olivier Rajchman revient sur des tournages mythiques du 7e art dans son dernier livre. Un ouvrage qui a changé le regard que notre chroniqueur porte sur le cinéma


On se rend dans une salle de cinéma, on regarde un film, on en sort ébloui ou déçu ou, pire, indifférent et on s’imagine peut-être qu’il n’y avait là rien d’extraordinaire. Un spectacle comme un autre. Quand on lit le remarquable livre L’Aventure des films, d’Olivier Rajchman, on comprend tout. Les très grands films sont des tours de force, des miracles.

Une sélection de vingt films

Pour apprécier cet ouvrage critique de haute volée, je l’admets volontiers, il convient d’être un amateur épris de cinéma, attentif à tout ce qu’il a apporté et sensible à son histoire, de l’éclat des stars aux modestes mais irremplaçables contributions des seconds rôles. Mais il est vrai que la connaissance du cinéma devrait faire partie de la culture générale, tant elle permet une vision du monde, de la société et de l’être humain, qui s’ajoute aux formations plus classiques.

Dissipons d’emblée un malentendu qui a failli m’égarer. Olivier Rajchman, dans son choix des vingt films qu’il considère comme emblématiques, ne se prononce pas sur leur excellence, leur supériorité qualitative mais explique parfaitement que chacun d’eux a été décisif dans la création d’un genre et qu’à ce titre il a sa place dans ce panthéon. Aussi bien « Autant en emporte le vent » que « À bout de souffle », « Chinatown » que « Barbie », « Le Dernier métro » que « Chantons sous la pluie » par exemple.

En lisant Olivier Rajchman, j’ai abandonné l’approche superficielle que j’avais du cinéma. J’ai maintenant conscience qu’il s’agit, dans tous les cas, d’un travail colossal et très éprouvant pour les nerfs. Tous ceux qui participent à l’élaboration du film passent par des phases de désespoir, avant d’en être très rarement satisfaits !

A lire aussi: Sâdeq Hedâyat: cauchemar persan

Je n’imaginais pas les épreuves, la minutie, le perfectionnisme, l’ampleur et la fatigue des tâches qui conduisent, dans le meilleur des cas, au sublime, ou au moins imparfait possible. La collaboration constante et infiniment créatrice entre le producteur, le ou les scénaristes et le réalisateur est impressionnante parfois de solidarité, souvent d’antagonismes surmontés, d’écoute, de tolérance, d’échanges puissants et sans concession, d’abandons puis de reprises, de pessimisme amendé par un optimisme que le travail fourni fait surgir.

Éprouvantes entreprises

Je n’aurais garde d’oublier les acteurs qui, choisis pour ce qu’ils vont apporter au film – sans le moindre doute pour certains, pour d’autres après moult hésitations et revirements -, peuvent faire preuve d’un caractère, d’une implication ou non, qui compliquent ou facilitent le processus de création.

Le réalisateur est le personnage central de cette magnifique et éprouvante entreprise, de sa conception à peine esquissée jusqu’à sa diffusion en majesté. On est effaré par le nombre d’incidents techniques, personnels, humains et psychologiques, que doit régler un metteur en scène appelé à se muer en médecin des âmes et des sensibilités avant d’être un maître dans son activité artistique. Et tous les réalisateurs n’ont pas la politesse, la patience et la tranquillité constante d’un François Truffaut !

A lire aussi: Tournez manège!

On ne peut pas non plus passer sous silence le rôle capital de l’auteur de la musique, qui a son idée se confrontant parfois à celle du réalisateur. Dans les moments de grâce, la musique de film n’est pas un ornement mais une puissance à part entière comme Ennio Morricone l’a toujours voulu.

Il faut rendre justice à l’infinie richesse de ce livre, de ses chapitres qui pour chaque film, mélangeant genèse, construction intellectuelle, détails techniques, approfondissement des personnages, anecdotes de tournage, focalisation sur les acteurs, histoire des rapports entre producteurs, scénaristes, réalisateurs et compositeurs, offre un panorama complet et passionnant de la tâche himalayesque d’une œuvre menée à terme ! Je ne traiterai plus jamais le cinéma à la légère.

448 pages.

L'Aventure des films: Histoire de vingt tournages mythiques

Price: 25,00 €

12 used & new available from 24,14 €

New York: la plus grande ville juive du monde peut-elle élire maire Zohran Mamdani?

0

L’ultra-progressiste Zohran Mamdani est loin d’être uniquement cet opposant « radical » à Trump que nous présente la bonne presse…


Les résultats du vote à la primaire démocrate pour la Mairie de New York ont été connus 48h à peine après un bombardement américain sur l’Iran qui laissait peu de place médiatique à la victoire d’un inconnu à une élection municipale qui ne se tiendrait que six mois plus tard, victoire qui ne fut d’ailleurs officielle que le 1er juillet. Ce délai s’explique par le système de vote utilisé, vote à choix classés dans lequel les voix sont redistribuées en fonction du classement des candidats par chaque électeur. On aboutit à un résultat qui compare les deux candidats les mieux placés, les autres ayant disparu dans les décomptes successifs. Donc Zohran Mamdani, 33 ans, a gagné par 56% des voix contre 44% à Andrew Cuomo, ex-gouverneur de l’État de New York.

Ce système électoral, qui a été étrenné avec succès à New York, mais qui est déjà utilisé en Australie, en Irlande et dans l’État du Maine favorise les candidats les plus consensuels aux dépens de ceux qui sont plus clivants. Ne rêvez pas, il n’est pas près de s’appliquer en France. Est-ce à dire que Zohran Mamdani est un candidat modéré ?

Ennemi virulent d’Israël

Un ennemi virulent d’Israël, disent la plupart des organisations sionistes. Cela signifiait pour moi que New York, la plus grande ville juive du monde, même si le nombre de Juifs, un million environ, y est bien plus réduit qu’il y a cinquante ans, risque d’élire en novembre  un maire antisémite. À des amis New-Yorkais: j’ai demandé comment cela était possible… et leur réponse m’a sidéré…

Ils soutiennent Zohran Mamdani, jeune, intègre et expérimenté. Il défend la justice sociale, les travailleurs étrangers, arbitrairement pourchassés par la police d’immigration de Trump alors qu’ils travaillent et paient leurs impôts, mais qu’ils n’ont pas de permis de séjour à cause des dysfonctionnements administratifs. M. Mamdani réclame plus de crèches, des allocations pour les plus pauvres, un gel des loyers et plus d’inclusion pour les minorités. Et puis, il l’a dit et redit, il n’est absolument pas antisémite…

A lire aussi, Gabriel Robin: Christophe Gleizes, victime collatérale de la guerre froide franco-algérienne

Je précise que mes amis sont des Juifs orthodoxes très liés à Israël, que l’épouse a longtemps travaillé dans une grande organisation sioniste et qu’ils habitent West End Manhattan, un des quartiers les plus huppés des États-Unis. 

Alors j’ai essayé d’en savoir un peu plus sur Zahran Mamdani.

Sa mère, Mira Nair, est une célèbre cinéaste indo-américaine. Son père, musulman d’origine indienne, éduqué en Ouganda, est aujourd’hui un des critiques de l’impérialisme les plus influents du monde anglophone. Il est titulaire à Columbia de la chaire de Sciences politiques Herbert Lehman, nommée d’après un homme politique du New Deal, philanthrope juif et sioniste convaincu. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’en est pas de même de Mahmoud Mamdani, qui s’est révélé depuis le 7-Octobre un opposant d’Israël parmi les plus virulents du campus.

Les Talibans, c’est la faute aux néoconservateurs américains !

Ses livres, dont ses partisans disent que certains sont des chefs d’œuvre, reposent sur la thèse que la violence n’est pas culturellement liée à l’islam mais qu’elle provient des choix effectués par les puissances impérialistes dans un désir de domination. Ce sont elles qui dans un but anti-soviétique ont favorisé  en Afghanistan l’islam religieux, elles qui ont fait naitre un Etat juif fondé sur une identité ethno-religieuse, elles aussi qui avaient créé au Rwanda des identités hutu et tutsi artificielles dont le résultat fut un génocide. Mahmoud Mamdani prétend que toute violence est politique et doit être contextualisée. Il plaide en Palestine pour un état non identitaire, post national et post ethnique où Juifs et musulmans se mélangeraient sans accroc. En somme une laïcité à la française de rêve…

Mahmoud Mamdani façonne ses thèses sur ces postulats préétablis, refuse toute culpabilité qui ne serait pas impérialiste, oublie l’expulsion des Juifs du monde arabe comme la charte du Hamas et prône un futur idyllique qui ne pourrait se transformer qu’en cauchemar pour une minorité juive. 

A lire aussi, Gerald Olivier: Divorce à la MAGA

Son fils reconnait à Israël le droit à exister, mais si on l’interroge mieux, on voit qu’il voudrait que chacun y ait des droits égaux, que l’apartheid qu’il dit exister actuellement disparaisse et que les Palestiniens bénéficient du droit au retour. Le 8 octobre, il a regretté les morts des deux côtés, n’a pas cité le Hamas et a fait porter la responsabilité sur l’occupation israélienne. Inutile d’ajouter que l’existence d’un génocide à Gaza est pour lui une évidence. Il a demandé à mondialiser l’intifada et a répondu aux critiques que intifada, c’est aussi le terme par lequel on traduit en arabe l’insurrection du ghetto de Varsovie, donc un terme indiscutablement honorable. En somme, sous un couvercle universaliste une garantie de destruction d’Israël.

Comme étudiant il avait été au premier rang des manifestations de BDS et de Students for Justice in Palestine. Il accuse aujourd’hui Netanyahu d’être un criminel de guerre génocidaire. Il réserve d’ailleurs les mêmes qualificatifs à l’Indien Modi.

Soutenu par Bernie Sanders

S’il répète la pensée paternelle, il a ajouté son sourire, son charisme, son expertise en réseaux sociaux, ses talents de rappeur et producteur hip-hop ainsi que son expérience personnelle de juriste auprès des mal-logés de New York. Tout cela explique l’engouement auprès des jeunes et le soutien de poids lourds de la gauche progressiste américaine, Alexandria Ocasio‑Cortez, la célèbre  AOC, la pasionaria pro-palestinienne Linda Sarsour et le sénateur Bernie Sanders. Car la victoire de Zharan Mamdani, c’est la victoire d’un parti démocrate progressiste sur un parti démocrate traditionnel tétanisé depuis la victoire de Trump. D’autres établiront peut-être les liens de ce courant progressiste avec un financement qatari dont l’importance n’est plus à démontrer.

Le discours de Zohran Mamdani convient aux mouvements juifs antisionistes  devenus très présents sur la scène américaine tels «Jewish Voice for Peace» ou «IfNotNow», sans compter probablement aux 30 000 familles Satmar de Williamsburg, sensibles aussi aux questions de loyers. Mais sa victoire a été aussi digérée, et parfois même soutenue, par des Juifs sionistes authentiques sensibles aux questions de justice sociale, très soucieux de paix et de morale et souvent aussi très hostiles à Benyamin Nétanyahou. Tels sont Chuck Schumer, leader de la minorité démocrate au Sénat et Jerry Nadler, inamovible représentant démocrate de Manhattan au Congrès, deux personnalités politiques juives majeures de New York qui, après sa victoire ont félicité Zohran Mamdani, certainement à contre-cœur, mais l’ont félicité quand même.

A lire aussi, du même auteur: La dérive iranienne des Insoumis

Zahran Mamdani a bénéficié du soutien des jeunes, des mal-logés et de tous ceux qui voudraient un parti démocrate plus progressif et qui ont accusé Andrew Cuomo, l’ex-gouverneur de l’Etat de New York, longtemps en tête des sondages, de collusion avec les Républicains. M. Cuomo représentait d’autant plus le «vieux monde», celui des liens avec les syndicats plutôt qu’avec les jeunes, qu’il avait dû démissionner de ses fonctions de gouverneur à la suite d’accusations de harcèlement sexuel. Celles-ci n’ont finalement pas été retenues par la justice mais sa réputation en a été définitivement entachée, d’autant que c’est à l’Etat donc au contribuable new-yorkais de payer les 60 millions de dollars de frais de procédure. Cuomo sera malgré tout encore candidat en novembre sous un autre nom de parti mais ses chances seront très faibles. 

Ce sera aussi le cas du maire actuel Eric Adams, un policier noir dont l’arrivée à la Mairie représentait y a quatre ans une remarquable success story. Sa mandature a été mise à mal par une accusation de corruption liée à des passe-droits sur l’immeuble bâti pour la délégation turque à l’ONU, et sur lequel pesait l’exigence de Erdogan d’inauguration rapide, pour la session d’ouverture de l’ONU. Eric Adams qui n’a pas osé participer à la primaire démocrate se présentera en candidat indépendant, mais on ne donne pas fort de ses chances, même si toute procédure ici encore a été abandonnée, car sur lui pèse la suspicion d’avoir cédé à l’administration Trump et ses exigences d’expulsions en échange d’un non-lieu personnel.

Aussi bien Cuomo que Adams ont d’excellentes relations avec la communauté juive. Je le regrette pour mes amis New-Yorkais, mais je doute qu’il en soit de même pour Zahran Mamdani, désormais favori des sondages. Son élection apporterait une nouvelle fois la démonstration qu’une campagne axée sur d’âpres sujets économiques et sociaux, tels les bons alimentaires et les réductions d’abonnements de transports devient plus plaisante et plus mobilisatrice si elle s’effectue sous un couvercle de détestation d’Israël. Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris.

Wimbledon, l’élégance à l’anglaise

0

Seul le service-volée, qui tend à disparaitre, manque aux conservateurs et autres esthètes du beau jeu…


En plein cœur d’une époque qui pèche trop souvent par défaut d’élégance, Wimbledon est l’un des tout derniers bastions où la tradition résiste à la modernité. À l’écart d’un monde devenu fou, le All England Club, antre de la compétition, est un havre de paix où les balles que l’on s’échange sont jaunes et n’ont d’autre objectif que celui de tuer les illusions de l’adversaire ; rétif à la déconstruction de tous les repères, le tournoi londonien résiste aux progressistes zélés ; comme pour défier le temps qui défile, la quinzaine pose son ancre sur la vie.

Les tenues blanches tranchent avec les accoutrements criards de l’époque et, dans leurs uniformes immaculés, les joueurs rivalisent d’une classe qu’aucun défilé de mode sans doute n’égalera : a-t-on d’ailleurs jamais vu homme plus élégant que Roger Federer entrant sur le court en costume nivéen ou – pardonnez-moi ce jugement peu dans l’esprit du temps – femme plus belle que Maria Sharapova dans sa robe blanche ? Les rythmes binaires de la musique moderne sont remplacés par le bruit sourd des échanges qui perturbent à peine le flegme des spectateurs. La chaleur pose son dôme en plein cœur d’un été à propos duquel on pense encore naïvement qu’à l’instar de l’enfance ou des moments heureux, il ne terminera jamais. 

A lire aussi, Thomas Morales: Tournez manège!

Wimbledon a accouché des plus grands champions de l’histoire du jeu : Fred Perry, avant d’être la marque prisée par les mods et la jeunesse politisée, fut pendant plusieurs décennies le dernier joueur de tennis britannique à inscrire son nom au palmarès avant qu’Andy Murray ne rectifiât l’anomalie ; Stefan Edberg et Boum Boum Becker, l’eau et le feu, les deux héros de mon enfance, jouèrent trois finales consécutives au tournant des années 90 ; l’esthète Roger coiffa les lauriers à huit reprises, une fois de plus que le plus grand joueur de tous les temps, Novak Djokovic, et que Pete Sampras ; chez les femmes, Martina Navratilova vint gagner au filet neuf éditions, Steffi Graff et Serena Williams raflèrent la mise à sept reprises, la Française Suzanne Lenglen remporta le dernier de ses six titres il y a tout juste un siècle.      

Si Wimbledon est le tournoi des traditions, certaines se dérobent toutefois. Pendant longtemps, le service-volée a dicté le rythme des rencontres. Ce coup exercé à la hussarde est le mariage de la puissance et de la finesse, l’esthétisme des guerriers, la preuve que la virilité est une question d’audace plus que de gros coups assénés à la force du bras ; cet enchaînement est l’art des funambules et des voltigeurs ; il est une intrusion aux confins du territoire adverse que l’on pourrait, si l’on n’y prenait garde, confondre avec une déclaration de guerre ; il est la stratégie des impatients qui veulent finir en deux coups là où d’autres usent et abusent des préliminaires. Désormais, prudence oblige, on reste le plus souvent au fond du court. 

Wimbledon restera toutefois Wimbledon tant que les crépuscules de début d’été darderont leurs derniers rayons sur le Central Court, que l’anglais de la BBC nous paraîtra aisé à comprendre, que les Anglais mangeront des fraises accompagnées de crème dans les gradins et que le gazon, martyrisé par le martèlement des pas, finira, comme toutes les chevelures, par se clairsemer au fil de la quinzaine. À la fin de celle-ci, cette année comme toutes les précédentes, un peu de l’été s’en sera allé, les jours et nos vies auront perdu de leur longueur et de nouveaux champions auront inscrit pour l’éternité leur nom à l’auguste palmarès. 

Le créole pour tous!

Le leader de lextrême gauche et chantre de la « Nouvelle France » n’a rien compris au créole. Il le sait, mais, pour prendre le pouvoir, il est un « déconstructeur » prêt à tout qui s’assume.


Jean-Luc Mélenchon a proposé dernièrement de rebaptiser la langue française et de l’appeler désormais « langue créole ». Cela ressemble fortement à une conversion forcée, car la langue française ne répond pas à la définition du créole que donne le Larousse : « langue née du contact d’une langue européenne avec une langue locale ou importée et devenue langue maternelle dans une communauté créole ». Il existe des créoles à base de français, d’anglais, de portugais, etc. ; issus de la colonisation et de l’esclavage, et qu’on trouve historiquement dans les contrées les ayant connus. Si donc, certains créoles se sont constitués à partir du français, c’est qu’il y a bel et bien du français ! Précisons immédiatement que les créoles sont des langues à part entière, qu’il n’y a donc aucune discrimination dans le fait de dire que la langue française n’en est pas ; c’est simplement une question de constitution.

Ben mon côlon (colon)

Jean-Luc Mélenchon a également affirmé que le français, créole ou non cette fois-ci, n’appartenait plus aux Français mais à tous ceux qui le parlaient de par le monde. Ajoutant que ce sont les gens qui vont à la langue et pas la langue qui va à eux. Drôle de formule qui contredit l’Histoire puisque si d’autres que les Français parlent le français, mis à part les amoureux inconditionnels qui ne sont jamais légion, c’est bien parce que la langue française est allée à eux et pas avec des pincettes ! Par ailleurs, le fait qu’une trentaine d’autres pays que la France parlent le français, est une bonne nouvelle dans le globish généralisé, mais cela n’implique aucunement que le français ne serait pas la langue de la France. Quant aux apports des autres langues qu’on trouve dans la nôtre, apports qu’on trouve du reste dans bien d’autres langues, nul n’a jamais songé à les nier, mais ces apports, souvent sous forme de mots, n’ont pas affecté les structures essentielles de la langue française. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a introduit sa proposition en affirmant que la langue française était langue coloniale et impériale ; ce qui contredit le principe même de « langue créole » !

A lire aussi: «La langue anglaise n’existe pas». Une mise en perspective aussi savoureuse que convaincante

Cela n’a jamais empêché que la langue française dont on semble toujours déplorer je ne sais quelle rigidité d’extrême droite n’est-ce pas, connaisse des rencontres heureuses entre créole précisément et elle-même. Voir les littératures antillaises et africaines qui nous offrent des mixages linguistiques luxuriants et baroques. Mais, précisément, cela s’appelle littérature, laquelle réalise des écarts à la norme que réalisent d’autant mieux ceux qui, précisément, connaissent la norme…

Les derniers seront les premiers

Et Jean-Luc Melenchon le sait parfaitement qui pratique un français souvent savoureux, qui n’hésite pas à nous servir quelques imparfaits du subjonctif etc. Dans le genre : « Je maîtrise la langue », il n’est pas le dernier !

En revanche, le sont tous ceux auxquels on fait croire qu’il n’est en rien nécessaire d’apprendre lexique, grammaire, orthographe, et qu’ils peuvent baragouiner toute leur vie avec deux noms, trois adjectifs et quatre verbes, et que cela profitera à la créolisation mondialisée à laquelle nous serions appelés.

Alain Bentolila, linguiste, s’est exprimé au sujet de ce projet (Marianne du 24 /6 et Le Figaro du 28/6) et je renvoie le lecteur à ce qu’il en dit. Il avance même l’idée que Jean-Luc Mélenchon voudrait être le seul à parler… De fait, vouloir embellir la pauvreté linguistique des jeunes avec l’idée que tout cela serait du créole en devenir est une imposture et permet, effectivement, d’être le seul, au bout du compte, à détenir la parole. On ne peut également s’empêcher de penser qu’il s’agit, une fois de plus, d’un exercice de dépossession nationale tant l’idée d’une « identité française » qui passerait par « la langue française » serait à abattre, et qu’il faudrait derechef lui en substituer une autre. Mais, ironie de l’histoire, cette dépossession touche également les langues créoles qui tiennent à leur particularité et ne veulent pas être noyées dans l’indistinction. Il aura donc réussi à fâcher tout le monde ! 

Bref, il n’y a rien qui va dans cette histoire. Mais on aura compris que si la langue française n’est pas une « langue créole », il s’agit qu’elle le devienne…

La dérive iranienne des Insoumis

Le soutien implicite de certains députés de La France insoumise à l’Iran s’explique. L’hostilité systématique envers Israël du parti de M. Mélenchon est une dérive idéologique dangereuse où l’antisionisme est devenu un principe structurant.


Le 17 juin, à l’Assemblée nationale, la députée LFI Alma Dufour parla de l’Iran comme de l’Etat agressé, d’Israël comme de l’Etat agresseur, juridiquement non fondé à s’engager dans une guerre. Le ministre des Affaires Etrangères, Jean-Noël Barrot, accusa la députée d’être le porte-parole du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Mediapart a accusé le ministre de dégrader le niveau du débat parlementaire, comme si celui-ci avait été jusque-là porté à des hauteurs éminentes par les députés LFI…

Israël, nouvelle boussole politique de l’extrême gauche « antisioniste »

Mme Dufour, quand elle s’exprime sur le droit de la guerre, en faisant fi de près d’un demi-siècle de promesses de destruction d’Israël par le régime iranien, ne témoigne pas d’une conversion subite des représentants de LFI à un juridisme pointilleux. Non, elle applique le principe politique fondamental qui, sous la houlette de Mélenchon, détermine les positionnements de son parti : la dénonciation de l’ennemi.

L’incarnation de celui-ci pour une France insoumise, devenue France islamiste, c’est Israël. Mme Alma Dufour, militante écologiste, féministe et laïque, défend une théocratie terroriste dont l’oppression religieuse, la course à la bombe atomique et la répression des femmes sont des marques de fabrique cauchemardesques. Ce sont là des considérations mineures, car l’important est de ne pas dévier de l’objectif et de continuer en toute circonstance à dénoncer Israël. C’est le théoricien allemand du droit, Carl Schmitt, qui dans un ouvrage célèbre de 1927, avait placé la désignation de l’ennemi, interne ou externe, au centre de toute action politique.  

A lire aussi: Pourquoi cette guerre me semble juste

Carl Schmitt offrit ses services à Hitler, qui n’en voulut pas, car il rejetait toute tutelle idéologique. Comme pour Heidegger, ce mépris du Führer fut salvateur pour Carl Schmitt à qui il laissa une porte de sortie après la guerre. Ce n’est pas seulement à l’extrême droite qu’il exerça son influence intellectuelle. L’ennemi était le Capital pour les marxistes et le Juif pour les nazis. Il est Israël pour les islamistes. C’est cet ennemi que Jean-Luc Mélenchon a cyniquement choisi. La dénonciation du « génocide » à Gaza résume aujourd’hui sa pensée politique.

Déguisements

Ce faisant, M. Mélenchon n’est pas le premier à avoir trahi ses engagements de jeunesse et à enrober cette trahison sous les déguisements de paix, de justice sociale et de défense des opprimés.

Au parti socialiste français des années 1930, la prééminence de Léon Blum n’était pas du goût de tous. Certains dénonçaient son attitude hostile envers l’Allemagne désormais sous la férule de Hitler et prétendaient que ses origines juives le rendaient inapte à comprendre les objectifs de celui-ci. Ces hommes, marqués par la saignée de la guerre de 14, avaient fait de la paix leur horizon politique et de ceux qui risquaient de déclencher des hostilités leurs ennemis irréductibles. Objectif honorable qui les a conduits à tout accepter : le réarmement de l’Allemagne, la remilitarisation de la Rhénane, l’annexion de l’Autriche, des Sudètes et de la Tchécoslovaquie et l’invasion de la Pologne (« Nous n’allons pas mourir pour Dantzig »). Leurs convictions pacifistes les ont plongés dans la plus abjecte collaboration avec le nazisme. Ces hommes formaient un pan important du parti socialiste français, aujourd’hui remisé aux oubliettes. Il n’en surnage guère que le nom de Marcel Déat. 

Jean-Luc Mélenchon a utilisé la figure de ce socialiste pacifiste autoritaire devenu un fervent partisan des nazis pour discréditer ses ennemis socialistes en les traitant de social fasciste. En réalité, outre que, en matière d’autoritarisme, le leader de LFI ne craint personne, le socialisme national de Déat peut être utilement comparé à son propre socialisme. Entre soutenir l’Iran de Khamenei et soutenir l’Allemagne de Hitler, il y a malheureusement quelques analogies…

La Notion de politique - Théorie du partisan

Price: 9,00 €

14 used & new available from 9,00 €

Véhicules électriques: l’hémorragie du capital des ménages

À la revente, les véhicules électriques voient leur cote chuter par rapport aux véhicules thermiques. C’est la douche froide ! Comment l’expliquer ? Comment les concessionnaires automobiles et les particuliers peuvent-ils réagir face à ce phénomène ?


En France, la transition vers la mobilité électrique s’est accélérée à marche forcée, soutenue par des politiques publiques incitatives et un discours dominant sur la décarbonation du secteur automobile. Pourtant, à mesure que le marché des véhicules électriques mûrit, une réalité plus rugueuse s’impose aux premiers acheteurs : la revente de ces véhicules d’occasion se heurte à un effondrement brutal des prix. Cette dépréciation anormale représente, pour de nombreux particuliers, une perte en capital d’ampleur inédite dans l’histoire récente de l’automobile.

C’est pas l’Argus, ici !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors qu’un véhicule thermique perdait traditionnellement entre 35 % et 45 % de sa valeur au bout de trois ans, les véhicules électriques, eux, voient leur prix chuter de 55 % à 65 % sur la même période. Certains modèles affichent des valeurs résiduelles inférieures à 40 % du prix neuf à trois ans. La généralisation du leasing, combinée à l’arrivée de modèles chinois bon marché, a accru la pression sur les prix du marché de l’occasion, provoquant un phénomène de « désolvabilisation » des vendeurs particuliers.

Ce phénomène constitue l’un des effets pervers les plus sous-estimés de l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques. En théorie, un particulier devrait pouvoir revendre son véhicule pour financer l’achat d’un nouveau modèle, voire rembourser le solde d’un crédit ou d’un contrat de location. Or, dans la pratique, la chute brutale de la valeur résiduelle des véhicules électriques empêche de plus en plus de propriétaires de sortir sans perte d’une location avec option d’achat (LOA) ou d’un prêt auto. La décote est telle qu’il faut parfois ajouter plusieurs milliers d’euros pour solder un contrat ou financer un véhicule de remplacement. Cette situation piège les ménages dans des véhicules devenus invendables à un prix raisonnable, et les prive de leur pouvoir de mobilité. En retour, elle fragilise l’un des ressorts essentiels du marché automobile : la fluidité de l’échange entre le neuf et l’occasion. À terme, cette désolvabilisation pourrait nourrir une méfiance durable à l’égard de l’électrique, en particulier dans les classes moyennes, premières visées par les politiques d’incitation.

Location avec Option d’Achat : engagez-vous qu’ils disaient…

Prenons un exemple simple. Un ménage ayant acheté une voiture électrique neuve en 2021 pour 35 000 euros (bonus écologique déduit) peut aujourd’hui espérer en tirer entre 12 000 et 15 000 euros à la revente. La perte sèche s’élève donc à environ 20 000 euros en trois ans, soit une dépréciation annuelle de près de 6 700 euros, bien au-delà des standards historiques.

En tenant compte des données disponibles, on estime qu’environ 200 000 véhicules électriques sont revendus chaque année par des particuliers. Même avec une hypothèse prudente de 10 000 euros de perte moyenne excédentaire par véhicule (par rapport à une dépréciation « normale »), cela représenterait 2 milliards d’euros de pertes en capital supportées chaque année par les ménages français.

Ce chiffre est d’autant plus préoccupant qu’il concerne une population souvent encouragée à investir dans l’électrique par des aides publiques et des incitations fiscales. Pour certains foyers modestes, il s’agit d’un investissement équivalent à plusieurs années d’épargne.

Face à ce retournement de marché, les concessionnaires tentent de limiter leur exposition. Pour les véhicules en LOA, certains réseaux refusent aujourd’hui les reprises à la valeur résiduelle fixée initialement, obligeant les clients à acheter leur véhicule à perte ou à le restituer sans espoir de revente avantageuse. D’autres préfèrent « gonfler artificiellement » les prix de reprise sur des modèles thermiques, tout en durcissant les conditions de reprise des véhicules électriques.

Plus stratégiquement, les concessionnaires privilégient aujourd’hui les offres de location longue durée (LLD) sur les véhicules électriques neufs, afin de transférer le risque de décote sur des sociétés de financement, ou sur le constructeur lui-même. Dans certains cas, les stocks de voitures électroniques d’occasion invendus sont réexportés vers d’autres marchés, en particulier en Europe de l’Est ou au Maghreb, à des prix fortement décotés.

Ce désajustement entre le prix d’achat et la valeur de revente constitue non seulement une atteinte au patrimoine des ménages, mais risque aussi d’éroder la confiance dans la transition électrique. Si l’électrification devait s’accompagner d’un appauvrissement net des particuliers ayant cru au discours officiel, la suite de la transition pourrait se heurter à une défiance croissante, voire à une crispation sociale.

En somme, l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques révèle une asymétrie mal anticipée entre politique industrielle, comportements de consommation, et réalité économique. Tant que le problème de la valeur résiduelle des véhicules électriques ne sera pas stabilisé, la promesse d’une transition juste et soutenable restera partiellement illusoire.

Les hauts et les bas de la liberté de parole en France

La militante racialiste Rokhaya Diallo a perdu son procès en appel contre l’écrivain Pascal Bruckner. De son côté, Aymeric Caron tente de faire taire CNews — ex-I>Télé, où il présentait autrefois les actualités. Le procureur général Rémy Heitz, quant à lui, s’indigne d’une sortie extra-scolaire organisée pour des étudiants magistrats. Si l’on peut déplorer que les tribunaux et les instances de régulation soient de plus en plus sollicités par ceux qui cherchent à faire taire la parole d’autrui, il ne faut pas pour autant céder au découragement.


Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent.
Éphésiens 4:29.


Les juridictions françaises parviennent parfois à se hisser à la hauteur de la mémoire de Voltaire.

Peut en témoigner Rokhaya Diallo, qui vient d’être déboutée en appel de son recours en diffamation contre l’écrivain Pascal Bruckner, héraut de la laïcité et de la liberté d’expression. Rappelons qu’elle avait signé une pétition dénonçant le soutien à Charlie Hebdo au lendemain de l’attentat de la nuit du 1er au 2 novembre 2011, laquelle relativisait le cocktail molotov ayant causé des dégâts aux locaux du journal. Au cours d’une émission télévisée, en octobre 2020, Bruckner avait reproché à la « féministe intersectionnelle et décolonialiste » d’avoir « armé le bras des tueurs » et « poussé à la haine », contribuant avec d’autres à « la mort des douze de Charlie Hebdo » lors des attentats de janvier 2015. Est indéniable l’hyperbole du littérateur, qui soulevait une responsabilité morale, mais l’ « indivisible » féministe avait toute latitude pour répondre et remettre quelques pendules à l’heure et surtout, en l’espèce, de rectifier le tir. Une burqa s’est-elle déchirée brusquement dans son esprit? Toujours est-il qu’elle opta plutôt pour une indignation surjouée, quitta le plateau avec fracas, hurlant au « scandale » et promettant de s’adresser à la justice afin de lui jeter en pâture cet insolent Blanc. Elle tint parole. Mal lui en prit.

Par ailleurs, l’élève Aymeric Caron récidive en allant se plaindre au surveillant de la cour de récré, M’sieur l’Arcom, au sujet du traitement réservé à Shannon Seban par Pascal Praud de CNews, laquelle s’exprimait sur le racisme et la xénophobie du RN ainsi que sur son livre Juive, et alors?. L’intervieweur s’exclama ainsi : « Je ne comprends rien à ce que vous dites. C’est un méli-mélo de choses, de poncifs et de phrases creuses ». Si ce n’était que ça. Il eut l’outrecuidance d’émettre ce jugement sur son livre (objet sacré en France) : « Je vous assure, c’est incompréhensible. Pour moi, c’est une sorte de bouillie intellectuelle ». 

Au pays de Jean-Paul Sartre, de Jacques Derrida, et d’Alain Robbe-Grillet, on ne peut évidemment badiner avec de tels propos. On peut même parler en l’occurrence de lèse-écrivain : nous sommes en France.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Sébastien chez les soviets

Et ne s’est pas fait attendre la réaction d’Aymeric Caron, député apparenté à La France Insoumise (non accompagné par Rima Hassan cette fois, sans doute retenue ailleurs); saisi d’indignation :

« Je saisis l’Arcom pour cette séquence où l’ensemble du plateau de CNews, y compris son présentateur Pascal Praud, prend fait et cause pour le Rassemblement national en tentant d’humilier l’invitée Shannon Seban, accusée d’avoir écrit de la « bouillie » dans un livre où elle dénonce précisément l’islamophobie et l’antisémitisme du RN, lucidité que l’on se doit de saluer… CNews est censée être une chaîne d’information qui produit, donc, de l’information (ici il n’y en a pas), avec un équilibre de points de vue (ici c’est juste un plateau pro-RN). »

Là encore, on peut se demander de prime abord s’il est du ressort de M. Caron, a fortiori de l’Arcom, de se prononcer sur la qualité ou la fiabilité des éléments produits par CNews, ou d’ailleurs par n’importe quel média. Est contraire à la liberté de la presse l’imposition d’un format donné comportant dans telle ou telle émission l’intervention de participants aux convictions divergentes. La presse d’opinion n’a rien d’illégitime. Au citoyen de faire les recoupements avec d’autres sources concurrentes (dont France Télévisions, qui semble justement établir un sain équilibre puisqu’elle est vertement critiquée par M. Praud) et de former son propre jugement sur l’intégrité intellectuelle des participants à l’émission. Si tel est son bon plaisir. Au lieu de l’anathème, Caron eût été plus inspiré de faire tout simplement la promotion du livre de madame Seban, en vente dans toutes les bonnes librairies.

Le grand frère protecteur de Shannon aurait peut-être dû penser que si celle-ci a accepté de donner une entrevue à CNews, c’est peut-être en toute connaissance de sa ligne éditoriale. Elle aurait plus qualité pour agir qu’Aymeric.

Mais Caron, tout bien intentionné fût-il, appartient à un courant de pensée inspiré, sinon encadré, par des textes à valeur canonique destinés à être décortiqués par les exégètes, et toujours prêt à sanctionner l’hérésie. Le tribunal du peuple et l’Inquisition, même démarche intellectuelle. A défaut, les nostalgiques de l’Index vaticanesque aboli se rabattent aujourd’hui en France sur une éventuelle fatwa de l’Arcom.

Concluons sur une note plus légère, où est en jeu la liberté pédagogique, qui relève de la liberté, plus générale, de parole.

Eric Dupond-Moretti s’est reconverti dans le théâtre (à supposer que, pour un avocat pénaliste, on puisse parler de « reconversion » quand il y a simplement changement de salle), que l’on pourrait qualifier de « théâtre-vérité ». Un « homme-spectacle » comme disent les Anglo-Saxons. Il évoque avec humour les failles de la Justice et notamment celles de Rémy Heitz, à l’heure actuelle procureur général près la Cour de Cassation, qu’on ne saurait sans exagération qualifier de commensal de l’ex-garde des Sceaux. Dans un but didactique, les élèves de la classe prépa Talent de l’ENM-Paris (aspirants magistrats) ont eu droit à une représentation.

A lire aussi, Dominique Labarrière: France tv: un sens de l’éthique qui fait tiquer

M. Heitz contacta la direction de l’école afin d’exprimer son irritation, qu’il justifie en ces termes :

« Comme préparation au grand oral de l’ENM, il y avait sans doute meilleur choix que le seul-en-scène de l’ancien garde des Sceaux, où la Justice en prend tout de même pour son grade…

C’est vrai que Dupond-Moretti se moque allègrement de moi et de mon prédécesseur, dans son spectacle, et que je me retrouve sur la sellette. Sans vouloir remettre en cause la liberté pédagogique des professeurs [Note : personne n’en a douté], il m’a semblé que cette sortie n’était pas très opportune et je peine à voir sa dimension culturelle [Note : on le croit volontiers]. Ce spectacle n’est sans doute pas la meilleure préparation au concours qui soit. À titre personnel [Note : cela va de soi], j’ai trouvé ça très moyen et je l’ai fait savoir. »

Cependant, que l’on se rassure, il ne s’agissait pas de vengeance. Honni soit qui mal y pense. C’est seulement à titre de vice-président du conseil d’administration, et donc de bon gestionnaire qu’il a exprimé ses réserves :

« Si chacun avait payé sa place, je n’aurais rien dit [Note : nul doute à ce sujet]. Mais les billets d’entrée, qui se chiffraient à plusieurs centaines d’euros, dans un théâtre privé [le Marigny], ont été financés sur les fonds de l’école, autrement dit avec l’argent du contribuable. Ce qui est contestable et ne m’a pas semblé très malin. »

Son intervention ne suscite donc aucun conflit d’intérêt. Cela dit, que ce strict gestionnaire soit rassuré : le contribuable, qui est aussi un justiciable, ne peut qu’approuver l’intégration à la formation préparatoire des candidats à la magistrature un tableau sur scène exposant les impairs de l’institution judiciaire, qui sont parfois encore plus riches d’enseignement que ses (immenses) réussites.

La liberté de parole n’est donc pas morte en France, en dépit de regrettables brèches. Chose certaine, les esprits sensibles devraient comprendre que l’indignation vociférante est souvent contre-productive car elle peut même donner un retentissement accru aux paroles des contradicteurs. Pour mémoire, la plaidoirie de l’avocat impérial Ernest Pinard visant Madame Bovary pour outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs en 1857, est, en soi, un chef d’œuvre sur le plan de la critique littéraire qui n’a rien à envier à Sainte-Beuve ; les adjectifs « lascive » et « voluptueuse » y sont récurrents. Fut ainsi assurée une publicité inespérée à l’auteur encore inconnu Flaubert. Plus récemment, il est permis de penser que la (par ailleurs discutable) fatwa de l’ayatollah Khomeini a considérablement contribué aux gros tirages des Versets sataniques de Salman Rushdie. Enfin, M. Dupond-Moretti doit un billet de faveur à Rémi Heitz puisqu’il devra sans doute organiser des soirées supplémentaires afin de répondre à la demande accrue.

Le silence, le cas échéant teinté d’une petite dose de mépris, est parfois d’or. Telle est donc la leçon de bon sens à tirer.

Mais patience. Nous sommes en France.

Française et juive, et alors ?

Price: 20,00 €

12 used & new available from 10,56 €

Les versets sataniques

Price: 11,90 €

40 used & new available from 2,22 €

Michel Drucker: «Je ne remercierai jamais assez la France d’avoir fait français mes parents»

0

Au micro de Philippe Bilger, la légende du petit écran évoque la publication de son dixième livre Avec le temps… (Albin Michel, 2025) et ses 62 ans de carrière à la télévision…


Michel Drucker a accepté de «  se soumettre à ma question » et ce fut un exercice de haute volée grâce à lui.
À peine besoin de l’interroger : en effet, il suffit de l’écouter avec une attention souvent admirative pour la précision de ses souvenirs, la qualité de ses jugements et la justesse de ses opinions.

À voir aussi : Bernard-Henri Lévy sur la post-vérité et les fake news: « La question de l’époque où nous entrons: qui veut encore la vérité ? »

Cet homme poli n’est pas un mou, ce bienveillant n’est pas un faible et cet animateur indépassable et indéracinable n’a pas été une création artificielle : il s’est construit, il a toujours su ce qu’il voulait atteindre, ce qu’il désirait être.
Et il y est parvenu. Heureusement il est toujours là. Michel Drucker dans le fond de nos regards et de nos cœurs.


Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).


Sur Emmanuel Macron :

« M. Macron m’a remis l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur il y a un mois. […] Un jour, il m’a dit… Enfin, il a dit qu’il aimerait bien que je vienne l’accompagner dans un voyage officiel à l’étranger. […] Je lui ai dit : “Monsieur le Président, pourquoi je suis là, moi ?” Il m’a dit : “On va d’abord se tutoyer. Je sais tout sur toi, mais je voudrais que tu me racontes. Comment tu as fait pour être encore là ? J’ai vu que tu étais là sous De Gaulle, sous Pompidou, sous Mitterrand, Hollande, Sarkozy. Et maintenant moi…” »

« [Emmanuel Macron] a voulu tout savoir sur les relations entre le pouvoir, l’exécutif et la télé. […] À chaque fois que je le recroise, il m’en parle. Il m’a demandé si j’acceptais de venir à nouveau en visite d’État à l’étranger, je ne sais pas quand mais avant la fin de son deuxième mandat. »

Sur le monde la télévision :

« L’univers médiatique n’est pas très courageux »

« Le général de Gaulle considérait que c’était sa télévision, que c’était son journal ! » « Le général de Gaulle voulait avoir sur son bureau à 18 heures le conducteur du journal télévisé. Et qui tapait le conducteur ? Michel Drucker ! »

« C’est un métier où tout le monde dit du mal de tout le monde » « La télévision est un miroir aux alouettes, un faux vedettariat »

« Les journalistes envoyaient leurs questions au général de Gaulle la veille. […] Mais cela dit, ça a coûté cher au général, parce que la télévision s’est mise en grève, et Mai 68 a explosé. »

« Il y a aujourd’hui des émissions de télé qui n’auraient pas tenu huit jours à l’époque… »

Sur lui :

« Le hasard a joué un grand rôle dans ma vie… »

« À Compiègne, j’ai passé un an de service militaire dans le baraquement où était mon père 18 ans plus tôt, au Camp de Royallieu de triste mémoire pendant la guerre »

« Je viens de loin. Je suis un Ashkénaze, donc quelqu’un d’angoissé, quelqu’un d’anxieux. C’est la différence entre les deux diasporas juives – séfarades et ashkénazes – les Ashkénazes viennent des brumes de l’Europe centrale, ce sont des gens pas toujours doués pour le bonheur » « Je suis un homme des Carpates, un homme de l’Est qui ne remerciera jamais assez la France d’avoir fait Français mes parents »

« J’ai décidé de m’interroger, moi, et d’essayer de comprendre comment j’ai pu faire pour traverser le temps, pour donner du temps au temps, pour employer une phrase de François Mitterrand, et comment m’inscrire dans la durée. Car quand je suis rentré à la télé à 20 ans, 21 ans, la seule chose qui me préoccupait, c’était : est-ce que j’y serai encore dans 50 ans, dans 60 ans ? »

Bayrou, le parfait exemple par temps de canicule…

Notre Premier ministre ne fait rien. C’est à ça qu’on le reconnait et c’est pour ça qu’il reste en poste.


Les médecins et la sagesse populaire, pour une fois à l’unisson, nous le font savoir : lorsque le mercure s’égare jusqu’à atteindre des sommets himalayens, le plus sage pour le commun des mortels est encore de ne rien faire. Ne pas en secouer une, ne pas s’agiter, laisser passer le temps et attendre la décrue des degrés comme on attend en d’autres circonstances le dégel.

C’est exactement ce que réussit à merveille Monsieur Bayrou là où il est, à Matignon. Rien. Il ne fait rien, n’en remue pas une. L’art de l’inaction poussé à son meilleur. Un exemple à suivre, vous dis-je !

Torpeur estivale

On aurait pu penser que, consentant à sortir de cette torpeur qui paraît être le fond de sa nature, il se risquerait quand même à oser une initiative, qu’il se laisserait tenter par un semblant de décision, une amorce d’action, que sais-je, moi ? Un truc du genre « Conclave canicule ». Il est passé maître, en effet, dans ce type d’usines à gaz stériles et donc sans issue. C’est son domaine de prédilection. Voilà cinquante ans qu’il pratique la chose, notamment au Haut-Commissariat au Plan où il aura donné toute sa mesure dans la discipline si délicate de la somnolence républicaine aux frais du contribuable-citoyen.

A lire aussi, Emmanuelle Ménard: De l’euthanasie rentable au complotisme décomplexé

Aussi il me semble que notre M. Bayrou – malgré tout le respect que je dois à sa fonction si ce n’est à sa personne – aurait parfaitement sa place du côté des branchages ombragés du formidable zoo-parc de Beauval. Dans la section réservée aux lémuriens. Ces doux animaux tout en paresse et gracieuse lenteur. Quelle que soit la température, d’ailleurs. Exactement comme pour notre homme. 

Ont-ils une durée de vie particulièrement longue, ces sympathiques petites bêtes ? Voilà ce que j’ignore. M. Bayrou semble en être convaincu, car ne rien faire est, à ce que nous constatons un peu plus chaque jour, tout ce qu’il a réussi à trouver pour durer. Cela lui réussit plutôt bien jusqu’à présent. Il s’économise avec une maîtrise qui force l’admiration. Il ne déclame plus, il ânonne. Il calque son élocution, son débit oratoire sur sa stratégie personnelle. Sa phrase, il la fait durer, durer, durer. Heureusement nous ne l’écoutons plus, car si nous le faisions, nous deviendrions lémuriens nous-mêmes.

L’espoir fait vivre

Soyons juste : il a consenti à lâcher quelques mots ces dernières heures. Faut-il dire qu’il aurait été très choquant qu’il restât muet. Apprenant que la juridiction d’appel des tribunaux algériens confirmaient la peine de cinq ans de prison ferme ignominieusement infligée à notre compatriote Boualem Sansal, il a quand même consenti à déclarer qu’il « espérait des mesures de grâce du président Tebboune. » (Devant une telle fermeté, le sieur Tebboune doit probablement faire sous lui.)

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Sébastien chez les soviets

« Espérer », synonyme d’attendre dans certaines langues. Et même quand tel n’est pas le cas, espérer c’est toujours s’en remettre à plus tard. Bayrou tel qu’en lui-même. À moins que, saisi tout soudain d’une sorte de confusion mentale, il se soit pris à imaginer que les cinq ans évoqués étaient le temps dont il allait encore disposer à Matignon pour peu qu’il continue sur sa lancée. Son rêve le plus cher. Notre cauchemar.

Alors qu’il parte ! Qu’il parte vite ! Non pas tant à cause de ses conclaves foireux et ridicules, mais plus sérieusement et plus solennellement, en raison de son effroyable incapacité à sauver Boualem Sansal (Et avec lui, puisqu’on y est à présent, Christophe Gleizes). L’Algérie nous humilie quasiment chaque matin et chaque soir. Humilie la France. Et Monsieur de Pau se contente d’« espérer » ! Le calice jusqu’à la lie…

Le président Macron étant lui aussi, sur ces sujets, aux abonnés absents, il reste à la représentation nationale de faire ce qu’il faut pour que le lémurien béarnais retourne à ses chères études. Il se trouve paraît-il chez lui un établissement où, en matière de fermeté et de rigueur disciplinaire, on en connaît un bout. Betharram. Lieu délicieux niché, à ce qu’on dit, dans une fraîche (mais sombre) vallée…

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

Price: 14,77 €

5 used & new available from 10,78 €

Je suis solognot mais je me soigne

Price: 12,00 €

3 used & new available from 12,00 €

La Nouvelle-Calédonie à l’Élysée: une grande messe pour rien?

0

L’avenir de notre collectivité territoriale du Pacifique est plus incertain que jamais. Le président Emmanuel Macron réunit tout le monde en organisant un sommet autour du futur de l’archipel, demain, à Paris.


Ce mercredi 2 juillet 2025, le président Emmanuel Macron réunit les forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Que peut-on en attendre ? Probablement rien. Les positions des indépendantistes kanaks et des loyalistes, attachés à la France, demeurent irréconciliables.

Un fiasco pour l’exécutif

D’un côté, les indépendantistes refusent tout compromis qui n’ouvrirait pas la voie à l’indépendance. De l’autre, les loyalistes rappellent que trois référendums (2018, 2020, 2021) ont exprimé la volonté majoritaire de rester dans le giron français.

Un non-dit dans ce dossier concerne la responsabilité du président Macron et de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans les émeutes de 2024. Malgré les avertissements sur la colère croissante des Kanaks après l’annonce du dégel du corps électoral (partiel, après 10 ans de résidence), aucune mesure n’a été prise pour anticiper les violences.

Absorbés par les élections européennes et la préparation des Jeux olympiques, ils ont ignoré les signaux alarmants. Lorsque les violences ont éclaté, les forces de l’ordre, en sous-effectif, ont reçu pour consigne de protéger leurs casernes et les personnes, laissant les biens à l’abandon. Des dizaines d’entreprises ont été incendiées, plongeant l’île dans un chaos économique dont la reprise reste incertaine.

Face à l’inaction de l’État, ce sont les citoyens, organisés en comités de vigilance, qui ont contenu l’extension des émeutes, notamment dans les quartiers sud de Nouméa.

A relire: Nouvelle-Calédonie, un an après: «C’était terrifiant»

Puis l’État, dans l’indifférence des Français, a quand même cédé, en annulant le dégel du corps électoral déjà approuvé par le Sénat et l’Assemblée nationale. C’était pourtant une nécessité démocratique. Il est aberrant que des citoyens français, nés en Nouvelle-Calédonie ou y résidant depuis plus de vingt ans, travaillant et investissant sur place, soient privés du droit de vote à certaines élections. Cette exception constitutionnelle, héritée des accords de Nouméa (1998), dont la validité de vingt ans est désormais dépassée, constitue une violation des principes démocratiques fondamentaux. 

LFI encore contre la France

Si la France était plus ferme, elle imposerait au moins le vote « glissant » après dix ans de résidence, mais le soutien politique à la cause loyaliste reste incertain. Mathilde Panot de LFI a qualifié les militants kanaks incarcérés de « prisonniers politiques ». En toute incohérence, LFI s’oppose à toute reconnaissance d’une identité nationale en métropole tout en soutenant celle des Kanaks en Nouvelle-Calédonie.

Marine Le Pen, quant à elle, n’exclut pas un nouveau référendum, dont la perspective, même lointaine, compromettrait toute reprise économique durable et ouvrirait la voie à une indépendance à terme.

On ignore si les propositions délétères du socialiste Manuel Valls étaient les siennes ou avaient l’aval du centriste François Bayrou. Les Caldoches ont réussi à bloquer ces initiatives, bien accueillies par les indépendantistes, un comble pour un ministre de la France !

Avenir incertain

Mais beaucoup de Calédoniens envisagent déjà un avenir ailleurs pour leurs enfants. En effet, le statu quo et l’incertitude jouent contre eux. À terme, si les résidents non natifs restent privés du droit de vote et s’il n’y a pas un engagement ferme et définitif que la Nouvelle-Calédonie restera française, l’évolution démographique leur sera défavorable.

En métropole, peu se soucient du Caillou. Même dans les milieux de droite, la cause loyaliste, portée par seulement quelques dizaines de milliers de Français à l’autre bout du monde, peine à mobiliser, comme je l’ai – hélas – constaté.

Outre le dégel indispensable du corps électoral, le véritable défi pour les non-indépendantistes est de convaincre à Paris que leur combat dépasse leur seul avenir sur cette terre lointaine. Il s’agit de défendre une certaine idée de la France, qui concerne tous les Français. Sans un sursaut, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la France demeure très incertain.

Mayotte : Comment l’immigration détruit une société

Price: 9,92 €

5 used & new available from 9,38 €

Cinéma: l’envers du décor

0
Le réalisateur Stanley Kubrick, 1er mai 1984 © MARY EVANS/SIPA

Les films nous racontent des histoires. Mais qui nous raconte celles des films ? Journaliste collaborant à Première et Télérama, l’historien du cinéma Olivier Rajchman revient sur des tournages mythiques du 7e art dans son dernier livre. Un ouvrage qui a changé le regard que notre chroniqueur porte sur le cinéma


On se rend dans une salle de cinéma, on regarde un film, on en sort ébloui ou déçu ou, pire, indifférent et on s’imagine peut-être qu’il n’y avait là rien d’extraordinaire. Un spectacle comme un autre. Quand on lit le remarquable livre L’Aventure des films, d’Olivier Rajchman, on comprend tout. Les très grands films sont des tours de force, des miracles.

Une sélection de vingt films

Pour apprécier cet ouvrage critique de haute volée, je l’admets volontiers, il convient d’être un amateur épris de cinéma, attentif à tout ce qu’il a apporté et sensible à son histoire, de l’éclat des stars aux modestes mais irremplaçables contributions des seconds rôles. Mais il est vrai que la connaissance du cinéma devrait faire partie de la culture générale, tant elle permet une vision du monde, de la société et de l’être humain, qui s’ajoute aux formations plus classiques.

Dissipons d’emblée un malentendu qui a failli m’égarer. Olivier Rajchman, dans son choix des vingt films qu’il considère comme emblématiques, ne se prononce pas sur leur excellence, leur supériorité qualitative mais explique parfaitement que chacun d’eux a été décisif dans la création d’un genre et qu’à ce titre il a sa place dans ce panthéon. Aussi bien « Autant en emporte le vent » que « À bout de souffle », « Chinatown » que « Barbie », « Le Dernier métro » que « Chantons sous la pluie » par exemple.

En lisant Olivier Rajchman, j’ai abandonné l’approche superficielle que j’avais du cinéma. J’ai maintenant conscience qu’il s’agit, dans tous les cas, d’un travail colossal et très éprouvant pour les nerfs. Tous ceux qui participent à l’élaboration du film passent par des phases de désespoir, avant d’en être très rarement satisfaits !

A lire aussi: Sâdeq Hedâyat: cauchemar persan

Je n’imaginais pas les épreuves, la minutie, le perfectionnisme, l’ampleur et la fatigue des tâches qui conduisent, dans le meilleur des cas, au sublime, ou au moins imparfait possible. La collaboration constante et infiniment créatrice entre le producteur, le ou les scénaristes et le réalisateur est impressionnante parfois de solidarité, souvent d’antagonismes surmontés, d’écoute, de tolérance, d’échanges puissants et sans concession, d’abandons puis de reprises, de pessimisme amendé par un optimisme que le travail fourni fait surgir.

Éprouvantes entreprises

Je n’aurais garde d’oublier les acteurs qui, choisis pour ce qu’ils vont apporter au film – sans le moindre doute pour certains, pour d’autres après moult hésitations et revirements -, peuvent faire preuve d’un caractère, d’une implication ou non, qui compliquent ou facilitent le processus de création.

Le réalisateur est le personnage central de cette magnifique et éprouvante entreprise, de sa conception à peine esquissée jusqu’à sa diffusion en majesté. On est effaré par le nombre d’incidents techniques, personnels, humains et psychologiques, que doit régler un metteur en scène appelé à se muer en médecin des âmes et des sensibilités avant d’être un maître dans son activité artistique. Et tous les réalisateurs n’ont pas la politesse, la patience et la tranquillité constante d’un François Truffaut !

A lire aussi: Tournez manège!

On ne peut pas non plus passer sous silence le rôle capital de l’auteur de la musique, qui a son idée se confrontant parfois à celle du réalisateur. Dans les moments de grâce, la musique de film n’est pas un ornement mais une puissance à part entière comme Ennio Morricone l’a toujours voulu.

Il faut rendre justice à l’infinie richesse de ce livre, de ses chapitres qui pour chaque film, mélangeant genèse, construction intellectuelle, détails techniques, approfondissement des personnages, anecdotes de tournage, focalisation sur les acteurs, histoire des rapports entre producteurs, scénaristes, réalisateurs et compositeurs, offre un panorama complet et passionnant de la tâche himalayesque d’une œuvre menée à terme ! Je ne traiterai plus jamais le cinéma à la légère.

448 pages.

L'Aventure des films: Histoire de vingt tournages mythiques

Price: 25,00 €

12 used & new available from 24,14 €

New York: la plus grande ville juive du monde peut-elle élire maire Zohran Mamdani?

0
Alexandria Ocasio-Cortez et Zohran Kwame Mamdani, New York, 8 juin 2025 © Europa Newswire/Shutterstock/SIPA

L’ultra-progressiste Zohran Mamdani est loin d’être uniquement cet opposant « radical » à Trump que nous présente la bonne presse…


Les résultats du vote à la primaire démocrate pour la Mairie de New York ont été connus 48h à peine après un bombardement américain sur l’Iran qui laissait peu de place médiatique à la victoire d’un inconnu à une élection municipale qui ne se tiendrait que six mois plus tard, victoire qui ne fut d’ailleurs officielle que le 1er juillet. Ce délai s’explique par le système de vote utilisé, vote à choix classés dans lequel les voix sont redistribuées en fonction du classement des candidats par chaque électeur. On aboutit à un résultat qui compare les deux candidats les mieux placés, les autres ayant disparu dans les décomptes successifs. Donc Zohran Mamdani, 33 ans, a gagné par 56% des voix contre 44% à Andrew Cuomo, ex-gouverneur de l’État de New York.

Ce système électoral, qui a été étrenné avec succès à New York, mais qui est déjà utilisé en Australie, en Irlande et dans l’État du Maine favorise les candidats les plus consensuels aux dépens de ceux qui sont plus clivants. Ne rêvez pas, il n’est pas près de s’appliquer en France. Est-ce à dire que Zohran Mamdani est un candidat modéré ?

Ennemi virulent d’Israël

Un ennemi virulent d’Israël, disent la plupart des organisations sionistes. Cela signifiait pour moi que New York, la plus grande ville juive du monde, même si le nombre de Juifs, un million environ, y est bien plus réduit qu’il y a cinquante ans, risque d’élire en novembre  un maire antisémite. À des amis New-Yorkais: j’ai demandé comment cela était possible… et leur réponse m’a sidéré…

Ils soutiennent Zohran Mamdani, jeune, intègre et expérimenté. Il défend la justice sociale, les travailleurs étrangers, arbitrairement pourchassés par la police d’immigration de Trump alors qu’ils travaillent et paient leurs impôts, mais qu’ils n’ont pas de permis de séjour à cause des dysfonctionnements administratifs. M. Mamdani réclame plus de crèches, des allocations pour les plus pauvres, un gel des loyers et plus d’inclusion pour les minorités. Et puis, il l’a dit et redit, il n’est absolument pas antisémite…

A lire aussi, Gabriel Robin: Christophe Gleizes, victime collatérale de la guerre froide franco-algérienne

Je précise que mes amis sont des Juifs orthodoxes très liés à Israël, que l’épouse a longtemps travaillé dans une grande organisation sioniste et qu’ils habitent West End Manhattan, un des quartiers les plus huppés des États-Unis. 

Alors j’ai essayé d’en savoir un peu plus sur Zahran Mamdani.

Sa mère, Mira Nair, est une célèbre cinéaste indo-américaine. Son père, musulman d’origine indienne, éduqué en Ouganda, est aujourd’hui un des critiques de l’impérialisme les plus influents du monde anglophone. Il est titulaire à Columbia de la chaire de Sciences politiques Herbert Lehman, nommée d’après un homme politique du New Deal, philanthrope juif et sioniste convaincu. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’en est pas de même de Mahmoud Mamdani, qui s’est révélé depuis le 7-Octobre un opposant d’Israël parmi les plus virulents du campus.

Les Talibans, c’est la faute aux néoconservateurs américains !

Ses livres, dont ses partisans disent que certains sont des chefs d’œuvre, reposent sur la thèse que la violence n’est pas culturellement liée à l’islam mais qu’elle provient des choix effectués par les puissances impérialistes dans un désir de domination. Ce sont elles qui dans un but anti-soviétique ont favorisé  en Afghanistan l’islam religieux, elles qui ont fait naitre un Etat juif fondé sur une identité ethno-religieuse, elles aussi qui avaient créé au Rwanda des identités hutu et tutsi artificielles dont le résultat fut un génocide. Mahmoud Mamdani prétend que toute violence est politique et doit être contextualisée. Il plaide en Palestine pour un état non identitaire, post national et post ethnique où Juifs et musulmans se mélangeraient sans accroc. En somme une laïcité à la française de rêve…

Mahmoud Mamdani façonne ses thèses sur ces postulats préétablis, refuse toute culpabilité qui ne serait pas impérialiste, oublie l’expulsion des Juifs du monde arabe comme la charte du Hamas et prône un futur idyllique qui ne pourrait se transformer qu’en cauchemar pour une minorité juive. 

A lire aussi, Gerald Olivier: Divorce à la MAGA

Son fils reconnait à Israël le droit à exister, mais si on l’interroge mieux, on voit qu’il voudrait que chacun y ait des droits égaux, que l’apartheid qu’il dit exister actuellement disparaisse et que les Palestiniens bénéficient du droit au retour. Le 8 octobre, il a regretté les morts des deux côtés, n’a pas cité le Hamas et a fait porter la responsabilité sur l’occupation israélienne. Inutile d’ajouter que l’existence d’un génocide à Gaza est pour lui une évidence. Il a demandé à mondialiser l’intifada et a répondu aux critiques que intifada, c’est aussi le terme par lequel on traduit en arabe l’insurrection du ghetto de Varsovie, donc un terme indiscutablement honorable. En somme, sous un couvercle universaliste une garantie de destruction d’Israël.

Comme étudiant il avait été au premier rang des manifestations de BDS et de Students for Justice in Palestine. Il accuse aujourd’hui Netanyahu d’être un criminel de guerre génocidaire. Il réserve d’ailleurs les mêmes qualificatifs à l’Indien Modi.

Soutenu par Bernie Sanders

S’il répète la pensée paternelle, il a ajouté son sourire, son charisme, son expertise en réseaux sociaux, ses talents de rappeur et producteur hip-hop ainsi que son expérience personnelle de juriste auprès des mal-logés de New York. Tout cela explique l’engouement auprès des jeunes et le soutien de poids lourds de la gauche progressiste américaine, Alexandria Ocasio‑Cortez, la célèbre  AOC, la pasionaria pro-palestinienne Linda Sarsour et le sénateur Bernie Sanders. Car la victoire de Zharan Mamdani, c’est la victoire d’un parti démocrate progressiste sur un parti démocrate traditionnel tétanisé depuis la victoire de Trump. D’autres établiront peut-être les liens de ce courant progressiste avec un financement qatari dont l’importance n’est plus à démontrer.

Le discours de Zohran Mamdani convient aux mouvements juifs antisionistes  devenus très présents sur la scène américaine tels «Jewish Voice for Peace» ou «IfNotNow», sans compter probablement aux 30 000 familles Satmar de Williamsburg, sensibles aussi aux questions de loyers. Mais sa victoire a été aussi digérée, et parfois même soutenue, par des Juifs sionistes authentiques sensibles aux questions de justice sociale, très soucieux de paix et de morale et souvent aussi très hostiles à Benyamin Nétanyahou. Tels sont Chuck Schumer, leader de la minorité démocrate au Sénat et Jerry Nadler, inamovible représentant démocrate de Manhattan au Congrès, deux personnalités politiques juives majeures de New York qui, après sa victoire ont félicité Zohran Mamdani, certainement à contre-cœur, mais l’ont félicité quand même.

A lire aussi, du même auteur: La dérive iranienne des Insoumis

Zahran Mamdani a bénéficié du soutien des jeunes, des mal-logés et de tous ceux qui voudraient un parti démocrate plus progressif et qui ont accusé Andrew Cuomo, l’ex-gouverneur de l’Etat de New York, longtemps en tête des sondages, de collusion avec les Républicains. M. Cuomo représentait d’autant plus le «vieux monde», celui des liens avec les syndicats plutôt qu’avec les jeunes, qu’il avait dû démissionner de ses fonctions de gouverneur à la suite d’accusations de harcèlement sexuel. Celles-ci n’ont finalement pas été retenues par la justice mais sa réputation en a été définitivement entachée, d’autant que c’est à l’Etat donc au contribuable new-yorkais de payer les 60 millions de dollars de frais de procédure. Cuomo sera malgré tout encore candidat en novembre sous un autre nom de parti mais ses chances seront très faibles. 

Ce sera aussi le cas du maire actuel Eric Adams, un policier noir dont l’arrivée à la Mairie représentait y a quatre ans une remarquable success story. Sa mandature a été mise à mal par une accusation de corruption liée à des passe-droits sur l’immeuble bâti pour la délégation turque à l’ONU, et sur lequel pesait l’exigence de Erdogan d’inauguration rapide, pour la session d’ouverture de l’ONU. Eric Adams qui n’a pas osé participer à la primaire démocrate se présentera en candidat indépendant, mais on ne donne pas fort de ses chances, même si toute procédure ici encore a été abandonnée, car sur lui pèse la suspicion d’avoir cédé à l’administration Trump et ses exigences d’expulsions en échange d’un non-lieu personnel.

Aussi bien Cuomo que Adams ont d’excellentes relations avec la communauté juive. Je le regrette pour mes amis New-Yorkais, mais je doute qu’il en soit de même pour Zahran Mamdani, désormais favori des sondages. Son élection apporterait une nouvelle fois la démonstration qu’une campagne axée sur d’âpres sujets économiques et sociaux, tels les bons alimentaires et les réductions d’abonnements de transports devient plus plaisante et plus mobilisatrice si elle s’effectue sous un couvercle de détestation d’Israël. Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris.

Wimbledon, l’élégance à l’anglaise

0
Londres, 2 juillet 2025 © Shutterstock/SIPA

Seul le service-volée, qui tend à disparaitre, manque aux conservateurs et autres esthètes du beau jeu…


En plein cœur d’une époque qui pèche trop souvent par défaut d’élégance, Wimbledon est l’un des tout derniers bastions où la tradition résiste à la modernité. À l’écart d’un monde devenu fou, le All England Club, antre de la compétition, est un havre de paix où les balles que l’on s’échange sont jaunes et n’ont d’autre objectif que celui de tuer les illusions de l’adversaire ; rétif à la déconstruction de tous les repères, le tournoi londonien résiste aux progressistes zélés ; comme pour défier le temps qui défile, la quinzaine pose son ancre sur la vie.

Les tenues blanches tranchent avec les accoutrements criards de l’époque et, dans leurs uniformes immaculés, les joueurs rivalisent d’une classe qu’aucun défilé de mode sans doute n’égalera : a-t-on d’ailleurs jamais vu homme plus élégant que Roger Federer entrant sur le court en costume nivéen ou – pardonnez-moi ce jugement peu dans l’esprit du temps – femme plus belle que Maria Sharapova dans sa robe blanche ? Les rythmes binaires de la musique moderne sont remplacés par le bruit sourd des échanges qui perturbent à peine le flegme des spectateurs. La chaleur pose son dôme en plein cœur d’un été à propos duquel on pense encore naïvement qu’à l’instar de l’enfance ou des moments heureux, il ne terminera jamais. 

A lire aussi, Thomas Morales: Tournez manège!

Wimbledon a accouché des plus grands champions de l’histoire du jeu : Fred Perry, avant d’être la marque prisée par les mods et la jeunesse politisée, fut pendant plusieurs décennies le dernier joueur de tennis britannique à inscrire son nom au palmarès avant qu’Andy Murray ne rectifiât l’anomalie ; Stefan Edberg et Boum Boum Becker, l’eau et le feu, les deux héros de mon enfance, jouèrent trois finales consécutives au tournant des années 90 ; l’esthète Roger coiffa les lauriers à huit reprises, une fois de plus que le plus grand joueur de tous les temps, Novak Djokovic, et que Pete Sampras ; chez les femmes, Martina Navratilova vint gagner au filet neuf éditions, Steffi Graff et Serena Williams raflèrent la mise à sept reprises, la Française Suzanne Lenglen remporta le dernier de ses six titres il y a tout juste un siècle.      

Si Wimbledon est le tournoi des traditions, certaines se dérobent toutefois. Pendant longtemps, le service-volée a dicté le rythme des rencontres. Ce coup exercé à la hussarde est le mariage de la puissance et de la finesse, l’esthétisme des guerriers, la preuve que la virilité est une question d’audace plus que de gros coups assénés à la force du bras ; cet enchaînement est l’art des funambules et des voltigeurs ; il est une intrusion aux confins du territoire adverse que l’on pourrait, si l’on n’y prenait garde, confondre avec une déclaration de guerre ; il est la stratégie des impatients qui veulent finir en deux coups là où d’autres usent et abusent des préliminaires. Désormais, prudence oblige, on reste le plus souvent au fond du court. 

Wimbledon restera toutefois Wimbledon tant que les crépuscules de début d’été darderont leurs derniers rayons sur le Central Court, que l’anglais de la BBC nous paraîtra aisé à comprendre, que les Anglais mangeront des fraises accompagnées de crème dans les gradins et que le gazon, martyrisé par le martèlement des pas, finira, comme toutes les chevelures, par se clairsemer au fil de la quinzaine. À la fin de celle-ci, cette année comme toutes les précédentes, un peu de l’été s’en sera allé, les jours et nos vies auront perdu de leur longueur et de nouveaux champions auront inscrit pour l’éternité leur nom à l’auguste palmarès. 

Le créole pour tous!

0
© Stephane Lemouton-POOL/SIPA

Le leader de lextrême gauche et chantre de la « Nouvelle France » n’a rien compris au créole. Il le sait, mais, pour prendre le pouvoir, il est un « déconstructeur » prêt à tout qui s’assume.


Jean-Luc Mélenchon a proposé dernièrement de rebaptiser la langue française et de l’appeler désormais « langue créole ». Cela ressemble fortement à une conversion forcée, car la langue française ne répond pas à la définition du créole que donne le Larousse : « langue née du contact d’une langue européenne avec une langue locale ou importée et devenue langue maternelle dans une communauté créole ». Il existe des créoles à base de français, d’anglais, de portugais, etc. ; issus de la colonisation et de l’esclavage, et qu’on trouve historiquement dans les contrées les ayant connus. Si donc, certains créoles se sont constitués à partir du français, c’est qu’il y a bel et bien du français ! Précisons immédiatement que les créoles sont des langues à part entière, qu’il n’y a donc aucune discrimination dans le fait de dire que la langue française n’en est pas ; c’est simplement une question de constitution.

Ben mon côlon (colon)

Jean-Luc Mélenchon a également affirmé que le français, créole ou non cette fois-ci, n’appartenait plus aux Français mais à tous ceux qui le parlaient de par le monde. Ajoutant que ce sont les gens qui vont à la langue et pas la langue qui va à eux. Drôle de formule qui contredit l’Histoire puisque si d’autres que les Français parlent le français, mis à part les amoureux inconditionnels qui ne sont jamais légion, c’est bien parce que la langue française est allée à eux et pas avec des pincettes ! Par ailleurs, le fait qu’une trentaine d’autres pays que la France parlent le français, est une bonne nouvelle dans le globish généralisé, mais cela n’implique aucunement que le français ne serait pas la langue de la France. Quant aux apports des autres langues qu’on trouve dans la nôtre, apports qu’on trouve du reste dans bien d’autres langues, nul n’a jamais songé à les nier, mais ces apports, souvent sous forme de mots, n’ont pas affecté les structures essentielles de la langue française. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a introduit sa proposition en affirmant que la langue française était langue coloniale et impériale ; ce qui contredit le principe même de « langue créole » !

A lire aussi: «La langue anglaise n’existe pas». Une mise en perspective aussi savoureuse que convaincante

Cela n’a jamais empêché que la langue française dont on semble toujours déplorer je ne sais quelle rigidité d’extrême droite n’est-ce pas, connaisse des rencontres heureuses entre créole précisément et elle-même. Voir les littératures antillaises et africaines qui nous offrent des mixages linguistiques luxuriants et baroques. Mais, précisément, cela s’appelle littérature, laquelle réalise des écarts à la norme que réalisent d’autant mieux ceux qui, précisément, connaissent la norme…

Les derniers seront les premiers

Et Jean-Luc Melenchon le sait parfaitement qui pratique un français souvent savoureux, qui n’hésite pas à nous servir quelques imparfaits du subjonctif etc. Dans le genre : « Je maîtrise la langue », il n’est pas le dernier !

En revanche, le sont tous ceux auxquels on fait croire qu’il n’est en rien nécessaire d’apprendre lexique, grammaire, orthographe, et qu’ils peuvent baragouiner toute leur vie avec deux noms, trois adjectifs et quatre verbes, et que cela profitera à la créolisation mondialisée à laquelle nous serions appelés.

Alain Bentolila, linguiste, s’est exprimé au sujet de ce projet (Marianne du 24 /6 et Le Figaro du 28/6) et je renvoie le lecteur à ce qu’il en dit. Il avance même l’idée que Jean-Luc Mélenchon voudrait être le seul à parler… De fait, vouloir embellir la pauvreté linguistique des jeunes avec l’idée que tout cela serait du créole en devenir est une imposture et permet, effectivement, d’être le seul, au bout du compte, à détenir la parole. On ne peut également s’empêcher de penser qu’il s’agit, une fois de plus, d’un exercice de dépossession nationale tant l’idée d’une « identité française » qui passerait par « la langue française » serait à abattre, et qu’il faudrait derechef lui en substituer une autre. Mais, ironie de l’histoire, cette dépossession touche également les langues créoles qui tiennent à leur particularité et ne veulent pas être noyées dans l’indistinction. Il aura donc réussi à fâcher tout le monde ! 

Bref, il n’y a rien qui va dans cette histoire. Mais on aura compris que si la langue française n’est pas une « langue créole », il s’agit qu’elle le devienne…

La dérive iranienne des Insoumis

0
L'élue d'extrême gauche Alma Dufour à l'Assemblée nationale, 17 juin 2025 © ISA HARSIN/SIPA

Le soutien implicite de certains députés de La France insoumise à l’Iran s’explique. L’hostilité systématique envers Israël du parti de M. Mélenchon est une dérive idéologique dangereuse où l’antisionisme est devenu un principe structurant.


Le 17 juin, à l’Assemblée nationale, la députée LFI Alma Dufour parla de l’Iran comme de l’Etat agressé, d’Israël comme de l’Etat agresseur, juridiquement non fondé à s’engager dans une guerre. Le ministre des Affaires Etrangères, Jean-Noël Barrot, accusa la députée d’être le porte-parole du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Mediapart a accusé le ministre de dégrader le niveau du débat parlementaire, comme si celui-ci avait été jusque-là porté à des hauteurs éminentes par les députés LFI…

Israël, nouvelle boussole politique de l’extrême gauche « antisioniste »

Mme Dufour, quand elle s’exprime sur le droit de la guerre, en faisant fi de près d’un demi-siècle de promesses de destruction d’Israël par le régime iranien, ne témoigne pas d’une conversion subite des représentants de LFI à un juridisme pointilleux. Non, elle applique le principe politique fondamental qui, sous la houlette de Mélenchon, détermine les positionnements de son parti : la dénonciation de l’ennemi.

L’incarnation de celui-ci pour une France insoumise, devenue France islamiste, c’est Israël. Mme Alma Dufour, militante écologiste, féministe et laïque, défend une théocratie terroriste dont l’oppression religieuse, la course à la bombe atomique et la répression des femmes sont des marques de fabrique cauchemardesques. Ce sont là des considérations mineures, car l’important est de ne pas dévier de l’objectif et de continuer en toute circonstance à dénoncer Israël. C’est le théoricien allemand du droit, Carl Schmitt, qui dans un ouvrage célèbre de 1927, avait placé la désignation de l’ennemi, interne ou externe, au centre de toute action politique.  

A lire aussi: Pourquoi cette guerre me semble juste

Carl Schmitt offrit ses services à Hitler, qui n’en voulut pas, car il rejetait toute tutelle idéologique. Comme pour Heidegger, ce mépris du Führer fut salvateur pour Carl Schmitt à qui il laissa une porte de sortie après la guerre. Ce n’est pas seulement à l’extrême droite qu’il exerça son influence intellectuelle. L’ennemi était le Capital pour les marxistes et le Juif pour les nazis. Il est Israël pour les islamistes. C’est cet ennemi que Jean-Luc Mélenchon a cyniquement choisi. La dénonciation du « génocide » à Gaza résume aujourd’hui sa pensée politique.

Déguisements

Ce faisant, M. Mélenchon n’est pas le premier à avoir trahi ses engagements de jeunesse et à enrober cette trahison sous les déguisements de paix, de justice sociale et de défense des opprimés.

Au parti socialiste français des années 1930, la prééminence de Léon Blum n’était pas du goût de tous. Certains dénonçaient son attitude hostile envers l’Allemagne désormais sous la férule de Hitler et prétendaient que ses origines juives le rendaient inapte à comprendre les objectifs de celui-ci. Ces hommes, marqués par la saignée de la guerre de 14, avaient fait de la paix leur horizon politique et de ceux qui risquaient de déclencher des hostilités leurs ennemis irréductibles. Objectif honorable qui les a conduits à tout accepter : le réarmement de l’Allemagne, la remilitarisation de la Rhénane, l’annexion de l’Autriche, des Sudètes et de la Tchécoslovaquie et l’invasion de la Pologne (« Nous n’allons pas mourir pour Dantzig »). Leurs convictions pacifistes les ont plongés dans la plus abjecte collaboration avec le nazisme. Ces hommes formaient un pan important du parti socialiste français, aujourd’hui remisé aux oubliettes. Il n’en surnage guère que le nom de Marcel Déat. 

Jean-Luc Mélenchon a utilisé la figure de ce socialiste pacifiste autoritaire devenu un fervent partisan des nazis pour discréditer ses ennemis socialistes en les traitant de social fasciste. En réalité, outre que, en matière d’autoritarisme, le leader de LFI ne craint personne, le socialisme national de Déat peut être utilement comparé à son propre socialisme. Entre soutenir l’Iran de Khamenei et soutenir l’Allemagne de Hitler, il y a malheureusement quelques analogies…

La Notion de politique - Théorie du partisan

Price: 9,00 €

14 used & new available from 9,00 €

Véhicules électriques: l’hémorragie du capital des ménages

0
© ACau/SIPA

À la revente, les véhicules électriques voient leur cote chuter par rapport aux véhicules thermiques. C’est la douche froide ! Comment l’expliquer ? Comment les concessionnaires automobiles et les particuliers peuvent-ils réagir face à ce phénomène ?


En France, la transition vers la mobilité électrique s’est accélérée à marche forcée, soutenue par des politiques publiques incitatives et un discours dominant sur la décarbonation du secteur automobile. Pourtant, à mesure que le marché des véhicules électriques mûrit, une réalité plus rugueuse s’impose aux premiers acheteurs : la revente de ces véhicules d’occasion se heurte à un effondrement brutal des prix. Cette dépréciation anormale représente, pour de nombreux particuliers, une perte en capital d’ampleur inédite dans l’histoire récente de l’automobile.

C’est pas l’Argus, ici !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors qu’un véhicule thermique perdait traditionnellement entre 35 % et 45 % de sa valeur au bout de trois ans, les véhicules électriques, eux, voient leur prix chuter de 55 % à 65 % sur la même période. Certains modèles affichent des valeurs résiduelles inférieures à 40 % du prix neuf à trois ans. La généralisation du leasing, combinée à l’arrivée de modèles chinois bon marché, a accru la pression sur les prix du marché de l’occasion, provoquant un phénomène de « désolvabilisation » des vendeurs particuliers.

Ce phénomène constitue l’un des effets pervers les plus sous-estimés de l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques. En théorie, un particulier devrait pouvoir revendre son véhicule pour financer l’achat d’un nouveau modèle, voire rembourser le solde d’un crédit ou d’un contrat de location. Or, dans la pratique, la chute brutale de la valeur résiduelle des véhicules électriques empêche de plus en plus de propriétaires de sortir sans perte d’une location avec option d’achat (LOA) ou d’un prêt auto. La décote est telle qu’il faut parfois ajouter plusieurs milliers d’euros pour solder un contrat ou financer un véhicule de remplacement. Cette situation piège les ménages dans des véhicules devenus invendables à un prix raisonnable, et les prive de leur pouvoir de mobilité. En retour, elle fragilise l’un des ressorts essentiels du marché automobile : la fluidité de l’échange entre le neuf et l’occasion. À terme, cette désolvabilisation pourrait nourrir une méfiance durable à l’égard de l’électrique, en particulier dans les classes moyennes, premières visées par les politiques d’incitation.

Location avec Option d’Achat : engagez-vous qu’ils disaient…

Prenons un exemple simple. Un ménage ayant acheté une voiture électrique neuve en 2021 pour 35 000 euros (bonus écologique déduit) peut aujourd’hui espérer en tirer entre 12 000 et 15 000 euros à la revente. La perte sèche s’élève donc à environ 20 000 euros en trois ans, soit une dépréciation annuelle de près de 6 700 euros, bien au-delà des standards historiques.

En tenant compte des données disponibles, on estime qu’environ 200 000 véhicules électriques sont revendus chaque année par des particuliers. Même avec une hypothèse prudente de 10 000 euros de perte moyenne excédentaire par véhicule (par rapport à une dépréciation « normale »), cela représenterait 2 milliards d’euros de pertes en capital supportées chaque année par les ménages français.

Ce chiffre est d’autant plus préoccupant qu’il concerne une population souvent encouragée à investir dans l’électrique par des aides publiques et des incitations fiscales. Pour certains foyers modestes, il s’agit d’un investissement équivalent à plusieurs années d’épargne.

Face à ce retournement de marché, les concessionnaires tentent de limiter leur exposition. Pour les véhicules en LOA, certains réseaux refusent aujourd’hui les reprises à la valeur résiduelle fixée initialement, obligeant les clients à acheter leur véhicule à perte ou à le restituer sans espoir de revente avantageuse. D’autres préfèrent « gonfler artificiellement » les prix de reprise sur des modèles thermiques, tout en durcissant les conditions de reprise des véhicules électriques.

Plus stratégiquement, les concessionnaires privilégient aujourd’hui les offres de location longue durée (LLD) sur les véhicules électriques neufs, afin de transférer le risque de décote sur des sociétés de financement, ou sur le constructeur lui-même. Dans certains cas, les stocks de voitures électroniques d’occasion invendus sont réexportés vers d’autres marchés, en particulier en Europe de l’Est ou au Maghreb, à des prix fortement décotés.

Ce désajustement entre le prix d’achat et la valeur de revente constitue non seulement une atteinte au patrimoine des ménages, mais risque aussi d’éroder la confiance dans la transition électrique. Si l’électrification devait s’accompagner d’un appauvrissement net des particuliers ayant cru au discours officiel, la suite de la transition pourrait se heurter à une défiance croissante, voire à une crispation sociale.

En somme, l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques révèle une asymétrie mal anticipée entre politique industrielle, comportements de consommation, et réalité économique. Tant que le problème de la valeur résiduelle des véhicules électriques ne sera pas stabilisé, la promesse d’une transition juste et soutenable restera partiellement illusoire.

Les hauts et les bas de la liberté de parole en France

0
De gauche à droite : la militante Rokhaya Diallo, le député d'extrème gauche Aymeric Caron, le magistrat Rémy Heitz. Photos : Hannah Assouline, Capture Le Parisien YT, Capture France inter YT.

La militante racialiste Rokhaya Diallo a perdu son procès en appel contre l’écrivain Pascal Bruckner. De son côté, Aymeric Caron tente de faire taire CNews — ex-I>Télé, où il présentait autrefois les actualités. Le procureur général Rémy Heitz, quant à lui, s’indigne d’une sortie extra-scolaire organisée pour des étudiants magistrats. Si l’on peut déplorer que les tribunaux et les instances de régulation soient de plus en plus sollicités par ceux qui cherchent à faire taire la parole d’autrui, il ne faut pas pour autant céder au découragement.


Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent.
Éphésiens 4:29.


Les juridictions françaises parviennent parfois à se hisser à la hauteur de la mémoire de Voltaire.

Peut en témoigner Rokhaya Diallo, qui vient d’être déboutée en appel de son recours en diffamation contre l’écrivain Pascal Bruckner, héraut de la laïcité et de la liberté d’expression. Rappelons qu’elle avait signé une pétition dénonçant le soutien à Charlie Hebdo au lendemain de l’attentat de la nuit du 1er au 2 novembre 2011, laquelle relativisait le cocktail molotov ayant causé des dégâts aux locaux du journal. Au cours d’une émission télévisée, en octobre 2020, Bruckner avait reproché à la « féministe intersectionnelle et décolonialiste » d’avoir « armé le bras des tueurs » et « poussé à la haine », contribuant avec d’autres à « la mort des douze de Charlie Hebdo » lors des attentats de janvier 2015. Est indéniable l’hyperbole du littérateur, qui soulevait une responsabilité morale, mais l’ « indivisible » féministe avait toute latitude pour répondre et remettre quelques pendules à l’heure et surtout, en l’espèce, de rectifier le tir. Une burqa s’est-elle déchirée brusquement dans son esprit? Toujours est-il qu’elle opta plutôt pour une indignation surjouée, quitta le plateau avec fracas, hurlant au « scandale » et promettant de s’adresser à la justice afin de lui jeter en pâture cet insolent Blanc. Elle tint parole. Mal lui en prit.

Par ailleurs, l’élève Aymeric Caron récidive en allant se plaindre au surveillant de la cour de récré, M’sieur l’Arcom, au sujet du traitement réservé à Shannon Seban par Pascal Praud de CNews, laquelle s’exprimait sur le racisme et la xénophobie du RN ainsi que sur son livre Juive, et alors?. L’intervieweur s’exclama ainsi : « Je ne comprends rien à ce que vous dites. C’est un méli-mélo de choses, de poncifs et de phrases creuses ». Si ce n’était que ça. Il eut l’outrecuidance d’émettre ce jugement sur son livre (objet sacré en France) : « Je vous assure, c’est incompréhensible. Pour moi, c’est une sorte de bouillie intellectuelle ». 

Au pays de Jean-Paul Sartre, de Jacques Derrida, et d’Alain Robbe-Grillet, on ne peut évidemment badiner avec de tels propos. On peut même parler en l’occurrence de lèse-écrivain : nous sommes en France.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Sébastien chez les soviets

Et ne s’est pas fait attendre la réaction d’Aymeric Caron, député apparenté à La France Insoumise (non accompagné par Rima Hassan cette fois, sans doute retenue ailleurs); saisi d’indignation :

« Je saisis l’Arcom pour cette séquence où l’ensemble du plateau de CNews, y compris son présentateur Pascal Praud, prend fait et cause pour le Rassemblement national en tentant d’humilier l’invitée Shannon Seban, accusée d’avoir écrit de la « bouillie » dans un livre où elle dénonce précisément l’islamophobie et l’antisémitisme du RN, lucidité que l’on se doit de saluer… CNews est censée être une chaîne d’information qui produit, donc, de l’information (ici il n’y en a pas), avec un équilibre de points de vue (ici c’est juste un plateau pro-RN). »

Là encore, on peut se demander de prime abord s’il est du ressort de M. Caron, a fortiori de l’Arcom, de se prononcer sur la qualité ou la fiabilité des éléments produits par CNews, ou d’ailleurs par n’importe quel média. Est contraire à la liberté de la presse l’imposition d’un format donné comportant dans telle ou telle émission l’intervention de participants aux convictions divergentes. La presse d’opinion n’a rien d’illégitime. Au citoyen de faire les recoupements avec d’autres sources concurrentes (dont France Télévisions, qui semble justement établir un sain équilibre puisqu’elle est vertement critiquée par M. Praud) et de former son propre jugement sur l’intégrité intellectuelle des participants à l’émission. Si tel est son bon plaisir. Au lieu de l’anathème, Caron eût été plus inspiré de faire tout simplement la promotion du livre de madame Seban, en vente dans toutes les bonnes librairies.

Le grand frère protecteur de Shannon aurait peut-être dû penser que si celle-ci a accepté de donner une entrevue à CNews, c’est peut-être en toute connaissance de sa ligne éditoriale. Elle aurait plus qualité pour agir qu’Aymeric.

Mais Caron, tout bien intentionné fût-il, appartient à un courant de pensée inspiré, sinon encadré, par des textes à valeur canonique destinés à être décortiqués par les exégètes, et toujours prêt à sanctionner l’hérésie. Le tribunal du peuple et l’Inquisition, même démarche intellectuelle. A défaut, les nostalgiques de l’Index vaticanesque aboli se rabattent aujourd’hui en France sur une éventuelle fatwa de l’Arcom.

Concluons sur une note plus légère, où est en jeu la liberté pédagogique, qui relève de la liberté, plus générale, de parole.

Eric Dupond-Moretti s’est reconverti dans le théâtre (à supposer que, pour un avocat pénaliste, on puisse parler de « reconversion » quand il y a simplement changement de salle), que l’on pourrait qualifier de « théâtre-vérité ». Un « homme-spectacle » comme disent les Anglo-Saxons. Il évoque avec humour les failles de la Justice et notamment celles de Rémy Heitz, à l’heure actuelle procureur général près la Cour de Cassation, qu’on ne saurait sans exagération qualifier de commensal de l’ex-garde des Sceaux. Dans un but didactique, les élèves de la classe prépa Talent de l’ENM-Paris (aspirants magistrats) ont eu droit à une représentation.

A lire aussi, Dominique Labarrière: France tv: un sens de l’éthique qui fait tiquer

M. Heitz contacta la direction de l’école afin d’exprimer son irritation, qu’il justifie en ces termes :

« Comme préparation au grand oral de l’ENM, il y avait sans doute meilleur choix que le seul-en-scène de l’ancien garde des Sceaux, où la Justice en prend tout de même pour son grade…

C’est vrai que Dupond-Moretti se moque allègrement de moi et de mon prédécesseur, dans son spectacle, et que je me retrouve sur la sellette. Sans vouloir remettre en cause la liberté pédagogique des professeurs [Note : personne n’en a douté], il m’a semblé que cette sortie n’était pas très opportune et je peine à voir sa dimension culturelle [Note : on le croit volontiers]. Ce spectacle n’est sans doute pas la meilleure préparation au concours qui soit. À titre personnel [Note : cela va de soi], j’ai trouvé ça très moyen et je l’ai fait savoir. »

Cependant, que l’on se rassure, il ne s’agissait pas de vengeance. Honni soit qui mal y pense. C’est seulement à titre de vice-président du conseil d’administration, et donc de bon gestionnaire qu’il a exprimé ses réserves :

« Si chacun avait payé sa place, je n’aurais rien dit [Note : nul doute à ce sujet]. Mais les billets d’entrée, qui se chiffraient à plusieurs centaines d’euros, dans un théâtre privé [le Marigny], ont été financés sur les fonds de l’école, autrement dit avec l’argent du contribuable. Ce qui est contestable et ne m’a pas semblé très malin. »

Son intervention ne suscite donc aucun conflit d’intérêt. Cela dit, que ce strict gestionnaire soit rassuré : le contribuable, qui est aussi un justiciable, ne peut qu’approuver l’intégration à la formation préparatoire des candidats à la magistrature un tableau sur scène exposant les impairs de l’institution judiciaire, qui sont parfois encore plus riches d’enseignement que ses (immenses) réussites.

La liberté de parole n’est donc pas morte en France, en dépit de regrettables brèches. Chose certaine, les esprits sensibles devraient comprendre que l’indignation vociférante est souvent contre-productive car elle peut même donner un retentissement accru aux paroles des contradicteurs. Pour mémoire, la plaidoirie de l’avocat impérial Ernest Pinard visant Madame Bovary pour outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs en 1857, est, en soi, un chef d’œuvre sur le plan de la critique littéraire qui n’a rien à envier à Sainte-Beuve ; les adjectifs « lascive » et « voluptueuse » y sont récurrents. Fut ainsi assurée une publicité inespérée à l’auteur encore inconnu Flaubert. Plus récemment, il est permis de penser que la (par ailleurs discutable) fatwa de l’ayatollah Khomeini a considérablement contribué aux gros tirages des Versets sataniques de Salman Rushdie. Enfin, M. Dupond-Moretti doit un billet de faveur à Rémi Heitz puisqu’il devra sans doute organiser des soirées supplémentaires afin de répondre à la demande accrue.

Le silence, le cas échéant teinté d’une petite dose de mépris, est parfois d’or. Telle est donc la leçon de bon sens à tirer.

Mais patience. Nous sommes en France.

Française et juive, et alors ?

Price: 20,00 €

12 used & new available from 10,56 €

Les versets sataniques

Price: 11,90 €

40 used & new available from 2,22 €

Madame Bovary (Nouvelle édition)

Price: 3,90 €

30 used & new available from 2,02 €

Michel Drucker: «Je ne remercierai jamais assez la France d’avoir fait français mes parents»

0
Michel Drucker présent à la présentation presse de France TV le 4 septembre 2024 à Paris © Laurent VU/SIPA

Au micro de Philippe Bilger, la légende du petit écran évoque la publication de son dixième livre Avec le temps… (Albin Michel, 2025) et ses 62 ans de carrière à la télévision…


Michel Drucker a accepté de «  se soumettre à ma question » et ce fut un exercice de haute volée grâce à lui.
À peine besoin de l’interroger : en effet, il suffit de l’écouter avec une attention souvent admirative pour la précision de ses souvenirs, la qualité de ses jugements et la justesse de ses opinions.

À voir aussi : Bernard-Henri Lévy sur la post-vérité et les fake news: « La question de l’époque où nous entrons: qui veut encore la vérité ? »

Cet homme poli n’est pas un mou, ce bienveillant n’est pas un faible et cet animateur indépassable et indéracinable n’a pas été une création artificielle : il s’est construit, il a toujours su ce qu’il voulait atteindre, ce qu’il désirait être.
Et il y est parvenu. Heureusement il est toujours là. Michel Drucker dans le fond de nos regards et de nos cœurs.

Avec le temps...

Price: 19,90 €

17 used & new available from 13,92 €

Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ?

Price: 21,50 €

172 used & new available from 1,19 €


Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).


Sur Emmanuel Macron :

« M. Macron m’a remis l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur il y a un mois. […] Un jour, il m’a dit… Enfin, il a dit qu’il aimerait bien que je vienne l’accompagner dans un voyage officiel à l’étranger. […] Je lui ai dit : “Monsieur le Président, pourquoi je suis là, moi ?” Il m’a dit : “On va d’abord se tutoyer. Je sais tout sur toi, mais je voudrais que tu me racontes. Comment tu as fait pour être encore là ? J’ai vu que tu étais là sous De Gaulle, sous Pompidou, sous Mitterrand, Hollande, Sarkozy. Et maintenant moi…” »

« [Emmanuel Macron] a voulu tout savoir sur les relations entre le pouvoir, l’exécutif et la télé. […] À chaque fois que je le recroise, il m’en parle. Il m’a demandé si j’acceptais de venir à nouveau en visite d’État à l’étranger, je ne sais pas quand mais avant la fin de son deuxième mandat. »

Sur le monde la télévision :

« L’univers médiatique n’est pas très courageux »

« Le général de Gaulle considérait que c’était sa télévision, que c’était son journal ! » « Le général de Gaulle voulait avoir sur son bureau à 18 heures le conducteur du journal télévisé. Et qui tapait le conducteur ? Michel Drucker ! »

« C’est un métier où tout le monde dit du mal de tout le monde » « La télévision est un miroir aux alouettes, un faux vedettariat »

« Les journalistes envoyaient leurs questions au général de Gaulle la veille. […] Mais cela dit, ça a coûté cher au général, parce que la télévision s’est mise en grève, et Mai 68 a explosé. »

« Il y a aujourd’hui des émissions de télé qui n’auraient pas tenu huit jours à l’époque… »

Sur lui :

« Le hasard a joué un grand rôle dans ma vie… »

« À Compiègne, j’ai passé un an de service militaire dans le baraquement où était mon père 18 ans plus tôt, au Camp de Royallieu de triste mémoire pendant la guerre »

« Je viens de loin. Je suis un Ashkénaze, donc quelqu’un d’angoissé, quelqu’un d’anxieux. C’est la différence entre les deux diasporas juives – séfarades et ashkénazes – les Ashkénazes viennent des brumes de l’Europe centrale, ce sont des gens pas toujours doués pour le bonheur » « Je suis un homme des Carpates, un homme de l’Est qui ne remerciera jamais assez la France d’avoir fait Français mes parents »

« J’ai décidé de m’interroger, moi, et d’essayer de comprendre comment j’ai pu faire pour traverser le temps, pour donner du temps au temps, pour employer une phrase de François Mitterrand, et comment m’inscrire dans la durée. Car quand je suis rentré à la télé à 20 ans, 21 ans, la seule chose qui me préoccupait, c’était : est-ce que j’y serai encore dans 50 ans, dans 60 ans ? »

Bayrou, le parfait exemple par temps de canicule…

0
François Bayrou, 26 juin 2025 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Notre Premier ministre ne fait rien. C’est à ça qu’on le reconnait et c’est pour ça qu’il reste en poste.


Les médecins et la sagesse populaire, pour une fois à l’unisson, nous le font savoir : lorsque le mercure s’égare jusqu’à atteindre des sommets himalayens, le plus sage pour le commun des mortels est encore de ne rien faire. Ne pas en secouer une, ne pas s’agiter, laisser passer le temps et attendre la décrue des degrés comme on attend en d’autres circonstances le dégel.

C’est exactement ce que réussit à merveille Monsieur Bayrou là où il est, à Matignon. Rien. Il ne fait rien, n’en remue pas une. L’art de l’inaction poussé à son meilleur. Un exemple à suivre, vous dis-je !

Torpeur estivale

On aurait pu penser que, consentant à sortir de cette torpeur qui paraît être le fond de sa nature, il se risquerait quand même à oser une initiative, qu’il se laisserait tenter par un semblant de décision, une amorce d’action, que sais-je, moi ? Un truc du genre « Conclave canicule ». Il est passé maître, en effet, dans ce type d’usines à gaz stériles et donc sans issue. C’est son domaine de prédilection. Voilà cinquante ans qu’il pratique la chose, notamment au Haut-Commissariat au Plan où il aura donné toute sa mesure dans la discipline si délicate de la somnolence républicaine aux frais du contribuable-citoyen.

A lire aussi, Emmanuelle Ménard: De l’euthanasie rentable au complotisme décomplexé

Aussi il me semble que notre M. Bayrou – malgré tout le respect que je dois à sa fonction si ce n’est à sa personne – aurait parfaitement sa place du côté des branchages ombragés du formidable zoo-parc de Beauval. Dans la section réservée aux lémuriens. Ces doux animaux tout en paresse et gracieuse lenteur. Quelle que soit la température, d’ailleurs. Exactement comme pour notre homme. 

Ont-ils une durée de vie particulièrement longue, ces sympathiques petites bêtes ? Voilà ce que j’ignore. M. Bayrou semble en être convaincu, car ne rien faire est, à ce que nous constatons un peu plus chaque jour, tout ce qu’il a réussi à trouver pour durer. Cela lui réussit plutôt bien jusqu’à présent. Il s’économise avec une maîtrise qui force l’admiration. Il ne déclame plus, il ânonne. Il calque son élocution, son débit oratoire sur sa stratégie personnelle. Sa phrase, il la fait durer, durer, durer. Heureusement nous ne l’écoutons plus, car si nous le faisions, nous deviendrions lémuriens nous-mêmes.

L’espoir fait vivre

Soyons juste : il a consenti à lâcher quelques mots ces dernières heures. Faut-il dire qu’il aurait été très choquant qu’il restât muet. Apprenant que la juridiction d’appel des tribunaux algériens confirmaient la peine de cinq ans de prison ferme ignominieusement infligée à notre compatriote Boualem Sansal, il a quand même consenti à déclarer qu’il « espérait des mesures de grâce du président Tebboune. » (Devant une telle fermeté, le sieur Tebboune doit probablement faire sous lui.)

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Sébastien chez les soviets

« Espérer », synonyme d’attendre dans certaines langues. Et même quand tel n’est pas le cas, espérer c’est toujours s’en remettre à plus tard. Bayrou tel qu’en lui-même. À moins que, saisi tout soudain d’une sorte de confusion mentale, il se soit pris à imaginer que les cinq ans évoqués étaient le temps dont il allait encore disposer à Matignon pour peu qu’il continue sur sa lancée. Son rêve le plus cher. Notre cauchemar.

Alors qu’il parte ! Qu’il parte vite ! Non pas tant à cause de ses conclaves foireux et ridicules, mais plus sérieusement et plus solennellement, en raison de son effroyable incapacité à sauver Boualem Sansal (Et avec lui, puisqu’on y est à présent, Christophe Gleizes). L’Algérie nous humilie quasiment chaque matin et chaque soir. Humilie la France. Et Monsieur de Pau se contente d’« espérer » ! Le calice jusqu’à la lie…

Le président Macron étant lui aussi, sur ces sujets, aux abonnés absents, il reste à la représentation nationale de faire ce qu’il faut pour que le lémurien béarnais retourne à ses chères études. Il se trouve paraît-il chez lui un établissement où, en matière de fermeté et de rigueur disciplinaire, on en connaît un bout. Betharram. Lieu délicieux niché, à ce qu’on dit, dans une fraîche (mais sombre) vallée…

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

Price: 14,77 €

5 used & new available from 10,78 €

Je suis solognot mais je me soigne

Price: 12,00 €

3 used & new available from 12,00 €

La Nouvelle-Calédonie à l’Élysée: une grande messe pour rien?

0
Indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, 23 septembre 2024 © Charlotte Antoine-Perron/AP/SIPA

L’avenir de notre collectivité territoriale du Pacifique est plus incertain que jamais. Le président Emmanuel Macron réunit tout le monde en organisant un sommet autour du futur de l’archipel, demain, à Paris.


Ce mercredi 2 juillet 2025, le président Emmanuel Macron réunit les forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Que peut-on en attendre ? Probablement rien. Les positions des indépendantistes kanaks et des loyalistes, attachés à la France, demeurent irréconciliables.

Un fiasco pour l’exécutif

D’un côté, les indépendantistes refusent tout compromis qui n’ouvrirait pas la voie à l’indépendance. De l’autre, les loyalistes rappellent que trois référendums (2018, 2020, 2021) ont exprimé la volonté majoritaire de rester dans le giron français.

Un non-dit dans ce dossier concerne la responsabilité du président Macron et de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans les émeutes de 2024. Malgré les avertissements sur la colère croissante des Kanaks après l’annonce du dégel du corps électoral (partiel, après 10 ans de résidence), aucune mesure n’a été prise pour anticiper les violences.

Absorbés par les élections européennes et la préparation des Jeux olympiques, ils ont ignoré les signaux alarmants. Lorsque les violences ont éclaté, les forces de l’ordre, en sous-effectif, ont reçu pour consigne de protéger leurs casernes et les personnes, laissant les biens à l’abandon. Des dizaines d’entreprises ont été incendiées, plongeant l’île dans un chaos économique dont la reprise reste incertaine.

Face à l’inaction de l’État, ce sont les citoyens, organisés en comités de vigilance, qui ont contenu l’extension des émeutes, notamment dans les quartiers sud de Nouméa.

A relire: Nouvelle-Calédonie, un an après: «C’était terrifiant»

Puis l’État, dans l’indifférence des Français, a quand même cédé, en annulant le dégel du corps électoral déjà approuvé par le Sénat et l’Assemblée nationale. C’était pourtant une nécessité démocratique. Il est aberrant que des citoyens français, nés en Nouvelle-Calédonie ou y résidant depuis plus de vingt ans, travaillant et investissant sur place, soient privés du droit de vote à certaines élections. Cette exception constitutionnelle, héritée des accords de Nouméa (1998), dont la validité de vingt ans est désormais dépassée, constitue une violation des principes démocratiques fondamentaux. 

LFI encore contre la France

Si la France était plus ferme, elle imposerait au moins le vote « glissant » après dix ans de résidence, mais le soutien politique à la cause loyaliste reste incertain. Mathilde Panot de LFI a qualifié les militants kanaks incarcérés de « prisonniers politiques ». En toute incohérence, LFI s’oppose à toute reconnaissance d’une identité nationale en métropole tout en soutenant celle des Kanaks en Nouvelle-Calédonie.

Marine Le Pen, quant à elle, n’exclut pas un nouveau référendum, dont la perspective, même lointaine, compromettrait toute reprise économique durable et ouvrirait la voie à une indépendance à terme.

On ignore si les propositions délétères du socialiste Manuel Valls étaient les siennes ou avaient l’aval du centriste François Bayrou. Les Caldoches ont réussi à bloquer ces initiatives, bien accueillies par les indépendantistes, un comble pour un ministre de la France !

Avenir incertain

Mais beaucoup de Calédoniens envisagent déjà un avenir ailleurs pour leurs enfants. En effet, le statu quo et l’incertitude jouent contre eux. À terme, si les résidents non natifs restent privés du droit de vote et s’il n’y a pas un engagement ferme et définitif que la Nouvelle-Calédonie restera française, l’évolution démographique leur sera défavorable.

En métropole, peu se soucient du Caillou. Même dans les milieux de droite, la cause loyaliste, portée par seulement quelques dizaines de milliers de Français à l’autre bout du monde, peine à mobiliser, comme je l’ai – hélas – constaté.

Outre le dégel indispensable du corps électoral, le véritable défi pour les non-indépendantistes est de convaincre à Paris que leur combat dépasse leur seul avenir sur cette terre lointaine. Il s’agit de défendre une certaine idée de la France, qui concerne tous les Français. Sans un sursaut, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la France demeure très incertain.

Mayotte : Comment l’immigration détruit une société

Price: 9,92 €

5 used & new available from 9,38 €