À Amsterdam, une rencontre sportive et familiale juive a dégénéré en âpres discussions sur la signification du mot « sionisme » et avec la fuite de l’artiste qui devait s’y produire et qui le tient en horreur.
Le chanteur en question s’appelle Douwe Bob, Amstellodamois trentenaire fort en gueule qui n’a pas hésité à se qualifier de « garçon juif, en quelque sorte ». Contre toute évidence généalogique, d’ailleurs.
Coup de chaud
Dimanche 29 juin, Douwe Bob était l’invité de la fête annuelle Jom Ha Voetbal1 sur les terrains du club de football AFC dans le sud d’Amsterdam. Autour d’un tournoi de foot pour de très jeunes garçons et filles y convergent traditionnellement de nombreux membres de la communauté juive de la capitale néerlandaise et d’ailleurs, toutes tendances politiques et religieuses confondues.
Sous un soleil de plomb, des fans de Douwe Bob, souvent en tenue sportive, attendaient avec impatience l’arrivée, en retard, comme sied à une vedette, du chanteur qui cependant les saluait avec les propos suivants: « Bonjour, j’ai vu ici tant de manifestations de sentiments que j’abhorre, que j’ai décidé d’annuler mon concert. Votre fête a été séquestrée par des organisations politiques, avec leurs slogans et leurs pamphlets. Je suis un garçon juif d’Amsterdam, en quelque sorte, mais je m’oppose au sionisme. »
Après leur avoir souhaité une bonne continuation, il a tendu son micro à un technicien et s’est hâté, avec son guitariste, vers la sortie où l’attendait sa moto.
Les jeunes fans n’y ont pas compris grand-chose, à en croire des parents présents et forcés d’expliquer les propos sibyllins. L’hebdomadaire Nieuw Israëlitiesch Weekblad cite une mère qui, jugeant sa fille de 10 ans trop jeune pour une dissertation sur le sionisme, lui a menti et a affirmé que Douwe Bob avait eu un coup de chaleur et, de ce fait, était incapable de chanter… Un père de famille, journaliste et intellectuel connu, s’est creusé les méninges sur l’explication qu’il se devait de donner à son gamin, à savoir que pendant une fête juive un chanteur avait boudé de jeunes Juifs sur un thème qui les dépasse totalement.
Le poster de la discorde
Il paraît qu’un poster près de la scène d’une organisation de jeunes Juifs, Netzer, où figure le mot néerlandais « zionistisch » ait éveillé le courroux du chanteur. Netzer se tient cependant éloigné des controverses sur la politique de Benyamin Nétanyahou. Un autre stand, plus éloigné de la scène, chantait cependant les louanges de Tsahal, a en revanche constaté un journaliste du journal AD.
Le fait divers n’a pas manqué de se répandre comme une trainée de poudre dans le petit monde politico-journalistique pendant ce dimanche caniculaire. Des politiciens israélophiles de haut niveau s’en sont mêlés, comme la dirigeante liberale Dilan Yesilgöz, qui a accusé Douwe Bob de « haine contre les Juifs ».
J’ai un très bon ami juif…
Le soir même, dans un programme d’actualités à la télévision, le chanteur a affirmé que ses propos lui avaient valu des menaces de mort. Il s’est défendu maladroitement en disant qu’une de ses (nombreuses) ex-copines était juive, Israélienne même. Laquelle ex ne manqua pas de manifester sa désapprobation d’être ainsi utilisée comme alibi… Douwe Bob a rappelé aussi que, l’année dernière, il avait chanté une chanson lors de l’ouverture du musée de l’Holocauste à Amsterdam, tandis que, dehors, des manifestants hurlaient leur haine contre la présence du président israélien Isaac Herzog.
L’affaire passionne les médias néerlandais, où de doctes digressions sur la signification du mot sionisme alternent avec des rappels des nombreux cas d’infidélité conjugale de Douwe Bob, qui représenta les Pays-Bas à l’Eurovision de 2016, ou il termina onzième.
Mercredi matin, le 2 juin, Douwe Bob a annoncé sa fuite sur Instagram, en voiture avec femme et enfant, hors des Pays-Bas suite à des menaces de mort. A l’en croire, sous escorte policière, ce que nient les autorités. Sera-t-il de retour le week-end prochain, alors qu’il est attendu à d’autres festivals d’été, sans sionistes cette fois-ci ?