Le livre-enquête sur la mort du jeune Thomas à Crépol, minimise le caractère raciste de l’attaque. Il révèle surtout qu’aux yeux de la Justice le racisme antiblanc n’existe pas.

C’est sans doute maître Alexandre Farelly, l’avocat de la famille du défunt, qui a trouvé les mots les plus justes pour exprimer le malaise que l’on ressent en lisant Une nuit en France, le livre-enquête consacré au meurtre du jeune Thomas à Crépol en novembre 2023. Quelques jours après la parution de l’ouvrage, son cabinet a diffusé un communiqué déplorant de « nombreux passages très gênants, qui tendent à banaliser le port d’armes, la violence meurtrière, l’omerta et la victimisation des mis en cause ».
Un livre sidérant
Il faut dire que l’ouvrage, signé par deux journalistes parisiens et une scénariste de polar, a une curieuse manière de raconter la nuit durant laquelle, il y a deux ans, dans une petite commune de la Drôme, une bande de jeunes de banlieue, munis de couteaux, a blessé grièvement plusieurs villageois sans défense, dont Thomas, poignardé à mort, mais aussi quatre autres habitants, parmi lesquels deux ont dû être transférés à l’hôpital en urgence absolue.
À en croire le récit, les torts dans cette histoire seraient plus partagés qu’on ne l’a dit dans la presse. Et les agresseurs, qui sont tous originaires d’une cité de Romans-sur-Isère à forte population immigrée, ne seraient pas de si mauvais bougres. D’ailleurs, à leur décharge, l’arme blanche qui a tué Thomas leur servirait en temps normal à « couper du cannabis »… On n’ose imaginer le scandale si un livre plaidait la cause de Dominique Pélicot en relevant que celui-ci s’est toujours servi d’un somnifère banal et inoffensif pour droguer sa femme et la violer.
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Reste que les auteurs ont l’honnêteté de ne pas faire l’impasse sur des propos, autrement accablants, que certaines personnes présentes le soir des violences rapportent avoir entendu dans la bouche des suspects : « On est là pour planter des Blancs. » Même si, sans surprise, l’hypothèse d’un homicide raciste antiblanc est présentée dans l’ouvrage comme un pur fantasme, qui ne ferait qu’alimenter l’« hystérie » médiatique et les polémiques « radioactives ».
L’amateurisme du parquet
Par conscience professionnelle toutefois, les auteurs ont interrogé le procureur chargé de l’enquête sur cet aspect du dossier. « Lorsque nous le rencontrons en décembre 2023, écrivent-ils, il concède qu’une poignée de témoins ont évoqué des insultes antiblancs, mais il cite une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle cela ne peut pas constituer une circonstance aggravante de racisme. »
On se pince. Comment un magistrat peut-il s’imaginer que le racisme antiblanc ne serait pas reconnu par nos lois ? L’article 132-76 du Code pénal ne laisse pourtant aucune place au doute. Il prévoit bel et bien une aggravation des peines quand un délinquant ou un criminel a tenu des propos déshonorants sur sa victime à raison de l’appartenance de celle-ci à « une prétendue race ».
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Le mot « prétendue » a été rajouté par le législateur en 2017. Il permet d’éviter tout débat oiseux sur l’existence ou non d’une race blanche, et donc lève toute équivoque quant à la possibilité pour un juge de punir un cas de racisme antiblanc.
Dans l’affaire de Crépol, le procès n’a pas encore eu lieu. Le jour venu, les accusés seront-ils questionnés sur leur racisme présumé ? L’amateurisme du parquet prévaudra-t-il ? Réponse aux assises.