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Dans la caravane

Samedi, c'est les vacances d'été pour tous les écoliers. Et pour beaucoup de Français, l'heure du grand départ


Dans la caravane
Le bouchon de Tourves, Nationale 7. Unsplash.

Monsieur Nostalgie nous envoie une carte postale du Tour de France et en profite pour louer les vertus des « petites » routes. Il dit oui aux départementales !


Quand les températures grimpent, les villes surchauffent et les esprits s’échauffent ; dans les rues de la capitale, les altercations se multiplient, les incivilités polluent aujourd’hui le quotidien de tous les usagers (automobilistes, cyclistes, piétons, chauffeurs, etc.) comme si la courtoisie avait laissé place à l’insulte et à la menace. La cohabitation est ce rêve devenu impossible face à l’égoïsme de chacun. Un mot de trop, un coup de klaxon éruptif, une main levée en signe de désespoir et la situation peut dégénérer, virer au cauchemar urbain. La peur s’installe au volant ou au guidon. À chaque carrefour, le drame sourd. Nous sommes perpétuellement sur nos gardes. Les éclats de voix sont annonciateurs d’une violence sans filtre, ils n’ont plus le charme et le folklore à la Pagnol.

Bas instincts

Plus personne ne semble être maître de ses nerfs. Les citadins finissent par croire que la route n’est que désolation et embrouilles infinies. Qu’elle serait le théâtre seulement des plus bas instincts, l’expression décomplexée de notre face la plus sombre. Alors qu’à l’approche des vacances, une départementale ombragée est la promesse d’un avenir meilleur. Un doux présage. On s’y engouffre, on s’y prélasse et on s’y sent bien. Que les entrailles de notre pays ont fière allure avec leurs champs et leurs haies, leurs vaches et leurs rivières, leurs calvaires et leurs bornes Michelin. Regardez bien ces paysages du Berry, de la Creuse ou du Béarn, ces volutes à travers la campagne, ces îlots de calme et de fraîcheur, loin du fracas, ils dessinent les coutures de notre vieux pays, son armature des temps immémoriaux. Avec eux, on retrouve un peu d’évasion et d’apaisement. L’estime de soi. Ils sont propices à la rêverie et au temps enfin retrouvé. Cette province des bourgs et des villages a tant à nous apprendre, à nous souvenir, à nous rééduquer sur notre façon de conduire et de profiter de quelques jours arrachés à la virtualité assassine. Donnez-moi, durant une semaine, une Peugeot 404 aux ailes tendues ou une Lambretta fatiguée, un scooter à bout de souffle comme dans la chanson de Voulzy, et une route gendarmée par une rangée de platanes, je serai un homme heureux. Car la route et l’automobile n’ont pas toujours été des frères ennemis. Ces deux-là, ensemble, ont façonné un imaginaire collectif, celui des grands départs, des bouchons et de la famille réunie, tout ce qui manque cruellement aux peuples sans repères.

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Glorieuse Nationale 7

Partout en France, dès l’arrivée des beaux jours, la nostalgie des carrosseries anciennes réenchante l’asphalte. Aucun cœur, même le plus sec, ne peut résister à ces cortèges de voitures, de mobylettes et d’estafettes, à la queuleleu, c’est un peu notre tapisserie de Bayeux des heures mécaniques. Ils étaient encore plus de 800 au 43ème Tour de Bretagne début juin dans les Côtes-d’Armor. Les Français ont soif de cette farandole-là. Elle est pleine de vie et d’une communion d’esprit qui sédimente. Le succès de la Nationale 7 en est la preuve. Désormais, on la vénère, on la panthéonise, on lui restitue ses titres de gloire. Elle fait même de la concurrence à la Route 66, cette starlette américaine. Elle fut comme l’a montré un récent reportage à la télévision, l’épine dorsale gastronomique des Trente Glorieuses, le passage de témoin des mères nourricières aux chefs étoilés. On y mangeait bien et elle faisait partie de la magie du voyage. Elle était Le voyage. La route et les autos, cette longue histoire se perpétuera en juillet dans la caravane publicitaire du Tour de France. Elle passera peut-être par chez vous, avant le peloton et les hélicos de l’organisation. Vous ne la verrez pas dans le poste mais elle attire des milliers de personnes venus assister au dernier spectacle gratuit à retentissement mondial. Avec ses engins déguisés en forme de tasse à café ou de baril de lessive, elle est joyeuse, amusante, désuète, donc essentielle.

Quand elle traverse nos provinces et qu’elle est acclamée par des enfants, l’émotion nous étreint. Ce n’est rien, presque rien, et pourtant l’espoir renaît.

Tendre est la province

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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