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Le créole pour tous!

Sur la langue française, comme sur d'autres sujets, Jean-Luc Mélenchon sait qu'il dit n'importe quoi


Le créole pour tous!
© Stephane Lemouton-POOL/SIPA

Le leader de lextrême gauche et chantre de la « Nouvelle France » n’a rien compris au créole. Il le sait, mais, pour prendre le pouvoir, il est un « déconstructeur » prêt à tout qui s’assume.


Jean-Luc Mélenchon a proposé dernièrement de rebaptiser la langue française et de l’appeler désormais « langue créole ». Cela ressemble fortement à une conversion forcée, car la langue française ne répond pas à la définition du créole que donne le Larousse : « langue née du contact d’une langue européenne avec une langue locale ou importée et devenue langue maternelle dans une communauté créole ». Il existe des créoles à base de français, d’anglais, de portugais, etc. ; issus de la colonisation et de l’esclavage, et qu’on trouve historiquement dans les contrées les ayant connus. Si donc, certains créoles se sont constitués à partir du français, c’est qu’il y a bel et bien du français ! Précisons immédiatement que les créoles sont des langues à part entière, qu’il n’y a donc aucune discrimination dans le fait de dire que la langue française n’en est pas ; c’est simplement une question de constitution.

Ben mon côlon (colon)

Jean-Luc Mélenchon a également affirmé que le français, créole ou non cette fois-ci, n’appartenait plus aux Français mais à tous ceux qui le parlaient de par le monde. Ajoutant que ce sont les gens qui vont à la langue et pas la langue qui va à eux. Drôle de formule qui contredit l’Histoire puisque si d’autres que les Français parlent le français, mis à part les amoureux inconditionnels qui ne sont jamais légion, c’est bien parce que la langue française est allée à eux et pas avec des pincettes ! Par ailleurs, le fait qu’une trentaine d’autres pays que la France parlent le français, est une bonne nouvelle dans le globish généralisé, mais cela n’implique aucunement que le français ne serait pas la langue de la France. Quant aux apports des autres langues qu’on trouve dans la nôtre, apports qu’on trouve du reste dans bien d’autres langues, nul n’a jamais songé à les nier, mais ces apports, souvent sous forme de mots, n’ont pas affecté les structures essentielles de la langue française. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a introduit sa proposition en affirmant que la langue française était langue coloniale et impériale ; ce qui contredit le principe même de « langue créole » !

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Cela n’a jamais empêché que la langue française dont on semble toujours déplorer je ne sais quelle rigidité d’extrême droite n’est-ce pas, connaisse des rencontres heureuses entre créole précisément et elle-même. Voir les littératures antillaises et africaines qui nous offrent des mixages linguistiques luxuriants et baroques. Mais, précisément, cela s’appelle littérature, laquelle réalise des écarts à la norme que réalisent d’autant mieux ceux qui, précisément, connaissent la norme…

Les derniers seront les premiers

Et Jean-Luc Melenchon le sait parfaitement qui pratique un français souvent savoureux, qui n’hésite pas à nous servir quelques imparfaits du subjonctif etc. Dans le genre : « Je maîtrise la langue », il n’est pas le dernier !

En revanche, le sont tous ceux auxquels on fait croire qu’il n’est en rien nécessaire d’apprendre lexique, grammaire, orthographe, et qu’ils peuvent baragouiner toute leur vie avec deux noms, trois adjectifs et quatre verbes, et que cela profitera à la créolisation mondialisée à laquelle nous serions appelés.

Alain Bentolila, linguiste, s’est exprimé au sujet de ce projet (Marianne du 24 /6 et Le Figaro du 28/6) et je renvoie le lecteur à ce qu’il en dit. Il avance même l’idée que Jean-Luc Mélenchon voudrait être le seul à parler… De fait, vouloir embellir la pauvreté linguistique des jeunes avec l’idée que tout cela serait du créole en devenir est une imposture et permet, effectivement, d’être le seul, au bout du compte, à détenir la parole. On ne peut également s’empêcher de penser qu’il s’agit, une fois de plus, d’un exercice de dépossession nationale tant l’idée d’une « identité française » qui passerait par « la langue française » serait à abattre, et qu’il faudrait derechef lui en substituer une autre. Mais, ironie de l’histoire, cette dépossession touche également les langues créoles qui tiennent à leur particularité et ne veulent pas être noyées dans l’indistinction. Il aura donc réussi à fâcher tout le monde ! 

Bref, il n’y a rien qui va dans cette histoire. Mais on aura compris que si la langue française n’est pas une « langue créole », il s’agit qu’elle le devienne…



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Professeur de lettres modernes à la retraite, ayant enseigné dans le 93.

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