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Mesures budgétaires: Bayrou épargne l’immigration! Pourtant…

Peu de temps après la signature par les journalistes de la charte de Marseille, qui encadre de manière plus stricte la façon dont ils sont autorisés à parler d’immigration, le Premier ministre passe sous silence les coûts colossaux liés à la submersion migratoire que connaît actuellement le pays, dans ses propositions d’économies budgétaires. Grande analyse.


En 2018, une conférence intergouvernementale coordonnée par les Nations Unies accouche du Pacte de Marrakech, un « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». Dès l’introduction dudit pacte, il est entendu que la « gouvernance » mondiale est incontournable et que les élites se doivent de consolider l’ingénierie sociale et immigrationniste mise en place depuis des années : « Par le présent Pacte mondial, nous nous engageons collectivement à améliorer la coopération en matière de migration internationale. Les migrations ont toujours fait partie de l’expérience humaine depuis les débuts de l’Histoire (on dirait du Boucheron !), et nous reconnaissons qu’à l’heure de la mondialisation, elles sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable, et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs. » Depuis 2018, ce sont près de 500 000 immigrés qui entrent chaque année en France. Les problèmes inhérents à cette submersion migratoire sont incontestables et concernent aussi bien l’insécurité culturelle que physique. L’économie, les services et les comptes publics subissent eux aussi les effets d’un trop grand nombre d’immigrés qui ne s’intègrent plus qu’à la marge et profitent d’un système social excessivement généreux.

OID contre Terra Nova : la bataille des chiffres

Dans un entretien donné à Boulevard Voltaire[1], Nicolas Pouvreau-Monti, directeur général de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), considère que « le faible taux d’emploi des immigrés nous coûte 100 milliards d’euros par an ». Le dernier rapport de l’OID sur l’impact de l’immigration en France rappelle que « les immigrés perçoivent un montant moyen annuel de prestations sociales deux fois supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (2 380 euros contre 1 200 euros en 2019), voire près de trois fois supérieur pour les immigrés originaires d’Afrique (3 130 euros). » Par ailleurs, « 35 % des immigrés âgés de 18 à 59 ans occupaient un logement social en 2019-2020, contre 11 % sans ascendance migratoire ». Conclusion : « En France, l’immigration dégrade les comptes publics et réduit le pouvoir d’achat des natifs, ces derniers devant être davantage imposés pour compenser ce déficit contributif . » La Fondation Terra Nova et Éric Woerth méprisent ces chiffres – « l’immigration a un coût zéro », affirme ce dernier sans craindre le ridicule. Les Gueux commençant de montrer des gestes d’exaspération, l’oligarchie politico-médiatique ressert son étreinte propagandiste et s’efforce de bâillonner ses contradicteurs. Pour cela, tous les moyens sont bons.

Sous la férule du Syndicat national des journalistes (SNJ), des médias de gauche – Mediapart, L’Humanité, Politis, Reporterre, Rue89, France médias monde (médias publics comprenant RFI, France 24, InfoMigrants), entre autres – ont signé, le 29 avril dernier, une Charte de Marseille qui « souhaite répondre aux défis journalistiques liés aux migrations » et « vise à soutenir les journalistes et les professionnels des médias dans leur souhait de proposer une couverture de qualité, précise, complète et éthique des questions migratoires », apprend-on dans son préambule. En vérité, cette charte est prévue pour que la réalité soit dissimulée et que la submersion migratoire bénéficie d’un traitement de faveur dans les médias. Ainsi, après avoir appelé les professionnels à « s’interroger sur leurs propres perceptions et biais », elle « recommande aux journalistes de ne mentionner l’origine, la religion ou l’ethnie que s’ils estiment que cela est pertinent pour l’information du public ». Chacun aura compris ce que cela veut dire en termes de manipulation de l’information, en particulier quand celle-ci concerne l’insécurité grandissante corrélée à une immigration massive. Afin de se former sur les « migrations », les journalistes devront se pencher sur les « travaux scientifiques les plus récents » – il est à craindre que ce seront plutôt ceux de François Héran et d’Hervé Le Bras que ceux de Michèle Tribalat et de l’OID. Par ailleurs, les rédactions sont invitées à évaluer régulièrement les « pratiques journalistiques en vigueur » et à rectifier « les informations fausses ou erronées sur le sujet des migrations » – par conséquent, un « travail de fact-checking est recommandé » afin « d’exposer les mécanismes de la désinformation et des stéréotypes sur les migrations ». Tous les bonimenteurs médiatiques – les fact-checkers de Libération, du Monde, de l’audiovisuel public et de Conspiracy Watch – se frottent les mains : leur travail propagandiste est plébiscité par les médias progressistes de l’extrême centre, de la gauche et de l’extrême gauche, c’est-à-dire les quatre cinquièmes des médias. Ces recommandations ne sont pas sans rappeler celles du Pacte de Marrakech préconisant que « la question des migrants et des migrations soit abordée de façon plus réaliste, humaine et constructive ». La Charte de Marseille appelle par conséquent à lutter contre « la haine visant les migrants » et à « être vigilant sur les termes employés » – les professionnels des médias devront être attentifs « aux questions des migrations et à la terminologie afférente ». De la même manière qu’elle s’évertue à effacer certains termes – ceux désignant les immigrés « illégaux », « irréguliers », « clandestins » ou « sous OQTF » – la novlangue immigrationniste a imposé l’usage des mots « migrant » et « migration » pour camoufler une réalité conduisant tout bonnement, dans un grand nombre de pays européens, à un remplacement accéléré des populations par une immigration majoritairement extra-européenne.

Une chance pour l’Europe !

Autre pacte, même but : Le Pacte migration et asile échafaudé par Mme von der Leyen est aligné sur l’objectif principal des élites européennes, à savoir favoriser l’immigration en laissant croire qu’elle est maîtrisée et qu’elle est une chance pour l’Europe. L’annonce d’un « renforcement des frontières extérieures de l’UE » a fait amèrement sourire Fabrice Leggeri, ex-directeur de l’agence Frontex (2015-2022) et témoin direct de la complaisance des autorités envers les ONG et associations immigrationnistes. Ce Pacte asile et migration qui prévoit, au lieu de ralentir drastiquement les flux migratoires, de les « réguler » et de les répartir entre les États membres de l’UE selon « leurs besoins », a bien entendu été soutenu par le gouvernement français. Au Parlement européen, Raphaël Glucksmann, promoteur d’une immigration qu’il juge indispensable, n’a pas voté pour la majorité des textes composant ce pacte. Toujours plus loin, toujours plus fort : il aurait souhaité « une solidarité et une politique migratoire commune » encore plus larges, une répartition obligatoire des demandeurs d’asile entre les pays membres de l’UE, l’absence de « filtrage » aux frontières de l’Europe – et ne parlons pas des frontières nationales, une horreur absolue pour cet euro-atlantiste qui dit se sentir plus à l’aise à Berlin ou à New York qu’en Picardie. Raphaël Glucksmann[2], dont le but est de dissoudre la France dans une mosaïque de territoires européens dépendant d’un pouvoir central bruxellois lui-même aux ordres des nouvelles élites de l’empire davosien, diversitaire et immigrationniste, est actuellement chouchouté par les médias, l’audiovisuel public en tête. Normal : l’oligarchie politico-médiatique promeut un projet qui n’a de sens et d’intérêt que pour les anywhere, ces nouvelles élites mondialistes qui méprisent le peuple français, les Gueux de souche, la piétaille enracinée.

Il y a quelques jours, Aurore Bergé a annoncé son intention d’augmenter les subventions de certaines associations afin que celles-ci puissent recruter plus de personnel pour signaler auprès de l’Arcom « les propos haineux » tenus sur les plateformes internet et les réseaux sociaux. La Fédération des centres LGBTI+, Osez le féminisme, le Planning familial et, surtout, SOS Racisme et l’ADDAM (Association de défense contre les discriminations et les actes anti-musulmans), feront partie de ces indicateurs payés par le pouvoir pour traquer le moindre propos qui pourrait déplaire à la nomenklatura woke, progressiste et immigrationniste. En limitant la liberté d’expression grâce à de nébuleuses notions comme « les contenus haineux », l’opportuniste Aurore Bergé applique à la lettre les instructions du DSA, cet organe de surveillance des services numériques en Europe concocté par le fossoyeur d’entreprises françaises, l’ex-mamamouchi de la Commission européenne, le factotum de Mme von der Leyen, j’ai nommé Thierry Breton. La France, au bord de la faillite, est en train de s’effondrer sous le poids d’une immigration qui lui coûte au bas mot cent milliards d’euros par an. Pendant ce temps, Mme Bergé distribue l’argent des contribuables à des associations progressistes et immigrationnistes réunies en coopérative de délateurs. Quant à l’ancien Haut-commissaire au Plan n’ayant jamais su planifier autre chose que sa carrière… 

Des sources d’économies négligées

… 43,8 milliards d’euros. Ce sont les économies que le Premier ministre compte faire faire à l’État français. Pour obtenir ce résultat, aucune mesure annoncée ne concerne l’immigration. En revanche, les retraités les plus « aisés » – ceux qui touchent au-dessus de… 20 000 euros par an ! – vont se faire gruger deux fois : la première avec le gel du montant de leurs pensions, la deuxième avec la suppression de l’abattement fiscal de 10 %. Ouvrons une parenthèse pour signaler les sujets que François Bayrou n’a pas abordés et qui auraient pourtant pu constituer des sources d’économies autrement plus conséquentes que la chasse aux prescriptions d’antibiotiques et la suppression de deux jours fériés. Dans le cadre de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie), l’État a annoncé des dépenses stratosphériques pour développer les énergies dites renouvelables : plus de trente milliards d’euros par an, pendant dix ans. Pour payer la note, le prix de l’électricité va continuer de grimper et d’étrangler les ménages, les artisans, les entreprises. Ce programme nuisible, imposé par l’UE, ne sert qu’à enrichir, d’une manière ou d’une autre, une petite caste d’activistes écologistes, de technocrates bruxellois et d’entreprises allemandes, danoises, espagnoles et chinoises faisant commerce d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, les administrations publiques (État + collectivités territoriales) versent chaque année 16 milliards d’euros de subventions aux associations, y compris celles qui œuvrent à la destruction de la France par tous les moyens possibles – une bonne partie de ce pactole serait assurément plus utile au bon fonctionnement de nos hôpitaux publics ou de notre parc nucléaire, par exemple. L’audiovisuel public, lui, nous coûte 4 milliards par an au bas mot, Mme Ernotte ayant explosé le budget de la télé publique en 2024. Une partie de cet argent sert à payer grassement la directrice de France TV, certaines vedettes journalistiques et des sociétés privées comme Mediawan, société co-fondée par Xavier Niel et l’actionnaire principal du groupe Le Monde (Le Monde, Le Nouvel Obs, Télérama, etc.), le très bien-pensant Matthieu Pigasse – Mediawan produit entre autres les émissions de propagande “C à vous”, “C dans l’air”, “C ce soir”. D’autre part, aux 25 milliards que la France verse déjà dans les caisses de l’UE chaque année, il était prévu d’ajouter 7 milliards à partir de 2026 – dans sa grande sagesse, en ces temps difficiles, le gouvernement français prévoit de n’en ajouter que… 5,7[3] !. Enfin, et pour revenir à notre sujet initial, les coûts faramineux et les effets destructeurs et bientôt irréversibles de l’immigration ne semblent pas devoir faire bouger d’un iota les autorités. Au contraire : depuis 2017, année de l’élection du plus catastrophique de nos présidents de la République, il n’y a jamais eu autant de délivrances de cartes de séjour et le nombre de demandeurs d’asile a explosé, alimentant de facto l’immigration illégale. Comme si cela ne suffisait pas, la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), après avoir jugé en 2024 que toutes les femmes afghanes le désirant pouvaient obtenir le statut de réfugié dans l’Hexagone, vient d’accorder aux Gazaouis le droit de prétendre à ce même statut. “Statut de réfugié” veut dire : obtention sans délai d’une carte de séjour valable 10 ans, inscription directe à la CAF (permettant de toucher le RSA, les allocations familiales, etc.), accès gratuit aux soins via la CMU, gratuité des transports, hébergement social et, bien entendu, rapprochement familial des conjoints et enfants mineurs restés dans le pays d’origine. Tandis que les Français sont appelés à se serrer encore un peu plus la ceinture, les cordons de la bourse publique pour l’immigration n’ont jamais été aussi élastiques. Il devient impossible de chiffrer autrement qu’en dizaines de milliards les dépenses inhérentes à une immigration que personne, au sein des élites, ne souhaite ralentir. La nomination, sur proposition du Premier ministre, de l’archi-immigrationniste Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des comptes, confirme deux choses : la première est que les socialistes restent les rois du grenouillage[4] ; la deuxième est que, quoi qu’il arrive lors de prochaines élections présidentielles ou législatives, le système est si bien verrouillé – à l’intérieur par les juridictions et les autorités administratives ou publiques dites indépendantes (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour des comptes, Défenseur des droits, Arcom, etc.), à l’extérieur par les instances bruxelloises (CE, CEDH, CJUE, etc.) qui font la loi – qu’il sera extrêmement difficile de réduire efficacement l’immigration et, par conséquent, de remettre à flot les comptes publics. Tout le monde l’a compris. Sauf François Bayrou qui s’étonne que « la France [soit] devenue le pays le plus pessimiste au monde ».


[1] https://www.bvoltaire.fr/le-faible-taux-demploi-des-immigres-nous-coute-100-milliards-deuros-par-an/

[2] Pour plus de renseignements sur ce personnage, je renvoie à mon papier du 4 juin 2024, Qui est réellement Raphaël Glucksmann ? https://www.causeur.fr/qui-est-reellement-raphael-glucksmann-europeennes-rwanda-georgie-ukraine-284016

[3] À ce propos, Ursula von der Leyen vient d’annoncer « le budget de l’UE le plus ambitieux jamais proposé » pour la période 2028-2034 : 2000 millards d’euros ! Le précédent budget,  pour la période 2021-2027, était de 1200 milliards. Le gouvernement allemand juge cette hausse « inacceptable » et a décidé de ne pas soutenir « la taxation supplémentaire des entreprises proposée par la Commission ». Et la France ? Par la voix de Benjamin Haddad, son ministre chargé de l’Europe, la France reprend les propos enthousiastes de Mme von der Leyen et est prête à continuer de saigner ses concitoyens et ses entreprises pour complaire à la techno-structure bruxelloise.   

[4] Sur Cnews et dans Le Figaro, Paul Sugy a décrit avec force détails le « système Moscovici » et ce qu’il appelle la « boîte noire totale », à savoir le monde de la haute fonction publique, surtout en qui concerne « les nominations et donc, derrière, les renvois d’ascenseur et les petits copinages ». https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-cour-des-comptes-cimetiere-des-elephants-socialistes-ou-pierre-moscovici-fait-regner-la-loi-de-la-jungle-20250718

Le bourgeois de la Rue Vavin: carrément méchant, jamais content?

Alors que la polémique concernant l’ouverture prochaine d’une supérette Carrefour City était à peine naissante, nos intrépides reporters ont fait un tour chez les autres commerçants du fameux quartier. Les signataires de la pétition (qu’ils l’aient vraiment signée, comme l’écrit le magazine du Monde, ou finalement pas) militent pour la préservation du caractère historique d’une rue qui est déjà largement amochée et où la plupart des commerces sont des franchises.


C’est un petit écrin parisien, enchâssé entre le jardin du Luxembourg et la silhouette de la tour Montparnasse, à trois coups de pédale en Vélib’ du Panthéon, de l’Institut et d’Assas. Le charme du VIème arrondissement qui n’a pas échappé aux producteurs d’Emily in Paris. Au croisement des rues Bréa et Vavin, une bohème intellectuelle y a fait souche. Le quartier a son histoire : jadis lieu de cabaret, l’arrivée des comédiens, intellectuels ou universitaires l’a fait gagner en valeur et l’a rendu unique : on peut y croiser un maoïste devenu éditeur de poésie voisin d’un journaliste économique, d’un ancien haut fonctionnaire et d’une amicale Charles Péguy.

Rive gauche, à Paris, adieu mon pays…

Ici, l’immobilier frise les 20 000 euros du mètre carré. Les enfants font souvent leur scolarité à Stanislas ou Henri IV. Le charme discret de la bourgeoisie façon Éric Rohmer… qui pourrait être bientôt ternie par le bruit et l’odeur des livreurs à 6h du matin ! Il fallait oser : une supérette Carrefour City, ouverte de 6h à 22h, avec tout ce que cela implique de mendiants et de lycéens dévoreurs de PastaBox, au rez-de-chaussée d’un immeuble signé de l’architecte Henri Sauvage.


Déjà, il y a vingt-cinq ans, Alain Souchon chantait: «Les marchands malappris/Qui ailleurs ont déjà tout pris/Viennent vendre leurs habits en librairie». Aujourd’hui, c’est un magasin de jouets Oxybul qui fait les frais de ce grand remplacement commercial. Un choc, une offense pour le terroir germanopratin ! Assez pour que la bohème chic sorte les fourches et déclenche une micro-insurrection d’élégance. Lancée par Bruno Segré, ex-journaliste économique, une pétition s’opposant à la supérette a fait le tour du quartier. La liste des signataires ? Presque un casting à la Ardisson années 90 : chanteurs anarchistes ou actrices embarqués aux côtés d’académiciens et d’écrivains conservateurs… tous réunis dans une improbable convergence des luttes.

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Dans cet ancien fief janséniste, foyer des frondes parlementaires sous l’Ancien Régime, on se mobilise comme on milite : en chuchotant. Quelques-uns se défendent d’avoir signé toute pétition, à l’image de Pierre Richard, flottant en artiste au-dessus des contingences : « Je ne sais même pas ce que c’est, un Carrefour City ».

Il se dégage/ Des cartons d’emballage

« On a bien abordé le sujet une fois au magasin, oui… » nous confie la commerçante de primeurs, « mais vous aurez du mal à trouver quelqu’un pour en parler ». Dans le VIème, au beau milieu du mois de juillet, à peu près tout le monde est déjà à la Baule ou à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il ne reste que les salariés d’astreinte, ce dimanche, lesquels évidemment, n’habitent pas les lieux. « On en parlait pendant la brocante, certains voulaient afficher la pétition, dans le commerce » nous confie le primeur. « Vous aurez du mal à trouver des gens pour être franchement contre », nous confie un tavernier qui parle « de tabou ». « Ah c’est sûr que c’est sans doute moins charmant d’avoir un Carrefour City qu’un vieux magasin de jouets… » lance débonnaire le client d’un bar.

La démarche des pétitionnaires n’a pas été comprise. On peut même dire que l’effet sur l’opinion a été désastreux. Les chroniqueurs sur LCI et CNews ont épousé la vague populiste et se sont rangés du côté des rieurs qui se moquent de cette révolte en tweed. « Les clodos, c’est universel ! Je ne comprends pas bien l’origine de cette opposition », nous dit cette serveuse d’un lieu culturel à proximité. Elle-même vient du XIXème arrondissement, « haut lieu du crack ». « En même temps, les habitants du VIème sont peut-être simplement attachés à leurs commerces de proximité », nuance son collègue. Des commerces de proximité ? Rue Vavin, il y en a. Un vendeur de mocassins avec une affiche « à céder » sur la devanture, et quelques primeurs donc. Pour le reste, tout est franchisé. Les Franprix, les boulangeries, les glaciers, la lingerie, le très bourgeois magasin de prêt à porter Armor Lux et les aussi peu comestibles qu’esthétiques Subway et O Tacos… et un détail qui dit tout : un coiffeur criard décoré façon Spiderman avec vitrophanie bleu électrique et sièges en skaï ! La défaite de la permanente après la défaite de la pensée…

Plus de touristes ploucs que de membres de l’intelligentsia en ce dimanche…

Difficile de croiser des riverains dans ces rues où déambule surtout le contingent du tourisme international en sac de randonnée urbaine, avec short, débardeur et tatouages. Les ploucs sont partout ! Et les bourges saturent, eux qui voyaient ce quartier comme un refuge bohème associant les vieux propriétaires parisiens aux figures émergentes de la culture et du journalisme. Selon le maire LR Jean-Pierre Lecoq, peu soucieux de son avenir électoral dans le quartier, il est normal que ces privilégiés à qui le personnel fait les courses, goûte à la vraie vie : « Un village d’enfants gâtés qui croient que tout leur appartient (…) une grande partie des pétitionnaires ont bossé ou bossent dans la finance. Ils ont contribué à financiariser l’économie et donc tuer les commerces de proximité les moins rentables1 ». « Il y a également un Carrefour 30 m plus loin, ça n’a pas attiré de voyous ou empêché le quartier de vivre, que je sache » assure un restaurateur. On peut se demander d’ailleurs pourquoi multiplier autant de supérettes dans un si petit périmètre. Pourtant, « c’est de la pure logique économique » nous assure-t-on. Et les riverains pétitionnaires seraient un peu moins nantis que ne le pensent les roturiers que cette révolte bourgeoise indigne. « Ces gens ont moins d’argent qu’on ne le pense. Le prix de l’immobilier s’y négocie à 20 000 € ou 30 000 € le mètre et ces gens qui héritent souvent de biens mobiliers ont certes du bien mais ils ne rivalisent pas avec les fortunes internationales » assure un connaisseur du quartier. « Ils n’ont même pas 30 € à mettre dans un déjeuner » peste la cuisinière. Et si c’était le vrai souci ? ce quartier, gentrifié depuis longtemps par la bourgeoisie française, l’est aujourd’hui par l’aristocratie financière internationale. Ce sont les franchises et les investisseurs internationaux – américains, qataris, ukrainiens – qui rachètent beaucoup de murs et fonds de commerces. Et les propriétaires d’appartements ou de magasins du coin préfèrent leur vendre à eux quand on leur propose les prix les plus attractifs.

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On fait des gorges chaudes sur ces nantis du VIème adeptes du NIMBY (Not In My BackYard), comme s’il était absolument scandaleux que les riverains s’intéressent à l’évolution de leur quartier. Les médias étaient beaucoup plus indulgents avec les révoltes anti-gentrification à Londres2, hostiles à l’implantation de bars à céréales dans des quartiers jadis populaires. Les pétitionnaires ne sont certes pas les damnés de la terre. Leurs biens valent des millions, quand beaucoup d’entre eux hésiteraient à s’offrir une bouteille de pommard un samedi soir au bistrot du coin… Alors que faire ? Liquider l’appartement pour passer la retraite au vert, et vendre l’âme du quartier ? Beaucoup cèdent à la tentation, forcément. Sans pétition, ni micro, ni assemblée de copropriété, sans aucune conscience patrimoniale, les nouvelles fortunes du monde rachètent mur par mur le quartier… Le quartier a connu ses heures de gloire, mais désormais avec le Qatar, les fonds de pension immobiliers ou les géants de la distribution, le mauvais goût et les touristes en short auront le dernier mot ! Et ceux qui rêvaient encore de vivre aujourd’hui « le monde d’hier » avec un quartier à la Stefan Zweig se réveillent avec Spiderman…


  1. https://www.cnews.fr/videos/france/2025-07-20/cest-un-village-denfants-gates-qui-croient-que-tout-leur-appartient-une ↩︎
  2. https://www.franceinfo.fr/monde/europe/a-londres-un-bar-a-cereales-attaque-par-des-manifestants-anti-gentrication_1102465.html ↩︎

À en perdre la tête

À la recherche de l’esprit français


Il a quelque chose de Cyrano. Peut-être l’insolence. Peut-être le panache. Peut-être le courage. Peut-être encore cet esprit français qui répugne à se courber devant une autorité jugée illégitime. Il s’appelle Henri II de Montmorency et a vécu au début du XVIIe siècle. Gouverneur du Languedoc, il fait de Béziers sa « capitale ».

En 1632, il décide de faire tomber Louis XIII, rien que ça. Pour lui, le royaume de France vire à la tyrannie. Avec son âme damnée Richelieu, le roi soumet toutes les provinces rebelles, sans aucune pitié. La Rochelle et ses 23 000 morts affamés s’en souviennent. Qui parle encore du village de Nègrepelisse où Louis XIII fit pendre tous les hommes aux arbres de leurs jardins et violer toutes les femmes par la troupe ? Un Poutine en perruque et chemise de soie.

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Le jour J, le duc passe le Rubicon et fait arrêter le représentant du roi. Puis déclare le Languedoc indépendant. Pétrifiée, la noblesse locale l’abandonne, tout comme le frère du roi qui complotait avec lui ! Sans troupe ou presque, Montmorency se lance malgré tout dans un combat désespéré face à l’armée royale. Voyant la défaite inéluctable, il cherche la mort en chargeant sabre au clair contre les rangs ennemis. Gravement blessé, il est fait prisonnier, puis décapité. Le roi a fait un exemple en éliminant le représentant d’une des plus vieilles familles de France. Un choc qui glace l’Europe entière.

L’ordre règne. Le Midi est mis au pas. Mais la rébellion du duc coule toujours dans les veines de ces éternels rebelles qui peuplent les rives de la Méditerranée. Nous venons d’installer son buste en plein centre de Béziers. Une nouvelle provocation ? Non, un goût immodéré pour l’esprit frondeur. Pour l’esprit français ?

Pour une libéralisation du financement de la vie politique

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La démocratie française meurt d’asphyxie, car elle est étouffée par des règles dépassées, étroitement contrôlées par des juges tatillons et les experts-comptables.


La récente inéligibilité prononcée à l’encontre de plusieurs députés, dont Marine Le Pen, pour des manquements d’ordre administratif contestables, jette une lumière crue sur une dérive dangereuse de notre système démocratique. Celle d’une République de la défiance, gouvernée par un pouvoir administratif tatillon qui place la politique sous surveillance étroite, non pas au nom de l’intégrité démocratique, mais au nom d’un formalisme étouffant. Il est temps de sortir la démocratie française de ce corset bureaucratique.

Assistants parlementaires européens : ça se discute

Ces décisions d’inéligibilité ne relèvent ni de la corruption, ni d’un enrichissement personnel, ni même de véritables fraudes. Il s’agit d’erreurs ou d’interprétations discutables sur des comptes de campagne, des délais de remboursement, des factures mal libellées dans un contexte de délais très serrés et de réticence des banques à ouvrir des comptes. Dans une République saine, ce type d’incident se règle par des rappels, des amendes ou des ajustements comptables. Mais en France, cela conduit – sans appel – à la mort politique. La disproportion entre les fautes commises et leurs conséquences est flagrant, au détriment du respect dû au vote des électeurs. Le débat politique vit sous la menace d’une instrumentalisation de la réglementation par un appareil juridico-administratif partisan qui élimine les prétendants qui lui déplaisent (François Fillon, Marine Le Pen).

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À ce titre, la comparaison avec la Suisse est éclairante. Ce pays, que personne ne soupçonnera de faiblesse démocratique, n’impose aucune restriction au financement des partis ou des campagnes électorales. Tout y repose sur la transparence, non sur l’interdiction. Chaque citoyen, chaque entreprise peut soutenir un candidat ou une cause, dans le cadre du droit commun. Résultat : une vie démocratique vivante, fluide, où les idées circulent librement et où l’administration n’érige pas la complexité en obstacle à l’engagement politique.

La France, à l’inverse, impose des plafonds de dépenses dérisoires, un contrôle tatillon sur chaque centime dépensé, des interdictions absurdes de publicité dans les médias ou sur internet, et une exigence démesurée de 500 parrainages d’élus pour se présenter à la présidence de la République. Ces contraintes ne protègent pas la démocratie : elles l’étouffent. Elles en font un monopole, financé par l’Etat, pour des rentiers professionnels. Elles favorisent les grands partis installés, disposant d’un appareil capable de décrypter et manipuler ce labyrinthe réglementaire, et découragent les candidats indépendants, les mouvements émergents, les voix nouvelles. Et ce, alors que nous avons besoin de renouveau, de diversité politique et de créativité institutionnelle.

Défiance généralisée

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, il faut en finir avec la logique de la défiance, fondée sur la multiplication des interdits et des règlementations directives et intrusives. Il faut passer à une logique de confiance dans les citoyens et les candidats, où la liberté d’agir est la règle, et la contrainte l’exception. Cela suppose une réforme en profondeur fondée sur quelques principes simples :

La liberté de financement : tout citoyen ou personne morale (association, entreprise, syndicat…) devrait pouvoir soutenir financièrement une campagne, dans un cadre public clair, avec déclaration obligatoire des dons et des dépenses. La publicité, y compris audiovisuelle et surtout numérique, doit être autorisée.

Un plafond de dépenses doublé : les limites actuelles des dépenses de campagne sont trop basses pour permettre une réelle visibilité, notamment pour les personnalités nouvelles ou hors partis. Rehausser les plafonds permettrait de créer une véritable concurrence et un minimum de professionnalisme et de qualité, tout en diminuant les risques de dérapages comme ceux de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy.

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La fin du monopole public de financement des partis : le soutien public doit exister, mais ne saurait être exclusif. Il étouffe la concurrence politique et réduit la vie partisane à une gestion comptable d’instances subventionnées dépendantes de l’Etat et de sa technocratie.

Un allègement drastique des conditions de candidature à la présidentielle : l’exigence de 500 parrainages verrouille le système au profit des partis installés et prive les électeurs de nombreux choix légitimes. Elle siphonne une énergie folle qui plombe les candidats alternatifs au détriment du débat démocratique. Elle doit être remplacée par une exigence plus ouverte et représentative (par exemple un seuil de signatures citoyennes ou de catégories d’élus élargies).

Une limitation du pouvoir des autorités administratives indépendantes (CNCCFP, Conseil d’État, Conseil constitutionnel) dans l’interprétation arbitraire des règles. Il faut évidemment permettre l’exercice d’un appel devant la Justice, surtout dans le cas de l’inéligibilité. La démocratie ne doit pas dépendre d’appréciations subjectives sur une facture ou un pourcentage de dépassement.

La France ne manque pas de talents ni de volontés pour réinventer la politique. Mais elle les décourage. Elle les entrave. Elle les élimine trop souvent non pas sur le terrain des idées ou des urnes, mais sur celui du formalisme bureaucratique ou des contraintes financières. En prétendant garantir l’égalité entre les candidats par une série de restrictions, elle fabrique une inégalité de fait entre les professionnels de la politique et les autres, entre les tenants du système et ceux qui le contestent.

Il est temps de redonner à la vie démocratique française un espace de respiration et de liberté. Cela ne signifie pas l’anarchie : cela signifie que les règles doivent protéger les libertés, non les entraver.

La démocratie meurt d’asphyxie quand elle devient une affaire d’experts-comptables, de juges et de bureaucrates contrôleurs. Elle vit quand elle permet à chacun de s’exprimer, de convaincre, de proposer, de se lancer. La déréglementation du financement de la vie politique est la condition préalable d’un renouveau démocratique.

Lève-toi et tue le premier !

Stéphane Simon et Pierre Rehov ont signé il y a trois mois un essai sur la guerre secrète, alors impensable, que mène Israël depuis le 7-Octobre contre la « pieuvre » islamiste au Proche-Orient. Ils racontent pour Causeur le dernier chapitre de cette histoire: l’opération « Rising Lion ».


Le 26 juin, les spéculations autour de la mort d’Ali Khamenei – et dans un même souffle, de son fils Mojtaba – se sont répandues à une vitesse vertigineuse sur les réseaux sociaux et dans les milieux diplomatiques. Il se murmure alors que le guide suprême iranien pourrait avoir succombé à une crise cardiaque après un bombardement. Pour une grande partie de son peuple opprimé, et pour ses ennemis historiques, sa disparition ouvrirait la voie à une rupture politique sans précédent depuis la chute du shah. Las, la rumeur se dégonfle vite, avec la publication d’une vidéo où le vieux tyran apparaît essoufflé, récitant un communiqué de victoire auquel il ne doit pas croire lui-même.

Sang-froid

Cette vraie fausse « baraka » fait écho à la mort d’un autre ennemi juré d’Israël, Yahya Sinwar, le 16 octobre 2024, au premier jour de Soukkot. C’est à la fin de cette fête religieuse, un an plus tôt, que s’était déroulé le plus grand massacre de civils de toute l’histoire d’Israël, le 7 octobre 2023. Une coïncidence presque mystique, pour les Israéliens les plus portés sur la chose. Le chef du Hamas, cerveau de l’attaque, n’a pas été tué par une frappe ciblée ni par une unité d’élite, mais par une simple patrouille de jeunes soldats israéliens, à peine sortis de l’entraînement, qui a frappé une maison à Rafah, ignorant l’identité du terroriste qui s’y trouvait. Mais l’élimination de celui qui dirigeait de facto la bande de Gaza s’inscrit pleinement dans la logique israélienne de riposte, pensée dès les premières heures de l’horreur.

Car cette guerre n’est ni improvisée ni chaotique. Elle est structurée, pensée avec sang-froid, et menée avec une précision chirurgicale. Dès le 8 octobre, le commandement israélien a mis fin à la doctrine purement défensive héritée de ses premières guerres existentielles. Désormais, la doctrine de « défense offensive » est la norme du haut commandement militaire. En d’autres termes, l’État hébreu ne tolérera plus aucune force hostile à ses frontières, qu’il s’agisse d’un groupement terroriste ou d’une puissance étatique.

Ce revirement stratégique s’est traduit par une offensive conduite simultanément sur cinq fronts : Gaza, Liban, Syrie, Yémen et Iran. Alternant les bombardements massifs – comme ceux sur des entrepôts d’armement en Syrie ou les infrastructures houthistes à Sanaa et Hodeida – et les opérations clandestines destinées à décapiter l’état-major de l’« Axe de la résistance » – comme la fameuse opération « bipeurs » au Liban –, Israël a mobilisé l’ensemble de ses ressources militaires, technologiques et humaines.

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Ainsi la réduction de la redoutable armée du Hezbollah à une simple entité terroriste sans plus aucune envergure régionale a conduit à la fin du régime de Bachar Al-Assad à Damas. Et à Gaza, le Hamas a été saigné à blanc, ses tunnels détruits, sa chaîne de commandement désorganisée. Enfin, à la frontière libanaise, la dissuasion israélienne a retrouvé toute sa vigueur.

Malheureusement, à ce jour, plusieurs dizaines d’otages israéliens, parmi lesquels au moins 20 seraient encore en vie, n’ont toujours pas été libérés, malgré tous les moyens de pression de Tsahal et les tentatives de résolution par la voie diplomatique qui se sont heurtées à l’entêtement des derniers leaders du Hamas, sans aucun doute soutenus par le Qatar, fer de lance des Frères musulmans, et ce qui reste du commandement iranien.

Mais au-delà des armes, c’est l’innovation technologique et l’utilisation des espions qui ont fait la différence. Le travail des services secrets a encore été décisif dans la préparation de l’offensive sur le sol iranien de la nuit du 12 au 13 juin, car avant le survol des bombardiers F-15 israéliens, c’est le Mossad qui a permis de prendre le contrôle du ciel.

Base camouflée sur le sol iranien

Depuis 2015, Israël prépare discrètement une attaque de grande envergure face à la menace nucléaire iranienne et aux provocations répétées du régime des mollahs. Le Mossad, particulièrement bien infiltré à tous les niveaux de la société iranienne, avait localisé les centres névralgiques du programme nucléaire de Téhéran, identifié les membres-clés des Gardiens de la révolution et mis sur écoute les réseaux de communication ennemis. Encore plus incroyable, il a réalisé l’exploit d’entreposer un stock de drones au fil des ans dans la périphérie de Téhéran ! C’est à partir de cette base camouflée que se sont envolés, les 12 et 13 juin, ces engins volants furtifs pilotés à distance et capables d’anéantir les batteries anti-aériennes protégeant le territoire iranien et la capitale des avions israéliens.

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Résultat de l’attaque éclair : plusieurs bases des Pasdaran ont été touchées, notamment près d’Ispahan, de Natanz et de Parchin. Des installations souterraines liées à l’enrichissement d’uranium ont été sévèrement endommagées. Simultanément, le Mossad a fait exploser, grâce à une ligne téléphonique piégée, un QG des Gardiens de la révolution où étaient réunis pas moins de 30 hauts gradés iraniens. Plusieurs scientifiques nucléaires de haut niveau ont été éliminés, souvent à leur domicile. En vingt-quatre heures, Israël est parvenu à neutraliser une partie importante du commandement opérationnel iranien, à désorganiser sa défense antiaérienne et à paralyser plusieurs composantes de son programme nucléaire. Un choc total pour Téhéran, qui a riposté contre la population civile israélienne à grand renfort de missiles, causant 24 morts et des centaines de blessés.

Jamais Israël n’avait autant tiré parti de son avance en matière de renseignement humain ou électronique, de guerre cybernétique et d’intelligence artificielle militaire. L’État hébreu dispose de drones autonomes, d’armes à rayon laser, de satellites d’analyse comportementale et d’outils d’identification faciale en temps réel, qui permettent une efficacité sans précédent. Les hostilités se jouent dans les airs, sous terre et dans le cyberespace. Une guerre résolument du troisième millénaire alternant périodes « secrètes » et « ouvertes ».

Et si le « Nouveau Moyen-Orient », ce serpent de mer dont on nous parle depuis Shimon Peres, finissait par voir le jour à la faveur de ce terrible conflit ? Certes son accouchement promet d’être encore long. Mais il se murmure en ce début de mois de juillet qu’un arrêt des combats à Gaza est en préparation et qu’une extension des accords d’Abraham à plusieurs pays de la région, dont la Syrie, pourrait être annoncée plus vite qu’on ne le croit. Certains parlent même d’un « grand deal » entre les acteurs de la région. Si ces perspectives se concrétisaient, nous aurions la joie d’ajouter un chapitre dénué de sang et de larmes à notre ouvrage sur la lutte acharnée qu’Israël mène depuis bientôt deux ans contre ses ennemis existentiels.

7 octobre - La Riposte: Israël-Iran. La guerre secrète

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L’IA, ou la médiocrité généralisée

Notre chroniqueur a décidément un problème avec l’Intelligence Artificielle. Elle n’est selon lui qu’un ramassis d’idées médiocres, dont l’influence sur les élèves et étudiants est en train de faire dramatiquement baisser un niveau déjà au ras des pâquerettes. Peut-être a-t-il raison : après tout, Causeur est écrit par des personnes réelles, des individualités de grand talent — et en aucun cas ChatGPT ne serait capable de remplacer l’un quelconque de nos rédacteurs.


La révolution de l’IA risque paradoxalement de provoquer un affaissement du niveau intellectuel collectif. Pour paraphraser Bernard de Chartres, nous espérions être « des nains perchés sur des épaules de géants », nous risquons d’être juste des nains au pied de géants numériques. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont Laurent Alexandre, Olivier Babeau et Alexandre Tsicopoulos dans un article du Figaro, le journal mal pensant bien connu.

Demi-mesure de bon aloi

Et il ne saurait en être autrement : l’IA exploite tout ce qu’on lui a mis en mémoire, mais ne saurait en aucun cas avoir une idée originale. Au fond, elle est l’illustration caricaturale du précepte central de la sagesse grecque classique, le Μηδὲν ἄγαν, « rien de trop », recommandé par Cléobule, Pittacos, Thalès ou Aristote : « Ainsi tout homme averti fuit l’excès et le défaut (= le manque), recherche la bonne moyenne et lui donne la préférence… C’est ce qui fait qu’on dit généralement de tout ouvrage convenablement exécuté qu’on ne peut rien lui enlever, ni rien lui ajouter, toute addition et toute suppression ne pouvant que lui enlever de sa perfection et cet équilibre parfait la conservant » (Ethique de Nicomaque).

Demandez donc à ChatGPT (ou à n’importe lequel des moteurs de même nature) son avis sur le conflit Israéliens / Palestiniens, et vous aurez une opinion moyenne, visant à n’offenser ni les uns ni les autres. Ce n’est pas l’IA qui vous conseillerait de vitrifier Gaza ou d’éliminer les Juifs du fleuve à la mer…

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Dans les Sciences humaines, l’IA se cantonne dans une demi-mesure de bon aloi. Elle répertorie des faits, et ne se hasarde qu’à des conclusions déjà formulées. Et dans les sciences dures, elle est parfaitement incapable de résoudre des problèmes que l’homme (vous savez, la créature verticale à pouce opposable qui pisse et qui pète et doit dormir huit heures par nuit, inconvénients dont les machines sont dépourvues) n’a pas encore élucidés. Voyez par exemple les « problème du millénaire », proposés par l’Institut de mathématiques Clay en 2000 : un seul d’entre eux, la « Conjecture de Poincaré », a été résolu à ce jour, et par un mathématicien en chair et en os, Grigori Perelman — qui sans doute pisse et pète à loisir. Pas par un super-ordinateur.

(À noter que pour cette performance, Perelman, qui est un esprit puissamment original, a refusé la médaille Fields qu’on voulait lui attribuer, et le million de dollars promis par l’Institut Clay. Les Russes et les vrais matheux sont de drôles de gens.)

Hypothèses fécondes menacées de pénurie

Le problème, c’est qu’un nombre grandissant d’élèves et d’étudiants (et d’enseignants, osons le dire) se fient aux réponses de l’IA, sans plus développer de regard critique ni oser d’hypothèses fécondes. J’ai expliqué il y a quelques mois que l’IA ne vaut jamais plus de 12 / 20 : idées moyennes, sans prise de risque. Et le risque, c’est le « pas de côté » que doit faire la pensée pour trouver une solution originale. Le pas de côté qu’ont fait tous les grands découvreurs. Un Espagnol de la fin du XVe siècle qui aurait demandé à l’IA de lui indiquer le chemin des Amériques n’aurait rien obtenu, puisque les routes maritimes n’avaient pas encore été explorées. Un ordinateur n’a d’autres intuitions que celles mises à sa disposition. Ce n’est pas lui qui, de la chute d’une pomme, déduirait l’attraction terrestre.

Le problème, c’est que ces performances moyennes impressionnent les imbéciles que nous sommes, parce que nous sommes majoritairement très en dessous de la moyenne. Nous vivons dans un monde de médiocrité béate, où nous appelons « idées » des poncifs, lieux communs et autres banalités entendues au Café du Commerce — ou sur les rézosocios. Une IA jouerait sans problème le rôle d’une personne réelle (et même de plusieurs milliers de personnes) sur Facebook ou Instagram, plateformes parfaitement inaptes à produire une seule pensée originale.

Et sans fautes de frappe ou d’orthographe, de surcroît.

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Le problème, c’est aussi que nombre d’étudiants et de chercheurs bâtissent leurs travaux universitaires (y compris désormais leurs doctorats) sur des compilations obtenues à moindre frais sur le Net, qui leur fournit sans sourciller toutes les idées exprimées avant eux. De quoi satisfaire les jurys de thèse, dont le souci premier, lorsqu’ils lisent un nouveau travail universitaire, est de rechercher les références à leurs travaux, à ceux de leurs estimés collègues, et à vilipender celles citant leurs ennemis intimes. Mais rarement à peser (c’est le sens premier de « penser ») les hypothèses nouvelles, les audaces inattendues, les raisonnements inédits.

Le problème, c’est que, comme le soulignait sur Causeur Xavier Lebas il y a déjà deux ans, le prochain Goncourt pourrait bien être écrit par une IA — après tout, il s’agit de plaire au plus grand nombre. Vite, les œuvres complètes de Jean-Baptiste Botul !

C’est à ce titre qu’Olivier Babeau and co., dans l’article sus-cité, peuvent écrire : « Plus l’IA devient performante, plus les étudiants se privent de l’effort cognitif nécessaire à leur développement intellectuel. Terrible effet ciseau. L’omniprésence de l’IA incite à la paresse intellectuelle. Pourquoi se fatiguer à synthétiser une problématique complexe quand ChatGPT peut, en quelques secondes, livrer un texte parfait ? La magie de l’automatisation tue l’effort et la rigueur. La créativité et l’esprit critique – pourtant essentiels pour innover et développer une vision originale – risquent de se perdre. Car l’intelligence grandit grâce aux efforts répétés, aux tâtonnements et aux remises en question. Si la machine nous prémâche systématiquement le travail, nous ne musclons plus notre cerveau. »

Il est plus que temps de décréter un moratoire de l’IA, au lieu de lui confier la formation de nos sous-élites en devenir — le pédagogisme, qui est d’une médiocrité embarrassante pour l’esprit, s’en réjouit très fort, et préconise une formation des maîtres étayée par l’IA.

Si j’avais à conseiller François Bayrou des économies substantielles, je lui suggèrerais de remplacer les profs à venir par des machines, bien suffisantes pour former des con / sommateurs. C’est déjà le cas aux États-Uniss. Et à réserver les cours réels, face à des enseignants un peu plus futés que les ordinateurs, aux futures élites.

Parce que l’élite, la vraie, l’élite républicaine, ne saurait se satisfaire des données de l’IA. Un ordinateur aurait déconseillé de faire la révolution, en 1789. Il aurait déconseillé aussi d’attaquer à Valmy ou à Austerlitz. De la médiocrité informatique rien de neuf, rien de grand ne saurait surgir.

Le Tour s’est terminé à Hautacam !

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Dans les Pyrénées, Pogocar a grimpé les cols comme s’il avait un moteur sous la selle, laissant Vingegaard pédaler dans le doute… et les autres coureurs ramasser les miettes du Tour !


Bien sûr, l’antienne, selon laquelle rien n’est jamais acquis jusqu’au franchissement dimanche prochain de la ligne d’arrivée de la dernière étape sur les Champs-Elysées, n’empêche pas de penser qu’il est fort peu probable que le vainqueur de cette 112ème édition de la Grande Boucle ne soit pas Tadej Pogacar et son dauphin Jonas Vingegaard. Depuis 2000, ils se disputent sans discontinuer la « Toison d’or », la tunique la plus prestigieuse de la planète vélocipédique, avec l’Arc-en-Ciel. Elle est revenue à Pogacar trois fois (2020, 21, 24) et à Vingegaard deux (2022, 23).

Pogacar : il ne roule pas, il vole !

Sauf, donc, gros aléas tel qu’une chute contraignant à l’abandon, un coup de pompe scotchant l’un ou l’autre au bitume dans un col, ou pire être déclaré positif (très peu vraisemblable), la question qui prévaut est : quel sera l’écart final qui les séparera : de 9’18 comme l’an dernier à l’avantage du Slovène, ou 7’29 au profit du Danois l’année précédente ?

Pour plagier le titre du célèbre roman de l’écrivain italien, Carlo Levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli[1], cette année, le Tour s’est terminé à Hautacam, ne laissant au reste du peloton que les rogatons du plus grand événement sportif du monde après les J.O. et le Mondial de foot : la troisième marche du podium, les maillots blanc, vert et à pois, et les prisées victoires d’étape, surtout la dernière. Les Pyrénées ont fait en effet office d’implacable essoreuse.

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Au pied de Hautacam, une pente hors catégorie, Pogacar devançait au général Vingegaard de 1’17’’, au sommet de 3’31, après l’avoir largué dès l’entame de la montée à la suite, comme c’est sa marque, d’un fulgurant démarrage. Puis plus le nombre de kilomètres à parcourir se réduisait plus l’écart augmentait pour atteindre les 2’10’’. Ce qui a fait dire au Parisien « il ne roule pas, il vole ». Le lendemain il confortait dans le contre-la-montre, une ascension de 13,5 km avec un final à 16%, son ascendant en lui reprenant encore 36’’. Lors de la 3ème et dernière étape pyrénéenne, dans la dernière montée vers Luchon-Superbagnères, bravache, Vingegaard tentait un tout pour le tout qui a tourné à l’avantage de son rival à qui il concédait encore quatre secondes plus deux de bonification…

Au sortir des Pyrénées, Pogacar dispose d’une confortable avance de 4’13’’. Le troisième, l’Allemand Florian Lipowitz est à 7’53, ce qui exclut a priori qu’il vienne jouer les trouble-fête dans un duel déjà au demeurant consommé.

Dernier acte

Ce mardi, le Tour entame sa troisième et dernière semaine, qu’on peut qualifier de troisième et dernier acte, car le Tour tient de la tragédie classique. Et ce n’est pas parce le dénouement est connu, sauf, bien entendu et comme déjà dit plus haut, coup de théâtre, que ce troisième acte ne sera pas moins passionnant que les deux précédents.

Trois grandes étapes attendent en effet les coureurs. Ce mardi, ils se lanceront à l’assaut du Mont dit Chauve, le Ventoux, où en 1967, périt un jour de canicule, quand la bataille faisait rage, l’Anglais Tom Simpson, première victime du dopage en pleine course. Puis jeudi et vendredi, deux grandes étapes alpestres sont au menu dont une se termine au sommet du col de la Loze où Pogacar connut la plus monumentale défaillance de sa carrière en 2023 qui lui coûta la victoire finale. Un affront, a-t-il laissé entendre, qu’il compte laver. En gros, il veut donner l’estocade à Vingegaard qui ne se laissera pas faire. Il en va de son honneur !

Tandis que ce dernier semblait à la fin de chaque étape en altitude avoir souffert le martyre pour ne pas sombrer, Pogacar, lui, paraissait au contraire frais comme un gardon. Son insolente et facile domination – du moins en apparence – amène à poser la question qui a été posée au directeur du Tour, Christian Prudhomme, et qu’il a estimée légitime « vu le passé du cyclisme pas si lointain que ça. » Et si Pogacar se dopait ? La question n’épargne évidemment pas Vingegaard.

Comme à tout un chacun, la présomption d’innocence s’applique aux cyclistes, mais cette présomption ne dissipe pas un doute récurrent. Surtout qu’il y a eu le cas Lance Armstrong : bien que contrôlé plus de 500 fois dans sa carrière, il n’a jamais été déclaré positif. S’il n’avait pas avoué au terme d’une campagne de délation orchestrée par quelques-uns de ses anciens équipiers pour des questions de fric, son nom figurerait encore à sept reprises au palmarès. Aujourd’hui, « il est impossible de passer entre les mailles du filet », a récemment affirmé la vice-présidente de l’Union cycliste internationale (UCI).

Pendant le Tour, plus 600 échantillons de sang et d’urine seront prélevés et conservés pendant dix ans et périodiquement testés durant cette durée en fonction de l’évolution des techniques de dépistage. Le gagnant de l’étape et le porteur du maillot jaune sont systématiquement contrôlés à la fin de celle-ci. Ils peuvent même être réveillés en pleine nuit pour être soumis à des prélèvements. Aucun sport n’en fait autant.

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L’inhalation d’oxyde de carbone à l’issue de stages en montagne, dont l’effet dopant n’a pas été établi, vient d’être interdite par l’UCI à titre préventif. Les équipes respectives des deux premiers du Tour ont reconnu y avoir recouru tant que c’était autorisé. Cette pratique servait à constater le bienfait, ont-elles expliqué, du séjour en altitude concernant l’hémoglobine. Une étude est en cours sur l’effet stimulant des cétones, un complément alimentaire, par ailleurs naturellement produites par le foie dans certaines conditions d’effort intense. Leur fonction est de compenser une déficience en glucides des muscles. Les coureurs en consomment s’ils en ressentent le besoin à la fin d’une course et non à son départ. Elles aideraient à la récupération. Leur consommation, bien que pas recommandée, n’est pas interdite.

Le dopage trouve ses produits dans la pharmacopée[2]. On voit mal une équipe disposer d’une substance mirifique inconnue de tout le monde. L’industrie pharmaceutique n’a aucun secret. Si elle découvre la panacée, elle la fera connaître et surtout déposera le brevet de manière à engranger le plus rapidement possible les dividendes de sa découverte.

Mais, une rumeur circule, surtout sur les réseaux sociaux dont la crédibilité est très, très sujette à caution. Le dopage résiderait aujourd’hui dans un tripatouillage génétique. Ça consisterait à ajouter un gène qui accroitrait le nombre de globules rouges. Or, aujourd’hui, on sait à partir de quel taux de ces derniers, il y a intervention étrangère. Donc un éventuel gène greffé, disons, chez Pogacar paraît bien loufoque.

Concernant le très probable futur quadruple vainqueur de la Grande Boucle, le président de l’UCI, le Français David Lappartient a déclaré au Figaro, le 8 juillet : « Une domination fait par nature naître des soupçons. Mais nous n’avons aucune raison objective de douter de la performance de Pogacar. Il ne fait pas partie de ceux sur lesquels on a des alertes, parce qu’on aurait des éléments, des preuves… »      


[1] Roman autobiographique paru en 1945

[2] Étrange paradoxe de notre époque qui interdit le dopage aux sportifs alors la consommation de drogue et de médicaments explose dans toutes les classes sociales. Dans la lutte contre les stupéfiants, la question clé réside dans la demande. L’offre ne fait qu’y répondre.

Liberté, spiritualité, fraternité

À la recherche de l’esprit français


On pense bien sûr à ce que disait Marc Bloch sur le sacre de Reims et la fête de la Fédération de 1790 : quiconque n’a pas vibré à l’évocation de ces événements ne saurait goûter au doux nom de Français !

Plus foncièrement, je dirais que l’esprit français – où le vieux fonds gaulois, génialement recyclé par Rabelais, n’est jamais loin – sait combiner le trop-plein aveuglant de Versailles (et de sa galerie des Glaces) au vide silencieux, à la gravité exigeante de Port-Royal. Majesté saturée et contemplation déjà rousseauiste. Mélange des genres dira Hugo, harmonie des contraires. Mais aussi panache (blanc !) et légèreté. En ce pays où « tout finit par des chansons » (Beaumarchais), où la passion des idées voire des idéologies sait abdiquer devant le raffinement plantureux (à la fois frivole et ambitieux) des agapes et des vins, on cultive un certain sens de la pointe, aimable et poli, l’art de la conversation infiniment variée, aussi chatoyante que le climat. On aime moquer insolemment les vanités tout en se donnant l’inconséquence d’y céder soi-même. Farouchement monarchiste et fanatiquement républicain : la simplicité évangélique demeure, à travers des couches d’anticléricalisme, un cap idéal que le Français, enfant comblé, sait tenir à distance : mais saint Vincent de Paul – et sa charité active – n’est jamais loin pourtant. On rêve de solidarité, de fraternité. Et ici Molière est un maître spirituel, Chateaubriand un docteur de l’Église !

La France: un Far West sans shérifs?

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Notre chroniqueur voit dans les émeutes urbaines récentes à Limoges ou à Nîmes du droit commun qui sent le soufre de la guerre civile. Il souhaite que les personnes interpellées dans une foule menaçante puissent plus efficacement être sanctionnées.


Dans les titres qu’on choisit, on a le droit d’exagérer. À vrai dire, je me demande si mon interrogation est outrancière et provocatrice ou si elle annonce un pire dont aujourd’hui nous n’avons qu’une faible idée.

La France hors de contrôle

Ce qui s’est passé à Nîmes et tout récemment à Limoges, puis à Béziers, ne relève plus, en effet, de la délinquance ordinaire avec le sentiment rassurant que celle-ci peut être d’une certaine manière maîtrisable et que l’impuissance de l’État et des forces régaliennes n’est pas fatale.

Le maire de Limoges Émile Roger Lombertie a tout dit au sujet de la prise de possession, dans la nuit du 18 juillet, des environs de sa ville et de la RN 41 par une centaine de voyous cagoulés et armés s’en prenant à des automobilistes et à la police. Sans mobile particulier sinon montrer physiquement qu’ils étaient le pouvoir et qu’ils constituaient un groupe qui ne dépendait nullement de nos règles ordinaires et de notre si piètre démocratie. En s’abandonnant à la pure jouissance d’une malfaisance sans contrôle. L’édile y a vu en effet une manière « de vouloir simplement montrer que le territoire leur appartient[1] ».

Cette dénonciation est à peu près applicable à toutes ces violences collectives urbaines ou périphériques, à ces émeutes dont la motivation, derrière des ressorts apparents, est de manifester à quel point ces bandes sont de plus en plus conscientes de leur impunité et donc d’une arrogance agressive sans pareille.

On a totalement changé de registre. Sinon dans l’inexorable montée des délits et des crimes, du moins dans l’invention de plus en plus perverse, sadique et spontanée de modalités qui font apparaître la délinquance d’hier comme presque rationnelle et humaine. C’est du droit commun qui sent le soufre de la guerre civile.

La peur a changé de camp

Rien ne serait pire, comme la routine intellectuelle nous y entraîne, que de ne pas prendre la mesure de ce qu’il y a de terriblement nouveau dans les malfaisances qui surgissent au fil du temps.

D’abord un changement radical du rapport de force. On ne résiste plus au policier, c’est le policier qui dorénavant résiste au délinquant. Ce dernier a pris la main. Il n’attend plus d’être interpellé, il prend les devants. Le fonctionnaire de police est un ennemi auquel on tend des guet-apens, qu’on veut blesser, qu’on souhaite tuer.

Ensuite l’amplification des violences, des dégradations et des dévastations de groupes parce que l’union fait la nuisance maximale et qu’avec notre système de preuve infirme, elle protège chacun des transgresseurs derrière le caractère indivisible du collectif. Ce qui explique le peu de personnes déférées et la plupart du temps, quand elles existent, les sanctions ridicules – sursis ou travail d’intérêt général.

Enfin la quasi-abolition de la distinction entre mineurs et majeurs, les premiers participant de plus en plus activement, et de plus en plus précocement, aux violences, aux homicides, aux assassinats commandés et au narcotrafic.

Je ne suis pas de ceux qui s’abandonnent aux trop faciles « il n’y a qu’à, il faut qu’on », précisément parce qu’ayant été magistrat durant quarante ans et plus de vingt ans pour les affaires les plus graves, je sais que tout ne s’apaise pas, ne s’éradique pas, avec un claquement de doigts.

Darmanin et Retailleau face au mur

Je ne suis que trop sensible à ce paradoxe saumâtre qui nous permet d’avoir un couple régalien de qualité et accordé, dont la bonne volonté, la compétence, la philosophie et l’énergie sont irréprochables mais qui paraît ne pas avoir la moindre influence sur le cours sombre de la vie sociale, sur la multiplication, avec des originalités atroces, des crimes et des délits. Comme s’il était impossible, même pour l’action politique la plus déterminée, de pouvoir peser sur ce qui au quotidien affecte, vole, blesse ou tue nos concitoyens.

Nous pouvons considérer, pour reprendre la métaphore de mon titre, que nous avons deux shérifs ministériels qui font tout ce qu’ils peuvent. Mais avec ce handicap que le shérif suprême, le président de la République, est plus un frein qu’un aiguillon.

Par ailleurs, au risque de contredire les adeptes d’un État de droit intangible, il conviendrait, essentiellement en matière pénale, de modifier celui-ci pour que, confit dans sa solennité, il ne regarde pas passer les infractions contre lesquelles il ne peut plus grand-chose. Qui n’a pas constaté que la preuve singulière et l’individualisation des peines sont aujourd’hui le moyen le plus pervers pour entraîner les pires injustices, les laxismes les plus choquants ou même les relaxes les plus discutables ? Ne faudrait-il pas s’arrêter à un régime où les infractions seraient seulement évaluées au regard de leur gravité intrinsèque ?

Sa simplification devrait nous faire sortir, police et gendarmerie ainsi que magistrats prioritairement concernés, de la bureaucratie, de procédures et d’une justice de papier pour que soit restauré le temps utile des enquêtes, une justice des visages, le dépassement des formes accumulées comme par plaisir, afin de retrouver des voies plus rapides et plus efficaces pour découvrir la vérité.

Il ne serait pas iconoclaste non plus de fixer comme objectif principal à l’institution judiciaire de faire juger immédiatement tous les dossiers, quelle que soit leur nature, quand la cause est entendue et la vérité indiscutable. Pour les autres qui seraient à élucider, on aurait les processus classiques.

On ne peut passer sous silence le fait que le bras armé de la Justice et de la démocratie – les forces de l’ordre de plus en plus sollicitées mais de moins en moins soutenues – est placé systématiquement en état de faiblesse, et d’abord à cause d’une présomption de culpabilité pesant sur elles de la part de l’extrême gauche et de médias engagés.

La question de la légitime défense des forces de l’ordre toujours sur la table

Surtout parce que les forces de l’ordre n’ont jamais le droit, alors que de multiples situations d’intimidation, d’attaque, de provocation, de résistance et de guet-apens le justifieraient, d’user de la plénitude de ce que la loi leur offre comme pouvoir, latitude et riposte, notamment pour la légitime défense. Je n’ose imaginer les controverses qui seraient engendrées par le seul fait d’une police parfaitement républicaine mais aussi forte que la quotidienneté l’autoriserait à être.

Cette décivilisation, cet ensauvagement, ce saisissement qui nous pétrifient chaque jour, dans les campagnes et dans les cités, sont ceux qui ont défiguré notre France en un Far West où nos shérifs, quelles que soient leur conscience et leur obsession d’être utiles, sont tragiquement démunis pour défendre la majorité des honnêtes gens.

Nous sommes dans un monde où le délinquant a moins peur de commettre le mal que nous de le sanctionner. Délinquant dont la condamnation est rarement assez sévère pour lui faire oublier la volupté de la transgression d’hier et ne pas lui faire espérer celle de demain. La société est seule perdante.


[1] https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/limoges-en-pleine-nuit-une-centaine-dindividus-masques-sen-prennent-aux-forces-de-lordre-38584aae-649d-11f0-8d96-1f3c0ceaabc2

Sophia, Najat, honneur et déshonneur

Alors que certains s’étranglent de voir Sophia Aram récompensée, bien qu’elle ne suive pas la voie tracée par l’islamo-gauchisme (alors qu’elle est de gauche et a tout de même des origines maghrébines), d’autres hurlent au scandale en voyant Najat Vallaud-Belkacem rentrer à la Cour des comptes. Commentateurs et éditocrates sortent les tests PCR idéologiques.


Sophia Aram, donc, a été promue dans l’ordre de la Légion d’honneur au grade de chevalier (Merci de saluer la formulation que j’adopte afin d’échapper aux injonctions de la pitoyable dictature inclusive qui aurait exigé le féminin chevalière).

Sophia Aram, qui a plus d’une corde à son arc, est surtout connue en tant qu’humoriste. Et c’est en particulier sur les ondes du service public, à France Inter, qu’elle intervient. Selon moi, ce qui la distingue de la plupart des autres humoristes, notamment ceux qui officient sur ce même service public, c’est qu’elle, au moins, est drôle. Drôle et libre d’esprit. Notable exception dans ce petit marigot.

Mauvaise chapelle

Toujours à mon humble avis, qu’elle sache être drôle sur ces ondes-là justifiait amplement, à soi seul, qu’elle fût décorée de la Légion d’honneur. On l’eût faite d’emblée Grand Croix que je n’aurais pas vraiment trouvé à y redire, tant la performance me semble relever de l’exploit et de l’exception.

D’ailleurs, dans un article publié en 2023, Libération apportait en quelque sorte de l’eau à mon moulin, livrant de Sophia Aram un portrait des plus flatteurs, quasiment une bénédiction, un appel à canonisation. Elle donne « des coups à l’extrême droite, à l’extrême gauche, écrivait le quotidien, aux religieux, islamistes en particulier, aux gilets jaunes, aux antivaccins, à Raoult, à Bolloré et à ses affidés. » Découvrant ces lignes, on pouvait penser que la décoration était en très bonne voie. Ou en tout cas, d’ores et déjà légitimée.

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Deux ans ont passé et, aujourd’hui, l’attribution du ruban en défrise quelques-uns. Pascal Boniface, notamment, monté en première ligne, bouche amère, nez pincé. Passé maître dans l’art toujours si plaisant de la mauvaise foi, le censeur s’interroge. Ce n’est pas qu’il se permettrait de remettre en cause l’attribution en question, non, pas du tout, mais tout de même, s’émeut-il, la récipiendaire ne serait-elle pas un peu trop engagée ? Je veux dire, engagée dans la mauvaise chapelle ? Rendez-vous compte, elle ne sent pas obligée de hurler au génocide comme tout le monde-qui-pense-comme-il-faut, d’applaudir à la virée en barcasse des Thunberg et Hassan, de voir dans la moindre critique de l’islamisme une hystérique poussée d’islamophobie. Pas obligée non plus de chanter à l’unisson de sa corporation d’artistes lorsqu’elle reçoit, en 2023, le Molière de l’Humour, dénonçant « le silence assourdissant du monde de la culture » sur le carnage terroriste antisémite du 7-Octobre perpétré par le Hamas au nom de la cause palestinienne.

Là, voyez-vous, M. Boniface s’étrangle. Il trouve lui que, au contraire, on en a beaucoup parlé. Trop peut-être ? Sauf que la fringante moliérisée avait pris soin de préciser qu’elle visait le monde de la culture, le sien. Ce que bien entendu, le sourcilleux contempteur s’empresse de négliger. Or, s’il est une chose avérée, c’est bien celle-là. Bien peu de cœurs ont saigné sur les martyrs du 7-Octobre dans ce microcosme. Ou si certains ont saigné, ce fut dans la plus remarquable des discrétions.

En fait, confondant de candeur, ce que M. Boniface trouve à redire à la promotion de Sophia Haram, tient en quelques mots, d’une banale évidence, et que d’ailleurs il lâche en fin de déclaration. On ne devrait décorer que des personnes investies dans la défense des droits de l’homme. Droits de gauche et homme de gauche, bien entendu. En clair, à l’écouter, Sophia Aram présentait à peu près toutes les vertus d’engagement requises pour être honorée de la Légion d’honneur, sauf qu’elle se serait trompée de monture. Il fallait choisir la mule bien grasse du conformisme. Elle préfère caracoler sur la licorne de la liberté. Dommage pour M. Boniface.

Surprenante nomination

Par chance, l’actualité lui apporte sur un plateau matière à consolation. La surprenante, oui, la très surprenante nomination de Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des Comptes. Voilà en effet qui doit le ravir. Elle au moins se situe dans la bonne mouvance. Cela dit, on ne peut s’empêcher de penser au Figaro de Beaumarchais, à propos d’une place en vue: « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint ». En effet, on ne voit pas bien quels seraient, dans son parcours, les éléments de compétences indiscutables qui auraient prédisposé l’heureuse nommée à ce genre de poste. On n’en voit pas davantage d’ailleurs dans son bilan de ministre, par exemple.

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Mais, à l’instar de M. Bayrou, lui-même Premier ministre de rencontre, il se peut que, dans la macronie agonisante, gagnée un peu plus chaque jour par la panique, l’incompétence – ou, esprit d’indulgence oblige, la non-compétence – soit devenue le critère majeur permettant d’accéder aux plus hautes fonctions. À cet égard, on réalise mieux à présent que la tout aussi incongrue nomination de M. Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel ne faisait qu’ouvrir le bal. Le bal des copains à recaser, bien sûr. Et ça en fait, du monde…

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Mesures budgétaires: Bayrou épargne l’immigration! Pourtant…

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Saint-Denis (93), octobre 2020 Michel © Setboun/SIPA

Peu de temps après la signature par les journalistes de la charte de Marseille, qui encadre de manière plus stricte la façon dont ils sont autorisés à parler d’immigration, le Premier ministre passe sous silence les coûts colossaux liés à la submersion migratoire que connaît actuellement le pays, dans ses propositions d’économies budgétaires. Grande analyse.


En 2018, une conférence intergouvernementale coordonnée par les Nations Unies accouche du Pacte de Marrakech, un « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». Dès l’introduction dudit pacte, il est entendu que la « gouvernance » mondiale est incontournable et que les élites se doivent de consolider l’ingénierie sociale et immigrationniste mise en place depuis des années : « Par le présent Pacte mondial, nous nous engageons collectivement à améliorer la coopération en matière de migration internationale. Les migrations ont toujours fait partie de l’expérience humaine depuis les débuts de l’Histoire (on dirait du Boucheron !), et nous reconnaissons qu’à l’heure de la mondialisation, elles sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable, et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs. » Depuis 2018, ce sont près de 500 000 immigrés qui entrent chaque année en France. Les problèmes inhérents à cette submersion migratoire sont incontestables et concernent aussi bien l’insécurité culturelle que physique. L’économie, les services et les comptes publics subissent eux aussi les effets d’un trop grand nombre d’immigrés qui ne s’intègrent plus qu’à la marge et profitent d’un système social excessivement généreux.

OID contre Terra Nova : la bataille des chiffres

Dans un entretien donné à Boulevard Voltaire[1], Nicolas Pouvreau-Monti, directeur général de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), considère que « le faible taux d’emploi des immigrés nous coûte 100 milliards d’euros par an ». Le dernier rapport de l’OID sur l’impact de l’immigration en France rappelle que « les immigrés perçoivent un montant moyen annuel de prestations sociales deux fois supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire (2 380 euros contre 1 200 euros en 2019), voire près de trois fois supérieur pour les immigrés originaires d’Afrique (3 130 euros). » Par ailleurs, « 35 % des immigrés âgés de 18 à 59 ans occupaient un logement social en 2019-2020, contre 11 % sans ascendance migratoire ». Conclusion : « En France, l’immigration dégrade les comptes publics et réduit le pouvoir d’achat des natifs, ces derniers devant être davantage imposés pour compenser ce déficit contributif . » La Fondation Terra Nova et Éric Woerth méprisent ces chiffres – « l’immigration a un coût zéro », affirme ce dernier sans craindre le ridicule. Les Gueux commençant de montrer des gestes d’exaspération, l’oligarchie politico-médiatique ressert son étreinte propagandiste et s’efforce de bâillonner ses contradicteurs. Pour cela, tous les moyens sont bons.

Sous la férule du Syndicat national des journalistes (SNJ), des médias de gauche – Mediapart, L’Humanité, Politis, Reporterre, Rue89, France médias monde (médias publics comprenant RFI, France 24, InfoMigrants), entre autres – ont signé, le 29 avril dernier, une Charte de Marseille qui « souhaite répondre aux défis journalistiques liés aux migrations » et « vise à soutenir les journalistes et les professionnels des médias dans leur souhait de proposer une couverture de qualité, précise, complète et éthique des questions migratoires », apprend-on dans son préambule. En vérité, cette charte est prévue pour que la réalité soit dissimulée et que la submersion migratoire bénéficie d’un traitement de faveur dans les médias. Ainsi, après avoir appelé les professionnels à « s’interroger sur leurs propres perceptions et biais », elle « recommande aux journalistes de ne mentionner l’origine, la religion ou l’ethnie que s’ils estiment que cela est pertinent pour l’information du public ». Chacun aura compris ce que cela veut dire en termes de manipulation de l’information, en particulier quand celle-ci concerne l’insécurité grandissante corrélée à une immigration massive. Afin de se former sur les « migrations », les journalistes devront se pencher sur les « travaux scientifiques les plus récents » – il est à craindre que ce seront plutôt ceux de François Héran et d’Hervé Le Bras que ceux de Michèle Tribalat et de l’OID. Par ailleurs, les rédactions sont invitées à évaluer régulièrement les « pratiques journalistiques en vigueur » et à rectifier « les informations fausses ou erronées sur le sujet des migrations » – par conséquent, un « travail de fact-checking est recommandé » afin « d’exposer les mécanismes de la désinformation et des stéréotypes sur les migrations ». Tous les bonimenteurs médiatiques – les fact-checkers de Libération, du Monde, de l’audiovisuel public et de Conspiracy Watch – se frottent les mains : leur travail propagandiste est plébiscité par les médias progressistes de l’extrême centre, de la gauche et de l’extrême gauche, c’est-à-dire les quatre cinquièmes des médias. Ces recommandations ne sont pas sans rappeler celles du Pacte de Marrakech préconisant que « la question des migrants et des migrations soit abordée de façon plus réaliste, humaine et constructive ». La Charte de Marseille appelle par conséquent à lutter contre « la haine visant les migrants » et à « être vigilant sur les termes employés » – les professionnels des médias devront être attentifs « aux questions des migrations et à la terminologie afférente ». De la même manière qu’elle s’évertue à effacer certains termes – ceux désignant les immigrés « illégaux », « irréguliers », « clandestins » ou « sous OQTF » – la novlangue immigrationniste a imposé l’usage des mots « migrant » et « migration » pour camoufler une réalité conduisant tout bonnement, dans un grand nombre de pays européens, à un remplacement accéléré des populations par une immigration majoritairement extra-européenne.

Une chance pour l’Europe !

Autre pacte, même but : Le Pacte migration et asile échafaudé par Mme von der Leyen est aligné sur l’objectif principal des élites européennes, à savoir favoriser l’immigration en laissant croire qu’elle est maîtrisée et qu’elle est une chance pour l’Europe. L’annonce d’un « renforcement des frontières extérieures de l’UE » a fait amèrement sourire Fabrice Leggeri, ex-directeur de l’agence Frontex (2015-2022) et témoin direct de la complaisance des autorités envers les ONG et associations immigrationnistes. Ce Pacte asile et migration qui prévoit, au lieu de ralentir drastiquement les flux migratoires, de les « réguler » et de les répartir entre les États membres de l’UE selon « leurs besoins », a bien entendu été soutenu par le gouvernement français. Au Parlement européen, Raphaël Glucksmann, promoteur d’une immigration qu’il juge indispensable, n’a pas voté pour la majorité des textes composant ce pacte. Toujours plus loin, toujours plus fort : il aurait souhaité « une solidarité et une politique migratoire commune » encore plus larges, une répartition obligatoire des demandeurs d’asile entre les pays membres de l’UE, l’absence de « filtrage » aux frontières de l’Europe – et ne parlons pas des frontières nationales, une horreur absolue pour cet euro-atlantiste qui dit se sentir plus à l’aise à Berlin ou à New York qu’en Picardie. Raphaël Glucksmann[2], dont le but est de dissoudre la France dans une mosaïque de territoires européens dépendant d’un pouvoir central bruxellois lui-même aux ordres des nouvelles élites de l’empire davosien, diversitaire et immigrationniste, est actuellement chouchouté par les médias, l’audiovisuel public en tête. Normal : l’oligarchie politico-médiatique promeut un projet qui n’a de sens et d’intérêt que pour les anywhere, ces nouvelles élites mondialistes qui méprisent le peuple français, les Gueux de souche, la piétaille enracinée.

Il y a quelques jours, Aurore Bergé a annoncé son intention d’augmenter les subventions de certaines associations afin que celles-ci puissent recruter plus de personnel pour signaler auprès de l’Arcom « les propos haineux » tenus sur les plateformes internet et les réseaux sociaux. La Fédération des centres LGBTI+, Osez le féminisme, le Planning familial et, surtout, SOS Racisme et l’ADDAM (Association de défense contre les discriminations et les actes anti-musulmans), feront partie de ces indicateurs payés par le pouvoir pour traquer le moindre propos qui pourrait déplaire à la nomenklatura woke, progressiste et immigrationniste. En limitant la liberté d’expression grâce à de nébuleuses notions comme « les contenus haineux », l’opportuniste Aurore Bergé applique à la lettre les instructions du DSA, cet organe de surveillance des services numériques en Europe concocté par le fossoyeur d’entreprises françaises, l’ex-mamamouchi de la Commission européenne, le factotum de Mme von der Leyen, j’ai nommé Thierry Breton. La France, au bord de la faillite, est en train de s’effondrer sous le poids d’une immigration qui lui coûte au bas mot cent milliards d’euros par an. Pendant ce temps, Mme Bergé distribue l’argent des contribuables à des associations progressistes et immigrationnistes réunies en coopérative de délateurs. Quant à l’ancien Haut-commissaire au Plan n’ayant jamais su planifier autre chose que sa carrière… 

Des sources d’économies négligées

… 43,8 milliards d’euros. Ce sont les économies que le Premier ministre compte faire faire à l’État français. Pour obtenir ce résultat, aucune mesure annoncée ne concerne l’immigration. En revanche, les retraités les plus « aisés » – ceux qui touchent au-dessus de… 20 000 euros par an ! – vont se faire gruger deux fois : la première avec le gel du montant de leurs pensions, la deuxième avec la suppression de l’abattement fiscal de 10 %. Ouvrons une parenthèse pour signaler les sujets que François Bayrou n’a pas abordés et qui auraient pourtant pu constituer des sources d’économies autrement plus conséquentes que la chasse aux prescriptions d’antibiotiques et la suppression de deux jours fériés. Dans le cadre de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie), l’État a annoncé des dépenses stratosphériques pour développer les énergies dites renouvelables : plus de trente milliards d’euros par an, pendant dix ans. Pour payer la note, le prix de l’électricité va continuer de grimper et d’étrangler les ménages, les artisans, les entreprises. Ce programme nuisible, imposé par l’UE, ne sert qu’à enrichir, d’une manière ou d’une autre, une petite caste d’activistes écologistes, de technocrates bruxellois et d’entreprises allemandes, danoises, espagnoles et chinoises faisant commerce d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, les administrations publiques (État + collectivités territoriales) versent chaque année 16 milliards d’euros de subventions aux associations, y compris celles qui œuvrent à la destruction de la France par tous les moyens possibles – une bonne partie de ce pactole serait assurément plus utile au bon fonctionnement de nos hôpitaux publics ou de notre parc nucléaire, par exemple. L’audiovisuel public, lui, nous coûte 4 milliards par an au bas mot, Mme Ernotte ayant explosé le budget de la télé publique en 2024. Une partie de cet argent sert à payer grassement la directrice de France TV, certaines vedettes journalistiques et des sociétés privées comme Mediawan, société co-fondée par Xavier Niel et l’actionnaire principal du groupe Le Monde (Le Monde, Le Nouvel Obs, Télérama, etc.), le très bien-pensant Matthieu Pigasse – Mediawan produit entre autres les émissions de propagande “C à vous”, “C dans l’air”, “C ce soir”. D’autre part, aux 25 milliards que la France verse déjà dans les caisses de l’UE chaque année, il était prévu d’ajouter 7 milliards à partir de 2026 – dans sa grande sagesse, en ces temps difficiles, le gouvernement français prévoit de n’en ajouter que… 5,7[3] !. Enfin, et pour revenir à notre sujet initial, les coûts faramineux et les effets destructeurs et bientôt irréversibles de l’immigration ne semblent pas devoir faire bouger d’un iota les autorités. Au contraire : depuis 2017, année de l’élection du plus catastrophique de nos présidents de la République, il n’y a jamais eu autant de délivrances de cartes de séjour et le nombre de demandeurs d’asile a explosé, alimentant de facto l’immigration illégale. Comme si cela ne suffisait pas, la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), après avoir jugé en 2024 que toutes les femmes afghanes le désirant pouvaient obtenir le statut de réfugié dans l’Hexagone, vient d’accorder aux Gazaouis le droit de prétendre à ce même statut. “Statut de réfugié” veut dire : obtention sans délai d’une carte de séjour valable 10 ans, inscription directe à la CAF (permettant de toucher le RSA, les allocations familiales, etc.), accès gratuit aux soins via la CMU, gratuité des transports, hébergement social et, bien entendu, rapprochement familial des conjoints et enfants mineurs restés dans le pays d’origine. Tandis que les Français sont appelés à se serrer encore un peu plus la ceinture, les cordons de la bourse publique pour l’immigration n’ont jamais été aussi élastiques. Il devient impossible de chiffrer autrement qu’en dizaines de milliards les dépenses inhérentes à une immigration que personne, au sein des élites, ne souhaite ralentir. La nomination, sur proposition du Premier ministre, de l’archi-immigrationniste Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des comptes, confirme deux choses : la première est que les socialistes restent les rois du grenouillage[4] ; la deuxième est que, quoi qu’il arrive lors de prochaines élections présidentielles ou législatives, le système est si bien verrouillé – à l’intérieur par les juridictions et les autorités administratives ou publiques dites indépendantes (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour des comptes, Défenseur des droits, Arcom, etc.), à l’extérieur par les instances bruxelloises (CE, CEDH, CJUE, etc.) qui font la loi – qu’il sera extrêmement difficile de réduire efficacement l’immigration et, par conséquent, de remettre à flot les comptes publics. Tout le monde l’a compris. Sauf François Bayrou qui s’étonne que « la France [soit] devenue le pays le plus pessimiste au monde ».


[1] https://www.bvoltaire.fr/le-faible-taux-demploi-des-immigres-nous-coute-100-milliards-deuros-par-an/

[2] Pour plus de renseignements sur ce personnage, je renvoie à mon papier du 4 juin 2024, Qui est réellement Raphaël Glucksmann ? https://www.causeur.fr/qui-est-reellement-raphael-glucksmann-europeennes-rwanda-georgie-ukraine-284016

[3] À ce propos, Ursula von der Leyen vient d’annoncer « le budget de l’UE le plus ambitieux jamais proposé » pour la période 2028-2034 : 2000 millards d’euros ! Le précédent budget,  pour la période 2021-2027, était de 1200 milliards. Le gouvernement allemand juge cette hausse « inacceptable » et a décidé de ne pas soutenir « la taxation supplémentaire des entreprises proposée par la Commission ». Et la France ? Par la voix de Benjamin Haddad, son ministre chargé de l’Europe, la France reprend les propos enthousiastes de Mme von der Leyen et est prête à continuer de saigner ses concitoyens et ses entreprises pour complaire à la techno-structure bruxelloise.   

[4] Sur Cnews et dans Le Figaro, Paul Sugy a décrit avec force détails le « système Moscovici » et ce qu’il appelle la « boîte noire totale », à savoir le monde de la haute fonction publique, surtout en qui concerne « les nominations et donc, derrière, les renvois d’ascenseur et les petits copinages ». https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-cour-des-comptes-cimetiere-des-elephants-socialistes-ou-pierre-moscovici-fait-regner-la-loi-de-la-jungle-20250718

Le bourgeois de la Rue Vavin: carrément méchant, jamais content?

Dans le chic 6e arrondissement, c'est le drame, un sympathique magasin de jouets Oxybul va être remplacé par un supermarché © L. Rabouille

Alors que la polémique concernant l’ouverture prochaine d’une supérette Carrefour City était à peine naissante, nos intrépides reporters ont fait un tour chez les autres commerçants du fameux quartier. Les signataires de la pétition (qu’ils l’aient vraiment signée, comme l’écrit le magazine du Monde, ou finalement pas) militent pour la préservation du caractère historique d’une rue qui est déjà largement amochée et où la plupart des commerces sont des franchises.


C’est un petit écrin parisien, enchâssé entre le jardin du Luxembourg et la silhouette de la tour Montparnasse, à trois coups de pédale en Vélib’ du Panthéon, de l’Institut et d’Assas. Le charme du VIème arrondissement qui n’a pas échappé aux producteurs d’Emily in Paris. Au croisement des rues Bréa et Vavin, une bohème intellectuelle y a fait souche. Le quartier a son histoire : jadis lieu de cabaret, l’arrivée des comédiens, intellectuels ou universitaires l’a fait gagner en valeur et l’a rendu unique : on peut y croiser un maoïste devenu éditeur de poésie voisin d’un journaliste économique, d’un ancien haut fonctionnaire et d’une amicale Charles Péguy.

Rive gauche, à Paris, adieu mon pays…

Ici, l’immobilier frise les 20 000 euros du mètre carré. Les enfants font souvent leur scolarité à Stanislas ou Henri IV. Le charme discret de la bourgeoisie façon Éric Rohmer… qui pourrait être bientôt ternie par le bruit et l’odeur des livreurs à 6h du matin ! Il fallait oser : une supérette Carrefour City, ouverte de 6h à 22h, avec tout ce que cela implique de mendiants et de lycéens dévoreurs de PastaBox, au rez-de-chaussée d’un immeuble signé de l’architecte Henri Sauvage.


Déjà, il y a vingt-cinq ans, Alain Souchon chantait: «Les marchands malappris/Qui ailleurs ont déjà tout pris/Viennent vendre leurs habits en librairie». Aujourd’hui, c’est un magasin de jouets Oxybul qui fait les frais de ce grand remplacement commercial. Un choc, une offense pour le terroir germanopratin ! Assez pour que la bohème chic sorte les fourches et déclenche une micro-insurrection d’élégance. Lancée par Bruno Segré, ex-journaliste économique, une pétition s’opposant à la supérette a fait le tour du quartier. La liste des signataires ? Presque un casting à la Ardisson années 90 : chanteurs anarchistes ou actrices embarqués aux côtés d’académiciens et d’écrivains conservateurs… tous réunis dans une improbable convergence des luttes.

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Dans cet ancien fief janséniste, foyer des frondes parlementaires sous l’Ancien Régime, on se mobilise comme on milite : en chuchotant. Quelques-uns se défendent d’avoir signé toute pétition, à l’image de Pierre Richard, flottant en artiste au-dessus des contingences : « Je ne sais même pas ce que c’est, un Carrefour City ».

Il se dégage/ Des cartons d’emballage

« On a bien abordé le sujet une fois au magasin, oui… » nous confie la commerçante de primeurs, « mais vous aurez du mal à trouver quelqu’un pour en parler ». Dans le VIème, au beau milieu du mois de juillet, à peu près tout le monde est déjà à la Baule ou à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il ne reste que les salariés d’astreinte, ce dimanche, lesquels évidemment, n’habitent pas les lieux. « On en parlait pendant la brocante, certains voulaient afficher la pétition, dans le commerce » nous confie le primeur. « Vous aurez du mal à trouver des gens pour être franchement contre », nous confie un tavernier qui parle « de tabou ». « Ah c’est sûr que c’est sans doute moins charmant d’avoir un Carrefour City qu’un vieux magasin de jouets… » lance débonnaire le client d’un bar.

La démarche des pétitionnaires n’a pas été comprise. On peut même dire que l’effet sur l’opinion a été désastreux. Les chroniqueurs sur LCI et CNews ont épousé la vague populiste et se sont rangés du côté des rieurs qui se moquent de cette révolte en tweed. « Les clodos, c’est universel ! Je ne comprends pas bien l’origine de cette opposition », nous dit cette serveuse d’un lieu culturel à proximité. Elle-même vient du XIXème arrondissement, « haut lieu du crack ». « En même temps, les habitants du VIème sont peut-être simplement attachés à leurs commerces de proximité », nuance son collègue. Des commerces de proximité ? Rue Vavin, il y en a. Un vendeur de mocassins avec une affiche « à céder » sur la devanture, et quelques primeurs donc. Pour le reste, tout est franchisé. Les Franprix, les boulangeries, les glaciers, la lingerie, le très bourgeois magasin de prêt à porter Armor Lux et les aussi peu comestibles qu’esthétiques Subway et O Tacos… et un détail qui dit tout : un coiffeur criard décoré façon Spiderman avec vitrophanie bleu électrique et sièges en skaï ! La défaite de la permanente après la défaite de la pensée…

Plus de touristes ploucs que de membres de l’intelligentsia en ce dimanche…

Difficile de croiser des riverains dans ces rues où déambule surtout le contingent du tourisme international en sac de randonnée urbaine, avec short, débardeur et tatouages. Les ploucs sont partout ! Et les bourges saturent, eux qui voyaient ce quartier comme un refuge bohème associant les vieux propriétaires parisiens aux figures émergentes de la culture et du journalisme. Selon le maire LR Jean-Pierre Lecoq, peu soucieux de son avenir électoral dans le quartier, il est normal que ces privilégiés à qui le personnel fait les courses, goûte à la vraie vie : « Un village d’enfants gâtés qui croient que tout leur appartient (…) une grande partie des pétitionnaires ont bossé ou bossent dans la finance. Ils ont contribué à financiariser l’économie et donc tuer les commerces de proximité les moins rentables1 ». « Il y a également un Carrefour 30 m plus loin, ça n’a pas attiré de voyous ou empêché le quartier de vivre, que je sache » assure un restaurateur. On peut se demander d’ailleurs pourquoi multiplier autant de supérettes dans un si petit périmètre. Pourtant, « c’est de la pure logique économique » nous assure-t-on. Et les riverains pétitionnaires seraient un peu moins nantis que ne le pensent les roturiers que cette révolte bourgeoise indigne. « Ces gens ont moins d’argent qu’on ne le pense. Le prix de l’immobilier s’y négocie à 20 000 € ou 30 000 € le mètre et ces gens qui héritent souvent de biens mobiliers ont certes du bien mais ils ne rivalisent pas avec les fortunes internationales » assure un connaisseur du quartier. « Ils n’ont même pas 30 € à mettre dans un déjeuner » peste la cuisinière. Et si c’était le vrai souci ? ce quartier, gentrifié depuis longtemps par la bourgeoisie française, l’est aujourd’hui par l’aristocratie financière internationale. Ce sont les franchises et les investisseurs internationaux – américains, qataris, ukrainiens – qui rachètent beaucoup de murs et fonds de commerces. Et les propriétaires d’appartements ou de magasins du coin préfèrent leur vendre à eux quand on leur propose les prix les plus attractifs.

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On fait des gorges chaudes sur ces nantis du VIème adeptes du NIMBY (Not In My BackYard), comme s’il était absolument scandaleux que les riverains s’intéressent à l’évolution de leur quartier. Les médias étaient beaucoup plus indulgents avec les révoltes anti-gentrification à Londres2, hostiles à l’implantation de bars à céréales dans des quartiers jadis populaires. Les pétitionnaires ne sont certes pas les damnés de la terre. Leurs biens valent des millions, quand beaucoup d’entre eux hésiteraient à s’offrir une bouteille de pommard un samedi soir au bistrot du coin… Alors que faire ? Liquider l’appartement pour passer la retraite au vert, et vendre l’âme du quartier ? Beaucoup cèdent à la tentation, forcément. Sans pétition, ni micro, ni assemblée de copropriété, sans aucune conscience patrimoniale, les nouvelles fortunes du monde rachètent mur par mur le quartier… Le quartier a connu ses heures de gloire, mais désormais avec le Qatar, les fonds de pension immobiliers ou les géants de la distribution, le mauvais goût et les touristes en short auront le dernier mot ! Et ceux qui rêvaient encore de vivre aujourd’hui « le monde d’hier » avec un quartier à la Stefan Zweig se réveillent avec Spiderman…


  1. https://www.cnews.fr/videos/france/2025-07-20/cest-un-village-denfants-gates-qui-croient-que-tout-leur-appartient-une ↩︎
  2. https://www.franceinfo.fr/monde/europe/a-londres-un-bar-a-cereales-attaque-par-des-manifestants-anti-gentrication_1102465.html ↩︎

À en perdre la tête

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© Hannah Assouline / Causeur

À la recherche de l’esprit français


Il a quelque chose de Cyrano. Peut-être l’insolence. Peut-être le panache. Peut-être le courage. Peut-être encore cet esprit français qui répugne à se courber devant une autorité jugée illégitime. Il s’appelle Henri II de Montmorency et a vécu au début du XVIIe siècle. Gouverneur du Languedoc, il fait de Béziers sa « capitale ».

En 1632, il décide de faire tomber Louis XIII, rien que ça. Pour lui, le royaume de France vire à la tyrannie. Avec son âme damnée Richelieu, le roi soumet toutes les provinces rebelles, sans aucune pitié. La Rochelle et ses 23 000 morts affamés s’en souviennent. Qui parle encore du village de Nègrepelisse où Louis XIII fit pendre tous les hommes aux arbres de leurs jardins et violer toutes les femmes par la troupe ? Un Poutine en perruque et chemise de soie.

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Le jour J, le duc passe le Rubicon et fait arrêter le représentant du roi. Puis déclare le Languedoc indépendant. Pétrifiée, la noblesse locale l’abandonne, tout comme le frère du roi qui complotait avec lui ! Sans troupe ou presque, Montmorency se lance malgré tout dans un combat désespéré face à l’armée royale. Voyant la défaite inéluctable, il cherche la mort en chargeant sabre au clair contre les rangs ennemis. Gravement blessé, il est fait prisonnier, puis décapité. Le roi a fait un exemple en éliminant le représentant d’une des plus vieilles familles de France. Un choc qui glace l’Europe entière.

L’ordre règne. Le Midi est mis au pas. Mais la rébellion du duc coule toujours dans les veines de ces éternels rebelles qui peuplent les rives de la Méditerranée. Nous venons d’installer son buste en plein centre de Béziers. Une nouvelle provocation ? Non, un goût immodéré pour l’esprit frondeur. Pour l’esprit français ?

Pour une libéralisation du financement de la vie politique

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Jugement de Marine Le Pen et de 26 membres du RN dans l'affaire des assistants d'eurodeputés, Paris, 31 mars 2025 © CYRIL PECQUENARD/SIPA

La démocratie française meurt d’asphyxie, car elle est étouffée par des règles dépassées, étroitement contrôlées par des juges tatillons et les experts-comptables.


La récente inéligibilité prononcée à l’encontre de plusieurs députés, dont Marine Le Pen, pour des manquements d’ordre administratif contestables, jette une lumière crue sur une dérive dangereuse de notre système démocratique. Celle d’une République de la défiance, gouvernée par un pouvoir administratif tatillon qui place la politique sous surveillance étroite, non pas au nom de l’intégrité démocratique, mais au nom d’un formalisme étouffant. Il est temps de sortir la démocratie française de ce corset bureaucratique.

Assistants parlementaires européens : ça se discute

Ces décisions d’inéligibilité ne relèvent ni de la corruption, ni d’un enrichissement personnel, ni même de véritables fraudes. Il s’agit d’erreurs ou d’interprétations discutables sur des comptes de campagne, des délais de remboursement, des factures mal libellées dans un contexte de délais très serrés et de réticence des banques à ouvrir des comptes. Dans une République saine, ce type d’incident se règle par des rappels, des amendes ou des ajustements comptables. Mais en France, cela conduit – sans appel – à la mort politique. La disproportion entre les fautes commises et leurs conséquences est flagrant, au détriment du respect dû au vote des électeurs. Le débat politique vit sous la menace d’une instrumentalisation de la réglementation par un appareil juridico-administratif partisan qui élimine les prétendants qui lui déplaisent (François Fillon, Marine Le Pen).

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À ce titre, la comparaison avec la Suisse est éclairante. Ce pays, que personne ne soupçonnera de faiblesse démocratique, n’impose aucune restriction au financement des partis ou des campagnes électorales. Tout y repose sur la transparence, non sur l’interdiction. Chaque citoyen, chaque entreprise peut soutenir un candidat ou une cause, dans le cadre du droit commun. Résultat : une vie démocratique vivante, fluide, où les idées circulent librement et où l’administration n’érige pas la complexité en obstacle à l’engagement politique.

La France, à l’inverse, impose des plafonds de dépenses dérisoires, un contrôle tatillon sur chaque centime dépensé, des interdictions absurdes de publicité dans les médias ou sur internet, et une exigence démesurée de 500 parrainages d’élus pour se présenter à la présidence de la République. Ces contraintes ne protègent pas la démocratie : elles l’étouffent. Elles en font un monopole, financé par l’Etat, pour des rentiers professionnels. Elles favorisent les grands partis installés, disposant d’un appareil capable de décrypter et manipuler ce labyrinthe réglementaire, et découragent les candidats indépendants, les mouvements émergents, les voix nouvelles. Et ce, alors que nous avons besoin de renouveau, de diversité politique et de créativité institutionnelle.

Défiance généralisée

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, il faut en finir avec la logique de la défiance, fondée sur la multiplication des interdits et des règlementations directives et intrusives. Il faut passer à une logique de confiance dans les citoyens et les candidats, où la liberté d’agir est la règle, et la contrainte l’exception. Cela suppose une réforme en profondeur fondée sur quelques principes simples :

La liberté de financement : tout citoyen ou personne morale (association, entreprise, syndicat…) devrait pouvoir soutenir financièrement une campagne, dans un cadre public clair, avec déclaration obligatoire des dons et des dépenses. La publicité, y compris audiovisuelle et surtout numérique, doit être autorisée.

Un plafond de dépenses doublé : les limites actuelles des dépenses de campagne sont trop basses pour permettre une réelle visibilité, notamment pour les personnalités nouvelles ou hors partis. Rehausser les plafonds permettrait de créer une véritable concurrence et un minimum de professionnalisme et de qualité, tout en diminuant les risques de dérapages comme ceux de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy.

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La fin du monopole public de financement des partis : le soutien public doit exister, mais ne saurait être exclusif. Il étouffe la concurrence politique et réduit la vie partisane à une gestion comptable d’instances subventionnées dépendantes de l’Etat et de sa technocratie.

Un allègement drastique des conditions de candidature à la présidentielle : l’exigence de 500 parrainages verrouille le système au profit des partis installés et prive les électeurs de nombreux choix légitimes. Elle siphonne une énergie folle qui plombe les candidats alternatifs au détriment du débat démocratique. Elle doit être remplacée par une exigence plus ouverte et représentative (par exemple un seuil de signatures citoyennes ou de catégories d’élus élargies).

Une limitation du pouvoir des autorités administratives indépendantes (CNCCFP, Conseil d’État, Conseil constitutionnel) dans l’interprétation arbitraire des règles. Il faut évidemment permettre l’exercice d’un appel devant la Justice, surtout dans le cas de l’inéligibilité. La démocratie ne doit pas dépendre d’appréciations subjectives sur une facture ou un pourcentage de dépassement.

La France ne manque pas de talents ni de volontés pour réinventer la politique. Mais elle les décourage. Elle les entrave. Elle les élimine trop souvent non pas sur le terrain des idées ou des urnes, mais sur celui du formalisme bureaucratique ou des contraintes financières. En prétendant garantir l’égalité entre les candidats par une série de restrictions, elle fabrique une inégalité de fait entre les professionnels de la politique et les autres, entre les tenants du système et ceux qui le contestent.

Il est temps de redonner à la vie démocratique française un espace de respiration et de liberté. Cela ne signifie pas l’anarchie : cela signifie que les règles doivent protéger les libertés, non les entraver.

La démocratie meurt d’asphyxie quand elle devient une affaire d’experts-comptables, de juges et de bureaucrates contrôleurs. Elle vit quand elle permet à chacun de s’exprimer, de convaincre, de proposer, de se lancer. La déréglementation du financement de la vie politique est la condition préalable d’un renouveau démocratique.

Lève-toi et tue le premier !

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Les chasseurs F-15I de l’armée israélienne engagés pour l’opération « Rising Lion », 25 juin 2025 © Israel Defense Forces/SIPA

Stéphane Simon et Pierre Rehov ont signé il y a trois mois un essai sur la guerre secrète, alors impensable, que mène Israël depuis le 7-Octobre contre la « pieuvre » islamiste au Proche-Orient. Ils racontent pour Causeur le dernier chapitre de cette histoire: l’opération « Rising Lion ».


Le 26 juin, les spéculations autour de la mort d’Ali Khamenei – et dans un même souffle, de son fils Mojtaba – se sont répandues à une vitesse vertigineuse sur les réseaux sociaux et dans les milieux diplomatiques. Il se murmure alors que le guide suprême iranien pourrait avoir succombé à une crise cardiaque après un bombardement. Pour une grande partie de son peuple opprimé, et pour ses ennemis historiques, sa disparition ouvrirait la voie à une rupture politique sans précédent depuis la chute du shah. Las, la rumeur se dégonfle vite, avec la publication d’une vidéo où le vieux tyran apparaît essoufflé, récitant un communiqué de victoire auquel il ne doit pas croire lui-même.

Sang-froid

Cette vraie fausse « baraka » fait écho à la mort d’un autre ennemi juré d’Israël, Yahya Sinwar, le 16 octobre 2024, au premier jour de Soukkot. C’est à la fin de cette fête religieuse, un an plus tôt, que s’était déroulé le plus grand massacre de civils de toute l’histoire d’Israël, le 7 octobre 2023. Une coïncidence presque mystique, pour les Israéliens les plus portés sur la chose. Le chef du Hamas, cerveau de l’attaque, n’a pas été tué par une frappe ciblée ni par une unité d’élite, mais par une simple patrouille de jeunes soldats israéliens, à peine sortis de l’entraînement, qui a frappé une maison à Rafah, ignorant l’identité du terroriste qui s’y trouvait. Mais l’élimination de celui qui dirigeait de facto la bande de Gaza s’inscrit pleinement dans la logique israélienne de riposte, pensée dès les premières heures de l’horreur.

Car cette guerre n’est ni improvisée ni chaotique. Elle est structurée, pensée avec sang-froid, et menée avec une précision chirurgicale. Dès le 8 octobre, le commandement israélien a mis fin à la doctrine purement défensive héritée de ses premières guerres existentielles. Désormais, la doctrine de « défense offensive » est la norme du haut commandement militaire. En d’autres termes, l’État hébreu ne tolérera plus aucune force hostile à ses frontières, qu’il s’agisse d’un groupement terroriste ou d’une puissance étatique.

Ce revirement stratégique s’est traduit par une offensive conduite simultanément sur cinq fronts : Gaza, Liban, Syrie, Yémen et Iran. Alternant les bombardements massifs – comme ceux sur des entrepôts d’armement en Syrie ou les infrastructures houthistes à Sanaa et Hodeida – et les opérations clandestines destinées à décapiter l’état-major de l’« Axe de la résistance » – comme la fameuse opération « bipeurs » au Liban –, Israël a mobilisé l’ensemble de ses ressources militaires, technologiques et humaines.

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Ainsi la réduction de la redoutable armée du Hezbollah à une simple entité terroriste sans plus aucune envergure régionale a conduit à la fin du régime de Bachar Al-Assad à Damas. Et à Gaza, le Hamas a été saigné à blanc, ses tunnels détruits, sa chaîne de commandement désorganisée. Enfin, à la frontière libanaise, la dissuasion israélienne a retrouvé toute sa vigueur.

Malheureusement, à ce jour, plusieurs dizaines d’otages israéliens, parmi lesquels au moins 20 seraient encore en vie, n’ont toujours pas été libérés, malgré tous les moyens de pression de Tsahal et les tentatives de résolution par la voie diplomatique qui se sont heurtées à l’entêtement des derniers leaders du Hamas, sans aucun doute soutenus par le Qatar, fer de lance des Frères musulmans, et ce qui reste du commandement iranien.

Mais au-delà des armes, c’est l’innovation technologique et l’utilisation des espions qui ont fait la différence. Le travail des services secrets a encore été décisif dans la préparation de l’offensive sur le sol iranien de la nuit du 12 au 13 juin, car avant le survol des bombardiers F-15 israéliens, c’est le Mossad qui a permis de prendre le contrôle du ciel.

Base camouflée sur le sol iranien

Depuis 2015, Israël prépare discrètement une attaque de grande envergure face à la menace nucléaire iranienne et aux provocations répétées du régime des mollahs. Le Mossad, particulièrement bien infiltré à tous les niveaux de la société iranienne, avait localisé les centres névralgiques du programme nucléaire de Téhéran, identifié les membres-clés des Gardiens de la révolution et mis sur écoute les réseaux de communication ennemis. Encore plus incroyable, il a réalisé l’exploit d’entreposer un stock de drones au fil des ans dans la périphérie de Téhéran ! C’est à partir de cette base camouflée que se sont envolés, les 12 et 13 juin, ces engins volants furtifs pilotés à distance et capables d’anéantir les batteries anti-aériennes protégeant le territoire iranien et la capitale des avions israéliens.

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Résultat de l’attaque éclair : plusieurs bases des Pasdaran ont été touchées, notamment près d’Ispahan, de Natanz et de Parchin. Des installations souterraines liées à l’enrichissement d’uranium ont été sévèrement endommagées. Simultanément, le Mossad a fait exploser, grâce à une ligne téléphonique piégée, un QG des Gardiens de la révolution où étaient réunis pas moins de 30 hauts gradés iraniens. Plusieurs scientifiques nucléaires de haut niveau ont été éliminés, souvent à leur domicile. En vingt-quatre heures, Israël est parvenu à neutraliser une partie importante du commandement opérationnel iranien, à désorganiser sa défense antiaérienne et à paralyser plusieurs composantes de son programme nucléaire. Un choc total pour Téhéran, qui a riposté contre la population civile israélienne à grand renfort de missiles, causant 24 morts et des centaines de blessés.

Jamais Israël n’avait autant tiré parti de son avance en matière de renseignement humain ou électronique, de guerre cybernétique et d’intelligence artificielle militaire. L’État hébreu dispose de drones autonomes, d’armes à rayon laser, de satellites d’analyse comportementale et d’outils d’identification faciale en temps réel, qui permettent une efficacité sans précédent. Les hostilités se jouent dans les airs, sous terre et dans le cyberespace. Une guerre résolument du troisième millénaire alternant périodes « secrètes » et « ouvertes ».

Et si le « Nouveau Moyen-Orient », ce serpent de mer dont on nous parle depuis Shimon Peres, finissait par voir le jour à la faveur de ce terrible conflit ? Certes son accouchement promet d’être encore long. Mais il se murmure en ce début de mois de juillet qu’un arrêt des combats à Gaza est en préparation et qu’une extension des accords d’Abraham à plusieurs pays de la région, dont la Syrie, pourrait être annoncée plus vite qu’on ne le croit. Certains parlent même d’un « grand deal » entre les acteurs de la région. Si ces perspectives se concrétisaient, nous aurions la joie d’ajouter un chapitre dénué de sang et de larmes à notre ouvrage sur la lutte acharnée qu’Israël mène depuis bientôt deux ans contre ses ennemis existentiels.

7 octobre - La Riposte: Israël-Iran. La guerre secrète

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L’IA, ou la médiocrité généralisée

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Le président Macron et la Secrétaire d'État Clara Chappaz visitent le salon Vivatech à Paris, 11 juin 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

Notre chroniqueur a décidément un problème avec l’Intelligence Artificielle. Elle n’est selon lui qu’un ramassis d’idées médiocres, dont l’influence sur les élèves et étudiants est en train de faire dramatiquement baisser un niveau déjà au ras des pâquerettes. Peut-être a-t-il raison : après tout, Causeur est écrit par des personnes réelles, des individualités de grand talent — et en aucun cas ChatGPT ne serait capable de remplacer l’un quelconque de nos rédacteurs.


La révolution de l’IA risque paradoxalement de provoquer un affaissement du niveau intellectuel collectif. Pour paraphraser Bernard de Chartres, nous espérions être « des nains perchés sur des épaules de géants », nous risquons d’être juste des nains au pied de géants numériques. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont Laurent Alexandre, Olivier Babeau et Alexandre Tsicopoulos dans un article du Figaro, le journal mal pensant bien connu.

Demi-mesure de bon aloi

Et il ne saurait en être autrement : l’IA exploite tout ce qu’on lui a mis en mémoire, mais ne saurait en aucun cas avoir une idée originale. Au fond, elle est l’illustration caricaturale du précepte central de la sagesse grecque classique, le Μηδὲν ἄγαν, « rien de trop », recommandé par Cléobule, Pittacos, Thalès ou Aristote : « Ainsi tout homme averti fuit l’excès et le défaut (= le manque), recherche la bonne moyenne et lui donne la préférence… C’est ce qui fait qu’on dit généralement de tout ouvrage convenablement exécuté qu’on ne peut rien lui enlever, ni rien lui ajouter, toute addition et toute suppression ne pouvant que lui enlever de sa perfection et cet équilibre parfait la conservant » (Ethique de Nicomaque).

Demandez donc à ChatGPT (ou à n’importe lequel des moteurs de même nature) son avis sur le conflit Israéliens / Palestiniens, et vous aurez une opinion moyenne, visant à n’offenser ni les uns ni les autres. Ce n’est pas l’IA qui vous conseillerait de vitrifier Gaza ou d’éliminer les Juifs du fleuve à la mer…

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Dans les Sciences humaines, l’IA se cantonne dans une demi-mesure de bon aloi. Elle répertorie des faits, et ne se hasarde qu’à des conclusions déjà formulées. Et dans les sciences dures, elle est parfaitement incapable de résoudre des problèmes que l’homme (vous savez, la créature verticale à pouce opposable qui pisse et qui pète et doit dormir huit heures par nuit, inconvénients dont les machines sont dépourvues) n’a pas encore élucidés. Voyez par exemple les « problème du millénaire », proposés par l’Institut de mathématiques Clay en 2000 : un seul d’entre eux, la « Conjecture de Poincaré », a été résolu à ce jour, et par un mathématicien en chair et en os, Grigori Perelman — qui sans doute pisse et pète à loisir. Pas par un super-ordinateur.

(À noter que pour cette performance, Perelman, qui est un esprit puissamment original, a refusé la médaille Fields qu’on voulait lui attribuer, et le million de dollars promis par l’Institut Clay. Les Russes et les vrais matheux sont de drôles de gens.)

Hypothèses fécondes menacées de pénurie

Le problème, c’est qu’un nombre grandissant d’élèves et d’étudiants (et d’enseignants, osons le dire) se fient aux réponses de l’IA, sans plus développer de regard critique ni oser d’hypothèses fécondes. J’ai expliqué il y a quelques mois que l’IA ne vaut jamais plus de 12 / 20 : idées moyennes, sans prise de risque. Et le risque, c’est le « pas de côté » que doit faire la pensée pour trouver une solution originale. Le pas de côté qu’ont fait tous les grands découvreurs. Un Espagnol de la fin du XVe siècle qui aurait demandé à l’IA de lui indiquer le chemin des Amériques n’aurait rien obtenu, puisque les routes maritimes n’avaient pas encore été explorées. Un ordinateur n’a d’autres intuitions que celles mises à sa disposition. Ce n’est pas lui qui, de la chute d’une pomme, déduirait l’attraction terrestre.

Le problème, c’est que ces performances moyennes impressionnent les imbéciles que nous sommes, parce que nous sommes majoritairement très en dessous de la moyenne. Nous vivons dans un monde de médiocrité béate, où nous appelons « idées » des poncifs, lieux communs et autres banalités entendues au Café du Commerce — ou sur les rézosocios. Une IA jouerait sans problème le rôle d’une personne réelle (et même de plusieurs milliers de personnes) sur Facebook ou Instagram, plateformes parfaitement inaptes à produire une seule pensée originale.

Et sans fautes de frappe ou d’orthographe, de surcroît.

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Le problème, c’est aussi que nombre d’étudiants et de chercheurs bâtissent leurs travaux universitaires (y compris désormais leurs doctorats) sur des compilations obtenues à moindre frais sur le Net, qui leur fournit sans sourciller toutes les idées exprimées avant eux. De quoi satisfaire les jurys de thèse, dont le souci premier, lorsqu’ils lisent un nouveau travail universitaire, est de rechercher les références à leurs travaux, à ceux de leurs estimés collègues, et à vilipender celles citant leurs ennemis intimes. Mais rarement à peser (c’est le sens premier de « penser ») les hypothèses nouvelles, les audaces inattendues, les raisonnements inédits.

Le problème, c’est que, comme le soulignait sur Causeur Xavier Lebas il y a déjà deux ans, le prochain Goncourt pourrait bien être écrit par une IA — après tout, il s’agit de plaire au plus grand nombre. Vite, les œuvres complètes de Jean-Baptiste Botul !

C’est à ce titre qu’Olivier Babeau and co., dans l’article sus-cité, peuvent écrire : « Plus l’IA devient performante, plus les étudiants se privent de l’effort cognitif nécessaire à leur développement intellectuel. Terrible effet ciseau. L’omniprésence de l’IA incite à la paresse intellectuelle. Pourquoi se fatiguer à synthétiser une problématique complexe quand ChatGPT peut, en quelques secondes, livrer un texte parfait ? La magie de l’automatisation tue l’effort et la rigueur. La créativité et l’esprit critique – pourtant essentiels pour innover et développer une vision originale – risquent de se perdre. Car l’intelligence grandit grâce aux efforts répétés, aux tâtonnements et aux remises en question. Si la machine nous prémâche systématiquement le travail, nous ne musclons plus notre cerveau. »

Il est plus que temps de décréter un moratoire de l’IA, au lieu de lui confier la formation de nos sous-élites en devenir — le pédagogisme, qui est d’une médiocrité embarrassante pour l’esprit, s’en réjouit très fort, et préconise une formation des maîtres étayée par l’IA.

Si j’avais à conseiller François Bayrou des économies substantielles, je lui suggèrerais de remplacer les profs à venir par des machines, bien suffisantes pour former des con / sommateurs. C’est déjà le cas aux États-Uniss. Et à réserver les cours réels, face à des enseignants un peu plus futés que les ordinateurs, aux futures élites.

Parce que l’élite, la vraie, l’élite républicaine, ne saurait se satisfaire des données de l’IA. Un ordinateur aurait déconseillé de faire la révolution, en 1789. Il aurait déconseillé aussi d’attaquer à Valmy ou à Austerlitz. De la médiocrité informatique rien de neuf, rien de grand ne saurait surgir.

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Le Tour s’est terminé à Hautacam !

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Le Slovène Tadej Pogacar entre Pau et Bagnères-de-Luchon, le 19 juillet 2025 © Shutterstock/SIPA

Dans les Pyrénées, Pogocar a grimpé les cols comme s’il avait un moteur sous la selle, laissant Vingegaard pédaler dans le doute… et les autres coureurs ramasser les miettes du Tour !


Bien sûr, l’antienne, selon laquelle rien n’est jamais acquis jusqu’au franchissement dimanche prochain de la ligne d’arrivée de la dernière étape sur les Champs-Elysées, n’empêche pas de penser qu’il est fort peu probable que le vainqueur de cette 112ème édition de la Grande Boucle ne soit pas Tadej Pogacar et son dauphin Jonas Vingegaard. Depuis 2000, ils se disputent sans discontinuer la « Toison d’or », la tunique la plus prestigieuse de la planète vélocipédique, avec l’Arc-en-Ciel. Elle est revenue à Pogacar trois fois (2020, 21, 24) et à Vingegaard deux (2022, 23).

Pogacar : il ne roule pas, il vole !

Sauf, donc, gros aléas tel qu’une chute contraignant à l’abandon, un coup de pompe scotchant l’un ou l’autre au bitume dans un col, ou pire être déclaré positif (très peu vraisemblable), la question qui prévaut est : quel sera l’écart final qui les séparera : de 9’18 comme l’an dernier à l’avantage du Slovène, ou 7’29 au profit du Danois l’année précédente ?

Pour plagier le titre du célèbre roman de l’écrivain italien, Carlo Levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli[1], cette année, le Tour s’est terminé à Hautacam, ne laissant au reste du peloton que les rogatons du plus grand événement sportif du monde après les J.O. et le Mondial de foot : la troisième marche du podium, les maillots blanc, vert et à pois, et les prisées victoires d’étape, surtout la dernière. Les Pyrénées ont fait en effet office d’implacable essoreuse.

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Au pied de Hautacam, une pente hors catégorie, Pogacar devançait au général Vingegaard de 1’17’’, au sommet de 3’31, après l’avoir largué dès l’entame de la montée à la suite, comme c’est sa marque, d’un fulgurant démarrage. Puis plus le nombre de kilomètres à parcourir se réduisait plus l’écart augmentait pour atteindre les 2’10’’. Ce qui a fait dire au Parisien « il ne roule pas, il vole ». Le lendemain il confortait dans le contre-la-montre, une ascension de 13,5 km avec un final à 16%, son ascendant en lui reprenant encore 36’’. Lors de la 3ème et dernière étape pyrénéenne, dans la dernière montée vers Luchon-Superbagnères, bravache, Vingegaard tentait un tout pour le tout qui a tourné à l’avantage de son rival à qui il concédait encore quatre secondes plus deux de bonification…

Au sortir des Pyrénées, Pogacar dispose d’une confortable avance de 4’13’’. Le troisième, l’Allemand Florian Lipowitz est à 7’53, ce qui exclut a priori qu’il vienne jouer les trouble-fête dans un duel déjà au demeurant consommé.

Dernier acte

Ce mardi, le Tour entame sa troisième et dernière semaine, qu’on peut qualifier de troisième et dernier acte, car le Tour tient de la tragédie classique. Et ce n’est pas parce le dénouement est connu, sauf, bien entendu et comme déjà dit plus haut, coup de théâtre, que ce troisième acte ne sera pas moins passionnant que les deux précédents.

Trois grandes étapes attendent en effet les coureurs. Ce mardi, ils se lanceront à l’assaut du Mont dit Chauve, le Ventoux, où en 1967, périt un jour de canicule, quand la bataille faisait rage, l’Anglais Tom Simpson, première victime du dopage en pleine course. Puis jeudi et vendredi, deux grandes étapes alpestres sont au menu dont une se termine au sommet du col de la Loze où Pogacar connut la plus monumentale défaillance de sa carrière en 2023 qui lui coûta la victoire finale. Un affront, a-t-il laissé entendre, qu’il compte laver. En gros, il veut donner l’estocade à Vingegaard qui ne se laissera pas faire. Il en va de son honneur !

Tandis que ce dernier semblait à la fin de chaque étape en altitude avoir souffert le martyre pour ne pas sombrer, Pogacar, lui, paraissait au contraire frais comme un gardon. Son insolente et facile domination – du moins en apparence – amène à poser la question qui a été posée au directeur du Tour, Christian Prudhomme, et qu’il a estimée légitime « vu le passé du cyclisme pas si lointain que ça. » Et si Pogacar se dopait ? La question n’épargne évidemment pas Vingegaard.

Comme à tout un chacun, la présomption d’innocence s’applique aux cyclistes, mais cette présomption ne dissipe pas un doute récurrent. Surtout qu’il y a eu le cas Lance Armstrong : bien que contrôlé plus de 500 fois dans sa carrière, il n’a jamais été déclaré positif. S’il n’avait pas avoué au terme d’une campagne de délation orchestrée par quelques-uns de ses anciens équipiers pour des questions de fric, son nom figurerait encore à sept reprises au palmarès. Aujourd’hui, « il est impossible de passer entre les mailles du filet », a récemment affirmé la vice-présidente de l’Union cycliste internationale (UCI).

Pendant le Tour, plus 600 échantillons de sang et d’urine seront prélevés et conservés pendant dix ans et périodiquement testés durant cette durée en fonction de l’évolution des techniques de dépistage. Le gagnant de l’étape et le porteur du maillot jaune sont systématiquement contrôlés à la fin de celle-ci. Ils peuvent même être réveillés en pleine nuit pour être soumis à des prélèvements. Aucun sport n’en fait autant.

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L’inhalation d’oxyde de carbone à l’issue de stages en montagne, dont l’effet dopant n’a pas été établi, vient d’être interdite par l’UCI à titre préventif. Les équipes respectives des deux premiers du Tour ont reconnu y avoir recouru tant que c’était autorisé. Cette pratique servait à constater le bienfait, ont-elles expliqué, du séjour en altitude concernant l’hémoglobine. Une étude est en cours sur l’effet stimulant des cétones, un complément alimentaire, par ailleurs naturellement produites par le foie dans certaines conditions d’effort intense. Leur fonction est de compenser une déficience en glucides des muscles. Les coureurs en consomment s’ils en ressentent le besoin à la fin d’une course et non à son départ. Elles aideraient à la récupération. Leur consommation, bien que pas recommandée, n’est pas interdite.

Le dopage trouve ses produits dans la pharmacopée[2]. On voit mal une équipe disposer d’une substance mirifique inconnue de tout le monde. L’industrie pharmaceutique n’a aucun secret. Si elle découvre la panacée, elle la fera connaître et surtout déposera le brevet de manière à engranger le plus rapidement possible les dividendes de sa découverte.

Mais, une rumeur circule, surtout sur les réseaux sociaux dont la crédibilité est très, très sujette à caution. Le dopage résiderait aujourd’hui dans un tripatouillage génétique. Ça consisterait à ajouter un gène qui accroitrait le nombre de globules rouges. Or, aujourd’hui, on sait à partir de quel taux de ces derniers, il y a intervention étrangère. Donc un éventuel gène greffé, disons, chez Pogacar paraît bien loufoque.

Concernant le très probable futur quadruple vainqueur de la Grande Boucle, le président de l’UCI, le Français David Lappartient a déclaré au Figaro, le 8 juillet : « Une domination fait par nature naître des soupçons. Mais nous n’avons aucune raison objective de douter de la performance de Pogacar. Il ne fait pas partie de ceux sur lesquels on a des alertes, parce qu’on aurait des éléments, des preuves… »      


[1] Roman autobiographique paru en 1945

[2] Étrange paradoxe de notre époque qui interdit le dopage aux sportifs alors la consommation de drogue et de médicaments explose dans toutes les classes sociales. Dans la lutte contre les stupéfiants, la question clé réside dans la demande. L’offre ne fait qu’y répondre.

Liberté, spiritualité, fraternité

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© Hannah Assouline / Causeur

À la recherche de l’esprit français


On pense bien sûr à ce que disait Marc Bloch sur le sacre de Reims et la fête de la Fédération de 1790 : quiconque n’a pas vibré à l’évocation de ces événements ne saurait goûter au doux nom de Français !

Plus foncièrement, je dirais que l’esprit français – où le vieux fonds gaulois, génialement recyclé par Rabelais, n’est jamais loin – sait combiner le trop-plein aveuglant de Versailles (et de sa galerie des Glaces) au vide silencieux, à la gravité exigeante de Port-Royal. Majesté saturée et contemplation déjà rousseauiste. Mélange des genres dira Hugo, harmonie des contraires. Mais aussi panache (blanc !) et légèreté. En ce pays où « tout finit par des chansons » (Beaumarchais), où la passion des idées voire des idéologies sait abdiquer devant le raffinement plantureux (à la fois frivole et ambitieux) des agapes et des vins, on cultive un certain sens de la pointe, aimable et poli, l’art de la conversation infiniment variée, aussi chatoyante que le climat. On aime moquer insolemment les vanités tout en se donnant l’inconséquence d’y céder soi-même. Farouchement monarchiste et fanatiquement républicain : la simplicité évangélique demeure, à travers des couches d’anticléricalisme, un cap idéal que le Français, enfant comblé, sait tenir à distance : mais saint Vincent de Paul – et sa charité active – n’est jamais loin pourtant. On rêve de solidarité, de fraternité. Et ici Molière est un maître spirituel, Chateaubriand un docteur de l’Église !

La France: un Far West sans shérifs?

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Notre chroniqueur voit dans les émeutes urbaines récentes à Limoges ou à Nîmes du droit commun qui sent le soufre de la guerre civile. Il souhaite que les personnes interpellées dans une foule menaçante puissent plus efficacement être sanctionnées.


Dans les titres qu’on choisit, on a le droit d’exagérer. À vrai dire, je me demande si mon interrogation est outrancière et provocatrice ou si elle annonce un pire dont aujourd’hui nous n’avons qu’une faible idée.

La France hors de contrôle

Ce qui s’est passé à Nîmes et tout récemment à Limoges, puis à Béziers, ne relève plus, en effet, de la délinquance ordinaire avec le sentiment rassurant que celle-ci peut être d’une certaine manière maîtrisable et que l’impuissance de l’État et des forces régaliennes n’est pas fatale.

Le maire de Limoges Émile Roger Lombertie a tout dit au sujet de la prise de possession, dans la nuit du 18 juillet, des environs de sa ville et de la RN 41 par une centaine de voyous cagoulés et armés s’en prenant à des automobilistes et à la police. Sans mobile particulier sinon montrer physiquement qu’ils étaient le pouvoir et qu’ils constituaient un groupe qui ne dépendait nullement de nos règles ordinaires et de notre si piètre démocratie. En s’abandonnant à la pure jouissance d’une malfaisance sans contrôle. L’édile y a vu en effet une manière « de vouloir simplement montrer que le territoire leur appartient[1] ».

Cette dénonciation est à peu près applicable à toutes ces violences collectives urbaines ou périphériques, à ces émeutes dont la motivation, derrière des ressorts apparents, est de manifester à quel point ces bandes sont de plus en plus conscientes de leur impunité et donc d’une arrogance agressive sans pareille.

On a totalement changé de registre. Sinon dans l’inexorable montée des délits et des crimes, du moins dans l’invention de plus en plus perverse, sadique et spontanée de modalités qui font apparaître la délinquance d’hier comme presque rationnelle et humaine. C’est du droit commun qui sent le soufre de la guerre civile.

La peur a changé de camp

Rien ne serait pire, comme la routine intellectuelle nous y entraîne, que de ne pas prendre la mesure de ce qu’il y a de terriblement nouveau dans les malfaisances qui surgissent au fil du temps.

D’abord un changement radical du rapport de force. On ne résiste plus au policier, c’est le policier qui dorénavant résiste au délinquant. Ce dernier a pris la main. Il n’attend plus d’être interpellé, il prend les devants. Le fonctionnaire de police est un ennemi auquel on tend des guet-apens, qu’on veut blesser, qu’on souhaite tuer.

Ensuite l’amplification des violences, des dégradations et des dévastations de groupes parce que l’union fait la nuisance maximale et qu’avec notre système de preuve infirme, elle protège chacun des transgresseurs derrière le caractère indivisible du collectif. Ce qui explique le peu de personnes déférées et la plupart du temps, quand elles existent, les sanctions ridicules – sursis ou travail d’intérêt général.

Enfin la quasi-abolition de la distinction entre mineurs et majeurs, les premiers participant de plus en plus activement, et de plus en plus précocement, aux violences, aux homicides, aux assassinats commandés et au narcotrafic.

Je ne suis pas de ceux qui s’abandonnent aux trop faciles « il n’y a qu’à, il faut qu’on », précisément parce qu’ayant été magistrat durant quarante ans et plus de vingt ans pour les affaires les plus graves, je sais que tout ne s’apaise pas, ne s’éradique pas, avec un claquement de doigts.

Darmanin et Retailleau face au mur

Je ne suis que trop sensible à ce paradoxe saumâtre qui nous permet d’avoir un couple régalien de qualité et accordé, dont la bonne volonté, la compétence, la philosophie et l’énergie sont irréprochables mais qui paraît ne pas avoir la moindre influence sur le cours sombre de la vie sociale, sur la multiplication, avec des originalités atroces, des crimes et des délits. Comme s’il était impossible, même pour l’action politique la plus déterminée, de pouvoir peser sur ce qui au quotidien affecte, vole, blesse ou tue nos concitoyens.

Nous pouvons considérer, pour reprendre la métaphore de mon titre, que nous avons deux shérifs ministériels qui font tout ce qu’ils peuvent. Mais avec ce handicap que le shérif suprême, le président de la République, est plus un frein qu’un aiguillon.

Par ailleurs, au risque de contredire les adeptes d’un État de droit intangible, il conviendrait, essentiellement en matière pénale, de modifier celui-ci pour que, confit dans sa solennité, il ne regarde pas passer les infractions contre lesquelles il ne peut plus grand-chose. Qui n’a pas constaté que la preuve singulière et l’individualisation des peines sont aujourd’hui le moyen le plus pervers pour entraîner les pires injustices, les laxismes les plus choquants ou même les relaxes les plus discutables ? Ne faudrait-il pas s’arrêter à un régime où les infractions seraient seulement évaluées au regard de leur gravité intrinsèque ?

Sa simplification devrait nous faire sortir, police et gendarmerie ainsi que magistrats prioritairement concernés, de la bureaucratie, de procédures et d’une justice de papier pour que soit restauré le temps utile des enquêtes, une justice des visages, le dépassement des formes accumulées comme par plaisir, afin de retrouver des voies plus rapides et plus efficaces pour découvrir la vérité.

Il ne serait pas iconoclaste non plus de fixer comme objectif principal à l’institution judiciaire de faire juger immédiatement tous les dossiers, quelle que soit leur nature, quand la cause est entendue et la vérité indiscutable. Pour les autres qui seraient à élucider, on aurait les processus classiques.

On ne peut passer sous silence le fait que le bras armé de la Justice et de la démocratie – les forces de l’ordre de plus en plus sollicitées mais de moins en moins soutenues – est placé systématiquement en état de faiblesse, et d’abord à cause d’une présomption de culpabilité pesant sur elles de la part de l’extrême gauche et de médias engagés.

La question de la légitime défense des forces de l’ordre toujours sur la table

Surtout parce que les forces de l’ordre n’ont jamais le droit, alors que de multiples situations d’intimidation, d’attaque, de provocation, de résistance et de guet-apens le justifieraient, d’user de la plénitude de ce que la loi leur offre comme pouvoir, latitude et riposte, notamment pour la légitime défense. Je n’ose imaginer les controverses qui seraient engendrées par le seul fait d’une police parfaitement républicaine mais aussi forte que la quotidienneté l’autoriserait à être.

Cette décivilisation, cet ensauvagement, ce saisissement qui nous pétrifient chaque jour, dans les campagnes et dans les cités, sont ceux qui ont défiguré notre France en un Far West où nos shérifs, quelles que soient leur conscience et leur obsession d’être utiles, sont tragiquement démunis pour défendre la majorité des honnêtes gens.

Nous sommes dans un monde où le délinquant a moins peur de commettre le mal que nous de le sanctionner. Délinquant dont la condamnation est rarement assez sévère pour lui faire oublier la volupté de la transgression d’hier et ne pas lui faire espérer celle de demain. La société est seule perdante.


[1] https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/limoges-en-pleine-nuit-une-centaine-dindividus-masques-sen-prennent-aux-forces-de-lordre-38584aae-649d-11f0-8d96-1f3c0ceaabc2

Sophia, Najat, honneur et déshonneur

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La Légion d'honneur remise à la chroniqueuse laïque Sophia Aram (ici photohraphiée au Grand Rex à Paris, le 20 mai 2025) déplait à gauche © Thierry Le Fouille/SIPA

Alors que certains s’étranglent de voir Sophia Aram récompensée, bien qu’elle ne suive pas la voie tracée par l’islamo-gauchisme (alors qu’elle est de gauche et a tout de même des origines maghrébines), d’autres hurlent au scandale en voyant Najat Vallaud-Belkacem rentrer à la Cour des comptes. Commentateurs et éditocrates sortent les tests PCR idéologiques.


Sophia Aram, donc, a été promue dans l’ordre de la Légion d’honneur au grade de chevalier (Merci de saluer la formulation que j’adopte afin d’échapper aux injonctions de la pitoyable dictature inclusive qui aurait exigé le féminin chevalière).

Sophia Aram, qui a plus d’une corde à son arc, est surtout connue en tant qu’humoriste. Et c’est en particulier sur les ondes du service public, à France Inter, qu’elle intervient. Selon moi, ce qui la distingue de la plupart des autres humoristes, notamment ceux qui officient sur ce même service public, c’est qu’elle, au moins, est drôle. Drôle et libre d’esprit. Notable exception dans ce petit marigot.

Mauvaise chapelle

Toujours à mon humble avis, qu’elle sache être drôle sur ces ondes-là justifiait amplement, à soi seul, qu’elle fût décorée de la Légion d’honneur. On l’eût faite d’emblée Grand Croix que je n’aurais pas vraiment trouvé à y redire, tant la performance me semble relever de l’exploit et de l’exception.

D’ailleurs, dans un article publié en 2023, Libération apportait en quelque sorte de l’eau à mon moulin, livrant de Sophia Aram un portrait des plus flatteurs, quasiment une bénédiction, un appel à canonisation. Elle donne « des coups à l’extrême droite, à l’extrême gauche, écrivait le quotidien, aux religieux, islamistes en particulier, aux gilets jaunes, aux antivaccins, à Raoult, à Bolloré et à ses affidés. » Découvrant ces lignes, on pouvait penser que la décoration était en très bonne voie. Ou en tout cas, d’ores et déjà légitimée.

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Deux ans ont passé et, aujourd’hui, l’attribution du ruban en défrise quelques-uns. Pascal Boniface, notamment, monté en première ligne, bouche amère, nez pincé. Passé maître dans l’art toujours si plaisant de la mauvaise foi, le censeur s’interroge. Ce n’est pas qu’il se permettrait de remettre en cause l’attribution en question, non, pas du tout, mais tout de même, s’émeut-il, la récipiendaire ne serait-elle pas un peu trop engagée ? Je veux dire, engagée dans la mauvaise chapelle ? Rendez-vous compte, elle ne sent pas obligée de hurler au génocide comme tout le monde-qui-pense-comme-il-faut, d’applaudir à la virée en barcasse des Thunberg et Hassan, de voir dans la moindre critique de l’islamisme une hystérique poussée d’islamophobie. Pas obligée non plus de chanter à l’unisson de sa corporation d’artistes lorsqu’elle reçoit, en 2023, le Molière de l’Humour, dénonçant « le silence assourdissant du monde de la culture » sur le carnage terroriste antisémite du 7-Octobre perpétré par le Hamas au nom de la cause palestinienne.

Là, voyez-vous, M. Boniface s’étrangle. Il trouve lui que, au contraire, on en a beaucoup parlé. Trop peut-être ? Sauf que la fringante moliérisée avait pris soin de préciser qu’elle visait le monde de la culture, le sien. Ce que bien entendu, le sourcilleux contempteur s’empresse de négliger. Or, s’il est une chose avérée, c’est bien celle-là. Bien peu de cœurs ont saigné sur les martyrs du 7-Octobre dans ce microcosme. Ou si certains ont saigné, ce fut dans la plus remarquable des discrétions.

En fait, confondant de candeur, ce que M. Boniface trouve à redire à la promotion de Sophia Haram, tient en quelques mots, d’une banale évidence, et que d’ailleurs il lâche en fin de déclaration. On ne devrait décorer que des personnes investies dans la défense des droits de l’homme. Droits de gauche et homme de gauche, bien entendu. En clair, à l’écouter, Sophia Aram présentait à peu près toutes les vertus d’engagement requises pour être honorée de la Légion d’honneur, sauf qu’elle se serait trompée de monture. Il fallait choisir la mule bien grasse du conformisme. Elle préfère caracoler sur la licorne de la liberté. Dommage pour M. Boniface.

Surprenante nomination

Par chance, l’actualité lui apporte sur un plateau matière à consolation. La surprenante, oui, la très surprenante nomination de Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des Comptes. Voilà en effet qui doit le ravir. Elle au moins se situe dans la bonne mouvance. Cela dit, on ne peut s’empêcher de penser au Figaro de Beaumarchais, à propos d’une place en vue: « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint ». En effet, on ne voit pas bien quels seraient, dans son parcours, les éléments de compétences indiscutables qui auraient prédisposé l’heureuse nommée à ce genre de poste. On n’en voit pas davantage d’ailleurs dans son bilan de ministre, par exemple.

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Mais, à l’instar de M. Bayrou, lui-même Premier ministre de rencontre, il se peut que, dans la macronie agonisante, gagnée un peu plus chaque jour par la panique, l’incompétence – ou, esprit d’indulgence oblige, la non-compétence – soit devenue le critère majeur permettant d’accéder aux plus hautes fonctions. À cet égard, on réalise mieux à présent que la tout aussi incongrue nomination de M. Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel ne faisait qu’ouvrir le bal. Le bal des copains à recaser, bien sûr. Et ça en fait, du monde…

30 GLORIEUSES - LA DÉCONSTRUCTION EN MARCHE

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