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Sophia, Najat, honneur et déshonneur

Le billet de Dominique Labarrière


Sophia, Najat, honneur et déshonneur
La Légion d'honneur remise à la chroniqueuse laïque Sophia Aram (ici photohraphiée au Grand Rex à Paris, le 20 mai 2025) déplait à gauche © Thierry Le Fouille/SIPA

Alors que certains s’étranglent de voir Sophia Aram récompensée, bien qu’elle ne suive pas la voie tracée par l’islamo-gauchisme (alors qu’elle est de gauche et a tout de même des origines maghrébines), d’autres hurlent au scandale en voyant Najat Vallaud-Belkacem rentrer à la Cour des comptes. Commentateurs et éditocrates sortent les tests PCR idéologiques.


Sophia Aram, donc, a été promue dans l’ordre de la Légion d’honneur au grade de chevalier (Merci de saluer la formulation que j’adopte afin d’échapper aux injonctions de la pitoyable dictature inclusive qui aurait exigé le féminin chevalière).

Sophia Aram, qui a plus d’une corde à son arc, est surtout connue en tant qu’humoriste. Et c’est en particulier sur les ondes du service public, à France Inter, qu’elle intervient. Selon moi, ce qui la distingue de la plupart des autres humoristes, notamment ceux qui officient sur ce même service public, c’est qu’elle, au moins, est drôle. Drôle et libre d’esprit. Notable exception dans ce petit marigot.

Mauvaise chapelle

Toujours à mon humble avis, qu’elle sache être drôle sur ces ondes-là justifiait amplement, à soi seul, qu’elle fût décorée de la Légion d’honneur. On l’eût faite d’emblée Grand Croix que je n’aurais pas vraiment trouvé à y redire, tant la performance me semble relever de l’exploit et de l’exception.

D’ailleurs, dans un article publié en 2023, Libération apportait en quelque sorte de l’eau à mon moulin, livrant de Sophia Aram un portrait des plus flatteurs, quasiment une bénédiction, un appel à canonisation. Elle donne « des coups à l’extrême droite, à l’extrême gauche, écrivait le quotidien, aux religieux, islamistes en particulier, aux gilets jaunes, aux antivaccins, à Raoult, à Bolloré et à ses affidés. » Découvrant ces lignes, on pouvait penser que la décoration était en très bonne voie. Ou en tout cas, d’ores et déjà légitimée.

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Deux ans ont passé et, aujourd’hui, l’attribution du ruban en défrise quelques-uns. Pascal Boniface, notamment, monté en première ligne, bouche amère, nez pincé. Passé maître dans l’art toujours si plaisant de la mauvaise foi, le censeur s’interroge. Ce n’est pas qu’il se permettrait de remettre en cause l’attribution en question, non, pas du tout, mais tout de même, s’émeut-il, la récipiendaire ne serait-elle pas un peu trop engagée ? Je veux dire, engagée dans la mauvaise chapelle ? Rendez-vous compte, elle ne sent pas obligée de hurler au génocide comme tout le monde-qui-pense-comme-il-faut, d’applaudir à la virée en barcasse des Thunberg et Hassan, de voir dans la moindre critique de l’islamisme une hystérique poussée d’islamophobie. Pas obligée non plus de chanter à l’unisson de sa corporation d’artistes lorsqu’elle reçoit, en 2023, le Molière de l’Humour, dénonçant « le silence assourdissant du monde de la culture » sur le carnage terroriste antisémite du 7-Octobre perpétré par le Hamas au nom de la cause palestinienne.

Là, voyez-vous, M. Boniface s’étrangle. Il trouve lui que, au contraire, on en a beaucoup parlé. Trop peut-être ? Sauf que la fringante moliérisée avait pris soin de préciser qu’elle visait le monde de la culture, le sien. Ce que bien entendu, le sourcilleux contempteur s’empresse de négliger. Or, s’il est une chose avérée, c’est bien celle-là. Bien peu de cœurs ont saigné sur les martyrs du 7-Octobre dans ce microcosme. Ou si certains ont saigné, ce fut dans la plus remarquable des discrétions.

En fait, confondant de candeur, ce que M. Boniface trouve à redire à la promotion de Sophia Haram, tient en quelques mots, d’une banale évidence, et que d’ailleurs il lâche en fin de déclaration. On ne devrait décorer que des personnes investies dans la défense des droits de l’homme. Droits de gauche et homme de gauche, bien entendu. En clair, à l’écouter, Sophia Aram présentait à peu près toutes les vertus d’engagement requises pour être honorée de la Légion d’honneur, sauf qu’elle se serait trompée de monture. Il fallait choisir la mule bien grasse du conformisme. Elle préfère caracoler sur la licorne de la liberté. Dommage pour M. Boniface.

Surprenante nomination

Par chance, l’actualité lui apporte sur un plateau matière à consolation. La surprenante, oui, la très surprenante nomination de Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des Comptes. Voilà en effet qui doit le ravir. Elle au moins se situe dans la bonne mouvance. Cela dit, on ne peut s’empêcher de penser au Figaro de Beaumarchais, à propos d’une place en vue: « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint ». En effet, on ne voit pas bien quels seraient, dans son parcours, les éléments de compétences indiscutables qui auraient prédisposé l’heureuse nommée à ce genre de poste. On n’en voit pas davantage d’ailleurs dans son bilan de ministre, par exemple.

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Mais, à l’instar de M. Bayrou, lui-même Premier ministre de rencontre, il se peut que, dans la macronie agonisante, gagnée un peu plus chaque jour par la panique, l’incompétence – ou, esprit d’indulgence oblige, la non-compétence – soit devenue le critère majeur permettant d’accéder aux plus hautes fonctions. À cet égard, on réalise mieux à présent que la tout aussi incongrue nomination de M. Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel ne faisait qu’ouvrir le bal. Le bal des copains à recaser, bien sûr. Et ça en fait, du monde…

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

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