Les bonnes vieilles libertés, non solubles dans la numérisation du monde et réfractaires à la nouvelle religion du distanciel, sont passées de mode. Analyse.
La France est-elle toujours un État de droit en bonne et due forme ? La question fait rage. François-Xavier Bellamy, pivot intellectuel des Républicains, s’inquiète depuis plusieurs mois du « délitement de l’État de droit » devenu, pour reprendre l’expression de Muriel Fabre-Magnan, « malade du Covid-19 ». Il est vrai qu’en ces temps où des lieux publics – restaurants, théâtres, salles de spectacle – sont réservés aux citoyens munis du précieux passe, où manger des chips dans le train est passible d’une amende, où les discothèques sont vues comme des boîtes à virus, où l’adolescence ne rime plus avec premiers flirts mais port du masque dans la rue, où la faible létalité du variant Omicron n’empêche pas la sinistrose de maintenir son couvercle sur le pays, où la santé est devenu l’unique sujet des présidentielles, le débat n’est pas seulement légitime. Il est impératif.
Menace sur nos droits fondamentaux
Certains de nos droits fondamentaux, sanctifiés depuis des décennies – dignité de la personne, protection de la vie privée, liberté d’aller et venir, droit à l’instruction – semblent chaque jour s’évanouir dans le cimetière des principes d’antan. Les restrictions se suivent et s’amoncellent, en une sorte d’arborescence technocratique – ou kafkaïenne – dont la logique échappe à tout le monde. C’est dans ce contexte que, quelques jours après des vœux qui suintaient la bienveillance, l’optimisme et l’unité, Emmanuel Macron a lancé, face aux lecteurs du Parisien, avoir « très envie d’emmerder les non-vaccinés jusqu’au bout ». Plus que sa grossièreté, condamnée par une grande partie de la classe politique, plus que la personnalisation dégradée du pouvoir qu’elle exhibe, cette formule révèle le sens de l’action du gouvernement : alors même que la vaccination n’est pas obligatoire, c’est en son nom que des millions de Français se voient interdits de café ou de cinéma. Boutés hors du champ du visible. Telle une masse de Gaulois réfractaires, les non-vaccinés n’ont d’autre choix que de s’adapter. La liberté ou la mort, disaient jadis les Révolutionnaires. La vaccination ou l’exclusion, clament aujourd’hui les Marcheurs.
Au-delà de l’illisibilité de toutes ces restrictions, c’est notre rapport à la liberté qui se joue. Qu’on le veuille ou non, ce que défendent les non-vaccinés, nébuleuse d’anti-vax, d’anti-passe et de sceptiques de tous bords, cousins des gilets jaunes dans leur rejet des institutions, c’est le maintien des libertés grégaires. D’une part, les anti-vax réclament le droit de refuser la vaccination – soit la mise en pratique de l’inviolabilité du corps humain, dérivé du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne. D’autre part, les anti-passe revendiquent le droit à la libre circulation et au respect de la vie privée, garantis par les outils de protection des droits de l’Homme. Soit des libertés quasi primitives, reconnues de longue date par les juges, européens et nationaux.
Or, qu’observe-t-on en même temps ? D’un côté, en octobre dernier, le Conseil de l’Europe s’est lancé dans une campagne de promotion du voile islamique au nom de « la liberté dans la diversité » – heureusement avortée –, présentant le hijab comme « un choix » et un « droit humain ». Ou comment l’antiracisme militant, faux-nez du lobbying islamiste, se drape dans le manteau de tolérance de l’État de droit pour mieux le subvertir… D’autre part, en janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’Homme a sanctionné la Roumanie pour sa loi refusant la modification du sexe à l’état civil sans opération chirurgicale préalable. La liberté de changer et de rechanger de sexe par simple déclaration est désormais un droit fondamental, intégré aux valeurs de l’État de droit brandi par l’Europe contre les démocraties « illibérales », la Hongrie et la Pologne en tête, brocardées pour leur attachement à la famille traditionnelle et aux valeurs chrétiennes.
Les bonnes vieilles libertés n’intéressent plus que la France périphérique
Bilan des opérations : une échelle des libertés se dessine. D’un côté, les tenants des libertés à l’ancienne, attachés au droit de sortir de chez soi, de « prendre un canon » au comptoir, comme veut les en priver Emmanuel Macron, ou de conserver la maîtrise de leur corps, sont dépeints tels d’infâmes réactionnaires englués dans leur ignorance. Pire, des « irresponsables » pas même dignes d’être des citoyens, pour reprendre les propos cinglants du président. De l’autre, les tenants des libertés à la pointe, placées sous l’égide du diversitaire ou de la fluidité de genre, sont perçus comme ceux que l’État de droit doit absolument choyer. Son public cible, pour parler comme un marketeur.
C’est ce clivage qui transperce notre époque. Les bonnes vieilles libertés, qui n’intéressent plus que la France périphérique et les râleurs d’un autre temps, non solubles dans la numérisation du monde et réfractaires à la nouvelle religion du distanciel, sont passées de mode. Les libertés dernier cri, qui fleurent bon le sociétal et le multiculturel, qui ont la saveur de notre période houellebecquienne où le contact humain se dissout, méritent quant à elles tous les égards. Avec le Covid, toutes les libertés ne sont pas en voie de disparition. Juste les premières d’entre elles.
Entretien avec Paul-Marie Coûteaux, essayiste et directeur de la revue Le nouveau conservateur, aujourd’hui engagé dans la campagne d’Eric Zemmour. Réponses recueillies par Lucien Rabouille.
Lucien Rabouille. Valérie Pécresse est la candidate des Républicains, parti qui revendique une filiation gaulliste. Mais il y a un passif important, Valérie Pécresse est fameuse pour sa défense du protocole de Londres. Pouvez-vous revenir sur cette affaire ?
Paul-Marie Coûteaux. En fait de Londres, on est loin des conscrits de la France Libre ! Je sais bien que la seule vertu efficace du Général de Gaulle est de conférer aux minuscules qui abusent de son nom une illusion de grandeur – c’est en quelque sorte la vertu absolutoire du Général, dont on touche la statue pour faire oublier les grands et les petits péchés de chaque jour ; mais tout de même, ceux de la gaulliste professionnelle qu’est Valérie Pécresse sont trop patents, sur le sujet de la langue au moins, pour qu’elle puisse être absoute.
Commençons en effet par le Protocole de Londres : en 2008, comme ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Mme Pécresse a délibérément milité pour que la langue française perde une de ses positions de force sur un sujet crucial de droit commercial international, la langue dans laquelle sont déposés les brevets pour faire foi. Depuis un demi-siècle, l’Office Européen des Brevets, dont le siège est à Munich, fixait que l’intégralité d’un brevet pouvait être déposé dans la langue de l’auteur, mais devait comporter en outre une traduction complète dans une des trois langues considérées comme langues économiques de l’Europe : allemand, français, anglais. Il y a vingt ans, Frau Merkel mit sur la table un curieux projet de réforme aux termes duquel seul un court résumé du brevet (sans ses stipulations techniques) pouvait être déposé en n’importe quelle langue, l’intégralité du brevet ne pouvant l’être qu’en anglais. L’hypocrisie est ici totale puisque justement, ce qui intéresse les entreprises, ce sont les spécifications techniques et que tout le monde travaillera sur la seule version complète, l’anglaise. Il en résulta un protocole signé à Londres en 2000 mais que ne ratifièrent pas alors la plupart des pays de l’UE. C’est que, pour ces réfractaires l’affaire était importante, non seulement parce qu’on écartait leurs propres langues, mais surtout parce que, ce faisant, on compliquait infiniment la vie de leurs petites et des moyennes entreprises qui, en ces matières techniques, devaient alors recourir à des traducteurs ou des avocats rompus à l’anglais technique, ou carrément Anglais ou Américains, ce que beaucoup ne pouvaient s’offrir.
Miss Pécresse n’a pas grand goût pour la défense du français parce qu’elle n’a pas grand goût pour ce qui est français: son monde, comme tant d’autres, c’est l’international ; elle fait partie de cette petite élite (ou oligarchie) qui ne voit pas ce que pourrait être la culture française
La France a tenu bon jusqu’à ce que Valérie Pécresse cède en faisant valoir, notamment dans la presse, que l’on pouvait toujours obtenir une version en français, ce qui était fort hypocrite puisque seul pouvait l’être un court résumé à peu près inopérant. Beaucoup de parlementaires protestèrent (sur tous les bans) en particulier l’ancien Garde des Sceaux Pascal Clément qui montra avec précision combien la majorité des entreprises françaises seraient pénalisées, les exportatrices comme les importatrices. Une pétition, lancée notamment par Nicolas Dupont-Aignan recueillit même des dizaines de milliers de signatures. Mme Pécresse continua à mentir en affirmant dans un article du Figaro que les trois langues officielles gardaient leurs droits ! Mentir pour servir son pays pourrait se concevoir, mais mentir pour le desservir, c’est une honte.
Il n’y a pas que cette affaire… N’est-ce pas systématique chez elle ?
Oui. L’affaire de Londres ne fut pas un cas isolé. Cette dame, toute fraîche nommée ministre de l’Enseignement Supérieur, s’est transportée à Bruxelles pour y déclarer que, en matière de langue, elle entendait « briser les tabous» ; le tabou, en l’occurrence était de parler français à Bruxelles et Strasbourg, et Luxembourg, les trois « capitales » francophones de l’UE – que la France, rappelons-le, a voulu telles en faisant des concessions aux autres membres sur d’autres points. Longtemps, pour la France, la prééminence du français fut la condition de la construction européenne et la contrepartie d’abandons de souveraineté. Cette priorité pour la langue fut permanente – par exemple, Georges Pompidou ne donna son accord à l’entrée de la Grande Bretagne dans la « Communauté européenne » de l’époque qu’à la condition que les fonctionnaires britanniques y parlassent français – ce fut d’ailleurs un engagement du Premier ministre britannique de l’époque, Edouard Heath. Autre exemple, le rappel périodique adressé par les Premiers ministres successifs aux fonctionnaires français en poste dans les Institutions européennes de l’obligation de n’utiliser que le français au sein des institutions de l’Union – ainsi fit François Fillon, alors Premier ministre, dans une directive de 2007. Cela n’empêcha pas la ministre Pécresse de déclarer quelques mois plus tard, ex abrupto que la stratégie consistant à maintenir le français dans les instances de l’UE était contre-productive et que mieux valait recourir à l’anglais pour être mieux compris. Le Figaro l’a épinglée à l’époque pour ses déclarations fantastiques (Le Figaro du 28/02/2008). C’était en plus contredire le Premier ministre à angle droit !
Or, une telle sortie allait très loin : cela ne voulait pas seulement dire que le français n’était plus une langue internationale, ce qu’aucun membre d’aucun gouvernement n’avait osé dire jusqu’alors ; ce n’était pas seulement envoyer promener la francophonie, et se moquer des Luxembourgeois et des Belges qui s’appliquent à parler français dans les institutions de l’UE (ainsi que bien d’autres représentants ou fonctionnaires de pays non francophones, des Italiens, des Portugais etc.) ; c’était aussi estimer que les imposants dispositifs de traduction (mais aussi d’interprétation et de terminologie) ne servaient plus à grand-chose. Or, je peux témoigner pour avoir été dix ans parlementaire européen que, si les dispositifs de traduction n‘existaient pas, la très grande majorité des députés français à Strasbourg et Bruxelles connaissaient trop mal l’anglais pour comprendre quoi que ce soit à ce qui se passe dans le Parlement où ils étaient supposés représenter les Français : délibérer et voter sans l’aide des interprètes revenait à travailler dans le plus parfait brouillard. Ou bien faudrait-il, dans la logique de la ministre, doubler l’élection de nos députés d’un sérieux examen d’anglais (préalable à leur élection ?), faute de quoi nul député français n’aurait servi à grand-chose.
Pour tant de gens modernes, la culture française ne signifie rien de spécial, sinon un embarras
Peu après, la même militante du « tout anglais », ministre de l’Enseignement supérieur, regrettait que les professeurs étrangers qui enseignaient en France ne puissent dispenser leurs cours en anglais – ou ce que devient l’anglais, c’est-à-dire l’anglo-américain. De même pour les enseignements techniques ; ce qui voulait dire en somme que les étudiants aussi devaient passer un examen d’anglais avant d’entrer à l’Université – assurant à cette langue un statut exorbitant à l’Université, puis, par-là, à nombre de domaines professionnels. Si nous multiplions ce genre de mesures, la France deviendrait bilingue en deux ou trois décennies, le français étant peu à peu réservé aux usages privés. Et ce n’est pas simple, ensuite, d’éviter que s’efface la langue qu’on dira alors «ancienne» : demandez aux Québécois ce qu’il en coûte en fait de vexations et d’efforts…
Valérie Pécresse vient de manquer de peu d’être primée par la carpette anglaise – un fameux jury dont vous êtes membre.
L’anecdote est presque drôle : il existe en effet un prix, dénommé « la carpette anglaise » (hélas, pas aussi fameux que vous le dites gentiment) distinguant chaque année une personnalité qui a d’une façon ou d’une autre, favorisé l’anglais comme langue d’usage en France ; ce prix est remis par un jury de douze personnes, représentants d’associations, linguistes et personnalités diverses comme Natacha Polony, Eugénie Bastié, Benoît Duteurtre et Philippe de Saint Robert, son président. Cette année, nous avons failli remettre ce prix à la dame Pécresse en tant que Présidente du conseil d’île de France, qui lance « l’easy pass », ignorant au passage la Loi Toubon ; certes, celle-ci est souvent bafouée, quelquefois même pas l’Etat – mais pas la RATP. On pourrait tout de même se montrer imaginatif en français, non ? Sinon, notre langue va tout simplement se ringardiser, s’étioler et disparaître.
Notre secrétaire général, Marc Favre d’Echallens, rappela in extremis que ladite Pécresse avait déjà reçu le prix douze ans plus tôt pour « avoir déclaré que le français était une langue en déclin et qu’il fallait briser le tabou de l’anglais dans les institutions européennes ». Or, il était difficile de remettre deux fois la capette à une même personne : elle l’a déjà, et c’est « à vie ». Quatre voix ne s’en portèrent pas moins sur elle ! Il y avait cependant un concurrent solide, son ancien ami (de parti) Gérald Darmanin, qui décida voici quelques mois de rendre toute nouvelle carte d’identité bilingue ; car, l’a-t-on remarqué, le français est désormais à égalité avec l’anglais sur nos cartes nationales d’identité – ce qui est tout dire de ladite identité. M. (ou Mr.) Darmanin l’a finalement emporté par sept voix, contre quatre pour une seconde carpette à notre abonnée.
On a envie de conclure que Valérie Pécresse fait partie de ces gens qui ont une culture bilingue… Plutôt étrange pour quelqu’un qui aspire à présider une République dont le préambule de la Constitution précise que la langue est le français.
Oui, une Constitution qui dispose d’autre part que le président de la République est son gardien ce qui ferait une double forfaiture… Tout simplement Miss Pécresse n’a pas grand goût pour la défense du français parce qu’elle n’a pas grand goût pour ce qui est français : son monde, comme tant d’autres, c’est l’international ; elle fait partie de cette petite élite (ou oligarchie) qui ne voit pas ce que pourrait être la culture française. Toute sa formation est d’ailleurs, comme on dit avec gourmandise « orientée à l’international », univers réputé américanophone. Pour tant de gens modernes, la culture française ne signifie rien de spécial, sinon un embarras.
Certes, on pourrait dire que parler est une compétence attendue chez un chef d’Etat. Je suis conscient de l’atout que représente une bonne maîtrise de l’anglo-américain pour quiconque exerce une activité internationale. Mais à condition de ne pas en abuser, et tout miser sur l’anglais : j’ai souvent vérifié que celui qui parle espagnol avec des hispanophones, allemand avec des germanophones, arabe avec des arabophones etc. a une nette avance sur celui qui ne parle qu’anglo-américain. Ayant exercé des responsabilités au cabinet du S-G de l’ONU à New-York, je peux témoigner que, si la maitrise de l’anglo-américain est certes précieux, il est dangereux d’y recourir en toutes circonstances : bien souvent, le plus efficace est de recourir à la traduction ou l’interprétation simultanée – qu’elle soit humaine ou numérique, les derniers progrès en ce domaine permettant de remettre les langues principales à égalité. Rien ne vaut, pour le savoir, que de participer, comme je l’ai fait cent fois à Bruxelles, Strasbourg ou New-York, à une réunion en tout anglais dans laquelle un Japonais répond à un Texan qui répond à un Congolais, qui répond à un Polonais etc. Je garantis que le niveau de compréhension des participants est assez faible…
Dans toutes les missions internationales que j’ai pu exercer, au Quai d’Orsay ou ailleurs, je me suis fixé une règle dont je me suis bien porté : dès que possible recourir à l’interprétation. Ainsi, je travaillais dans ma langue et restais maître de ce que je disais : qui parle dans une autre langue soumet sa pensée à cette autre langue, alors que celui qui travaille dans sa langue soumet sa langue à sa pensée : c’est nettement plus sûr. Et pendant que le traducteur traduit, on a le temps de réfléchir – précaution souvent utile, que Mme Pécresse aurait tort de négliger…
L’idéologie wokiste semble avoir conquis les universités occidentales. Elle étend son pouvoir sur l’école et sur une grande partie des médias, des entreprises et des partis politiques traditionnels. Le moment est-il enfin venu de lancer une grande campagne de reconquête de tout ce terrain perdu ? Pour trouver la réponse, Jeremy Stubbs, notre directeur adjoint de la rédaction, s’est rendu vendredi et samedi à la Sorbonne où le Collège de Philosophie organisait un grand colloque intitulé: «Après la déconstruction: reconstruire les sciences et la culture. » Le colloque était inauguré par le Ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer lui-même, le signe peut-être que le président Macron cherche à prendre ses distances par rapport à l’extrémisme progressiste – à des fins électorales ?
A programme, des universitaires distingués de France et d’ailleurs, comme Pierre-Henri Tavoillot, Pierre Vermeren, Pascal Perrineau, Pierre-André Taguieff, Jean Szlamowicz, Bruno Chaouat, Sami Biasoni, Berhard Rougier, Florence Bergeaud-Blacker, Jean-François Braunstein, Nathalie Heinich, Anne-Marie Le Pourhiet ou Eric Anceau… Mais aussi des intellectuels et des témoins comme Pascal Bruckner, Mathieu Bock-Côté, Pierre Jourde, Helen Pluckrose, Boualem Sansal.
Tous ont une expérience directe de l’idéologie wokiste et de la cancel culture que pratiquent ses zélateurs. Tous sont prêts à combattre les idées destructrices que cette idéologie promeut… Retrouvez notre reportage sur place. Les anti-wokistes doivent relever deux défis immédiats: forger une alliance puissante, un front commun, et briser l’alliance wokiste. À suivre…
La citation de la semaine est la suivante: de qui est-ce, selon vous ? Postez vos réponses en dessous de la vidéo, sur YouTube.
« La pensée est […] une chose admirable et incomparable par sa nature. Il fallait qu’elle eût d’étranges défauts pour être méprisable. Mais elle en a de tels que rien n’est plus ridicule. Qu’elle est grande par sa nature, qu’elle est basse par ses défauts. »
Dimanche soir, Stromae a chanté au 20 heures de TF1. La séquence a fait beaucoup couler d’encre ou tweeter depuis. Oui, pour une simple chanson. Pourquoi?
Revenons sur la séquence. Après sept ans d’absence, le chanteur belge Stromae revient avec un nouvel album : « Multitudes », et en fait la promotion au journal de 20 heures de TF1, présenté par Anne-Claire Coudray. Jusque-là rien de nouveau sous le soleil.
Ces pensées qui font vivre un enfer
Seulement, après un entretien convenu, pour répondre à cette question de la journaliste : « Dans vos chansons, vous parlez beaucoup de solitude, est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ? », Stromae répond en interprétant un extrait de son nouvel album : « L’enfer », comme ça, sans prévenir, même si tout cela était bien évidemment mis en scène et préenregistré.
Cette chanson traite de la grave dépression que le chanteur a traversée, et des idées suicidaires qui l’ont obsédé. Il interprète « L’enfer » tel un troubadour récitant sa plainte, ne lâchant pas la caméra du regard, avec cette intensité distanciée et pudique qui lui est propre. Il raconte son spleen – ses idées suicidaires – avec des mots simples qui ne peuvent que susciter l’émotion, à moins d’être un monstre de froideur : « J’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier, on croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire, ces pensées qui me font vivre un enfer… ».
Et Twitter s’enflamme, ne tarissant pas d’éloges sur cette prestation inattendue, et surtout, je n’en doute pas une seconde, sincère. « Une séquence de télévision déjà mythique. Je ne veux rien savoir, Stromae est un génie » s’enthousiasme un des utilisateurs du réseau social. « Je crois qu’on vient de prendre une claque monumentale. Incroyable moment » écrit un autre. Je partage totalement cet enthousiasme, même si quand certains déclarent que « c’est du jamais vu à la télévision », ils oublient de mentionner cet autre moment mythique que seuls les plus de vingt ans peuvent connaître : l’intervention de Daniel Balavoine au journal de 13 heures d’Antenne 2, le 19 mars 1980, devant un François Mitterrand médusé et pas encore président. L’interprète de “Tous les cris les S.O.S” déversait alors une colère non feinte face à la corruption de certains élus (entre autres Gaston Defferre) et le désarroi de la jeunesse. En 1980, lorsque les réseaux sociaux n’existaient pas, que la société du spectacle n’était pas encore totalement accomplie, la télévision pouvait encore offrir quelques moments de grâce et de vérité, et il me semble que c’est précisément ce qui s’est passé dimanche soir sur TF1.
Les pisse-froid de l’Obs
Cependant, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Un article de L’Obs: « Pourquoi la prestation de Stromae sur TF1 était franchement embarrassante », notamment, m’a fait sortir de mes gonds. Il s’agit d’une diarrhée verbale et de mauvaise foi, où les auteurs déversent des poncifs sur les frontières nécessaires entre promotion artistique et déontologie journalistique, sans oublier la tarte à la crème de la société du spectacle, en citant bien sûr Guy Debord. En cela, les journalistes de l’hebdo de gauche découvrent l’eau chaude, car tout est évidemment spectacle dans notre société. Spectacle, dont l’étymologie est spectare : regarder. S’il est bien sûr nécessaire et même vital de poser parfois un regard lucide ou critique sur le spectacle permanent qu’est devenue la politique, la marchandisation des corps et même des émotions, néanmoins, rien n’est simple et l’exception fait parfois la règle. Dimanche soir, en défiant la caméra de son regard clair, Stromae a rendu au spectacle ses lettres de noblesse et est parvenu à faire communier son public dans l’émotion, la vraie, celle qui fédère et suspend le temps…
Le plus sidérant dans l’article de L’Obs est encore à venir:cette séquence alimenterait chez certains le populisme et… le complotisme. Les scribouillards semblent manifestement confondre populisme et élan du cœur, populisme et catharsis populaire. Quant au complotisme… nous nageons là en pleine absurdité, mais le plus vraisemblable est que nos confrères ont simplement cherché à faire les intéressants.
Comme tout arrive dans la vie, c’est Sonia Devillers, la journaliste qui anime « L’instant M » tous les matins sur France Inter, qui, à mon sens, a le mieux analysé cette séquence. Après avoir également relevé la grâce et l’authenticité de ce moment de télé, elle a eu surtout ces quelques mots terriblement justes : « C’est redonner à la maladie mentale sa dignité. » Les commentateurs ont-ils oublié que Stromae se met à nu en évoquant ses envies de suicide ?
Hidalgo aura beau ratatiner la grandeur de Paris, les bobos gentrifier ses quartiers populaires et les idiots utiles défendre la trottinette, les Parigots resteront des têtes de veaux.
Avant, j’étais un Français périphérique. Je vivais tranquille là où finit la banlieue et où commence la campagne. Et puis ma femme, qui ne survivrait pas plus d’un week-end loin de Paname, a acheté un trois pièces de 45 m2 sans ascenseur dans le 14e arrondissement de Paris pour le prix d’un château en Bretagne.
Au rez-de-chaussée de l’immeuble, il y a un boucher installé depuis les années 1970 avec sa femme et deux garçons bouchers sortis d’un film en noir et blanc de Truffaut. Il tient le dernier commerce « vieille France » de la rue. La plupart des boutiques ont été remplacées et pratiquement tous les commerçants. Un café est devenu kebab, un autre restaurant thaïlandais, un troisième est resté café, repris par des Chinois en gardant ses piliers de bar marocains, un coiffeur pour hommes a cédé la place à un « barber shop » pour métrosexuels, le marchand de presse est asiatique et le primeur arabe. Au milieu de cette diversité, deux agences immobilières restent françaises et prospèrent sur la gentrification, comme le boucher.
Depuis quelques mois, une association de riverains, les hypervoisins, se charge de changer la vie d’habitants qui n’ont rien demandé avec la complicité de la mairie hidalgo-socialiste. L’ambition affichée est de mettre l’urbain à hauteur d’enfants. Le risque est de mettre la ville à hauteur de clodos et de vendeurs de shit nomades, et les sédentaires redoutent avec l’arrivée du printemps, celle des dealeurs et des braillards sous leurs fenêtres. Les adultes zigzaguent en rentrant du travail dans des rues à sens unique et sans places pour leurs voitures, remplacées par des emplacements pour trottinettes, des boîtes à compost et des containers multicolores pour déchets triés.
Les habitants qui ont fui la surveillance de leurs voisins en province pour la paix de l’anonymat parisien et qui boudent les banquets citoyens regardent les hypervoisins financer du lien social subventionné avec leurs impôts, et découvrent que l’urbanisme est un isme du 21ème siècle qui entend changer la vie pour leur bien.
Le boucher, dernier Gaulois réfractaire, dernier des Mohicans, regarde sa ville devenir un village mondial écolo pour bourgeois débraillés et mal rasés. Les affaires marchent mais la clientèle n’a pas l’air de lui plaire. Sa viande est tendre mais il a un caractère de cochon. Je l’avais remarqué. Depuis notre arrivée dans le quartier, quand on se croise, il ne dit pas bonjour. Il doit me mettre dans le même sac que le bobo qui féminise son quartier après avoir chassé le petit peuple prolo de Paris en faisant grimper le prix de l’immobilier pour faire de la capitale un tiers-monde à 10 000 euros le m2.
Au début, je lui ai dit bonjour. Une fois mais pas deux. Il ne m’avait pas répondu. J’aurais pu l’affranchir : « Hé ducon, y a gourance. Je ne bosse pas dans le tertiaire, je roule au diesel, je fume des clopes et je vote FN ! », mais j’ai préféré la fermer. Je n’ai pas de comptes à rendre à ce mal-élevé. À présent moi aussi, je le croise sans dire un mot, même pas bonjour, bonsoir. Moi aussi, je lui fais la gueule. Moi aussi je deviens parisien.
Le langage est violent ! La science est sexiste ! Le sexe biologique n’existe pas ! Seuls les blancs peuvent être racistes ! Vous avez forcément entendu un de ces lieux communs woke dans la bouche d’un ami progressiste, d’un homme politique français d’extrême gauche ou d’un journaliste de Radio France. Dans Le triomphe des impostures intellectuelles, les chercheurs Helen Pluckrose et James Lindsay nous expliquent comment de telles âneries sont peu à peu devenues crédibles, et comment répliquer à tous ces déconstructeurs.
Dans leur essai, Le triomphe des impostures intellectuelles, les chercheurs Helen Pluckrose et James Lindsay analysent “comment les théories sur l’identité, le genre, la race gangrènent l’université et nuisent à la société”.
Rois du canular
Rappelons d’abord que Helen Pluckrose et James Lindsay participèrent il y a trois ans à un formidable canular qui fit grand bruit : imitant la “réflexion” et le sabir universitaires des promoteurs des théories sur le genre, la race, le féminisme, etc., nos chercheurs envoyèrent à des revues de référence des articles bidonnés et délirants qui reçurent pourtant les compliments des comités de lecture desdites revues. La revue Gender, Place and Culture plaça parmi ses 12 meilleures publications celle de nos facétieux chercheurs sur la « culture du viol canine » qu’ils avaient, disaient-ils, pu analyser dans les parcs à chiens de Portland en inspectant les parties génitales de 10 000 chiens tout en interrogeant leurs propriétaires sur leur sexualité. Dans un autre article intitulé « Passer par la porte de derrière : défier l’homo-hystérie masculine et la transphobie à travers l’usage de sex-toys pénétratifs », H. Plukrose et ses acolytes préconisaient d’encourager l’auto-pénétration des hommes par voie anale avec des sex-toys pour vaincre l’homophobie et la transphobie. Un universitaire de la revue Sexuality and Culture qualifia cet article de « contribution incroyablement riche et excitante à l’étude de la sexualité et de la culture ». Démonstration par l’absurde de la vacuité de certaines théories fumeuses parfaitement réussie.
Beaucoup plus sérieusement, Plukrose et Lindsay s’attaquent dans leur essai aux mêmes impostures intellectuelles constituant pour l’essentiel ce qu’on appelle aujourd’hui le wokisme. Issus de la Théorie postmoderne des années 60 qui trouvait ses racines dans les travaux des penseurs de la « French Theory » (Foucault, Derrida, Lyotard, entre autres), les principes qui président ce mouvement sont, premièrement, un scepticisme radical quant à la possibilité d’accéder à une vérité objective et, deuxièmement, la croyance que toute la société est exclusivement organisée autour de rapports de domination et d’oppression.
Comment identifier une idée woke
Les auteurs décrivent les quatre thèmes essentiels de cette Théorie postmoderne :
1) Le brouillage des frontières (objectif/subjectif, vérité/croyance, humain/animal, sexe/genre, etc. Les notions d’ambiguïté, de fluidité et de « trouble » en découlent, en particulier dans les théories post-coloniale et queer).
2) Le pouvoir du langage (qui mènera des années plus tard à l’écriture inclusive ou au pronom « iel », à une novlangue universitaire obscure, à celle du politiquement correct, à de nouveaux syntagmes comme « racisé », « privilège blanc », « hétérocentrisme », etc.)
3) Le relativisme culturel (réévaluation constante des productions artistiques ou intellectuelles anciennes ou récentes à l’aune de ces seules théories).
4) L’abandon de l’individu et de l’universel (pour ne se préoccuper que des « petits groupes » ou minorités considérées comme seuls vecteurs de valeurs et de connaissances).
On aura aisément reconnu certains traits caractérisant les mouvements déconstructionnistes actuels.
S’ils ne dédouanent pas totalement la Théorie postmoderne des années 60/70, les auteurs considèrent qu’elle relevait plus d’un jeu intellectuel que d’un un acte militant : « Les premiers Théoriciens (postmodernes) n’avaient grosso modo aucun but et se servaient de l’ironie et du ludisme pour renverser les hiérarchies et perturber ce qu’ils considéraient comme des structures injustes de pouvoir et de savoir. » Ils semblent toutefois minorer l’enracinement spécifiquement américain de ce mouvement aboutissant à ce qu’Allan Bloom [1] appelle le principe « d’ouverture » (à tout, à tous, à n’importe quoi qui s’oppose au savoir ou qui « libère de l’autorité » jusqu’au moment où « l’ouverture consistait à “faire son porte truc” »), principe élevé comme valeur suprême aux sein de la démocratie américaine et évacuant toute idée de traditions et de transmission, préparant ainsi le terrain au “déconstructionnisme”. Les penseurs de la French Theory ont trouvé aux États-Unis le lieu idéal pour l’application étendue à la société entière de ce que Bloom constate dès les années 60 dans l’université, à savoir des enseignants n’exigeant plus rien de leurs étudiants, le « développement personnel » se substituant au savoir universitaire, et les récriminations des minorités victimaires remplaçant tous les apprentissages nécessaires à une véritable instruction. De plus, Bloom note que s’il ne peut plus y avoir de religion (Nietzsche), l’impulsion religieuse demeure : « Plus de religion, donc, mais de la religiosité. » Et, de fait, certains campus universitaires ressemblent de plus en plus à une concentration de sectes religieuses intransigeantes, agressives, puristes et punitives.
Vérités péremptoires et pseudo-scientifiques
Au contraire de ce que prétendent certains, le phénomène wokiste qui découle directement de la Théorie postmoderne n’est ni inexistant, ni anodin. On le retrouve aujourd’hui dans tous les endroits stratégiques, l’université en premier lieu. Dans ce fourre-tout appelé “Justice sociale”, les théoriciens woke établissent des “vérités” péremptoires et pseudo-scientifiques sur le « privilège blanc », le « racisme systémique », la « culture du viol », etc., rendant ainsi la déconstruction du monde occidental non seulement souhaitable mais, selon eux, absolument nécessaire à l’émancipation de tous les « opprimés ». Le wokisme est en réalité un appareil révolutionnaire qui permet à des minorités de tyranniser et de s’imposer dans les lieux de pouvoir et de savoir : « Il faut avoir un peu de cran pour s’opposer à une idéologie aussi puissante. » Les réactions outrées de certains de nos universitaires ou journalistes face à la dénonciation des dérives wokistes sont là pour en témoigner. L’idéologie wokiste, abstraite et totalitaire, ne parvient pas « à d’autres conclusions que les affirmations simplistes voulant que les hommes blancs hétérosexuels soient injustement privilégiés, qu’ils doivent se repentir et finalement laisser la place aux autres. »
Le wokisme se répand dans toute la société : de plus en plus prégnant dans le monde de l’éducation ou celui de la culture, il a fait son apparition dans des entreprises organisant des stages « pour la diversité » ou contre l’homophobie ; au moment de quitter le Parti des Indigènes de la République Houria Bouteldja a pu dire sa satisfaction de voir les thèses décolonialistes s’imposer « dans toutes les universités et les milieux antiracistes » ; les GAFAM et l’industrie du cinéma (Netflix en tête) sont noyautés par le wokisme. Les représentants de l’extrême-gauche ont historiquement été les idiots utiles de la plupart des totalitarismes, ils ne pouvaient pas rater celui-là. Jean-Luc Mélenchon vient de déclarer qu’il voulait que la « liberté de genre » soit inscrite dans la Constitution: « Si c’est votre intime conviction, que vous êtes une femme ou un homme, vous avez le droit de l’affirmer contre la réalité des apparences et de votre corps. Et la société, la seule chose qu’elle peut espérer, c’est que vous soyez bien dans votre peau, dans votre rôle, dans votre genre. » Avis à tous ceux qui se prennent, contre la réalité des apparences et de leurs corps, pour une tortue, une scie sauteuse ou une carotte : Monsieur Mélenchon est prêt à leur donner entière et constitutionnelle satisfaction, car la société, la seule chose qu’elle peut espérer, c’est que vous soyez bien dans votre peau (de tortue, de scie sauteuse ou de carotte).
Ridiculiser le wokisme avec ses propres armes
Wokisme rime souvent avec délire, écrivent en substance Plukrose et Lindsay. Exemple (qui aurait pu être un de leurs canulars et qui n’en est pas un) : Dan Goodley, professeur travaillant sur le « validisme », demande aux handicapés de ne pas chercher à se rapprocher des normes « valides » (en refusant les traitements ou les prothèses, par exemple) afin de… subvertir les normes sociales et d’échapper à « l’autonomie, l’indépendance et la rationalité [qui] sont des qualités souhaitées par le système néolibéral validiste ».
Comme Helen Pluckrose et James Lindsay, n’hésitons pas à recourir parfois à la plaisanterie : Jean-Luc Mélenchon transformé en spécialiste du genre, Rama Yade se sentant “micro-agressée” par la statue de Colbert ou Sandrine Rousseau déconstruisant son mari et ses privilèges de bourgeoise blanche, avouons quand même qu’il y a de quoi se marrer. Cet essai passionnant permet de combattre le wokisme, soit en l’abordant de front avec de solides raisonnements, soit en le ridiculisant avec ses propres armes car « la moquerie est quelquefois plus propre à faire revenir les hommes de leurs égarements, et elle est alors une action de justice » [2] ; même si, les “éveillés” ne supportant aucune contradiction et toute moquerie leur étant une « offense », il sera difficile de les ramener sur le chemin de la raison : « Il y a des personnes si peu raisonnables, qu’on n’en peut avoir de satisfaction, de quelque manière qu’on agisse avec eux, soit qu’on rie, soit qu’on se mette en colère » [2]. Qu’importe, il nous faut continuer de dénoncer le totalitarisme woke de toutes les façons possibles.
[1] Allan Bloom, L’âme désarmée, essai sur le déclin de la culture générale, Les Belles Lettres.
Stratégie de campagne ou véritable pluralisme? En s’engageant en politique auprès du FF+, un parti de droite afrikaner, le sud-africain Godfrey Skosana suscite bien des accusations à son égard. Ce dernier dit ne pas chercher particulièrement la sympathie des Blancs, mais souhaite en réalité simplement « améliorer les conditions de vie » de ses concitoyens.
En France, on connaît bien Tanguy David, l’étudiant en droit qui a fait l’objet d’une campagne d’insultes racistes de la part de gauchistes qui n’acceptent pas qu’un Noir puisse soutenir un candidat politique de droite comme Zemmour. On peine à imaginer leur réaction au cas de Godfrey Skosana, un Sud-Africain noir de 29 ans qui, aux élections municipales de novembre 2021, a fait campagne dans le Limpopo pour le Front de la liberté plus (FF+), un parti de droite afrikaner, fondé en 1994, qui à ses débuts réclamait la création d’une province autonome à majorité blanche. Aujourd’hui, il cherche plutôt à défendre les intérêts de la minorité blanche, surtout des pauvres.
Faisant fi des attaques, tee-shirt aux couleurs du parti, Skosana explique très naturellement que le Congrès national africain (ANC), le parti qui domine la vie politique depuis 1994, a failli à sa tâche et qu’il n’a vu aucun changement depuis la fin de l’apartheid.
« Les gens d’autres partis politiques disent que je suis utilisé par les Afrikaners. Ils disent que les Blancs ne nous aiment pas. Je ne cherche pas à être aimé par les Blancs. Je cherche juste à améliorer les conditions de vie de mes concitoyens », affirme-t-il. Pour lui, le FF+ est plus apte que les autres partis à venir au secours des pauvres de sa région où les routes sont encore inexistantes et où, dans une communauté comme la sienne il existe un seul robinet d’eau. Si finalement Skosana n’a pas été élu, sa candidature est loin d’être anodine. « Le FF+ est en pleine croissance. Mais ses dirigeants savent que cela peut stagner en raison du nombre limité de votes afrikaners et que s’ils veulent élargir leur base de soutien, ils doivent inclure des personnes d’autres races », avance Melanie Verwoerd. Selon cette politologue, une telle approche pourrait contribuer à abolir les barrières raciales qui perdurent en Afrique du Sud.
Nous vivons, avec le règne du bien nommé coronavirus et consorts, une période historique ; non pas au sens où l’entendent les aimables prophètes du “monde d’après” ; mais en ce qu’elle constituera sans doute un cas d’école pour les générations futures, non seulement en matière d’épidémiologie, mais aussi en matière de politique et de psychologie sociale.
Catastrophisme, instrumentalisation de la peur, fascination morbide, palinodies, mesures radicales et inouïes, et parfois grotesques, serments solennels reniés sans la moindre vergogne : les errements de la politique sanitaire sont si nombreux que leur inventaire complet, tâche herculéenne, étourdit d’avance. Tout cela, il faut pourtant en convenir, pour une maladie qui aura causé en définitive un peu plus de morts que la grippe saisonnière classique, et encore, abstraction faite de l’évolution de la pyramide des âges et de la propension manifestement excessive, mais financièrement encouragée, à étiqueter “Covid” tout décès survenu avec un test positif en guise de décoration. Mais nous n’en avons pas encore fini, et la saison prochaine a l’air tout aussi alléchante.
Prenons au hasard Eric Ciotti, qui pour la nouvelle année embrasse la croix avant de voter le passe vaccinal : “je crois à la science et aux vaccins !” clame-t-il, la main sur le cœur. Comme dit l’oncle Fernand, les histoires de famille et les croyances, ça force le respect. Aussi, que Les Républicains votent comme un seul homme l’ultime mesure macronienne, ça ne se discute même pas. C’est tout naturel. Mais que des responsables politiques ignorent à ce point l’histoire des sciences qu’ils n’aient jamais entendu parler, par exemple, du critère de réfutabilité, voilà qui surprend quand même un peu. La science n’est tout de même pas la vérité révélée. Même, elle répugne à être crue sur parole ; elle se démontre et veut qu’on la critique, c’est son allure naturelle ; elle veut soumettre ses conjectures à l’expérience qui pourra les corroborer, les corriger ou les réfuter. La science n’est pas tout unie, achevée et parfaite pour l’éternité. Elle a une histoire, qui est celle de ses découvertes et de ses controverses, parfois violentes, de ses erreurs et même de ses fraudes. Depuis deux années de coronavirus, nous sommes d’ailleurs aux premières loges pour assister au spectacle : épidémiologistes, virologues, urgentistes, psychologues – et même, bien qu’on se demande un peu ce qu’ils font là, urologues et neurologues – s’écharpent assez vigoureusement. Les uns traitent les autres de charlatans, d’incompétents, de crétins, et on se traîne devant le conseil de l’ordre. Quelques naïfs ont d’ailleurs marqué leur surprise : comment, tous ces messieurs de la Faculté ne sont donc pas d’accord entre eux ?
L’exécutif emploie des méthodes fourbes plutôt que d’imposer la vaccination obligatoire
Dans un pays qui a rendu l’école obligatoire jusqu’à seize ans, on mesure à quel point l’Éducation Nationale a failli à sa tâche : au lieu d’aiguiser le sens critique, elle semble au contraire avoir annihilé parfois tout bon sens. Mais tout n’est pas perdu : Le Malade imaginaire est au programme du baccalauréat depuis 2020 (les littéraires sont restés taquins).
Accusées d’être des égoïstes, des complotistes, des imbéciles sous-diplômés, des assassins même, les personnes non vaccinées sont maintenant désignées par le doigt présidentiel comme indignes du statut de citoyen…
Bref, croire à la science, c’est bien beau, mais laquelle ? Celle qui a le plus d’argent ? De même pour les vaccins : certains ont fait leurs preuves, c’est parfaitement entendu ; mais une question demeure : quels vaccins ? et pour qui ? Dans certains pays aussi arriérés que l’Angleterre, pas un seul vaccin n’est obligatoire. Il paraît que c’est contraire à leur constitution. Mais nous, Français, qui vivons sous le régime de onze vaccins obigatoires avant l’âge de deux ans, nous savons bien qu’il est absolument impossible d’exister en ce monde sans un carnet de vaccination dûment tamponné. Et nous serons donc sans doute les plus acharnés à trépigner pour en obtenir un douzième. Las, le gouvernement, allez savoir pourquoi, récalcitre. Plutôt que d’édicter une obligation en bonne et due forme, il a préféré des moyens plus fourbes.
C’est peut-être qu’il n’ignore pas que des dizaines de scandales sanitaires ont émaillé le dernier siècle – en vrac et parmi les plus célèbres : distilbène, chlordécone, hormone de croissance, dépakine, isoméride, médiator, opioïdes (la liste n’est pas close) ; et s’il a fallu souvent plusieurs décades pour faire reconnaître la dangerosité de ces traitements et les retirer du marché, ou dûment réduire leur indication, la justice est finalement passée. Le gouvernement sait aussi que les plus grands laboratoires ont déjà été condamnés à de multiples reprises, à des sommes qui dépassent l’entendement du commun des mortels, pour publicité mensongère, corruption, fraude. Aussi croit-il peut-être un peu moins dans la science qu’Eric Ciotti, et considère-t-il que toutes les responsabilités ne sont pas bonnes à prendre.
En même temps, la vaccination intégrale de la population reste un totem. On a beau constater que la vaccination contre le coronavirus ne modifie pas la dynamique de l’épidémie, n’empêche pas de contracter le virus, ni de tomber malade, ni de contaminer les autres ; on a beau savoir que l’écrasante majorité des victimes de cette maladie sont des personnes âgées et malades, ou obèses, ou diabétiques, et non Monsieur Tout-le-monde ; on a beau observer que le dernier variant en date fait fort peu de victimes : le gouvernement s’obstine. Nul ne doit échapper à la vaccination ! Et les malheureux qui ne cèdent pas aux sirènes du vaccin, il s’agit de leur “rendre la vie impossible”, de les “emmerder jusqu’au bout” pour citer Macron dans le texte, en les bannissant de toute vie sociale, en leur interdisant même de produire un test négatif. Le gouvernement tient sans doute à ce que les personnes vaccinées se contaminent exclusivement entre elles.
Fabrication d’un bouc émissaire
En tout cas, il ne ménage pas sa peine et chaque jour apporte son lot de vindicte publique déversée sur la tête des odieux individus “enkystés” dans leur “délire”. Pourtant la directrice de l’ANSM, Christelle Ratignier Carbonneil, est venue témoigner devant le sénat, le 1er décembre dernier, que le nombre de déclarations d’effets secondaires sur les seuls vaccins contre le coronavirus s’élève à 110 000 à la mi-novembre, contre 45 000 sur la même période pour tous les autres médicaments confondus. Laurent Mucchielli avait déjà alerté sur ce point il y a quelques mois en épluchant, de son côté, les données américaines – dans un article aussitôt censuré par Mediapart. Ceux qui ne font pas partie des personnes fragiles particulièrement menacées par le coronavirus semblent donc, après tout, avoir quelques raisons de s’interroger au sujet de la balance entre risque et bénéfice. Ils ne sont pas plus délirants et enkystés qu’Olivier Véran avec le port du masque en extérieur et la vaccination intégrale pour unique horizon. Ils n’ont simplement pas tout à fait la même appréciation que lui de leur cas personnel.
Quoi qu’il en soit, notre gouvernement n’est jamais à court d’idées. Puisque les faits ont démenti l’argument de la vaccination altruiste, puisque la promesse d’un retour à une “vie normale” n’a pas suffi à séduire tout le monde (on appréciera le fait que présenter un passeport pour aller boire un café, prendre le train ou se rendre au cinéma puisse être qualifié de “vie normale »), on invoque désormais l’engorgement des hôpitaux. En effet, et c’est heureux, l’échec du vaccin n’est pas total : il s’avère qu’il réduit, quand même, le nombre de formes graves de la maladie. On peut donc accuser les personnes non vaccinées d’être surreprésentées parmi les malades gravement atteints. Reste que les institutions les plus dignes de foi ont révélé qu’en 2020, alors que nul n’était vacciné et que le coronavirus et ses avatars étaient nettement plus vigoureux qu’aujourd’hui, cette maladie n’avait représenté en réalité que 2% de l’activité hospitalière. Comment, dans ces conditions, croire qu’aujourd’hui les malades parmi les 10% de personnes non vaccinées seraient, à eux seuls, responsables d’une insupportable surcharge ? Quelque chose coince dans cette machine arithmétique.
En outre, si vraiment on était prêt à tout pour éviter que les services de réanimation ne soient débordés, on aurait renforcé les capacités hospitalières, et encouragé la prescription de traitements précoces : si ce ne sont pas des panacées, ils devraient néanmoins pouvoir rendre quelques menus services et réduire tant soit peu, eux aussi, le développement de formes graves de la maladie. Ne serait-ce qu’en comptant sur le fameux effet placebo, qui n’a rien de négligeable (bien des médicaments n’ont qu’un rendement à peine supérieur), cela vaudrait la peine d’essayer. Mais non, au bout de deux ans, et c’est à peine croyable, on continue à renvoyer les malades chez eux avec une boîte de paracétamol. La prescription d’azithromycine, couramment utilisée depuis des années dans le traitement des infections pulmonaires et qui faisait partie de divers protocoles de traitement précoce du coronavirus, est même tombée elle aussi, le 14 décembre dernier, sous le coup de restrictions draconiennes. Surtout, ne rien tenter d’autre qu’une vaccination, quand bien même elle s’avère peu efficace. C’est un mantra comme un autre.
Tout de même, depuis deux ans, la raison peine toujours davantage à se satisfaire de la politique sanitaire voulue par Emmanuel Macron. Pire : depuis plusieurs mois elle assiste, médusée, à la fabrication d’un bouc émissaire, contre lequel les mots sont toujours plus violents. Accusées d’être des égoïstes, des complotistes, des imbéciles sous-diplômés, des assassins même, les personnes non vaccinées sont maintenant désignées par le doigt présidentiel comme indignes du statut de citoyen. L’idée est violente ! bien plus violente que le verbe fleuri que tout le monde répète d’un air bégueule. Et le résultat de tous ces beaux discours est intéressant : on entend des grands patrons jurer qu’ils sont tout prêts à interdire leurs avions, leurs entreprises, et même l’accès à leurs supermarchés à la vermine non vaccinée. Bientôt des ghettos peut-être ? Une famine organisée ? On entend des médecins, dans les médias et les couloirs des hôpitaux, dire haut et fort que ces crétins ne devraient pas être remboursés des soins qu’on leur prodigue (bien qu’ils aient cotisé pour cela toute leur vie), voire qu’ils méritent d’être abandonnés à leur triste sort s’ils tombent malades, parce qu’ils prennent, salauds de malades ! la place d’un autre. Bref, en marche ou crève !
Mais si l’on suit ce genre de raisonnement, on devrait aussi renvoyer à leurs pénates les fumeurs atteints d’un cancer du poumon, les buveurs invétérés dont le foie enfle en cirrhose, les femmes qui toute leur vie ont avalé la pilule et sont frappées d’un cancer du sein, les sportifs blessés ou accidentés, ces grandes buses, sans oublier les vaccinés victimes d’effets secondaires, qui l’ont bien cherché, eux aussi. Tous ces gens ne font qu’encombrer les hôpitaux. Ah ! ces bons docteurs ! quel sacerdoce que de soigner des gens qu’on méprise ! Est-ce seulement possible ? Nul doute que si leurs malades étaient plus dignes de leur estime, ils les guériraient bien mieux !
À la vérité, depuis deux ans, la raison a beaucoup souffert, et le cœur aussi, car nous n’oublions pas les vieillards emprisonnés pendant des mois dans leur chambre, et les petits enfants privés de visage à l’école. Mais notre étonnement n’en finit pas de grandir, lorsqu’on voit un gouvernement français se risquer ainsi à la fabrication d’un bouc émissaire, et sans honte attiser les passions mauvaises de certains individus tout prêts à mordre s’ils sentent que leur maître les y encourage. On sait ce qu’il en est, on l’a lu dans les livres d’histoire. Mais observer le phénomène de ses yeux, c’est autre chose : on a presque davantage encore de mal à y croire ; on en reste surpris. Ce ne sont plus de lointains inconnus d’époques reculées, d’étranges et vagues silhouettes appartenant un passé heureusement révolu, c’est votre président, votre ministre de la Santé, votre voisin, votre médecin, votre belle-mère qui du jour au lendemain, sûrs de leur bon droit, se transforment en personnages implacables et grimaçants. On peut toujours appeler cela une société de vigilance : le mot est très joli, mais ce qu’on nous concocte est une société policière où chacun peut contrôler tout le monde et où il devient du meilleur ton de cracher son mépris le plus violent contre… contre qui, au fait ?
Qui sont ces fameux récalcitrants qu’on voue aux gémonies ? Eh bien, pour en avoir rencontré quelques-uns, figurez-vous de simples honnêtes gens, qui travaillent, qui élèvent leurs enfants de leur mieux, qui n’ont généralement jamais enfreint la loi ; des hommes et des femmes qui paient leurs impôts, qui n’ont jamais fait de mal à personne, et qui s’octroient simplement, privilège insensé, la liberté de penser et même de douter, dans une certaine mesure, de la pertinence des recommandations sanitaires d’un gouvernement qui n’a démontré ni sa lucidité, ni son efficacité, ni son honnêteté en la matière. Ce sont ces gens qu’on vilipende et qu’on relègue, qu’on isole ; et ce n’est pas rien, quand on sait que l’isolement est l’une des toutes premières causes de dépression et de suicide. Ce sont eux qui, pour certains, se voient interdits d’exercer le métier auquel ils ont consacré leur vie et leurs efforts, eux qu’on prive de leurs revenus. C’est contre ces gens-là que le gouvernement concentre toutes ses forces, sans s’aviser qu’il rend également la vie pénible à tous ceux qui, vaccinés, ne goûtent guère la société de vigilance, et pensent comme Montesquieu : c’est une ennuyeuse maladie que de conserver sa santé par un trop grand régime.
D’ailleurs, personne ne semble s’aviser que ces braves gens qui n’ont pas cru bon de recevoir l’onction vaccinale rendent service à la science, et à toute la société. Ne faut-il pas, dans toute expérimentation, constituer un groupe témoin ? Si l’on veut mesurer, selon une procédure réellement scientifique, les effets bénéfiques ou nocifs de ces nouveaux vaccins à court et à long terme, les 10% de non-vaccinés ne sont-ils pas absolument indispensables ?
Lors de ses vœux, le ministre de l’Économie et des Finances a reproché aux industriels français d’avoir délocalisé massivement sans justification. Loik Le Floch-Prigent et Sophie de Menthon lui répondent
Selon les propos tenus par Bruno Le Maire, si l’industrie de notre pays va mal, c’est de la faute des industriels français qui ont délocalisé plus que les autres et par seul appât du gain. À l’entendre, nos industriels seraient uniquement à la recherche de l’argent facile. Accusation injuste qui refuse le constat et le diagnostic du contexte général en se contentant de désigner des boucs émissaires épargnant les responsabilités gouvernementales. Or, si l’industrie de notre pays a dû fuir pour rechercher ailleurs ce qu’elle ne trouvait plus chez nous, c’est principalement pour échapper aux conditions impossibles d’une rentabilité satisfaisante.
Manque de compétitivité systémique
Bien sûr, une entreprise doit gagner de l’argent et le profit n’est pas un gros mot, mais, surtout, il faut qu’elle soit à minima rentable, ne serait-ce que pour poursuivre les investissements de modernisation indispensables à la poursuite de son activité. L’écosystème français ne permettait déjà pas il y a 10 ans de construire des machines, de poursuivre certaines activités textiles, chimiques, métallurgiques, médicales, pharmaceutiques, automobiles… Les entreprises contrôlées par l’Etat comme Renault, ont été parmi les premières à délocaliser la production de véhicules ! d’abord en prétextant le rapprochement des marchés c’est-à-dire des acheteurs, et ensuite… en rapatriant les produits finis comme le modèle de la « Sandero », première vente sur le marché français. Si l’industrie française s’est délocalisée aussi vite c’est qu’elle n’est plus compétitive depuis longtemps, et c’est l’État qui a créé ce manque de compétitivité et lui seul, en mettant le secteur industriel systématiquement en difficulté par rapport à la concurrence : imposition plus importante (impôts de production), 35 heures, RTT, droit du travail ou droit de l’environnement toujours plus restrictifs que ceux défini par nos voisins etc.
Encore plus que les autres secteurs, l’industrie souffre de la complexité d’administrations tatillonnes, sans contre-pouvoirs, bureaucratiques et on peut même dire malveillantes à l’égard des usines. Les DREALS (directions régionales et interdépartementales de l’environnement, de l’aménagement et des transports, rien que le titre…) ne souhaitent pas en fait que les usines et l’industrie française demeurent dans l’hexagone ; elles rendent très difficiles, voire impossibles, les implantations sur de nouveaux sites. Par ailleurs, on n’aime jamais avoir une usine près de chez soi…
Pour les Français, l’industrie c’est Zola!
Il est moins cher et plus rapide aujourd’hui de s’implanter en Allemagne, en Italie ou en Espagne où nos entreprises sont bien accueillies et où on leur facilite la tâche, alors qu’en France on les voit comme des délinquants en puissance et on leur met des bâtons dans les roues à tous les étages du mille-feuille administratif. N’oublions pas non plus le mépris dont ont souffert nos ouvriers, les syndicats eux-mêmes estimant que l’usine était le lieu d’une exploitation humaine inadmissible. En France l’industrie c’était Zola : il fut un temps où le travail à la chaîne était ce qui existait de pire, et nous avons gardé Germinal dans notre inconscient collectif national ! Nous avons laissé fuir au Maroc ou en Tunisie les nouvelles industries du service comme les centres d’appels, que l’on qualifiait avec mépris d’usines de communication, d’esclavagisme des temps modernes… uniquement parce qu’il fallait des rendements. Rassurons-nous, ils sont tous partis ! On estime à 1 million le nombre d’emplois ainsi perdus !
Aujourd’hui « Relocalisons l’industrie ! » clament tous les candidats à l’élection présidentielle, sans du tout savoir comment. Pas un, pour dire que l’État doit balayer devant sa porte et permettre grâce à des réformes fondamentales rapides, de rétablir la situation de compétitivité qui a été la nôtre lorsque nous avions une balance commerciale positive. Le secteur de l’industrie française ne mendie pas, il n’a pas besoin de subventions compensatrices, il peut et doit simplement pouvoir fonctionner dans des conditions analogues à celles de ses concurrents européens, sans parler des autres ! Ce qui n’est plus le cas depuis une vingtaine d’années et qui explique que depuis 2003 la balance commerciale soit en déficit croissant.
Tous les mouvements patronaux et industriels, dont ETHIC, travaillent sur cette question : que faudrait-il ? combien de temps pour relocaliser ? à quelles conditions ? Et la formation ? et les compétences humaines ? et les conditions environnementales ? Mais ces travaux n’intéressent personne dans l’univers politique : trop concrets, avec des solutions que l’on ne veut ni voir ni examiner… quant au passage à l’acte, n’en parlons pas. Alors, monsieur le ministre, il faut que vos équipes mettent les mains dans le cambouis avec nos entreprises industrielles pour les écouter en leur faisant confiance !
Ce lundi, Éric Zemmour présentait ses vœux à la presse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la profession en a pris pour son grade ! Mais pour Élisabeth Lévy, les critiques émises par le candidat/reconquistador sont tout à fait légitimes.
Le Monde a jugé le discours « grinçant » et « presque insultant ». Le Parisien parle de vœux « plus aigres que doux ». Au moins, on ne s’est pas ennuyé. Avouons pour notre part que nous avons un peu ri ! En lieu et place des platitudes habituelles sur les journalistes garants de la démocratie, Éric Zemmour a vertement critiqué une profession qui a plus l’habitude de donner des leçons que d’en recevoir.
Éric Zemmour a d’abord rappelé qu’il y a peu, il était encore l’un des nôtres. Mais, il a aussitôt ajouté qu’il était différent des autres journalistes pour trois raisons. Un, il était un journaliste de droite alors qu’à 99 % les journalistes sont de gauche. Deux, il parlait le français alors que les journalistes parlent le politiquement correct. Et de trois, il était un journaliste populaire, controversé certes, mais applaudi. « Le peuple vous en veut et malheureusement il a raison de vous en vouloir. Le peuple est en colère. Il dit énormément de mal de vous dans votre dos !« , a-t-il lancé.
Zemmour n’exagère-t-il pas un peu ?
Il force peut-être un peu le trait, il fait un amalgame en parlant des journalistes comme s’il s’agissait d’un ensemble unique. Mais il fait mouche. Si les journalistes sont presque aussi impopulaires que les huissiers, c’est parce qu’ils prêchent plus qu’ils n’informent. Ils veulent rééduquer le peuple qui pense mal, et réclament que l’on fasse taire ceux qui leur déplaisent à commencer par… Eric Zemmour.
Il se trompe cependant quand il explique le conformisme de la profession par les pressions. Les journalistes sont moins soumis au pouvoir qu’à l’idéologie dominante. Ce sont bien des journalistes qui choisissent tous seuls d’abdiquer de tout esprit critique par rapport à la glorieuse révolution #MeToo, qui passent sous silence des faits divers ne rentrant pas dans leur grille de lecture, ou qui observent un silence pudique sur le profil ou l’origine de certains délinquants.
Politiquement, ce que fait Eric Zemmour est intelligent. Il refuse de jouer le jeu des élites politico-médiatiques, il s’adresse au peuple par-dessus la tête des médias. Et au passage, il entend rétablir un équilibre entre politiques et journalistes s’il est élu. En effet, les médias ne sont pas le quatrième, mais le premier pouvoir devant lequel nombre de politiques se soumettent. Au lieu de crier à Voltaire qu’on assassine parce qu’on ose les critiquer, les journalistes devraient plutôt se demander pourquoi on les écoute de moins en moins…
Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio.
Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 sur Sud Radio.
Les bonnes vieilles libertés, non solubles dans la numérisation du monde et réfractaires à la nouvelle religion du distanciel, sont passées de mode. Analyse.
La France est-elle toujours un État de droit en bonne et due forme ? La question fait rage. François-Xavier Bellamy, pivot intellectuel des Républicains, s’inquiète depuis plusieurs mois du « délitement de l’État de droit » devenu, pour reprendre l’expression de Muriel Fabre-Magnan, « malade du Covid-19 ». Il est vrai qu’en ces temps où des lieux publics – restaurants, théâtres, salles de spectacle – sont réservés aux citoyens munis du précieux passe, où manger des chips dans le train est passible d’une amende, où les discothèques sont vues comme des boîtes à virus, où l’adolescence ne rime plus avec premiers flirts mais port du masque dans la rue, où la faible létalité du variant Omicron n’empêche pas la sinistrose de maintenir son couvercle sur le pays, où la santé est devenu l’unique sujet des présidentielles, le débat n’est pas seulement légitime. Il est impératif.
Menace sur nos droits fondamentaux
Certains de nos droits fondamentaux, sanctifiés depuis des décennies – dignité de la personne, protection de la vie privée, liberté d’aller et venir, droit à l’instruction – semblent chaque jour s’évanouir dans le cimetière des principes d’antan. Les restrictions se suivent et s’amoncellent, en une sorte d’arborescence technocratique – ou kafkaïenne – dont la logique échappe à tout le monde. C’est dans ce contexte que, quelques jours après des vœux qui suintaient la bienveillance, l’optimisme et l’unité, Emmanuel Macron a lancé, face aux lecteurs du Parisien, avoir « très envie d’emmerder les non-vaccinés jusqu’au bout ». Plus que sa grossièreté, condamnée par une grande partie de la classe politique, plus que la personnalisation dégradée du pouvoir qu’elle exhibe, cette formule révèle le sens de l’action du gouvernement : alors même que la vaccination n’est pas obligatoire, c’est en son nom que des millions de Français se voient interdits de café ou de cinéma. Boutés hors du champ du visible. Telle une masse de Gaulois réfractaires, les non-vaccinés n’ont d’autre choix que de s’adapter. La liberté ou la mort, disaient jadis les Révolutionnaires. La vaccination ou l’exclusion, clament aujourd’hui les Marcheurs.
Au-delà de l’illisibilité de toutes ces restrictions, c’est notre rapport à la liberté qui se joue. Qu’on le veuille ou non, ce que défendent les non-vaccinés, nébuleuse d’anti-vax, d’anti-passe et de sceptiques de tous bords, cousins des gilets jaunes dans leur rejet des institutions, c’est le maintien des libertés grégaires. D’une part, les anti-vax réclament le droit de refuser la vaccination – soit la mise en pratique de l’inviolabilité du corps humain, dérivé du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne. D’autre part, les anti-passe revendiquent le droit à la libre circulation et au respect de la vie privée, garantis par les outils de protection des droits de l’Homme. Soit des libertés quasi primitives, reconnues de longue date par les juges, européens et nationaux.
Or, qu’observe-t-on en même temps ? D’un côté, en octobre dernier, le Conseil de l’Europe s’est lancé dans une campagne de promotion du voile islamique au nom de « la liberté dans la diversité » – heureusement avortée –, présentant le hijab comme « un choix » et un « droit humain ». Ou comment l’antiracisme militant, faux-nez du lobbying islamiste, se drape dans le manteau de tolérance de l’État de droit pour mieux le subvertir… D’autre part, en janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’Homme a sanctionné la Roumanie pour sa loi refusant la modification du sexe à l’état civil sans opération chirurgicale préalable. La liberté de changer et de rechanger de sexe par simple déclaration est désormais un droit fondamental, intégré aux valeurs de l’État de droit brandi par l’Europe contre les démocraties « illibérales », la Hongrie et la Pologne en tête, brocardées pour leur attachement à la famille traditionnelle et aux valeurs chrétiennes.
Les bonnes vieilles libertés n’intéressent plus que la France périphérique
Bilan des opérations : une échelle des libertés se dessine. D’un côté, les tenants des libertés à l’ancienne, attachés au droit de sortir de chez soi, de « prendre un canon » au comptoir, comme veut les en priver Emmanuel Macron, ou de conserver la maîtrise de leur corps, sont dépeints tels d’infâmes réactionnaires englués dans leur ignorance. Pire, des « irresponsables » pas même dignes d’être des citoyens, pour reprendre les propos cinglants du président. De l’autre, les tenants des libertés à la pointe, placées sous l’égide du diversitaire ou de la fluidité de genre, sont perçus comme ceux que l’État de droit doit absolument choyer. Son public cible, pour parler comme un marketeur.
C’est ce clivage qui transperce notre époque. Les bonnes vieilles libertés, qui n’intéressent plus que la France périphérique et les râleurs d’un autre temps, non solubles dans la numérisation du monde et réfractaires à la nouvelle religion du distanciel, sont passées de mode. Les libertés dernier cri, qui fleurent bon le sociétal et le multiculturel, qui ont la saveur de notre période houellebecquienne où le contact humain se dissout, méritent quant à elles tous les égards. Avec le Covid, toutes les libertés ne sont pas en voie de disparition. Juste les premières d’entre elles.
Entretien avec Paul-Marie Coûteaux, essayiste et directeur de la revue Le nouveau conservateur, aujourd’hui engagé dans la campagne d’Eric Zemmour. Réponses recueillies par Lucien Rabouille.
Lucien Rabouille. Valérie Pécresse est la candidate des Républicains, parti qui revendique une filiation gaulliste. Mais il y a un passif important, Valérie Pécresse est fameuse pour sa défense du protocole de Londres. Pouvez-vous revenir sur cette affaire ?
Paul-Marie Coûteaux. En fait de Londres, on est loin des conscrits de la France Libre ! Je sais bien que la seule vertu efficace du Général de Gaulle est de conférer aux minuscules qui abusent de son nom une illusion de grandeur – c’est en quelque sorte la vertu absolutoire du Général, dont on touche la statue pour faire oublier les grands et les petits péchés de chaque jour ; mais tout de même, ceux de la gaulliste professionnelle qu’est Valérie Pécresse sont trop patents, sur le sujet de la langue au moins, pour qu’elle puisse être absoute.
Commençons en effet par le Protocole de Londres : en 2008, comme ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Mme Pécresse a délibérément milité pour que la langue française perde une de ses positions de force sur un sujet crucial de droit commercial international, la langue dans laquelle sont déposés les brevets pour faire foi. Depuis un demi-siècle, l’Office Européen des Brevets, dont le siège est à Munich, fixait que l’intégralité d’un brevet pouvait être déposé dans la langue de l’auteur, mais devait comporter en outre une traduction complète dans une des trois langues considérées comme langues économiques de l’Europe : allemand, français, anglais. Il y a vingt ans, Frau Merkel mit sur la table un curieux projet de réforme aux termes duquel seul un court résumé du brevet (sans ses stipulations techniques) pouvait être déposé en n’importe quelle langue, l’intégralité du brevet ne pouvant l’être qu’en anglais. L’hypocrisie est ici totale puisque justement, ce qui intéresse les entreprises, ce sont les spécifications techniques et que tout le monde travaillera sur la seule version complète, l’anglaise. Il en résulta un protocole signé à Londres en 2000 mais que ne ratifièrent pas alors la plupart des pays de l’UE. C’est que, pour ces réfractaires l’affaire était importante, non seulement parce qu’on écartait leurs propres langues, mais surtout parce que, ce faisant, on compliquait infiniment la vie de leurs petites et des moyennes entreprises qui, en ces matières techniques, devaient alors recourir à des traducteurs ou des avocats rompus à l’anglais technique, ou carrément Anglais ou Américains, ce que beaucoup ne pouvaient s’offrir.
Miss Pécresse n’a pas grand goût pour la défense du français parce qu’elle n’a pas grand goût pour ce qui est français: son monde, comme tant d’autres, c’est l’international ; elle fait partie de cette petite élite (ou oligarchie) qui ne voit pas ce que pourrait être la culture française
La France a tenu bon jusqu’à ce que Valérie Pécresse cède en faisant valoir, notamment dans la presse, que l’on pouvait toujours obtenir une version en français, ce qui était fort hypocrite puisque seul pouvait l’être un court résumé à peu près inopérant. Beaucoup de parlementaires protestèrent (sur tous les bans) en particulier l’ancien Garde des Sceaux Pascal Clément qui montra avec précision combien la majorité des entreprises françaises seraient pénalisées, les exportatrices comme les importatrices. Une pétition, lancée notamment par Nicolas Dupont-Aignan recueillit même des dizaines de milliers de signatures. Mme Pécresse continua à mentir en affirmant dans un article du Figaro que les trois langues officielles gardaient leurs droits ! Mentir pour servir son pays pourrait se concevoir, mais mentir pour le desservir, c’est une honte.
Il n’y a pas que cette affaire… N’est-ce pas systématique chez elle ?
Oui. L’affaire de Londres ne fut pas un cas isolé. Cette dame, toute fraîche nommée ministre de l’Enseignement Supérieur, s’est transportée à Bruxelles pour y déclarer que, en matière de langue, elle entendait « briser les tabous» ; le tabou, en l’occurrence était de parler français à Bruxelles et Strasbourg, et Luxembourg, les trois « capitales » francophones de l’UE – que la France, rappelons-le, a voulu telles en faisant des concessions aux autres membres sur d’autres points. Longtemps, pour la France, la prééminence du français fut la condition de la construction européenne et la contrepartie d’abandons de souveraineté. Cette priorité pour la langue fut permanente – par exemple, Georges Pompidou ne donna son accord à l’entrée de la Grande Bretagne dans la « Communauté européenne » de l’époque qu’à la condition que les fonctionnaires britanniques y parlassent français – ce fut d’ailleurs un engagement du Premier ministre britannique de l’époque, Edouard Heath. Autre exemple, le rappel périodique adressé par les Premiers ministres successifs aux fonctionnaires français en poste dans les Institutions européennes de l’obligation de n’utiliser que le français au sein des institutions de l’Union – ainsi fit François Fillon, alors Premier ministre, dans une directive de 2007. Cela n’empêcha pas la ministre Pécresse de déclarer quelques mois plus tard, ex abrupto que la stratégie consistant à maintenir le français dans les instances de l’UE était contre-productive et que mieux valait recourir à l’anglais pour être mieux compris. Le Figaro l’a épinglée à l’époque pour ses déclarations fantastiques (Le Figaro du 28/02/2008). C’était en plus contredire le Premier ministre à angle droit !
Or, une telle sortie allait très loin : cela ne voulait pas seulement dire que le français n’était plus une langue internationale, ce qu’aucun membre d’aucun gouvernement n’avait osé dire jusqu’alors ; ce n’était pas seulement envoyer promener la francophonie, et se moquer des Luxembourgeois et des Belges qui s’appliquent à parler français dans les institutions de l’UE (ainsi que bien d’autres représentants ou fonctionnaires de pays non francophones, des Italiens, des Portugais etc.) ; c’était aussi estimer que les imposants dispositifs de traduction (mais aussi d’interprétation et de terminologie) ne servaient plus à grand-chose. Or, je peux témoigner pour avoir été dix ans parlementaire européen que, si les dispositifs de traduction n‘existaient pas, la très grande majorité des députés français à Strasbourg et Bruxelles connaissaient trop mal l’anglais pour comprendre quoi que ce soit à ce qui se passe dans le Parlement où ils étaient supposés représenter les Français : délibérer et voter sans l’aide des interprètes revenait à travailler dans le plus parfait brouillard. Ou bien faudrait-il, dans la logique de la ministre, doubler l’élection de nos députés d’un sérieux examen d’anglais (préalable à leur élection ?), faute de quoi nul député français n’aurait servi à grand-chose.
Pour tant de gens modernes, la culture française ne signifie rien de spécial, sinon un embarras
Peu après, la même militante du « tout anglais », ministre de l’Enseignement supérieur, regrettait que les professeurs étrangers qui enseignaient en France ne puissent dispenser leurs cours en anglais – ou ce que devient l’anglais, c’est-à-dire l’anglo-américain. De même pour les enseignements techniques ; ce qui voulait dire en somme que les étudiants aussi devaient passer un examen d’anglais avant d’entrer à l’Université – assurant à cette langue un statut exorbitant à l’Université, puis, par-là, à nombre de domaines professionnels. Si nous multiplions ce genre de mesures, la France deviendrait bilingue en deux ou trois décennies, le français étant peu à peu réservé aux usages privés. Et ce n’est pas simple, ensuite, d’éviter que s’efface la langue qu’on dira alors «ancienne» : demandez aux Québécois ce qu’il en coûte en fait de vexations et d’efforts…
Valérie Pécresse vient de manquer de peu d’être primée par la carpette anglaise – un fameux jury dont vous êtes membre.
L’anecdote est presque drôle : il existe en effet un prix, dénommé « la carpette anglaise » (hélas, pas aussi fameux que vous le dites gentiment) distinguant chaque année une personnalité qui a d’une façon ou d’une autre, favorisé l’anglais comme langue d’usage en France ; ce prix est remis par un jury de douze personnes, représentants d’associations, linguistes et personnalités diverses comme Natacha Polony, Eugénie Bastié, Benoît Duteurtre et Philippe de Saint Robert, son président. Cette année, nous avons failli remettre ce prix à la dame Pécresse en tant que Présidente du conseil d’île de France, qui lance « l’easy pass », ignorant au passage la Loi Toubon ; certes, celle-ci est souvent bafouée, quelquefois même pas l’Etat – mais pas la RATP. On pourrait tout de même se montrer imaginatif en français, non ? Sinon, notre langue va tout simplement se ringardiser, s’étioler et disparaître.
Notre secrétaire général, Marc Favre d’Echallens, rappela in extremis que ladite Pécresse avait déjà reçu le prix douze ans plus tôt pour « avoir déclaré que le français était une langue en déclin et qu’il fallait briser le tabou de l’anglais dans les institutions européennes ». Or, il était difficile de remettre deux fois la capette à une même personne : elle l’a déjà, et c’est « à vie ». Quatre voix ne s’en portèrent pas moins sur elle ! Il y avait cependant un concurrent solide, son ancien ami (de parti) Gérald Darmanin, qui décida voici quelques mois de rendre toute nouvelle carte d’identité bilingue ; car, l’a-t-on remarqué, le français est désormais à égalité avec l’anglais sur nos cartes nationales d’identité – ce qui est tout dire de ladite identité. M. (ou Mr.) Darmanin l’a finalement emporté par sept voix, contre quatre pour une seconde carpette à notre abonnée.
On a envie de conclure que Valérie Pécresse fait partie de ces gens qui ont une culture bilingue… Plutôt étrange pour quelqu’un qui aspire à présider une République dont le préambule de la Constitution précise que la langue est le français.
Oui, une Constitution qui dispose d’autre part que le président de la République est son gardien ce qui ferait une double forfaiture… Tout simplement Miss Pécresse n’a pas grand goût pour la défense du français parce qu’elle n’a pas grand goût pour ce qui est français : son monde, comme tant d’autres, c’est l’international ; elle fait partie de cette petite élite (ou oligarchie) qui ne voit pas ce que pourrait être la culture française. Toute sa formation est d’ailleurs, comme on dit avec gourmandise « orientée à l’international », univers réputé américanophone. Pour tant de gens modernes, la culture française ne signifie rien de spécial, sinon un embarras.
Certes, on pourrait dire que parler est une compétence attendue chez un chef d’Etat. Je suis conscient de l’atout que représente une bonne maîtrise de l’anglo-américain pour quiconque exerce une activité internationale. Mais à condition de ne pas en abuser, et tout miser sur l’anglais : j’ai souvent vérifié que celui qui parle espagnol avec des hispanophones, allemand avec des germanophones, arabe avec des arabophones etc. a une nette avance sur celui qui ne parle qu’anglo-américain. Ayant exercé des responsabilités au cabinet du S-G de l’ONU à New-York, je peux témoigner que, si la maitrise de l’anglo-américain est certes précieux, il est dangereux d’y recourir en toutes circonstances : bien souvent, le plus efficace est de recourir à la traduction ou l’interprétation simultanée – qu’elle soit humaine ou numérique, les derniers progrès en ce domaine permettant de remettre les langues principales à égalité. Rien ne vaut, pour le savoir, que de participer, comme je l’ai fait cent fois à Bruxelles, Strasbourg ou New-York, à une réunion en tout anglais dans laquelle un Japonais répond à un Texan qui répond à un Congolais, qui répond à un Polonais etc. Je garantis que le niveau de compréhension des participants est assez faible…
Dans toutes les missions internationales que j’ai pu exercer, au Quai d’Orsay ou ailleurs, je me suis fixé une règle dont je me suis bien porté : dès que possible recourir à l’interprétation. Ainsi, je travaillais dans ma langue et restais maître de ce que je disais : qui parle dans une autre langue soumet sa pensée à cette autre langue, alors que celui qui travaille dans sa langue soumet sa langue à sa pensée : c’est nettement plus sûr. Et pendant que le traducteur traduit, on a le temps de réfléchir – précaution souvent utile, que Mme Pécresse aurait tort de négliger…
L’idéologie wokiste semble avoir conquis les universités occidentales. Elle étend son pouvoir sur l’école et sur une grande partie des médias, des entreprises et des partis politiques traditionnels. Le moment est-il enfin venu de lancer une grande campagne de reconquête de tout ce terrain perdu ? Pour trouver la réponse, Jeremy Stubbs, notre directeur adjoint de la rédaction, s’est rendu vendredi et samedi à la Sorbonne où le Collège de Philosophie organisait un grand colloque intitulé: «Après la déconstruction: reconstruire les sciences et la culture. » Le colloque était inauguré par le Ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer lui-même, le signe peut-être que le président Macron cherche à prendre ses distances par rapport à l’extrémisme progressiste – à des fins électorales ?
A programme, des universitaires distingués de France et d’ailleurs, comme Pierre-Henri Tavoillot, Pierre Vermeren, Pascal Perrineau, Pierre-André Taguieff, Jean Szlamowicz, Bruno Chaouat, Sami Biasoni, Berhard Rougier, Florence Bergeaud-Blacker, Jean-François Braunstein, Nathalie Heinich, Anne-Marie Le Pourhiet ou Eric Anceau… Mais aussi des intellectuels et des témoins comme Pascal Bruckner, Mathieu Bock-Côté, Pierre Jourde, Helen Pluckrose, Boualem Sansal.
Tous ont une expérience directe de l’idéologie wokiste et de la cancel culture que pratiquent ses zélateurs. Tous sont prêts à combattre les idées destructrices que cette idéologie promeut… Retrouvez notre reportage sur place. Les anti-wokistes doivent relever deux défis immédiats: forger une alliance puissante, un front commun, et briser l’alliance wokiste. À suivre…
La citation de la semaine est la suivante: de qui est-ce, selon vous ? Postez vos réponses en dessous de la vidéo, sur YouTube.
« La pensée est […] une chose admirable et incomparable par sa nature. Il fallait qu’elle eût d’étranges défauts pour être méprisable. Mais elle en a de tels que rien n’est plus ridicule. Qu’elle est grande par sa nature, qu’elle est basse par ses défauts. »
Dimanche soir, Stromae a chanté au 20 heures de TF1. La séquence a fait beaucoup couler d’encre ou tweeter depuis. Oui, pour une simple chanson. Pourquoi?
Revenons sur la séquence. Après sept ans d’absence, le chanteur belge Stromae revient avec un nouvel album : « Multitudes », et en fait la promotion au journal de 20 heures de TF1, présenté par Anne-Claire Coudray. Jusque-là rien de nouveau sous le soleil.
Ces pensées qui font vivre un enfer
Seulement, après un entretien convenu, pour répondre à cette question de la journaliste : « Dans vos chansons, vous parlez beaucoup de solitude, est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ? », Stromae répond en interprétant un extrait de son nouvel album : « L’enfer », comme ça, sans prévenir, même si tout cela était bien évidemment mis en scène et préenregistré.
Cette chanson traite de la grave dépression que le chanteur a traversée, et des idées suicidaires qui l’ont obsédé. Il interprète « L’enfer » tel un troubadour récitant sa plainte, ne lâchant pas la caméra du regard, avec cette intensité distanciée et pudique qui lui est propre. Il raconte son spleen – ses idées suicidaires – avec des mots simples qui ne peuvent que susciter l’émotion, à moins d’être un monstre de froideur : « J’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier, on croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire, ces pensées qui me font vivre un enfer… ».
Et Twitter s’enflamme, ne tarissant pas d’éloges sur cette prestation inattendue, et surtout, je n’en doute pas une seconde, sincère. « Une séquence de télévision déjà mythique. Je ne veux rien savoir, Stromae est un génie » s’enthousiasme un des utilisateurs du réseau social. « Je crois qu’on vient de prendre une claque monumentale. Incroyable moment » écrit un autre. Je partage totalement cet enthousiasme, même si quand certains déclarent que « c’est du jamais vu à la télévision », ils oublient de mentionner cet autre moment mythique que seuls les plus de vingt ans peuvent connaître : l’intervention de Daniel Balavoine au journal de 13 heures d’Antenne 2, le 19 mars 1980, devant un François Mitterrand médusé et pas encore président. L’interprète de “Tous les cris les S.O.S” déversait alors une colère non feinte face à la corruption de certains élus (entre autres Gaston Defferre) et le désarroi de la jeunesse. En 1980, lorsque les réseaux sociaux n’existaient pas, que la société du spectacle n’était pas encore totalement accomplie, la télévision pouvait encore offrir quelques moments de grâce et de vérité, et il me semble que c’est précisément ce qui s’est passé dimanche soir sur TF1.
Les pisse-froid de l’Obs
Cependant, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Un article de L’Obs: « Pourquoi la prestation de Stromae sur TF1 était franchement embarrassante », notamment, m’a fait sortir de mes gonds. Il s’agit d’une diarrhée verbale et de mauvaise foi, où les auteurs déversent des poncifs sur les frontières nécessaires entre promotion artistique et déontologie journalistique, sans oublier la tarte à la crème de la société du spectacle, en citant bien sûr Guy Debord. En cela, les journalistes de l’hebdo de gauche découvrent l’eau chaude, car tout est évidemment spectacle dans notre société. Spectacle, dont l’étymologie est spectare : regarder. S’il est bien sûr nécessaire et même vital de poser parfois un regard lucide ou critique sur le spectacle permanent qu’est devenue la politique, la marchandisation des corps et même des émotions, néanmoins, rien n’est simple et l’exception fait parfois la règle. Dimanche soir, en défiant la caméra de son regard clair, Stromae a rendu au spectacle ses lettres de noblesse et est parvenu à faire communier son public dans l’émotion, la vraie, celle qui fédère et suspend le temps…
Le plus sidérant dans l’article de L’Obs est encore à venir:cette séquence alimenterait chez certains le populisme et… le complotisme. Les scribouillards semblent manifestement confondre populisme et élan du cœur, populisme et catharsis populaire. Quant au complotisme… nous nageons là en pleine absurdité, mais le plus vraisemblable est que nos confrères ont simplement cherché à faire les intéressants.
Comme tout arrive dans la vie, c’est Sonia Devillers, la journaliste qui anime « L’instant M » tous les matins sur France Inter, qui, à mon sens, a le mieux analysé cette séquence. Après avoir également relevé la grâce et l’authenticité de ce moment de télé, elle a eu surtout ces quelques mots terriblement justes : « C’est redonner à la maladie mentale sa dignité. » Les commentateurs ont-ils oublié que Stromae se met à nu en évoquant ses envies de suicide ?
Hidalgo aura beau ratatiner la grandeur de Paris, les bobos gentrifier ses quartiers populaires et les idiots utiles défendre la trottinette, les Parigots resteront des têtes de veaux.
Avant, j’étais un Français périphérique. Je vivais tranquille là où finit la banlieue et où commence la campagne. Et puis ma femme, qui ne survivrait pas plus d’un week-end loin de Paname, a acheté un trois pièces de 45 m2 sans ascenseur dans le 14e arrondissement de Paris pour le prix d’un château en Bretagne.
Au rez-de-chaussée de l’immeuble, il y a un boucher installé depuis les années 1970 avec sa femme et deux garçons bouchers sortis d’un film en noir et blanc de Truffaut. Il tient le dernier commerce « vieille France » de la rue. La plupart des boutiques ont été remplacées et pratiquement tous les commerçants. Un café est devenu kebab, un autre restaurant thaïlandais, un troisième est resté café, repris par des Chinois en gardant ses piliers de bar marocains, un coiffeur pour hommes a cédé la place à un « barber shop » pour métrosexuels, le marchand de presse est asiatique et le primeur arabe. Au milieu de cette diversité, deux agences immobilières restent françaises et prospèrent sur la gentrification, comme le boucher.
Depuis quelques mois, une association de riverains, les hypervoisins, se charge de changer la vie d’habitants qui n’ont rien demandé avec la complicité de la mairie hidalgo-socialiste. L’ambition affichée est de mettre l’urbain à hauteur d’enfants. Le risque est de mettre la ville à hauteur de clodos et de vendeurs de shit nomades, et les sédentaires redoutent avec l’arrivée du printemps, celle des dealeurs et des braillards sous leurs fenêtres. Les adultes zigzaguent en rentrant du travail dans des rues à sens unique et sans places pour leurs voitures, remplacées par des emplacements pour trottinettes, des boîtes à compost et des containers multicolores pour déchets triés.
Les habitants qui ont fui la surveillance de leurs voisins en province pour la paix de l’anonymat parisien et qui boudent les banquets citoyens regardent les hypervoisins financer du lien social subventionné avec leurs impôts, et découvrent que l’urbanisme est un isme du 21ème siècle qui entend changer la vie pour leur bien.
Le boucher, dernier Gaulois réfractaire, dernier des Mohicans, regarde sa ville devenir un village mondial écolo pour bourgeois débraillés et mal rasés. Les affaires marchent mais la clientèle n’a pas l’air de lui plaire. Sa viande est tendre mais il a un caractère de cochon. Je l’avais remarqué. Depuis notre arrivée dans le quartier, quand on se croise, il ne dit pas bonjour. Il doit me mettre dans le même sac que le bobo qui féminise son quartier après avoir chassé le petit peuple prolo de Paris en faisant grimper le prix de l’immobilier pour faire de la capitale un tiers-monde à 10 000 euros le m2.
Au début, je lui ai dit bonjour. Une fois mais pas deux. Il ne m’avait pas répondu. J’aurais pu l’affranchir : « Hé ducon, y a gourance. Je ne bosse pas dans le tertiaire, je roule au diesel, je fume des clopes et je vote FN ! », mais j’ai préféré la fermer. Je n’ai pas de comptes à rendre à ce mal-élevé. À présent moi aussi, je le croise sans dire un mot, même pas bonjour, bonsoir. Moi aussi, je lui fais la gueule. Moi aussi je deviens parisien.
Le langage est violent ! La science est sexiste ! Le sexe biologique n’existe pas ! Seuls les blancs peuvent être racistes ! Vous avez forcément entendu un de ces lieux communs woke dans la bouche d’un ami progressiste, d’un homme politique français d’extrême gauche ou d’un journaliste de Radio France. Dans Le triomphe des impostures intellectuelles, les chercheurs Helen Pluckrose et James Lindsay nous expliquent comment de telles âneries sont peu à peu devenues crédibles, et comment répliquer à tous ces déconstructeurs.
Dans leur essai, Le triomphe des impostures intellectuelles, les chercheurs Helen Pluckrose et James Lindsay analysent “comment les théories sur l’identité, le genre, la race gangrènent l’université et nuisent à la société”.
Rois du canular
Rappelons d’abord que Helen Pluckrose et James Lindsay participèrent il y a trois ans à un formidable canular qui fit grand bruit : imitant la “réflexion” et le sabir universitaires des promoteurs des théories sur le genre, la race, le féminisme, etc., nos chercheurs envoyèrent à des revues de référence des articles bidonnés et délirants qui reçurent pourtant les compliments des comités de lecture desdites revues. La revue Gender, Place and Culture plaça parmi ses 12 meilleures publications celle de nos facétieux chercheurs sur la « culture du viol canine » qu’ils avaient, disaient-ils, pu analyser dans les parcs à chiens de Portland en inspectant les parties génitales de 10 000 chiens tout en interrogeant leurs propriétaires sur leur sexualité. Dans un autre article intitulé « Passer par la porte de derrière : défier l’homo-hystérie masculine et la transphobie à travers l’usage de sex-toys pénétratifs », H. Plukrose et ses acolytes préconisaient d’encourager l’auto-pénétration des hommes par voie anale avec des sex-toys pour vaincre l’homophobie et la transphobie. Un universitaire de la revue Sexuality and Culture qualifia cet article de « contribution incroyablement riche et excitante à l’étude de la sexualité et de la culture ». Démonstration par l’absurde de la vacuité de certaines théories fumeuses parfaitement réussie.
Beaucoup plus sérieusement, Plukrose et Lindsay s’attaquent dans leur essai aux mêmes impostures intellectuelles constituant pour l’essentiel ce qu’on appelle aujourd’hui le wokisme. Issus de la Théorie postmoderne des années 60 qui trouvait ses racines dans les travaux des penseurs de la « French Theory » (Foucault, Derrida, Lyotard, entre autres), les principes qui président ce mouvement sont, premièrement, un scepticisme radical quant à la possibilité d’accéder à une vérité objective et, deuxièmement, la croyance que toute la société est exclusivement organisée autour de rapports de domination et d’oppression.
Comment identifier une idée woke
Les auteurs décrivent les quatre thèmes essentiels de cette Théorie postmoderne :
1) Le brouillage des frontières (objectif/subjectif, vérité/croyance, humain/animal, sexe/genre, etc. Les notions d’ambiguïté, de fluidité et de « trouble » en découlent, en particulier dans les théories post-coloniale et queer).
2) Le pouvoir du langage (qui mènera des années plus tard à l’écriture inclusive ou au pronom « iel », à une novlangue universitaire obscure, à celle du politiquement correct, à de nouveaux syntagmes comme « racisé », « privilège blanc », « hétérocentrisme », etc.)
3) Le relativisme culturel (réévaluation constante des productions artistiques ou intellectuelles anciennes ou récentes à l’aune de ces seules théories).
4) L’abandon de l’individu et de l’universel (pour ne se préoccuper que des « petits groupes » ou minorités considérées comme seuls vecteurs de valeurs et de connaissances).
On aura aisément reconnu certains traits caractérisant les mouvements déconstructionnistes actuels.
S’ils ne dédouanent pas totalement la Théorie postmoderne des années 60/70, les auteurs considèrent qu’elle relevait plus d’un jeu intellectuel que d’un un acte militant : « Les premiers Théoriciens (postmodernes) n’avaient grosso modo aucun but et se servaient de l’ironie et du ludisme pour renverser les hiérarchies et perturber ce qu’ils considéraient comme des structures injustes de pouvoir et de savoir. » Ils semblent toutefois minorer l’enracinement spécifiquement américain de ce mouvement aboutissant à ce qu’Allan Bloom [1] appelle le principe « d’ouverture » (à tout, à tous, à n’importe quoi qui s’oppose au savoir ou qui « libère de l’autorité » jusqu’au moment où « l’ouverture consistait à “faire son porte truc” »), principe élevé comme valeur suprême aux sein de la démocratie américaine et évacuant toute idée de traditions et de transmission, préparant ainsi le terrain au “déconstructionnisme”. Les penseurs de la French Theory ont trouvé aux États-Unis le lieu idéal pour l’application étendue à la société entière de ce que Bloom constate dès les années 60 dans l’université, à savoir des enseignants n’exigeant plus rien de leurs étudiants, le « développement personnel » se substituant au savoir universitaire, et les récriminations des minorités victimaires remplaçant tous les apprentissages nécessaires à une véritable instruction. De plus, Bloom note que s’il ne peut plus y avoir de religion (Nietzsche), l’impulsion religieuse demeure : « Plus de religion, donc, mais de la religiosité. » Et, de fait, certains campus universitaires ressemblent de plus en plus à une concentration de sectes religieuses intransigeantes, agressives, puristes et punitives.
Vérités péremptoires et pseudo-scientifiques
Au contraire de ce que prétendent certains, le phénomène wokiste qui découle directement de la Théorie postmoderne n’est ni inexistant, ni anodin. On le retrouve aujourd’hui dans tous les endroits stratégiques, l’université en premier lieu. Dans ce fourre-tout appelé “Justice sociale”, les théoriciens woke établissent des “vérités” péremptoires et pseudo-scientifiques sur le « privilège blanc », le « racisme systémique », la « culture du viol », etc., rendant ainsi la déconstruction du monde occidental non seulement souhaitable mais, selon eux, absolument nécessaire à l’émancipation de tous les « opprimés ». Le wokisme est en réalité un appareil révolutionnaire qui permet à des minorités de tyranniser et de s’imposer dans les lieux de pouvoir et de savoir : « Il faut avoir un peu de cran pour s’opposer à une idéologie aussi puissante. » Les réactions outrées de certains de nos universitaires ou journalistes face à la dénonciation des dérives wokistes sont là pour en témoigner. L’idéologie wokiste, abstraite et totalitaire, ne parvient pas « à d’autres conclusions que les affirmations simplistes voulant que les hommes blancs hétérosexuels soient injustement privilégiés, qu’ils doivent se repentir et finalement laisser la place aux autres. »
Le wokisme se répand dans toute la société : de plus en plus prégnant dans le monde de l’éducation ou celui de la culture, il a fait son apparition dans des entreprises organisant des stages « pour la diversité » ou contre l’homophobie ; au moment de quitter le Parti des Indigènes de la République Houria Bouteldja a pu dire sa satisfaction de voir les thèses décolonialistes s’imposer « dans toutes les universités et les milieux antiracistes » ; les GAFAM et l’industrie du cinéma (Netflix en tête) sont noyautés par le wokisme. Les représentants de l’extrême-gauche ont historiquement été les idiots utiles de la plupart des totalitarismes, ils ne pouvaient pas rater celui-là. Jean-Luc Mélenchon vient de déclarer qu’il voulait que la « liberté de genre » soit inscrite dans la Constitution: « Si c’est votre intime conviction, que vous êtes une femme ou un homme, vous avez le droit de l’affirmer contre la réalité des apparences et de votre corps. Et la société, la seule chose qu’elle peut espérer, c’est que vous soyez bien dans votre peau, dans votre rôle, dans votre genre. » Avis à tous ceux qui se prennent, contre la réalité des apparences et de leurs corps, pour une tortue, une scie sauteuse ou une carotte : Monsieur Mélenchon est prêt à leur donner entière et constitutionnelle satisfaction, car la société, la seule chose qu’elle peut espérer, c’est que vous soyez bien dans votre peau (de tortue, de scie sauteuse ou de carotte).
Ridiculiser le wokisme avec ses propres armes
Wokisme rime souvent avec délire, écrivent en substance Plukrose et Lindsay. Exemple (qui aurait pu être un de leurs canulars et qui n’en est pas un) : Dan Goodley, professeur travaillant sur le « validisme », demande aux handicapés de ne pas chercher à se rapprocher des normes « valides » (en refusant les traitements ou les prothèses, par exemple) afin de… subvertir les normes sociales et d’échapper à « l’autonomie, l’indépendance et la rationalité [qui] sont des qualités souhaitées par le système néolibéral validiste ».
Comme Helen Pluckrose et James Lindsay, n’hésitons pas à recourir parfois à la plaisanterie : Jean-Luc Mélenchon transformé en spécialiste du genre, Rama Yade se sentant “micro-agressée” par la statue de Colbert ou Sandrine Rousseau déconstruisant son mari et ses privilèges de bourgeoise blanche, avouons quand même qu’il y a de quoi se marrer. Cet essai passionnant permet de combattre le wokisme, soit en l’abordant de front avec de solides raisonnements, soit en le ridiculisant avec ses propres armes car « la moquerie est quelquefois plus propre à faire revenir les hommes de leurs égarements, et elle est alors une action de justice » [2] ; même si, les “éveillés” ne supportant aucune contradiction et toute moquerie leur étant une « offense », il sera difficile de les ramener sur le chemin de la raison : « Il y a des personnes si peu raisonnables, qu’on n’en peut avoir de satisfaction, de quelque manière qu’on agisse avec eux, soit qu’on rie, soit qu’on se mette en colère » [2]. Qu’importe, il nous faut continuer de dénoncer le totalitarisme woke de toutes les façons possibles.
[1] Allan Bloom, L’âme désarmée, essai sur le déclin de la culture générale, Les Belles Lettres.
Stratégie de campagne ou véritable pluralisme? En s’engageant en politique auprès du FF+, un parti de droite afrikaner, le sud-africain Godfrey Skosana suscite bien des accusations à son égard. Ce dernier dit ne pas chercher particulièrement la sympathie des Blancs, mais souhaite en réalité simplement « améliorer les conditions de vie » de ses concitoyens.
En France, on connaît bien Tanguy David, l’étudiant en droit qui a fait l’objet d’une campagne d’insultes racistes de la part de gauchistes qui n’acceptent pas qu’un Noir puisse soutenir un candidat politique de droite comme Zemmour. On peine à imaginer leur réaction au cas de Godfrey Skosana, un Sud-Africain noir de 29 ans qui, aux élections municipales de novembre 2021, a fait campagne dans le Limpopo pour le Front de la liberté plus (FF+), un parti de droite afrikaner, fondé en 1994, qui à ses débuts réclamait la création d’une province autonome à majorité blanche. Aujourd’hui, il cherche plutôt à défendre les intérêts de la minorité blanche, surtout des pauvres.
Faisant fi des attaques, tee-shirt aux couleurs du parti, Skosana explique très naturellement que le Congrès national africain (ANC), le parti qui domine la vie politique depuis 1994, a failli à sa tâche et qu’il n’a vu aucun changement depuis la fin de l’apartheid.
« Les gens d’autres partis politiques disent que je suis utilisé par les Afrikaners. Ils disent que les Blancs ne nous aiment pas. Je ne cherche pas à être aimé par les Blancs. Je cherche juste à améliorer les conditions de vie de mes concitoyens », affirme-t-il. Pour lui, le FF+ est plus apte que les autres partis à venir au secours des pauvres de sa région où les routes sont encore inexistantes et où, dans une communauté comme la sienne il existe un seul robinet d’eau. Si finalement Skosana n’a pas été élu, sa candidature est loin d’être anodine. « Le FF+ est en pleine croissance. Mais ses dirigeants savent que cela peut stagner en raison du nombre limité de votes afrikaners et que s’ils veulent élargir leur base de soutien, ils doivent inclure des personnes d’autres races », avance Melanie Verwoerd. Selon cette politologue, une telle approche pourrait contribuer à abolir les barrières raciales qui perdurent en Afrique du Sud.
Nous vivons, avec le règne du bien nommé coronavirus et consorts, une période historique ; non pas au sens où l’entendent les aimables prophètes du “monde d’après” ; mais en ce qu’elle constituera sans doute un cas d’école pour les générations futures, non seulement en matière d’épidémiologie, mais aussi en matière de politique et de psychologie sociale.
Catastrophisme, instrumentalisation de la peur, fascination morbide, palinodies, mesures radicales et inouïes, et parfois grotesques, serments solennels reniés sans la moindre vergogne : les errements de la politique sanitaire sont si nombreux que leur inventaire complet, tâche herculéenne, étourdit d’avance. Tout cela, il faut pourtant en convenir, pour une maladie qui aura causé en définitive un peu plus de morts que la grippe saisonnière classique, et encore, abstraction faite de l’évolution de la pyramide des âges et de la propension manifestement excessive, mais financièrement encouragée, à étiqueter “Covid” tout décès survenu avec un test positif en guise de décoration. Mais nous n’en avons pas encore fini, et la saison prochaine a l’air tout aussi alléchante.
Prenons au hasard Eric Ciotti, qui pour la nouvelle année embrasse la croix avant de voter le passe vaccinal : “je crois à la science et aux vaccins !” clame-t-il, la main sur le cœur. Comme dit l’oncle Fernand, les histoires de famille et les croyances, ça force le respect. Aussi, que Les Républicains votent comme un seul homme l’ultime mesure macronienne, ça ne se discute même pas. C’est tout naturel. Mais que des responsables politiques ignorent à ce point l’histoire des sciences qu’ils n’aient jamais entendu parler, par exemple, du critère de réfutabilité, voilà qui surprend quand même un peu. La science n’est tout de même pas la vérité révélée. Même, elle répugne à être crue sur parole ; elle se démontre et veut qu’on la critique, c’est son allure naturelle ; elle veut soumettre ses conjectures à l’expérience qui pourra les corroborer, les corriger ou les réfuter. La science n’est pas tout unie, achevée et parfaite pour l’éternité. Elle a une histoire, qui est celle de ses découvertes et de ses controverses, parfois violentes, de ses erreurs et même de ses fraudes. Depuis deux années de coronavirus, nous sommes d’ailleurs aux premières loges pour assister au spectacle : épidémiologistes, virologues, urgentistes, psychologues – et même, bien qu’on se demande un peu ce qu’ils font là, urologues et neurologues – s’écharpent assez vigoureusement. Les uns traitent les autres de charlatans, d’incompétents, de crétins, et on se traîne devant le conseil de l’ordre. Quelques naïfs ont d’ailleurs marqué leur surprise : comment, tous ces messieurs de la Faculté ne sont donc pas d’accord entre eux ?
L’exécutif emploie des méthodes fourbes plutôt que d’imposer la vaccination obligatoire
Dans un pays qui a rendu l’école obligatoire jusqu’à seize ans, on mesure à quel point l’Éducation Nationale a failli à sa tâche : au lieu d’aiguiser le sens critique, elle semble au contraire avoir annihilé parfois tout bon sens. Mais tout n’est pas perdu : Le Malade imaginaire est au programme du baccalauréat depuis 2020 (les littéraires sont restés taquins).
Accusées d’être des égoïstes, des complotistes, des imbéciles sous-diplômés, des assassins même, les personnes non vaccinées sont maintenant désignées par le doigt présidentiel comme indignes du statut de citoyen…
Bref, croire à la science, c’est bien beau, mais laquelle ? Celle qui a le plus d’argent ? De même pour les vaccins : certains ont fait leurs preuves, c’est parfaitement entendu ; mais une question demeure : quels vaccins ? et pour qui ? Dans certains pays aussi arriérés que l’Angleterre, pas un seul vaccin n’est obligatoire. Il paraît que c’est contraire à leur constitution. Mais nous, Français, qui vivons sous le régime de onze vaccins obigatoires avant l’âge de deux ans, nous savons bien qu’il est absolument impossible d’exister en ce monde sans un carnet de vaccination dûment tamponné. Et nous serons donc sans doute les plus acharnés à trépigner pour en obtenir un douzième. Las, le gouvernement, allez savoir pourquoi, récalcitre. Plutôt que d’édicter une obligation en bonne et due forme, il a préféré des moyens plus fourbes.
C’est peut-être qu’il n’ignore pas que des dizaines de scandales sanitaires ont émaillé le dernier siècle – en vrac et parmi les plus célèbres : distilbène, chlordécone, hormone de croissance, dépakine, isoméride, médiator, opioïdes (la liste n’est pas close) ; et s’il a fallu souvent plusieurs décades pour faire reconnaître la dangerosité de ces traitements et les retirer du marché, ou dûment réduire leur indication, la justice est finalement passée. Le gouvernement sait aussi que les plus grands laboratoires ont déjà été condamnés à de multiples reprises, à des sommes qui dépassent l’entendement du commun des mortels, pour publicité mensongère, corruption, fraude. Aussi croit-il peut-être un peu moins dans la science qu’Eric Ciotti, et considère-t-il que toutes les responsabilités ne sont pas bonnes à prendre.
En même temps, la vaccination intégrale de la population reste un totem. On a beau constater que la vaccination contre le coronavirus ne modifie pas la dynamique de l’épidémie, n’empêche pas de contracter le virus, ni de tomber malade, ni de contaminer les autres ; on a beau savoir que l’écrasante majorité des victimes de cette maladie sont des personnes âgées et malades, ou obèses, ou diabétiques, et non Monsieur Tout-le-monde ; on a beau observer que le dernier variant en date fait fort peu de victimes : le gouvernement s’obstine. Nul ne doit échapper à la vaccination ! Et les malheureux qui ne cèdent pas aux sirènes du vaccin, il s’agit de leur “rendre la vie impossible”, de les “emmerder jusqu’au bout” pour citer Macron dans le texte, en les bannissant de toute vie sociale, en leur interdisant même de produire un test négatif. Le gouvernement tient sans doute à ce que les personnes vaccinées se contaminent exclusivement entre elles.
Fabrication d’un bouc émissaire
En tout cas, il ne ménage pas sa peine et chaque jour apporte son lot de vindicte publique déversée sur la tête des odieux individus “enkystés” dans leur “délire”. Pourtant la directrice de l’ANSM, Christelle Ratignier Carbonneil, est venue témoigner devant le sénat, le 1er décembre dernier, que le nombre de déclarations d’effets secondaires sur les seuls vaccins contre le coronavirus s’élève à 110 000 à la mi-novembre, contre 45 000 sur la même période pour tous les autres médicaments confondus. Laurent Mucchielli avait déjà alerté sur ce point il y a quelques mois en épluchant, de son côté, les données américaines – dans un article aussitôt censuré par Mediapart. Ceux qui ne font pas partie des personnes fragiles particulièrement menacées par le coronavirus semblent donc, après tout, avoir quelques raisons de s’interroger au sujet de la balance entre risque et bénéfice. Ils ne sont pas plus délirants et enkystés qu’Olivier Véran avec le port du masque en extérieur et la vaccination intégrale pour unique horizon. Ils n’ont simplement pas tout à fait la même appréciation que lui de leur cas personnel.
Quoi qu’il en soit, notre gouvernement n’est jamais à court d’idées. Puisque les faits ont démenti l’argument de la vaccination altruiste, puisque la promesse d’un retour à une “vie normale” n’a pas suffi à séduire tout le monde (on appréciera le fait que présenter un passeport pour aller boire un café, prendre le train ou se rendre au cinéma puisse être qualifié de “vie normale »), on invoque désormais l’engorgement des hôpitaux. En effet, et c’est heureux, l’échec du vaccin n’est pas total : il s’avère qu’il réduit, quand même, le nombre de formes graves de la maladie. On peut donc accuser les personnes non vaccinées d’être surreprésentées parmi les malades gravement atteints. Reste que les institutions les plus dignes de foi ont révélé qu’en 2020, alors que nul n’était vacciné et que le coronavirus et ses avatars étaient nettement plus vigoureux qu’aujourd’hui, cette maladie n’avait représenté en réalité que 2% de l’activité hospitalière. Comment, dans ces conditions, croire qu’aujourd’hui les malades parmi les 10% de personnes non vaccinées seraient, à eux seuls, responsables d’une insupportable surcharge ? Quelque chose coince dans cette machine arithmétique.
En outre, si vraiment on était prêt à tout pour éviter que les services de réanimation ne soient débordés, on aurait renforcé les capacités hospitalières, et encouragé la prescription de traitements précoces : si ce ne sont pas des panacées, ils devraient néanmoins pouvoir rendre quelques menus services et réduire tant soit peu, eux aussi, le développement de formes graves de la maladie. Ne serait-ce qu’en comptant sur le fameux effet placebo, qui n’a rien de négligeable (bien des médicaments n’ont qu’un rendement à peine supérieur), cela vaudrait la peine d’essayer. Mais non, au bout de deux ans, et c’est à peine croyable, on continue à renvoyer les malades chez eux avec une boîte de paracétamol. La prescription d’azithromycine, couramment utilisée depuis des années dans le traitement des infections pulmonaires et qui faisait partie de divers protocoles de traitement précoce du coronavirus, est même tombée elle aussi, le 14 décembre dernier, sous le coup de restrictions draconiennes. Surtout, ne rien tenter d’autre qu’une vaccination, quand bien même elle s’avère peu efficace. C’est un mantra comme un autre.
Tout de même, depuis deux ans, la raison peine toujours davantage à se satisfaire de la politique sanitaire voulue par Emmanuel Macron. Pire : depuis plusieurs mois elle assiste, médusée, à la fabrication d’un bouc émissaire, contre lequel les mots sont toujours plus violents. Accusées d’être des égoïstes, des complotistes, des imbéciles sous-diplômés, des assassins même, les personnes non vaccinées sont maintenant désignées par le doigt présidentiel comme indignes du statut de citoyen. L’idée est violente ! bien plus violente que le verbe fleuri que tout le monde répète d’un air bégueule. Et le résultat de tous ces beaux discours est intéressant : on entend des grands patrons jurer qu’ils sont tout prêts à interdire leurs avions, leurs entreprises, et même l’accès à leurs supermarchés à la vermine non vaccinée. Bientôt des ghettos peut-être ? Une famine organisée ? On entend des médecins, dans les médias et les couloirs des hôpitaux, dire haut et fort que ces crétins ne devraient pas être remboursés des soins qu’on leur prodigue (bien qu’ils aient cotisé pour cela toute leur vie), voire qu’ils méritent d’être abandonnés à leur triste sort s’ils tombent malades, parce qu’ils prennent, salauds de malades ! la place d’un autre. Bref, en marche ou crève !
Mais si l’on suit ce genre de raisonnement, on devrait aussi renvoyer à leurs pénates les fumeurs atteints d’un cancer du poumon, les buveurs invétérés dont le foie enfle en cirrhose, les femmes qui toute leur vie ont avalé la pilule et sont frappées d’un cancer du sein, les sportifs blessés ou accidentés, ces grandes buses, sans oublier les vaccinés victimes d’effets secondaires, qui l’ont bien cherché, eux aussi. Tous ces gens ne font qu’encombrer les hôpitaux. Ah ! ces bons docteurs ! quel sacerdoce que de soigner des gens qu’on méprise ! Est-ce seulement possible ? Nul doute que si leurs malades étaient plus dignes de leur estime, ils les guériraient bien mieux !
À la vérité, depuis deux ans, la raison a beaucoup souffert, et le cœur aussi, car nous n’oublions pas les vieillards emprisonnés pendant des mois dans leur chambre, et les petits enfants privés de visage à l’école. Mais notre étonnement n’en finit pas de grandir, lorsqu’on voit un gouvernement français se risquer ainsi à la fabrication d’un bouc émissaire, et sans honte attiser les passions mauvaises de certains individus tout prêts à mordre s’ils sentent que leur maître les y encourage. On sait ce qu’il en est, on l’a lu dans les livres d’histoire. Mais observer le phénomène de ses yeux, c’est autre chose : on a presque davantage encore de mal à y croire ; on en reste surpris. Ce ne sont plus de lointains inconnus d’époques reculées, d’étranges et vagues silhouettes appartenant un passé heureusement révolu, c’est votre président, votre ministre de la Santé, votre voisin, votre médecin, votre belle-mère qui du jour au lendemain, sûrs de leur bon droit, se transforment en personnages implacables et grimaçants. On peut toujours appeler cela une société de vigilance : le mot est très joli, mais ce qu’on nous concocte est une société policière où chacun peut contrôler tout le monde et où il devient du meilleur ton de cracher son mépris le plus violent contre… contre qui, au fait ?
Qui sont ces fameux récalcitrants qu’on voue aux gémonies ? Eh bien, pour en avoir rencontré quelques-uns, figurez-vous de simples honnêtes gens, qui travaillent, qui élèvent leurs enfants de leur mieux, qui n’ont généralement jamais enfreint la loi ; des hommes et des femmes qui paient leurs impôts, qui n’ont jamais fait de mal à personne, et qui s’octroient simplement, privilège insensé, la liberté de penser et même de douter, dans une certaine mesure, de la pertinence des recommandations sanitaires d’un gouvernement qui n’a démontré ni sa lucidité, ni son efficacité, ni son honnêteté en la matière. Ce sont ces gens qu’on vilipende et qu’on relègue, qu’on isole ; et ce n’est pas rien, quand on sait que l’isolement est l’une des toutes premières causes de dépression et de suicide. Ce sont eux qui, pour certains, se voient interdits d’exercer le métier auquel ils ont consacré leur vie et leurs efforts, eux qu’on prive de leurs revenus. C’est contre ces gens-là que le gouvernement concentre toutes ses forces, sans s’aviser qu’il rend également la vie pénible à tous ceux qui, vaccinés, ne goûtent guère la société de vigilance, et pensent comme Montesquieu : c’est une ennuyeuse maladie que de conserver sa santé par un trop grand régime.
D’ailleurs, personne ne semble s’aviser que ces braves gens qui n’ont pas cru bon de recevoir l’onction vaccinale rendent service à la science, et à toute la société. Ne faut-il pas, dans toute expérimentation, constituer un groupe témoin ? Si l’on veut mesurer, selon une procédure réellement scientifique, les effets bénéfiques ou nocifs de ces nouveaux vaccins à court et à long terme, les 10% de non-vaccinés ne sont-ils pas absolument indispensables ?
Lors de ses vœux, le ministre de l’Économie et des Finances a reproché aux industriels français d’avoir délocalisé massivement sans justification. Loik Le Floch-Prigent et Sophie de Menthon lui répondent
Selon les propos tenus par Bruno Le Maire, si l’industrie de notre pays va mal, c’est de la faute des industriels français qui ont délocalisé plus que les autres et par seul appât du gain. À l’entendre, nos industriels seraient uniquement à la recherche de l’argent facile. Accusation injuste qui refuse le constat et le diagnostic du contexte général en se contentant de désigner des boucs émissaires épargnant les responsabilités gouvernementales. Or, si l’industrie de notre pays a dû fuir pour rechercher ailleurs ce qu’elle ne trouvait plus chez nous, c’est principalement pour échapper aux conditions impossibles d’une rentabilité satisfaisante.
Manque de compétitivité systémique
Bien sûr, une entreprise doit gagner de l’argent et le profit n’est pas un gros mot, mais, surtout, il faut qu’elle soit à minima rentable, ne serait-ce que pour poursuivre les investissements de modernisation indispensables à la poursuite de son activité. L’écosystème français ne permettait déjà pas il y a 10 ans de construire des machines, de poursuivre certaines activités textiles, chimiques, métallurgiques, médicales, pharmaceutiques, automobiles… Les entreprises contrôlées par l’Etat comme Renault, ont été parmi les premières à délocaliser la production de véhicules ! d’abord en prétextant le rapprochement des marchés c’est-à-dire des acheteurs, et ensuite… en rapatriant les produits finis comme le modèle de la « Sandero », première vente sur le marché français. Si l’industrie française s’est délocalisée aussi vite c’est qu’elle n’est plus compétitive depuis longtemps, et c’est l’État qui a créé ce manque de compétitivité et lui seul, en mettant le secteur industriel systématiquement en difficulté par rapport à la concurrence : imposition plus importante (impôts de production), 35 heures, RTT, droit du travail ou droit de l’environnement toujours plus restrictifs que ceux défini par nos voisins etc.
Encore plus que les autres secteurs, l’industrie souffre de la complexité d’administrations tatillonnes, sans contre-pouvoirs, bureaucratiques et on peut même dire malveillantes à l’égard des usines. Les DREALS (directions régionales et interdépartementales de l’environnement, de l’aménagement et des transports, rien que le titre…) ne souhaitent pas en fait que les usines et l’industrie française demeurent dans l’hexagone ; elles rendent très difficiles, voire impossibles, les implantations sur de nouveaux sites. Par ailleurs, on n’aime jamais avoir une usine près de chez soi…
Pour les Français, l’industrie c’est Zola!
Il est moins cher et plus rapide aujourd’hui de s’implanter en Allemagne, en Italie ou en Espagne où nos entreprises sont bien accueillies et où on leur facilite la tâche, alors qu’en France on les voit comme des délinquants en puissance et on leur met des bâtons dans les roues à tous les étages du mille-feuille administratif. N’oublions pas non plus le mépris dont ont souffert nos ouvriers, les syndicats eux-mêmes estimant que l’usine était le lieu d’une exploitation humaine inadmissible. En France l’industrie c’était Zola : il fut un temps où le travail à la chaîne était ce qui existait de pire, et nous avons gardé Germinal dans notre inconscient collectif national ! Nous avons laissé fuir au Maroc ou en Tunisie les nouvelles industries du service comme les centres d’appels, que l’on qualifiait avec mépris d’usines de communication, d’esclavagisme des temps modernes… uniquement parce qu’il fallait des rendements. Rassurons-nous, ils sont tous partis ! On estime à 1 million le nombre d’emplois ainsi perdus !
Aujourd’hui « Relocalisons l’industrie ! » clament tous les candidats à l’élection présidentielle, sans du tout savoir comment. Pas un, pour dire que l’État doit balayer devant sa porte et permettre grâce à des réformes fondamentales rapides, de rétablir la situation de compétitivité qui a été la nôtre lorsque nous avions une balance commerciale positive. Le secteur de l’industrie française ne mendie pas, il n’a pas besoin de subventions compensatrices, il peut et doit simplement pouvoir fonctionner dans des conditions analogues à celles de ses concurrents européens, sans parler des autres ! Ce qui n’est plus le cas depuis une vingtaine d’années et qui explique que depuis 2003 la balance commerciale soit en déficit croissant.
Tous les mouvements patronaux et industriels, dont ETHIC, travaillent sur cette question : que faudrait-il ? combien de temps pour relocaliser ? à quelles conditions ? Et la formation ? et les compétences humaines ? et les conditions environnementales ? Mais ces travaux n’intéressent personne dans l’univers politique : trop concrets, avec des solutions que l’on ne veut ni voir ni examiner… quant au passage à l’acte, n’en parlons pas. Alors, monsieur le ministre, il faut que vos équipes mettent les mains dans le cambouis avec nos entreprises industrielles pour les écouter en leur faisant confiance !
Ce lundi, Éric Zemmour présentait ses vœux à la presse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la profession en a pris pour son grade ! Mais pour Élisabeth Lévy, les critiques émises par le candidat/reconquistador sont tout à fait légitimes.
Le Monde a jugé le discours « grinçant » et « presque insultant ». Le Parisien parle de vœux « plus aigres que doux ». Au moins, on ne s’est pas ennuyé. Avouons pour notre part que nous avons un peu ri ! En lieu et place des platitudes habituelles sur les journalistes garants de la démocratie, Éric Zemmour a vertement critiqué une profession qui a plus l’habitude de donner des leçons que d’en recevoir.
Éric Zemmour a d’abord rappelé qu’il y a peu, il était encore l’un des nôtres. Mais, il a aussitôt ajouté qu’il était différent des autres journalistes pour trois raisons. Un, il était un journaliste de droite alors qu’à 99 % les journalistes sont de gauche. Deux, il parlait le français alors que les journalistes parlent le politiquement correct. Et de trois, il était un journaliste populaire, controversé certes, mais applaudi. « Le peuple vous en veut et malheureusement il a raison de vous en vouloir. Le peuple est en colère. Il dit énormément de mal de vous dans votre dos !« , a-t-il lancé.
Zemmour n’exagère-t-il pas un peu ?
Il force peut-être un peu le trait, il fait un amalgame en parlant des journalistes comme s’il s’agissait d’un ensemble unique. Mais il fait mouche. Si les journalistes sont presque aussi impopulaires que les huissiers, c’est parce qu’ils prêchent plus qu’ils n’informent. Ils veulent rééduquer le peuple qui pense mal, et réclament que l’on fasse taire ceux qui leur déplaisent à commencer par… Eric Zemmour.
Il se trompe cependant quand il explique le conformisme de la profession par les pressions. Les journalistes sont moins soumis au pouvoir qu’à l’idéologie dominante. Ce sont bien des journalistes qui choisissent tous seuls d’abdiquer de tout esprit critique par rapport à la glorieuse révolution #MeToo, qui passent sous silence des faits divers ne rentrant pas dans leur grille de lecture, ou qui observent un silence pudique sur le profil ou l’origine de certains délinquants.
Politiquement, ce que fait Eric Zemmour est intelligent. Il refuse de jouer le jeu des élites politico-médiatiques, il s’adresse au peuple par-dessus la tête des médias. Et au passage, il entend rétablir un équilibre entre politiques et journalistes s’il est élu. En effet, les médias ne sont pas le quatrième, mais le premier pouvoir devant lequel nombre de politiques se soumettent. Au lieu de crier à Voltaire qu’on assassine parce qu’on ose les critiquer, les journalistes devraient plutôt se demander pourquoi on les écoute de moins en moins…
Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio.
Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 sur Sud Radio.