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American Nightmare

Iryna Zarutska et l’avènement des nouveaux pogroms


American Nightmare
© AP/SIPA

Le 22 août dernier, Iryna Zarutska, 23 ans, a été tuée dans le tramway de Charlotte, en Caroline du Nord, dans l’est des États-Unis. Le principal suspect, Decarlos Brown, est un multirécidiviste déjà condamné à plusieurs reprises. L’affaire a rapidement pris une ampleur nationale, Donald Trump et d’autres figures conservatrices critiquant l’indifférence médiatique, la gestion des villes dirigées par les démocrates, le laxisme des autorités judiciaires, et réclamant la peine de mort. Souffrant de schizophrénie, le meurtrier avait revendiqué avoir tué « une femme blanche ». Avant d’être à son tour tué, par balle en pleine réunion publique dans l’Utah, l’influenceur conservateur Charlie Kirk avait déclaré : « si une personne blanche lambda s’approchait tout simplement et poignardait une gentille et honnête personne noire, ce serait une histoire absolument énorme à l’échelle nationale, utilisée pour imposer des changements politiques radicaux à l’ensemble du pays. » Analyse.


Les images de la vidéosurveillance diffusée sur les réseaux sociaux sont particulièrement choquantes. Une jeune femme ukrainienne, Iryna Zarutska a été égorgée, à Charlotte aux États-Unis, par un homme noir qui s’est vanté, sans honte, d’avoir tué une blanche.

L’événement pourrait passer pour un fait divers, noyé dans la rumeur quotidienne des violences, mais il vaut comme signe. Non pas celui d’un déséquilibre individuel, mais celui d’une époque où tuer n’est plus seulement un crime : c’est un geste idéologique, une liturgie profane. La victime n’était rien d’autre qu’un symbole : la blancheur, l’Occident, ce monde que l’on veut expier par le sang.

Maison-Blanche, 9 septembre 2025.

Paradoxes

Depuis George Floyd, la religion séculière de l’antiracisme s’est imposée comme orthodoxie universelle. Partout, les foules acclament leur catéchisme : l’homme blanc est coupable. Il est l’oppresseur, le colon, l’esclavagiste, le policier, le patriarche, l’ennemi absolu. À Paris, des foules criant justice pour Adama Traoré ont importé ce récit d’outre-Atlantique, récit qui ne demande pas réparation mais immolation. On abat des statues, on réécrit l’histoire, on rejoue la Passion avec de nouveaux Judas : le Blanc, et avec lui le Juif.

Car le Juif est toujours là, éternel bouc émissaire. Les nazis le voyaient comme anti-race corruptrice, ennemi biologique à exterminer. Aujourd’hui, il est haï sous le nom de sioniste, figure suprême de la blancheur coloniale, accusé de concentrer en lui tous les crimes de l’Occident. Le paradoxe n’en est pas un : la haine ne change pas de nature, elle recycle ses mythes, inverse ses justifications, change de masque pour mieux survivre. Le Blanc et le Juif ne sont plus deux figures distinctes : ils sont désormais confondus dans une même condamnation. Deux visages d’un même mal imaginaire.

Ce qui est visé à travers eux, c’est l’Occident lui-même, avec son héritage chrétien porteur de l’idée d’universel, son héritage juif qui incarne la mémoire irréductible d’un peuple revenu à sa terre, son héritage gréco-romain fondé sur la raison et la cité, son héritage des Lumières affirmant la liberté de conscience, et enfin son héritage démocratique défendant l’égalité des droits.

Indifférence générale

Tout cela est désormais jugé criminel. Tout cela doit être effacé. Et c’est pourquoi une jeune femme blanche peut être égorgée dans l’indifférence générale, comme un Juif peut être insulté, frappé, lynché dans les rues d’Europe, sans que le monde s’en émeuve.

Pourquoi cet aveuglement des élites occidentales, à l’exception notable de Donald Trump et Elon Musk aujourd’hui qui réagissent fortement et justement  au meurtre de la jeune Ukrainienne ? Parce qu’elles ont choisi la trahison sous plusieurs formes :

– La culpabilité historique érigée en dogme. Obsédées par le péché originel – colonisation, esclavage, impérialisme –, elles se sentent redevables d’une dette infinie. Elles croient conjurer la haine par l’auto-flagellation et nourrissent ainsi l’idéologie de la vengeance en lui offrant sa légitimité morale.

– Le confort du déni. Reconnaître que les pogroms anti-blancs et anti-juifs réapparaissent, ce serait admettre la guerre civile larvée. Nommer l’ennemi, assumer le tragique : elles n’en ont pas le courage. Alors elles détournent les yeux, se réfugient dans des statistiques, s’endorment dans l’illusion.

– La religion du progressisme. Antiracisme, multiculturalisme, repentance sont devenus les dogmes d’une liturgie séculière. Dire la vérité sur la haine anti-blanche ou l’antisémitisme contemporain, ce serait commettre un blasphème. Elles ne gouvernent plus : elles administrent la liquidation morale de leur civilisation.

– La peur d’être accusées. Celui qui nomme la réalité – violences anti-blanches, nouvel antisémitisme, islamisme conquérant – est aussitôt déclaré fasciste, raciste, haineux. Les élites redoutent davantage le tribunal médiatique que l’effondrement de leurs peuples.

– L’illusion du contrôle. Elles croient gérer la haine comme une crise budgétaire, utiliser les minorités comme réservoir électoral. Elles ne comprennent pas que la haine a sa propre logique : elle se nourrit des concessions, elle ne s’apaise jamais.

Ère tragique

À cette matrice occidentale s’ajoute l’islamisme, qui n’a cessé d’attiser et d’amplifier la haine. L’islamisme donne à ce ressentiment un horizon religieux, une justification divine, un récit global. Pour lui, le Juif est l’ennemi absolu depuis Khaybar ; le Blanc est le croisé à abattre ; l’Occident est la civilisation impure qui doit s’effondrer. L’islamisme n’invente pas la haine : il la structure, il lui donne une armée, il l’adosse à une théologie de la conquête. Là où l’antiracisme parle de réparation, l’islamisme parle d’extermination. Et les deux se rejoignent : dans la haine de l’Occident, dans la désignation du Juif et du Blanc comme cibles sacrificielles.

Les nouveaux pogroms ne sont pas encore des foules hurlantes armées de gourdins : ils prennent la forme de lynchages médiatiques, d’agressions banalisées, de meurtres accomplis dans la certitude d’exercer une justice. Mais leur logique est identique : purifier le monde en immolant un coupable désigné. Le sang devient une réponse, le meurtre une liturgie, l’innocent une victime expiatoire.

Nous entrons dans une ère tragique. L’Occident, qui croyait avoir conjuré ses démons, se découvre haïssable à ses propres yeux. Le Juif et le Blanc, désormais confondus dans l’imaginaire de la haine, incarnent ensemble le visage honni d’une civilisation qu’on veut abolir. Le meurtre de la jeune Ukrainienne est une annonce : celle d’un futur où l’on ne tuera plus seulement des individus, mais des symboles, où l’on réglera ses comptes avec l’Histoire par le sang versé dans les rues.

Ce n’est pas un retour en arrière, mais la continuité de la haine. Le pogrom n’a jamais cessé : il change seulement de formes, de justifications, de victimes. Il revient aujourd’hui sous les habits d’une croisade morale, d’une justice vengeresse, d’une pureté fantasmée. Nourri par l’antiracisme occidental, exalté par l’islamisme global, il transforme nos métropoles en nouveaux shtetls promis aux flammes, et nos innocents en victimes expiatoires d’une haine qui se croit juste.




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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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