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Faut-il avoir peur de l’éco-terrorisme?

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Une vision radicale de l’écologie inspire de véritables milices de l’eschatologie climatique qui affrontent la société. La revue amie Conflits analyse cette nouvelle menace pour l’ordre public et la cohésion sociale, et cette insurrection qui revient là où on ne l’attendait pas forcément…


Signe du retour de « l’action directe », des heurts violents accompagnent de nombreux projets d’aménagement du territoire (Sainte Soline, Bure, Roybon ou Notre-Dame-des-Landes). Si l’écologie aiguillonne utilement le débat public, une vision radicale de celle-ci inspire de véritables milices de l’eschatologie climatique qui affrontent l’État. Ces affrontements passent, pour la plupart, inaperçus dans la presse nationale. S’ils sont évoqués, ce n’est que sous l’angle des arguments favorables ou opposés au projet. À la marge, les « casseurs », les « radicaux », les « militants violents » sont évoqués, unanimement décrits comme exogènes au mouvement dont l’action s’en trouverait ainsi polluée. Or, rien n’est plus inexact.

Cette violence, loin d’être marginale et accidentelle, est le fruit d’une stratégie consciente, théorisée, mise en œuvre par des organisations liées idéologiquement et sociologiquement à des groupes légaux. Revendiquant une légitimité de rupture, ces organisations s’inscrivent en marge du droit commun. Elles tirent profit des libertés des sociétés démocratiques (liberté de réunion, d’association, d’expression) pour mieux combattre les institutions et promouvoir un modèle anticapitaliste révolutionnaire. Si l’intensité de la violence peut faire débat en leur sein, l’usage de celle-ci, en revanche, n’est plus discuté. Le retour en force d’un avatar de la violence politique ancré dans la mouvance anarcho-autonome s’accompagne d’un projet séparatiste. Ses conséquences sont profondes et affectent la paix civile, mais potentiellement, aussi, la compétitivité de l’économie française et la souveraineté alimentaire dans un contexte de mondialisation économique agressive.

Un séparatisme qui bascule de la « désobéissance civile » à la violence

Si la non-violence a longtemps été un principe d’action dominant au sein des groupes contestataires depuis les années 1960, la question de la violence est, néanmoins, éternellement débattue. Les avatars de la violence révolutionnaire ressurgissent à chaque génération depuis le XIXe siècle. La violence de masse (émeute) et le terrorisme sont les deux spectres qui hantent les luttes sociales. Désormais orpheline des mouvements marxistes depuis 1991, la violence révolutionnaire redevient objet de débats lors des grands combats altermondialistes des années 1990 et 2000. Aux soubresauts terroristes de la Rote Armee Fraktion (RAF) et d’Action Directe (AD) répondent les violences collectives des sommets de Seattle (1999), Gènes (2001) et de l’OTAN à Strasbourg (2009) qui marquent la résurgence de l’insurrection tournant le dos au terrorisme de la génération précédente. Au tournant des années 2000, la réflexion sur la contestation anticapitaliste aboutit au constat de l’échec de la non-violence. L’écologie, partagée depuis sa naissance entre réformisme et action révolutionnaire, n’échappe pas à la règle.

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La « désobéissance civile » est une méthode de lutte qui jouit d’une réputation favorable dans l’opinion. Renvoyant à des combats et des figures emblématiques telles que Martin Luther King ou Gandhi, cette méthode de lutte naît aux États-Unis au XIXe siècle lorsque David Henry Thoreau refuse de payer l’impôt qui finance l’esclavage qu’il désapprouve. Il la théorise dans son livre Resistance to Civil Government [1]. Pour autant, si la désobéissance civile est, à l’origine, la résistance passive du citoyen refusant de se soumettre à une obligation légale, la pratique militante contemporaine va bien au-delà. Elle va de la simple obstruction à la liberté de circulation, jusqu’aux dégradations voire destructions d’installations ou d’entreprises dénoncées pour leur impact négatif sur l’environnement. L’attaque de l’usine Lafarge à Bouc-bel-Air le 10 décembre 2022 ou les destructions de réserves d’eau à usage agricole dans le marais poitevin (à ce jour 13 réserves ont été dégradées, voire détruites) découlent de la mise en œuvre de la doctrine de la « désobéissance civile » revisitée par les théoriciens et militants de la génération actuelle. L’esprit des promoteurs initiaux de la « désobéissance civile » qui voulaient que nul ne subisse de préjudice de leur action militante est bien mort.

Une bascule vers la violence

Cette bascule résulte de débats internes où s’est imposée la notion « d’urgence climatique » et son corollaire, la « légitime défense climatique » [2], qui porte comme un absolu le combat pour la défense de l’environnement devant lequel toute autre rationalité doit s’effacer. La notion de  « désarmement » (entendre sabotage) des outils qui « agressent » la Terre, promue par des philosophes tels que Andréas Malm [3] et la révocation, au début des années 2000, du primat de la non-violence sous l’influence, en particulier de Peter Gelderloos [4], accompagnent cette bascule conceptuelle.

La « route des chicanes » », qui traversait la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et était prétendument interdite à la circulation, 16 janvier 2018 © Sébastien Salom Gomis/SIPA

La violence réhabilitée se met au service d’un absolu mystique et politique : sauver « Gaïa », la « Terre-Mère [5] », sauvagement « agressée » par le capitalisme. Cet activisme nourri d’utopie repose sur une croyance presque mystique qui porte les militants (dont l’étymologie renvoie au champ sémantique religieux en désignant, au Moyen-Age, celui qui « …appartient à la milice de Jésus-Christ [6] ») à croire que le système s’écroulera sous l’impulsion d’une poignée d’activistes qui secouent la torpeur des citoyens asservis qui, les yeux ainsi dessillés, jettent leurs chaînes.

Ce militantisme en quête d’absolu réfute la légalité républicaine. Des groupes, à l’image des « Soulèvements de la Terre » ou du « comité invisible », militent pour l’instauration d’…

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[1] Désobéissance civile, universalis.fr

[2] https://lapenseeecologique.com/etat-de-necessite-droit-penal-climatique/

[3] Andréas Malm, Comment saboter un pipeline, Ed. La Fabrique. Voir aussi : https://reporterre.net/Blocage-desarmement-A-la-Zad-deux-jours-de-reflexion-sur-les-luttes: « Désarmer plutôt que saboter.  Dégrader du matériel durant une action de désobéissance civile est en effet une ligne rouge que beaucoup n’osent pas encore franchir. Mais face à l’impuissance des mobilisations citoyennes et non-violentes, comment aller plus loin ? Quels sont les risques encourus ? Quelles conséquences politiques sur les alliances avec les associations plus institutionnelles ? À Notre-Dame-des-Landes, ces questions ont agité moult débats durant lesquels le mot « sabotage » n’a été que rarement prononcé, les activistes lui préférant le terme « désarmement ». Une subtilité sémantique cruciale afin de bousculer l’imaginaire politique. »

[4] Peter Gelderloos, Comment la non-violence protège l’État. Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux, éditions Libre, 2018.

[5] http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/fait-religieux-et-construction-de-l-espace/corpus-documentaire/gaia-hypothese-scientifique-veneration-neopaienne-et-intrusion

[6] https://www.littre.org/definition/militant

«C’est pas l’Afrique, ici…»

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L’assassinat au couteau du jeune Tidiane, à Thiais (94), illustre la fragilité de notre paix civile, analyse Céline Pina.


« On est en France, on n’est pas en Afrique », c’est ainsi que se termine, à la télévision, l’extrait du témoignage de la sœur de Tidiane, 16 ans, assassiné à Thiais devant l’entrée de son lycée par un jeune du même âge, ce lundi 16 janvier.

Sur fond de règlement de comptes entre bandes rivales, son petit frère a été victime d’un véritable guet-apens. Difficile de connaitre les motivations de ceux qui ont monté ce sinistre piège. La raison invoquée, pour aussi stupide qu’elle soit, est la toile de fond de bien des violences urbaines : une rivalité entre quartiers. Personne ne se souvient exactement comment elle a bien pu commencer. Des jeunes dépourvus de conscience et d’éducation croient que l’on est un homme si on inspire la peur et que recourir à la violence prouve sa virilité. Cette histoire parle donc surtout de l’existence de zones de non-droit républicain où les habitants sont les premières victimes de la violence tribale. Car à défaut de droit il y a bien un pouvoir qui s’exerce sur ces territoires : la loi du plus fort. Ou de celui qui n’a aucune limite.

A lire aussi, Gabriel Robin: Thiais, Gare du Nord, Strasbourg: le vol noir des couteaux sur la plaine

Promesse républicaine trahie

Quand la sœur de l’adolescent poignardé fait une comparaison entre la France et l’Afrique, il ne s’agit pas d’une référence « raciste » ou une façon de caricaturer tout un continent. Heureusement pour elle, le fait que la jeune femme ait la peau noire la sauve d’accusations gratuites qui ajouteraient au chagrin de la perte de son frère, la cabale des professionnels du procès en racisme. Nous comprenons tous ce qu’elle tente d’exprimer dans cette périphrase. Elle oppose deux images. D’abord celle de la France, censée incarner l’Etat de droit, et censée être constituée de sociétés apaisées dont le rapport à la loi garantit la liberté. La France est pour elle le nom d’un pays où la sécurité des habitants devrait être assurée et où des hordes tribales n’exercent pas leur domination. Elle l’oppose à une Afrique vue comme instable, où vous pouvez vous faire massacrer pour une question ethnique ou territoriale. Derrière cette expression qui lui est venue, il y a sans doute la démarche originelle de ses ascendants qui sont venus chercher en France une vie meilleure et une stabilité nouvelle, mais il y a surtout une immense déception, une promesse trahie : son frère est mort dans une expédition punitive qui lui rappelle les désordres de pays africains, souvent secoués par des crises violentes. Sauf que ce n’est pas dans un pays d’Afrique que son frère a été tué, mais ici, à quelques kilomètres de Paris.

Des expéditions punitives pas inhabituelles, des bandes de jeunes incontrôlables

Juste avant la phrase polémique, elle et un autre de ses frères avaient raconté comment la bande venue de Choisy-le-Roi avait investi les rues menant au lycée, filtrant les accès pour trouver des jeunes habitant la cité dont ils voulaient se « venger ». Une prise de contrôle qui n’avait fait réagir personne et dont ils semblaient dire qu’elle n’était pas inhabituelle.

A lire ensuite, Ingrid Riocreux: Violences au Stade de France : ne dites pas «racailles» mais dites… quoi?

Ce filtrage pour identifier les habitants d’un quartier désignés comme des ennemis à éliminer rappelle des scènes de guerre civile.

Un drame prévisible ?

Autre point particulièrement inquiétant, le profil du meurtrier présumé. Ce dernier est, comme on le dit pudiquement, bien connu des services de police et de justice. Impliqué dans plusieurs affaires de violences aggravées, mis en examen, il était sous contrôle judiciaire. Ce qui manifestement ne signifiait rien à ses yeux. Ce jeune de 16 ans avait aussi l’interdiction de se rendre à Thiais, « sauf pour les besoins de sa scolarisation ».  Autrement dit aucun véritable interdit et un cucul-la-pralinisme de la Justice à toute épreuve qui oublie la dangerosité d’un individu pour ceux qui l’entourent et fait comme si des obligations scolaires dont il se contrefiche, justifiait des injonctions contradictoires et mal maîtrisées. L’individu était donc dangereux, récidiviste, participait « avec arme à des attroupements » dès l’âge de 15 ans, est reconnu coupable de violences, mais était en liberté et cultivait un fort sentiment d’impunité que le réel avait contribué à fortifier. En effet, le contrôle judiciaire ne signifiant manifestement rien pour lui, force est de constater qu’un individu dangereux pour les autres et sans conscience de ses responsabilités, a été laissé libre de ses mouvements alors que le drame était prévisible. Le pire est que ce type d’affaires est de plus en plus fréquent dans des quartiers de France où règne le trafic de drogue, où les caïds sont admirés et où des jeunes participent à l’économie souterraine. Les spécialistes de ces questions notent la violence et la dangerosité de certains jeunes, mais apparemment cela n’atteint guère l’institution judiciaire.

30 ans d’action politique inadaptée face à l’ensauvagement et à la délinquance juvénile

Or, pour certains jeunes, déculturés et sans éducation, qui n’ont que la violence comme façon d’être au monde, le seul fait de croiser quelqu’un appartenant à un quartier rival peut suffire à justifier un passage à l’acte meurtrier. D’autant que la réponse pénale ou même éducative est inexistante : dans ce type de quartiers, les éducateurs de rue sont débordés et souvent dépassés. Cela fait 30 ans que cela dure, tous les élus le savent mais rien ne change. 30 ans aussi que l’on organise des CLSPD (Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) réunissant élus, travailleurs sociaux, police et justice sans que l’on constate beaucoup de progrès sur le front de la délinquance, du trafic et des violences. 30 ans que l’on rechigne à mettre en place des structures fermées pour y enfermer les mineurs délinquants, 30 ans que l’Etat n’a aucune doctrine sur le sujet et refuse d’entendre les psychiatres qui expliquent que la sanction doit précéder toute mesure éducative.

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30 ans que sous couvert de « proportionnalité », on nie l’ensauvagement de certains jeunes et que l’on refuse de les sanctionner. Cela donne des gamins au casier judiciaire long comme le bras, qui pour autant n’ont jamais rencontré de véritables limites à leurs dérives.

La tarte à la crème de l’appel au dialogue

Quant au traditionnel appel au dialogue lancé par les associations de terrain, il est fort peu convaincant. D’abord parce que c’est le passage obligé qui permet d’occuper le terrain de la parole sans prendre le risque d’un positionnement politique courageux. Tissé de bons sentiments, il oublie que, pour que l’échange et la rencontre puissent être constructifs, encore faut-il qu’il y ait un tiers autoritaire qui impose la loi et fixe les limites. Sinon cela ne produit pas grand-chose. Ce n’est pas en emmenant les pires caïds des deux quartiers en vacances que le problème se résoudra, ni en organisant des réunions publiques avec la Mairie. En tout cas, pas dans un premier temps. La réponse commencera quand on acceptera de mettre en place de lourdes sanctions et de lever plus facilement l’excuse de minorité dans nombre de cas. Que la justice passe et qu’elle passe vraiment. Autrement dit, la sanction doit être le préalable. Ce qui importe avant tout c’est qu’elle soit rapide et réelle, même si elle est moins lourde que pour un adulte. Qu’après, des démarches éducatives puissent être entreprises auprès des jeunes impliqués dans les violences à Thiais et à Choisy est envisageable voire nécessaire, mais il faut d’abord que l’acte soit sanctionné à hauteur du mal qu’il représente. Sans limites posées par la société, l’appel au dialogue est une façon de se donner bonne conscience à peu de frais mais qui, dans les faits, empêche la prise de conscience des auteurs de violences.

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Si, face à la violence décomplexée et à la culture tribale, la réponse commence et se termine par un appel au dialogue, c’est le meurtre de Tidiane que l’on minimise et auquel on enlève le poids du tabou. Or cette évolution est la marque de sociétés qui retournent vers des formes archaïques et où la violence, à force de n’être pas combattue, devient la marque de la puissance. Là où autrefois c’était la capacité à nous contrôler qui faisait de nous des hommes! C’est cette évolution terrible de la société française que la sœur de Tidiane relève inconsciemment. Les chiffres ne lui donnent pas tort: ces affrontements entre bandes ont causé, en 2022, trois décès et ont fait 279 blessés.  

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Oxfam, EELV, LFI: offrons-leur une retraite anticipée!

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Marine Tondelier rêve d’une France « sans milliardaires », se fâche avec la légende de la chanson Michel Sardou et fait de l’ombre à Sandrine Rousseau et Cécile Duflot, anciennes stars de cette extrême-gauche française qui a tout faux… Quelle semaine !


Le début d’année 2023 est agité sur le front social. S’illustrent particulièrement les représentants d’Europe Ecologie Les Verts, Sandrine Rousseau et Marine Tondelier en tête, ainsi que des ONG liées comme OXFAM, dont la direction française est occupée par Cécile Duflot. Derrière les beaux discours de façade, ces gens auraient-ils un autre agenda ?

OXFAM, la stratégie du coucou

Commençons par OXFAM qui, comme chaque année ou presque, a sorti son rapport sur les inégalités. Rapport qui a été opportunément diffusé au moment où se tenait le célèbre forum de Davos, façon « stratégie du coucou » comme l’a bien exprimé l’éditorialiste belge Amid Faljaoui dans Le Vif. Lui comme d’autres observateurs ont bien montré les biais intrinsèques de ce fameux rapport OXFAM pour lequel il suffirait de ponctionner la fortune des milliardaires afin de régler toutes les inégalités économiques et financer les retraites. Dans ce rapport à charge contre les « riches », accusés d’être au fond des voleurs, ce qui est constitutif de la rhétorique historique du marxisme, il est expliqué que les politiques publiques des Etats devraient avoir pour objectif de « diminuer par deux le nombre de milliardaires d’ici à 2030 » puis d’abolir purement et simplement les milliardaires quelques années plus tard.

A ne pas manquer, notre numéro en vente chez votre marchand de journaux: Causeur: Arrêtez d’emmerder les automobilistes!

Pour ces experts, cela aurait pour effet de sortir deux milliards de personnes de la pauvreté. L’idée sous-tendue serait que les plus riches ne paieraient pas assez d’impôts comparativement à leur fortune… sauf que cette fortune n’est pas évaluée en fonction des actifs qu’ils détiennent mais de la valeur théorique desdits actifs boursiers. OXFAM compare donc un stock à un flux, et le patrimoine des ménages avec les capitalisations d’entreprises.

Zéro en économie

Il se dit parfois qu’une bonne économie est d’abord comptable ; visiblement, les bases de la comptabilité ne sont pas connues des économistes de l’ONG. Ainsi, tant Elon Musk que Bernard Arnault ne disposent pas des fortunes qu’on leur prête, mais détiennent des parts de sociétés dont le cours de bourse peut varier. C’est d’ailleurs pour cette raison que la fortune d’Elon Musk est annoncée comme s’étant « effondrée de près de 70 % » cette année. Celle de Bernard Arnault a en revanche virtuellement augmenté parce que son secteur d’activités est toujours en croissance. Du reste, si leur patrimoine était cédé… il serait imposé.

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Un raisonnement similaire est ainsi appliqué à la loi de programmation militaire 2024-2030 qui pourrait amener une hausse de 141 milliards d’euros du budget pour la période. Certains se disent « ah, 141 milliards pour l’armée c’est possible, mais pas 14 milliards pour les retraites », confondant ici non pas les stocks et les flux mais les investissements et les charges. C’est d’ailleurs sur ce déficit de culture économique que la démagogie des Verts et de LFI prospère – mais aussi sur la haine d’une réussite qui passerait plus par l’entreprenariat que par le fonctionnariat. Dans les 61 pages du rapport d’OXFAM, les mots « impôts » et « imposition » reviennent 350 fois, comme si le remède miracle tenait dans la fiscalité.

C’est méconnaître l’économie réelle. Le problème des moins fortunés ne tient pas dans les inégalités, qui sont réelles, entrainant logiquement frustration et ressentiment, mais dans leur propre revenu. En somme, il est plus profitable d’augmenter ce qu’on gagne soi-même que de tenter de diminuer ce que les autres ont. Le monde l’a d’ailleurs concrètement expérimenté entre 1965 et 2015 ; la pauvreté ayant été diminuée de moitié pendant que la richesse augmentait. Plus le monde est riche, moins il y a de pauvres. Pour cela, une économie doit permettre l’investissement et l’Etat reprendre son rôle non pas de père fouettard, mais de formateur et de régulateur. On ne peut pas à la fois lutter contre les inégalités et contre la pauvreté, il faut choisir.

Il faut augmenter la richesse globale

Quand Marine Tondelier déclare qu’elle veut interdire le fait d’être milliardaire, elle encourage une société de la lamentation au détriment de l’action. Idem quand Sandrine Rousseau déclare, lunaire, que ceux qui travaillent plus sont ceux qui polluent le plus, et, qu’en quelque sorte, ils sont responsables de la destruction de la nature. Leur idée est de prendre aux rares fortunes qui tirent vers le haut l’économie française pour « rééquilibrer »…  ce qui ne ferait que créer des rentes supplémentaires. Notre principal défi est d’éviter que les classes moyennes ne chutent, et ce défi passe par l’éducation, l’aménagement du territoire et l’augmentation des salaires, pas par le néo-marxisme.

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Ce que proposent OXFAM ou LFI n’aurait pas pour effet d’augmenter la richesse globale. Et ce d’autant plus qu’ils veulent aussi provoquer la décroissance, donc accélérer la désindustrialisation qui a provoqué l’augmentation des inégalités territoriales et la menace du déclassement pour la France travailleuse. La gauche française a tout faux quand elle croit pouvoir aller contre la marche du monde. Quant à OXFAM, il suffit de creuser un peu pour s’apercevoir que leurs objectifs vont bien au-delà de la seule « réduction des inégalités ». L’ONG lutte depuis des années contre l’énergie nucléaire, travaillant étroitement avec Greenpeace ou Les amis de la Terre. Elle défend aussi l’immigration massive qui est une cause de pauvreté mondiale, le tout avec nos impôts puisque OXFAM est financé ici par l’Agence française de développement qui est du ressort de la Caisse des Dépôts et des Consignations.

De quoi rappeler d’ailleurs le travail de sape d’un jeune groupe associatif… Extinction Rebellion, dont les liens avec la secte anthroposophe de l’occultiste Rudolf Steiner seraient avérés. Gardons en encore un peu sous le coude pour un prochain billet !

Biden/archives: quand le singe veut monter au cocotier…

«C’est du vent» se défend le président américain Joe Biden, alors qu’une affaire de documents confidentiels, retrouvés dans un garage privé, l’éclabousse. Ce scandale, similaire à celui de Donald Trump, est peut-être même plus embêtant, selon notre chroniqueur. Il est minimisé par le camp démocrate. Voilà ce que l’on sait.


La vie politique de Joe Biden va-t-elle bientôt s’achever pour remplir un carton d’archives, alors qu’il a négligé de rendre ou même de protéger les siennes ? C’est la question qui agite les États-Unis depuis quelques jours. Plusieurs pages de documents confidentiels et classés ont été d’abord retrouvées dans un placard de l’ancien bureau de Joe Biden au Penn Biden Center, un think tank de Washington alors que les avocats – selon leurs dires – vidaient les locaux. Puis, d’autres documents ont été découverts dans un garage de la propriété familiale des Biden à Wilmington, dans le Delaware. Les papiers remontent à l’époque où il était vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017. L’affaire fait désordre alors qu’une procédure vise l’ancien président Donald Trump pour des faits similaires.

Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden…

C’est du vent pris très au sérieux

Pour sa défense, le président a dit vouloir « pleinement coopérer avec la justice » tout en prenant l’affaire « très au sérieux ». Pas si sérieusement manifestement: pas moins de six ans séparent ces révélations embarrassantes du départ de Joe Biden (et de ses archives) de la vice-présidence de la Maison Blanche ! La loi américaine spécifie que le titulaire d’une fonction administrative importante (« office ») doit remettre au moment de son départ tous les papiers qui concernent son exercice.

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Le président dit les avoir pris par inadvertance. L’impression laissée par les faits tels qu’ils sont reportés par la presse américaine de ces nouvelles péripéties reste celle d’une très grande distraction ! Les archives auraient été stockées dans le domaine de Wilmington, dans un garage dont la sécurité n’est pas garantie. La demeure familiale a vu passer des centaines de visiteurs depuis six ans – autant d’individus qui auraient pu entrer au contact avec de précieux documents. Hunter, le fils Biden, avait de surcroit indiqué cette maison comme lieu de résidence principale quand il a enregistré son arme auprès de l’État du Delaware. Notoirement fêtard et désinvolte, il est probable que ce dernier ait résidé à côté desdites archives, les mettant potentiellement au contact d’invités plus ou moins recommandables sans être lui-même en état de les protéger. Les visiteurs du président risquaient-ils vraiment de tomber sur les documents entreposés ? Les États-Unis ont déjà subi des attaques informatiques visant le renseignement et émanant de ses rivaux géopolitiques – toujours capables de ruse et d’ingéniosité. 

Mar-a–Lago, c’est une forteresse à côté du garage de Biden

Les Démocrates ne manquent pas de souligner qu’un petit nombre de documents sont concernés par cette affaire quand il s’agissait de plusieurs piles de documents chez Donald Trump. Mais dans la loi sur l’espionnage, ni le nombre de documents conservés, ni l’intention de le faire, ne sont cependant des circonstances immunisantes. Elle stipule que quiconque « par négligence permet que des informations classifiées soient retirées de leur lieu de conservation approprié (…) sera condamné à une amende ou à une peine de prison. » Analysons donc l’acte et sa gravité, plutôt que l’intention. Quand bien même la faute du président s’avérerait vénielle, « l’inadvertance » du président expose du même coup des secrets d’État aux yeux d’autrui. Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden… Tout cela ne fait pas très sérieux et donne une nouvelle fois aux citoyens américains l’image d’un président en exercice pas franchement à la hauteur, alimentant les soupçons de sénilité que relaient complaisamment les médias conservateurs américains depuis son entrée en fonction.

La Justice américaine analyse les cartons de Trump

La bonne résistance du Parti Démocrate lors des élections de mi-mandat et la zizanie qui règne chez les élus Républicains (à qui il avait fallu 15 tours de scrutin pour élire le Speaker de la Chambre des représentants) avaient dernièrement offert un peu d’oxygène politique au président. L’affaire tombe mal pour lui alors que, selon les médias américains, il entendrait finalement briguer un nouveau mandat en 2024.  

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Avec cette affaire, les Démocrates regretteront peut-être de s’être présentés en chevaliers blancs. Tous ont en mémoire le « raid » du FBI forçant la résidence personnelle de Donald Trump le 8 août dernier et le coffre qui gardait des archives. Les déboires actuels de Biden sont une aubaine pour Trump, ils lui offrent peut-être de retrouver le statut de présidentiable… que lui avait dérobé à droite le gouverneur de Floride, Ron de Santis. Les documents saisis chez Trump comprendraient notamment la correspondance du président avec Kim Jung Un et certaines notices de programmes d’accès spéciaux (dits SAP) détaillant le protocole réservé aux opérations américaines sensibles. Depuis, ces documents sont stockés dans une mission par le ministère de la Justice le temps qu’il « réfléchisse à la manière de les analyser ».

Un peu d’histoire: les archives n’ont pas toujours été pieusement conservées et surveillées dans des dépôts. En 1194, en France, en plein conflit avec la dynastie anglaise et Plantagenet, le roi de France, le capétien Philippe II (« Auguste ») affronte Richard Cœur de Lion à Fréteval en plein Loir-et-Cher. Il porte avec lui ses bannières, ses sceaux et ses insignes. Tout cela est précieux et lui permet de rallier la noblesse rurale en attestant de ses droits. Il transporte même ses archives dans des charrettes qui le suivent. L’usage voulait qu’elles fussent itinérantes. Tant de paperasse ralentit son armée, alors que celle de Richard est plus légère et peut lancer charges de cavalerie sur charges de cavalerie… Finalement, le roi de France bat en retraite laissant derrière lui tout son dépôt d’archives que son adversaire fait brûler ! Affligé par cette perte, Philippe aurait alors décidé que les archives soient conservées dans un lieu fixe – le Trésor des Chartes, qui constitue encore le plus ancien dépôt des Archives Nationales. Pour elles, c’est le début de la sédentarité. Depuis, de l’eau a coulé sous les points et les présidents les dispersent à droite et à gauche, comme pour leur imposer un retour au « nomadisme ».

Sophie Marceau: un amour de jeunesse qui ne s’est jamais démenti

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« La Boum éternelle », le documentaire inédit signé Céline Chassé et Julie Peyrard sera diffusé ce vendredi soir à 21h sur France 5


On connaît tous la chanson. Pinoteau à la caméra, Thompson au scénario. Vladimir pianote trois notes sur son clavier. Sanderson pousse les aigus dans le « realizzzze ». Poupette en fait des caisses au volant de sa Renault 5. Robert Dalban a enfilé un costume de serveur à la Coupole. Ce soir, sous la pluie, le Grand Hôtel de Cabourg n’attend pas la visite de Marcel P. mais de Sophie M. Autour du lycée Henri IV, à l’ombre du Panthéon, les garçons enfourchent des mobs et les filles portent des tee-shirts à l’effigie de « Mickey Mouse ». Le prof d’allemand est un ancien matelot à la gueule d’ange et au tempérament bagarreur. À Paris, tous les dentistes roulent en Matra Rancho et les illustratrices de presse ressemblent à Ingrid Bergman dans Casablanca. Les maîtresses, un peu vulgaires, un peu garces, tiennent des parfumeries dans les Yvelines, bien au-delà du périphérique. Pour la Gaumont, il s’agit juste d’un petit budget, un tournage d’été avec des ados débutants choisis sur casting. Les rêves de box-office vont devenir la réalité commerciale de cette année 1980. 35 semaines en salles après un démarrage plutôt anémique, le mercredi de la sortie et puis, c’est la chamade, dès le jeudi, l’amour fou qui ne s’est jamais démenti depuis plus de quarante ans. Des fans, des nostalgiques, des romantiques, une foule sentimentale qui préfèrent la famille Beretton à Tonton ou à Macron. Peut-être, le dernier refuge avant la mondialisation, un dernier slow avant de se dire adieu. Un succès qui tient à une somme d’ingrédients anodins sur le papier. Aucun message politique subliminal, aucune réalité sociale culpabilisante, aucune misère achélème, aucune violence conjugale, à peine une gifle, seulement un carré désarmant, des vacances à la neige, un joli minois venu de banlieue, un naturel déchirant, une douceur bourgeoise presque angevine, une apprentie-danseuse en manque d’amour paternel, une rouquine avec un air poulbot, des patins à roulettes, une innocuité réconfortante, un horizon seulement chahuté par les soubresauts du cœur. Le public valide les incertitudes des « années collège », des copies s’exportent dans le monde entier et La Boum s’installe, grâce à ses multiples rediffusions télévisuelles, comme une borne temporelle, un totem multigénérationnel, une catéchèse pop-corn, un idéal républicain ? Vic de Gentilly entre alors dans nos vies. 

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Le documentaire de France 5 sous-titré « Histoire d’un film sans prétention » revient sur la genèse et l’onde nostalgique que La Boum continue de propager sur nos consciences. Juliette Armanet, née en 1984, dit des choses intelligentes sur le pouvoir de la musique et l’harmonie des corps, la jeune Mona crève l’écran par la fraîcheur et la profondeur de ses paroles, tout le monde communie et regrette le temps béni de ce « teen-movie » désuet et si pénétrant. Pourquoi cet attachement ridicule et pathétique à un long-métrage inoffensif qui ne brille ni par la sophistication de son histoire, ni par l’originalité de sa mise en scène ? Parce que « Reality » agit comme une madeleine de Proust, les larmes vous montent sans que vous puissiez freiner leur flot ; parce que Claude Brasseur et Brigitte Fossey furent les chantres d’une certaine élégance française, à la limite du vaudeville, tout en conservant de belles manières, François Beretton en frivole inquiet, sorte de Woody Allen plus charpenté et noceur que son homologue américain ne pouvant résister au charme d’une Françoise Beretton, clone de Claire Bretécher en plus sage et aristo, à la lisière de la fêlure distinguée ; parce que les rues de Paris avaient encore leurs murs enduits de suie, la couleur fatiguée du vieux monde qui sied aux grandes dames ; parce qu’on lisait des journaux papier aux terrasses des cafés ; parce que le Walkman de Sony fut l’un des plus beaux objets inventés au XXème siècle ; parce que Patrick Besson écrivit le roman de La Boum (existe en format poche dans la collection « J’ai lu » / Numéro 1504) ; parce qu’on pouvait commander une bouteille de Ladoucette au déjeuner sans passer pour un alcoolique ; parce qu’on avait 40 ans de moins.

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Faut-il vraiment ne plus faire d’enfants à cause du changement climatique?

La population de la terre vient d’atteindre 8 milliards.


De quoi conforter une mode actuelle consistant à croire que pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut éviter d’avoir des enfants.

D.R.

En 2021, dans une lettre adressée à ses investisseurs, la banque américaine Morgan Stanley les a informés que l’éco-anxiété avait un fort impact sur le taux de natalité. Au même moment, une étude conduite par le Pew Center a révélé que plus d’Américains que jamais déclaraient ne pas vouloir d’enfants, essentiellement pour des raisons écologiques. Ce refus de la procréation est encouragé par la science.[1] Selon une analyse publiée dans Global Environmental Change par deux chercheurs en 2009, chaque enfant ajoute des milliers de tonnes à l’empreinte carbone totale de ses parents. Cette idée a été reprise dans une revue de la littérature scientifique conduite par deux autres chercheurs, parue en 2017 dans un autre titre prestigieux, Environmental Research Letters. Ici, on apprend que chaque naissance évitée réduit les émissions de CO2 de 60 tonnes chaque année, une économie personnelle qui dépasse de loin toutes les autres, comme celle consistant à ne pas utiliser de voiture. Le papier en question a été téléchargé plus de 850 000 fois. La même année, NBC News annonçait : « La science prouve qu’avoir des gosses nuit à la terre. » Pourtant, ces calculs sont fondés sur deux suppositions fallacieuses. D’abord, il y a l’idée selon laquelle chaque parent serait responsable de 50 % de l’impact environnemental d’un enfant, de 25 % de celui d’un petit-enfant et ainsi de suite jusqu’en 2040. Les parents sont donc chargés de toutes les émissions de leurs descendants qui ne sont responsables de rien. Ensuite, on suppose que le monde ne fera plus aucun progrès en termes de réduction d’émissions de CO2 d’ici 2040. Or ce sont les énergies fossiles et pas l’homme en tant que tel qui causent les émissions.

« Même Homère commet des erreurs », disait Horace. C’est vrai aussi des scientifiques.

[1] Shannon Osaka, « Should you not have kids because of climate change? », The Washington Post, 2 décembre 2022.

Marc Minkowski, la musique au galop

Le chef d’orchestre a soufflé ses soixante bougies et les quarante de son ensemble Les Musiciens du Louvre. Dans un livre d’entretiens (Chef d’orchestre ou centaure : confessions avec Antoine Boulay, Séguier, 2022), il partage ses souvenirs de travail et de famille, dévoile ses passions et ses rencontres, et nous communique son insatiable appétit de vivre.


Rares sont les chefs d’orchestre capables d’exceller dans des répertoires très variés. Et encore plus rares sont ceux qui savent faire sonner un orchestre avec la précision d’un quatuor. Marc Minkowski est de ceux-là. Acteur essentiel du « renouveau baroque », il aborde avec la même énergie, la même curiosité, Rameau, Lully, Haendel, et explore avec autant d’allégresse – et de succès – l’univers de Mozart, Rossini, Offenbach, Wagner, Berlioz ou Bizet. Le jeune bassoniste féru de théâtre et de poésie, avalé par sa passion de la musique, est devenu ce maestro acclamé sur les scènes les plus prestigieuses du monde.

Avec son ensemble Les Musiciens du Louvre, il façonne un son et un style inimitables faits d’humour et de légèreté, de rigueur et d’exigence ; un travail acharné pour atteindre l’excellence.

Sa fantaisie n’a d’égale que la profondeur de son interprétation d’une partition, de sa connaissance des œuvres et de leurs compositeurs. Un rapport quasi intime qu’il transmet au public, de l’Opéra national de Bordeaux, qu’il a dirigé de 2016 à janvier 2022, à la Mozartwoche de Salzbourg, où il a été directeur artistique de 2013 à 2017, jusqu’au Japon où il a été conseiller artistique de l’orchestre de Kanazawa de 2018 à 2022. Tout en honorant les invitations des festivals les plus réputés, Marc Minkowski a créé le sien, Ré majeure, dans l’île de Ré, qui a lieu en octobre. C’est aussi là qu’il monte ses chevaux, mais c’est une autre passion…


Causeur. En 2022, vous avez soufflé vos 60 bougies ainsi que les 40 de votre orchestre, Les Musiciens du Louvre. Qu’est-ce qui vous a poussé à publier vos Confessions ?

Marc Minkowski. Je n’aime pas parler de moi, mais Antoine Boulay m’a traqué, gentiment, jusqu’à ce que je craque ! Il est vrai aussi que lorsqu’on a fait pas mal de choses, on a envie d’en faire la synthèse. Avec le confinement, je n’avais plus d’excuses d’agenda. Ces Confessions sont nées de nos heures de conversation à distance, mais on se connaît depuis si longtemps qu’on a fini par oublier nos écrans interposés.

Vous évoquez aussi votre famille, une quasi-dynastie d’hommes de lettres, de science et de médecine. Vous sentez-vous héritier de ce riche passé ?

Ce sont des sujets qui m’ont beaucoup obsédé et cette obsession, avec le temps, s’est métamorphosée en fierté et émotion. En décembre, j’ai assisté à un colloque sur mon grand-père psychiatre, à l’hôpital Sainte-Anne, là où il a exercé, et j’étais tellement ému, fier et bouleversé par tout ce que j’ai entendu durant cette journée, que j’y ai vu comme un moyen d’être en contact avec lui. Quand j’étais étudiant, comme j’étais un cancre en mathématiques ou en sciences naturelles, mes profs me demandaient comment je pouvais être aussi éloigné de ce que mes aïeux avaient fait ! Mais mes ancêtres étaient de grands mélomanes, mes parents étaient musiciens amateurs et mon père, dans son premier livre, écrit qu’il voulait être chef d’orchestre… J’ai donc l’impression de réaliser leur rêve et de m’inscrire dans la continuité. Je dédie d’ailleurs mon livre à ma grand-mère maternelle, Edith Wade, que j’admire et qui était violoniste. J’ai commencé la musique au moment où elle nous quittait. C’est une étonnante transmission. Je pense qu’elle m’a légué quelque chose.

Je suis fier de tout cela, de toute cette internationalité, de ce brassage de religions. Dans les voyages que je fais, dans les univers musicaux que je traverse, tous ces gens m’habitent.

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Au fil des pages, vous faites défiler un nombre impressionnant de musiciens, d’instrumentistes et de chanteurs. Avez-vous noté une évolution dans les rapports entre chef et artistes ?

Dans le milieu des intermittents, les choses ne changent pas ou pas beaucoup. Quand on crée un orchestre comme Les Musiciens du Louvre, il y a forcément des rapports de complicité très forts, quelquefois d’amitié, qu’il faut arriver à doser en mettant un peu de distance mais sans se priver de ces relations humaines si fortes. C’est aussi grâce à cela qu’un « petit » orchestre peut prétendre à une qualité proche de la musique de chambre. Quand j’assiste à un concert de quatuor à cordes, je suis toujours émerveillé de leur complicité, et je sais portant combien c’est dur de vivre à quatre du matin au soir ! Donc les choses n’ont pas tellement changé. Face à un orchestre symphonique, j’ai toujours essayé de rester moi-même, c’est-à-dire imagé, expressif, parfois surprenant en donnant des indications éloignées du langage théorique. Je le fais naturellement avec Les Musiciens du Louvre, mais de façon plus dosée lorsque je suis face à d’autres parce que la folie ambiante, que ce soit autour du féminisme, de la sensualité, des plaisirs de la chair, voire simplement des sentiments – qui sont le propre de l’interprétation musicale – fait que mes indications peuvent être mal perçues. Là, oui, les choses ont changé ! Il faut faire attention à ce qu’on va dire et où on va le dire. J’essaie de rester le plus libre possible et, à ce jour, je n’ai jamais été attaqué pour quoi que ce soit.

Vous écrivez : « Cette fonction de chef d’orchestre, c’est à la fois un paradis et un enfer. On passe sa vie à se retrouver devant des groupes inconnus, souvent las et hostiles, qu’il faut charmer sans savoir ni pourquoi ni comment, et en étant certain de ne jamais faire l’unanimité. » Vous faites un métier terrible !

C’est pour ça que c’est bien de partager sa vie entre sa propre crèmerie et des institutions dans lesquelles on est invité. Le chef invité ou le directeur musical d’une grande formation qui n’a pas la sienne propre est toujours soumis, même pour les plus grands, à une pression que l’on peut définir comme une suprématie instable. C’est ainsi, et ça le sera toujours. On bat des records de stress. Quand on est son propre patron, on a d’autres problèmes, mais on est à l’abri de celui-ci, les musiciens qui sont face à vous ont choisi de travailler avec vous.

Parmi vos collaborations, celle avec Bartabas a révélé au public votre passion pour les chevaux. Elle remonte à loin ?

C’est une vocation d’adolescent. À l’époque, j’évoluais entre théâtre, équitation et musique. Je travaillais énormément et c’est la musique qui a finalement tout emporté. Mais le contact avec l’animal et la nature est merveilleux. Je suis d’ailleurs entouré de chanteurs et de musiciens qui ont été de très bons cavaliers et qui, comme moi, ont été engloutis par leur passion de la musique. J’en invite certains chez moi pour aller se promener ou faire des sorties plus sportives, comme aller galoper sur la plage, ce qui nécessite un certain niveau.

Je sais qu’un jour, je créerai une forme de spectacle dans laquelle je pourrai faire intervenir tous ces interprètes-cavaliers qui ont envie de concilier leurs deux passions. Dans l’art chinois et japonais ancestral, les manèges servaient aussi de lieu de musique. J’ai déjà pu monter des spectacles aux manèges de Vienne et de Versailles, ainsi qu’au Cirque d’hiver à Paris. Il y a parfois des acoustiques extraordinaires dans ces lieux et le cheval est un animal rythmique. La chorégraphie équestre est très puissante, il y a là un chemin formidable à explorer.

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Dans un autre genre de manège, il y a la politique. Et celle-ci s’impose dès lors qu’il est question de nommer la direction d’un théâtre ou d’un opéra. Quel regard portez-vous sur ce fonctionnement ?

J’ai beaucoup d’admiration et même des rapports d’amitié avec d’anciens ministres de la Culture, de gauche comme de droite, mais j’ai l’impression que cette fonction s’est évaporée dans l’importance de l’appareil fonctionnel d’un gouvernement moderne. À l’échelle des villes, les nominations sont faites très souvent par des maires qui s’entourent de plusieurs conseillers pour prendre leurs décisions. Globalement, il y a un esprit collectif qui permet de choisir les bonnes personnes au bon endroit. Malheureusement, il y a des théâtres importants, en France et à Paris en particulier, où les nominations dépendent uniquement d’un choix présidentiel. Si le président écoutait vraiment son ministre de la Culture, les choses seraient différentes car en l’état, c’est regrettable. Je trouve encore plus incroyable, depuis quelques années, de voir le cinéma administratif qu’on impose aux prétendants à la tête d’une institution musicale. Une telle fonction est un honneur, mais quand on a une certaine carrière derrière soi, un carnet d’adresses, des relations internationales qui laissent envisager des coproductions immenses, quand on a aussi, par son expérience de directeur dans d’autres maisons et de créateur de festivals, un carnet d’adresses de mécènes qu’on a envie de faire fructifier pour le bien d’une maison, il est hallucinant qu’on puisse être écarté du simple fait présidentiel. Ne sont écoutés ni les conseils d’administration, ni les ministres, pas plus que les personnes à qui sont confiées des missions d’expertise… Et même si vous arrivez dans la short list, vous n’êtes pas reçu à l’Élysée pour présenter votre projet. Je trouve ça scandaleux. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut faire confiance à soi-même, à sa volonté première – c’est ainsi que je me suis fabriqué – ou aux bonnes rencontres et heureuses circonstances. Donc oui, il y a clairement un problème.

Et y en a-t-il un aussi avec les syndicats ?

Ça dépend… J’ai toujours été au carrefour des deux « religions » des artistes qui travaillent dans le monde de la culture : intermittence et permanence. Avant de diriger l’opéra de Bordeaux, j’ai été invité par de très grandes maisons françaises, tels les opéras de Paris et de Lyon, où j’ai observé des méthodes de management très intenses, des moments très difficiles, j’ai vécu des grèves des intermittents, notamment au Festival d’Aix-en-Provence. Il y a des problèmes de tous les côtés, mais ce qui est dur avec les syndicats, c’est qu’ils peuvent refuser de changer l’image qu’ils se sont faite de vous a priori, sans vous connaître. Ainsi à Bordeaux, alors que mon projet a été défendu par les élus locaux, que j’ai maintenu des emplois malgré des suppressions de subventions, je suis resté une espèce de mouton noir, on m’a appelé le « Jean-Marie Messier des orchestres », le « Bernard Tapie des orchestres »… Ce n’est pas dramatique, mais ces a priori se retrouvent partout, c’est l’un des problèmes de notre pays.

À Causeur, nous sommes les premiers à déplorer que « le niveau baisse » dans bien des domaines. Est-ce que, depuis votre pupitre, vous faites le même constat ?

J’entends fréquemment de nouveaux jeunes chanteurs brillantissimes. Je brasse des gens venus de toute l’Europe et d’ailleurs, mais qu’ils soient Français ou étrangers, ils partagent tous un sens de la perfection et de l’excellence. Je vois aussi de jeunes musiciens polyvalents, qui jouent – très bien – des styles de musiques très différents. Donc pour vous répondre : non ! En musique, le niveau reste bon. Ce qui me préoccupe davantage, c’est le remplissage des salles, même si je ne suis plus directeur.

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Vous reprenez en janvier la « Trilogie Mozart » à Versailles, en février à Bordeaux Alcina de Haendel, et en mars à l’Opéra-Comique, à Paris, Le Bourgeois gentilhomme de Molière et Lully. Dans quel état d’esprit est-on avant une « reprise », on change tout ou on ne touche à rien ?

Pour moi, c’est d’abord une joie puis une volonté de faire encore mieux que ce qui a été fait auparavant. On peut aussi découvrir des choses que l’on n’avait pas vues la première fois. C’est pareil pour les chanteurs : quand ils ont laissé reposer un rôle et qu’ils le reprennent, il y a toujours une évolution incroyable. Ce qui est extraordinaire avec la « Trilogie » – Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Cosi fan tutte –, c’est qu’après avoir donné ces œuvres sur trois années, on va les reprendre sur trois soirées consécutives. C’est un marathon, mais c’est magique. C’est un contact unique avec Mozart et c’est là qu’on veut aller encore plus haut dans la perfection.

Quelle est la plus belle critique qu’on a pu vous faire, et aussi la plus bête ?

La plus belle est peut-être des éditions Séguier qui n’ont demandé aucune correction sur le manuscrit que je leur ai donné – je me souviens des corrections interminables de mes parents et de leurs échanges avec leurs éditeurs. La plus bête est sûrement sous la plume d’un critique, quand j’ai lu le mot « ennui » me concernant. L’apothéose de la bêtise est contenue dans ce mot !

Avez-vous tout dit dans ces Confessions ou envisagez-vous, d’ici quelques années, d’écrire de nouveau ?

Je me pose plein de questions depuis la sortie du livre, car on me dit notamment que je pourrais éclairer davantage l’imaginaire des mélomanes, et des autres, sur ce qu’est la vie d’un chef d’orchestre. Cette idée me remplit de joie. Tout est possible…

À lire

Marc Minkowski, Chef d’orchestre ou centaure : confessions (avec Antoine Boulay), Séguier, 2022.

Marc Minkowski. Chef d'orchestre ou centaure. Confessions

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À voir

« La Trilogie Mozart », Opéra royal du château de Versailles, du 15 au 22 janvier 2023.

Alcina, de Haendel, Opéra de Bordeaux, le 9 février.

Le Bourgeois gentilhomme, de Molière et Lully, Opéra-Comique, Paris, du 16 au 26 mars.

Quel bolide es-tu ?

Nous sommes tous une voiture qui s’ignore. Toi aussi, réponds au test quantique [1] de Causeur et découvre dans quelle bagnole te réincarner !


1. Quelle est ta voiture de film préférée ?

a. La DeLorean de Retour vers le futur, parce qu’elle peut faire le plein grâce à la poubelle du voisin et te donne une parfaite écolocredibility tout en te permettant de rouler sans ceinture et pied au plancher en retournant dans les années 1960 ?

b. La Peugeot 403 Cabriolet de Columbo, parce que toi aussi tu aimes dégoupiller une grenade avant de quitter une pièce pour voir si la libération de la parole contribue à créer du lien.

c. La Ford Torino de Starsky et Hutch parce que l’acmé de la coolitude, c’est quand même de sauter dans sa voiture sans ouvrir la porte et à pieds joints dans son slip sans tomber.

d. La Trabant 601 de Good Bye, Lenine !, parce qu’elle prouve que l’on peut avoir un look de caisse à savon, des performances de tondeuse et être un objet de désir. Et puis c’était une voiture destinée au plus méritant : vous dénonciez votre voisin ? Avec un peu de chance vous récupériez son appartement mieux orienté et un bon pour une Trabant.

e. La voiture de James Bond. Vous vous voyez déjà au volant d’une Aston Martin survitaminée, mais dans Rien que pour vos yeux, James Bond la trompe avec une deuche jaune citron. Et c’est de celle-là que vous héritez.

2. Quel est ton méchant préféré ?

a. Judas parce qu’il est la preuve qu’on peut mal tourner même en ayant d’excellentes relations. Cela redonne de l’espoir à tous ceux qui désespèrent du choix de copains de leurs enfants.

b. Dark Vador parce qu’il prouve qu’on peut être asthmatique, se promener avec une soupière sur la tête et une cape tout en étant à l’apogée de son charisme. Probablement parce qu’il n’a pas mis son slip sur sa cotte de mailles, lui.

c. La marquise de Merteuil qui prouve aussi que la vérole ne s’attaque pas qu’au bas clergé breton et que les femmes ne sont pas des bébés phoques.

d. Le joker. L’antagoniste de Batman ne peut pourtant plus être considéré comme tout à fait mauvais depuis que les chauves-souris sont soupçonnées de nous avoir fait cadeau du Covid.

e. Satanas et Diabolo dans les Fous du volant. Ils perdent toujours, mais ne renoncent jamais. Une belle leçon de ténacité. Pour gagner une course mieux vaut ne pas compter sur eux, mais si on est un amateur de pièces détachées, ils fournissent !

3. Ton road trip de rêve ?

a. Si tu as un pote ou une copine relou, qui cumule manque de discernement, capacité à attirer les ennuis et intellect limité, et que tu penses que c’est une bonne idée de l’amener en virée et de lui confier toute une vie d’économies, choisis Thelma et Louise.

b. En mode drag queen for ever avec Priscilla, folle du désert. Paillettes, strass, talons hauts et faux cils, le naturel ne passera pas par vous qui polluez la planète jusqu’au cœur du désert. À côté de vos tenues, la robe de Marilyn Monroe portée pour l’anniversaire de Kennedy fait dame patronnesse. Niveau exhibition de virilité, on est dans une Australie bien loin de Mad Max, mais question célébration wokiste, vous êtes au top.

c. Survivaliste, adepte du « Aujourd’hui sera pire qu’hier et bien mieux que demain », vous anticipez la fin des énergies fossiles et l’écroulement de votre civilisation. Pour vous y préparer, vous vous plongez dans l’étude de Mad Max. Pour la fluidité de genre, vous ne serez pas au top, mais niveau testostérone et clichés machistes, vous explosez les compteurs.

d. Marre du politiquement correct ? Exprimez la racaille qui est en vous et laissez enfin une place à votre double maléfique avec Les Valseuses. En prime vous hériterez d’une DS. Pensez quand même à vérifier les freins : en tant que boomer ou assimilé à, il se peut que votre descendance la plus « all inclusive », celle qui ne sait pas si elle est homme, femme, grille-pain ou pelle à tarte, ait saboté votre moteur histoire d’éviter d’avoir à payer votre retraite.

e. Vous avez l’ambition d’une feuille morte et êtes toujours dans le vent ? Vous maîtrisez tous les codes de la gauche culturelle, êtes abonnés à Télérama, Les Inrocks, Mediapart et vous trouvez qu’Yseult marraine de la francophonie est tout à fait approprié quand on envisage d’arrêter l’orthographe pour écrire en phonétique, alors vous devriez adorer Le Camion de Marguerite Duras. Une heure vingt de plans statiques dans un salon entrecoupé d’images d’un semi-remorque qui roule. Si vous aimez l’ennui chic, la dépression pédante et les platitudes pompeuses, vous tenez votre film fétiche.

4. Votre homme politique favori ?

a. Emmanuel Macron : vous avez toujours été du côté du manche et quand les fusils sont sortis, vous savez préférer le côté gâchette au côté canon. En tant que manager, vous adorez proposer à vos équipes de « faire mieux avec moins » quand elles se plaignent de leur charge de travail : de toute façon vos primes ne sont pas indexées sur leur bien-être.

b. Jean-Luc Mélenchon : Vous aimez le concept de peuple, mais trouvez le gueux fort déceptif et le vilain notoirement ingrat. Vous avez emprunté votre capacité d’empathie envers vos semblables à la mante religieuse et manifestez autant de retenue et de tenue qu’une nuée de sauterelles bibliques en Égypte.

c. Marine Le Pen : vous devez composer avec un père encombrant et une appartenance politique qui vous rendent difficile l’accès à la soirée de Noël de Libération ou à la Fête de l’Huma. Vous en êtes donc réduit à poster des photos de chatons pour montrer que vous avez un cœur. Tous les cinq ans, vous représentez les cavaliers de l’Apocalypse à vous tout seul, ce qui permet un exorcisme collectif aboutissant à propulser une buse quelconque en haut de la pyramide alimentaire du pouvoir.

d. Anne Hidalgo : uniquement si le rat, enfin le surmulot, est votre animal de prédilection, si vous êtes capable de créer des embouteillages au milieu du désert de Gobi et de recouvrir de papiers gras les îles Kerguelen en moins d’une semaine.

e. Le candidat LR : sur le papier il est l’héritier de de Gaulle, le grand homme que tous les Français plébiscitent. Dans la réalité, il hésite entre donner des gages à la gauche woke et se rallier à la Manif pour tous. Quant au militant, tout en rêvant d’un chef charismatique, il se donne au moindre Christian Jacob qui passe. Ensemble, ils constituent la team « On n’a pas sorti le cul des ronces ».

5. Votre itinéraire favori ?

a. Auteuil, Neuilly, Passy (c’est votre ghetto).

b. De Nantes à Montaigu…

c. De toute façon, on ne devrait jamais quitter Montauban.

d. De Charybde en Scylla

e. Du Capitole à la Roche tarpéienne


Réponses

Un maximum de a.

Tu es une Ferrari.

Tu aimes que personne ne passe à côté de ta réussite, alors autant l’afficher en rouge rutilant. Bon, tu ne sais pas la conduire, mais c’est pas grave, le but du jeu c’est de rendre vert de jalousie Gonzague, qui a toujours séduit plus de filles que toi aux soirées intégration de ton école de commerce, mais qui roule en électrique parce qu’il veut concilier exhibition de puissance et vertu ostentatoire. Pour allier parfaite superficialité et bonne conscience, il s’est doté d’une Tesla. Toi, tu assumes de niquer le climat, de toute façon tu as les moyens de payer la taxe carbone de la Chine et de ne reconnaître personne, même sans Harley-Davidson.

Un maximum de b.

Tu es une Porsche Cayenne 4×4.

Tu n’as jamais vu un chemin de campagne vu que tu quittes rarement les arrondissements à un seul chiffre de Paris. Ta voiture est impossible à garer et consomme plus que Charles Bukowski et Serge Gainsbourg réunis, mais un jour tu quitteras cette vie occidentalo-centrée et hétéro-normée pour te rapprocher de la nature et des ours polaires. Lesquels t’attendent avec impatience : la bouffe se fait rare et l’urbain est tendre et peu véloce !

Un maximum de c.

Tu es une Fiat Multipla.

Comme Thérèse, tu n’es pas moche, mais tu n’as pas un physique facile. Ton originalité ne t’a pas permis de rencontrer ton public ? Pas d’inquiétude, il te reste le viatique de tous les aigris : tu étais trop pur, trop en avance, pas assez commercial.

Un maximum de d.

Tu es une Moskvitch.

Fabriquée en Russie dans une usine Renault grâce à des pièces chinoises. Une sorte d’équivalent du coucou chez les oiseaux, mais dans le monde mécanique. Chez vous rien n’est authentique, mais tout sert à la communication. Comme vous vous moquez d’être cru et aimé, tant que personne n’ose vous contrarier, la Russie de Poutine se prête à merveille à votre tournure d’esprit.

Un maximum de e.

Tu es une Mini Cooper.

Seuls les Anglais pouvaient réaliser une voiture dénuée de toute performance, qui ne tient pas la route, qui réussit à être encore plus tape-cul qu’une charrette à foin, le tout en siphonnant plus d’essence que Falstaff descend de pichets de vin, et en faire un objet tellement fashion que même ses détracteurs lui trouvent un petit charme.


[1] Un test quantique, c’est pareil qu’un test réalisé à base de n’importe quoi par des incompétents notoires, le tout dans un but indéterminé, mais ça fait quand même plus sérieux.

À l’assaut du porno

L’industrie du X est attaquée de toute part. Élus, médias et associations dénoncent les scandales que charrie ce juteux commerce, et il y en a. Mais au-delà, c’est l’un des derniers bastions de la liberté individuelle que veulent abattre les pères la morale.


Ces temps-ci, contre les sites de sexe, c’est l’orgie médiatique. Voyez plutôt : une double page dans Le Monde du 30 septembre qui se prend pour Détective et titre : « Plongée dans une filière de traite des femmes au service de l’industrie du X » ; un rapport du Sénat qui fait suite à des mois de travaux à rallonge ; le lynchage du site pseudo-amateur Jacquie et Michel mis en examen dans le scandale du « French Bukkake [1] » ; une soirée spéciale sur France 2.

Il faut ajouter à ce branle-bas de combat la mobilisation générale des associations féministes et de protection de l’enfance. On parle non seulement de légiférer et de sanctionner à plaisir – façon de parler – mais d’interdire totalement la pornographie sur internet. Déjà, en 2013, dans l’objectif d’« éliminer les stéréotypes de genre », discutable car le porno est depuis longtemps ouvert à toutes les sexualités, le Parlement européen l’avait envisagé, puis repoussé. Il s’agit aujourd’hui de sauver d’abord les femmes et les enfants avant d’envoyer par le fond la nef des rêves humides et pixélisés. Le nouvel ordre moral se lèche les babines : sus au porno !

Bref, ça ne rigole plus. Tout l’écosystème est visé : producteurs, sites spécialisés payants et gratuits (chez les pros, on dit « tubes » !), fournisseurs d’accès, acteurs accusés de complicité de proxénétisme… sans pour autant que commentateurs et défenseurs de la vertu et du sensationnel s’y reconnaissent entre ces différentes entités.

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Le business du X est juteux. À l’échelon mondial, il représente des dizaines de milliards de dollars et des masses gigantesques de personnes connectées à chaque seconde. Elle est loin l’époque du porno « de papa » réalisé de façon artisanale entre joyeux camarades, et personne ne le nie plus : pour mettre en scène des pratiques de plus en plus hard, les sites web imposent de plus en plus souvent aux actrices des conditions de tournage infectes. Une réglementation s’impose.

Avec l’exploitation des interprètes, la question des mineurs est un véritable problème. Selon la commission sénatoriale, à 12 ans, près d’un enfant sur trois a consommé du porno. Le terme « sexe » se classe quatrième des recherches les plus effectuées par les jeunes sur le web. Seuls les naïfs croient encore à l’efficacité du contrôle parental sur la télévision familiale et aux déclarations sur l’honneur pour vérifier l’âge des visiteurs en ligne. En quelques clics sur leur téléphone portable, des millions de jeunes gens et de jeunes filles (30 % du total) accèdent à chaque instant aux sites pornos. Il faut bien que les jeunes s’instruisent.

Or, ainsi que l’exprime la psychanalyste Sabine Callegari, auteur du best-seller La Vie augmentée (Albin Michel) : « À l’adolescence, les forces pulsionnelles reviennent aussi puissantes qu’à la petite enfance. Elles laissent les jeunes désemparés face à des mises en scène de violence et de virilité déconnectées de la vie sexuelle réelle. Sans l’appareil critique et réflexif nécessaire, ils sont débordés par la puissance des pulsions mobilisées en eux par le spectacle pornographique. Ils voient des personnages eux-mêmes en position d’objet et s’y identifient. Dès lors, de forts sentiments d’angoisse se mettent en place. »

Pourquoi les érections des hardeurs sans visage sont-elles si imposantes et les rapports si longs ? Peut-on ainsi maltraiter les filles ? D’où sortent certaines pratiques si impressionnantes ? Les trompes d’éléphant des mâles, les orifices assoiffés des femelles, est-ce ça le plaisir ? La sexualité peut-elle à ce point se passer des émotions ? Comment font les plombiers pour arriver si vite ?! Les filles en sortent traumatisées et les garçons complexés. Les teenagers livrés aux images croient que faire l’amour en vrai, c’est cela. Personne pour leur expliquer que tout ça, c’est de la mise en scène et du cinéma, et qu’on leur a refilé un show bidon à base de Viagra, de montage et de Gaviscon, un gel anti-reflux œsophagien plébiscité pour simuler le liquide séminal.

L’éducation sexuelle à l’école et au collège ? C’est une blague. Ni formée ni motivée, la majorité des enseignants du public s’en bat le buvard. Ils assurent rarement les trois heures par niveau prévues par les directives rectorales, ou se limitent en SVT à quelques vagues notions anatomiques (et encore : le clitoris n’est apparu dans les manuels scolaires qu’en 2017). Les conseils de contraception passent à la trappe et les avertissements au sujet du porno encore davantage. Dans le privé encore majoritairement aux mains des cathos, c’est vade retro… Quant aux parents, beaucoup s’en lavent les mains.

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Une idée intéressante serait celle imaginée dans un film pour ados en 2004, Girl Next Door, où une bande d’étudiants utilisent les codes et les acteurs mêmes du porno pour élaborer des films d’éducation sexuelle. On n’en est toujours pas là. Carl Jung : « Penser est difficile. C’est pourquoi la plupart se font juges. »

Le Sénat français s’est donc saisi du corps du délit et a auditionné. Les autorités, de tous bords politiques, n’ont pas eu de vergogne à se faire mousser. Et les séances ont quelquefois frôlé le Courteline. Morceaux choisis : la présidente des quatre femmes « rapporteurs », qui préfère ce terme à celui de rapporteuses (le genre a parfois de ces traîtrises) ; les répliques finaudes de la parlementaire PS Laurence Rossignol qui cite avec gourmandise « Gina, Chloé et Cheryl vont vous montrer comment on s’occupe d’une grosse bite black », pour justifier des accusations de racisme assez tirées par les cheveux ; le fiston Dorcel, dit « né sous X », qui joue les petits saints jusqu’au rappel de scènes réalisées dans des conditions épouvantables et diffusées par sa société ; les associations « progressistes » qui se présentent en mères la pudeur ; et les arguties des juristes consultés. À l’arrivée, pour involontairement cocasses qu’ils soient, aucun des protagonistes de cette obscène performance n’apparaît très sympathique. Et on devine en arrière-plan la goguenardise des « tubes » qui, depuis le Portugal, Chypre ou la République tchèque, lieux de douceur fiscale où ils sont installés, observent le spectacle ; sans parler du cynisme des fournisseurs d’accès (Orange, Bouygues, Free, etc.) à qui profite le crime.

Pourtant, comme le signale Me Baptiste Lampin, avocat à Paris : « Pour lutter contre les fléaux liés au X, l’arsenal législatif pénal et civil est déjà bien pourvu… Seulement, on souffre d’un gros problème d’exécution des textes. » Sur la protection des mineurs et les violences faites aux femmes, on n’a jamais craint, et souvent depuis longtemps, d’enfiler les lois. À titre d’exemple, celle du 30 juillet 2020 ambitionne de bloquer les sites qui n’agissent pas efficacement pour interdire leur accès aux mineurs. Deux ans plus tard, c’est l’impuissance. La CNIL et l’ARCOM, saisies par le législateur, se renvoient la balle et peinent à s’entendre sur des mesures d’application.

Y parviendraient-ils un jour que les nouvelles dispositions seraient sans effet. Les jeunes aficionados du porn, pour qui la technologie internet n’a pas de mystère, connaissent déjà la riposte : le VPN, un programme enfantin à installer sur n’importe quel terminal et qui permet de se connecter comme si l’on était localisé hors de nos frontières. Pratique et imparable.

Tout ceci est-il une raison pour rêver de tout interdire sans la moindre nuance ?

Toutes les productions et tous les travailleurs du secteur ne sont pas des victimes, ni des bourreaux. Certains aiment leur job et le pratiquent convenablement entre adultes consentants, avant de le diffuser au travers de sites payants qui permettent un certain niveau de contrôle. On note même l’apparition, timide il est vrai, d’une production « women friendly » et transgenre filmée par des femmes.

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Que ce soient les deux Corée ou la Chine, l’Iran, le Bangladesh ou les Émirats, les pays où règne la prohibition absolue du porno ne brillent pas pour leur respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il y a en France 14 millions de célibataires, sans compter les couples atteints par la paix des habitudes – on pense au mot de Tchekhov : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas ! » Qui va les aider à se prendre en main ? N’en déplaise aux casse-pieds du monde entier, la branlette reste encore une liberté individuelle.

Où est la limite ? Où finissent l’art et la liberté d’expression ? Interdire la pornographie, selon quels critères ? De Flaubert à Baudelaire, l’accusation d’obscénité a toujours été portée à tort et à travers. Au bûcher Apollinaire, Picasso, Rodin, Mapplethorpe, Bellmer, Bataille, Nin, Calaferte, Sade, la délicieuse Emma Becker, Aragon et tous les autres ?

Laissons le mot de la fin à Sabine Callegari : « On ne peut pas vivre dans un monde aseptisé, ni physiquement ni psychiquement. Vouloir mettre le monde dans une bulle de pureté ne l’aide pas à évoluer. Il faut au contraire éveiller les consciences et aider les personnes, face à la réalité, à juger par elles-mêmes. » On ne saurait mieux dire.

*Dernier ouvrage paru : La Ville des ânes, Aquilon, 2021.

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[1] En bon français, le bukkake s’appelle « éjaculation faciale ».

Blocages: c’est toujours les mêmes!

La grève est devenue un moyen de coercition de la part de quelques personnes qui s’arrogent un pouvoir exorbitant que nul ne leur a conféré pour prétendre modifier un projet de loi et pour ce faire, priver les citoyens de leurs droits les plus élémentaires.


Que fait-on des droits vitaux des citoyens ?

C’est bien simple : les mouvements de grève dans les services publics de transport et dans les industries énergétiques d’intérêt national sont une atteinte aux conditions de vie du citoyen. Atteinte qui peut aller de la simple gêne à la destruction pure et simple des conditions de vie ; destruction économique par faillite, sociale par le chômage induit, personnelle par les rendez-vous manqués, mais aussi et surtout médicale. Pouvoir se déplacer librement est un droit vital pour tout citoyen.

On va aller voir ceux qui veulent la réforme, qui la soutiennent, ceux-là on va s’occuper d’eux…

CGT Mines-Energie

Le recours de plus en plus fréquent, par les syndicats, à l’agression délibérée des citoyens par privation de ce droit élémentaire, constitue désormais, semble-t-il, le modus operandi privilégié dans l’espoir d’obtenir rapidement satisfaction.

Que le patron soit l’Etat ou une société privée, l’arme de l’action directe contre la population est toujours utilisée comme un appel au régalien pour qu’il intervienne dans ce qui est de sa compétence, ou pour qu’il torde le bras des patrons récalcitrants.

La grève n’est plus ce qu’elle était, même si déjà…

La grève était autrefois une affaire entre un patron et ses ouvriers ou ses employés. Il s’agissait d’un problème local ou sectoriel parfaitement circonscrit dans une sphère purement professionnelle. En tout cas dans le principe, car il faut reconnaître que les grèves politiques n’ont pas manqué, et que la gauche marxiste, qui téléguidait certains syndicats, essayait souvent et essaie toujours (lui et toutes les « forces de gauche ») de politiser l’action syndicale (par exemple le Parti communiste français, lui-même aux ordres de Moscou, a longtemps eu la CGT à ses ordres).

Quelques personnes élues par personne font la loi

Cela étant le problème nouveau vient de l’extraordinaire capacité de nuisance de quelques personnes, dans le secteur pétrolier par exemple, qui s’arrogent sans vergogne le droit d’imposer leur volonté à l’exécutif, comme au législatif, pour s’opposer au vote d’un projet de loi, comme cela s’annonce dans le cadre de la réforme des retraites.

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On nous rebat les oreilles de la dimension constitutionnelle du droit de grève pour faire obstacle à toute critique concernant tout arrêt de travail. Pour information le droit de grève n’est inscrit dans la Constitution que par le préambule de celle de 1946, assez laconique à ce sujet : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Pour compléter cette quasi lapalissade, on doit se référer à l’arrêt du 2 février 2006 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui définit la grève comme « la cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles ».

Et pourtant ce pouvoir s’impose, avec la même force irrésistible qu’une prise d’otages. La CGT pétrole met le pistolet sur la tempe des Français en exigeant du gouvernement qu’il rende les armes, qu’il abdique ses prérogatives, et se couche devant quelques individus qui peuvent mettre à l’arrêt le pays.

La CGT pétrole fait déjà pression en annonçant qu’elle bloquera le pays si elle n’obtient pas satisfaction, c’est-à-dire le retrait du projet. Personnellement, en tant que citoyen, je dénie à quelques syndiqués mécontents le pouvoir de décider de la loi. Je ne connais pas ces messieurs qui prétendent avec une tranquille assurance interdire un projet de loi. Je ne les ai pas élus, ni directement ni indirectement. Et leur pouvoir n’est inscrit nulle part dans la Constitution.

Des élus menacés

Mieux encore, et pour bien montrer un pouvoir de nuisance quasi illimité, la CGT Mines-Energie menace de coupures ciblées d’électricité les politiques qui oseraient soutenir la réforme : « On va aller voir ceux qui veulent la réforme, qui la soutiennent, ceux-là on va s’occuper d’eux. On va aller les voir dans leurs permanences, on va aller discuter avec eux, et puis si d’aventure ils ne comprennent pas le monde du travail on les ciblera dans les coupures qu’on saura organiser ». On notera le langage qui semble tout droit sorti du film « Le Parrain ». Vous avez bien lu : « on va s’occuper d’eux ». Cela s’appelle une menace, qui porte en sous-texte une violence ahurissante, et qui aurait dû créer un séisme dans l’opinion comme dans le monde politique et syndical. On se croirait revenu au vieux temps de la Convention sous Robespierre où la menace physique « populaire », dans les tribunes comme à l’extérieur, pesait constamment sur les débats.

Quoi que l’on pense de cette réforme, il reste que la situation apparaît tout à fait surréaliste.

Dans les faits c’est tout l’édifice institutionnel qui se trouve balayé par ce genre de coup de force. Finie la séparation et l’équilibre des trois pouvoirs ; l’exécutif, le législatif, et le judiciaire ne sont plus que des pantins soumis aux manipulations du grand marionnettiste : la CGT.

Faut-il avoir peur de l’éco-terrorisme?

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Un activiste d'Extinction Rebellion appréhendé à Amsterdam aux Pays-Bas, février 2021 © Photo : Conflits / PAULO AMORIM/SIPA USA

Une vision radicale de l’écologie inspire de véritables milices de l’eschatologie climatique qui affrontent la société. La revue amie Conflits analyse cette nouvelle menace pour l’ordre public et la cohésion sociale, et cette insurrection qui revient là où on ne l’attendait pas forcément…


Signe du retour de « l’action directe », des heurts violents accompagnent de nombreux projets d’aménagement du territoire (Sainte Soline, Bure, Roybon ou Notre-Dame-des-Landes). Si l’écologie aiguillonne utilement le débat public, une vision radicale de celle-ci inspire de véritables milices de l’eschatologie climatique qui affrontent l’État. Ces affrontements passent, pour la plupart, inaperçus dans la presse nationale. S’ils sont évoqués, ce n’est que sous l’angle des arguments favorables ou opposés au projet. À la marge, les « casseurs », les « radicaux », les « militants violents » sont évoqués, unanimement décrits comme exogènes au mouvement dont l’action s’en trouverait ainsi polluée. Or, rien n’est plus inexact.

Cette violence, loin d’être marginale et accidentelle, est le fruit d’une stratégie consciente, théorisée, mise en œuvre par des organisations liées idéologiquement et sociologiquement à des groupes légaux. Revendiquant une légitimité de rupture, ces organisations s’inscrivent en marge du droit commun. Elles tirent profit des libertés des sociétés démocratiques (liberté de réunion, d’association, d’expression) pour mieux combattre les institutions et promouvoir un modèle anticapitaliste révolutionnaire. Si l’intensité de la violence peut faire débat en leur sein, l’usage de celle-ci, en revanche, n’est plus discuté. Le retour en force d’un avatar de la violence politique ancré dans la mouvance anarcho-autonome s’accompagne d’un projet séparatiste. Ses conséquences sont profondes et affectent la paix civile, mais potentiellement, aussi, la compétitivité de l’économie française et la souveraineté alimentaire dans un contexte de mondialisation économique agressive.

Un séparatisme qui bascule de la « désobéissance civile » à la violence

Si la non-violence a longtemps été un principe d’action dominant au sein des groupes contestataires depuis les années 1960, la question de la violence est, néanmoins, éternellement débattue. Les avatars de la violence révolutionnaire ressurgissent à chaque génération depuis le XIXe siècle. La violence de masse (émeute) et le terrorisme sont les deux spectres qui hantent les luttes sociales. Désormais orpheline des mouvements marxistes depuis 1991, la violence révolutionnaire redevient objet de débats lors des grands combats altermondialistes des années 1990 et 2000. Aux soubresauts terroristes de la Rote Armee Fraktion (RAF) et d’Action Directe (AD) répondent les violences collectives des sommets de Seattle (1999), Gènes (2001) et de l’OTAN à Strasbourg (2009) qui marquent la résurgence de l’insurrection tournant le dos au terrorisme de la génération précédente. Au tournant des années 2000, la réflexion sur la contestation anticapitaliste aboutit au constat de l’échec de la non-violence. L’écologie, partagée depuis sa naissance entre réformisme et action révolutionnaire, n’échappe pas à la règle.

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La « désobéissance civile » est une méthode de lutte qui jouit d’une réputation favorable dans l’opinion. Renvoyant à des combats et des figures emblématiques telles que Martin Luther King ou Gandhi, cette méthode de lutte naît aux États-Unis au XIXe siècle lorsque David Henry Thoreau refuse de payer l’impôt qui finance l’esclavage qu’il désapprouve. Il la théorise dans son livre Resistance to Civil Government [1]. Pour autant, si la désobéissance civile est, à l’origine, la résistance passive du citoyen refusant de se soumettre à une obligation légale, la pratique militante contemporaine va bien au-delà. Elle va de la simple obstruction à la liberté de circulation, jusqu’aux dégradations voire destructions d’installations ou d’entreprises dénoncées pour leur impact négatif sur l’environnement. L’attaque de l’usine Lafarge à Bouc-bel-Air le 10 décembre 2022 ou les destructions de réserves d’eau à usage agricole dans le marais poitevin (à ce jour 13 réserves ont été dégradées, voire détruites) découlent de la mise en œuvre de la doctrine de la « désobéissance civile » revisitée par les théoriciens et militants de la génération actuelle. L’esprit des promoteurs initiaux de la « désobéissance civile » qui voulaient que nul ne subisse de préjudice de leur action militante est bien mort.

Une bascule vers la violence

Cette bascule résulte de débats internes où s’est imposée la notion « d’urgence climatique » et son corollaire, la « légitime défense climatique » [2], qui porte comme un absolu le combat pour la défense de l’environnement devant lequel toute autre rationalité doit s’effacer. La notion de  « désarmement » (entendre sabotage) des outils qui « agressent » la Terre, promue par des philosophes tels que Andréas Malm [3] et la révocation, au début des années 2000, du primat de la non-violence sous l’influence, en particulier de Peter Gelderloos [4], accompagnent cette bascule conceptuelle.

La « route des chicanes » », qui traversait la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et était prétendument interdite à la circulation, 16 janvier 2018 © Sébastien Salom Gomis/SIPA

La violence réhabilitée se met au service d’un absolu mystique et politique : sauver « Gaïa », la « Terre-Mère [5] », sauvagement « agressée » par le capitalisme. Cet activisme nourri d’utopie repose sur une croyance presque mystique qui porte les militants (dont l’étymologie renvoie au champ sémantique religieux en désignant, au Moyen-Age, celui qui « …appartient à la milice de Jésus-Christ [6] ») à croire que le système s’écroulera sous l’impulsion d’une poignée d’activistes qui secouent la torpeur des citoyens asservis qui, les yeux ainsi dessillés, jettent leurs chaînes.

Ce militantisme en quête d’absolu réfute la légalité républicaine. Des groupes, à l’image des « Soulèvements de la Terre » ou du « comité invisible », militent pour l’instauration d’…

>> Lire la fin de l’article sur le site de Conflits <<


[1] Désobéissance civile, universalis.fr

[2] https://lapenseeecologique.com/etat-de-necessite-droit-penal-climatique/

[3] Andréas Malm, Comment saboter un pipeline, Ed. La Fabrique. Voir aussi : https://reporterre.net/Blocage-desarmement-A-la-Zad-deux-jours-de-reflexion-sur-les-luttes: « Désarmer plutôt que saboter.  Dégrader du matériel durant une action de désobéissance civile est en effet une ligne rouge que beaucoup n’osent pas encore franchir. Mais face à l’impuissance des mobilisations citoyennes et non-violentes, comment aller plus loin ? Quels sont les risques encourus ? Quelles conséquences politiques sur les alliances avec les associations plus institutionnelles ? À Notre-Dame-des-Landes, ces questions ont agité moult débats durant lesquels le mot « sabotage » n’a été que rarement prononcé, les activistes lui préférant le terme « désarmement ». Une subtilité sémantique cruciale afin de bousculer l’imaginaire politique. »

[4] Peter Gelderloos, Comment la non-violence protège l’État. Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux, éditions Libre, 2018.

[5] http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/fait-religieux-et-construction-de-l-espace/corpus-documentaire/gaia-hypothese-scientifique-veneration-neopaienne-et-intrusion

[6] https://www.littre.org/definition/militant

«C’est pas l’Afrique, ici…»

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L’assassinat au couteau du jeune Tidiane, à Thiais (94), illustre la fragilité de notre paix civile, analyse Céline Pina.


« On est en France, on n’est pas en Afrique », c’est ainsi que se termine, à la télévision, l’extrait du témoignage de la sœur de Tidiane, 16 ans, assassiné à Thiais devant l’entrée de son lycée par un jeune du même âge, ce lundi 16 janvier.

Sur fond de règlement de comptes entre bandes rivales, son petit frère a été victime d’un véritable guet-apens. Difficile de connaitre les motivations de ceux qui ont monté ce sinistre piège. La raison invoquée, pour aussi stupide qu’elle soit, est la toile de fond de bien des violences urbaines : une rivalité entre quartiers. Personne ne se souvient exactement comment elle a bien pu commencer. Des jeunes dépourvus de conscience et d’éducation croient que l’on est un homme si on inspire la peur et que recourir à la violence prouve sa virilité. Cette histoire parle donc surtout de l’existence de zones de non-droit républicain où les habitants sont les premières victimes de la violence tribale. Car à défaut de droit il y a bien un pouvoir qui s’exerce sur ces territoires : la loi du plus fort. Ou de celui qui n’a aucune limite.

A lire aussi, Gabriel Robin: Thiais, Gare du Nord, Strasbourg: le vol noir des couteaux sur la plaine

Promesse républicaine trahie

Quand la sœur de l’adolescent poignardé fait une comparaison entre la France et l’Afrique, il ne s’agit pas d’une référence « raciste » ou une façon de caricaturer tout un continent. Heureusement pour elle, le fait que la jeune femme ait la peau noire la sauve d’accusations gratuites qui ajouteraient au chagrin de la perte de son frère, la cabale des professionnels du procès en racisme. Nous comprenons tous ce qu’elle tente d’exprimer dans cette périphrase. Elle oppose deux images. D’abord celle de la France, censée incarner l’Etat de droit, et censée être constituée de sociétés apaisées dont le rapport à la loi garantit la liberté. La France est pour elle le nom d’un pays où la sécurité des habitants devrait être assurée et où des hordes tribales n’exercent pas leur domination. Elle l’oppose à une Afrique vue comme instable, où vous pouvez vous faire massacrer pour une question ethnique ou territoriale. Derrière cette expression qui lui est venue, il y a sans doute la démarche originelle de ses ascendants qui sont venus chercher en France une vie meilleure et une stabilité nouvelle, mais il y a surtout une immense déception, une promesse trahie : son frère est mort dans une expédition punitive qui lui rappelle les désordres de pays africains, souvent secoués par des crises violentes. Sauf que ce n’est pas dans un pays d’Afrique que son frère a été tué, mais ici, à quelques kilomètres de Paris.

Des expéditions punitives pas inhabituelles, des bandes de jeunes incontrôlables

Juste avant la phrase polémique, elle et un autre de ses frères avaient raconté comment la bande venue de Choisy-le-Roi avait investi les rues menant au lycée, filtrant les accès pour trouver des jeunes habitant la cité dont ils voulaient se « venger ». Une prise de contrôle qui n’avait fait réagir personne et dont ils semblaient dire qu’elle n’était pas inhabituelle.

A lire ensuite, Ingrid Riocreux: Violences au Stade de France : ne dites pas «racailles» mais dites… quoi?

Ce filtrage pour identifier les habitants d’un quartier désignés comme des ennemis à éliminer rappelle des scènes de guerre civile.

Un drame prévisible ?

Autre point particulièrement inquiétant, le profil du meurtrier présumé. Ce dernier est, comme on le dit pudiquement, bien connu des services de police et de justice. Impliqué dans plusieurs affaires de violences aggravées, mis en examen, il était sous contrôle judiciaire. Ce qui manifestement ne signifiait rien à ses yeux. Ce jeune de 16 ans avait aussi l’interdiction de se rendre à Thiais, « sauf pour les besoins de sa scolarisation ».  Autrement dit aucun véritable interdit et un cucul-la-pralinisme de la Justice à toute épreuve qui oublie la dangerosité d’un individu pour ceux qui l’entourent et fait comme si des obligations scolaires dont il se contrefiche, justifiait des injonctions contradictoires et mal maîtrisées. L’individu était donc dangereux, récidiviste, participait « avec arme à des attroupements » dès l’âge de 15 ans, est reconnu coupable de violences, mais était en liberté et cultivait un fort sentiment d’impunité que le réel avait contribué à fortifier. En effet, le contrôle judiciaire ne signifiant manifestement rien pour lui, force est de constater qu’un individu dangereux pour les autres et sans conscience de ses responsabilités, a été laissé libre de ses mouvements alors que le drame était prévisible. Le pire est que ce type d’affaires est de plus en plus fréquent dans des quartiers de France où règne le trafic de drogue, où les caïds sont admirés et où des jeunes participent à l’économie souterraine. Les spécialistes de ces questions notent la violence et la dangerosité de certains jeunes, mais apparemment cela n’atteint guère l’institution judiciaire.

30 ans d’action politique inadaptée face à l’ensauvagement et à la délinquance juvénile

Or, pour certains jeunes, déculturés et sans éducation, qui n’ont que la violence comme façon d’être au monde, le seul fait de croiser quelqu’un appartenant à un quartier rival peut suffire à justifier un passage à l’acte meurtrier. D’autant que la réponse pénale ou même éducative est inexistante : dans ce type de quartiers, les éducateurs de rue sont débordés et souvent dépassés. Cela fait 30 ans que cela dure, tous les élus le savent mais rien ne change. 30 ans aussi que l’on organise des CLSPD (Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) réunissant élus, travailleurs sociaux, police et justice sans que l’on constate beaucoup de progrès sur le front de la délinquance, du trafic et des violences. 30 ans que l’on rechigne à mettre en place des structures fermées pour y enfermer les mineurs délinquants, 30 ans que l’Etat n’a aucune doctrine sur le sujet et refuse d’entendre les psychiatres qui expliquent que la sanction doit précéder toute mesure éducative.

A lire aussi, Maurice Berger: Remettre la honte à sa juste place

30 ans que sous couvert de « proportionnalité », on nie l’ensauvagement de certains jeunes et que l’on refuse de les sanctionner. Cela donne des gamins au casier judiciaire long comme le bras, qui pour autant n’ont jamais rencontré de véritables limites à leurs dérives.

La tarte à la crème de l’appel au dialogue

Quant au traditionnel appel au dialogue lancé par les associations de terrain, il est fort peu convaincant. D’abord parce que c’est le passage obligé qui permet d’occuper le terrain de la parole sans prendre le risque d’un positionnement politique courageux. Tissé de bons sentiments, il oublie que, pour que l’échange et la rencontre puissent être constructifs, encore faut-il qu’il y ait un tiers autoritaire qui impose la loi et fixe les limites. Sinon cela ne produit pas grand-chose. Ce n’est pas en emmenant les pires caïds des deux quartiers en vacances que le problème se résoudra, ni en organisant des réunions publiques avec la Mairie. En tout cas, pas dans un premier temps. La réponse commencera quand on acceptera de mettre en place de lourdes sanctions et de lever plus facilement l’excuse de minorité dans nombre de cas. Que la justice passe et qu’elle passe vraiment. Autrement dit, la sanction doit être le préalable. Ce qui importe avant tout c’est qu’elle soit rapide et réelle, même si elle est moins lourde que pour un adulte. Qu’après, des démarches éducatives puissent être entreprises auprès des jeunes impliqués dans les violences à Thiais et à Choisy est envisageable voire nécessaire, mais il faut d’abord que l’acte soit sanctionné à hauteur du mal qu’il représente. Sans limites posées par la société, l’appel au dialogue est une façon de se donner bonne conscience à peu de frais mais qui, dans les faits, empêche la prise de conscience des auteurs de violences.

A lire aussi, du même auteur: Valence: un conseiller municipal allié des islamistes?

Si, face à la violence décomplexée et à la culture tribale, la réponse commence et se termine par un appel au dialogue, c’est le meurtre de Tidiane que l’on minimise et auquel on enlève le poids du tabou. Or cette évolution est la marque de sociétés qui retournent vers des formes archaïques et où la violence, à force de n’être pas combattue, devient la marque de la puissance. Là où autrefois c’était la capacité à nous contrôler qui faisait de nous des hommes! C’est cette évolution terrible de la société française que la sœur de Tidiane relève inconsciemment. Les chiffres ne lui donnent pas tort: ces affrontements entre bandes ont causé, en 2022, trois décès et ont fait 279 blessés.  

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Oxfam, EELV, LFI: offrons-leur une retraite anticipée!

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L'écologiste Marine Tondelier (au premier rang avec un badge vert) à une manifestation contre la réforme des retraites, Paris, 19 janvier 2023 © Jacques WITT/SIPA

Marine Tondelier rêve d’une France « sans milliardaires », se fâche avec la légende de la chanson Michel Sardou et fait de l’ombre à Sandrine Rousseau et Cécile Duflot, anciennes stars de cette extrême-gauche française qui a tout faux… Quelle semaine !


Le début d’année 2023 est agité sur le front social. S’illustrent particulièrement les représentants d’Europe Ecologie Les Verts, Sandrine Rousseau et Marine Tondelier en tête, ainsi que des ONG liées comme OXFAM, dont la direction française est occupée par Cécile Duflot. Derrière les beaux discours de façade, ces gens auraient-ils un autre agenda ?

OXFAM, la stratégie du coucou

Commençons par OXFAM qui, comme chaque année ou presque, a sorti son rapport sur les inégalités. Rapport qui a été opportunément diffusé au moment où se tenait le célèbre forum de Davos, façon « stratégie du coucou » comme l’a bien exprimé l’éditorialiste belge Amid Faljaoui dans Le Vif. Lui comme d’autres observateurs ont bien montré les biais intrinsèques de ce fameux rapport OXFAM pour lequel il suffirait de ponctionner la fortune des milliardaires afin de régler toutes les inégalités économiques et financer les retraites. Dans ce rapport à charge contre les « riches », accusés d’être au fond des voleurs, ce qui est constitutif de la rhétorique historique du marxisme, il est expliqué que les politiques publiques des Etats devraient avoir pour objectif de « diminuer par deux le nombre de milliardaires d’ici à 2030 » puis d’abolir purement et simplement les milliardaires quelques années plus tard.

A ne pas manquer, notre numéro en vente chez votre marchand de journaux: Causeur: Arrêtez d’emmerder les automobilistes!

Pour ces experts, cela aurait pour effet de sortir deux milliards de personnes de la pauvreté. L’idée sous-tendue serait que les plus riches ne paieraient pas assez d’impôts comparativement à leur fortune… sauf que cette fortune n’est pas évaluée en fonction des actifs qu’ils détiennent mais de la valeur théorique desdits actifs boursiers. OXFAM compare donc un stock à un flux, et le patrimoine des ménages avec les capitalisations d’entreprises.

Zéro en économie

Il se dit parfois qu’une bonne économie est d’abord comptable ; visiblement, les bases de la comptabilité ne sont pas connues des économistes de l’ONG. Ainsi, tant Elon Musk que Bernard Arnault ne disposent pas des fortunes qu’on leur prête, mais détiennent des parts de sociétés dont le cours de bourse peut varier. C’est d’ailleurs pour cette raison que la fortune d’Elon Musk est annoncée comme s’étant « effondrée de près de 70 % » cette année. Celle de Bernard Arnault a en revanche virtuellement augmenté parce que son secteur d’activités est toujours en croissance. Du reste, si leur patrimoine était cédé… il serait imposé.

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Un raisonnement similaire est ainsi appliqué à la loi de programmation militaire 2024-2030 qui pourrait amener une hausse de 141 milliards d’euros du budget pour la période. Certains se disent « ah, 141 milliards pour l’armée c’est possible, mais pas 14 milliards pour les retraites », confondant ici non pas les stocks et les flux mais les investissements et les charges. C’est d’ailleurs sur ce déficit de culture économique que la démagogie des Verts et de LFI prospère – mais aussi sur la haine d’une réussite qui passerait plus par l’entreprenariat que par le fonctionnariat. Dans les 61 pages du rapport d’OXFAM, les mots « impôts » et « imposition » reviennent 350 fois, comme si le remède miracle tenait dans la fiscalité.

C’est méconnaître l’économie réelle. Le problème des moins fortunés ne tient pas dans les inégalités, qui sont réelles, entrainant logiquement frustration et ressentiment, mais dans leur propre revenu. En somme, il est plus profitable d’augmenter ce qu’on gagne soi-même que de tenter de diminuer ce que les autres ont. Le monde l’a d’ailleurs concrètement expérimenté entre 1965 et 2015 ; la pauvreté ayant été diminuée de moitié pendant que la richesse augmentait. Plus le monde est riche, moins il y a de pauvres. Pour cela, une économie doit permettre l’investissement et l’Etat reprendre son rôle non pas de père fouettard, mais de formateur et de régulateur. On ne peut pas à la fois lutter contre les inégalités et contre la pauvreté, il faut choisir.

Il faut augmenter la richesse globale

Quand Marine Tondelier déclare qu’elle veut interdire le fait d’être milliardaire, elle encourage une société de la lamentation au détriment de l’action. Idem quand Sandrine Rousseau déclare, lunaire, que ceux qui travaillent plus sont ceux qui polluent le plus, et, qu’en quelque sorte, ils sont responsables de la destruction de la nature. Leur idée est de prendre aux rares fortunes qui tirent vers le haut l’économie française pour « rééquilibrer »…  ce qui ne ferait que créer des rentes supplémentaires. Notre principal défi est d’éviter que les classes moyennes ne chutent, et ce défi passe par l’éducation, l’aménagement du territoire et l’augmentation des salaires, pas par le néo-marxisme.

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Ce que proposent OXFAM ou LFI n’aurait pas pour effet d’augmenter la richesse globale. Et ce d’autant plus qu’ils veulent aussi provoquer la décroissance, donc accélérer la désindustrialisation qui a provoqué l’augmentation des inégalités territoriales et la menace du déclassement pour la France travailleuse. La gauche française a tout faux quand elle croit pouvoir aller contre la marche du monde. Quant à OXFAM, il suffit de creuser un peu pour s’apercevoir que leurs objectifs vont bien au-delà de la seule « réduction des inégalités ». L’ONG lutte depuis des années contre l’énergie nucléaire, travaillant étroitement avec Greenpeace ou Les amis de la Terre. Elle défend aussi l’immigration massive qui est une cause de pauvreté mondiale, le tout avec nos impôts puisque OXFAM est financé ici par l’Agence française de développement qui est du ressort de la Caisse des Dépôts et des Consignations.

De quoi rappeler d’ailleurs le travail de sape d’un jeune groupe associatif… Extinction Rebellion, dont les liens avec la secte anthroposophe de l’occultiste Rudolf Steiner seraient avérés. Gardons en encore un peu sous le coude pour un prochain billet !

Biden/archives: quand le singe veut monter au cocotier…

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Washington, le 17 janvier 2023 © Shutterstock/SIPA

«C’est du vent» se défend le président américain Joe Biden, alors qu’une affaire de documents confidentiels, retrouvés dans un garage privé, l’éclabousse. Ce scandale, similaire à celui de Donald Trump, est peut-être même plus embêtant, selon notre chroniqueur. Il est minimisé par le camp démocrate. Voilà ce que l’on sait.


La vie politique de Joe Biden va-t-elle bientôt s’achever pour remplir un carton d’archives, alors qu’il a négligé de rendre ou même de protéger les siennes ? C’est la question qui agite les États-Unis depuis quelques jours. Plusieurs pages de documents confidentiels et classés ont été d’abord retrouvées dans un placard de l’ancien bureau de Joe Biden au Penn Biden Center, un think tank de Washington alors que les avocats – selon leurs dires – vidaient les locaux. Puis, d’autres documents ont été découverts dans un garage de la propriété familiale des Biden à Wilmington, dans le Delaware. Les papiers remontent à l’époque où il était vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017. L’affaire fait désordre alors qu’une procédure vise l’ancien président Donald Trump pour des faits similaires.

Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden…

C’est du vent pris très au sérieux

Pour sa défense, le président a dit vouloir « pleinement coopérer avec la justice » tout en prenant l’affaire « très au sérieux ». Pas si sérieusement manifestement: pas moins de six ans séparent ces révélations embarrassantes du départ de Joe Biden (et de ses archives) de la vice-présidence de la Maison Blanche ! La loi américaine spécifie que le titulaire d’une fonction administrative importante (« office ») doit remettre au moment de son départ tous les papiers qui concernent son exercice.

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Le président dit les avoir pris par inadvertance. L’impression laissée par les faits tels qu’ils sont reportés par la presse américaine de ces nouvelles péripéties reste celle d’une très grande distraction ! Les archives auraient été stockées dans le domaine de Wilmington, dans un garage dont la sécurité n’est pas garantie. La demeure familiale a vu passer des centaines de visiteurs depuis six ans – autant d’individus qui auraient pu entrer au contact avec de précieux documents. Hunter, le fils Biden, avait de surcroit indiqué cette maison comme lieu de résidence principale quand il a enregistré son arme auprès de l’État du Delaware. Notoirement fêtard et désinvolte, il est probable que ce dernier ait résidé à côté desdites archives, les mettant potentiellement au contact d’invités plus ou moins recommandables sans être lui-même en état de les protéger. Les visiteurs du président risquaient-ils vraiment de tomber sur les documents entreposés ? Les États-Unis ont déjà subi des attaques informatiques visant le renseignement et émanant de ses rivaux géopolitiques – toujours capables de ruse et d’ingéniosité. 

Mar-a–Lago, c’est une forteresse à côté du garage de Biden

Les Démocrates ne manquent pas de souligner qu’un petit nombre de documents sont concernés par cette affaire quand il s’agissait de plusieurs piles de documents chez Donald Trump. Mais dans la loi sur l’espionnage, ni le nombre de documents conservés, ni l’intention de le faire, ne sont cependant des circonstances immunisantes. Elle stipule que quiconque « par négligence permet que des informations classifiées soient retirées de leur lieu de conservation approprié (…) sera condamné à une amende ou à une peine de prison. » Analysons donc l’acte et sa gravité, plutôt que l’intention. Quand bien même la faute du président s’avérerait vénielle, « l’inadvertance » du président expose du même coup des secrets d’État aux yeux d’autrui. Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden… Tout cela ne fait pas très sérieux et donne une nouvelle fois aux citoyens américains l’image d’un président en exercice pas franchement à la hauteur, alimentant les soupçons de sénilité que relaient complaisamment les médias conservateurs américains depuis son entrée en fonction.

La Justice américaine analyse les cartons de Trump

La bonne résistance du Parti Démocrate lors des élections de mi-mandat et la zizanie qui règne chez les élus Républicains (à qui il avait fallu 15 tours de scrutin pour élire le Speaker de la Chambre des représentants) avaient dernièrement offert un peu d’oxygène politique au président. L’affaire tombe mal pour lui alors que, selon les médias américains, il entendrait finalement briguer un nouveau mandat en 2024.  

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Avec cette affaire, les Démocrates regretteront peut-être de s’être présentés en chevaliers blancs. Tous ont en mémoire le « raid » du FBI forçant la résidence personnelle de Donald Trump le 8 août dernier et le coffre qui gardait des archives. Les déboires actuels de Biden sont une aubaine pour Trump, ils lui offrent peut-être de retrouver le statut de présidentiable… que lui avait dérobé à droite le gouverneur de Floride, Ron de Santis. Les documents saisis chez Trump comprendraient notamment la correspondance du président avec Kim Jung Un et certaines notices de programmes d’accès spéciaux (dits SAP) détaillant le protocole réservé aux opérations américaines sensibles. Depuis, ces documents sont stockés dans une mission par le ministère de la Justice le temps qu’il « réfléchisse à la manière de les analyser ».

Un peu d’histoire: les archives n’ont pas toujours été pieusement conservées et surveillées dans des dépôts. En 1194, en France, en plein conflit avec la dynastie anglaise et Plantagenet, le roi de France, le capétien Philippe II (« Auguste ») affronte Richard Cœur de Lion à Fréteval en plein Loir-et-Cher. Il porte avec lui ses bannières, ses sceaux et ses insignes. Tout cela est précieux et lui permet de rallier la noblesse rurale en attestant de ses droits. Il transporte même ses archives dans des charrettes qui le suivent. L’usage voulait qu’elles fussent itinérantes. Tant de paperasse ralentit son armée, alors que celle de Richard est plus légère et peut lancer charges de cavalerie sur charges de cavalerie… Finalement, le roi de France bat en retraite laissant derrière lui tout son dépôt d’archives que son adversaire fait brûler ! Affligé par cette perte, Philippe aurait alors décidé que les archives soient conservées dans un lieu fixe – le Trésor des Chartes, qui constitue encore le plus ancien dépôt des Archives Nationales. Pour elles, c’est le début de la sédentarité. Depuis, de l’eau a coulé sous les points et les présidents les dispersent à droite et à gauche, comme pour leur imposer un retour au « nomadisme ».

Sophie Marceau: un amour de jeunesse qui ne s’est jamais démenti

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Sophie Marceau dans "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980 © SIPA

« La Boum éternelle », le documentaire inédit signé Céline Chassé et Julie Peyrard sera diffusé ce vendredi soir à 21h sur France 5


On connaît tous la chanson. Pinoteau à la caméra, Thompson au scénario. Vladimir pianote trois notes sur son clavier. Sanderson pousse les aigus dans le « realizzzze ». Poupette en fait des caisses au volant de sa Renault 5. Robert Dalban a enfilé un costume de serveur à la Coupole. Ce soir, sous la pluie, le Grand Hôtel de Cabourg n’attend pas la visite de Marcel P. mais de Sophie M. Autour du lycée Henri IV, à l’ombre du Panthéon, les garçons enfourchent des mobs et les filles portent des tee-shirts à l’effigie de « Mickey Mouse ». Le prof d’allemand est un ancien matelot à la gueule d’ange et au tempérament bagarreur. À Paris, tous les dentistes roulent en Matra Rancho et les illustratrices de presse ressemblent à Ingrid Bergman dans Casablanca. Les maîtresses, un peu vulgaires, un peu garces, tiennent des parfumeries dans les Yvelines, bien au-delà du périphérique. Pour la Gaumont, il s’agit juste d’un petit budget, un tournage d’été avec des ados débutants choisis sur casting. Les rêves de box-office vont devenir la réalité commerciale de cette année 1980. 35 semaines en salles après un démarrage plutôt anémique, le mercredi de la sortie et puis, c’est la chamade, dès le jeudi, l’amour fou qui ne s’est jamais démenti depuis plus de quarante ans. Des fans, des nostalgiques, des romantiques, une foule sentimentale qui préfèrent la famille Beretton à Tonton ou à Macron. Peut-être, le dernier refuge avant la mondialisation, un dernier slow avant de se dire adieu. Un succès qui tient à une somme d’ingrédients anodins sur le papier. Aucun message politique subliminal, aucune réalité sociale culpabilisante, aucune misère achélème, aucune violence conjugale, à peine une gifle, seulement un carré désarmant, des vacances à la neige, un joli minois venu de banlieue, un naturel déchirant, une douceur bourgeoise presque angevine, une apprentie-danseuse en manque d’amour paternel, une rouquine avec un air poulbot, des patins à roulettes, une innocuité réconfortante, un horizon seulement chahuté par les soubresauts du cœur. Le public valide les incertitudes des « années collège », des copies s’exportent dans le monde entier et La Boum s’installe, grâce à ses multiples rediffusions télévisuelles, comme une borne temporelle, un totem multigénérationnel, une catéchèse pop-corn, un idéal républicain ? Vic de Gentilly entre alors dans nos vies. 

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Le documentaire de France 5 sous-titré « Histoire d’un film sans prétention » revient sur la genèse et l’onde nostalgique que La Boum continue de propager sur nos consciences. Juliette Armanet, née en 1984, dit des choses intelligentes sur le pouvoir de la musique et l’harmonie des corps, la jeune Mona crève l’écran par la fraîcheur et la profondeur de ses paroles, tout le monde communie et regrette le temps béni de ce « teen-movie » désuet et si pénétrant. Pourquoi cet attachement ridicule et pathétique à un long-métrage inoffensif qui ne brille ni par la sophistication de son histoire, ni par l’originalité de sa mise en scène ? Parce que « Reality » agit comme une madeleine de Proust, les larmes vous montent sans que vous puissiez freiner leur flot ; parce que Claude Brasseur et Brigitte Fossey furent les chantres d’une certaine élégance française, à la limite du vaudeville, tout en conservant de belles manières, François Beretton en frivole inquiet, sorte de Woody Allen plus charpenté et noceur que son homologue américain ne pouvant résister au charme d’une Françoise Beretton, clone de Claire Bretécher en plus sage et aristo, à la lisière de la fêlure distinguée ; parce que les rues de Paris avaient encore leurs murs enduits de suie, la couleur fatiguée du vieux monde qui sied aux grandes dames ; parce qu’on lisait des journaux papier aux terrasses des cafés ; parce que le Walkman de Sony fut l’un des plus beaux objets inventés au XXème siècle ; parce que Patrick Besson écrivit le roman de La Boum (existe en format poche dans la collection « J’ai lu » / Numéro 1504) ; parce qu’on pouvait commander une bouteille de Ladoucette au déjeuner sans passer pour un alcoolique ; parce qu’on avait 40 ans de moins.

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Faut-il vraiment ne plus faire d’enfants à cause du changement climatique?

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D.R

La population de la terre vient d’atteindre 8 milliards.


De quoi conforter une mode actuelle consistant à croire que pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut éviter d’avoir des enfants.

D.R.

En 2021, dans une lettre adressée à ses investisseurs, la banque américaine Morgan Stanley les a informés que l’éco-anxiété avait un fort impact sur le taux de natalité. Au même moment, une étude conduite par le Pew Center a révélé que plus d’Américains que jamais déclaraient ne pas vouloir d’enfants, essentiellement pour des raisons écologiques. Ce refus de la procréation est encouragé par la science.[1] Selon une analyse publiée dans Global Environmental Change par deux chercheurs en 2009, chaque enfant ajoute des milliers de tonnes à l’empreinte carbone totale de ses parents. Cette idée a été reprise dans une revue de la littérature scientifique conduite par deux autres chercheurs, parue en 2017 dans un autre titre prestigieux, Environmental Research Letters. Ici, on apprend que chaque naissance évitée réduit les émissions de CO2 de 60 tonnes chaque année, une économie personnelle qui dépasse de loin toutes les autres, comme celle consistant à ne pas utiliser de voiture. Le papier en question a été téléchargé plus de 850 000 fois. La même année, NBC News annonçait : « La science prouve qu’avoir des gosses nuit à la terre. » Pourtant, ces calculs sont fondés sur deux suppositions fallacieuses. D’abord, il y a l’idée selon laquelle chaque parent serait responsable de 50 % de l’impact environnemental d’un enfant, de 25 % de celui d’un petit-enfant et ainsi de suite jusqu’en 2040. Les parents sont donc chargés de toutes les émissions de leurs descendants qui ne sont responsables de rien. Ensuite, on suppose que le monde ne fera plus aucun progrès en termes de réduction d’émissions de CO2 d’ici 2040. Or ce sont les énergies fossiles et pas l’homme en tant que tel qui causent les émissions.

« Même Homère commet des erreurs », disait Horace. C’est vrai aussi des scientifiques.

[1] Shannon Osaka, « Should you not have kids because of climate change? », The Washington Post, 2 décembre 2022.

Marc Minkowski, la musique au galop

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Marc Minkowski. ©GEORGES GOBET/AFP

Le chef d’orchestre a soufflé ses soixante bougies et les quarante de son ensemble Les Musiciens du Louvre. Dans un livre d’entretiens (Chef d’orchestre ou centaure : confessions avec Antoine Boulay, Séguier, 2022), il partage ses souvenirs de travail et de famille, dévoile ses passions et ses rencontres, et nous communique son insatiable appétit de vivre.


Rares sont les chefs d’orchestre capables d’exceller dans des répertoires très variés. Et encore plus rares sont ceux qui savent faire sonner un orchestre avec la précision d’un quatuor. Marc Minkowski est de ceux-là. Acteur essentiel du « renouveau baroque », il aborde avec la même énergie, la même curiosité, Rameau, Lully, Haendel, et explore avec autant d’allégresse – et de succès – l’univers de Mozart, Rossini, Offenbach, Wagner, Berlioz ou Bizet. Le jeune bassoniste féru de théâtre et de poésie, avalé par sa passion de la musique, est devenu ce maestro acclamé sur les scènes les plus prestigieuses du monde.

Avec son ensemble Les Musiciens du Louvre, il façonne un son et un style inimitables faits d’humour et de légèreté, de rigueur et d’exigence ; un travail acharné pour atteindre l’excellence.

Sa fantaisie n’a d’égale que la profondeur de son interprétation d’une partition, de sa connaissance des œuvres et de leurs compositeurs. Un rapport quasi intime qu’il transmet au public, de l’Opéra national de Bordeaux, qu’il a dirigé de 2016 à janvier 2022, à la Mozartwoche de Salzbourg, où il a été directeur artistique de 2013 à 2017, jusqu’au Japon où il a été conseiller artistique de l’orchestre de Kanazawa de 2018 à 2022. Tout en honorant les invitations des festivals les plus réputés, Marc Minkowski a créé le sien, Ré majeure, dans l’île de Ré, qui a lieu en octobre. C’est aussi là qu’il monte ses chevaux, mais c’est une autre passion…


Causeur. En 2022, vous avez soufflé vos 60 bougies ainsi que les 40 de votre orchestre, Les Musiciens du Louvre. Qu’est-ce qui vous a poussé à publier vos Confessions ?

Marc Minkowski. Je n’aime pas parler de moi, mais Antoine Boulay m’a traqué, gentiment, jusqu’à ce que je craque ! Il est vrai aussi que lorsqu’on a fait pas mal de choses, on a envie d’en faire la synthèse. Avec le confinement, je n’avais plus d’excuses d’agenda. Ces Confessions sont nées de nos heures de conversation à distance, mais on se connaît depuis si longtemps qu’on a fini par oublier nos écrans interposés.

Vous évoquez aussi votre famille, une quasi-dynastie d’hommes de lettres, de science et de médecine. Vous sentez-vous héritier de ce riche passé ?

Ce sont des sujets qui m’ont beaucoup obsédé et cette obsession, avec le temps, s’est métamorphosée en fierté et émotion. En décembre, j’ai assisté à un colloque sur mon grand-père psychiatre, à l’hôpital Sainte-Anne, là où il a exercé, et j’étais tellement ému, fier et bouleversé par tout ce que j’ai entendu durant cette journée, que j’y ai vu comme un moyen d’être en contact avec lui. Quand j’étais étudiant, comme j’étais un cancre en mathématiques ou en sciences naturelles, mes profs me demandaient comment je pouvais être aussi éloigné de ce que mes aïeux avaient fait ! Mais mes ancêtres étaient de grands mélomanes, mes parents étaient musiciens amateurs et mon père, dans son premier livre, écrit qu’il voulait être chef d’orchestre… J’ai donc l’impression de réaliser leur rêve et de m’inscrire dans la continuité. Je dédie d’ailleurs mon livre à ma grand-mère maternelle, Edith Wade, que j’admire et qui était violoniste. J’ai commencé la musique au moment où elle nous quittait. C’est une étonnante transmission. Je pense qu’elle m’a légué quelque chose.

Je suis fier de tout cela, de toute cette internationalité, de ce brassage de religions. Dans les voyages que je fais, dans les univers musicaux que je traverse, tous ces gens m’habitent.

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Au fil des pages, vous faites défiler un nombre impressionnant de musiciens, d’instrumentistes et de chanteurs. Avez-vous noté une évolution dans les rapports entre chef et artistes ?

Dans le milieu des intermittents, les choses ne changent pas ou pas beaucoup. Quand on crée un orchestre comme Les Musiciens du Louvre, il y a forcément des rapports de complicité très forts, quelquefois d’amitié, qu’il faut arriver à doser en mettant un peu de distance mais sans se priver de ces relations humaines si fortes. C’est aussi grâce à cela qu’un « petit » orchestre peut prétendre à une qualité proche de la musique de chambre. Quand j’assiste à un concert de quatuor à cordes, je suis toujours émerveillé de leur complicité, et je sais portant combien c’est dur de vivre à quatre du matin au soir ! Donc les choses n’ont pas tellement changé. Face à un orchestre symphonique, j’ai toujours essayé de rester moi-même, c’est-à-dire imagé, expressif, parfois surprenant en donnant des indications éloignées du langage théorique. Je le fais naturellement avec Les Musiciens du Louvre, mais de façon plus dosée lorsque je suis face à d’autres parce que la folie ambiante, que ce soit autour du féminisme, de la sensualité, des plaisirs de la chair, voire simplement des sentiments – qui sont le propre de l’interprétation musicale – fait que mes indications peuvent être mal perçues. Là, oui, les choses ont changé ! Il faut faire attention à ce qu’on va dire et où on va le dire. J’essaie de rester le plus libre possible et, à ce jour, je n’ai jamais été attaqué pour quoi que ce soit.

Vous écrivez : « Cette fonction de chef d’orchestre, c’est à la fois un paradis et un enfer. On passe sa vie à se retrouver devant des groupes inconnus, souvent las et hostiles, qu’il faut charmer sans savoir ni pourquoi ni comment, et en étant certain de ne jamais faire l’unanimité. » Vous faites un métier terrible !

C’est pour ça que c’est bien de partager sa vie entre sa propre crèmerie et des institutions dans lesquelles on est invité. Le chef invité ou le directeur musical d’une grande formation qui n’a pas la sienne propre est toujours soumis, même pour les plus grands, à une pression que l’on peut définir comme une suprématie instable. C’est ainsi, et ça le sera toujours. On bat des records de stress. Quand on est son propre patron, on a d’autres problèmes, mais on est à l’abri de celui-ci, les musiciens qui sont face à vous ont choisi de travailler avec vous.

Parmi vos collaborations, celle avec Bartabas a révélé au public votre passion pour les chevaux. Elle remonte à loin ?

C’est une vocation d’adolescent. À l’époque, j’évoluais entre théâtre, équitation et musique. Je travaillais énormément et c’est la musique qui a finalement tout emporté. Mais le contact avec l’animal et la nature est merveilleux. Je suis d’ailleurs entouré de chanteurs et de musiciens qui ont été de très bons cavaliers et qui, comme moi, ont été engloutis par leur passion de la musique. J’en invite certains chez moi pour aller se promener ou faire des sorties plus sportives, comme aller galoper sur la plage, ce qui nécessite un certain niveau.

Je sais qu’un jour, je créerai une forme de spectacle dans laquelle je pourrai faire intervenir tous ces interprètes-cavaliers qui ont envie de concilier leurs deux passions. Dans l’art chinois et japonais ancestral, les manèges servaient aussi de lieu de musique. J’ai déjà pu monter des spectacles aux manèges de Vienne et de Versailles, ainsi qu’au Cirque d’hiver à Paris. Il y a parfois des acoustiques extraordinaires dans ces lieux et le cheval est un animal rythmique. La chorégraphie équestre est très puissante, il y a là un chemin formidable à explorer.

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Dans un autre genre de manège, il y a la politique. Et celle-ci s’impose dès lors qu’il est question de nommer la direction d’un théâtre ou d’un opéra. Quel regard portez-vous sur ce fonctionnement ?

J’ai beaucoup d’admiration et même des rapports d’amitié avec d’anciens ministres de la Culture, de gauche comme de droite, mais j’ai l’impression que cette fonction s’est évaporée dans l’importance de l’appareil fonctionnel d’un gouvernement moderne. À l’échelle des villes, les nominations sont faites très souvent par des maires qui s’entourent de plusieurs conseillers pour prendre leurs décisions. Globalement, il y a un esprit collectif qui permet de choisir les bonnes personnes au bon endroit. Malheureusement, il y a des théâtres importants, en France et à Paris en particulier, où les nominations dépendent uniquement d’un choix présidentiel. Si le président écoutait vraiment son ministre de la Culture, les choses seraient différentes car en l’état, c’est regrettable. Je trouve encore plus incroyable, depuis quelques années, de voir le cinéma administratif qu’on impose aux prétendants à la tête d’une institution musicale. Une telle fonction est un honneur, mais quand on a une certaine carrière derrière soi, un carnet d’adresses, des relations internationales qui laissent envisager des coproductions immenses, quand on a aussi, par son expérience de directeur dans d’autres maisons et de créateur de festivals, un carnet d’adresses de mécènes qu’on a envie de faire fructifier pour le bien d’une maison, il est hallucinant qu’on puisse être écarté du simple fait présidentiel. Ne sont écoutés ni les conseils d’administration, ni les ministres, pas plus que les personnes à qui sont confiées des missions d’expertise… Et même si vous arrivez dans la short list, vous n’êtes pas reçu à l’Élysée pour présenter votre projet. Je trouve ça scandaleux. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut faire confiance à soi-même, à sa volonté première – c’est ainsi que je me suis fabriqué – ou aux bonnes rencontres et heureuses circonstances. Donc oui, il y a clairement un problème.

Et y en a-t-il un aussi avec les syndicats ?

Ça dépend… J’ai toujours été au carrefour des deux « religions » des artistes qui travaillent dans le monde de la culture : intermittence et permanence. Avant de diriger l’opéra de Bordeaux, j’ai été invité par de très grandes maisons françaises, tels les opéras de Paris et de Lyon, où j’ai observé des méthodes de management très intenses, des moments très difficiles, j’ai vécu des grèves des intermittents, notamment au Festival d’Aix-en-Provence. Il y a des problèmes de tous les côtés, mais ce qui est dur avec les syndicats, c’est qu’ils peuvent refuser de changer l’image qu’ils se sont faite de vous a priori, sans vous connaître. Ainsi à Bordeaux, alors que mon projet a été défendu par les élus locaux, que j’ai maintenu des emplois malgré des suppressions de subventions, je suis resté une espèce de mouton noir, on m’a appelé le « Jean-Marie Messier des orchestres », le « Bernard Tapie des orchestres »… Ce n’est pas dramatique, mais ces a priori se retrouvent partout, c’est l’un des problèmes de notre pays.

À Causeur, nous sommes les premiers à déplorer que « le niveau baisse » dans bien des domaines. Est-ce que, depuis votre pupitre, vous faites le même constat ?

J’entends fréquemment de nouveaux jeunes chanteurs brillantissimes. Je brasse des gens venus de toute l’Europe et d’ailleurs, mais qu’ils soient Français ou étrangers, ils partagent tous un sens de la perfection et de l’excellence. Je vois aussi de jeunes musiciens polyvalents, qui jouent – très bien – des styles de musiques très différents. Donc pour vous répondre : non ! En musique, le niveau reste bon. Ce qui me préoccupe davantage, c’est le remplissage des salles, même si je ne suis plus directeur.

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Vous reprenez en janvier la « Trilogie Mozart » à Versailles, en février à Bordeaux Alcina de Haendel, et en mars à l’Opéra-Comique, à Paris, Le Bourgeois gentilhomme de Molière et Lully. Dans quel état d’esprit est-on avant une « reprise », on change tout ou on ne touche à rien ?

Pour moi, c’est d’abord une joie puis une volonté de faire encore mieux que ce qui a été fait auparavant. On peut aussi découvrir des choses que l’on n’avait pas vues la première fois. C’est pareil pour les chanteurs : quand ils ont laissé reposer un rôle et qu’ils le reprennent, il y a toujours une évolution incroyable. Ce qui est extraordinaire avec la « Trilogie » – Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Cosi fan tutte –, c’est qu’après avoir donné ces œuvres sur trois années, on va les reprendre sur trois soirées consécutives. C’est un marathon, mais c’est magique. C’est un contact unique avec Mozart et c’est là qu’on veut aller encore plus haut dans la perfection.

Quelle est la plus belle critique qu’on a pu vous faire, et aussi la plus bête ?

La plus belle est peut-être des éditions Séguier qui n’ont demandé aucune correction sur le manuscrit que je leur ai donné – je me souviens des corrections interminables de mes parents et de leurs échanges avec leurs éditeurs. La plus bête est sûrement sous la plume d’un critique, quand j’ai lu le mot « ennui » me concernant. L’apothéose de la bêtise est contenue dans ce mot !

Avez-vous tout dit dans ces Confessions ou envisagez-vous, d’ici quelques années, d’écrire de nouveau ?

Je me pose plein de questions depuis la sortie du livre, car on me dit notamment que je pourrais éclairer davantage l’imaginaire des mélomanes, et des autres, sur ce qu’est la vie d’un chef d’orchestre. Cette idée me remplit de joie. Tout est possible…

À lire

Marc Minkowski, Chef d’orchestre ou centaure : confessions (avec Antoine Boulay), Séguier, 2022.

Marc Minkowski. Chef d'orchestre ou centaure. Confessions

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À voir

« La Trilogie Mozart », Opéra royal du château de Versailles, du 15 au 22 janvier 2023.

Alcina, de Haendel, Opéra de Bordeaux, le 9 février.

Le Bourgeois gentilhomme, de Molière et Lully, Opéra-Comique, Paris, du 16 au 26 mars.

Quel bolide es-tu ?

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Pexels

Nous sommes tous une voiture qui s’ignore. Toi aussi, réponds au test quantique [1] de Causeur et découvre dans quelle bagnole te réincarner !


1. Quelle est ta voiture de film préférée ?

a. La DeLorean de Retour vers le futur, parce qu’elle peut faire le plein grâce à la poubelle du voisin et te donne une parfaite écolocredibility tout en te permettant de rouler sans ceinture et pied au plancher en retournant dans les années 1960 ?

b. La Peugeot 403 Cabriolet de Columbo, parce que toi aussi tu aimes dégoupiller une grenade avant de quitter une pièce pour voir si la libération de la parole contribue à créer du lien.

c. La Ford Torino de Starsky et Hutch parce que l’acmé de la coolitude, c’est quand même de sauter dans sa voiture sans ouvrir la porte et à pieds joints dans son slip sans tomber.

d. La Trabant 601 de Good Bye, Lenine !, parce qu’elle prouve que l’on peut avoir un look de caisse à savon, des performances de tondeuse et être un objet de désir. Et puis c’était une voiture destinée au plus méritant : vous dénonciez votre voisin ? Avec un peu de chance vous récupériez son appartement mieux orienté et un bon pour une Trabant.

e. La voiture de James Bond. Vous vous voyez déjà au volant d’une Aston Martin survitaminée, mais dans Rien que pour vos yeux, James Bond la trompe avec une deuche jaune citron. Et c’est de celle-là que vous héritez.

2. Quel est ton méchant préféré ?

a. Judas parce qu’il est la preuve qu’on peut mal tourner même en ayant d’excellentes relations. Cela redonne de l’espoir à tous ceux qui désespèrent du choix de copains de leurs enfants.

b. Dark Vador parce qu’il prouve qu’on peut être asthmatique, se promener avec une soupière sur la tête et une cape tout en étant à l’apogée de son charisme. Probablement parce qu’il n’a pas mis son slip sur sa cotte de mailles, lui.

c. La marquise de Merteuil qui prouve aussi que la vérole ne s’attaque pas qu’au bas clergé breton et que les femmes ne sont pas des bébés phoques.

d. Le joker. L’antagoniste de Batman ne peut pourtant plus être considéré comme tout à fait mauvais depuis que les chauves-souris sont soupçonnées de nous avoir fait cadeau du Covid.

e. Satanas et Diabolo dans les Fous du volant. Ils perdent toujours, mais ne renoncent jamais. Une belle leçon de ténacité. Pour gagner une course mieux vaut ne pas compter sur eux, mais si on est un amateur de pièces détachées, ils fournissent !

3. Ton road trip de rêve ?

a. Si tu as un pote ou une copine relou, qui cumule manque de discernement, capacité à attirer les ennuis et intellect limité, et que tu penses que c’est une bonne idée de l’amener en virée et de lui confier toute une vie d’économies, choisis Thelma et Louise.

b. En mode drag queen for ever avec Priscilla, folle du désert. Paillettes, strass, talons hauts et faux cils, le naturel ne passera pas par vous qui polluez la planète jusqu’au cœur du désert. À côté de vos tenues, la robe de Marilyn Monroe portée pour l’anniversaire de Kennedy fait dame patronnesse. Niveau exhibition de virilité, on est dans une Australie bien loin de Mad Max, mais question célébration wokiste, vous êtes au top.

c. Survivaliste, adepte du « Aujourd’hui sera pire qu’hier et bien mieux que demain », vous anticipez la fin des énergies fossiles et l’écroulement de votre civilisation. Pour vous y préparer, vous vous plongez dans l’étude de Mad Max. Pour la fluidité de genre, vous ne serez pas au top, mais niveau testostérone et clichés machistes, vous explosez les compteurs.

d. Marre du politiquement correct ? Exprimez la racaille qui est en vous et laissez enfin une place à votre double maléfique avec Les Valseuses. En prime vous hériterez d’une DS. Pensez quand même à vérifier les freins : en tant que boomer ou assimilé à, il se peut que votre descendance la plus « all inclusive », celle qui ne sait pas si elle est homme, femme, grille-pain ou pelle à tarte, ait saboté votre moteur histoire d’éviter d’avoir à payer votre retraite.

e. Vous avez l’ambition d’une feuille morte et êtes toujours dans le vent ? Vous maîtrisez tous les codes de la gauche culturelle, êtes abonnés à Télérama, Les Inrocks, Mediapart et vous trouvez qu’Yseult marraine de la francophonie est tout à fait approprié quand on envisage d’arrêter l’orthographe pour écrire en phonétique, alors vous devriez adorer Le Camion de Marguerite Duras. Une heure vingt de plans statiques dans un salon entrecoupé d’images d’un semi-remorque qui roule. Si vous aimez l’ennui chic, la dépression pédante et les platitudes pompeuses, vous tenez votre film fétiche.

4. Votre homme politique favori ?

a. Emmanuel Macron : vous avez toujours été du côté du manche et quand les fusils sont sortis, vous savez préférer le côté gâchette au côté canon. En tant que manager, vous adorez proposer à vos équipes de « faire mieux avec moins » quand elles se plaignent de leur charge de travail : de toute façon vos primes ne sont pas indexées sur leur bien-être.

b. Jean-Luc Mélenchon : Vous aimez le concept de peuple, mais trouvez le gueux fort déceptif et le vilain notoirement ingrat. Vous avez emprunté votre capacité d’empathie envers vos semblables à la mante religieuse et manifestez autant de retenue et de tenue qu’une nuée de sauterelles bibliques en Égypte.

c. Marine Le Pen : vous devez composer avec un père encombrant et une appartenance politique qui vous rendent difficile l’accès à la soirée de Noël de Libération ou à la Fête de l’Huma. Vous en êtes donc réduit à poster des photos de chatons pour montrer que vous avez un cœur. Tous les cinq ans, vous représentez les cavaliers de l’Apocalypse à vous tout seul, ce qui permet un exorcisme collectif aboutissant à propulser une buse quelconque en haut de la pyramide alimentaire du pouvoir.

d. Anne Hidalgo : uniquement si le rat, enfin le surmulot, est votre animal de prédilection, si vous êtes capable de créer des embouteillages au milieu du désert de Gobi et de recouvrir de papiers gras les îles Kerguelen en moins d’une semaine.

e. Le candidat LR : sur le papier il est l’héritier de de Gaulle, le grand homme que tous les Français plébiscitent. Dans la réalité, il hésite entre donner des gages à la gauche woke et se rallier à la Manif pour tous. Quant au militant, tout en rêvant d’un chef charismatique, il se donne au moindre Christian Jacob qui passe. Ensemble, ils constituent la team « On n’a pas sorti le cul des ronces ».

5. Votre itinéraire favori ?

a. Auteuil, Neuilly, Passy (c’est votre ghetto).

b. De Nantes à Montaigu…

c. De toute façon, on ne devrait jamais quitter Montauban.

d. De Charybde en Scylla

e. Du Capitole à la Roche tarpéienne


Réponses

Un maximum de a.

Tu es une Ferrari.

Tu aimes que personne ne passe à côté de ta réussite, alors autant l’afficher en rouge rutilant. Bon, tu ne sais pas la conduire, mais c’est pas grave, le but du jeu c’est de rendre vert de jalousie Gonzague, qui a toujours séduit plus de filles que toi aux soirées intégration de ton école de commerce, mais qui roule en électrique parce qu’il veut concilier exhibition de puissance et vertu ostentatoire. Pour allier parfaite superficialité et bonne conscience, il s’est doté d’une Tesla. Toi, tu assumes de niquer le climat, de toute façon tu as les moyens de payer la taxe carbone de la Chine et de ne reconnaître personne, même sans Harley-Davidson.

Un maximum de b.

Tu es une Porsche Cayenne 4×4.

Tu n’as jamais vu un chemin de campagne vu que tu quittes rarement les arrondissements à un seul chiffre de Paris. Ta voiture est impossible à garer et consomme plus que Charles Bukowski et Serge Gainsbourg réunis, mais un jour tu quitteras cette vie occidentalo-centrée et hétéro-normée pour te rapprocher de la nature et des ours polaires. Lesquels t’attendent avec impatience : la bouffe se fait rare et l’urbain est tendre et peu véloce !

Un maximum de c.

Tu es une Fiat Multipla.

Comme Thérèse, tu n’es pas moche, mais tu n’as pas un physique facile. Ton originalité ne t’a pas permis de rencontrer ton public ? Pas d’inquiétude, il te reste le viatique de tous les aigris : tu étais trop pur, trop en avance, pas assez commercial.

Un maximum de d.

Tu es une Moskvitch.

Fabriquée en Russie dans une usine Renault grâce à des pièces chinoises. Une sorte d’équivalent du coucou chez les oiseaux, mais dans le monde mécanique. Chez vous rien n’est authentique, mais tout sert à la communication. Comme vous vous moquez d’être cru et aimé, tant que personne n’ose vous contrarier, la Russie de Poutine se prête à merveille à votre tournure d’esprit.

Un maximum de e.

Tu es une Mini Cooper.

Seuls les Anglais pouvaient réaliser une voiture dénuée de toute performance, qui ne tient pas la route, qui réussit à être encore plus tape-cul qu’une charrette à foin, le tout en siphonnant plus d’essence que Falstaff descend de pichets de vin, et en faire un objet tellement fashion que même ses détracteurs lui trouvent un petit charme.


[1] Un test quantique, c’est pareil qu’un test réalisé à base de n’importe quoi par des incompétents notoires, le tout dans un but indéterminé, mais ça fait quand même plus sérieux.

À l’assaut du porno

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Manifestation contre les violences faites aux femmes à Toulouse, 23 novembre 2019. Le porno sur le banc des accusés. © Alain Pitton/NurPhoto via AFP

L’industrie du X est attaquée de toute part. Élus, médias et associations dénoncent les scandales que charrie ce juteux commerce, et il y en a. Mais au-delà, c’est l’un des derniers bastions de la liberté individuelle que veulent abattre les pères la morale.


Ces temps-ci, contre les sites de sexe, c’est l’orgie médiatique. Voyez plutôt : une double page dans Le Monde du 30 septembre qui se prend pour Détective et titre : « Plongée dans une filière de traite des femmes au service de l’industrie du X » ; un rapport du Sénat qui fait suite à des mois de travaux à rallonge ; le lynchage du site pseudo-amateur Jacquie et Michel mis en examen dans le scandale du « French Bukkake [1] » ; une soirée spéciale sur France 2.

Il faut ajouter à ce branle-bas de combat la mobilisation générale des associations féministes et de protection de l’enfance. On parle non seulement de légiférer et de sanctionner à plaisir – façon de parler – mais d’interdire totalement la pornographie sur internet. Déjà, en 2013, dans l’objectif d’« éliminer les stéréotypes de genre », discutable car le porno est depuis longtemps ouvert à toutes les sexualités, le Parlement européen l’avait envisagé, puis repoussé. Il s’agit aujourd’hui de sauver d’abord les femmes et les enfants avant d’envoyer par le fond la nef des rêves humides et pixélisés. Le nouvel ordre moral se lèche les babines : sus au porno !

Bref, ça ne rigole plus. Tout l’écosystème est visé : producteurs, sites spécialisés payants et gratuits (chez les pros, on dit « tubes » !), fournisseurs d’accès, acteurs accusés de complicité de proxénétisme… sans pour autant que commentateurs et défenseurs de la vertu et du sensationnel s’y reconnaissent entre ces différentes entités.

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Le business du X est juteux. À l’échelon mondial, il représente des dizaines de milliards de dollars et des masses gigantesques de personnes connectées à chaque seconde. Elle est loin l’époque du porno « de papa » réalisé de façon artisanale entre joyeux camarades, et personne ne le nie plus : pour mettre en scène des pratiques de plus en plus hard, les sites web imposent de plus en plus souvent aux actrices des conditions de tournage infectes. Une réglementation s’impose.

Avec l’exploitation des interprètes, la question des mineurs est un véritable problème. Selon la commission sénatoriale, à 12 ans, près d’un enfant sur trois a consommé du porno. Le terme « sexe » se classe quatrième des recherches les plus effectuées par les jeunes sur le web. Seuls les naïfs croient encore à l’efficacité du contrôle parental sur la télévision familiale et aux déclarations sur l’honneur pour vérifier l’âge des visiteurs en ligne. En quelques clics sur leur téléphone portable, des millions de jeunes gens et de jeunes filles (30 % du total) accèdent à chaque instant aux sites pornos. Il faut bien que les jeunes s’instruisent.

Or, ainsi que l’exprime la psychanalyste Sabine Callegari, auteur du best-seller La Vie augmentée (Albin Michel) : « À l’adolescence, les forces pulsionnelles reviennent aussi puissantes qu’à la petite enfance. Elles laissent les jeunes désemparés face à des mises en scène de violence et de virilité déconnectées de la vie sexuelle réelle. Sans l’appareil critique et réflexif nécessaire, ils sont débordés par la puissance des pulsions mobilisées en eux par le spectacle pornographique. Ils voient des personnages eux-mêmes en position d’objet et s’y identifient. Dès lors, de forts sentiments d’angoisse se mettent en place. »

Pourquoi les érections des hardeurs sans visage sont-elles si imposantes et les rapports si longs ? Peut-on ainsi maltraiter les filles ? D’où sortent certaines pratiques si impressionnantes ? Les trompes d’éléphant des mâles, les orifices assoiffés des femelles, est-ce ça le plaisir ? La sexualité peut-elle à ce point se passer des émotions ? Comment font les plombiers pour arriver si vite ?! Les filles en sortent traumatisées et les garçons complexés. Les teenagers livrés aux images croient que faire l’amour en vrai, c’est cela. Personne pour leur expliquer que tout ça, c’est de la mise en scène et du cinéma, et qu’on leur a refilé un show bidon à base de Viagra, de montage et de Gaviscon, un gel anti-reflux œsophagien plébiscité pour simuler le liquide séminal.

L’éducation sexuelle à l’école et au collège ? C’est une blague. Ni formée ni motivée, la majorité des enseignants du public s’en bat le buvard. Ils assurent rarement les trois heures par niveau prévues par les directives rectorales, ou se limitent en SVT à quelques vagues notions anatomiques (et encore : le clitoris n’est apparu dans les manuels scolaires qu’en 2017). Les conseils de contraception passent à la trappe et les avertissements au sujet du porno encore davantage. Dans le privé encore majoritairement aux mains des cathos, c’est vade retro… Quant aux parents, beaucoup s’en lavent les mains.

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Une idée intéressante serait celle imaginée dans un film pour ados en 2004, Girl Next Door, où une bande d’étudiants utilisent les codes et les acteurs mêmes du porno pour élaborer des films d’éducation sexuelle. On n’en est toujours pas là. Carl Jung : « Penser est difficile. C’est pourquoi la plupart se font juges. »

Le Sénat français s’est donc saisi du corps du délit et a auditionné. Les autorités, de tous bords politiques, n’ont pas eu de vergogne à se faire mousser. Et les séances ont quelquefois frôlé le Courteline. Morceaux choisis : la présidente des quatre femmes « rapporteurs », qui préfère ce terme à celui de rapporteuses (le genre a parfois de ces traîtrises) ; les répliques finaudes de la parlementaire PS Laurence Rossignol qui cite avec gourmandise « Gina, Chloé et Cheryl vont vous montrer comment on s’occupe d’une grosse bite black », pour justifier des accusations de racisme assez tirées par les cheveux ; le fiston Dorcel, dit « né sous X », qui joue les petits saints jusqu’au rappel de scènes réalisées dans des conditions épouvantables et diffusées par sa société ; les associations « progressistes » qui se présentent en mères la pudeur ; et les arguties des juristes consultés. À l’arrivée, pour involontairement cocasses qu’ils soient, aucun des protagonistes de cette obscène performance n’apparaît très sympathique. Et on devine en arrière-plan la goguenardise des « tubes » qui, depuis le Portugal, Chypre ou la République tchèque, lieux de douceur fiscale où ils sont installés, observent le spectacle ; sans parler du cynisme des fournisseurs d’accès (Orange, Bouygues, Free, etc.) à qui profite le crime.

Pourtant, comme le signale Me Baptiste Lampin, avocat à Paris : « Pour lutter contre les fléaux liés au X, l’arsenal législatif pénal et civil est déjà bien pourvu… Seulement, on souffre d’un gros problème d’exécution des textes. » Sur la protection des mineurs et les violences faites aux femmes, on n’a jamais craint, et souvent depuis longtemps, d’enfiler les lois. À titre d’exemple, celle du 30 juillet 2020 ambitionne de bloquer les sites qui n’agissent pas efficacement pour interdire leur accès aux mineurs. Deux ans plus tard, c’est l’impuissance. La CNIL et l’ARCOM, saisies par le législateur, se renvoient la balle et peinent à s’entendre sur des mesures d’application.

Y parviendraient-ils un jour que les nouvelles dispositions seraient sans effet. Les jeunes aficionados du porn, pour qui la technologie internet n’a pas de mystère, connaissent déjà la riposte : le VPN, un programme enfantin à installer sur n’importe quel terminal et qui permet de se connecter comme si l’on était localisé hors de nos frontières. Pratique et imparable.

Tout ceci est-il une raison pour rêver de tout interdire sans la moindre nuance ?

Toutes les productions et tous les travailleurs du secteur ne sont pas des victimes, ni des bourreaux. Certains aiment leur job et le pratiquent convenablement entre adultes consentants, avant de le diffuser au travers de sites payants qui permettent un certain niveau de contrôle. On note même l’apparition, timide il est vrai, d’une production « women friendly » et transgenre filmée par des femmes.

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Que ce soient les deux Corée ou la Chine, l’Iran, le Bangladesh ou les Émirats, les pays où règne la prohibition absolue du porno ne brillent pas pour leur respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il y a en France 14 millions de célibataires, sans compter les couples atteints par la paix des habitudes – on pense au mot de Tchekhov : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas ! » Qui va les aider à se prendre en main ? N’en déplaise aux casse-pieds du monde entier, la branlette reste encore une liberté individuelle.

Où est la limite ? Où finissent l’art et la liberté d’expression ? Interdire la pornographie, selon quels critères ? De Flaubert à Baudelaire, l’accusation d’obscénité a toujours été portée à tort et à travers. Au bûcher Apollinaire, Picasso, Rodin, Mapplethorpe, Bellmer, Bataille, Nin, Calaferte, Sade, la délicieuse Emma Becker, Aragon et tous les autres ?

Laissons le mot de la fin à Sabine Callegari : « On ne peut pas vivre dans un monde aseptisé, ni physiquement ni psychiquement. Vouloir mettre le monde dans une bulle de pureté ne l’aide pas à évoluer. Il faut au contraire éveiller les consciences et aider les personnes, face à la réalité, à juger par elles-mêmes. » On ne saurait mieux dire.

*Dernier ouvrage paru : La Ville des ânes, Aquilon, 2021.

LA VILLE DES ÂNES. Roman.

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[1] En bon français, le bukkake s’appelle « éjaculation faciale ».

Blocages: c’est toujours les mêmes!

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« Aujourd’hui, ça va être une très grosse journée de mobilisation » a déclaré le syndicaliste Philippe Martinez. © JEANNE ACCORSINI/SIPA

La grève est devenue un moyen de coercition de la part de quelques personnes qui s’arrogent un pouvoir exorbitant que nul ne leur a conféré pour prétendre modifier un projet de loi et pour ce faire, priver les citoyens de leurs droits les plus élémentaires.


Que fait-on des droits vitaux des citoyens ?

C’est bien simple : les mouvements de grève dans les services publics de transport et dans les industries énergétiques d’intérêt national sont une atteinte aux conditions de vie du citoyen. Atteinte qui peut aller de la simple gêne à la destruction pure et simple des conditions de vie ; destruction économique par faillite, sociale par le chômage induit, personnelle par les rendez-vous manqués, mais aussi et surtout médicale. Pouvoir se déplacer librement est un droit vital pour tout citoyen.

On va aller voir ceux qui veulent la réforme, qui la soutiennent, ceux-là on va s’occuper d’eux…

CGT Mines-Energie

Le recours de plus en plus fréquent, par les syndicats, à l’agression délibérée des citoyens par privation de ce droit élémentaire, constitue désormais, semble-t-il, le modus operandi privilégié dans l’espoir d’obtenir rapidement satisfaction.

Que le patron soit l’Etat ou une société privée, l’arme de l’action directe contre la population est toujours utilisée comme un appel au régalien pour qu’il intervienne dans ce qui est de sa compétence, ou pour qu’il torde le bras des patrons récalcitrants.

La grève n’est plus ce qu’elle était, même si déjà…

La grève était autrefois une affaire entre un patron et ses ouvriers ou ses employés. Il s’agissait d’un problème local ou sectoriel parfaitement circonscrit dans une sphère purement professionnelle. En tout cas dans le principe, car il faut reconnaître que les grèves politiques n’ont pas manqué, et que la gauche marxiste, qui téléguidait certains syndicats, essayait souvent et essaie toujours (lui et toutes les « forces de gauche ») de politiser l’action syndicale (par exemple le Parti communiste français, lui-même aux ordres de Moscou, a longtemps eu la CGT à ses ordres).

Quelques personnes élues par personne font la loi

Cela étant le problème nouveau vient de l’extraordinaire capacité de nuisance de quelques personnes, dans le secteur pétrolier par exemple, qui s’arrogent sans vergogne le droit d’imposer leur volonté à l’exécutif, comme au législatif, pour s’opposer au vote d’un projet de loi, comme cela s’annonce dans le cadre de la réforme des retraites.

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On nous rebat les oreilles de la dimension constitutionnelle du droit de grève pour faire obstacle à toute critique concernant tout arrêt de travail. Pour information le droit de grève n’est inscrit dans la Constitution que par le préambule de celle de 1946, assez laconique à ce sujet : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Pour compléter cette quasi lapalissade, on doit se référer à l’arrêt du 2 février 2006 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui définit la grève comme « la cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles ».

Et pourtant ce pouvoir s’impose, avec la même force irrésistible qu’une prise d’otages. La CGT pétrole met le pistolet sur la tempe des Français en exigeant du gouvernement qu’il rende les armes, qu’il abdique ses prérogatives, et se couche devant quelques individus qui peuvent mettre à l’arrêt le pays.

La CGT pétrole fait déjà pression en annonçant qu’elle bloquera le pays si elle n’obtient pas satisfaction, c’est-à-dire le retrait du projet. Personnellement, en tant que citoyen, je dénie à quelques syndiqués mécontents le pouvoir de décider de la loi. Je ne connais pas ces messieurs qui prétendent avec une tranquille assurance interdire un projet de loi. Je ne les ai pas élus, ni directement ni indirectement. Et leur pouvoir n’est inscrit nulle part dans la Constitution.

Des élus menacés

Mieux encore, et pour bien montrer un pouvoir de nuisance quasi illimité, la CGT Mines-Energie menace de coupures ciblées d’électricité les politiques qui oseraient soutenir la réforme : « On va aller voir ceux qui veulent la réforme, qui la soutiennent, ceux-là on va s’occuper d’eux. On va aller les voir dans leurs permanences, on va aller discuter avec eux, et puis si d’aventure ils ne comprennent pas le monde du travail on les ciblera dans les coupures qu’on saura organiser ». On notera le langage qui semble tout droit sorti du film « Le Parrain ». Vous avez bien lu : « on va s’occuper d’eux ». Cela s’appelle une menace, qui porte en sous-texte une violence ahurissante, et qui aurait dû créer un séisme dans l’opinion comme dans le monde politique et syndical. On se croirait revenu au vieux temps de la Convention sous Robespierre où la menace physique « populaire », dans les tribunes comme à l’extérieur, pesait constamment sur les débats.

Quoi que l’on pense de cette réforme, il reste que la situation apparaît tout à fait surréaliste.

Dans les faits c’est tout l’édifice institutionnel qui se trouve balayé par ce genre de coup de force. Finie la séparation et l’équilibre des trois pouvoirs ; l’exécutif, le législatif, et le judiciaire ne sont plus que des pantins soumis aux manipulations du grand marionnettiste : la CGT.