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Ce manque que comble Cyril Hanouna

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L’animateur du talk-show de C8 est vilipendé pour avoir réclamé la privatisation du service public et avoir révélé le salaire de la présidente de Radio France. L’analyse de Philippe Bilger.


Il n’est pas convenu ni convenable. Il est outrancier, parfois vulgaire, démagogue aussi. On peut tout dire de ce bateleur de génie. Le pire, il s’en moque. Le meilleur, il s’en flatte. Mais il n’empêche : on a besoin de lui.

Ces derniers temps il a fait exploser l’audiovisuel public, en particulier Radio France avec un ciblage sur France Inter à laquelle on offre la fabuleuse opportunité de pouvoir vous critiquer avec l’argent qu’on lui donne. Il a eu droit à des réponses qui prétendaient le moquer mais n’ont pas convaincu ceux qui, en désaccord sur sa forme, ne sont pas loin d’approuver son fond. Car je persiste : on a besoin de lui.

Dans un monde où la parole officielle brille par son conformisme ou sa lâcheté, alors que le président de la République ne nous a pas encore expliqué pourquoi il avait changé d’avis, en si peu de temps, sur le report de l’âge légal à la retraite, dans un espace parlementaire à l’égard duquel TPMP représente une violence soft, dans une démocratie qui à la fois tolère des horreurs mais a des pudeurs de chaisière, Cyril Hanouna met heureusement les pieds dans le PAF. Parce que je confirme : on a besoin de lui.

Quand il s’indigne parce qu’il récuse être « une société du défouloir » – et pourtant, à la lettre, ce n’est pas un mince compliment – et qu’il révèle le salaire conséquent de Sibyle Veil (18 500 euros par mois), il joue au trublion tellement libre et atypique que rien ne saurait entraver ses propos, aussi peu corporatistes qu’ils soient. Je ne peux pas m’empêcher de relever qu’il y a un progrès capital depuis la dernière campagne présidentielle : les médias officiels ne bénéficient plus d’une supériorité de principe mais sont eux-mêmes de plus en plus contestés par les citoyens et, ce qui est nouveau, de manière interne, par des esprits, professionnels, essayistes, polémistes, qui n’en peuvent plus d’une partialité favorisée par les subventions.

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Parce que le paradoxe amer est là : les aides, les crédits publics, les budgets en hausse, loin d’engendrer une exemplarité pour le pluralisme, les débats, l’honnêteté, la vérité des faits et la lucidité équilibrée des analyses, suscitent absolument l’inverse. Puisque dans tous les cas on perçoit, pourquoi battre en brèche la mauvaise pente ? Se laisser glisser est sans risque et voluptueux. Alors je maintiens : on a besoin de lui.

Je devine comme des mines méprisantes se dessinent, comme on n’est pas loin de me plaindre pour avoir si mauvais goût, parce qu’il y a des prestations médiatiques qui ne mériteraient que l’opprobre. Pourtant ne pas trouver dans les rages et les colères de Cyril Hanouna, derrière parfois l’extrémisme sans filtre de son verbe, des pépites incandescentes, fulgurantes, bien plus populaires que populistes (pour moi ce ne serait pas un gros mot !), des dénonciations infiniment partagées me semble relever d’une hémiplégie désastreuse. La République, peu à peu, va s’éteindre à cause d’une liberté d’expression qui se verra interdite d’existence pour l’essentiel mais choyée pour le dérisoire. Des ministres peuvent bien le reprendre, le sermonner : peu importe. Parce que c’est une évidence : on a besoin de lui.

Une interrogation. Aurait-il tant d’écoute et d’audience, lui dans lequel on ne voit que l’histrion en feignant de ne pas remarquer l’éveilleur, le révélateur, si les mondes qu’on prétend ériger en modèles contre lui étaient réellement exemplaires ? Il est manifeste que son succès démontre au contraire, auprès d’un public peu accordé avec la politique classique, les débats conventionnels, à quel point il comble un manque, pallie un vide et suscite l’espérance d’autre chose. Car j’approuve : on a besoin de lui.

Il ne faut pas le confondre avec ceux qu’il réunit. Ce qui est supportable, nécessaire avec lui devient intolérable avec les autres qui parasitent ses monologues ou ses délires calculés et nous offrent du Hanouna mais sans Hanouna : c’est insignifiant. C’est sa faiblesse et sa force singulière : au fond, il est tout seul. Mais tant pis : on a besoin de lui. Ce billet sera lu, je l’espère, par quelques-uns qui voudront bien approuver le risque que j’ai pris : dire du bien de Cyril Hanouna sans le porter aux nues. Parce que quelqu’un qui sur le plan médiatique, et contre le ronron de l’audiovisuel public autosatisfait, fait tout péter, ne peut pas être mauvais. Il y a des explosions qui, agitant les bonnes consciences et déréglant les complaisances, sont salubres. La France en a besoin.

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Squatteurs: une loi « ignoble » pour la Nupes…

L’esprit de Noël n’était pas vraiment de mise à l’Assemblée nationale en décembre. Tranches de vie parlementaire.


Squatteurs

L’Assemblée a adopté une proposition de loi contre les squatteurs et les impayés de loyers, visant à protéger davantage les propriétaires. Ce qui a donné lieu à un florilège de clichés et autres caricatures sur « les gentils squatteurs en très grande difficulté » forcément victimes de « méchants propriétaires »… Une loi « ignoble » selon les députés de la Nupes qui arguent que « personne ne squatte un logement par plaisir ». Là-dessus, nous pouvons être à peu près d’accord. Mais peut-être pourrait-on convenir a contrario qu’il n’est pas tout à fait normal que les squatteurs aient le droit d’attaquer en justice les propriétaires qui changent la serrure pour… violation de domicile ou que, dans le cas où le propriétaire chercherait à se faire justice lui-même en expulsant manu militari le squatteur peu scrupuleux, ce dernier risquera finalement une peine moins lourde que le propriétaire. Mais non, droite et gauche sont, sur ces sujets, tout bonnement irréconciliables. Mort au bon sens ! Longue vie à l’idéologie et aux postures électorales !

D.R.

Délestage

Lors des questions au gouvernement, le sujet brûlant des coupures d’électricité et autres délestages est bien sûr abordé. Surtout après les « propos maladroits » (dixit le gouvernement) du porte-parole d’Enedis, Laurent Méric, qui avait indiqué la veille que les patients à haut risque vital, ceux qui disposent d’un respirateur par exemple, pourraient eux aussi subir des coupures de courant. C’est Élisabeth Borne en personne qui répond en intimant aux députés de « cesser d’agiter les peurs ». À quand « les heures les plus sombres de notre histoire » ?

49.3

Jeudi 8 décembre, à 14 h 55, un défilé de voitures officielles et de CRS arrivent toutes sirènes hurlantes devant l’Assemblée nationale. Cinq minutes plus tard, devant un hémicycle aux trois quarts vide, Élisabeth Borne, toujours elle, annonce qu’elle utilise l’article 49.3 de la Constitution pour la huitième fois consécutive… Elle a gagné son pari : plus personne n’y prête attention. C’est l’indifférence générale quand on nous prédisait le peuple dans la rue. Jusqu’à quand ?

Adrien Quatennens

Le verdict est tombé : Adrien Quatennens a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, mardi 13 décembre, pour des violences sur son ex-compagne. Dans la foulée, son groupe politique, La France insoumise, a indiqué que le député serait radié du groupe « pour une durée de quatre mois, jusqu’au 13 avril 2023 », et que « son retour dans le groupe parlementaire [serait] conditionné à l’engagement de suivre un stage de responsabilisation sur les violences faites aux femmes auprès d’associations féministes ».

Problème, Adrien Quatennens a exclu de démissionner de son poste de député et se retrouve donc automatiquement parmi les députés non-inscrits.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Espèce de sale BD!

Les bras m’en tombent… siéger à l’Assemblée nationale parmi les non-inscrits ne signifie pas être un rebut, un paria de l’Assemblée nationale ! Nous sommes actuellement quatre députés non inscrits : Véronique Besse, Nicolas Dupont-Aignan, David Habib et moi-même. Et nous avons un point commun : avoir choisi d’être non-inscrits. Chacun d’entre nous a été approché pour rejoindre un groupe politique – et même sollicité, pour l’un de nous quatre, pour prendre la coprésidence d’un de ces groupes –, mais nous avons tous choisi, individuellement, de rester libres.

Le simple fait que le député Quatennens, condamné par la justice, puisse siéger parmi nous est une offense aux valeurs d’indépendance et de liberté que nous nous efforçons d’incarner. Non, monsieur Quatennens, nous n’avons aucun point commun avec vous !

49.3 encore

Dimanche 11 décembre, devant un hémicycle à nouveau fortement clairsemé pour cette séance dominicale, Élisabeth Borne brandit pour la neuvièmefois le 49.3 afin de faire adopter l’ensemble du projet de loi des finances. Avec, tel un réflexe pavlovien, une nouvelle motion de censure, la neuvième également, issue de la gauche, afin de lutter contre « l’autoritarisme du gouvernement [qui] n’a pas de limite ». À cela, la Première ministre rétorque que la « multiplication des motions a considérablement restreint le temps des discussions » et questionne : « Finalement, pourquoi fuyez-vous les débats ? » Fou rire sur les bancs. L’hôpital se moque décidément de la charité… La question est grotesque. Fou rire qui finit par la gagner et fait figure d’aveu : même elle n’y croit pas…

Coupe du monde

Même l’Assemblée vit au rythme du football. Le soir de la demi-finale de la Coupe du monde contre le Maroc, les horaires ont été aménagés et la session du soir n’a repris qu’à 22 heures pour laisser les députés regarder le match jusqu’au bout. Et je tairai les noms de ceux qui visionnent, en douce, depuis l’hémicycle, sur leur téléphone portable, les rencontres footballistiques…

Crèche de Noël

Je ne résiste pas à l’idée de finir cette chronique par une histoire de Noël : celle de la crèche de Béziers bien sûr ! Qui m’a fait quitter l’Assemblée nationale un peu plus tôt que prévu puisque je voulais être présente pour son « exil forcé » de la mairie de Béziers. En effet, comme chaque année, nous avons installé une crèche dans la cour intérieure de l’hôtel de ville. Et comme presque chaque année, la Ligue des droits de l’homme ou les Libres Penseurs l’attaquent en justice au nom de la laïcité. Cette fois, devant le refus du préfet de nous poursuivre, nous avons eu droit à un référé devant le tribunal administratif de Montpellier par la Ligue des droits de l’homme. Nous avons été condamnés au nom d’un « préjudice grave et immédiat », et contraints de la retirer de l’hôtel de ville. Nous nous y étions préparés : la crèche est depuis longtemps sur roulettes pour la déplacer facilement… L’histoire est un éternel recommencement : deux mille plus tard, après avoir été refoulés d’une auberge à Bethléem, voici dons Joseph et Marie expulsés de la mairie de Béziers à la veille de Noël. Au nom des droits de l’homme qui plus est !

Gaz russe: l’Europe en cure de sevrage

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Les États-Unis remplacent la Russie dans le marché européen du gaz naturel 


En 2022, dans le secteur de l’énergie, les échanges et les flux ont été radicalement bouleversés.

Déjà en prise avec une gestion difficile de l’économie post-Covid, l’Europe s’est enfoncée davantage dans la crise suite à l’invasion de l’Ukraine en février. Rappelons qu’avant même que les Européens ne sanctionnent les secteurs énergétiques russes, Moscou avait réduit l’approvisionnement en gaz naturel du vieux continent, espérant briser la volonté européenne et transatlantique de soutenir l’Ukraine…

Pour y faire face, les Européens se sont massivement tournés vers les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) américain. D’autres stratégies, comme la réduction de la consommation et le passage au charbon ou aux énergies renouvelables, ont compensé les coupures de gaz russe, mais c’est bien le GNL américain qui a comblé la majeure partie du vide. Au prix fort. La plupart des contrats de GNL américains permettant aux acheteurs de revendre facilement les cargaisons et de détourner les navires vers les clients qui paient le plus, de nombreux acheteurs asiatiques, notamment chinois, ont revendu du GNL à l’Europe pour faire du profit. Les prix élevés ont permis de sécuriser l’approvisionnement de l’Europe en gaz, mais ont naturellement fait grimper en flèche les charges des ménages et des entreprises.

17% de nos importations en gaz l’an passé

Le GNL américain représentait ainsi 17% du total des importations européennes de gaz en 2022, contre 19% pour le gaz russe. D’autres pays – dont la Norvège, l’Azerbaïdjan et le Qatar – ont également augmenté leurs exportations vers l’Europe, ajoutant collectivement 28 milliards de m3 (bcm, unité de mesure de volume de gaz) de GNL en 2022. Mais les États-Unis ont de leur côté contribué à hauteur de 37 bcm, soit plus que toutes les autres sources réunies. En décembre 2022, les exportations de GNL américain à destination de l’Europe et du Royaume-Uni ont ainsi atteint 42% des importations totales en Europe.

A lire aussi, du même auteur: La guerre écoresponsable n’existe pas

Le passage du gaz russe au gaz américain modifie profondément le commerce mondial du gaz en particulier et de l’énergie en général. Désormais, la sécurité énergétique en Europe repose sur ces exportations de gaz naturel américaines. La crise immédiate tant redoutée depuis la fin de l’été ayant été évitée, les décideurs se préparent maintenant à cette vaste restructuration énergétique. Premier constat : la coopération (ou la dépendance) entre les États-Unis et l’Europe devient essentielle pour la sécurité énergétique européenne et donc pour la sécurité et la prospérité européennes tout court. Depuis des décennies, le flux de gaz naturel de la Russie vers l’Europe semblait immunisé contre les tensions géopolitiques. Même pendant la guerre froide. Après la chute de l’URSS, le commerce du gaz avait été la clé de l’intégration de la Russie dans une économie mondiale dominée par les Américains. C’était également un pilier majeur de la stratégie géopolitique de sécurité du vieux continent : stabiliser la Russie grâce aux recettes qu’elle pouvait réaliser à l’exportation, et créer une apaisante dépendance économique. En 2021, l’Europe et la Russie étaient reliées par pas moins de six gazoducs, dont Nord Streams 1 et 2, qui fournissaient 140 à 170 bcm par an, c’est-à-dire quelques 40% des besoins européens en gaz naturel. Même si l’Europe se préparait à une transition vers une énergie à bas carbone, le gaz russe devait rester encore longtemps la clé de voute de la sécurité énergétique européenne.

Auf wiedersehen, Gazprom!

Or, dès l’automne 2021, les flux de gaz russe vers l’Europe ont commencé à baisser. Suite à l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne a refusé d’accorder une licence à Nord Stream 2 et Gazprom a encore réduit les flux passant par Nord Stream 1. Puis, après le sabotage de septembre 2022, les flux par Nord Stream 1 ont totalement cessé. Désormais, les importations de gaz russe ne représentent qu’un quart de ce qu’elles étaient il y a deux ans.

En mars 2022, l’administration Biden et la Commission européenne ont convenu d’étendre les échanges de gaz entre les États-Unis et l’UE d’au moins 50 bcm par an d’ici 2030. Les États-Unis ont commencé par 15 bcm supplémentaires en 2022, un objectif atteint dès le mois de septembre de l’année dernière. La dynamique du marché détermine toujours les investissements dans les infrastructures du côté américain. Toutefois, l’engagement de l’administration Biden devrait apaiser les craintes de voir les décideurs américains freiner les exportations pour réduire les prix du gaz naturel sur leur marché intérieur ou pour des raisons climatiques. En novembre, un accord renouvelé entre l’UE et les États-Unis pour la sécurité énergétique stipule que l’Europe importerait jusqu’à 147 bcm de GNL en 2023. Les compagnies d’électricité européennes ont conclu des contrats pour 11 unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU), ajoutant plus de 55 bcm par an de capacité de regazéification d’ici la fin 2023. Cette expansion a été stimulée par les subventions accordées aux entreprises d’électricité, les marchés publics (quatre ont été achetés par le gouvernement allemand) et l’accélération de l’octroi de permis.

Les nouvelles capacités d’importation et les extensions de gazoducs vont restructurer le marché européen du gaz. Une grande partie de ces infrastructures est par ailleurs construite en vue de la transition vers le biogaz ou l’hydrogène. Le mix énergétique de l’Europe sortira de cette crise plus diversifié que jamais, avec de nouvelles sources d’importation, de nouveaux points d’entrée, de nouvelles voies de livraison et de nouveaux types d’énergie.

On peut dire de façon assez banale – certains observateurs ne manquent pas de le faire ! – que l’approvisionnement en gaz est devenu une arme géopolitique. En réalité, c’est le cas depuis fort longtemps. Il est même très probable que les liens entre Berlin et Moscou, basés sur le commerce du gaz naturel, ont eu très longtemps pour résultat un affaiblissement de l’OTAN. Ces liens ont par ailleurs pu rassurer Moscou, pendant un temps, quant à une hypothétique intégration de l’Ukraine dans l’alliance nord atlantique. Et il est très peu probable que l’Allemagne ait donné son blanc-seing à pareille initiative, lorsque le pays était si étroitement dépendant du gaz russe…

Nous assistions depuis longtemps à un gigantesque jeu de dupes dans lequel chacun pensait être le plus malin, et être celui dont l’autre dépendait plutôt que son obligé. Désormais, quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, et pour de nombreuses années à venir, la Russie n’aura plus à sa disposition cet outil stratégique si efficace qui fut la dépendance de l’Allemagne et de l’Europe centrale à son gaz naturel.     

L’emprise, une tarte à la crème?

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Le sujet est risqué, j’en ai conscience, mais la parole des femmes n’est pas sacrée…


Il s’agit « d’un phénomène subtil et dévastateur qui a pénétré les tribunaux ». Il suffit d’ailleurs de se tenir informé de l’actualité pour constater que cette explication par l’emprise revient souvent pour les délits et crimes sexuels. Malgré la gravité de la plupart des épisodes, à force, il y a une sorte d’évidence «à la Molière»: mais bien sûr, c’était de l’emprise! Et on répète, on ressasse cette clé passe-partout comme si elle était parole sacrée de femmes, parole d’Evangile!

C’est à cause de cette notion d’emprise jamais questionnée, qu’on a fait en sorte de sortir beaucoup des dénonciations pour viols ou agressions sexuelles du registre de la preuve ordinaire. Celle-ci exige qu’aucune préférence de principe ne soit d’emblée octroyée à ceux qui accablent par rapport à ceux qui se défendent.

Un concept flou

Alors que l’allégation sur l’emprise subie par telle ou telle « victime » serait forcément décisive et qu’il serait même impudent de mettre en doute la portée d’un tel propos à charge.

A lire aussi: Les femmes sont de plus en plus en colère

Pourtant il me semble que trop souvent l’emprise, cette dépendance prétendue irrésistible d’un être par rapport à un autre, relève d’une solution de facilité. Il s’agit d’un concept flou, impalpable, fluctuant qui, à l’exception de situations où elle est objectivement identifiable – dans le domaine professionnel en particulier où l’inégalité des rapports peut être irréfutable -, autorise le plus souvent la femme à donner son interprétation personnelle du lien dont elle aurait souffert.

C’est donc la plaignante elle-même qui donne sa définition de l’emprise sur laquelle elle appuie sa dénonciation. Cette subjectivité libre d’interpréter, comme elle la perçoit, l’attitude de l’autre face à elle représente la faiblesse fondamentale de ce que l’on pourrait appeler l’inquisition d’aujourd’hui quand elle se contente, sur les plans policier et judiciaire, de se connecter sur la seule parole de celle qui s’affirme victime.

Un argument trop souvent sollicité

Avec l’emprise, le malentendu peut menacer qui opposerait une impression à une ignorance. L’impression d’être dans une relation de pouvoir pour celle qui va se plaindre, l’ignorance de cette perception par celui qui se verra incriminé. L’emprise, s’il n’y a rien d’autre qu’elle comme preuve, est une certitude pour celle qui dénonce, une absurdité pour celui qui est visé.

A relire: Sabine Prokhoris: “Metoo est une section d’assaut”

Je n’irais pas, comme la libre et talentueuse Élisabeth Lévy, soutenir que l’emprise est au coeur de toute relation amoureuse et qu’au fond elle n’est jamais gangrenée par la perversion d’une insupportable domination.

Il y a évidemment des situations où, s’ajoutant à d’autres circonstances, elle peut être invoquée sans apparaître comme une tarte à la crème ou un moyen commode de ne rien démontrer, de se consoler de sa propre impuissance, de s’exonérer à bon compte. Car il arrive en effet qu’une femme allègue l’emprise parce qu’elle n’a pas d’autre choix pour s’expliquer son comportement face à une contrainte à laquelle elle sait qu’elle aurait pu physiquement résister.

Il me semble que, sans porter atteinte au caractère largement positif et libérateur d’un féminisme qui ne cède plus et ne tend plus l’autre joue, il convient cependant de ne pas faire l’impasse sur ce que l’argument de l’emprise trop sollicité peut avoir de contradictoire avec une vision de l’humanité digne de ce nom : hommes ou femmes, nous ne sommes pas voués à être de « petites choses » incapables de rien affronter, de rien vaincre.

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Immigration: n’écoutez pas les mandarins médiatiques, regardez vers le Danemark!

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Nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents sont prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin. La politique menée par les Danois les contrarie au plus haut point…


Tous les sondages récents confirment les attentes des Français à propos de l’immigration. Une majorité d’entre eux pensent que la France devrait imiter le Danemark, réduire drastiquement les flux migratoires légaux et combattre efficacement les illégaux. Mais cela ne convient pas à nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents ; prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin, les voici qui montent en chaire médiatique et sermonnent ces demeurés qui n’ont rien compris, ces arriérés qui sont contre l’immigration de masse, tous les Français qui pensent que cette dernière n’est pas une « chance pour la France ».

Des Danois réfractaires et…

Thomas Legrand donne d’abord des leçons de morale aux Danois. Dans son billet du 13 janvier paru dans Libération, il leur explique que la politique migratoire de leur gouvernement est un très mauvais signal envoyé à tous les Européens. L’État-providence social-démocrate mâtiné de conservatisme sur les questions d’immigration aboutit, selon lui, à un résultat détonant qu’il appelle « welfare-nationalisme » ou « national-social-démocratie » – une sorte de monstre malodorant tapi derrière un État-providence servant d’excuse à des mesures xénophobes. Pourtant, Thomas Legrand n’ignore sûrement pas que cette politique migratoire drastique a, en plus de faire chuter les entrées illégales de migrants au Danemark, plombé le parti nationaliste danois (Parti du peuple) qui avait fait de ce programme son fer de lance et n’a récolté que 2,6 % des votes aux dernières élections législatives. Cela devrait le ravir, mais rien n’y fait : « Un mouvement idéologique, hybride inquiétant entre la préservation de l’État social et une politique migratoire conservatrice, progresse en Europe, au point de passer pour une solution raisonnable », écrit ce journaliste d’extrême gauche qui n’a qu’un désir, un rêve, un souhait : voir débarquer en France et en Europe tout ce que le continent africain compte de nécessiteux fuyant la misère, la guerre, la peste, les djihadistes, la sécheresse, la famine, etc. Et tant pis si nous en crèverons – si tout le monde en crèvera, les Français, les Européens, et les Africains aussi, ceux restés en Afrique, gouvernés par des corrompus et incapables de régler leurs problèmes, et ceux sous-exploités en Europe par une bande de margoulins davosiens et mondialistes prêts à tout pour préserver leurs positions privilégiées. Thomas Legrand n’est pas au bout de ses peines. La Fondation Jean Jaurès, think tank d’obédience socialiste, vient en effet d’écrire un rapport dans lequel, après avoir dénoncé les stratégies appliquées en France par la gauche – entre autres, celle de l’autruche (on ne veut pas voir qu’une majorité de Français est préoccupée par l’immigration) et celle de l’esquive (on minimise l’importance de l’immigration dans l’opinion publique) – les auteurs rendent compte positivement de la politique migratoire sociale-démocrate danoise : « La principale réussite des sociaux-démocrates danois est d’avoir entamé une introspection sincère dans les archives de leur famille politique. […] Ils ont réussi à cette occasion à faire coïncider une volonté politique de fermeté régalienne et les valeurs traditionnelles et sociales de la gauche pour que la greffe idéologique puisse s’enraciner », écrivent les auteurs dudit rapport qui ne semblent pas redouter les fustigations d’un Thomas Legrand dénonçant pourtant avec force cris « le mauvais combo social-démocratie et nationalisme [qui] gagne du terrain du Danemark à la France ». Au moins ce dernier sera-t-il rassuré d’apprendre que, si « les ambitions sociales d’une politique authentiquement de gauche ne peuvent advenir sans une fermeté sur le plan régalien, notamment en matière d’immigration », la Fondation Jean Jaurès se refuse, comme il se doit, à « courir après le programme de la droite ou de l’extrême droite » – Ô Vertige de la politique politicienne !

A lire aussi : Cohn-Bendit: et la sobriété idéologique, alors?

Sur le plateau de “C à vous”, devant un Patrick Cohen et une Anne-Élisabeth Lemoine extrêmement accommodants, Narcisse Cohn-Bendit a pu, pour la millionième fois, se faire briller le nombril en donnant des leçons de morale aux Français. Ces derniers redoutent des flux migratoires trop importants ? C’est qu’ils sont victimes de « fake news » qui noircissent un tableau idyllique. En bon sophiste artificieux qu’il a toujours été, Cohn-Bendit compare l’immigration actuelle à l’exode des quatre millions de Juifs européens en 1938, refuse aux Français un récit national qui serait une « construction inutile », déclare qu’Éric Ciotti et Marine Le Pen font du complotisme, parle en vrac des Juifs du Marais, de ses fils qui ont épousé des femmes allemandes d’origine marocaine pour l’un et erythréenne pour l’autre, puis de « bons français » qui, eux aussi, comme certains immigrés, battent leurs femmes, enfin des Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Allemagne. Du grand délire. Et tout ça pour quoi ? Pour finir, comme d’habitude, par s’aligner sur la position capitalo-mondialiste et immigrationniste des familiers de Davos et de George Soros : la France, l’Allemagne, les États-Unis ont « besoin d’immigration », il faut régulariser tous les immigrés illégaux, il faut accueillir tous les migrants. « Il faut comprendre que les nouvelles mosaïques multiethniques installées une bonne fois pour toutes en Allemagne ainsi qu’en France redéfinissent et abrogent peut-être la notion d’une identité nationale », écrit dans son dernier livre [1] l’ancien soixante-huitard défendant un projet de société qui, en fin de compte, était déjà celui des libéraux-libertaires faussement révoltés de 68. Daniel Cohn-Bendit est resté ce petit-bourgeois qui aime à faire croire qu’il a toujours été un rebelle alors qu’il n’est jamais allé que dans le sens de ses intérêts qui croisaient souvent ceux des « élites » qu’il faisait semblant de combattre. « Si l’identité française, ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, vous fuyez le pays, c’est horrible », s’étouffe ce tartuffe qui aura profité toute sa vie d’une image chimérique, celle de révolté rouge puis vert proche des peuples européens – quand bien même il sera resté de bout en bout un maquisard de salon médiatique, un rebelle petit-bourgeois, un frondeur institutionnalisé, un révolutionnaire en pâte à modeler, pour finir par devenir, cruelle mais inévitable destinée, un macroniste-mondialiste davosien de la plus belle eau. Fuyez, M. Cohn-Bendit, fuyez, nous ne vous retenons pas !

… des Bretons pas assez accueillants au goût de France inter

Sur France Inter, en ce vendredi 13 janvier, Yaël Goosz donne des leçons de morale aux habitants de Callac. Ces derniers ont obligé leur maire à renoncer à l’installation de plusieurs dizaines de migrants dans leur commune. Yaël Goosz voit l’ombre d’Éric Zemmour derrière l’abandon de ce « projet humaniste » qui aurait « repeuplé et redynamisé » ce village. La larme à l’œil, l’éditorialiste considère que « Zemmour aura réussi à coloniser les esprits et à dénaturer la Bretagne et sa longue tradition d’accueil ». Il craint que, « contrairement aux directives d’Emmanuel Macron », d’autres communes rurales ne refusent ces magnifiques projets de repeuplement et, surtout, il redoute que le LR n’active, en contrepartie de son soutien à la réforme des retraites, une série d’amendements – la double peine effective pour les immigrés délinquants, le rétablissement du délit de séjour illégal et la fin du regroupement familial, entre autres – quand la loi immigration sera débattue à l’Assemblée nationale. Yaël Goosz ne s’apitoie jamais sur le sort des Français – il n’a de compassion que pour les immigrés, qu’il appelle systématiquement « réfugiés », et les maires confrontés à ces franchouillards ruraux qui renâclent devant un si prometteur « vivre ensemble » qui revivifierait nos campagnes, selon lui.

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Ces notables du monde médiatico-politique sermonnent les presque 70% de Français qui disent s’inquiéter d’une immigration que plus rien ne semble pouvoir endiguer – et même, si l’on lit bien l’entretien donné par la députée Edwige Diaz dans ces colonnes, qui pourrait s’amplifier à cause d’une régularisation massive des immigrés illégaux employés dans les « métiers en tension » voulue par le gouvernement. Où vivent-ils, ces mandarins médiatiques qui ne voient pas leurs compatriotes souffrir, qui ne veulent rien savoir de la délinquance, des trafics de drogue, de la violence qui pourrissent de plus en plus la vie des habitants de ce pays, y compris les habitants issus d’une immigration plus ancienne parfaitement intégrés ? Ne visitent-ils, d’Uber en Uber, que des quartiers Potemkine du « vivre ensemble » – semblables à ceux, magnifiquement agencés, qui illustrent les tracts de LFI au moment des élections ? Comment font-ils pour ne rien voir, pour ignorer les ravages civilisationnels, l’insécurité, le prosélytisme islamique, les changements visibles de population, de mœurs, de mentalités, dans des parties de plus en plus étendues de l’Hexagone pouvant atteindre la taille d’un département entier ? Quel est le secret de leur aveuglement ? Au moment où même François Bayrou ouvre enfin les yeux, demande sur BFMTV s’il est « légitime de ne pas renvoyer les gens (les migrants délinquants ou illégaux) simplement parce que leur pays est dans un désordre absolu », et considère que « la situation n’est plus supportable pour un très grand nombre de Français », ces notables employés à la propagande immigrationniste et multiculturaliste admonestent des Français désespérés n’aspirant pourtant qu’à vivre en paix, sans craindre de prendre un coup de couteau, de se faire violer en pleine rue, de se faire lyncher pour un « mauvais regard », une « cigarette refusée » ou un « comportement efféminé », de subir la loi des dealers ou d’être agressés dans les transports en commun, dans la rue ou chez eux. Ces Français-là disent ne plus reconnaître leur pays. Ils se taisent, ils ont peur, ils ne savent plus vers qui se tourner. Ils entendent parfois les sermons de nos prêtres sur les ondes de l’audiovisuel public – s’ils n’avaient pas autant de temps à consacrer à essayer de vivre à peu près convenablement, ils se déplaceraient volontiers pour aller dire leurs quatre vérités à ces idéologues méprisants qui ignorent tout de leurs vies. Sans doute en profiteraient-ils pour leur demander, eux aussi: « Où vivez-vous ? Dans quel monde ? Comment faites-vous pour ne rien voir ? »

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[1] Daniel Cohn-Bendit, Patrick Lemoine, Français mais pas Gaulois, Des étrangers qui ont fait la France, Editions Robert Laffond

La guerre écoresponsable n’existe pas

N’en déplaise aux défenseurs de la planète, le pétrole demeure le nerf d’une vraie guerre. Sans énergie fossile, impossible de faire rouler des chars et encore moins de faire voler des avions. Plusieurs pays développent des projets de véhicules hybrides, mais la guerre tout électrique n’est pas pour demain.


Just Stop Oil est un groupe anglais militant pour le climat qui s’attaque à des œuvres d’art célèbres pour exiger du gouvernement britannique qu’il s’engage à arrêter la production de combustibles fossiles (pétrole et gaz). Sans doute ces activistes ignorent-ils qu’en sortant du pétrole de manière brutale et unilatérale, leur pays se condamnerait à la vassalisation – à moins qu’ils s’en fichent. Ils ignorent aussi qu’en cela, ils sont les héritiers des pacifistes des années 1930. En effet, la guerre en Ukraine le démontre tous les jours, sans pétrole, il est impossible de faire la guerre, donc de se défendre contre un agresseur. À vrai dire, difficile de leur reprocher leur ignorance : ce sujet est totalement absent du débat sur la transition énergétique. Personne ne dit que la guerre électrique n’existe pas et n’existera pas avant très longtemps et qu’en conséquence, d’ici ce moment-là, notre liberté et notre indépendance seront tributaires de notre accès au pétrole.

Un véritable enjeu: le contrôle des hydrocarbures

Depuis la Première Guerre mondiale, le lien entre guerre et pétrole est évident. Voilà plus d’un siècle que les hydrocarbures sont la principale source d’énergie ainsi qu’une matière première importante pour la production de biens essentiels (plastiques, caoutchouc, fibres synthétiques, peintures) aux économies développées. Le contrôle de l’approvisionnement (disponibilité, prix) est donc un enjeu majeur pour tous les États et un enjeu vital pour les puissances : impossible d’être une puissance sans pouvoir s’assurer de la disponibilité de cette ressource à un prix abordable. Cependant, avec la transition énergétique, les politiques et les opinions publiques se détournent du pétrole et dans une moindre mesure du gaz, au profit des énergies renouvelables et non carbonées. Investir dans le pétrole devient de plus en plus compliqué et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommande même de cesser de construire de nouvelles installations. Les jeunes se désintéressent des métiers liés à cet écosystème et peu à peu, les compétences se perdent.

Or, justement, pour assurer l’approvisionnement en pétrole, il faut créer et contrôler une chaîne d’approvisionnement et de stockage allant du champ de production jusqu’à l’utilisateur final en passant par l’acheminement par la terre ou par mer et le raffinement. Il faut également s’assurer de l’existence d’un immense écosystème : l’industrie (pétrochimie, ainsi que la fabrication de machines et de tubes), les services, la formation aux différents métiers, l’exploration (pour chercher les champs exploitables dans dix ou vingt ans) et d’autres chaînons importants comme les professionnels du financement de ces différentes activités.

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La transition vers une électricité produite par le nucléaire et les énergies renouvelables fait l’objet d’un large consensus. Le déclin et le dépérissement de l’écosystème du pétrole semblent donc à la fois inéluctables et désirables. Certes, il existe des secteurs et des activités où les solutions de rechange sont pratiquement inexistantes (l’aviation par exemple), mais globalement la fin du pétrole, ou du moins sa marginalisation, est largement acceptée, notamment avec la fin de la production de voitures thermiques annoncée pour le milieu de la prochaine décennie. Cependant, si nous connaissons déjà des moyens de transport ne faisant pas appel au pétrole (voiture électrique avec pile chimique ou à l’hydrogène), ces technologies sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu’il faut les considérer comme pratiquement impossibles à réaliser, tout comme les véhicules blindés, l’artillerie, les engins de génie, les véhicules légers tout terrain, sans oublier les camions qui assurent l’approvisionnement des unités. Le moteur à combustion interne et son carburant sont si efficaces et souples qu’il est suicidaire de les remplacer. L’armée américaine envisage l’intégration de « véhicules électriques légers de reconnaissance », mais ce projet reste expérimental et c’est le cas dans d’autres armées également. La seule évolution réellement envisageable dans les quelques années à venir est l’introduction de la motorisation hybride sur le champ de bataille, ainsi que pour les véhicules de soutien aux combattants. Cette solution, qui n’est pas encore opérationnelle, pourrait certes diminuer la consommation d’hydrocarbures, mais pas la réduire à zéro. Le problème reste donc entier.

Une transition impossible à court-terme?

Pour l’armée de l’air, la démonstration est encore plus facile : qui peut imaginer un Rafale ou un transport A400M électrique ? Dans la marine, une motorisation nucléaire est envisageable technologiquement, mais à très long terme et pas partout.

Plusieurs armées se sont déjà lancées dans le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques. Ainsi, des prototypes de véhicules individuels sont déjà testés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Certains engins jouissent d’une autonomie de 300 à 350 kilomètres, comparable à celle de leurs jumeaux diesel. Allons-nous pour autant voir dans un avenir proche des brigades électriques ? C’est très peu probable. L’un des obstacles majeurs est la capacité de rechargement. Aujourd’hui, aucune armée ne dispose de la capacité de recharger un véhicule tactique ou de combat entièrement électrique dans un environnement de champ de bataille d’une grande intensité comme en Ukraine. Bien que les armées puissent tirer parti de la technologie et de l’expérience de la filière civile de voitures électriques, l’environnement du champ de bataille présente des exigences particulières.

Les stations de recharge commerciales sont fixes et lourdes, tandis que les forces terrestres ont besoin de chargeurs mobiles susceptibles d’être rapidement transportés d’un endroit à l’autre dans des conditions de combat, en terrain difficile et dans des conditions météorologiques compliquées. L’alimentation par un réseau électrique ne peut garantir ce niveau de mobilité et de flexibilité. Les chargeurs à usage civil sont bien sûr câblés sur le réseau commercial. Cela signifie qu’il faut développer une capacité de production d’énergie de plusieurs mégawatts pour alimenter le point de rechargement.

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Autre problème : les chargeurs commerciaux varient entre 400 kilowatts et 400 mégawatts. Mais, compte tenu de la taille des véhicules militaires et du besoin impératif de recharger rapidement et simultanément plusieurs plateformes à partir d’un seul chargeur, il faudrait disposer de chargeurs beaucoup plus grands. Enfin, ces stations de chargement devraient opérer efficacement dans le désert comme dans la jungle dans des conditions de températures extrêmes, d’exposition au sel et au sable, et de chocs et vibrations importants.

Ce problème de recharge tactique limite fortement la capacité à exploiter les nombreux avantages des véhicules militaires hautement électrifiés : furtivité – peu de bruit, pas de fumée, très peu de chaleur – et logistique simplifiée – moins de pièces de rechange, maintenance plus simple, fin de la nécessité d’acheminer du pétrole et des huiles.

Pour l’heure et dans un avenir envisageable, il faut retenir qu’un char Leclerc emporte 1 700 litres de carburant et en consomme 300 aux 100 kilomètres ! Quant à l’aviation, en vol normal un Rafale consomme environ 60 litres par minute. Tout ce carburant doit provenir de quelque part. La conclusion est claire : aussi longtemps que la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivront leurs stratégies de puissance appuyées sur des grandes armées de chars, blindés, frégates et avions, renoncer à la possibilité de s’approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer.

Pour des décennies encore, notre capacité à mener des conflits de haute intensité et de longue durée face à des adversaires étatiques puissants, comme c’est le cas en Ukraine, dépend du pétrole. Et pour pouvoir en disposer, il faut s’assurer que nous maintenions en bon état toutes les filières de production et d’approvisionnement. Sinon, dans une prochaine guerre, avant de manquer d’hommes, de munitions et de volonté, nous subirons une panne sèche. Aujourd’hui et pour longtemps encore, à côté de l’arme nucléaire, le pétrole est l’ultime garant de notre liberté.

Le Parti socialiste, requiem ou résurrection?

Le second tour du congrès PS verra s’affronter jeudi Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Le premier, accusé d’avoir renié le socialisme en se soumettant à LFI, est sérieusement inquiété par le maire de Rouen.


Il était une fois un parti qui avait structuré la vie politique française, un parti qui avait donné deux présidents à la Vème République. Le PS, du congrès d’Epinay en 71 à la renonciation de Hollande en 2016, était la force dominante à gauche. L’inspiration en était clairement sociale-démocrate, à l’époque où le mot voulait dire quelque chose, c’est-à-dire social-démocrate comme on l’entendait en  Suède jusqu’à une date récente : un État-providence fort qui voulait assurer un niveau de protection sociale élevé et le partage le plus équitable possible des richesses. 

Et ce,  sans nécessairement remettre en  question l’économie de marché mais en voulant éviter que la France, pour reprendre les mots de Jospin vainqueur des législatives en 1997, ne devienne « une société de marché ». La différence ? un certain nombre de biens communs ne pouvaient pas, ne devaient pas être soumis à une logique de profit et de rentabilité : l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la petite enfance, les personnes âgées… Une société où tout ne deviendrait pas marchandise.

Ça, c’était sur le papier. 

La lente catastrophe, pour le PS, a commencé en 1983, quand Delors, qui n’était pas socialiste, a gagné contre Chevènement, qui bientôt ne le serait plus. Pendant les deux premières années du premier septennat Mitterrand pourtant, les nationalisations, la retraite à 60 ans, les nouveaux droits accordés au travailleur au sein de l’entreprise, la semaine de tente-neuf heures, l’abolition de la peine de mort et des juridictions d’exception, tout avait montré ce à quoi aspirait le socialisme à la française. 

Le socialisme dure deux ans

On n’aime, on n’aime pas, mais au moins, c’était clair comme ce fut clair sur la période 97-99 de Jospin Premier ministre, avec les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. Seulement voilà, le PS au pouvoir, ça dure deux ans, moins que l’amour chez Beigbeder. Et chez Hollande en 2012, ça n’a pas duré du tout: d’emblée, l’ectoplasme s’est clairement positionné pour une politique blairiste, pro-business, privilégiant une politique de l’offre. Pas étonnant, d’ailleurs, que Macron le libéral soit né dans le giron du « président normal » qui a été jusqu’à faire voter, avant de partir, une loi Travail qui a fait pousser des soupirs orgasmiques au MEDEF.

En fait, ce qui a bien failli tuer le PS, c’est le macronisme. Le problème, c’est que le macronisme n’existe pas. Le macronisme n’est jamais que le nouveau nom de la droite centriste libérale et pro-européenne. Depuis 2017, le PS accroché à ses baronnies locales a vu ses électeurs partir chez les Insoumis ou chez Macron. Regardez cette gauche macroniste, d’Elisabeth Borne à Dussopt, pourtant élu sous l’étiquette PS en 2017. Ce sont eux qui sont à la manœuvre dans la contre-réforme actuelle des retraites. Bref, la gauche macroniste, c’est plus à droite que le Modem…

Pourtant, l’affaiblissement d’un appareil, l’hémorragie militante, ne signifient pas la disparition de ce corpus idéologique qui était celui du PS des origines. C’est en tout cas le pari d’Olivier Faure, actuel premier secrétaire, menacé de manière inattendue par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Olivier Faure croit que le score d’Hidalgo aux présidentielles ne signe pas la mort du PS, qu’il existe toujours un électorat potentiel qui se définit comme de gauche mais ne se reconnaît ni dans les outrances insoumises ni dans le social-libéralisme des derniers fidèles du calamiteux Hollande. 

D’ailleurs, la candidate au poste de premier secrétaire, Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin, se réclamant explicitement de Hollande, Le Fol, Cazeneuve, a été éliminée dès le premier tour. On avait déjà vu, d’ailleurs, que la plupart des candidats socialistes hors Nupes présenté lors des législatives de 2022, (par exemple les poulains de Carole Delga en Nouvelle Aquitaine) ont été sèchement battus lors de ces primaires sauvages. 

Un duel Faure / Mayer-Rossignol

Nicolas Mayer-Rossignol, lui, la joue plus subtile. Il croit aussi à l’existence de cet électorat orphelin. Des gens qui ont enfin compris que Macron n’ a pas de jambe gauche,  des gens qui ont voté par défaut pour Mélenchon en 2022. Mais il pense que pour redonner sa place de première force à gauche au PS, il faut sortir de la Nupes. Faure pense le contraire. Les turbulences chez les Insoumis, qui ressemblent plus à une implosion lente qu’à une crise de croissance, lui donneraient a priori raison. Le PS peut apparaître comme un recours pour l’électeur de gauche.

Ceux qui prédisent une explosion de PS, si Faure gagne, en seront pour leur frais. Il y aura encore quelques départs chez Macron, mais guère plus. Le PS, enfin débarrassé des débris du hollandisme, apparaitra comme la seule force historique de la gauche qui, malgré ses trahisons, ses renoncements, a tout de même concrètement réussi à changer la vie des gens, là où Mélenchon semble condamné, comme Marine Le Pen, à jouer un éternel rôle tribunicien.

Bien sûr, cela va être plus compliqué si c’est le maire de Rouen qui gagne. Il a de grands risques que le PS devienne, à l’instar des radicaux de gauche, mais aussi d’une certaine manière de LR, une force d’appoint tenue par un syndicat d’élus.

Autant dire que ce qui va se jouer dans le vote serré de 40 000 adhérents socialistes, c’est aussi l’avenir de la gauche toute entière et sa chance de revenir aux affaires, dans un avenir proche…

Nathalie Rheims: la gamine et l’oiseau

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Dans Au long des Jours, Nathalie Rheims évoque un amour de jeunesse pour le chanteur Mouloudji et restitue les années 70


Elle a 18 ans, il en a trente-cinq de plus qu’elle, ça n’a pas d’importance puisqu’elle l’aime. Nous sommes à la fin des années 70. C’est une période de respiration profonde, où le mot liberté n’est pas galvaudé. Tout est encore possible, il faut seulement savoir saisir sa chance.

Elle se nomme Nathalie Rheims. Elle a été comédienne puis a écrit des romans. Sa sœur est la célèbre photographe, Bettina. Au long des jours lui est dédié. Leur père est Maurice Rheims, académicien, commissaire-priseur de grande réputation, homme couvert de femmes, comme son ami, l’écrivain Paul Morand, dont il fut l’un des exécuteurs testamentaires.

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Lui, l’oiseau de passage, mais pas de malheur, fut acteur, romancier, peintre et surtout chanteur. Il n’est jamais nommé par la gamine. Mais on sait tout de suite qui il est. La couverture du livre reproduit le Polaroid en noir et blanc pris par Bettina. Large sourire, cheveux de jais bouclés, regard tendre et tourmenté, Nathalie se serre contre lui, visage enfoui dans son cou, le bras entourant ses épaules. Lui, il a mis sa main sur sa taille. Les cheveux de la gamine cachent son regard. Elle sourit, d’un sourire juvénile et candide. Au fil des pages, Nathalie Rheims égrène les paroles de ses chansons. Les anciens reconnaîtront les tubes de leur adolescence.

Editions Léo Scheer

Il y en a un que je ne peux écouter sans éprouver une émotion chavirante : « Un jour tu verras ». La voix de Mouloudji m’a toujours ému. Une voix chaude, qui roule les « r », soutenue par un accordéon. « Une voix de velours à côtes » pour reprendre l’expression d’Antoine Blondin, citée par Nathalie Rheims.

L’oiseau est marié à une femme possessive, terriblement jalouse. Si l’on ajoute la grande différence d’âge, cela ne permet pas d’envisager une relation durable. Mais la gamine est attirée par son magnétisme, ses yeux tourmentés par la mort, sa peau tant de fois mordue par des femmes qui ne seront jamais des rivales.

Elle sait que le donjuanisme est une solitude cernée de présences féminines. Son père en est le meilleur exemple. Même si ce n’est pas un récit biographique, on en apprend beaucoup sur Mouloudji. Son appartenance au clan Sartre, son engagement communiste, son amitié avec Simone de Beauvoir qui corrigea ses premiers écrits, sa mère qui le battait pendant des crises de démence, son père, Saïd, venu de Kabylie, analphabète, la plupart du temps chômeur, qu’il vénérait. Son frère aîné, gravement malade, mort jeune. Nathalie Rheims avait, jusqu’à ce livre, dont le titre est celui d’une chanson de « son » oiseau, tenu secret leur amour.

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Elle nous offre un roman impressionniste, pudique et émouvant, surtout quand elle raconte leur ultime rencontre. Mouloudji a le visage émacié, la maladie est à l’œuvre, l’artiste refuse les traitements. « Il releva le col de son caban, et je le vis disparaître », écrit-elle sobrement.

Grâce au talent de la gamine, on a envie de réécouter les chansons de Marcel Mouloudji (1922/1994). C’est l’hiver, la mer est grise sur un horizon gris. « Merci pour les filles au corps de printemps ». Oui.

Nathalie Rheims, Au long des jours, Editions Léo Scheer.

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L’homme invisible est chinois

Pour échapper à la tyrannie de la surveillance chinoise, des étudiants de Wuhan ont développé une veste d’invisibilité permettant d’échapper aux caméras.


La Chine, symbole de la surveillance de masse, a de plus en plus des airs de pays orwellien. Le gouvernement de Pékin souhaite renforcer sa sécurité intérieure en devenant le leader mondial de l’intelligence artificielle d’ici 2030, avec un budget annuel de 60 milliards de dollars contre 20 milliards d’euros pour l’Union européenne. C’est grâce à l’intelligence artificielle que ses caméras de surveillance sont capables de reconnaître des visages avec une marge d’erreur de 1 sur 100 000, alors que la marge d’erreur de l’œil humain est de 1 sur 1 000. Elles reconnaissent les individus de dos, les changements brusques de comportement ou la modification de la température corporelle.

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Dans le top 20 des villes les plus surveillées, 18 sont chinoises, et plus de 600 millions de caméras de surveillance sont censées être installées avant la fin de cette année. Pour échapper à cette forme de tyrannie, quatre étudiants chinois, diplômés de l’université de Wuhan, viennent de développer un manteau d’invisibilité semblable à une tenue de camouflage, l’InvisiDefense. Il s’agit d’une veste dont les motifs élaborés aveuglent les caméras de surveillance le jour. Wen Hui, informaticien et membre de l’équipe, explique qu’ils ont utilisé un algorithme spécial pour concevoir une image apte à rendre la vision de la caméra inefficace. La nuit, le manteau utilise un autre dispositif pour permettre à l’individu qui le porte de changer de température et échapper aux caméras à imagerie thermique infrarouge. Ce manteau qui coûte peu à la fabrication (500 yuans soit 71 dollars) permet ainsi de masquer l’identité de la personne qui le porte. Les étudiants ont d’abord testé leur invention sur les caméras de sécurité du campus pour échapper à leur surveillance. Les résultats ont révélé une réduction de la précision de détection de 57%. Reste à savoir combien de temps il faudra au gouvernement pour interdire l’InvisiDefense et punir ses concepteurs.

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L’amour à mort? Mise en scène mythique, Isolde sacrifiée

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Tristan et Isolde de Richard Wagner à l’Opéra Bastille, du 17 janvier au 4 février 2023


Tristan et Isolde, parenthèse inouïe dans la vie créatrice du futur margrave de Bayreuth ! Mettant irrésistiblement de côté la composition de longue haleine de son Ring, Wagner en écrivit livret et partition de 1854 à 1857, entre Venise, Lucerne et son « asile » zurichois, transporté par sa passion secrète pour Mathilde Wesendonck, l’épouse de son richissime bienfaiteur. Le fameux prélude ne sera pas joué avant 1860, à Paris, le scandale de Tannhäuser y interdisant la création de l’œuvre intégrale. Et il faudra attendre l’intercession miraculeuse de Louis II de Bavière pour que ce poème lyrique opulent et somptueux, décidément poursuivi par la fatalité, soit exécuté, enfin, au Théâtre royal de la cour de Bavière, sous la direction de Hans von Bülow, en juin 1865, dans des conditions d’ailleurs assez burlesques. Mais passons.  

Mary Elisabeth Williams en Isolde, ça ne va pas trop

« Tristan… », comme les mordus affectionnent de couper le titre, n’a jamais cessé d’inspirer transpositions et extrapolations les plus folles. On se souvient que le génial cinéaste Lars Von Trier transfigurait son chef-d’œuvre absolu, Melancholia (2011), en enveloppant l’image dans le manteau ondoyant, extatique et capiteux de l’inoubliable prélude, qui s’étire sur une quinzaine de minutes. Et que dire de Patrice Chéreau, dont la régie milanaise, en 2007, sur un fabuleux décor de Richard Peduzzi, en reste une des versions les plus sensationnelles. Il est des scénographies plus controversées: telle celle signée par le réalisateur australien Simon Stone en 2011 à Aix-en-Provence, avec une Isolde empruntant la physionomie d’une patronne de start-up, un Tristan hors d’âge, et le jardin du château fort, toile de fond du 3ème acte selon le livret, reconstitué sous les espèces d’un trajet sur la ligne 11 du métro parisien, de la station Châtelet au terminus de la Porte des Lilas. 

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Toujours est-il que l’Opéra-Bastille ouvre cette année 2023 avec la reprise d’une mise en scène trempée dans la mythologie des représentations d’art lyrique:  celle de Peters Sellars, millésimée 2005. L’Américain (aujourd’hui âgé de 66 ans) fit en effet sensation alors, avec cette production minimaliste où la vidéo, signée de son compatriote Bill Viola (né en 1951), contrepoint d’une spatialisation graphique épurée (plateau intégralement de couleur noire, costumes idem), vient redoubler, sur écran géant et selon des formats variés, la figure du couple de légende : cérémonial filmé au ralenti et en continu, qui prend la forme d’une sorte de rituel amniotique, subaquatique et paysager, par moments d’une prodigieuse beauté plastique, en particulier au dernier acte. 

On se souvient que cette production (d’abord sous la direction d’Esa-Pekka Salonen puis du maestro russe Valery Gergiev) fut alors portée à des sommets par la grâce conjuguée de l’immense mezzo- soprano Waltraud Meier dans le rôle d’Isolde, et du ténor Ben Hepner dans celui de Tristan. Reprise en 2008 à la Bastille, toujours avec la légendaire Waltraut Meier (et, cette fois, Semyon Bychkov à la baguette), puis une nouvelle fois en 2018, la voilà donc qui nous revient encore: intacte et, disons-le, sans rides, tout au moins au plan visuel. 

Mary Elisabeth Williams D.R.

Il n’en va pas de même, hélas, quant à la distribution. Essentiellement par la faute de la soprano noire d’origine étasunienne Mary Elisabeth Williams qui, pour ses débuts à l’Opéra de Paris, n’est pas du tout à son affaire dans le rôle d’Isolde : aigus stridulants, voix éraillée, graves sans profondeur, articulation sommaire, gestuelle emprunte d’une théâtralité maladroite. Face à elle, le ténor suédois Michael Weinius campe un Tristan vocalement acceptable, en dépit d’un embonpoint mal accordé au personnage. 

Captivant Eric Owens

Le spectacle est sauvé, si l’on peut dire, par l’excellent baryton-basse Eric Owens en roi Marke, dont en particulier la longue et splendide confession, au troisième acte, captive le spectateur, lorsque son chant, d’une amplitude remarquable, se fait l’aveu de son amour sacrificiel pour Tristan… 

Neufs également à l’Opéra de Paris, la mezzo-soprano allemande Okka von der Damerau excelle dans le rôle de Brangäne, tout comme Kurneval sous les traits du baryton-basse Ryan Speedo Green, et le ténor anglais Neal Cooper, qui incarne Melot. 

Reste la musique, sublime, magnifiée par la direction d’orchestre subtilement acérée du grand Gustavo Dudamel, au pupitre de l’Orchestre National de Paris, à son meilleur au soir de la première…   

Tristan et Isolde. Opéra en trois actes de Richard Wagner (1865). Opéra Bastille. Direction : Gustavo Dudamel.  Orchestre et chœurs de l’Opéra National de Paris. Mise en scène : Peter Sellars. Création vidéo : Bill Viola.  Avec Mry Elisabteh Willians (Isolde), Gwyn Hughes Jonas (Tristan). Les 20, 23, 26 janvier, 1 et 4 février à 18h. Le 29 janvier à 14h. Durée du spectacle : 5 heures.

Ce manque que comble Cyril Hanouna

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Emmanuel Macron et Cyril Hanouna, 2017. Capture d'écran C8.

L’animateur du talk-show de C8 est vilipendé pour avoir réclamé la privatisation du service public et avoir révélé le salaire de la présidente de Radio France. L’analyse de Philippe Bilger.


Il n’est pas convenu ni convenable. Il est outrancier, parfois vulgaire, démagogue aussi. On peut tout dire de ce bateleur de génie. Le pire, il s’en moque. Le meilleur, il s’en flatte. Mais il n’empêche : on a besoin de lui.

Ces derniers temps il a fait exploser l’audiovisuel public, en particulier Radio France avec un ciblage sur France Inter à laquelle on offre la fabuleuse opportunité de pouvoir vous critiquer avec l’argent qu’on lui donne. Il a eu droit à des réponses qui prétendaient le moquer mais n’ont pas convaincu ceux qui, en désaccord sur sa forme, ne sont pas loin d’approuver son fond. Car je persiste : on a besoin de lui.

Dans un monde où la parole officielle brille par son conformisme ou sa lâcheté, alors que le président de la République ne nous a pas encore expliqué pourquoi il avait changé d’avis, en si peu de temps, sur le report de l’âge légal à la retraite, dans un espace parlementaire à l’égard duquel TPMP représente une violence soft, dans une démocratie qui à la fois tolère des horreurs mais a des pudeurs de chaisière, Cyril Hanouna met heureusement les pieds dans le PAF. Parce que je confirme : on a besoin de lui.

Quand il s’indigne parce qu’il récuse être « une société du défouloir » – et pourtant, à la lettre, ce n’est pas un mince compliment – et qu’il révèle le salaire conséquent de Sibyle Veil (18 500 euros par mois), il joue au trublion tellement libre et atypique que rien ne saurait entraver ses propos, aussi peu corporatistes qu’ils soient. Je ne peux pas m’empêcher de relever qu’il y a un progrès capital depuis la dernière campagne présidentielle : les médias officiels ne bénéficient plus d’une supériorité de principe mais sont eux-mêmes de plus en plus contestés par les citoyens et, ce qui est nouveau, de manière interne, par des esprits, professionnels, essayistes, polémistes, qui n’en peuvent plus d’une partialité favorisée par les subventions.

A lire aussi, Didier Desrimais: Immigration: n’écoutez pas les mandarins médiatiques, regardez vers le Danemark!

Parce que le paradoxe amer est là : les aides, les crédits publics, les budgets en hausse, loin d’engendrer une exemplarité pour le pluralisme, les débats, l’honnêteté, la vérité des faits et la lucidité équilibrée des analyses, suscitent absolument l’inverse. Puisque dans tous les cas on perçoit, pourquoi battre en brèche la mauvaise pente ? Se laisser glisser est sans risque et voluptueux. Alors je maintiens : on a besoin de lui.

Je devine comme des mines méprisantes se dessinent, comme on n’est pas loin de me plaindre pour avoir si mauvais goût, parce qu’il y a des prestations médiatiques qui ne mériteraient que l’opprobre. Pourtant ne pas trouver dans les rages et les colères de Cyril Hanouna, derrière parfois l’extrémisme sans filtre de son verbe, des pépites incandescentes, fulgurantes, bien plus populaires que populistes (pour moi ce ne serait pas un gros mot !), des dénonciations infiniment partagées me semble relever d’une hémiplégie désastreuse. La République, peu à peu, va s’éteindre à cause d’une liberté d’expression qui se verra interdite d’existence pour l’essentiel mais choyée pour le dérisoire. Des ministres peuvent bien le reprendre, le sermonner : peu importe. Parce que c’est une évidence : on a besoin de lui.

Une interrogation. Aurait-il tant d’écoute et d’audience, lui dans lequel on ne voit que l’histrion en feignant de ne pas remarquer l’éveilleur, le révélateur, si les mondes qu’on prétend ériger en modèles contre lui étaient réellement exemplaires ? Il est manifeste que son succès démontre au contraire, auprès d’un public peu accordé avec la politique classique, les débats conventionnels, à quel point il comble un manque, pallie un vide et suscite l’espérance d’autre chose. Car j’approuve : on a besoin de lui.

Il ne faut pas le confondre avec ceux qu’il réunit. Ce qui est supportable, nécessaire avec lui devient intolérable avec les autres qui parasitent ses monologues ou ses délires calculés et nous offrent du Hanouna mais sans Hanouna : c’est insignifiant. C’est sa faiblesse et sa force singulière : au fond, il est tout seul. Mais tant pis : on a besoin de lui. Ce billet sera lu, je l’espère, par quelques-uns qui voudront bien approuver le risque que j’ai pris : dire du bien de Cyril Hanouna sans le porter aux nues. Parce que quelqu’un qui sur le plan médiatique, et contre le ronron de l’audiovisuel public autosatisfait, fait tout péter, ne peut pas être mauvais. Il y a des explosions qui, agitant les bonnes consciences et déréglant les complaisances, sont salubres. La France en a besoin.

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Squatteurs: une loi « ignoble » pour la Nupes…

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NICOLAS MESSYASZ/SIPA

L’esprit de Noël n’était pas vraiment de mise à l’Assemblée nationale en décembre. Tranches de vie parlementaire.


Squatteurs

L’Assemblée a adopté une proposition de loi contre les squatteurs et les impayés de loyers, visant à protéger davantage les propriétaires. Ce qui a donné lieu à un florilège de clichés et autres caricatures sur « les gentils squatteurs en très grande difficulté » forcément victimes de « méchants propriétaires »… Une loi « ignoble » selon les députés de la Nupes qui arguent que « personne ne squatte un logement par plaisir ». Là-dessus, nous pouvons être à peu près d’accord. Mais peut-être pourrait-on convenir a contrario qu’il n’est pas tout à fait normal que les squatteurs aient le droit d’attaquer en justice les propriétaires qui changent la serrure pour… violation de domicile ou que, dans le cas où le propriétaire chercherait à se faire justice lui-même en expulsant manu militari le squatteur peu scrupuleux, ce dernier risquera finalement une peine moins lourde que le propriétaire. Mais non, droite et gauche sont, sur ces sujets, tout bonnement irréconciliables. Mort au bon sens ! Longue vie à l’idéologie et aux postures électorales !

D.R.

Délestage

Lors des questions au gouvernement, le sujet brûlant des coupures d’électricité et autres délestages est bien sûr abordé. Surtout après les « propos maladroits » (dixit le gouvernement) du porte-parole d’Enedis, Laurent Méric, qui avait indiqué la veille que les patients à haut risque vital, ceux qui disposent d’un respirateur par exemple, pourraient eux aussi subir des coupures de courant. C’est Élisabeth Borne en personne qui répond en intimant aux députés de « cesser d’agiter les peurs ». À quand « les heures les plus sombres de notre histoire » ?

49.3

Jeudi 8 décembre, à 14 h 55, un défilé de voitures officielles et de CRS arrivent toutes sirènes hurlantes devant l’Assemblée nationale. Cinq minutes plus tard, devant un hémicycle aux trois quarts vide, Élisabeth Borne, toujours elle, annonce qu’elle utilise l’article 49.3 de la Constitution pour la huitième fois consécutive… Elle a gagné son pari : plus personne n’y prête attention. C’est l’indifférence générale quand on nous prédisait le peuple dans la rue. Jusqu’à quand ?

Adrien Quatennens

Le verdict est tombé : Adrien Quatennens a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, mardi 13 décembre, pour des violences sur son ex-compagne. Dans la foulée, son groupe politique, La France insoumise, a indiqué que le député serait radié du groupe « pour une durée de quatre mois, jusqu’au 13 avril 2023 », et que « son retour dans le groupe parlementaire [serait] conditionné à l’engagement de suivre un stage de responsabilisation sur les violences faites aux femmes auprès d’associations féministes ».

Problème, Adrien Quatennens a exclu de démissionner de son poste de député et se retrouve donc automatiquement parmi les députés non-inscrits.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Espèce de sale BD!

Les bras m’en tombent… siéger à l’Assemblée nationale parmi les non-inscrits ne signifie pas être un rebut, un paria de l’Assemblée nationale ! Nous sommes actuellement quatre députés non inscrits : Véronique Besse, Nicolas Dupont-Aignan, David Habib et moi-même. Et nous avons un point commun : avoir choisi d’être non-inscrits. Chacun d’entre nous a été approché pour rejoindre un groupe politique – et même sollicité, pour l’un de nous quatre, pour prendre la coprésidence d’un de ces groupes –, mais nous avons tous choisi, individuellement, de rester libres.

Le simple fait que le député Quatennens, condamné par la justice, puisse siéger parmi nous est une offense aux valeurs d’indépendance et de liberté que nous nous efforçons d’incarner. Non, monsieur Quatennens, nous n’avons aucun point commun avec vous !

49.3 encore

Dimanche 11 décembre, devant un hémicycle à nouveau fortement clairsemé pour cette séance dominicale, Élisabeth Borne brandit pour la neuvièmefois le 49.3 afin de faire adopter l’ensemble du projet de loi des finances. Avec, tel un réflexe pavlovien, une nouvelle motion de censure, la neuvième également, issue de la gauche, afin de lutter contre « l’autoritarisme du gouvernement [qui] n’a pas de limite ». À cela, la Première ministre rétorque que la « multiplication des motions a considérablement restreint le temps des discussions » et questionne : « Finalement, pourquoi fuyez-vous les débats ? » Fou rire sur les bancs. L’hôpital se moque décidément de la charité… La question est grotesque. Fou rire qui finit par la gagner et fait figure d’aveu : même elle n’y croit pas…

Coupe du monde

Même l’Assemblée vit au rythme du football. Le soir de la demi-finale de la Coupe du monde contre le Maroc, les horaires ont été aménagés et la session du soir n’a repris qu’à 22 heures pour laisser les députés regarder le match jusqu’au bout. Et je tairai les noms de ceux qui visionnent, en douce, depuis l’hémicycle, sur leur téléphone portable, les rencontres footballistiques…

Crèche de Noël

Je ne résiste pas à l’idée de finir cette chronique par une histoire de Noël : celle de la crèche de Béziers bien sûr ! Qui m’a fait quitter l’Assemblée nationale un peu plus tôt que prévu puisque je voulais être présente pour son « exil forcé » de la mairie de Béziers. En effet, comme chaque année, nous avons installé une crèche dans la cour intérieure de l’hôtel de ville. Et comme presque chaque année, la Ligue des droits de l’homme ou les Libres Penseurs l’attaquent en justice au nom de la laïcité. Cette fois, devant le refus du préfet de nous poursuivre, nous avons eu droit à un référé devant le tribunal administratif de Montpellier par la Ligue des droits de l’homme. Nous avons été condamnés au nom d’un « préjudice grave et immédiat », et contraints de la retirer de l’hôtel de ville. Nous nous y étions préparés : la crèche est depuis longtemps sur roulettes pour la déplacer facilement… L’histoire est un éternel recommencement : deux mille plus tard, après avoir été refoulés d’une auberge à Bethléem, voici dons Joseph et Marie expulsés de la mairie de Béziers à la veille de Noël. Au nom des droits de l’homme qui plus est !

Gaz russe: l’Europe en cure de sevrage

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Le chancelier de l'Allemagne Olaf Scholz inaugure un nouveau terminal de gaz liquéfié à Lubmin, dans le nord est de son pays, 14 janvier 2023 © Jens Büttner/AP/SIPA

Les États-Unis remplacent la Russie dans le marché européen du gaz naturel 


En 2022, dans le secteur de l’énergie, les échanges et les flux ont été radicalement bouleversés.

Déjà en prise avec une gestion difficile de l’économie post-Covid, l’Europe s’est enfoncée davantage dans la crise suite à l’invasion de l’Ukraine en février. Rappelons qu’avant même que les Européens ne sanctionnent les secteurs énergétiques russes, Moscou avait réduit l’approvisionnement en gaz naturel du vieux continent, espérant briser la volonté européenne et transatlantique de soutenir l’Ukraine…

Pour y faire face, les Européens se sont massivement tournés vers les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) américain. D’autres stratégies, comme la réduction de la consommation et le passage au charbon ou aux énergies renouvelables, ont compensé les coupures de gaz russe, mais c’est bien le GNL américain qui a comblé la majeure partie du vide. Au prix fort. La plupart des contrats de GNL américains permettant aux acheteurs de revendre facilement les cargaisons et de détourner les navires vers les clients qui paient le plus, de nombreux acheteurs asiatiques, notamment chinois, ont revendu du GNL à l’Europe pour faire du profit. Les prix élevés ont permis de sécuriser l’approvisionnement de l’Europe en gaz, mais ont naturellement fait grimper en flèche les charges des ménages et des entreprises.

17% de nos importations en gaz l’an passé

Le GNL américain représentait ainsi 17% du total des importations européennes de gaz en 2022, contre 19% pour le gaz russe. D’autres pays – dont la Norvège, l’Azerbaïdjan et le Qatar – ont également augmenté leurs exportations vers l’Europe, ajoutant collectivement 28 milliards de m3 (bcm, unité de mesure de volume de gaz) de GNL en 2022. Mais les États-Unis ont de leur côté contribué à hauteur de 37 bcm, soit plus que toutes les autres sources réunies. En décembre 2022, les exportations de GNL américain à destination de l’Europe et du Royaume-Uni ont ainsi atteint 42% des importations totales en Europe.

A lire aussi, du même auteur: La guerre écoresponsable n’existe pas

Le passage du gaz russe au gaz américain modifie profondément le commerce mondial du gaz en particulier et de l’énergie en général. Désormais, la sécurité énergétique en Europe repose sur ces exportations de gaz naturel américaines. La crise immédiate tant redoutée depuis la fin de l’été ayant été évitée, les décideurs se préparent maintenant à cette vaste restructuration énergétique. Premier constat : la coopération (ou la dépendance) entre les États-Unis et l’Europe devient essentielle pour la sécurité énergétique européenne et donc pour la sécurité et la prospérité européennes tout court. Depuis des décennies, le flux de gaz naturel de la Russie vers l’Europe semblait immunisé contre les tensions géopolitiques. Même pendant la guerre froide. Après la chute de l’URSS, le commerce du gaz avait été la clé de l’intégration de la Russie dans une économie mondiale dominée par les Américains. C’était également un pilier majeur de la stratégie géopolitique de sécurité du vieux continent : stabiliser la Russie grâce aux recettes qu’elle pouvait réaliser à l’exportation, et créer une apaisante dépendance économique. En 2021, l’Europe et la Russie étaient reliées par pas moins de six gazoducs, dont Nord Streams 1 et 2, qui fournissaient 140 à 170 bcm par an, c’est-à-dire quelques 40% des besoins européens en gaz naturel. Même si l’Europe se préparait à une transition vers une énergie à bas carbone, le gaz russe devait rester encore longtemps la clé de voute de la sécurité énergétique européenne.

Auf wiedersehen, Gazprom!

Or, dès l’automne 2021, les flux de gaz russe vers l’Europe ont commencé à baisser. Suite à l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne a refusé d’accorder une licence à Nord Stream 2 et Gazprom a encore réduit les flux passant par Nord Stream 1. Puis, après le sabotage de septembre 2022, les flux par Nord Stream 1 ont totalement cessé. Désormais, les importations de gaz russe ne représentent qu’un quart de ce qu’elles étaient il y a deux ans.

En mars 2022, l’administration Biden et la Commission européenne ont convenu d’étendre les échanges de gaz entre les États-Unis et l’UE d’au moins 50 bcm par an d’ici 2030. Les États-Unis ont commencé par 15 bcm supplémentaires en 2022, un objectif atteint dès le mois de septembre de l’année dernière. La dynamique du marché détermine toujours les investissements dans les infrastructures du côté américain. Toutefois, l’engagement de l’administration Biden devrait apaiser les craintes de voir les décideurs américains freiner les exportations pour réduire les prix du gaz naturel sur leur marché intérieur ou pour des raisons climatiques. En novembre, un accord renouvelé entre l’UE et les États-Unis pour la sécurité énergétique stipule que l’Europe importerait jusqu’à 147 bcm de GNL en 2023. Les compagnies d’électricité européennes ont conclu des contrats pour 11 unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU), ajoutant plus de 55 bcm par an de capacité de regazéification d’ici la fin 2023. Cette expansion a été stimulée par les subventions accordées aux entreprises d’électricité, les marchés publics (quatre ont été achetés par le gouvernement allemand) et l’accélération de l’octroi de permis.

Les nouvelles capacités d’importation et les extensions de gazoducs vont restructurer le marché européen du gaz. Une grande partie de ces infrastructures est par ailleurs construite en vue de la transition vers le biogaz ou l’hydrogène. Le mix énergétique de l’Europe sortira de cette crise plus diversifié que jamais, avec de nouvelles sources d’importation, de nouveaux points d’entrée, de nouvelles voies de livraison et de nouveaux types d’énergie.

On peut dire de façon assez banale – certains observateurs ne manquent pas de le faire ! – que l’approvisionnement en gaz est devenu une arme géopolitique. En réalité, c’est le cas depuis fort longtemps. Il est même très probable que les liens entre Berlin et Moscou, basés sur le commerce du gaz naturel, ont eu très longtemps pour résultat un affaiblissement de l’OTAN. Ces liens ont par ailleurs pu rassurer Moscou, pendant un temps, quant à une hypothétique intégration de l’Ukraine dans l’alliance nord atlantique. Et il est très peu probable que l’Allemagne ait donné son blanc-seing à pareille initiative, lorsque le pays était si étroitement dépendant du gaz russe…

Nous assistions depuis longtemps à un gigantesque jeu de dupes dans lequel chacun pensait être le plus malin, et être celui dont l’autre dépendait plutôt que son obligé. Désormais, quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, et pour de nombreuses années à venir, la Russie n’aura plus à sa disposition cet outil stratégique si efficace qui fut la dépendance de l’Allemagne et de l’Europe centrale à son gaz naturel.     

L’emprise, une tarte à la crème?

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Adèle Haenel, photographiée ici le 20 mai 2017, a dénoncé l'emprise du réalisateur Christophe Ruggia durant le tournage du film « Les Diables », lorsqu'elle avait 13 ans. © VILLARD/NIVIERE/SIPA

Le sujet est risqué, j’en ai conscience, mais la parole des femmes n’est pas sacrée…


Il s’agit « d’un phénomène subtil et dévastateur qui a pénétré les tribunaux ». Il suffit d’ailleurs de se tenir informé de l’actualité pour constater que cette explication par l’emprise revient souvent pour les délits et crimes sexuels. Malgré la gravité de la plupart des épisodes, à force, il y a une sorte d’évidence «à la Molière»: mais bien sûr, c’était de l’emprise! Et on répète, on ressasse cette clé passe-partout comme si elle était parole sacrée de femmes, parole d’Evangile!

C’est à cause de cette notion d’emprise jamais questionnée, qu’on a fait en sorte de sortir beaucoup des dénonciations pour viols ou agressions sexuelles du registre de la preuve ordinaire. Celle-ci exige qu’aucune préférence de principe ne soit d’emblée octroyée à ceux qui accablent par rapport à ceux qui se défendent.

Un concept flou

Alors que l’allégation sur l’emprise subie par telle ou telle « victime » serait forcément décisive et qu’il serait même impudent de mettre en doute la portée d’un tel propos à charge.

A lire aussi: Les femmes sont de plus en plus en colère

Pourtant il me semble que trop souvent l’emprise, cette dépendance prétendue irrésistible d’un être par rapport à un autre, relève d’une solution de facilité. Il s’agit d’un concept flou, impalpable, fluctuant qui, à l’exception de situations où elle est objectivement identifiable – dans le domaine professionnel en particulier où l’inégalité des rapports peut être irréfutable -, autorise le plus souvent la femme à donner son interprétation personnelle du lien dont elle aurait souffert.

C’est donc la plaignante elle-même qui donne sa définition de l’emprise sur laquelle elle appuie sa dénonciation. Cette subjectivité libre d’interpréter, comme elle la perçoit, l’attitude de l’autre face à elle représente la faiblesse fondamentale de ce que l’on pourrait appeler l’inquisition d’aujourd’hui quand elle se contente, sur les plans policier et judiciaire, de se connecter sur la seule parole de celle qui s’affirme victime.

Un argument trop souvent sollicité

Avec l’emprise, le malentendu peut menacer qui opposerait une impression à une ignorance. L’impression d’être dans une relation de pouvoir pour celle qui va se plaindre, l’ignorance de cette perception par celui qui se verra incriminé. L’emprise, s’il n’y a rien d’autre qu’elle comme preuve, est une certitude pour celle qui dénonce, une absurdité pour celui qui est visé.

A relire: Sabine Prokhoris: “Metoo est une section d’assaut”

Je n’irais pas, comme la libre et talentueuse Élisabeth Lévy, soutenir que l’emprise est au coeur de toute relation amoureuse et qu’au fond elle n’est jamais gangrenée par la perversion d’une insupportable domination.

Il y a évidemment des situations où, s’ajoutant à d’autres circonstances, elle peut être invoquée sans apparaître comme une tarte à la crème ou un moyen commode de ne rien démontrer, de se consoler de sa propre impuissance, de s’exonérer à bon compte. Car il arrive en effet qu’une femme allègue l’emprise parce qu’elle n’a pas d’autre choix pour s’expliquer son comportement face à une contrainte à laquelle elle sait qu’elle aurait pu physiquement résister.

Il me semble que, sans porter atteinte au caractère largement positif et libérateur d’un féminisme qui ne cède plus et ne tend plus l’autre joue, il convient cependant de ne pas faire l’impasse sur ce que l’argument de l’emprise trop sollicité peut avoir de contradictoire avec une vision de l’humanité digne de ce nom : hommes ou femmes, nous ne sommes pas voués à être de « petites choses » incapables de rien affronter, de rien vaincre.

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Immigration: n’écoutez pas les mandarins médiatiques, regardez vers le Danemark!

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Des migrants venus d'Allemagne, sur une autoroute au Danemark, le 9 septembre 2015 © Ernst van Norde/AP/SIPA

Nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents sont prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin. La politique menée par les Danois les contrarie au plus haut point…


Tous les sondages récents confirment les attentes des Français à propos de l’immigration. Une majorité d’entre eux pensent que la France devrait imiter le Danemark, réduire drastiquement les flux migratoires légaux et combattre efficacement les illégaux. Mais cela ne convient pas à nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents ; prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin, les voici qui montent en chaire médiatique et sermonnent ces demeurés qui n’ont rien compris, ces arriérés qui sont contre l’immigration de masse, tous les Français qui pensent que cette dernière n’est pas une « chance pour la France ».

Des Danois réfractaires et…

Thomas Legrand donne d’abord des leçons de morale aux Danois. Dans son billet du 13 janvier paru dans Libération, il leur explique que la politique migratoire de leur gouvernement est un très mauvais signal envoyé à tous les Européens. L’État-providence social-démocrate mâtiné de conservatisme sur les questions d’immigration aboutit, selon lui, à un résultat détonant qu’il appelle « welfare-nationalisme » ou « national-social-démocratie » – une sorte de monstre malodorant tapi derrière un État-providence servant d’excuse à des mesures xénophobes. Pourtant, Thomas Legrand n’ignore sûrement pas que cette politique migratoire drastique a, en plus de faire chuter les entrées illégales de migrants au Danemark, plombé le parti nationaliste danois (Parti du peuple) qui avait fait de ce programme son fer de lance et n’a récolté que 2,6 % des votes aux dernières élections législatives. Cela devrait le ravir, mais rien n’y fait : « Un mouvement idéologique, hybride inquiétant entre la préservation de l’État social et une politique migratoire conservatrice, progresse en Europe, au point de passer pour une solution raisonnable », écrit ce journaliste d’extrême gauche qui n’a qu’un désir, un rêve, un souhait : voir débarquer en France et en Europe tout ce que le continent africain compte de nécessiteux fuyant la misère, la guerre, la peste, les djihadistes, la sécheresse, la famine, etc. Et tant pis si nous en crèverons – si tout le monde en crèvera, les Français, les Européens, et les Africains aussi, ceux restés en Afrique, gouvernés par des corrompus et incapables de régler leurs problèmes, et ceux sous-exploités en Europe par une bande de margoulins davosiens et mondialistes prêts à tout pour préserver leurs positions privilégiées. Thomas Legrand n’est pas au bout de ses peines. La Fondation Jean Jaurès, think tank d’obédience socialiste, vient en effet d’écrire un rapport dans lequel, après avoir dénoncé les stratégies appliquées en France par la gauche – entre autres, celle de l’autruche (on ne veut pas voir qu’une majorité de Français est préoccupée par l’immigration) et celle de l’esquive (on minimise l’importance de l’immigration dans l’opinion publique) – les auteurs rendent compte positivement de la politique migratoire sociale-démocrate danoise : « La principale réussite des sociaux-démocrates danois est d’avoir entamé une introspection sincère dans les archives de leur famille politique. […] Ils ont réussi à cette occasion à faire coïncider une volonté politique de fermeté régalienne et les valeurs traditionnelles et sociales de la gauche pour que la greffe idéologique puisse s’enraciner », écrivent les auteurs dudit rapport qui ne semblent pas redouter les fustigations d’un Thomas Legrand dénonçant pourtant avec force cris « le mauvais combo social-démocratie et nationalisme [qui] gagne du terrain du Danemark à la France ». Au moins ce dernier sera-t-il rassuré d’apprendre que, si « les ambitions sociales d’une politique authentiquement de gauche ne peuvent advenir sans une fermeté sur le plan régalien, notamment en matière d’immigration », la Fondation Jean Jaurès se refuse, comme il se doit, à « courir après le programme de la droite ou de l’extrême droite » – Ô Vertige de la politique politicienne !

A lire aussi : Cohn-Bendit: et la sobriété idéologique, alors?

Sur le plateau de “C à vous”, devant un Patrick Cohen et une Anne-Élisabeth Lemoine extrêmement accommodants, Narcisse Cohn-Bendit a pu, pour la millionième fois, se faire briller le nombril en donnant des leçons de morale aux Français. Ces derniers redoutent des flux migratoires trop importants ? C’est qu’ils sont victimes de « fake news » qui noircissent un tableau idyllique. En bon sophiste artificieux qu’il a toujours été, Cohn-Bendit compare l’immigration actuelle à l’exode des quatre millions de Juifs européens en 1938, refuse aux Français un récit national qui serait une « construction inutile », déclare qu’Éric Ciotti et Marine Le Pen font du complotisme, parle en vrac des Juifs du Marais, de ses fils qui ont épousé des femmes allemandes d’origine marocaine pour l’un et erythréenne pour l’autre, puis de « bons français » qui, eux aussi, comme certains immigrés, battent leurs femmes, enfin des Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Allemagne. Du grand délire. Et tout ça pour quoi ? Pour finir, comme d’habitude, par s’aligner sur la position capitalo-mondialiste et immigrationniste des familiers de Davos et de George Soros : la France, l’Allemagne, les États-Unis ont « besoin d’immigration », il faut régulariser tous les immigrés illégaux, il faut accueillir tous les migrants. « Il faut comprendre que les nouvelles mosaïques multiethniques installées une bonne fois pour toutes en Allemagne ainsi qu’en France redéfinissent et abrogent peut-être la notion d’une identité nationale », écrit dans son dernier livre [1] l’ancien soixante-huitard défendant un projet de société qui, en fin de compte, était déjà celui des libéraux-libertaires faussement révoltés de 68. Daniel Cohn-Bendit est resté ce petit-bourgeois qui aime à faire croire qu’il a toujours été un rebelle alors qu’il n’est jamais allé que dans le sens de ses intérêts qui croisaient souvent ceux des « élites » qu’il faisait semblant de combattre. « Si l’identité française, ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, vous fuyez le pays, c’est horrible », s’étouffe ce tartuffe qui aura profité toute sa vie d’une image chimérique, celle de révolté rouge puis vert proche des peuples européens – quand bien même il sera resté de bout en bout un maquisard de salon médiatique, un rebelle petit-bourgeois, un frondeur institutionnalisé, un révolutionnaire en pâte à modeler, pour finir par devenir, cruelle mais inévitable destinée, un macroniste-mondialiste davosien de la plus belle eau. Fuyez, M. Cohn-Bendit, fuyez, nous ne vous retenons pas !

… des Bretons pas assez accueillants au goût de France inter

Sur France Inter, en ce vendredi 13 janvier, Yaël Goosz donne des leçons de morale aux habitants de Callac. Ces derniers ont obligé leur maire à renoncer à l’installation de plusieurs dizaines de migrants dans leur commune. Yaël Goosz voit l’ombre d’Éric Zemmour derrière l’abandon de ce « projet humaniste » qui aurait « repeuplé et redynamisé » ce village. La larme à l’œil, l’éditorialiste considère que « Zemmour aura réussi à coloniser les esprits et à dénaturer la Bretagne et sa longue tradition d’accueil ». Il craint que, « contrairement aux directives d’Emmanuel Macron », d’autres communes rurales ne refusent ces magnifiques projets de repeuplement et, surtout, il redoute que le LR n’active, en contrepartie de son soutien à la réforme des retraites, une série d’amendements – la double peine effective pour les immigrés délinquants, le rétablissement du délit de séjour illégal et la fin du regroupement familial, entre autres – quand la loi immigration sera débattue à l’Assemblée nationale. Yaël Goosz ne s’apitoie jamais sur le sort des Français – il n’a de compassion que pour les immigrés, qu’il appelle systématiquement « réfugiés », et les maires confrontés à ces franchouillards ruraux qui renâclent devant un si prometteur « vivre ensemble » qui revivifierait nos campagnes, selon lui.

A lire aussi : Thiais, Gare du Nord, Strasbourg: le vol noir des couteaux sur la plaine

Ces notables du monde médiatico-politique sermonnent les presque 70% de Français qui disent s’inquiéter d’une immigration que plus rien ne semble pouvoir endiguer – et même, si l’on lit bien l’entretien donné par la députée Edwige Diaz dans ces colonnes, qui pourrait s’amplifier à cause d’une régularisation massive des immigrés illégaux employés dans les « métiers en tension » voulue par le gouvernement. Où vivent-ils, ces mandarins médiatiques qui ne voient pas leurs compatriotes souffrir, qui ne veulent rien savoir de la délinquance, des trafics de drogue, de la violence qui pourrissent de plus en plus la vie des habitants de ce pays, y compris les habitants issus d’une immigration plus ancienne parfaitement intégrés ? Ne visitent-ils, d’Uber en Uber, que des quartiers Potemkine du « vivre ensemble » – semblables à ceux, magnifiquement agencés, qui illustrent les tracts de LFI au moment des élections ? Comment font-ils pour ne rien voir, pour ignorer les ravages civilisationnels, l’insécurité, le prosélytisme islamique, les changements visibles de population, de mœurs, de mentalités, dans des parties de plus en plus étendues de l’Hexagone pouvant atteindre la taille d’un département entier ? Quel est le secret de leur aveuglement ? Au moment où même François Bayrou ouvre enfin les yeux, demande sur BFMTV s’il est « légitime de ne pas renvoyer les gens (les migrants délinquants ou illégaux) simplement parce que leur pays est dans un désordre absolu », et considère que « la situation n’est plus supportable pour un très grand nombre de Français », ces notables employés à la propagande immigrationniste et multiculturaliste admonestent des Français désespérés n’aspirant pourtant qu’à vivre en paix, sans craindre de prendre un coup de couteau, de se faire violer en pleine rue, de se faire lyncher pour un « mauvais regard », une « cigarette refusée » ou un « comportement efféminé », de subir la loi des dealers ou d’être agressés dans les transports en commun, dans la rue ou chez eux. Ces Français-là disent ne plus reconnaître leur pays. Ils se taisent, ils ont peur, ils ne savent plus vers qui se tourner. Ils entendent parfois les sermons de nos prêtres sur les ondes de l’audiovisuel public – s’ils n’avaient pas autant de temps à consacrer à essayer de vivre à peu près convenablement, ils se déplaceraient volontiers pour aller dire leurs quatre vérités à ces idéologues méprisants qui ignorent tout de leurs vies. Sans doute en profiteraient-ils pour leur demander, eux aussi: « Où vivez-vous ? Dans quel monde ? Comment faites-vous pour ne rien voir ? »

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[1] Daniel Cohn-Bendit, Patrick Lemoine, Français mais pas Gaulois, Des étrangers qui ont fait la France, Editions Robert Laffond

La guerre écoresponsable n’existe pas

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Catapultage d’un avion Rafale depuis le porte-avion Charles-de-Gaulle, au large de Toulon, 5 juin 2007. Qui peut aujourd’hui envisager un Rafale électrique ? © PATRICK VALASSERIS/AFP

N’en déplaise aux défenseurs de la planète, le pétrole demeure le nerf d’une vraie guerre. Sans énergie fossile, impossible de faire rouler des chars et encore moins de faire voler des avions. Plusieurs pays développent des projets de véhicules hybrides, mais la guerre tout électrique n’est pas pour demain.


Just Stop Oil est un groupe anglais militant pour le climat qui s’attaque à des œuvres d’art célèbres pour exiger du gouvernement britannique qu’il s’engage à arrêter la production de combustibles fossiles (pétrole et gaz). Sans doute ces activistes ignorent-ils qu’en sortant du pétrole de manière brutale et unilatérale, leur pays se condamnerait à la vassalisation – à moins qu’ils s’en fichent. Ils ignorent aussi qu’en cela, ils sont les héritiers des pacifistes des années 1930. En effet, la guerre en Ukraine le démontre tous les jours, sans pétrole, il est impossible de faire la guerre, donc de se défendre contre un agresseur. À vrai dire, difficile de leur reprocher leur ignorance : ce sujet est totalement absent du débat sur la transition énergétique. Personne ne dit que la guerre électrique n’existe pas et n’existera pas avant très longtemps et qu’en conséquence, d’ici ce moment-là, notre liberté et notre indépendance seront tributaires de notre accès au pétrole.

Un véritable enjeu: le contrôle des hydrocarbures

Depuis la Première Guerre mondiale, le lien entre guerre et pétrole est évident. Voilà plus d’un siècle que les hydrocarbures sont la principale source d’énergie ainsi qu’une matière première importante pour la production de biens essentiels (plastiques, caoutchouc, fibres synthétiques, peintures) aux économies développées. Le contrôle de l’approvisionnement (disponibilité, prix) est donc un enjeu majeur pour tous les États et un enjeu vital pour les puissances : impossible d’être une puissance sans pouvoir s’assurer de la disponibilité de cette ressource à un prix abordable. Cependant, avec la transition énergétique, les politiques et les opinions publiques se détournent du pétrole et dans une moindre mesure du gaz, au profit des énergies renouvelables et non carbonées. Investir dans le pétrole devient de plus en plus compliqué et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommande même de cesser de construire de nouvelles installations. Les jeunes se désintéressent des métiers liés à cet écosystème et peu à peu, les compétences se perdent.

Or, justement, pour assurer l’approvisionnement en pétrole, il faut créer et contrôler une chaîne d’approvisionnement et de stockage allant du champ de production jusqu’à l’utilisateur final en passant par l’acheminement par la terre ou par mer et le raffinement. Il faut également s’assurer de l’existence d’un immense écosystème : l’industrie (pétrochimie, ainsi que la fabrication de machines et de tubes), les services, la formation aux différents métiers, l’exploration (pour chercher les champs exploitables dans dix ou vingt ans) et d’autres chaînons importants comme les professionnels du financement de ces différentes activités.

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La transition vers une électricité produite par le nucléaire et les énergies renouvelables fait l’objet d’un large consensus. Le déclin et le dépérissement de l’écosystème du pétrole semblent donc à la fois inéluctables et désirables. Certes, il existe des secteurs et des activités où les solutions de rechange sont pratiquement inexistantes (l’aviation par exemple), mais globalement la fin du pétrole, ou du moins sa marginalisation, est largement acceptée, notamment avec la fin de la production de voitures thermiques annoncée pour le milieu de la prochaine décennie. Cependant, si nous connaissons déjà des moyens de transport ne faisant pas appel au pétrole (voiture électrique avec pile chimique ou à l’hydrogène), ces technologies sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu’il faut les considérer comme pratiquement impossibles à réaliser, tout comme les véhicules blindés, l’artillerie, les engins de génie, les véhicules légers tout terrain, sans oublier les camions qui assurent l’approvisionnement des unités. Le moteur à combustion interne et son carburant sont si efficaces et souples qu’il est suicidaire de les remplacer. L’armée américaine envisage l’intégration de « véhicules électriques légers de reconnaissance », mais ce projet reste expérimental et c’est le cas dans d’autres armées également. La seule évolution réellement envisageable dans les quelques années à venir est l’introduction de la motorisation hybride sur le champ de bataille, ainsi que pour les véhicules de soutien aux combattants. Cette solution, qui n’est pas encore opérationnelle, pourrait certes diminuer la consommation d’hydrocarbures, mais pas la réduire à zéro. Le problème reste donc entier.

Une transition impossible à court-terme?

Pour l’armée de l’air, la démonstration est encore plus facile : qui peut imaginer un Rafale ou un transport A400M électrique ? Dans la marine, une motorisation nucléaire est envisageable technologiquement, mais à très long terme et pas partout.

Plusieurs armées se sont déjà lancées dans le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques. Ainsi, des prototypes de véhicules individuels sont déjà testés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Certains engins jouissent d’une autonomie de 300 à 350 kilomètres, comparable à celle de leurs jumeaux diesel. Allons-nous pour autant voir dans un avenir proche des brigades électriques ? C’est très peu probable. L’un des obstacles majeurs est la capacité de rechargement. Aujourd’hui, aucune armée ne dispose de la capacité de recharger un véhicule tactique ou de combat entièrement électrique dans un environnement de champ de bataille d’une grande intensité comme en Ukraine. Bien que les armées puissent tirer parti de la technologie et de l’expérience de la filière civile de voitures électriques, l’environnement du champ de bataille présente des exigences particulières.

Les stations de recharge commerciales sont fixes et lourdes, tandis que les forces terrestres ont besoin de chargeurs mobiles susceptibles d’être rapidement transportés d’un endroit à l’autre dans des conditions de combat, en terrain difficile et dans des conditions météorologiques compliquées. L’alimentation par un réseau électrique ne peut garantir ce niveau de mobilité et de flexibilité. Les chargeurs à usage civil sont bien sûr câblés sur le réseau commercial. Cela signifie qu’il faut développer une capacité de production d’énergie de plusieurs mégawatts pour alimenter le point de rechargement.

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Autre problème : les chargeurs commerciaux varient entre 400 kilowatts et 400 mégawatts. Mais, compte tenu de la taille des véhicules militaires et du besoin impératif de recharger rapidement et simultanément plusieurs plateformes à partir d’un seul chargeur, il faudrait disposer de chargeurs beaucoup plus grands. Enfin, ces stations de chargement devraient opérer efficacement dans le désert comme dans la jungle dans des conditions de températures extrêmes, d’exposition au sel et au sable, et de chocs et vibrations importants.

Ce problème de recharge tactique limite fortement la capacité à exploiter les nombreux avantages des véhicules militaires hautement électrifiés : furtivité – peu de bruit, pas de fumée, très peu de chaleur – et logistique simplifiée – moins de pièces de rechange, maintenance plus simple, fin de la nécessité d’acheminer du pétrole et des huiles.

Pour l’heure et dans un avenir envisageable, il faut retenir qu’un char Leclerc emporte 1 700 litres de carburant et en consomme 300 aux 100 kilomètres ! Quant à l’aviation, en vol normal un Rafale consomme environ 60 litres par minute. Tout ce carburant doit provenir de quelque part. La conclusion est claire : aussi longtemps que la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivront leurs stratégies de puissance appuyées sur des grandes armées de chars, blindés, frégates et avions, renoncer à la possibilité de s’approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer.

Pour des décennies encore, notre capacité à mener des conflits de haute intensité et de longue durée face à des adversaires étatiques puissants, comme c’est le cas en Ukraine, dépend du pétrole. Et pour pouvoir en disposer, il faut s’assurer que nous maintenions en bon état toutes les filières de production et d’approvisionnement. Sinon, dans une prochaine guerre, avant de manquer d’hommes, de munitions et de volonté, nous subirons une panne sèche. Aujourd’hui et pour longtemps encore, à côté de l’arme nucléaire, le pétrole est l’ultime garant de notre liberté.

Le Parti socialiste, requiem ou résurrection?

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Le socialiste Olivier Faure à Ivry sur Seine, 16 janvier 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Le second tour du congrès PS verra s’affronter jeudi Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Le premier, accusé d’avoir renié le socialisme en se soumettant à LFI, est sérieusement inquiété par le maire de Rouen.


Il était une fois un parti qui avait structuré la vie politique française, un parti qui avait donné deux présidents à la Vème République. Le PS, du congrès d’Epinay en 71 à la renonciation de Hollande en 2016, était la force dominante à gauche. L’inspiration en était clairement sociale-démocrate, à l’époque où le mot voulait dire quelque chose, c’est-à-dire social-démocrate comme on l’entendait en  Suède jusqu’à une date récente : un État-providence fort qui voulait assurer un niveau de protection sociale élevé et le partage le plus équitable possible des richesses. 

Et ce,  sans nécessairement remettre en  question l’économie de marché mais en voulant éviter que la France, pour reprendre les mots de Jospin vainqueur des législatives en 1997, ne devienne « une société de marché ». La différence ? un certain nombre de biens communs ne pouvaient pas, ne devaient pas être soumis à une logique de profit et de rentabilité : l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la petite enfance, les personnes âgées… Une société où tout ne deviendrait pas marchandise.

Ça, c’était sur le papier. 

La lente catastrophe, pour le PS, a commencé en 1983, quand Delors, qui n’était pas socialiste, a gagné contre Chevènement, qui bientôt ne le serait plus. Pendant les deux premières années du premier septennat Mitterrand pourtant, les nationalisations, la retraite à 60 ans, les nouveaux droits accordés au travailleur au sein de l’entreprise, la semaine de tente-neuf heures, l’abolition de la peine de mort et des juridictions d’exception, tout avait montré ce à quoi aspirait le socialisme à la française. 

Le socialisme dure deux ans

On n’aime, on n’aime pas, mais au moins, c’était clair comme ce fut clair sur la période 97-99 de Jospin Premier ministre, avec les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. Seulement voilà, le PS au pouvoir, ça dure deux ans, moins que l’amour chez Beigbeder. Et chez Hollande en 2012, ça n’a pas duré du tout: d’emblée, l’ectoplasme s’est clairement positionné pour une politique blairiste, pro-business, privilégiant une politique de l’offre. Pas étonnant, d’ailleurs, que Macron le libéral soit né dans le giron du « président normal » qui a été jusqu’à faire voter, avant de partir, une loi Travail qui a fait pousser des soupirs orgasmiques au MEDEF.

En fait, ce qui a bien failli tuer le PS, c’est le macronisme. Le problème, c’est que le macronisme n’existe pas. Le macronisme n’est jamais que le nouveau nom de la droite centriste libérale et pro-européenne. Depuis 2017, le PS accroché à ses baronnies locales a vu ses électeurs partir chez les Insoumis ou chez Macron. Regardez cette gauche macroniste, d’Elisabeth Borne à Dussopt, pourtant élu sous l’étiquette PS en 2017. Ce sont eux qui sont à la manœuvre dans la contre-réforme actuelle des retraites. Bref, la gauche macroniste, c’est plus à droite que le Modem…

Pourtant, l’affaiblissement d’un appareil, l’hémorragie militante, ne signifient pas la disparition de ce corpus idéologique qui était celui du PS des origines. C’est en tout cas le pari d’Olivier Faure, actuel premier secrétaire, menacé de manière inattendue par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Olivier Faure croit que le score d’Hidalgo aux présidentielles ne signe pas la mort du PS, qu’il existe toujours un électorat potentiel qui se définit comme de gauche mais ne se reconnaît ni dans les outrances insoumises ni dans le social-libéralisme des derniers fidèles du calamiteux Hollande. 

D’ailleurs, la candidate au poste de premier secrétaire, Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin, se réclamant explicitement de Hollande, Le Fol, Cazeneuve, a été éliminée dès le premier tour. On avait déjà vu, d’ailleurs, que la plupart des candidats socialistes hors Nupes présenté lors des législatives de 2022, (par exemple les poulains de Carole Delga en Nouvelle Aquitaine) ont été sèchement battus lors de ces primaires sauvages. 

Un duel Faure / Mayer-Rossignol

Nicolas Mayer-Rossignol, lui, la joue plus subtile. Il croit aussi à l’existence de cet électorat orphelin. Des gens qui ont enfin compris que Macron n’ a pas de jambe gauche,  des gens qui ont voté par défaut pour Mélenchon en 2022. Mais il pense que pour redonner sa place de première force à gauche au PS, il faut sortir de la Nupes. Faure pense le contraire. Les turbulences chez les Insoumis, qui ressemblent plus à une implosion lente qu’à une crise de croissance, lui donneraient a priori raison. Le PS peut apparaître comme un recours pour l’électeur de gauche.

Ceux qui prédisent une explosion de PS, si Faure gagne, en seront pour leur frais. Il y aura encore quelques départs chez Macron, mais guère plus. Le PS, enfin débarrassé des débris du hollandisme, apparaitra comme la seule force historique de la gauche qui, malgré ses trahisons, ses renoncements, a tout de même concrètement réussi à changer la vie des gens, là où Mélenchon semble condamné, comme Marine Le Pen, à jouer un éternel rôle tribunicien.

Bien sûr, cela va être plus compliqué si c’est le maire de Rouen qui gagne. Il a de grands risques que le PS devienne, à l’instar des radicaux de gauche, mais aussi d’une certaine manière de LR, une force d’appoint tenue par un syndicat d’élus.

Autant dire que ce qui va se jouer dans le vote serré de 40 000 adhérents socialistes, c’est aussi l’avenir de la gauche toute entière et sa chance de revenir aux affaires, dans un avenir proche…

Nathalie Rheims: la gamine et l’oiseau

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L'écrivain Nathalie Rheims © Philippe Conrad

Dans Au long des Jours, Nathalie Rheims évoque un amour de jeunesse pour le chanteur Mouloudji et restitue les années 70


Elle a 18 ans, il en a trente-cinq de plus qu’elle, ça n’a pas d’importance puisqu’elle l’aime. Nous sommes à la fin des années 70. C’est une période de respiration profonde, où le mot liberté n’est pas galvaudé. Tout est encore possible, il faut seulement savoir saisir sa chance.

Elle se nomme Nathalie Rheims. Elle a été comédienne puis a écrit des romans. Sa sœur est la célèbre photographe, Bettina. Au long des jours lui est dédié. Leur père est Maurice Rheims, académicien, commissaire-priseur de grande réputation, homme couvert de femmes, comme son ami, l’écrivain Paul Morand, dont il fut l’un des exécuteurs testamentaires.

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Lui, l’oiseau de passage, mais pas de malheur, fut acteur, romancier, peintre et surtout chanteur. Il n’est jamais nommé par la gamine. Mais on sait tout de suite qui il est. La couverture du livre reproduit le Polaroid en noir et blanc pris par Bettina. Large sourire, cheveux de jais bouclés, regard tendre et tourmenté, Nathalie se serre contre lui, visage enfoui dans son cou, le bras entourant ses épaules. Lui, il a mis sa main sur sa taille. Les cheveux de la gamine cachent son regard. Elle sourit, d’un sourire juvénile et candide. Au fil des pages, Nathalie Rheims égrène les paroles de ses chansons. Les anciens reconnaîtront les tubes de leur adolescence.

Editions Léo Scheer

Il y en a un que je ne peux écouter sans éprouver une émotion chavirante : « Un jour tu verras ». La voix de Mouloudji m’a toujours ému. Une voix chaude, qui roule les « r », soutenue par un accordéon. « Une voix de velours à côtes » pour reprendre l’expression d’Antoine Blondin, citée par Nathalie Rheims.

L’oiseau est marié à une femme possessive, terriblement jalouse. Si l’on ajoute la grande différence d’âge, cela ne permet pas d’envisager une relation durable. Mais la gamine est attirée par son magnétisme, ses yeux tourmentés par la mort, sa peau tant de fois mordue par des femmes qui ne seront jamais des rivales.

Elle sait que le donjuanisme est une solitude cernée de présences féminines. Son père en est le meilleur exemple. Même si ce n’est pas un récit biographique, on en apprend beaucoup sur Mouloudji. Son appartenance au clan Sartre, son engagement communiste, son amitié avec Simone de Beauvoir qui corrigea ses premiers écrits, sa mère qui le battait pendant des crises de démence, son père, Saïd, venu de Kabylie, analphabète, la plupart du temps chômeur, qu’il vénérait. Son frère aîné, gravement malade, mort jeune. Nathalie Rheims avait, jusqu’à ce livre, dont le titre est celui d’une chanson de « son » oiseau, tenu secret leur amour.

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Elle nous offre un roman impressionniste, pudique et émouvant, surtout quand elle raconte leur ultime rencontre. Mouloudji a le visage émacié, la maladie est à l’œuvre, l’artiste refuse les traitements. « Il releva le col de son caban, et je le vis disparaître », écrit-elle sobrement.

Grâce au talent de la gamine, on a envie de réécouter les chansons de Marcel Mouloudji (1922/1994). C’est l’hiver, la mer est grise sur un horizon gris. « Merci pour les filles au corps de printemps ». Oui.

Nathalie Rheims, Au long des jours, Editions Léo Scheer.

Au long des jours

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L’homme invisible est chinois

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D.R

Pour échapper à la tyrannie de la surveillance chinoise, des étudiants de Wuhan ont développé une veste d’invisibilité permettant d’échapper aux caméras.


La Chine, symbole de la surveillance de masse, a de plus en plus des airs de pays orwellien. Le gouvernement de Pékin souhaite renforcer sa sécurité intérieure en devenant le leader mondial de l’intelligence artificielle d’ici 2030, avec un budget annuel de 60 milliards de dollars contre 20 milliards d’euros pour l’Union européenne. C’est grâce à l’intelligence artificielle que ses caméras de surveillance sont capables de reconnaître des visages avec une marge d’erreur de 1 sur 100 000, alors que la marge d’erreur de l’œil humain est de 1 sur 1 000. Elles reconnaissent les individus de dos, les changements brusques de comportement ou la modification de la température corporelle.

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Dans le top 20 des villes les plus surveillées, 18 sont chinoises, et plus de 600 millions de caméras de surveillance sont censées être installées avant la fin de cette année. Pour échapper à cette forme de tyrannie, quatre étudiants chinois, diplômés de l’université de Wuhan, viennent de développer un manteau d’invisibilité semblable à une tenue de camouflage, l’InvisiDefense. Il s’agit d’une veste dont les motifs élaborés aveuglent les caméras de surveillance le jour. Wen Hui, informaticien et membre de l’équipe, explique qu’ils ont utilisé un algorithme spécial pour concevoir une image apte à rendre la vision de la caméra inefficace. La nuit, le manteau utilise un autre dispositif pour permettre à l’individu qui le porte de changer de température et échapper aux caméras à imagerie thermique infrarouge. Ce manteau qui coûte peu à la fabrication (500 yuans soit 71 dollars) permet ainsi de masquer l’identité de la personne qui le porte. Les étudiants ont d’abord testé leur invention sur les caméras de sécurité du campus pour échapper à leur surveillance. Les résultats ont révélé une réduction de la précision de détection de 57%. Reste à savoir combien de temps il faudra au gouvernement pour interdire l’InvisiDefense et punir ses concepteurs.

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L’amour à mort? Mise en scène mythique, Isolde sacrifiée

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Tristan et Isolde, 13 janvier 2023 © Elisa Haberer - Opéra national de Paris

Tristan et Isolde de Richard Wagner à l’Opéra Bastille, du 17 janvier au 4 février 2023


Tristan et Isolde, parenthèse inouïe dans la vie créatrice du futur margrave de Bayreuth ! Mettant irrésistiblement de côté la composition de longue haleine de son Ring, Wagner en écrivit livret et partition de 1854 à 1857, entre Venise, Lucerne et son « asile » zurichois, transporté par sa passion secrète pour Mathilde Wesendonck, l’épouse de son richissime bienfaiteur. Le fameux prélude ne sera pas joué avant 1860, à Paris, le scandale de Tannhäuser y interdisant la création de l’œuvre intégrale. Et il faudra attendre l’intercession miraculeuse de Louis II de Bavière pour que ce poème lyrique opulent et somptueux, décidément poursuivi par la fatalité, soit exécuté, enfin, au Théâtre royal de la cour de Bavière, sous la direction de Hans von Bülow, en juin 1865, dans des conditions d’ailleurs assez burlesques. Mais passons.  

Mary Elisabeth Williams en Isolde, ça ne va pas trop

« Tristan… », comme les mordus affectionnent de couper le titre, n’a jamais cessé d’inspirer transpositions et extrapolations les plus folles. On se souvient que le génial cinéaste Lars Von Trier transfigurait son chef-d’œuvre absolu, Melancholia (2011), en enveloppant l’image dans le manteau ondoyant, extatique et capiteux de l’inoubliable prélude, qui s’étire sur une quinzaine de minutes. Et que dire de Patrice Chéreau, dont la régie milanaise, en 2007, sur un fabuleux décor de Richard Peduzzi, en reste une des versions les plus sensationnelles. Il est des scénographies plus controversées: telle celle signée par le réalisateur australien Simon Stone en 2011 à Aix-en-Provence, avec une Isolde empruntant la physionomie d’une patronne de start-up, un Tristan hors d’âge, et le jardin du château fort, toile de fond du 3ème acte selon le livret, reconstitué sous les espèces d’un trajet sur la ligne 11 du métro parisien, de la station Châtelet au terminus de la Porte des Lilas. 

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Toujours est-il que l’Opéra-Bastille ouvre cette année 2023 avec la reprise d’une mise en scène trempée dans la mythologie des représentations d’art lyrique:  celle de Peters Sellars, millésimée 2005. L’Américain (aujourd’hui âgé de 66 ans) fit en effet sensation alors, avec cette production minimaliste où la vidéo, signée de son compatriote Bill Viola (né en 1951), contrepoint d’une spatialisation graphique épurée (plateau intégralement de couleur noire, costumes idem), vient redoubler, sur écran géant et selon des formats variés, la figure du couple de légende : cérémonial filmé au ralenti et en continu, qui prend la forme d’une sorte de rituel amniotique, subaquatique et paysager, par moments d’une prodigieuse beauté plastique, en particulier au dernier acte. 

On se souvient que cette production (d’abord sous la direction d’Esa-Pekka Salonen puis du maestro russe Valery Gergiev) fut alors portée à des sommets par la grâce conjuguée de l’immense mezzo- soprano Waltraud Meier dans le rôle d’Isolde, et du ténor Ben Hepner dans celui de Tristan. Reprise en 2008 à la Bastille, toujours avec la légendaire Waltraut Meier (et, cette fois, Semyon Bychkov à la baguette), puis une nouvelle fois en 2018, la voilà donc qui nous revient encore: intacte et, disons-le, sans rides, tout au moins au plan visuel. 

Mary Elisabeth Williams D.R.

Il n’en va pas de même, hélas, quant à la distribution. Essentiellement par la faute de la soprano noire d’origine étasunienne Mary Elisabeth Williams qui, pour ses débuts à l’Opéra de Paris, n’est pas du tout à son affaire dans le rôle d’Isolde : aigus stridulants, voix éraillée, graves sans profondeur, articulation sommaire, gestuelle emprunte d’une théâtralité maladroite. Face à elle, le ténor suédois Michael Weinius campe un Tristan vocalement acceptable, en dépit d’un embonpoint mal accordé au personnage. 

Captivant Eric Owens

Le spectacle est sauvé, si l’on peut dire, par l’excellent baryton-basse Eric Owens en roi Marke, dont en particulier la longue et splendide confession, au troisième acte, captive le spectateur, lorsque son chant, d’une amplitude remarquable, se fait l’aveu de son amour sacrificiel pour Tristan… 

Neufs également à l’Opéra de Paris, la mezzo-soprano allemande Okka von der Damerau excelle dans le rôle de Brangäne, tout comme Kurneval sous les traits du baryton-basse Ryan Speedo Green, et le ténor anglais Neal Cooper, qui incarne Melot. 

Reste la musique, sublime, magnifiée par la direction d’orchestre subtilement acérée du grand Gustavo Dudamel, au pupitre de l’Orchestre National de Paris, à son meilleur au soir de la première…   

Tristan et Isolde. Opéra en trois actes de Richard Wagner (1865). Opéra Bastille. Direction : Gustavo Dudamel.  Orchestre et chœurs de l’Opéra National de Paris. Mise en scène : Peter Sellars. Création vidéo : Bill Viola.  Avec Mry Elisabteh Willians (Isolde), Gwyn Hughes Jonas (Tristan). Les 20, 23, 26 janvier, 1 et 4 février à 18h. Le 29 janvier à 14h. Durée du spectacle : 5 heures.