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Entre deux fidélités: l’écartèlement des Juifs de diaspora

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Un siècle après l’affaire Dreyfus qui déchira la France et marqua son histoire politique d’une grosse cicatrice, l’antisémitisme souffle encore, sous des nouvelles formes, mais avec une constante: l’accusation de double allégeance. Analyse.


En décembre 2024, France Inter a diffusé une série d’épisodes retraçant l’Affaire Dreyfus, que je viens de découvrir. Une rétrospective historique et précise, sur dix épisodes1 où le climat de la France des années 1890 est retranscrit avec une grande précision. On croit connaître cette affaire. On la cite parfois comme illustrant l’esprit d’une époque. Et pourtant, l’entrelacs de ses protagonistes, de leurs jeux de pouvoirs et de ses conséquences jusqu’à aujourd’hui continuent de surprendre.

Coupable idéal

Le fil rouge de la série insiste sur un point essentiel : l’Affaire Dreyfus ne fut pas une simple « erreur judiciaire ». Elle se situe au-delà. Elle fut une machination politique, organisée et montée de toutes pièces par l’état-major de l’armée, et donc par l’État français.

À l’automne 1894, lorsqu’un bordereau intercepté révèle qu’un traître renseigne l’ennemi, — en l’occurrence l’Allemagne – le ministre de la Guerre, le général Auguste Mercier cherche un coupable avec une hâte dictée par ses ambitions politiques. Dreyfus, officier alsacien, est désigné. L’armée veut un coupable ; le procès n’aura pas de suspense, d’ailleurs il sera à charge, se jouera à huis-clos et ne respectera jamais la présomption d’innocence, bien connue dans le droit français.

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On l’aura compris, la pire accusation qu’on puisse formuler contre un officier, c’est bien celle dont Dreyfus est accusée, celle de la haute trahison. Juif, Alsacien, officier d’artillerie sorti du rang prestigieux de Polytechnique, Alfred Dreyfus apparaît comme le coupable idéal.

L’affaire Dreyfus cristallise un climat antisémite déjà virulent — alimenté par des journaux comme La Libre Parole d’Édouard Drumont et par la crispation nationaliste — qui rend la culpabilité de l’officier juif plausible aux yeux de tant de Français. François Mauriac rappellera, dans ses souvenirs, combien ces préjugés antisémites s’infiltraient jusque dans les cours d’école.

Et pourtant, le signe avant-coureur avait déjà existé. En 1878, lors de son admission à l’École polytechnique, Alfred Dreyfus avait obtenu la note de zéro à la rubrique dite note de cœur, une évaluation du « caractère » et non des compétences. Ce jugement moral, énigmatique et injuste, l’empêcha d’accéder au stage à l’état-major. L’antisémitisme, poison lent, s’était déjà insinué dans son parcours.

Au fond, ce dont on suspecte le général juif, lui l’enfant d’une Alsace marquée par la victoire de la Prusse sur la France et dont les parents ont choisi en connaissance de cause leur nationalité française, c’est de double allégeance.

Cette affaire, c’est le premier divorce entre la France et ses juifs. Theodor Herzl, correspondant de presse viennois, assista aux procès et surtout aux foules parisiennes hurlant « Mort aux Juifs ! ». Pour lui, ce fut une révélation : si un officier parfaitement assimilé, patriote, pouvait être traîné dans la boue pour le seul fait d’être juif, alors aucun Juif en Europe n’était à l’abri. En 1896, il publia Der Judenstaat (L’État des Juifs), ouvrant la voie au sionisme politique moderne.

Plus d’un siècle après une affaire qui déchira la France et marqua son histoire d’une cicatrice indélébile, l’antisémitisme souffle encore, sous des formes nouvelles, mais avec une constante : l’accusation de double allégeance.

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Aujourd’hui, les juifs de diaspora qu’ils soient Américains, Français, Anglais ou autres, sont souvent accusés de « double loyauté ». On leur reproche d’entretenir une fidélité parallèle ou suspecte à Israël, qui viendrait entamer leur loyauté pleine et entière à leur pays de naissance ou de résidence.

Vertige

L’histoire bégaye dans une sorte de triste paradoxe. Avant la naissance de l’État d’Israël, on reprochait déjà aux Juifs une loyauté divisée, au nom d’un fantasme antisémite. Depuis qu’Israël existe, on leur reproche toujours une double loyauté, mais cette fois au nom de leur lien supposé avec l’État juif. Dans les deux cas, l’accusation est la même, bien qu’elle change de visage : les Juifs sont accusés de ne jamais pouvoir appartenir pleinement à leur pays, quel qu’il soit, et quelle que soit la preuve de leur fidélité.

Écouter aujourd’hui, depuis Israël, l’histoire d’un officier français juif jeté en pâture à la vindicte publique me renvoie à ce vertige d’appartenances multiples. Les Juifs de diaspora se trouvent encore écartelés entre deux fidélités : celle à la vie qu’ils ont patiemment construite en Europe — leurs maisons, leurs langues, leurs souvenirs, leurs engagements civiques — et celle qu’on leur reproche toujours, réelle ou supposée, à Israël. Comme si leur existence devait se justifier sans cesse sur l’autel d’une loyauté unique. Cet écartèlement n’est pas seulement géographique, il est intime, il cisaille le cœur : rester et continuer d’espérer, ou partir et s’arracher à ce qui fut chez soi.

  1. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/serie-alfred-dreyfus-le-combat-de-la-republique ↩︎

Arthur Koestler, ou avoir raison contre Sartre

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Arthur Koestler est l’auteur du best-seller Le Zéro et l’Infini. Il a écrit d’autres ouvrages importants mais celui-là a marqué une génération. Ce communiste, emprisonné par Franco, guettant quotidiennement minuit dans sa cellule, croyant que le lendemain il serait fusillé, ami d’Israël et militant sioniste, a osé dénoncer les dérives du stalinisme, ses massacres de masse, ses grandes purges, au moment où la plupart des intellectuels français révéraient Staline – d’où le titre sibyllin de son roman : l’individu est zéro et le parti est l’infini.

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Il devint immédiatement le renégat. Il fallait l’ostraciser, l’empêcher de témoigner, de respirer, de vivre. Au Café de Flore, QG des planqués de l’Occupation, Simone de Beauvoir, avec qui il avait couché, et Jean-Paul Sartre se chargèrent de lui régler son compte en le discréditant de façon malhonnête. Ce n’était pas un écrivain, à peine un journaliste. Jacques Duclos, le premier secrétaire du PCF, tout puissant à la Libération, alla même jusqu’à exercer une forte pression sur son éditeur, Calmann-Lévy, pour empêcher la parution de ce livre d’éveil. Mais le patriarche de la maison d’édition aryanisée durant la guerre, rebaptisée « Éditions Balzac », n’était pas homme à se laisser impressionner. Quant à Koestler, buveur impénitent, aimant la castagne, séducteur compulsif, né en Hongrie en 1905, écrivant en allemand et en anglais, il jubilait d’avoir lancé une telle bombe littéraire.

Après la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS, Le Zéro et l’Infini, avait perdu de son intérêt, le récit ne possédant pas le côté visionnaire de 1984, roman dystopique de George Orwell, ami de Koestler. Mais le retour de l’expansionnisme russe, décidé par le maître du Kremlin, a vu le spectre soviétique reparaître et les thèmes du livre sont redevenus actuels. De même que, depuis le 7 octobre 2023, l’antisémitisme que ce Juif d’Europe centrale combattit toute sa vie s’est réveillé en Occident. Koestler méritait donc qu’on s’intéressât à sa vie et à son œuvre.

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Stéphane Koechlin, romancier et essayiste, nous propose une biographie dynamique de l’auteurd’Un testament espagnol. Koestler est un séducteur. « Son visage est fort et doux », son « sourire féminin » et ses yeux qui ont vu le monde font des ravages, même si cet écrivain, marié trois fois, est violent avec les femmes – Koechlin révèle, à la fin de son ouvrage, une affaire de viol incriminant son sujet. Il refuse d’avoir des enfants – peut-être l’ombre portée d’une mère dérangée. La romancière Danielle Hunebelle brosse cependant un portrait flatteur du bagarreur dans Les Cahiers de l’Herne : « Attachant, fraternel, torturé, un peu énigmatique et mystérieux sur les bords, assez imprévisible pour n’être jamais ennuyeux, émotif, sensible aux signes, pas livresque pour un sou, actif… » C’est donc un personnage contrasté qui nous est présenté, dont l’esprit libre ne peut faire oublier le parfum de scandale qu’il traîne dans ses errances nocturnes fortement alcoolisées. Il reste que son courage lui aura permis de combattre physiquement le fascisme et de dénoncer les millions de victimes du totalitarisme rouge. Il finira par renoncer définitivement aux idéologies, se réfugiant dans l’écriture, son île de salut. Atteint d’une leucémie et de la maladie de Parkinson, il décidera, le 1er mars 1983, de provoquer sa mort. Cette dernière ne lui faisait pas peur. Il la guettait tous les soirs dans sa cellule, en Espagne. Cynthia Jefferies, née en 1927 – 22 ans les séparent – l’aidera dans son entreprise, avec une dévotion qui ne peut que nous toucher. On la retrouvera sans vie, à ses côtés, dans leur appartement londonien. Elle avait compris qu’elle ne pourrait pas vivre sans Arthur qui avait écrit : « Les mythes se développent comme des cristaux. »

Stéphane Koechlin, Arthur Koestler, la fin des illusions, Les Éditions du Cerf. 388 pages

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L’offensive israélienne dans la ville de Gaza: inquiétudes et mensonges

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Selon le président Macron, la poursuite de la guerre décidée par le gouvernement Nétanyahou dans l’enclave palestinienne est «totalement contreproductif». Israël est en train de «détruire totalement sa crédibilité» a déclaré le président français, dans un entretien à la chaîne 12 de la télévision israélienne, diffusé jeudi. L’offensive terrestre israélienne contre le Hamas dans la ville de Gaza, malgré ses conséquences civiles tragiques et les critiques internationales, ne relève pas du génocide mais d’une guerre urbaine complexe. Qualifier ces actions de génocide constitue en fait une instrumentalisation politique visant à diaboliser Israël, rappelle notre contributeur.


L’offensive actuelle que mène Israël a pour but de détruire le Hamas et pour cela d’occuper la ville de Gaza. Cette décision a suscité des réserves, même au sein de l’armée, mais celle-ci comme il se doit, suit les ordres de l’échelon politique. Les arguments du gouvernement sont que les exigences du Hamas dans le cours des négociations  pour la libération des otages étaient telles que les accepter aurait signifié aux yeux des ennemis d’Israël que le mouvement terroriste, qui n’a jamais caché ses ambitions de répéter le 7-Octobre, avait finalement gagné la partie et qu’il sortait victorieux d’un combat solitaire de deux ans contre l’armée la plus puissante de la région. Cela l’aurait maintenu au pouvoir, sous une forme ou une autre, et il n’aurait fait qu’une bouchée d’une Autorité palestinienne sclérosée, corrompue et profondément hypocrite à qui la France avec d’autres pays prétend offrir au pire moment le paquet-cadeau d’une indépendance palestinienne fantomatique.

Les otages au second plan ?

Mais comment concilier cette offensive avec la récupération des otages, mise désormais au second plan? Contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas la première fois qu’Israël aurait fait un tel choix. La libération de Gilad Shalit contre 1027 prisonniers palestiniens a fait oublier que la doctrine habituelle était de ne pas négocier avec les preneurs d’otages pour ne pas encourager de nouveaux enlèvements.

En 1974, l’assaut contre l’école de Maalot effectué sur ordre de Golda Meir, avait coûté la vie à 25 enfants sur la centaine maintenus en otages par le FDPLP. Le refus d’un autre chantage sur les otages a entrainé deux ans plus tard, l’opération d’Entebbe, dont le héros fut, comme chacun sait, Yoni, le frère ainé de Benyamin Nétanyahou. 

Pour donner un avis sur le bien-fondé de la décision du gouvernement israélien, il faudrait avoir une compétence sur la situation locale et les moyens militaires que je ne me donnerai pas le ridicule de feindre.

Nous qui ne savons pas ce que les services israéliens savent, nous ne pouvons qu’espérer que les opérations à Gaza permettront, par un moyen ou un autre, de libérer vivants autant d’otages que possible. Rares sont les Juifs qui, au cours des semaines prochaines, ne penseront pas aux otages et à leurs familles. Je suis sûr qu’un certain nombre d’entre eux penseront aussi, à juste titre, à la détresse des habitants de Gaza, mais ils n’auront pas oublié, eux, que le responsable de cette détresse, c’est le Hamas, et que s’il l’avait voulu, le retour des otages aurait arrêté la guerre.

Or, l’oubli des otages est constant dans la description – apocalyptique – par la plupart des medias et des acteurs politiques de la situation à Gaza, comme s’il permettait  d’évacuer un élément gênant dans la description des actions d’Israël comme un génocide.

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Après avoir découvert la notion de génocide d’immeuble par M. Gallagher Fenwick sur LCI, j’ai entendu le 17 septembre sur Arte Mme Julia Grignon, professeur de droit humanitaire à Paris Assas, annoncer avec fougue qu’il était inconcevable de ne pas appeler génocide les actions d’Israël à Gaza, que d’ailleurs beaucoup d’Israéliens l’admettaient eux-mêmes et que ce terme avait été validé par des Institutions de l’ONU aussi indiscutables et prestigieuses que le Conseil des Droits de l’Homme et la Commission d’enquête indépendante sur le territoire palestinien occupé présidée par l’éminente juriste sud-africaine Navi Pillay, ancienne Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme. 

Pour qui connait le palmarès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, où trônent certaines des pires dictatures de la planète, et celui de Navi Pillay dont l’obsession anti-israélienne a largement favorisé la carrière internationale, ces références sont grotesques. Mais pour le téléspectateur moyen, l’argument d’autorité est terriblement efficace, car l’ONU reste une marque de prestige.

Il serait donc impossible de nier qu’Israël soit l’auteur d’un génocide? C’est pourtant ce qu’a écrit il y a deux semaines le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, sur la base d’une analyse du Foreign Office, une institution qui n’est réputée ni pour son israélophilie exacerbée, ni pour sa frivolité intellectuelle. Ce rapport a été curieusement passé sous silence, contrairement aux accusations contre Israël du moindre fonctionnaire de l’ONU. 

Mme Grignon balaie enfin l’argument d’intentionnalité sans lequel on ne peut pas parler de génocide. Elle le déduit aussi bien des événements, ce qui revient à une tautologie, que des déclarations des responsables. Pour mémoire, la plus grave de ces déclarations est celle du général Gallant, alors ministre de la Défense, qui avait dit le 9 octobre, alors même que les modalités des massacres glaçaient les esprits: « Nous nous battons contre des animaux humains», en hébreu חיות אדם. Preuve, suivant l’accusation, que les Israéliens considèrent leurs ennemis comme des animaux. 

Un linguiste aurait peut-être signalé que l’expression, tirée de la vision d’Ezechiel, est utilisée dans l’hébreu d’aujourd’hui pour insulter  une personne dont on considère qu’elle se conduit de façon ignoble et que cela ne conduit pas forcément à trainer l’auteur de ces paroles devant un tribunal, a fortiori international…

Il est ahurissant que l’accusation de génocide portée contre Israël devant la Cour internationale de Justice repose sur de simples mots d’une colère bien légitime…

Combats particulièrement complexes

Mais la question qui se pose aujourd’hui c’est de savoir si c’est commettre un génocide que d’engager la guerre contre une ville? Il semble aujourd’hui que la réponse soit oui, à condition que l’assiégeant soit l’Etat d’Israël. 

Le noyau commun des accusations  c’est que la guerre que mène Israël entraine des victimes civiles…. Comme si ce n’était pas le cas dans toutes les guerres qui se déroulent dans une ville et pas sur un champ de bataille. 

Personne n’a parlé de génocide lors des combats urbains en Yougoslavie, en Tchétchénie, à Fallouja ou contre Daech. Seul l’assassinat de sang froid de 8 000 Bosniaques musulmans par les troupes serbes après la prise de Srebrenica a été qualifié, à juste titre, de génocide: il n’y en a pas la moindre correspondance au cours de la guerre actuelle de Gaza où cette accusation de génocide repose sur le seul fait qu’il existe des victimes civiles lors des combats. 

Pour rappel, ces combats sont particulièrement complexes du fait de l’immensité du réseau souterrain qui permet aux combattants impossibles à distinguer de la population civile de déboucher de façon imprévue dans des immeubles par ailleurs soigneusement piégés. Du fait de ces difficultés exceptionnelles l’action de l’armée israélienne, dont on rappelle qu’elle est la première dans l’histoire à prévenir autant que possible les habitants d’un immeuble avant qu’il soit détruit, a été souvent saluée par les techniciens de la guerre urbaine. La transformer en action génocidaire conduit non seulement à trivialiser ce terme mais à faire porter sur Israël une accusation profondément injuste. 

La guerre de siège a ses règles. Les manuels de guerre américains et britanniques étudiés récemment dans le très remarquable dossier établi par le Centre Begin Sadate de l’Université de Bar Ilan (sur lequel je reviendrai), les détaillent. On y apprend que le blocus alimentaire est une méthode légitime de guerre, surtout si la population civile a la possibilité de quitter la zone de combats. La fuite des populations civiles est une constante dans ce type de guerre: elle eut lieu massivement à Sarajevo, à Grozny et ailleurs quand elle a été possible et les Israéliens l’organisent à Gaza que plusieurs centaines de milliers d’habitants ont quittée.

Ces départs  sont toujours déchirants mais à ma connaissance ce n’est que dans le cas d’Israël que le mot de déportation a été utilisé. Ce mot a certes une connotation plus neutre en anglais qu’en français, mais on ne peut se départir de l’idée qu’il s’agit aussi avec ces mots de génocide et de déportation de désamorcer enfin la charge mémorielle si lourde de la Shoah.

Le siège de Mossoul contre Daech entre octobre 2016 et juillet 2017 a été mené par une coalition dont la France faisait partie. Il s’est déroulé en coupant l’aide alimentaire à une population civile prise au piège et un nombre indéterminé de morts a eu lieu. Personne à l’époque, je crois, n’a utilisé le terme de génocide.

Tous,  nous redoutons les conséquences de la décision israélienne de porter la guerre dans la ville de Gaza. Mais dire que cette guerre est un génocide est une perversion du langage dont les objectifs sont politiques. Pour certains il s’agit seulement de manifester leur opposition au gouvernement de Benyamin Nétanyahou, sans qu’ils prennent en considération que ce faisant, c’est l’État d’Israël et tous ceux qui le soutiennent qu’ils marquent ainsi du sceau de l’infamie. Pour d’autres, il s’agit naïvement de «mettre à jour» les définitions classiques du terme de génocide défini il y a près de 80 ans. Mais pour les véritables instigateurs de cette terminologie de la honte, c’est  un objectif prémédité de diaboliser l’Etat d’Israël. Cette dernière configuration marque malheureusement l’ensemble des institutions de l’ONU qui sont loin de jouer le rôle d’arbitre neutre que les espoirs populaires voudraient leur attribuer…

Fleury-les-Aubrais: laisse pas traîner ton fils

À Fleury-les-Aubrais, banlieue calme d’Orléans, un meurtre impliquant des adolescents a semé la consternation cet été. À ce stade de l’enquête une chose est certaine: cette mort aurait pu être évitée si ces mineurs n’avaient pas été dans la rue à deux heures du matin, et si un dealer n’avait pas eu d’arme à feu chez lui. Reportage.


Il est environ deux heures du matin, ce dimanche 17 août à Fleury-les-Aubrais (Loiret), quand des coups de feu retentissent dans le quartier Jabottes. Alertées par des riverains, les forces de l’ordre se rendent alors aussitôt sur place, où les agents découvrent un adolescent grièvement blessé. Il a reçu une balle dans le dos. Malgré l’intervention rapide des secours, il succombera dans la nuit.

Toujours plus jeunes

Liroye, la victime, n’avait que 16 ans. Il traînait dans la rue ce soir-là avec quatre de ses amis, connus des services de police pour de petits larcins. Son meurtrier présumé, à peine âgé de 19 ans, a quant à lui des antécédents judiciaires plus sérieux, avec plusieurs condamnations pour trafic de stupéfiants à son compteur. Il est à présent mis en examen pour meurtre, tentative de meurtre et détention illégale d’arme de catégorie B.

Des histoires comme celle-là, il en arrive toutes les semaines dans les banlieues françaises. Des règlements de compte entre délinquants, toujours plus jeunes, toujours plus armés. L’année dernière, on a recensé 110 narcomicides dans les zones urbaines sensibles. Seulement, Fleury-les-Aubray, au nord d’Orléans, n’est pas une commune gangrenée par la drogue, mais une ville pavillonnaire sans histoire. Et Liroye n’était pas le dangereux membre d’un gang, mais « un petit voyou, du genre de ceux qui volent dans les voitures et se bagarrent au pire avec leurs poings », confie une source policière.

Selon Emmanuel Delorme, procureur de la République adjoint d’Orléans en charge du dossier, le mis en cause, qui a admis avoir consommé de la drogue le soir de son forfait, était chez lui quand il a entendu Liroye et ses amis dans la rue. Il « se sentait menacé depuis quelque temps », et aurait « pris peur et, selon ses dires, tiré en l’air une première fois, puis une seconde fois en direction du groupe ».

Le suspect voulait-il juste intimider les rôdeurs ? Avait-il un différend plus ancien avec eux ? Les a-t-il confondus avec d’autres ? A-t-il eu une bouffée paranoïaque sous l’effet des substances dont il faisait notoirement commerce ? À ce stade de l’enquête, impossible d’évaluer le niveau de préméditation de son geste. Mais une chose est certaine, et même évidente : cette mort aurait été évitée si ces mineurs ne s’étaient pas trouvés dehors à deux heures du matin, et si ce dealer n’avait pas disposé d’une arme à feu chez lui.

« On est dans une ville qui n’est pas exempte de problèmes, comme partout en France, mais on n’a pas de fait d’insécurité plus fort qu’ailleurs, déclare à juste titre Carole Canette, la maire PS de Fleury-les-Aubrais, qui exclut de décréter dans sa commune le couvre-feu pour les mineurs que réclame son opposition. Je refuse de faire des déclarations à l’emporte-pièce populistes et de prendre des mesures gadgets. »

A ne pas manquer, notre dossier de septembre: Ces meutes qui ont pourri l’été

On peut comprendre le « pas-de-vaguisme » de l’édile socialiste. Fleury-les-Aubrais, 21 000 habitants, pourrait servir de cadre à un documentaire idyllique sur la France qui se lève tôt et vit en paix. C’est l’un de ces rares endroits de l’Hexagone où la classe ouvrière peut encore s’estimer bien lotie. Notamment grâce au bassin d’emploi constitué par l’immense centre commercial L’Orée de Forêt, situé en bord de rocade, et par l’usine du groupe français Thalès, spécialisée dans la conception et la maintenance des systèmes radars qui équipent entre autres les fameux lance-missiles Crotale. Une activité de pointe… et d’avenir.

Ici, la décence commune se voit à l’œil nu. Dans un paysage où les châteaux d’eau sont les seuls immeubles de grande hauteur et où les artères sont tracées au cordeau, les maisons ne sont certes pas très luxueuses mais, fruits de toute une vie de travail, leur état est impeccable et leurs jardins bien entretenus. Pas le moindre tag sur les murs, pas de casquette à l’envers, pas de crachats dans la rue. Ce jour de marché, on croise bien un jeune homme en djellaba près de la mairie, mais il est nettement en minorité à côté de la foule de chalands habillés à l’européenne, notamment des familles venues faire leurs courses à vélo.

Aux Blossières, on trouve désormais tout ce qu’on veut…

Dans un parc proche du quartier Jabottes, on fait la connaissance d’une poignée de jeunes du coin. Chaussés de claquettes, ils promènent un chien (dont ils ramassent – preuve de la civilité des lieux – les excréments avec un petit sac en plastique). Connaissaient-ils Liroye ? « Oui, de vue, ce n’était pas quelqu’un de violent, assurent-ils. C’était un Guadeloupéen. Sa mère est chrétienne, très croyante. » On leur demande s’il est facile de se procurer de la drogue et des armes dans leur ville. « Plus qu’avant. À Orléans, de l’autre côté de la voie ferrée, il y a une cité, les Blossières, où on trouve tout ce qu’on veut. Mais maintenant, on voit des racailles des Blossières qui viennent faire du business à Fleury. »

Un policier nous confirme que l’on déplore de plus en plus de gamins livrés à eux-mêmes le soir et une explosion du nombre d’armes à feu en circulation dans l’agglomération orléanaise, pourtant connue pour sa faible délinquance de proximité. « C’est la raison pour laquelle les policiers municipaux de toutes les communes de la métropole sont armés, indique-t-il. Même à Fleury, la maire n’est pas revenue sur cet acquis quand elle a battu l’UDI en 2020. » Qu’on se rassure toutefois : depuis que la gauche dirige la ville, le logo de la direction de la sécurité et de la tranquillité publiques a été modifié. Il représente désormais le centre culturel local, baptisé « La Passerelle ». Tout un symbole.

Si l’on observe froidement le drame qui s’est joué à Fleury cet été, il ressemble en première analyse à une anomalie criminologique, à une tragique faute à pas-de-chance. En revanche, si l’on écoute les acteurs de terrain, la mort de Liroye pourrait bien être un signe précurseur d’un phénomène en train d’apparaître dans notre pays : la déghettoïsation de l’extrême violence juvénile. Mais on s’en voudrait de mécontenter Emmanuel Macron en « brainwashant (“lavant les cerveaux”) sur les faits divers ».

La candidature de Boualem Sansal au prix Sakharov divise ses soutiens

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La proposition des eurodéputés du groupe Les Patriotes, visant à décerner au romancier franco-algérien détenu à Alger depuis dix mois le prestigieux prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, au Parlement de Strasbourg, suscite des divisions au sein de ses soutiens. L’éditeur Antoine Gallimard affirme que «Boualem Sansal, par la voix de son épouse, a fait savoir qu’il considérait comme irrecevable cette démarche insidieusement partisane». De son côté, l’ancienne ministre et présidente du comité de soutien de l’écrivain, Noëlle Lenoir, soutient que «nul ne peut aujourd’hui se prévaloir de parler au nom de Boualem Sansal».


Ainsi, aux dires, sur les ondes de France Inter ce dimanche 14 septembre, d’Antoine Gallimard en personne, le prestigieux éditeur de Boualem Sansal, celui-ci, grand écrivain franco-algérien retenu aujourd’hui arbitrairement prisonnier et au secret dans une obscure geôle d’Algérie, « s’oppose vigoureusement » à ce que le pourtant très enviable prix Sakharov – prix, en l’honneur de cet ancien dissident soviétique et prix Nobel de la paix, récompensant annuellement, par l’Union européenne, d’illustres combattant en faveur des droits de l’homme et de la liberté de l’esprit – lui soit méritoirement décerné cette année 2025, au prétexte que le choix de son nom aurait été proposé, au sein du Parlement Européen, par un groupe réputé d’extrême-droite, Les « Patriotes pour l’Europe », à la tête duquel se trouve Jordan Bardella, président, en France, du Rassemblement national. Et, dans ce même entretien radiophonique, Antoine Gallimard d’ajouter, pour étayer son argumentation, que Boualem Sansal « ne veut être récupéré par personne ».

Soit ! Antoine Gallimard, dont la glorieuse maison d’édition s’avère être un des plus beaux fleurons de l’intelligentsia française1, est certes libre, très honnêtement, de penser ce qu’il veut. Et à lui bien évidemment, intactes et respectueuses, toute mon estime intellectuelle, mon admiration professionnelle aussi bien que ma gratitude éditoriale !

L’admirable Boualem Sansal: son sens de la tolérance, son esprit de générosité et sa passion pour le débat d’idées

Un point, crucial dans ce débat, ne cesse toutefois de me tarauder ici : moi qui suis également membre du plus officiel Comité de Soutien à ce même Boualem Sansal, mais qui, surtout, connaît un peu, tant sur le plan moral qu’humain, mon cher et bienveillant ami Boualem précisément, dont son profond sens de la tolérance comme son authentique générosité envers toute fraternité, outre sa passion pour le saint et contradictoire débat d’idées, j’avoue ma perplexité, sinon mon étonnement, à l’idée qu’il puisse ainsi refuser catégoriquement, de manière aussi péremptoire et même dogmatique, ce très honorable prix Sakharov, fût-il donc proposé à l’origine, et en l’occurrence, par des représentants, tous élus démocratiquement cependant, issus, sur l’échiquier politique des différents pays concernés, de ladite « extrême-droite ».

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Reste à savoir, en outre, jusqu’à quel point des propos rapportés indirectement et uniquement par la femme de Boualem Sansal, seule personne à avoir accès à lui, en plus des nombreuses pressions et autres intimidations qu’elle doit très probablement subir quotidiennement de la part de l’actuel et très autoritaire pouvoir algérien, complice méprisable des pires régimes islamistes, peuvent s’avérer, sinon complètement authentiques, du moins raisonnablement fiables ou légitimement crédibles. Méfiance donc, sans certes vouloir remettre ici en cause, pour autant, l’intégrité, la bonne foi et les sentiments sincères de cette magnifique épouse, à qui je dis et redis bien sûr ici, pour ma modeste part, toute ma compassion humaine !

Droits de l’homme, liberté de pensée et de parole: bannir tout esprit partisan face à l’importance de l’enjeu moral, philosophique et humain

Comment, du reste, cet urgent, nécessaire et surtout universel combat, noble entre tous, pour les droits de l’homme, la liberté de pensée et de parole, d’expression et de création, pourrait-il ainsi souffrir, victime d’un clivage idéologique pour le moins malvenu en la circonstance, d’un aussi misérable esprit partisan, aussi médiocre, à l’aune de l’importance de cette très haute lutte, tant sur le plan éthique que philosophique ?  

Ainsi, au vu de cet humble mais sincère appel à l’esprit des Lumières, à l’honnêteté intellectuelle aussi bien qu’à la conscience rationnelle, à lui donc, mon cher et admirable Boualem Sansal, tout notre soutien, indéfectible, pour ce très méritoire prix Andrei Sakharov si, d’aventure, l’Union Européenne voulait bien, en effet, le lui décerner plus concrètement. Elle s’en verrait ainsi grandie, indiscutablement et par-delà, en ce dossier d’une tragique actualité, toute stérile, artificielle ou contreproductive polémique.

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Et, surtout, n’instrumentalisons pas ici ni n’avilissons pas ainsi, par d’aussi mesquines disputes d’ordre purement idéologique ou exclusivement politique, la mémoire du grand Andrei Sakharov. Il est bien, tout comme cet éminent humaniste qu’est également Boualem Sansal, au-dessus, s’il fallait encore le clamer haut et fort, de pareille dérive essentiellement, et malheureusement pour la postérité dans son œuvre littéraire elle-même, clanique.

Boualem Sansal doit avant tout être libéré

Oui : restons dignes, fermes et droits dans notre soutien moral et humain, face à l’indicible malheur qui frappe de la manière la plus injuste et douloureuse qui soit, aujourd’hui, notre très cher, courageux et précieux ami Boualem Sansal, âgé et malade de surcroît, dont nous demandons ainsi ici également et encore une fois, toutes affaires cessantes, la libération immédiate de son enfer carcéral !

Le comité de soutien de l’écrivain est allé dire sa colère et son soutien sous les fenêtres de l’ambassade d’Algérie à Paris, le 16 mai 2025 © Arnaud Vrillon
  1. Et qui m’a fait l’insigne honneur de publier deux de mes propres livres (biographies intitulées, respectivement, « Oscar Wilde » et « Lord Byron ») NDLA ↩︎

Le peuple français n’est pas antisémite

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On dit souvent que la France serait une terre d’antisémitisme. Le mot roule de tribune en éditorial comme une sentence définitive, une condamnation sans appel. Mais ma vie dément ce récit fabriqué. Elle en est la réfutation charnelle. Car je dois ma survie non pas aux institutions, non pas aux élites dont la langue est celle de la compromission, mais à un policier qui refusa d’obéir, et à des paysans catholiques du Dauphiné, les Danthon, qui m’ouvrirent leur maison comme on entrouvre une arche pleine de blé et de prières.

Ma mère fut sauvée d’une rafle par un simple fonctionnaire de police. Dans ce geste, rien du spectaculaire. Il n’y eut ni trompette ni panache. Mais la nudité d’un refus, la lumière d’une conscience. Quand tout autour n’était que papier signé, ordres secs, encre qui scellait la persécution, cet homme choisit de ne pas être complice. Sa grandeur fut sans uniforme, sans parole. Elle fut d’un silence d’autant plus éclatant.

Et moi, enfant, je fus recueilli par les Danthon. Leur maison, lourde de pierres, aux poutres noircies, respirait une abondance simple. Le pain sortait du four, les seaux tintaient dans la cour, les chevaux tiraient la charrue comme au temps d’avant l’Histoire. C’était une maison pleine : pleine de voix, de rires d’enfants, de gestes sûrs. À l’intérieur, la chaleur d’un poêle, l’odeur des soupes épaisses, les prières récitées à voix basse. Rien ne manquait, tout y était don.

Chaque soir, Madame Danthon me faisait réciter d’abord le Notre Père, puis le Shema Israël. Deux fidélités, deux prières, qui ne se contredisaient pas dans ma bouche d’enfant. La croix et l’étoile veillaient ensemble sur mon sommeil. Ainsi se révélait la France : non pas la France des tampons et des signatures, mais celle d’une coexistence silencieuse, naturelle, enracinée dans la terre.

Voilà pourquoi je l’affirme : le peuple français n’est pas antisémite. Il ne l’a jamais été dans ses fibres profondes. Ce sont ses élites qui ont trahi. Hier, celles de Vichy, qui signaient, calculaient, collaboraient, offrant la persécution juive sous la forme d’un registre administratif. Aujourd’hui, celles qui trahissent à nouveau, non plus en livrant les Juifs, mais en livrant Israël à la haine, en donnant une onction idéologique à l’antisionisme.

La lâcheté des élites est restée la même : incapacité à nommer l’ennemi, posture du Bien qui recouvre leur reniement. Hier, l’occupant allemand ; aujourd’hui, l’islamisme conquérant. Toujours la même froideur d’encre et de papier, toujours les mêmes mains trempées dans la complicité.

Mais la vérité est ailleurs. Elle est dans les maisons de pierre et de bois, dans la chaleur des foyers, dans la fidélité silencieuse de ceux qui accueillirent sans trembler. Ceux que l’on traite de « réactionnaires » furent alors les vrais résistants : non par discours, mais par chair, par geste, par fidélité.

De cette enfance, il me reste l’image de la brique chauffée sous mes draps, de la soupe partagée, de deux prières s’unissant dans la nuit. Cette image, plus qu’un souvenir, est une leçon : elle dit que la fidélité est plus forte que la haine, que le peuple simple porte la vérité que les élites, hier comme aujourd’hui, ont abandonnée.

C’est pour cela que j’écris. Pour rappeler à la France que son honneur ne fut jamais dans les proclamations de ses élites, mais dans la chaleur obscure de ses maisons paysannes. Hier, ce furent un policier anonyme et la maison des Danthon qui sauvèrent une mère et son enfant. Aujourd’hui encore, ce sont les voix modestes, étouffées, qui pressentent le danger que les élites refusent de voir.

Car l’histoire revient, avec d’autres masques. Hier, la collaboration au nom du réalisme ; aujourd’hui, la compromission au nom de l’antiracisme. La même peur, le même calcul, la même lâcheté sous d’autres habits.

Je veux que la mémoire des Justes juge nos contemporains. Que le visage des Danthon, la main tendue du policier, apparaissent comme un reproche vivant à ceux qui défilent aujourd’hui derrière les drapeaux palestiniens. Qu’on se souvienne : la vraie France n’était pas dans les salons de Vichy, mais dans la cuisine des Danthon, au bord du feu, dans la densité d’une maison pleine. De même, aujourd’hui, elle n’est pas dans les tribunes du progressisme mondain, mais dans le cœur lucide de ceux qui refusent le mensonge.

Voilà le sens de ce témoignage : défendre l’honneur du peuple français contre la lâcheté de ses élites. Rappeler que la fidélité, la vraie, se tient dans une soupe partagée, dans une prière chuchotée, dans la chaleur d’un poêle. Se tient là où la France, la seule France, continue de vivre.

Un casse-tête théodoricien !

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On est en droit de reprocher à certains polars de proposer des intrigues abracadabrantes, alambiquées, dans lesquelles on commence par patauger et où l’on finit par se noyer. Ici, ce n’est point le cas. Né en 1963 à Château-Thierry dans le plus beau département le France, l’Aisne, Philippe Robin, responsable de l’édition axonaise Nord du journal L’Union, propose, avec son roman La dernière fable, une histoire à la fois simple et singulière.

De quoi s’agit-il ? L’adjudant-chef Frédéric Bordeaux, spécialiste des enquêtes judiciaires, procède à des investigations à la suite d’un cambriolage – lesté d’une course poursuite – perpétré à Chézy-sur-Marne. L’auteur du casse, un banal fumeur de shit, est bien vite arrêté : Pascal Seclasse, 22 ans, de Charly-sur-Marne, trois cambriolages à son actif. Lors de la perquisition diligentée chez le jeune malfaiteur, Bordeaux découvre une jolie boîte en fer pastel « 1670 – Marquise de Sablée – » qui renferme un vieux manuscrit intitulé La chèvre et le bouc. Seclasse l’a dérobée dans la maison de campagne d’Azy-sur-Marne, de Jean Pastenoble, 70 ans, un vénérable universitaire de haut vol, ex-enseignant à La Sorbonne, spécialiste de Jean de La Fontaine. Une manière de vieux daim antipathique. Tout de suite, l’adjudant-chef se demande s’il ne s’agirait pas d’une fable inconnue du célèbre poète castelthéodoricien ? Sa dernière fable ? Il mènera l’enquête jusqu’à son terme et le lecteur ira de surprise en surprise. Bien joué, Philippe Robin !

Le journaliste et romancier Philippe Robin, septembre 2025. Photo : Philippe Lacoche.

« Un homme à fable »

Ce petit livre tout simple, très vif et sans prétention, nous tient en haleine. De plus, il est bien écrit, et l’on sent que son auteur, localier de terrain rompu aux faits divers et aux audiences du Tribunal de grande instance, connaît les rouages des affaires judiciaires. L’ouvrage est également parsemé de bons mots et d’un  humour pince sans rire. Quand le major Dansac confie l’enquête à Bordeaux, adorateur de La Fontaine, il lui glisse : « (…) occupez-vous de  ce dossier puisque vous êtes un homme à fables ! » Par ailleurs, le procureur, Clothilde Ridoux, ne se sépare jamais de son chat surnommé Dalloz, comme la maison d’édition spécialisée en droit, ce qui fait dire à l’auteur que « la proc’ a toujours rêvé d’avoir un greffier à ses pieds ».

L’auteur nous surprend aussi quand il révèle que la séduisante Apolline Bayard, conservatrice du musée Jean de La Fontaine (Frédéric Bordeaux en est secrètement amoureux) est lesbienne et en couple avec Cécile. « Aussi brune que l’autre est blonde, la jeune femme pose un tendre baiser au coin des lèvres d’Apolline et s’assoit auprès d’elle, en lui prenant la main. » C’est trop mignon ! Champagne, svp, mais du Pannier, un cru du sud de l’Aisne ; délicieux !

La dernière fable, Philippe Robin ; à contresens éditions ; 156 p. 

La dernière fable

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Islamisme: la haute trahison des clercs

Le socialiste Olivier Faure veut voir flotter le drapeau palestinien sur toutes nos mairies. En Espagne, son alter ego félicite les casseurs propalestiniens. Jean-Luc Mélenchon fait passer la subversion islamiste en cours pour une « créolisation » réjouissante. L’humeur d’Ivan Rioufol.


Qui arrêtera l’infiltration islamiste en France ? L’invitation d’Olivier Faure à « faire flotter le drapeau palestinien sur nos mairies » le 22 septembre, date de la reconnaissance d’un État palestinien par la France, est une illustration parmi d’autres de la haute trahison des clercs. Le premier secrétaire du PS ne peut ignorer que cet étendard est devenu l’emblème du Hamas terroriste, qui a juré de rayer Israël et les Juifs de la carte. Le drapeau s’est imposé également comme signe de ralliement de la judéophobie qui parcourt l’Europe. Il était aussi arboré le 10 septembre par le mouvement « Bloquons tout ! » cornaqué par LFI.

Jean-Luc Mélenchon est d’ailleurs le premier des soutiens à la subversion islamiste en cours, maquillée sous le dessein d’une « créolisation » de la nouvelle France issue du repeuplement. Mais la gauche perdue a également trouvé, auprès du chef de l’État, un allié dans sa débandade intellectuelle et morale. La décision précipitée de reconnaitre un État palestinien, alors que le Hamas détient encore 50 otages et qu’il ne reconnait pas Israël en retour, est venue de la volonté présidentielle. Son choix a été salué par l’organisation djihadiste, qui y a vu la consécration politique de son pogrom du 7 octobre 2023. La communauté musulmane française saura apprécier le geste du chef de l’État. Le soutien qu’Alain Finkielkraut a apporté à Macron dans cette initiative, non dénuée d’électoralisme communautaire, n’a pu que satisfaire l’Élysée. Ce sont les « populistes », engeance exécrée par Macron, qui alertent contre les renoncements à résister au totalitarisme coranique et à son antisémitisme.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Pour ou contre les juifs ?

La libanisation de la société française ne rencontre aucun obstacle. Le Monde a révélé, lundi, que le Qatar, généreux parrain de l’islamisme colonisateur, possédait notamment 20% des Champs-Élysées, grâce aux avantages fiscaux accordés à l’émirat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’idéologie islamiste s’est installée dans de nombreuses cités, avec son rituel d’enfants-soldats et d’affrontements contre les symboles de la France, à commencer par les forces de l’ordre. D’autres villes d’Europe, comme Bruxelles ou Londres, ont atteint un basculement démographique qui permet à la charia de régenter certains quartiers. En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a déjà reconnu la Palestine il y a un an. Il ne cache rien de son antisionisme quand il sanctionne Israël pour « mettre un terme au génocide à Gaza », ou quand il avalise l’annulation, dimanche, de la dernière étape de la course cycliste de la Vuelta, perturbée par des pro-palestiniens soutenus par le pouvoir, au prétexte de la présence d’une équipe israélienne.

L’Europe, qui veut guerroyer contre la Russie, se laisse envahir par l’islam anti-occidental. Les Juifs y sont partout des cibles. Seuls les peuples s’inquiètent de l’endormissement des dirigeants. La grande mobilisation de samedi Londres a illustré la vitalité intacte de la société civile. En France, les ingrédients d’une guerre civile sont là. Les répétions s’accélèrent. Qui osera dire aux islamistes : « ça suffit ! » ?

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L’espace intergalactique ne fait plus peur


Le climat social fortement dégradé de l’arrière-saison, par miracle, n’atteint pas aux hauteurs sidérales où l’inspiration d’un Claus Guth hisse depuis pas loin d’une décennie les protagonistes de La Bohème, opéra mythique s’il en est, must absolu du répertoire lyrique : retranchées les représentations annulées en 2020 pour cause de Covid, on en est à la 3ème reprise de cette mise en scène dans le vaisseau spatial de l’Opéra-Bastille, avec plus de deux-cent représentations au compteur depuis 2017 ! La régie qui faisait scandale il y a huit ans est accueillie avec un franc succès par le public de 2025.
Après la translation, en mars dernier au Palais Garnier, du spectacle créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 Il Viaggio, Dante, du grand compositeur contemporain Pascal Dusapin, reparaît donc à Paris l’iconoclaste scénographe allemand sous les auspices de Puccini, dans la célébrissime adaptation, par le compositeur transalpin, des Scènes de la vie de bohème, de Henry Murger, opéra millésimé 1896, donc entre Manon Lescaut (1893) et Tosca (1900), pour situer.
Chez Guth, exit donc l’atmosphère fiévreuse du « café Momus », la jeunesse insouciante et fauchée se chauffant autour du poêle d’une mansarde au quartier latin. À distance de toute littéralité, Rodolfo et Mimi, Musetta, Marcello, Shaunard et Colline sont ici en perdition à bord d’une navette spatiale, astronautes épuisés, en manque d’oxygène, revivant nostalgiquement leur jeunesse enfuie, dans une odyssée terminale en apesanteur et dans le compte à rebours d’une fin inexorable. Défile le ruban du journal de bord de la capsule spatiale en détresse, qui finira par s’échouer, atterrissage forcé, au troisième tableau, au cœur d’un paysage lunaire sur lequel tombe continument une bruine neigeuse de minuscules flocons. Le passé revécu sous une forme hallucinée où perdure, hanté par la mort, le souvenir des jours heureux…
Au pupitre, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan succède à Michele Mariotti pour cette reprise, direction musclée, aux coloris chatoyants, soutenue par un Orchestre de l’opéra de Paris à son meilleur. Si Mimi, la maîtresse tuberculeuse du jaloux Rodolfo, faisait merveille au soir de la première sous les traits de la soprano australienne Nicole Car (rôle repris par la chilienne Yaritza Véliz à partir du 2 octobre, pour ses débuts sur le plateau de la Bastille), l’Américano-austro-guatémaltèque Andrea Carroll se découvrait en Musetta dans une performance amoindrie par des aigus quelque peu stridents. Charles Castronovo, superbe Adorno l’an passé sur cette même scène dans Simon Boccanegra, campe encore Rodolfo comme il y a deux ans, rôle repris à partir du 2 octobre par le ténor américain Joshua Guerrero, irremplaçable dans le répertoire italien. Une distribution de belle tenue globalement, en somme, mais dans laquelle domine, divine surprise, le bronze galbé de la basse grecque Alexandros Stavrakakis, au phrasé d’une rondeur, d’une générosité qui donnent le frisson, dans le rôle du poète philosophe Colline, dont l’air final sublime du dernier tableau – « ora che i giorni lieti fuggir, ti dico : addio, fedele amico moi. Addio, addio » (maintenant que les beaux jours se sont enfuis, je te dis adieu, mon fidèle ami. Adieu, adieu) – vaudra d’ailleurs au chanteur, le soir de la première, une ovation émue de la salle, tétanisée.


La Bohème. Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini. Avec Nicole Car/Varitza Véliz, Andrea Caroll, Charles Castronovo/Joshua Guerrero, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stravrakakis… Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris. Maîtrise populaire de l’Opéra Comique.
Opéra Bastille les 19, 23, 27, 30 septembre, 2, 8, 11, 14 octobre 2025 à 19h30, le 5 octobre à 14h30. Durée : 2h30

La droite française est-elle trop bien élevée?


« Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » On n’imagine guère François-Xavier Bellamy tenir pareil propos lors d’un meeting de son parti. François-Xavier Bellamy est très bien élevé, respectueux, pacifique, et nul ne songe évidemment à le lui reprocher. Il incarne parfaitement la droite traditionnelle, passée par les meilleurs lycées, ayant lu les meilleurs livres, s’étant agenouillée devant les plus beaux prie-dieu. Il fait honneur à ce qui nous distingue de la gauche.

Tax the rich !

Seulement, quelque chose est cassé dans le mécanisme de la droite française, comme si le socialisme avait fini par la dompter. Économiquement, elle ne se différencie plus du centre. Elle parvient encore à faire les louanges de l’entrepreneuriat et de la croissance, mais c’est toujours du bout des lèvres, pour esquiver la mortelle accusation d’être du côté des riches. Elle défend à peu près la culture classique et chrétienne, mais avec de faux airs grandioses qui sonnent creux comme des tombeaux. Jeanne d’Arc, de Gaulle, qui d’autre ? On a vite fait le tour de ses références sans substance. Une prudence d’écolière la pousse à préférer les citations convenues, glanées sur Google, au vrai charisme surgissant de l’improvisation. Elle ne dégoûte ni ne jouit. Elle barbe.

Elle tient ce caractère trop policé, ou ce manque de caractère, à plusieurs éléments constitutifs de sa nature profonde. Elle est aristocrate par naissance. Grandie dans la très-sainte horreur de la guillotine, elle est plus douée pour le menuet que pour la sensualité. Ses excellentes manières ne sont jamais tirées à suffisamment d’épingles pour son public le plus tradi, obsédé par la perfection raide des rites dominicaux. Son savoir-vivre tout en lodens et en barbours ne laisse jamais voir une courbe. Ses jeunes s’autorisent jeans et t-shirts, mais, sitôt trentenaires, ils rentrent dans le rang de l’entre-soi. Exemple éloquent : la droite française est un monde où, si l’on a le malheur de prononcer un mot d’anglais, langue honnie entre toutes, on se voit illico coller une amende par Radio Courtoisie. Désolé, mais ces gens sont chiants.

Snobinards

Son âme aristocratique – qui n’a d’aristocratique que l’adjectif, car les seigneurs d’antan tenaient certainement davantage de la gaudriole que de l’académisme – fait pencher notre droite du côté du snobisme. Faire peuple est vulgaire. Le paysan est bien sympathique, pourvu qu’il soit tenu à distance. Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. Être de droite peut vous amener à flatter le postérieur des bovidés lors des Salons, toutefois, le geste sera appuyé avec une telle ostentation que personne n’y croira. Dans la vraie vie, le paysan ne met pas de mains aux fesses de la Noiraude. Il la fait paître, la trait et la mange. Finalement, les vaches de Chirac sont plutôt à ses yeux d’amusantes métaphores de la gent féminine. Ce n’est pas que la droite n’aime pas la populace ni les pauvres, mais, comprenez-vous, le sans-culotte est de gauche et nous n’avons rien à faire avec cet olibrius. Sachons en toutes circonstances faire preuve de l’éloignement qui sied au bourgeois.

A lire aussi: Les quatre vérités de Michel Audiard

Pourtant, dit le proverbe, « les idées sont de gauche et le style de droite ». Mais cela était vrai jadis, lorsque Jean Dutourd écrivait au Figaro, lançant des formules aussi gratuites que définitives, se moquant bien de ce qu’allaient en penser les patrons ou les dames pipi. “L’exactitude est la politesse des montres”, souriait-il derrière sa moustache. La formule aurait pu être de Michel Audiard, autre genre d’impertinent de droite. Je vous parle là du temps où un chat était un chat, un con un con, et la liberté de ton chose guère négociable. De son style et de son insouciance, que reste-t-il à la droite aujourd’hui ? Autant l’admettre : rien. Je ne citerai pas de noms, puisqu’il faudrait tous les pointer du doigt. Que l’on me montre simplement un seul politicien de droite, un seul chroniqueur, un seul influenceur – comme ils se décrivent eux-mêmes, oubliant qu’ils sont admirés d’esprits infantiles, affreusement influençables -, une seule plume contemporaine de droite dont la forme égale celles des années soixante, sans même parler de celles des années quarante, et dont on conserve les meilleurs aphorismes tels des trésors. Philippe Muray nous a quittés et son cimetière est peuplé d’éléphanteaux dispensables, qui l’imitent mal en barrissant. Sans doute l’auteur de ces lignes n’est-il pas le dernier, du reste. Nul ne vaut mieux que son époque.

Peuple de droite

L’électorat n’est guère plus brillant. On n’apprendra à personne que la foule de droite est timide, angoissante à force d’être angoissée, quand elle n’est pas carrément couarde.

Il n’y pas loin du tiède au pisse-froid, et la prudence peut faire aisément passer pour stupide. Alain Besançon : « En France, le catholique rase les murs ». Il les rase si bien qu’il rase tout le monde. Un interview d’électeur de droite donne souvent des envies de cordes et de tabourets. « Je crois en la France qui est le plus beau pays du monde de mes ancêtres qui ont donné leurs vies pour que je sois libre de défendre mon identité et la transmettre à mes quatre enfants, Thérèse-Marie, Marie-Thérèse, Clovis et Charlemagne ». Allez-vous étonner, avec cela, que la droite n’ait plus accédé au second tour depuis maintenant treize ans, bientôt quinze. Les bénitiers, combien de divisions de grenouilles, quand il s’agit d’affronter le monstre le plus parfait de toute l’histoire de la politique, le socialisme ? 

On ne vainc pas le socialisme avec des gants beurre frais. On n’étripe pas vivante l’idéologie qui a accouché de Bakounine, Lénine, Staline, Trotsky, Mao, Castro, Guevara, Pol Pot, la dynastie Kim, Xi Jinping, et ses produits dérivés français, Thorez, Doriot, Mitterrand, Mauroy, Marchais, Hollande, Mélenchon, et on est très loin d’en voir le bout, si l’on s’interdit tout écart de langage : on ne casse pas la gueule à un alligator avec un fleuret moucheté.

De tous les socialismes apparus à la surface de la Terre, le français est un des plus coriaces. Menteur professionnel à l’instar de ses aînés, mais plus souple que la plupart, plus habile, patient, extraordinairement hypocrite, virus mutant autant de fois que nécessaire pour survivre, se reproduisant sous mille formes apparemment contradictoires, il doit être agressé au visage, directement, de face, jusqu’au sang de ses slogans, jusqu’à la moelle de ses croyances, et en l’appelant par son nom, socialisme, et non sous des appellations inventées à la hâte et qui se mordent la queue, tel le social-étatisme de Lisnard (où a-t-il vu qu’il existait un socialisme sans étatisme ?) ou le socialisme mental de Marion Maréchal (à quoi bon préciser, petite effrontée, puisque le socialisme est, fondamentalement, un trouble de l’intelligence !) L’idéologie socialiste est intégralement mauvaise et doit être dénoncée avec une détestation sans mélange, que l’on pimentera si l’on veut d’un soupçon de haine pamphlétaire, car on a le droit de torturer des idées et de les tuer plusieurs fois par jour, et d’y prendre un plaisir visible : il n’y a là jamais mort d’homme. Si l’assassin de Kirk s’était contenté de tirer sur ses idéaux à la mitrailleuse lourde, Kirk serait toujours en vie. Donc, bombardez le socialisme français, et qu’il n’en reste pas pierre sur pierre. Broyez-le. Insultez-le, injuriez-le, salissez-le, couvrez-le de toute la boue qu’il est, du moment que vous dites sur lui la vérité la plus pure. Une eau intarissable coulera sous les ponts avant que vous n’ayez dévoilé l’étendue de ses vices et de ses crimes. Lâchez-vous, que le sac des accusations soit enfin renversé sur sa tête de bureaucrate. Soyez irrespectueux par tous les nerfs de votre revanche.

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Et, pour finir, venons-y : dites des gros mots. Guevara est-il une belle saloperie ? Oui. La science historique est formelle. Affirmez donc sans hésiter que le Che est une belle saloperie, criez-le s’il le faut, chantez-le et dansez, et ne laissez personne baisser le volume. Le mezza-voce de la droite française n’est plus tolérable. Notre galanterie a assez duré et elle explique trop de nos échecs. Vous défendez cent millions de morts, que diable ! Ils vous regardent. Ils comptent sur vous. Ils ont besoin d’une revanche verbale. C’est bien le moins que nous leur devons. Tant pis pour le bruit. Nous avons un droit imprescriptible au tapage : c’est notre tour. Et mettez-y de l’humour. Beaucoup. Trop ! Nous avons tant de retard. Effaçons un siècle de têtes d’enterrement.

Ce que veulent l’électeur de droite, le lecteur de droite, le quidam silencieux et propre sur lui – plus pour très longtemps -, c’est être épaulés, protégés, défendus et précédés par des gens grossiers et vulgaires qui leur ouvrent la voie. Je ressens le besoin que plus célèbre que moi dise à Sandrine Rousseau d’aller se faire voir. Finkielkraut se lance de temps en temps et c’est très agréable à observer, et il donne l’exemple. Quand Zemmour ose « C’est du foutage de gueule », cela fait du bien à la nation. Ça ouvre les fenêtres. On respire. La France sent moins le renfermé – et les intellectuels de gauche sont indisposés, ce qui est un excellent début. Piquez Piketty au vif. Mettez le camarade Jean-Luc en pétard : il n’est jamais mieux dénoncé que par ses hurlements. « Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » Merci, Milei. Voilà comment nous aurions dû et devons apprendre à nous exprimer. Il est temps de nous munir d’un nouveau dictionnaire.

Le Christ nous ordonne de tendre la joue gauche. Tout honneur et toute gloire lui reviennent, et malheur à celui qui malmène un ami ou un frère. Cependant, nous avons des ennemis, ils veulent nous faire taire, nous ne méritons pas d’être ainsi réduits au silence, le réel nous appelle au secours, la plupart d’entre nous ne feraient pas de mal à une mouche, et certains emmerdeurs méritent de sérieux coups de pompe où je pense.

Entre deux fidélités: l’écartèlement des Juifs de diaspora

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Manifestation de soutien pour Israël devant la grande synagogue de Bordeaux, le 9 octobre 2023 © UGO AMEZ/SIPA

Un siècle après l’affaire Dreyfus qui déchira la France et marqua son histoire politique d’une grosse cicatrice, l’antisémitisme souffle encore, sous des nouvelles formes, mais avec une constante: l’accusation de double allégeance. Analyse.


En décembre 2024, France Inter a diffusé une série d’épisodes retraçant l’Affaire Dreyfus, que je viens de découvrir. Une rétrospective historique et précise, sur dix épisodes1 où le climat de la France des années 1890 est retranscrit avec une grande précision. On croit connaître cette affaire. On la cite parfois comme illustrant l’esprit d’une époque. Et pourtant, l’entrelacs de ses protagonistes, de leurs jeux de pouvoirs et de ses conséquences jusqu’à aujourd’hui continuent de surprendre.

Coupable idéal

Le fil rouge de la série insiste sur un point essentiel : l’Affaire Dreyfus ne fut pas une simple « erreur judiciaire ». Elle se situe au-delà. Elle fut une machination politique, organisée et montée de toutes pièces par l’état-major de l’armée, et donc par l’État français.

À l’automne 1894, lorsqu’un bordereau intercepté révèle qu’un traître renseigne l’ennemi, — en l’occurrence l’Allemagne – le ministre de la Guerre, le général Auguste Mercier cherche un coupable avec une hâte dictée par ses ambitions politiques. Dreyfus, officier alsacien, est désigné. L’armée veut un coupable ; le procès n’aura pas de suspense, d’ailleurs il sera à charge, se jouera à huis-clos et ne respectera jamais la présomption d’innocence, bien connue dans le droit français.

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On l’aura compris, la pire accusation qu’on puisse formuler contre un officier, c’est bien celle dont Dreyfus est accusée, celle de la haute trahison. Juif, Alsacien, officier d’artillerie sorti du rang prestigieux de Polytechnique, Alfred Dreyfus apparaît comme le coupable idéal.

L’affaire Dreyfus cristallise un climat antisémite déjà virulent — alimenté par des journaux comme La Libre Parole d’Édouard Drumont et par la crispation nationaliste — qui rend la culpabilité de l’officier juif plausible aux yeux de tant de Français. François Mauriac rappellera, dans ses souvenirs, combien ces préjugés antisémites s’infiltraient jusque dans les cours d’école.

Et pourtant, le signe avant-coureur avait déjà existé. En 1878, lors de son admission à l’École polytechnique, Alfred Dreyfus avait obtenu la note de zéro à la rubrique dite note de cœur, une évaluation du « caractère » et non des compétences. Ce jugement moral, énigmatique et injuste, l’empêcha d’accéder au stage à l’état-major. L’antisémitisme, poison lent, s’était déjà insinué dans son parcours.

Au fond, ce dont on suspecte le général juif, lui l’enfant d’une Alsace marquée par la victoire de la Prusse sur la France et dont les parents ont choisi en connaissance de cause leur nationalité française, c’est de double allégeance.

Cette affaire, c’est le premier divorce entre la France et ses juifs. Theodor Herzl, correspondant de presse viennois, assista aux procès et surtout aux foules parisiennes hurlant « Mort aux Juifs ! ». Pour lui, ce fut une révélation : si un officier parfaitement assimilé, patriote, pouvait être traîné dans la boue pour le seul fait d’être juif, alors aucun Juif en Europe n’était à l’abri. En 1896, il publia Der Judenstaat (L’État des Juifs), ouvrant la voie au sionisme politique moderne.

Plus d’un siècle après une affaire qui déchira la France et marqua son histoire d’une cicatrice indélébile, l’antisémitisme souffle encore, sous des formes nouvelles, mais avec une constante : l’accusation de double allégeance.

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Aujourd’hui, les juifs de diaspora qu’ils soient Américains, Français, Anglais ou autres, sont souvent accusés de « double loyauté ». On leur reproche d’entretenir une fidélité parallèle ou suspecte à Israël, qui viendrait entamer leur loyauté pleine et entière à leur pays de naissance ou de résidence.

Vertige

L’histoire bégaye dans une sorte de triste paradoxe. Avant la naissance de l’État d’Israël, on reprochait déjà aux Juifs une loyauté divisée, au nom d’un fantasme antisémite. Depuis qu’Israël existe, on leur reproche toujours une double loyauté, mais cette fois au nom de leur lien supposé avec l’État juif. Dans les deux cas, l’accusation est la même, bien qu’elle change de visage : les Juifs sont accusés de ne jamais pouvoir appartenir pleinement à leur pays, quel qu’il soit, et quelle que soit la preuve de leur fidélité.

Écouter aujourd’hui, depuis Israël, l’histoire d’un officier français juif jeté en pâture à la vindicte publique me renvoie à ce vertige d’appartenances multiples. Les Juifs de diaspora se trouvent encore écartelés entre deux fidélités : celle à la vie qu’ils ont patiemment construite en Europe — leurs maisons, leurs langues, leurs souvenirs, leurs engagements civiques — et celle qu’on leur reproche toujours, réelle ou supposée, à Israël. Comme si leur existence devait se justifier sans cesse sur l’autel d’une loyauté unique. Cet écartèlement n’est pas seulement géographique, il est intime, il cisaille le cœur : rester et continuer d’espérer, ou partir et s’arracher à ce qui fut chez soi.

  1. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/serie-alfred-dreyfus-le-combat-de-la-republique ↩︎

Arthur Koestler, ou avoir raison contre Sartre

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L'écrivain hongrois Arthur Koestler (1905-1983) photographié à son domicile londonien vers la fin de sa vie © EFE AGENCIA/SIPA

Arthur Koestler est l’auteur du best-seller Le Zéro et l’Infini. Il a écrit d’autres ouvrages importants mais celui-là a marqué une génération. Ce communiste, emprisonné par Franco, guettant quotidiennement minuit dans sa cellule, croyant que le lendemain il serait fusillé, ami d’Israël et militant sioniste, a osé dénoncer les dérives du stalinisme, ses massacres de masse, ses grandes purges, au moment où la plupart des intellectuels français révéraient Staline – d’où le titre sibyllin de son roman : l’individu est zéro et le parti est l’infini.

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Il devint immédiatement le renégat. Il fallait l’ostraciser, l’empêcher de témoigner, de respirer, de vivre. Au Café de Flore, QG des planqués de l’Occupation, Simone de Beauvoir, avec qui il avait couché, et Jean-Paul Sartre se chargèrent de lui régler son compte en le discréditant de façon malhonnête. Ce n’était pas un écrivain, à peine un journaliste. Jacques Duclos, le premier secrétaire du PCF, tout puissant à la Libération, alla même jusqu’à exercer une forte pression sur son éditeur, Calmann-Lévy, pour empêcher la parution de ce livre d’éveil. Mais le patriarche de la maison d’édition aryanisée durant la guerre, rebaptisée « Éditions Balzac », n’était pas homme à se laisser impressionner. Quant à Koestler, buveur impénitent, aimant la castagne, séducteur compulsif, né en Hongrie en 1905, écrivant en allemand et en anglais, il jubilait d’avoir lancé une telle bombe littéraire.

Après la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS, Le Zéro et l’Infini, avait perdu de son intérêt, le récit ne possédant pas le côté visionnaire de 1984, roman dystopique de George Orwell, ami de Koestler. Mais le retour de l’expansionnisme russe, décidé par le maître du Kremlin, a vu le spectre soviétique reparaître et les thèmes du livre sont redevenus actuels. De même que, depuis le 7 octobre 2023, l’antisémitisme que ce Juif d’Europe centrale combattit toute sa vie s’est réveillé en Occident. Koestler méritait donc qu’on s’intéressât à sa vie et à son œuvre.

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Stéphane Koechlin, romancier et essayiste, nous propose une biographie dynamique de l’auteurd’Un testament espagnol. Koestler est un séducteur. « Son visage est fort et doux », son « sourire féminin » et ses yeux qui ont vu le monde font des ravages, même si cet écrivain, marié trois fois, est violent avec les femmes – Koechlin révèle, à la fin de son ouvrage, une affaire de viol incriminant son sujet. Il refuse d’avoir des enfants – peut-être l’ombre portée d’une mère dérangée. La romancière Danielle Hunebelle brosse cependant un portrait flatteur du bagarreur dans Les Cahiers de l’Herne : « Attachant, fraternel, torturé, un peu énigmatique et mystérieux sur les bords, assez imprévisible pour n’être jamais ennuyeux, émotif, sensible aux signes, pas livresque pour un sou, actif… » C’est donc un personnage contrasté qui nous est présenté, dont l’esprit libre ne peut faire oublier le parfum de scandale qu’il traîne dans ses errances nocturnes fortement alcoolisées. Il reste que son courage lui aura permis de combattre physiquement le fascisme et de dénoncer les millions de victimes du totalitarisme rouge. Il finira par renoncer définitivement aux idéologies, se réfugiant dans l’écriture, son île de salut. Atteint d’une leucémie et de la maladie de Parkinson, il décidera, le 1er mars 1983, de provoquer sa mort. Cette dernière ne lui faisait pas peur. Il la guettait tous les soirs dans sa cellule, en Espagne. Cynthia Jefferies, née en 1927 – 22 ans les séparent – l’aidera dans son entreprise, avec une dévotion qui ne peut que nous toucher. On la retrouvera sans vie, à ses côtés, dans leur appartement londonien. Elle avait compris qu’elle ne pourrait pas vivre sans Arthur qui avait écrit : « Les mythes se développent comme des cristaux. »

Stéphane Koechlin, Arthur Koestler, la fin des illusions, Les Éditions du Cerf. 388 pages

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L’offensive israélienne dans la ville de Gaza: inquiétudes et mensonges

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À gauche, le président Macron à la télévision israélienne, jeudi. A droite, Benyamin Netanyahou à Jérusalem photographié le 15 septembre © Capture / Debbie Hill/UPI/Shutterstock/SIPA

Selon le président Macron, la poursuite de la guerre décidée par le gouvernement Nétanyahou dans l’enclave palestinienne est «totalement contreproductif». Israël est en train de «détruire totalement sa crédibilité» a déclaré le président français, dans un entretien à la chaîne 12 de la télévision israélienne, diffusé jeudi. L’offensive terrestre israélienne contre le Hamas dans la ville de Gaza, malgré ses conséquences civiles tragiques et les critiques internationales, ne relève pas du génocide mais d’une guerre urbaine complexe. Qualifier ces actions de génocide constitue en fait une instrumentalisation politique visant à diaboliser Israël, rappelle notre contributeur.


L’offensive actuelle que mène Israël a pour but de détruire le Hamas et pour cela d’occuper la ville de Gaza. Cette décision a suscité des réserves, même au sein de l’armée, mais celle-ci comme il se doit, suit les ordres de l’échelon politique. Les arguments du gouvernement sont que les exigences du Hamas dans le cours des négociations  pour la libération des otages étaient telles que les accepter aurait signifié aux yeux des ennemis d’Israël que le mouvement terroriste, qui n’a jamais caché ses ambitions de répéter le 7-Octobre, avait finalement gagné la partie et qu’il sortait victorieux d’un combat solitaire de deux ans contre l’armée la plus puissante de la région. Cela l’aurait maintenu au pouvoir, sous une forme ou une autre, et il n’aurait fait qu’une bouchée d’une Autorité palestinienne sclérosée, corrompue et profondément hypocrite à qui la France avec d’autres pays prétend offrir au pire moment le paquet-cadeau d’une indépendance palestinienne fantomatique.

Les otages au second plan ?

Mais comment concilier cette offensive avec la récupération des otages, mise désormais au second plan? Contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas la première fois qu’Israël aurait fait un tel choix. La libération de Gilad Shalit contre 1027 prisonniers palestiniens a fait oublier que la doctrine habituelle était de ne pas négocier avec les preneurs d’otages pour ne pas encourager de nouveaux enlèvements.

En 1974, l’assaut contre l’école de Maalot effectué sur ordre de Golda Meir, avait coûté la vie à 25 enfants sur la centaine maintenus en otages par le FDPLP. Le refus d’un autre chantage sur les otages a entrainé deux ans plus tard, l’opération d’Entebbe, dont le héros fut, comme chacun sait, Yoni, le frère ainé de Benyamin Nétanyahou. 

Pour donner un avis sur le bien-fondé de la décision du gouvernement israélien, il faudrait avoir une compétence sur la situation locale et les moyens militaires que je ne me donnerai pas le ridicule de feindre.

Nous qui ne savons pas ce que les services israéliens savent, nous ne pouvons qu’espérer que les opérations à Gaza permettront, par un moyen ou un autre, de libérer vivants autant d’otages que possible. Rares sont les Juifs qui, au cours des semaines prochaines, ne penseront pas aux otages et à leurs familles. Je suis sûr qu’un certain nombre d’entre eux penseront aussi, à juste titre, à la détresse des habitants de Gaza, mais ils n’auront pas oublié, eux, que le responsable de cette détresse, c’est le Hamas, et que s’il l’avait voulu, le retour des otages aurait arrêté la guerre.

Or, l’oubli des otages est constant dans la description – apocalyptique – par la plupart des medias et des acteurs politiques de la situation à Gaza, comme s’il permettait  d’évacuer un élément gênant dans la description des actions d’Israël comme un génocide.

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Après avoir découvert la notion de génocide d’immeuble par M. Gallagher Fenwick sur LCI, j’ai entendu le 17 septembre sur Arte Mme Julia Grignon, professeur de droit humanitaire à Paris Assas, annoncer avec fougue qu’il était inconcevable de ne pas appeler génocide les actions d’Israël à Gaza, que d’ailleurs beaucoup d’Israéliens l’admettaient eux-mêmes et que ce terme avait été validé par des Institutions de l’ONU aussi indiscutables et prestigieuses que le Conseil des Droits de l’Homme et la Commission d’enquête indépendante sur le territoire palestinien occupé présidée par l’éminente juriste sud-africaine Navi Pillay, ancienne Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme. 

Pour qui connait le palmarès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, où trônent certaines des pires dictatures de la planète, et celui de Navi Pillay dont l’obsession anti-israélienne a largement favorisé la carrière internationale, ces références sont grotesques. Mais pour le téléspectateur moyen, l’argument d’autorité est terriblement efficace, car l’ONU reste une marque de prestige.

Il serait donc impossible de nier qu’Israël soit l’auteur d’un génocide? C’est pourtant ce qu’a écrit il y a deux semaines le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, sur la base d’une analyse du Foreign Office, une institution qui n’est réputée ni pour son israélophilie exacerbée, ni pour sa frivolité intellectuelle. Ce rapport a été curieusement passé sous silence, contrairement aux accusations contre Israël du moindre fonctionnaire de l’ONU. 

Mme Grignon balaie enfin l’argument d’intentionnalité sans lequel on ne peut pas parler de génocide. Elle le déduit aussi bien des événements, ce qui revient à une tautologie, que des déclarations des responsables. Pour mémoire, la plus grave de ces déclarations est celle du général Gallant, alors ministre de la Défense, qui avait dit le 9 octobre, alors même que les modalités des massacres glaçaient les esprits: « Nous nous battons contre des animaux humains», en hébreu חיות אדם. Preuve, suivant l’accusation, que les Israéliens considèrent leurs ennemis comme des animaux. 

Un linguiste aurait peut-être signalé que l’expression, tirée de la vision d’Ezechiel, est utilisée dans l’hébreu d’aujourd’hui pour insulter  une personne dont on considère qu’elle se conduit de façon ignoble et que cela ne conduit pas forcément à trainer l’auteur de ces paroles devant un tribunal, a fortiori international…

Il est ahurissant que l’accusation de génocide portée contre Israël devant la Cour internationale de Justice repose sur de simples mots d’une colère bien légitime…

Combats particulièrement complexes

Mais la question qui se pose aujourd’hui c’est de savoir si c’est commettre un génocide que d’engager la guerre contre une ville? Il semble aujourd’hui que la réponse soit oui, à condition que l’assiégeant soit l’Etat d’Israël. 

Le noyau commun des accusations  c’est que la guerre que mène Israël entraine des victimes civiles…. Comme si ce n’était pas le cas dans toutes les guerres qui se déroulent dans une ville et pas sur un champ de bataille. 

Personne n’a parlé de génocide lors des combats urbains en Yougoslavie, en Tchétchénie, à Fallouja ou contre Daech. Seul l’assassinat de sang froid de 8 000 Bosniaques musulmans par les troupes serbes après la prise de Srebrenica a été qualifié, à juste titre, de génocide: il n’y en a pas la moindre correspondance au cours de la guerre actuelle de Gaza où cette accusation de génocide repose sur le seul fait qu’il existe des victimes civiles lors des combats. 

Pour rappel, ces combats sont particulièrement complexes du fait de l’immensité du réseau souterrain qui permet aux combattants impossibles à distinguer de la population civile de déboucher de façon imprévue dans des immeubles par ailleurs soigneusement piégés. Du fait de ces difficultés exceptionnelles l’action de l’armée israélienne, dont on rappelle qu’elle est la première dans l’histoire à prévenir autant que possible les habitants d’un immeuble avant qu’il soit détruit, a été souvent saluée par les techniciens de la guerre urbaine. La transformer en action génocidaire conduit non seulement à trivialiser ce terme mais à faire porter sur Israël une accusation profondément injuste. 

La guerre de siège a ses règles. Les manuels de guerre américains et britanniques étudiés récemment dans le très remarquable dossier établi par le Centre Begin Sadate de l’Université de Bar Ilan (sur lequel je reviendrai), les détaillent. On y apprend que le blocus alimentaire est une méthode légitime de guerre, surtout si la population civile a la possibilité de quitter la zone de combats. La fuite des populations civiles est une constante dans ce type de guerre: elle eut lieu massivement à Sarajevo, à Grozny et ailleurs quand elle a été possible et les Israéliens l’organisent à Gaza que plusieurs centaines de milliers d’habitants ont quittée.

Ces départs  sont toujours déchirants mais à ma connaissance ce n’est que dans le cas d’Israël que le mot de déportation a été utilisé. Ce mot a certes une connotation plus neutre en anglais qu’en français, mais on ne peut se départir de l’idée qu’il s’agit aussi avec ces mots de génocide et de déportation de désamorcer enfin la charge mémorielle si lourde de la Shoah.

Le siège de Mossoul contre Daech entre octobre 2016 et juillet 2017 a été mené par une coalition dont la France faisait partie. Il s’est déroulé en coupant l’aide alimentaire à une population civile prise au piège et un nombre indéterminé de morts a eu lieu. Personne à l’époque, je crois, n’a utilisé le terme de génocide.

Tous,  nous redoutons les conséquences de la décision israélienne de porter la guerre dans la ville de Gaza. Mais dire que cette guerre est un génocide est une perversion du langage dont les objectifs sont politiques. Pour certains il s’agit seulement de manifester leur opposition au gouvernement de Benyamin Nétanyahou, sans qu’ils prennent en considération que ce faisant, c’est l’État d’Israël et tous ceux qui le soutiennent qu’ils marquent ainsi du sceau de l’infamie. Pour d’autres, il s’agit naïvement de «mettre à jour» les définitions classiques du terme de génocide défini il y a près de 80 ans. Mais pour les véritables instigateurs de cette terminologie de la honte, c’est  un objectif prémédité de diaboliser l’Etat d’Israël. Cette dernière configuration marque malheureusement l’ensemble des institutions de l’ONU qui sont loin de jouer le rôle d’arbitre neutre que les espoirs populaires voudraient leur attribuer…

Fleury-les-Aubrais: laisse pas traîner ton fils

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Orléans, 22 août 2025 : marche blanche en mémoire de Liroye, 16 ans, tué par balle à Fleury-les-Aubrais © LP/Emmanuel Senecharles

À Fleury-les-Aubrais, banlieue calme d’Orléans, un meurtre impliquant des adolescents a semé la consternation cet été. À ce stade de l’enquête une chose est certaine: cette mort aurait pu être évitée si ces mineurs n’avaient pas été dans la rue à deux heures du matin, et si un dealer n’avait pas eu d’arme à feu chez lui. Reportage.


Il est environ deux heures du matin, ce dimanche 17 août à Fleury-les-Aubrais (Loiret), quand des coups de feu retentissent dans le quartier Jabottes. Alertées par des riverains, les forces de l’ordre se rendent alors aussitôt sur place, où les agents découvrent un adolescent grièvement blessé. Il a reçu une balle dans le dos. Malgré l’intervention rapide des secours, il succombera dans la nuit.

Toujours plus jeunes

Liroye, la victime, n’avait que 16 ans. Il traînait dans la rue ce soir-là avec quatre de ses amis, connus des services de police pour de petits larcins. Son meurtrier présumé, à peine âgé de 19 ans, a quant à lui des antécédents judiciaires plus sérieux, avec plusieurs condamnations pour trafic de stupéfiants à son compteur. Il est à présent mis en examen pour meurtre, tentative de meurtre et détention illégale d’arme de catégorie B.

Des histoires comme celle-là, il en arrive toutes les semaines dans les banlieues françaises. Des règlements de compte entre délinquants, toujours plus jeunes, toujours plus armés. L’année dernière, on a recensé 110 narcomicides dans les zones urbaines sensibles. Seulement, Fleury-les-Aubray, au nord d’Orléans, n’est pas une commune gangrenée par la drogue, mais une ville pavillonnaire sans histoire. Et Liroye n’était pas le dangereux membre d’un gang, mais « un petit voyou, du genre de ceux qui volent dans les voitures et se bagarrent au pire avec leurs poings », confie une source policière.

Selon Emmanuel Delorme, procureur de la République adjoint d’Orléans en charge du dossier, le mis en cause, qui a admis avoir consommé de la drogue le soir de son forfait, était chez lui quand il a entendu Liroye et ses amis dans la rue. Il « se sentait menacé depuis quelque temps », et aurait « pris peur et, selon ses dires, tiré en l’air une première fois, puis une seconde fois en direction du groupe ».

Le suspect voulait-il juste intimider les rôdeurs ? Avait-il un différend plus ancien avec eux ? Les a-t-il confondus avec d’autres ? A-t-il eu une bouffée paranoïaque sous l’effet des substances dont il faisait notoirement commerce ? À ce stade de l’enquête, impossible d’évaluer le niveau de préméditation de son geste. Mais une chose est certaine, et même évidente : cette mort aurait été évitée si ces mineurs ne s’étaient pas trouvés dehors à deux heures du matin, et si ce dealer n’avait pas disposé d’une arme à feu chez lui.

« On est dans une ville qui n’est pas exempte de problèmes, comme partout en France, mais on n’a pas de fait d’insécurité plus fort qu’ailleurs, déclare à juste titre Carole Canette, la maire PS de Fleury-les-Aubrais, qui exclut de décréter dans sa commune le couvre-feu pour les mineurs que réclame son opposition. Je refuse de faire des déclarations à l’emporte-pièce populistes et de prendre des mesures gadgets. »

A ne pas manquer, notre dossier de septembre: Ces meutes qui ont pourri l’été

On peut comprendre le « pas-de-vaguisme » de l’édile socialiste. Fleury-les-Aubrais, 21 000 habitants, pourrait servir de cadre à un documentaire idyllique sur la France qui se lève tôt et vit en paix. C’est l’un de ces rares endroits de l’Hexagone où la classe ouvrière peut encore s’estimer bien lotie. Notamment grâce au bassin d’emploi constitué par l’immense centre commercial L’Orée de Forêt, situé en bord de rocade, et par l’usine du groupe français Thalès, spécialisée dans la conception et la maintenance des systèmes radars qui équipent entre autres les fameux lance-missiles Crotale. Une activité de pointe… et d’avenir.

Ici, la décence commune se voit à l’œil nu. Dans un paysage où les châteaux d’eau sont les seuls immeubles de grande hauteur et où les artères sont tracées au cordeau, les maisons ne sont certes pas très luxueuses mais, fruits de toute une vie de travail, leur état est impeccable et leurs jardins bien entretenus. Pas le moindre tag sur les murs, pas de casquette à l’envers, pas de crachats dans la rue. Ce jour de marché, on croise bien un jeune homme en djellaba près de la mairie, mais il est nettement en minorité à côté de la foule de chalands habillés à l’européenne, notamment des familles venues faire leurs courses à vélo.

Aux Blossières, on trouve désormais tout ce qu’on veut…

Dans un parc proche du quartier Jabottes, on fait la connaissance d’une poignée de jeunes du coin. Chaussés de claquettes, ils promènent un chien (dont ils ramassent – preuve de la civilité des lieux – les excréments avec un petit sac en plastique). Connaissaient-ils Liroye ? « Oui, de vue, ce n’était pas quelqu’un de violent, assurent-ils. C’était un Guadeloupéen. Sa mère est chrétienne, très croyante. » On leur demande s’il est facile de se procurer de la drogue et des armes dans leur ville. « Plus qu’avant. À Orléans, de l’autre côté de la voie ferrée, il y a une cité, les Blossières, où on trouve tout ce qu’on veut. Mais maintenant, on voit des racailles des Blossières qui viennent faire du business à Fleury. »

Un policier nous confirme que l’on déplore de plus en plus de gamins livrés à eux-mêmes le soir et une explosion du nombre d’armes à feu en circulation dans l’agglomération orléanaise, pourtant connue pour sa faible délinquance de proximité. « C’est la raison pour laquelle les policiers municipaux de toutes les communes de la métropole sont armés, indique-t-il. Même à Fleury, la maire n’est pas revenue sur cet acquis quand elle a battu l’UDI en 2020. » Qu’on se rassure toutefois : depuis que la gauche dirige la ville, le logo de la direction de la sécurité et de la tranquillité publiques a été modifié. Il représente désormais le centre culturel local, baptisé « La Passerelle ». Tout un symbole.

Si l’on observe froidement le drame qui s’est joué à Fleury cet été, il ressemble en première analyse à une anomalie criminologique, à une tragique faute à pas-de-chance. En revanche, si l’on écoute les acteurs de terrain, la mort de Liroye pourrait bien être un signe précurseur d’un phénomène en train d’apparaître dans notre pays : la déghettoïsation de l’extrême violence juvénile. Mais on s’en voudrait de mécontenter Emmanuel Macron en « brainwashant (“lavant les cerveaux”) sur les faits divers ».

La candidature de Boualem Sansal au prix Sakharov divise ses soutiens

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Boualem Sansal © Hannah Assouline

La proposition des eurodéputés du groupe Les Patriotes, visant à décerner au romancier franco-algérien détenu à Alger depuis dix mois le prestigieux prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, au Parlement de Strasbourg, suscite des divisions au sein de ses soutiens. L’éditeur Antoine Gallimard affirme que «Boualem Sansal, par la voix de son épouse, a fait savoir qu’il considérait comme irrecevable cette démarche insidieusement partisane». De son côté, l’ancienne ministre et présidente du comité de soutien de l’écrivain, Noëlle Lenoir, soutient que «nul ne peut aujourd’hui se prévaloir de parler au nom de Boualem Sansal».


Ainsi, aux dires, sur les ondes de France Inter ce dimanche 14 septembre, d’Antoine Gallimard en personne, le prestigieux éditeur de Boualem Sansal, celui-ci, grand écrivain franco-algérien retenu aujourd’hui arbitrairement prisonnier et au secret dans une obscure geôle d’Algérie, « s’oppose vigoureusement » à ce que le pourtant très enviable prix Sakharov – prix, en l’honneur de cet ancien dissident soviétique et prix Nobel de la paix, récompensant annuellement, par l’Union européenne, d’illustres combattant en faveur des droits de l’homme et de la liberté de l’esprit – lui soit méritoirement décerné cette année 2025, au prétexte que le choix de son nom aurait été proposé, au sein du Parlement Européen, par un groupe réputé d’extrême-droite, Les « Patriotes pour l’Europe », à la tête duquel se trouve Jordan Bardella, président, en France, du Rassemblement national. Et, dans ce même entretien radiophonique, Antoine Gallimard d’ajouter, pour étayer son argumentation, que Boualem Sansal « ne veut être récupéré par personne ».

Soit ! Antoine Gallimard, dont la glorieuse maison d’édition s’avère être un des plus beaux fleurons de l’intelligentsia française1, est certes libre, très honnêtement, de penser ce qu’il veut. Et à lui bien évidemment, intactes et respectueuses, toute mon estime intellectuelle, mon admiration professionnelle aussi bien que ma gratitude éditoriale !

L’admirable Boualem Sansal: son sens de la tolérance, son esprit de générosité et sa passion pour le débat d’idées

Un point, crucial dans ce débat, ne cesse toutefois de me tarauder ici : moi qui suis également membre du plus officiel Comité de Soutien à ce même Boualem Sansal, mais qui, surtout, connaît un peu, tant sur le plan moral qu’humain, mon cher et bienveillant ami Boualem précisément, dont son profond sens de la tolérance comme son authentique générosité envers toute fraternité, outre sa passion pour le saint et contradictoire débat d’idées, j’avoue ma perplexité, sinon mon étonnement, à l’idée qu’il puisse ainsi refuser catégoriquement, de manière aussi péremptoire et même dogmatique, ce très honorable prix Sakharov, fût-il donc proposé à l’origine, et en l’occurrence, par des représentants, tous élus démocratiquement cependant, issus, sur l’échiquier politique des différents pays concernés, de ladite « extrême-droite ».

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Reste à savoir, en outre, jusqu’à quel point des propos rapportés indirectement et uniquement par la femme de Boualem Sansal, seule personne à avoir accès à lui, en plus des nombreuses pressions et autres intimidations qu’elle doit très probablement subir quotidiennement de la part de l’actuel et très autoritaire pouvoir algérien, complice méprisable des pires régimes islamistes, peuvent s’avérer, sinon complètement authentiques, du moins raisonnablement fiables ou légitimement crédibles. Méfiance donc, sans certes vouloir remettre ici en cause, pour autant, l’intégrité, la bonne foi et les sentiments sincères de cette magnifique épouse, à qui je dis et redis bien sûr ici, pour ma modeste part, toute ma compassion humaine !

Droits de l’homme, liberté de pensée et de parole: bannir tout esprit partisan face à l’importance de l’enjeu moral, philosophique et humain

Comment, du reste, cet urgent, nécessaire et surtout universel combat, noble entre tous, pour les droits de l’homme, la liberté de pensée et de parole, d’expression et de création, pourrait-il ainsi souffrir, victime d’un clivage idéologique pour le moins malvenu en la circonstance, d’un aussi misérable esprit partisan, aussi médiocre, à l’aune de l’importance de cette très haute lutte, tant sur le plan éthique que philosophique ?  

Ainsi, au vu de cet humble mais sincère appel à l’esprit des Lumières, à l’honnêteté intellectuelle aussi bien qu’à la conscience rationnelle, à lui donc, mon cher et admirable Boualem Sansal, tout notre soutien, indéfectible, pour ce très méritoire prix Andrei Sakharov si, d’aventure, l’Union Européenne voulait bien, en effet, le lui décerner plus concrètement. Elle s’en verrait ainsi grandie, indiscutablement et par-delà, en ce dossier d’une tragique actualité, toute stérile, artificielle ou contreproductive polémique.

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Et, surtout, n’instrumentalisons pas ici ni n’avilissons pas ainsi, par d’aussi mesquines disputes d’ordre purement idéologique ou exclusivement politique, la mémoire du grand Andrei Sakharov. Il est bien, tout comme cet éminent humaniste qu’est également Boualem Sansal, au-dessus, s’il fallait encore le clamer haut et fort, de pareille dérive essentiellement, et malheureusement pour la postérité dans son œuvre littéraire elle-même, clanique.

Boualem Sansal doit avant tout être libéré

Oui : restons dignes, fermes et droits dans notre soutien moral et humain, face à l’indicible malheur qui frappe de la manière la plus injuste et douloureuse qui soit, aujourd’hui, notre très cher, courageux et précieux ami Boualem Sansal, âgé et malade de surcroît, dont nous demandons ainsi ici également et encore une fois, toutes affaires cessantes, la libération immédiate de son enfer carcéral !

Le comité de soutien de l’écrivain est allé dire sa colère et son soutien sous les fenêtres de l’ambassade d’Algérie à Paris, le 16 mai 2025 © Arnaud Vrillon
  1. Et qui m’a fait l’insigne honneur de publier deux de mes propres livres (biographies intitulées, respectivement, « Oscar Wilde » et « Lord Byron ») NDLA ↩︎

Le peuple français n’est pas antisémite

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Charles Rojzman. Photo: D.R.

On dit souvent que la France serait une terre d’antisémitisme. Le mot roule de tribune en éditorial comme une sentence définitive, une condamnation sans appel. Mais ma vie dément ce récit fabriqué. Elle en est la réfutation charnelle. Car je dois ma survie non pas aux institutions, non pas aux élites dont la langue est celle de la compromission, mais à un policier qui refusa d’obéir, et à des paysans catholiques du Dauphiné, les Danthon, qui m’ouvrirent leur maison comme on entrouvre une arche pleine de blé et de prières.

Ma mère fut sauvée d’une rafle par un simple fonctionnaire de police. Dans ce geste, rien du spectaculaire. Il n’y eut ni trompette ni panache. Mais la nudité d’un refus, la lumière d’une conscience. Quand tout autour n’était que papier signé, ordres secs, encre qui scellait la persécution, cet homme choisit de ne pas être complice. Sa grandeur fut sans uniforme, sans parole. Elle fut d’un silence d’autant plus éclatant.

Et moi, enfant, je fus recueilli par les Danthon. Leur maison, lourde de pierres, aux poutres noircies, respirait une abondance simple. Le pain sortait du four, les seaux tintaient dans la cour, les chevaux tiraient la charrue comme au temps d’avant l’Histoire. C’était une maison pleine : pleine de voix, de rires d’enfants, de gestes sûrs. À l’intérieur, la chaleur d’un poêle, l’odeur des soupes épaisses, les prières récitées à voix basse. Rien ne manquait, tout y était don.

Chaque soir, Madame Danthon me faisait réciter d’abord le Notre Père, puis le Shema Israël. Deux fidélités, deux prières, qui ne se contredisaient pas dans ma bouche d’enfant. La croix et l’étoile veillaient ensemble sur mon sommeil. Ainsi se révélait la France : non pas la France des tampons et des signatures, mais celle d’une coexistence silencieuse, naturelle, enracinée dans la terre.

Voilà pourquoi je l’affirme : le peuple français n’est pas antisémite. Il ne l’a jamais été dans ses fibres profondes. Ce sont ses élites qui ont trahi. Hier, celles de Vichy, qui signaient, calculaient, collaboraient, offrant la persécution juive sous la forme d’un registre administratif. Aujourd’hui, celles qui trahissent à nouveau, non plus en livrant les Juifs, mais en livrant Israël à la haine, en donnant une onction idéologique à l’antisionisme.

La lâcheté des élites est restée la même : incapacité à nommer l’ennemi, posture du Bien qui recouvre leur reniement. Hier, l’occupant allemand ; aujourd’hui, l’islamisme conquérant. Toujours la même froideur d’encre et de papier, toujours les mêmes mains trempées dans la complicité.

Mais la vérité est ailleurs. Elle est dans les maisons de pierre et de bois, dans la chaleur des foyers, dans la fidélité silencieuse de ceux qui accueillirent sans trembler. Ceux que l’on traite de « réactionnaires » furent alors les vrais résistants : non par discours, mais par chair, par geste, par fidélité.

De cette enfance, il me reste l’image de la brique chauffée sous mes draps, de la soupe partagée, de deux prières s’unissant dans la nuit. Cette image, plus qu’un souvenir, est une leçon : elle dit que la fidélité est plus forte que la haine, que le peuple simple porte la vérité que les élites, hier comme aujourd’hui, ont abandonnée.

C’est pour cela que j’écris. Pour rappeler à la France que son honneur ne fut jamais dans les proclamations de ses élites, mais dans la chaleur obscure de ses maisons paysannes. Hier, ce furent un policier anonyme et la maison des Danthon qui sauvèrent une mère et son enfant. Aujourd’hui encore, ce sont les voix modestes, étouffées, qui pressentent le danger que les élites refusent de voir.

Car l’histoire revient, avec d’autres masques. Hier, la collaboration au nom du réalisme ; aujourd’hui, la compromission au nom de l’antiracisme. La même peur, le même calcul, la même lâcheté sous d’autres habits.

Je veux que la mémoire des Justes juge nos contemporains. Que le visage des Danthon, la main tendue du policier, apparaissent comme un reproche vivant à ceux qui défilent aujourd’hui derrière les drapeaux palestiniens. Qu’on se souvienne : la vraie France n’était pas dans les salons de Vichy, mais dans la cuisine des Danthon, au bord du feu, dans la densité d’une maison pleine. De même, aujourd’hui, elle n’est pas dans les tribunes du progressisme mondain, mais dans le cœur lucide de ceux qui refusent le mensonge.

Voilà le sens de ce témoignage : défendre l’honneur du peuple français contre la lâcheté de ses élites. Rappeler que la fidélité, la vraie, se tient dans une soupe partagée, dans une prière chuchotée, dans la chaleur d’un poêle. Se tient là où la France, la seule France, continue de vivre.

Un casse-tête théodoricien !

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La Marne. DR.

On est en droit de reprocher à certains polars de proposer des intrigues abracadabrantes, alambiquées, dans lesquelles on commence par patauger et où l’on finit par se noyer. Ici, ce n’est point le cas. Né en 1963 à Château-Thierry dans le plus beau département le France, l’Aisne, Philippe Robin, responsable de l’édition axonaise Nord du journal L’Union, propose, avec son roman La dernière fable, une histoire à la fois simple et singulière.

De quoi s’agit-il ? L’adjudant-chef Frédéric Bordeaux, spécialiste des enquêtes judiciaires, procède à des investigations à la suite d’un cambriolage – lesté d’une course poursuite – perpétré à Chézy-sur-Marne. L’auteur du casse, un banal fumeur de shit, est bien vite arrêté : Pascal Seclasse, 22 ans, de Charly-sur-Marne, trois cambriolages à son actif. Lors de la perquisition diligentée chez le jeune malfaiteur, Bordeaux découvre une jolie boîte en fer pastel « 1670 – Marquise de Sablée – » qui renferme un vieux manuscrit intitulé La chèvre et le bouc. Seclasse l’a dérobée dans la maison de campagne d’Azy-sur-Marne, de Jean Pastenoble, 70 ans, un vénérable universitaire de haut vol, ex-enseignant à La Sorbonne, spécialiste de Jean de La Fontaine. Une manière de vieux daim antipathique. Tout de suite, l’adjudant-chef se demande s’il ne s’agirait pas d’une fable inconnue du célèbre poète castelthéodoricien ? Sa dernière fable ? Il mènera l’enquête jusqu’à son terme et le lecteur ira de surprise en surprise. Bien joué, Philippe Robin !

Le journaliste et romancier Philippe Robin, septembre 2025. Photo : Philippe Lacoche.

« Un homme à fable »

Ce petit livre tout simple, très vif et sans prétention, nous tient en haleine. De plus, il est bien écrit, et l’on sent que son auteur, localier de terrain rompu aux faits divers et aux audiences du Tribunal de grande instance, connaît les rouages des affaires judiciaires. L’ouvrage est également parsemé de bons mots et d’un  humour pince sans rire. Quand le major Dansac confie l’enquête à Bordeaux, adorateur de La Fontaine, il lui glisse : « (…) occupez-vous de  ce dossier puisque vous êtes un homme à fables ! » Par ailleurs, le procureur, Clothilde Ridoux, ne se sépare jamais de son chat surnommé Dalloz, comme la maison d’édition spécialisée en droit, ce qui fait dire à l’auteur que « la proc’ a toujours rêvé d’avoir un greffier à ses pieds ».

L’auteur nous surprend aussi quand il révèle que la séduisante Apolline Bayard, conservatrice du musée Jean de La Fontaine (Frédéric Bordeaux en est secrètement amoureux) est lesbienne et en couple avec Cécile. « Aussi brune que l’autre est blonde, la jeune femme pose un tendre baiser au coin des lèvres d’Apolline et s’assoit auprès d’elle, en lui prenant la main. » C’est trop mignon ! Champagne, svp, mais du Pannier, un cru du sud de l’Aisne ; délicieux !

La dernière fable, Philippe Robin ; à contresens éditions ; 156 p. 

La dernière fable

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Islamisme: la haute trahison des clercs

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Un manifestant perturbe le tour d'Espagne à vélo, Madrid, 14 septembre 2025. En haut à droite, le socialiste Olivier Faure © Jon Imanol Reino/GTRES/SIPA - DR.

Le socialiste Olivier Faure veut voir flotter le drapeau palestinien sur toutes nos mairies. En Espagne, son alter ego félicite les casseurs propalestiniens. Jean-Luc Mélenchon fait passer la subversion islamiste en cours pour une « créolisation » réjouissante. L’humeur d’Ivan Rioufol.


Qui arrêtera l’infiltration islamiste en France ? L’invitation d’Olivier Faure à « faire flotter le drapeau palestinien sur nos mairies » le 22 septembre, date de la reconnaissance d’un État palestinien par la France, est une illustration parmi d’autres de la haute trahison des clercs. Le premier secrétaire du PS ne peut ignorer que cet étendard est devenu l’emblème du Hamas terroriste, qui a juré de rayer Israël et les Juifs de la carte. Le drapeau s’est imposé également comme signe de ralliement de la judéophobie qui parcourt l’Europe. Il était aussi arboré le 10 septembre par le mouvement « Bloquons tout ! » cornaqué par LFI.

Jean-Luc Mélenchon est d’ailleurs le premier des soutiens à la subversion islamiste en cours, maquillée sous le dessein d’une « créolisation » de la nouvelle France issue du repeuplement. Mais la gauche perdue a également trouvé, auprès du chef de l’État, un allié dans sa débandade intellectuelle et morale. La décision précipitée de reconnaitre un État palestinien, alors que le Hamas détient encore 50 otages et qu’il ne reconnait pas Israël en retour, est venue de la volonté présidentielle. Son choix a été salué par l’organisation djihadiste, qui y a vu la consécration politique de son pogrom du 7 octobre 2023. La communauté musulmane française saura apprécier le geste du chef de l’État. Le soutien qu’Alain Finkielkraut a apporté à Macron dans cette initiative, non dénuée d’électoralisme communautaire, n’a pu que satisfaire l’Élysée. Ce sont les « populistes », engeance exécrée par Macron, qui alertent contre les renoncements à résister au totalitarisme coranique et à son antisémitisme.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Pour ou contre les juifs ?

La libanisation de la société française ne rencontre aucun obstacle. Le Monde a révélé, lundi, que le Qatar, généreux parrain de l’islamisme colonisateur, possédait notamment 20% des Champs-Élysées, grâce aux avantages fiscaux accordés à l’émirat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’idéologie islamiste s’est installée dans de nombreuses cités, avec son rituel d’enfants-soldats et d’affrontements contre les symboles de la France, à commencer par les forces de l’ordre. D’autres villes d’Europe, comme Bruxelles ou Londres, ont atteint un basculement démographique qui permet à la charia de régenter certains quartiers. En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a déjà reconnu la Palestine il y a un an. Il ne cache rien de son antisionisme quand il sanctionne Israël pour « mettre un terme au génocide à Gaza », ou quand il avalise l’annulation, dimanche, de la dernière étape de la course cycliste de la Vuelta, perturbée par des pro-palestiniens soutenus par le pouvoir, au prétexte de la présence d’une équipe israélienne.

L’Europe, qui veut guerroyer contre la Russie, se laisse envahir par l’islam anti-occidental. Les Juifs y sont partout des cibles. Seuls les peuples s’inquiètent de l’endormissement des dirigeants. La grande mobilisation de samedi Londres a illustré la vitalité intacte de la société civile. En France, les ingrédients d’une guerre civile sont là. Les répétions s’accélèrent. Qui osera dire aux islamistes : « ça suffit ! » ?

Journal d'un paria: Journal d'un paria suivi de Bloc-notes 2020-21

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L’espace intergalactique ne fait plus peur

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"La Bohême" 2025, Opéra de Paris © Monika Rittershaus

Le climat social fortement dégradé de l’arrière-saison, par miracle, n’atteint pas aux hauteurs sidérales où l’inspiration d’un Claus Guth hisse depuis pas loin d’une décennie les protagonistes de La Bohème, opéra mythique s’il en est, must absolu du répertoire lyrique : retranchées les représentations annulées en 2020 pour cause de Covid, on en est à la 3ème reprise de cette mise en scène dans le vaisseau spatial de l’Opéra-Bastille, avec plus de deux-cent représentations au compteur depuis 2017 ! La régie qui faisait scandale il y a huit ans est accueillie avec un franc succès par le public de 2025.
Après la translation, en mars dernier au Palais Garnier, du spectacle créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 Il Viaggio, Dante, du grand compositeur contemporain Pascal Dusapin, reparaît donc à Paris l’iconoclaste scénographe allemand sous les auspices de Puccini, dans la célébrissime adaptation, par le compositeur transalpin, des Scènes de la vie de bohème, de Henry Murger, opéra millésimé 1896, donc entre Manon Lescaut (1893) et Tosca (1900), pour situer.
Chez Guth, exit donc l’atmosphère fiévreuse du « café Momus », la jeunesse insouciante et fauchée se chauffant autour du poêle d’une mansarde au quartier latin. À distance de toute littéralité, Rodolfo et Mimi, Musetta, Marcello, Shaunard et Colline sont ici en perdition à bord d’une navette spatiale, astronautes épuisés, en manque d’oxygène, revivant nostalgiquement leur jeunesse enfuie, dans une odyssée terminale en apesanteur et dans le compte à rebours d’une fin inexorable. Défile le ruban du journal de bord de la capsule spatiale en détresse, qui finira par s’échouer, atterrissage forcé, au troisième tableau, au cœur d’un paysage lunaire sur lequel tombe continument une bruine neigeuse de minuscules flocons. Le passé revécu sous une forme hallucinée où perdure, hanté par la mort, le souvenir des jours heureux…
Au pupitre, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan succède à Michele Mariotti pour cette reprise, direction musclée, aux coloris chatoyants, soutenue par un Orchestre de l’opéra de Paris à son meilleur. Si Mimi, la maîtresse tuberculeuse du jaloux Rodolfo, faisait merveille au soir de la première sous les traits de la soprano australienne Nicole Car (rôle repris par la chilienne Yaritza Véliz à partir du 2 octobre, pour ses débuts sur le plateau de la Bastille), l’Américano-austro-guatémaltèque Andrea Carroll se découvrait en Musetta dans une performance amoindrie par des aigus quelque peu stridents. Charles Castronovo, superbe Adorno l’an passé sur cette même scène dans Simon Boccanegra, campe encore Rodolfo comme il y a deux ans, rôle repris à partir du 2 octobre par le ténor américain Joshua Guerrero, irremplaçable dans le répertoire italien. Une distribution de belle tenue globalement, en somme, mais dans laquelle domine, divine surprise, le bronze galbé de la basse grecque Alexandros Stavrakakis, au phrasé d’une rondeur, d’une générosité qui donnent le frisson, dans le rôle du poète philosophe Colline, dont l’air final sublime du dernier tableau – « ora che i giorni lieti fuggir, ti dico : addio, fedele amico moi. Addio, addio » (maintenant que les beaux jours se sont enfuis, je te dis adieu, mon fidèle ami. Adieu, adieu) – vaudra d’ailleurs au chanteur, le soir de la première, une ovation émue de la salle, tétanisée.


La Bohème. Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini. Avec Nicole Car/Varitza Véliz, Andrea Caroll, Charles Castronovo/Joshua Guerrero, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stravrakakis… Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris. Maîtrise populaire de l’Opéra Comique.
Opéra Bastille les 19, 23, 27, 30 septembre, 2, 8, 11, 14 octobre 2025 à 19h30, le 5 octobre à 14h30. Durée : 2h30

La droite française est-elle trop bien élevée?

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L'Argentin Javier Milei apporte une tronçonneuse à Elon Musk, conférence CPAC 2025 à Washington, 20 février © UPI/Newscom/SIPA

« Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » On n’imagine guère François-Xavier Bellamy tenir pareil propos lors d’un meeting de son parti. François-Xavier Bellamy est très bien élevé, respectueux, pacifique, et nul ne songe évidemment à le lui reprocher. Il incarne parfaitement la droite traditionnelle, passée par les meilleurs lycées, ayant lu les meilleurs livres, s’étant agenouillée devant les plus beaux prie-dieu. Il fait honneur à ce qui nous distingue de la gauche.

Tax the rich !

Seulement, quelque chose est cassé dans le mécanisme de la droite française, comme si le socialisme avait fini par la dompter. Économiquement, elle ne se différencie plus du centre. Elle parvient encore à faire les louanges de l’entrepreneuriat et de la croissance, mais c’est toujours du bout des lèvres, pour esquiver la mortelle accusation d’être du côté des riches. Elle défend à peu près la culture classique et chrétienne, mais avec de faux airs grandioses qui sonnent creux comme des tombeaux. Jeanne d’Arc, de Gaulle, qui d’autre ? On a vite fait le tour de ses références sans substance. Une prudence d’écolière la pousse à préférer les citations convenues, glanées sur Google, au vrai charisme surgissant de l’improvisation. Elle ne dégoûte ni ne jouit. Elle barbe.

Elle tient ce caractère trop policé, ou ce manque de caractère, à plusieurs éléments constitutifs de sa nature profonde. Elle est aristocrate par naissance. Grandie dans la très-sainte horreur de la guillotine, elle est plus douée pour le menuet que pour la sensualité. Ses excellentes manières ne sont jamais tirées à suffisamment d’épingles pour son public le plus tradi, obsédé par la perfection raide des rites dominicaux. Son savoir-vivre tout en lodens et en barbours ne laisse jamais voir une courbe. Ses jeunes s’autorisent jeans et t-shirts, mais, sitôt trentenaires, ils rentrent dans le rang de l’entre-soi. Exemple éloquent : la droite française est un monde où, si l’on a le malheur de prononcer un mot d’anglais, langue honnie entre toutes, on se voit illico coller une amende par Radio Courtoisie. Désolé, mais ces gens sont chiants.

Snobinards

Son âme aristocratique – qui n’a d’aristocratique que l’adjectif, car les seigneurs d’antan tenaient certainement davantage de la gaudriole que de l’académisme – fait pencher notre droite du côté du snobisme. Faire peuple est vulgaire. Le paysan est bien sympathique, pourvu qu’il soit tenu à distance. Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. Être de droite peut vous amener à flatter le postérieur des bovidés lors des Salons, toutefois, le geste sera appuyé avec une telle ostentation que personne n’y croira. Dans la vraie vie, le paysan ne met pas de mains aux fesses de la Noiraude. Il la fait paître, la trait et la mange. Finalement, les vaches de Chirac sont plutôt à ses yeux d’amusantes métaphores de la gent féminine. Ce n’est pas que la droite n’aime pas la populace ni les pauvres, mais, comprenez-vous, le sans-culotte est de gauche et nous n’avons rien à faire avec cet olibrius. Sachons en toutes circonstances faire preuve de l’éloignement qui sied au bourgeois.

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Pourtant, dit le proverbe, « les idées sont de gauche et le style de droite ». Mais cela était vrai jadis, lorsque Jean Dutourd écrivait au Figaro, lançant des formules aussi gratuites que définitives, se moquant bien de ce qu’allaient en penser les patrons ou les dames pipi. “L’exactitude est la politesse des montres”, souriait-il derrière sa moustache. La formule aurait pu être de Michel Audiard, autre genre d’impertinent de droite. Je vous parle là du temps où un chat était un chat, un con un con, et la liberté de ton chose guère négociable. De son style et de son insouciance, que reste-t-il à la droite aujourd’hui ? Autant l’admettre : rien. Je ne citerai pas de noms, puisqu’il faudrait tous les pointer du doigt. Que l’on me montre simplement un seul politicien de droite, un seul chroniqueur, un seul influenceur – comme ils se décrivent eux-mêmes, oubliant qu’ils sont admirés d’esprits infantiles, affreusement influençables -, une seule plume contemporaine de droite dont la forme égale celles des années soixante, sans même parler de celles des années quarante, et dont on conserve les meilleurs aphorismes tels des trésors. Philippe Muray nous a quittés et son cimetière est peuplé d’éléphanteaux dispensables, qui l’imitent mal en barrissant. Sans doute l’auteur de ces lignes n’est-il pas le dernier, du reste. Nul ne vaut mieux que son époque.

Peuple de droite

L’électorat n’est guère plus brillant. On n’apprendra à personne que la foule de droite est timide, angoissante à force d’être angoissée, quand elle n’est pas carrément couarde.

Il n’y pas loin du tiède au pisse-froid, et la prudence peut faire aisément passer pour stupide. Alain Besançon : « En France, le catholique rase les murs ». Il les rase si bien qu’il rase tout le monde. Un interview d’électeur de droite donne souvent des envies de cordes et de tabourets. « Je crois en la France qui est le plus beau pays du monde de mes ancêtres qui ont donné leurs vies pour que je sois libre de défendre mon identité et la transmettre à mes quatre enfants, Thérèse-Marie, Marie-Thérèse, Clovis et Charlemagne ». Allez-vous étonner, avec cela, que la droite n’ait plus accédé au second tour depuis maintenant treize ans, bientôt quinze. Les bénitiers, combien de divisions de grenouilles, quand il s’agit d’affronter le monstre le plus parfait de toute l’histoire de la politique, le socialisme ? 

On ne vainc pas le socialisme avec des gants beurre frais. On n’étripe pas vivante l’idéologie qui a accouché de Bakounine, Lénine, Staline, Trotsky, Mao, Castro, Guevara, Pol Pot, la dynastie Kim, Xi Jinping, et ses produits dérivés français, Thorez, Doriot, Mitterrand, Mauroy, Marchais, Hollande, Mélenchon, et on est très loin d’en voir le bout, si l’on s’interdit tout écart de langage : on ne casse pas la gueule à un alligator avec un fleuret moucheté.

De tous les socialismes apparus à la surface de la Terre, le français est un des plus coriaces. Menteur professionnel à l’instar de ses aînés, mais plus souple que la plupart, plus habile, patient, extraordinairement hypocrite, virus mutant autant de fois que nécessaire pour survivre, se reproduisant sous mille formes apparemment contradictoires, il doit être agressé au visage, directement, de face, jusqu’au sang de ses slogans, jusqu’à la moelle de ses croyances, et en l’appelant par son nom, socialisme, et non sous des appellations inventées à la hâte et qui se mordent la queue, tel le social-étatisme de Lisnard (où a-t-il vu qu’il existait un socialisme sans étatisme ?) ou le socialisme mental de Marion Maréchal (à quoi bon préciser, petite effrontée, puisque le socialisme est, fondamentalement, un trouble de l’intelligence !) L’idéologie socialiste est intégralement mauvaise et doit être dénoncée avec une détestation sans mélange, que l’on pimentera si l’on veut d’un soupçon de haine pamphlétaire, car on a le droit de torturer des idées et de les tuer plusieurs fois par jour, et d’y prendre un plaisir visible : il n’y a là jamais mort d’homme. Si l’assassin de Kirk s’était contenté de tirer sur ses idéaux à la mitrailleuse lourde, Kirk serait toujours en vie. Donc, bombardez le socialisme français, et qu’il n’en reste pas pierre sur pierre. Broyez-le. Insultez-le, injuriez-le, salissez-le, couvrez-le de toute la boue qu’il est, du moment que vous dites sur lui la vérité la plus pure. Une eau intarissable coulera sous les ponts avant que vous n’ayez dévoilé l’étendue de ses vices et de ses crimes. Lâchez-vous, que le sac des accusations soit enfin renversé sur sa tête de bureaucrate. Soyez irrespectueux par tous les nerfs de votre revanche.

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Et, pour finir, venons-y : dites des gros mots. Guevara est-il une belle saloperie ? Oui. La science historique est formelle. Affirmez donc sans hésiter que le Che est une belle saloperie, criez-le s’il le faut, chantez-le et dansez, et ne laissez personne baisser le volume. Le mezza-voce de la droite française n’est plus tolérable. Notre galanterie a assez duré et elle explique trop de nos échecs. Vous défendez cent millions de morts, que diable ! Ils vous regardent. Ils comptent sur vous. Ils ont besoin d’une revanche verbale. C’est bien le moins que nous leur devons. Tant pis pour le bruit. Nous avons un droit imprescriptible au tapage : c’est notre tour. Et mettez-y de l’humour. Beaucoup. Trop ! Nous avons tant de retard. Effaçons un siècle de têtes d’enterrement.

Ce que veulent l’électeur de droite, le lecteur de droite, le quidam silencieux et propre sur lui – plus pour très longtemps -, c’est être épaulés, protégés, défendus et précédés par des gens grossiers et vulgaires qui leur ouvrent la voie. Je ressens le besoin que plus célèbre que moi dise à Sandrine Rousseau d’aller se faire voir. Finkielkraut se lance de temps en temps et c’est très agréable à observer, et il donne l’exemple. Quand Zemmour ose « C’est du foutage de gueule », cela fait du bien à la nation. Ça ouvre les fenêtres. On respire. La France sent moins le renfermé – et les intellectuels de gauche sont indisposés, ce qui est un excellent début. Piquez Piketty au vif. Mettez le camarade Jean-Luc en pétard : il n’est jamais mieux dénoncé que par ses hurlements. « Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » Merci, Milei. Voilà comment nous aurions dû et devons apprendre à nous exprimer. Il est temps de nous munir d’un nouveau dictionnaire.

Le Christ nous ordonne de tendre la joue gauche. Tout honneur et toute gloire lui reviennent, et malheur à celui qui malmène un ami ou un frère. Cependant, nous avons des ennemis, ils veulent nous faire taire, nous ne méritons pas d’être ainsi réduits au silence, le réel nous appelle au secours, la plupart d’entre nous ne feraient pas de mal à une mouche, et certains emmerdeurs méritent de sérieux coups de pompe où je pense.