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Paris: ex-startupeuse ouvre fromagerie artisanale

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A Paris, une jeune femme a repris la fromagerie traditionnelle La Fontaine. Après des années passées dans la com’ ou l’économie, Clara Solvit a ressenti le besoin de faire un métier qui, à ses yeux, comptait vraiment: artisan-fromager.


« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ? » (Charles de Gaulle)

« L’âge importe peu à moins d’être un fromage. » (Luis Buñuel)

Beaucoup de Français partis vivre au Canada, en Australie ou au Qatar, s’en sont revenus dare-dare, après s’être rendus compte qu’ils ne pouvaient tout simplement pas se passer de fromages au lait cru. Car, pour un Français, aller chez un bon fromager, qui plante son doigt dans un époisses de Bourgogne affiné au marc (Napoléon en raffolait avec un verre de Chambertin) est, quand même, l’un des plaisirs de la vie, et un vrai signe d’appartenance à la civilisation française qui irrigue sa mémoire, ses veines, son cœur.

La fromagerie de Marcel Proust ?

Nous sommes d’ailleurs quelques-uns à avoir proposé au ministre de l’Education nationale une initiation aux fromages au lait cru à nos enfants de sixième, avec cartes de France Vidal de la Blache suspendues au tableau à l’appui, histoire de leur montrer où se trouve l’Auvergne et le Pays basque, et, accessoirement, de leur rappeler que les chabichou du Poitou descendent directement des chèvres laissées par les Sarrasins, lorsque ceux-ci furent chassés de Poitiers par Charles Martel en 732 (une des dates que l’on apprenait par cœur au CM2 dans les années 1970 mais aujourd’hui, c’est interdit).

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A Paris, il existe plusieurs fromagers de renom connus internationalement (inutile donc de leur faire de la publicité). Mais connaissez-vous la fromagerie La Fontaine ? C’est l’une des plus anciennes de Paris, elle date de 1890. Sept générations de fromagers, sans discontinuer. Pour dénicher cette merveille classée aux Monuments historiques, il suffit de se rendre dans le quartier d’Auteuil, dans le seizième arrondissement. A chaque fois que je quitte mon dixième arrondissement et que je me retrouve là, j’ai le sentiment d’être dans un village, un siècle en arrière. Marcel Proust est né en 1871 au 96 rue La Fontaine et y vécut jusqu’en 1896. Nul doute, donc, que sa mère, ou, plus vraisemblablement sa nounou, la cuisinière Félicie, immortalisée sous les traits de Françoise dans La Recherche, et qui, selon Proust, réalisait un bœuf mode d’anthologie (« Ah, c’est froid que je le préférais, avec de la gelée et les petites carottes ») ne se fût rendue à cette fromagerie pour venir y chercher un bon brie de Meaux bien coulant.

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La fromagerie La Fontaine connut son âge d’or il y a 50 ans, avant l’arrivée des supermarchés, quand les habitants du quartier allaient y acheter leur beurre, leur crème et leurs œufs (trois produits de base dont, selon le chef étoilé Jean-François Piège, la qualité moyenne s’est effondrée ces dernières années).

Comme une odeur d’ancien monde…

Mais s’il faut absolument découvrir ou redécouvrir cette admirable fromagerie, qui est restée dans son jus, avec sa cave d’affinage historique, ce n’est pas seulement pour la beauté de sa façade, ni pour la qualité du Mont d’or au lait cru, c’est pour ses nouveaux propriétaires, un couple de jeunes passionnés, âgés de moins de 30 ans, bardés de diplômes, qui ont décidé de refaire leur vie et de redonner ses lettres de noblesse à ce beau métier méconnu de crémier-fromager, qui n’est reconnu officiellement comme un métier d’artisan traditionnel que… depuis 2015 (comme si choisir, affiner, et conseiller des fromages avait été jusque-là un travail à la portée du premier venu, alors qu’il faut des années d’apprentissage et de connaissances pour savoir quand un saint-nectaire affiné sur de la paille de seigle est vraiment à point) ! Clara Solvit et son fiancé Lucien Dumond sont donc des héros de notre temps.

Quand ils sont nés, dans les années 1980, Bernard Tapie était l’icône de la gauche réconciliée avec l’argent. On apprenait aux étudiants d’HEC et de l’ESSEC que l’industrie c’était fini, et qu’on entrait dans une nouvelle ère, celle de la société de services. Que la France des terroirs était moisie. Que les Français étaient des beaufs. Jusqu’en 2000, cette idéologie mortifère a prospéré, les jeunes diplômés rêvaient de devenir patrons de Startup, cadres sup à La Défense ou traders à la City de Londres.

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Vingt ans après, les mêmes n’aspirent plus qu’à changer de vie, à laisser tomber la banque, la publicité, les nouvelles technologies, pour devenir boulangers, vignerons ou luthiers… C’est une révolution profonde que nos sociologues et nos éditorialistes ont peine à reconnaître.

Méprisé par tout un système éducatif, dont les préjugés millénaires remontent à la Grèce antique et selon lesquels les métiers manuels sont par définition « inférieurs » aux métiers intellectuels, l’artisan, aujourd’hui, renaît de ses cendres, et fascine d’autant plus qu’il est devenu rarissime (essayez de trouver un vrai artisan plombier, un bon peintre, un menuisier compétent, un boucher qui sait couper sa viande…).

« Mets-toi à ton compte, reprends une fromagerie ! »

Clara et son amoureux ont donc entamé leur conversion, après des années d’hésitation. « J’ai travaillé des années dans l’économie et la gestion, le marketing, le journalisme, la communication, et puis j’ai compris un jour que je n’étais pas heureuse, et qu’il me fallait trouver un métier qui me rendrait en accord avec moi-même. J’ai alors songé aux métiers de l’artisanat, qui sont des métiers dévalués, surtout celui de crémier-fromager, qui est synonyme, pour les professeurs, de métier ne requérant aucune intelligence… J’ai compris qu’il y avait une vraie possibilité de se mettre à son compte, d’autant plus que le fromage a toujours été pour moi une passion, que je dois surtout à mon père, qui adorait le Roquefort : ‘Le roquefort devrait se déguster à genoux’, disait l’écrivain Grimod de la Reynière. »

Après avoir fait un an de formation en alternance à l’IFOPCA de Paris (seule école à préparer aux métiers de fromagers) Clara deviendra responsable de la célèbre fromagerie de Laurent Dubois, rue de Lourmel dans le 15e arrondissement. Elle y apprend à manipuler les fromages, à les affiner, à les découper, à les goûter. « Chaque meule de comté possède un goût et une évolution différente. »

C’est un métier dur physiquement, on soulève des dizaines de kilos, douze heures par jour, on est dans le froid, « mais ce n’est rien par rapport aux métiers de bouchers ou de poissonniers ! »

Là encore, l’insatisfaction est au bout du chemin. Le beau Lucien, qui, pendant ce temps, apprenait le métier de saunier à Ars en Ré, intervient alors et convainc sa chérie de sauter le pas : « Mets-toi à ton compte, reprends une fromagerie ! »

Clara ne donne pas sa confiance facilement et l’idée de s’associer à quelqu’un lui fait peur. C’est pourquoi la plupart des artisans travaillent en famille (comme les députés qui embauchent leur femme…).

« Tout est fait en France pour dissuader les jeunes de se mettre à leur compte »

En 2017, coup de foudre. Clara et Lucien découvrent la fromagerie La Fontaine, elle est à vendre… « J’ai su tout de suite que c’était elle. Cette boutique est belle, accueillante, et pourvue d’une cave, ce qui est essentiel pour un crémier -fromager digne de ce nom qui ne se contente pas de vendre du fromage mais doit aussi l’amener à maturation », explique Clara.

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Le 20 octobre 2018, la probable fromagerie de Marcel Proust a donc rouvert ses portes. Clara et Lucien ont immédiatement été pris d’assaut par tout une clientèle de quartier assoiffée de connaissances et prête à goûter d’autres fromages. Le lien social est fort, le bouche à oreille fonctionne : Alain Ducasse, Guy Savoy et les Jospin sont même venus faire leurs emplettes. « C’est un métier de passion. Nous travaillons 7 jours sur 7, et nous ne parvenons toujours pas à dégager du bénéfice pour un salaire, tellement les charges sont élevées… Je ne regrette rien, affirme Clara, c’est le bonheur, mais tout est fait en France pour dissuader les jeunes de se mettre à leur compte : pour avoir cette fromagerie, il nous a fallu un an de parcours du combattant semé d’embûches, et je ne sais pas quand nous pourrons en vivre, mais c’est ainsi. Nous aimerions pouvoir embaucher, créer des emplois, afin de nous consacrer à nos producteurs. »

Souhaitons que ces jeunes entrepreneurs soient entendus ! En attendant, précipitez-vous rue La Fontaine. La gâteau au fromage blanc et la gelée de coing maison sont fantastiques, la raclette parfumée au poivre du Cambodge, exceptionnelle.

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Pourquoi le RIC n’est pas fait pour les Français

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Des ronds-points aux Champs-Elysées, des gilets jaunes réclament le « RIC ». Un « référendum d’initiative citoyenne » censé repenser les rapports entre le pouvoir et les citoyens et renforcer la démocratie. Mais l’exemple suisse le montre: pas forcément adapté aux Français, ce système ne serait pas la panacée.


On comprend volontiers que les gilets jaunes, se sentant écrasés par le pouvoir et les élites parisiennes, rêvent, sous le nom de « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), d’un dispositif démocratique supposé en finir avec des décennies de mépris. Le geste présidentiel du 10 décembre les laissant de marbre, ils fondent désormais leurs espoirs sur ces trois lettres souvent peintes sur pancartes et gilets. On ne veut pas (ou pas seulement) de l’argent, mais de la considération : être entendus, reconnus, décider par nous-mêmes. Et quoi de mieux que de lancer, faire discuter et valider par le peuple un projet qui le concerne ? Le fric, d’accord, mais le RIC d’abord. Et les médias de citer en exemple la petite Suisse voisine où existe depuis 1891 le référendum d’initiative populaire. Oui, mais…

VGE en 2005: « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »

L’objection majeure tient à deux vertus qui font cruellement défaut à la vie politique française : l’esprit de responsabilité et le sens du compromis. Ce n’est pas un hasard si la méconnue réforme de 2013 censée intégrer à nos institutions le « référendum d’initiative partagée » a été assortie, comme l’a bien rappelé ici-même Pierrick Gardien, d’assez d’obstacles pour le rendre impossible. À l’évidence, l’exécutif se méfie trop du peuple pour le laisser rédiger lui-même la loi. Il restreint donc sévèrement ce type-ci de référendum, mais évite l’autre aussi, en invoquant l’immaturité d’un électeur qui « le transforme en plébiscite », « répond à côté de la question », etc. On connaît le mot de Valéry Giscard d’Estaing en 2005, qui résume tout : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »

Les Français sont-ils responsables ?

Mais l’électeur immature, est-ce un mythe ? Parmi les nombreux témoignages filmés ces jours-ci sur les ronds-points, cette perle : « On veut pas embêter les Français, juste bloquer l’économie… » On tremble en imaginant l’initiative que pourrait lancer ce sympathique bloqueur. Le fait est là : le RIC tombe à pic, à condition que l’électeur soit assez lucide pour ne pas s’offrir par référendum le triplement du smic ou la retraite à quarante ans. Telle est, c’est à craindre, la grande différence avec nos amis suisses. Ils ont, certes, poussé la folie jusqu’à s’octroyer en 1994 un jour férié pour la fête nationale, mais pour le reste, conscients des contraintes économiques, ils refusent presque toujours le laxisme.

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Pour ne prendre que quelques exemples récents, les Suisses ont rejeté à 66,5% des voix les six semaines de congés payés proposées le 11 mars 2012 ; un salaire minimum de 4 000 francs par mois (3 540 euros) le 18 mai 2014 ; une initiative intitulée « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires » le 30 novembre 2014 ; le « revenu de base inconditionnel », assez proche de ce que voulait ici Benoît Hamon, le 5 juin 2016 ; ou encore une hausse de 10% des retraites, le 25 septembre 2016. Dans la plupart des cas, les syndicats de salariés avaient appelé à voter non ; quel parti auraient pris les nôtres ? Et combien de ces initiatives auraient triomphé ici ?

Le « modèle » suisse s’essoufle

Le piquant de l’affaire est que la France s’intéresse au modèle suisse au moment même où il donne des signes d’essoufflement. Il faut dire que, jusqu’à une période récente, la réponse était presque toujours non. De 1893 (pour interdire l’abattage des animaux de boucherie non préalablement étourdis) à aujourd’hui, 22 initiatives seulement ont été acceptées sur les 213 soumises au vote. Mais l’opinion se souciait peu de ces presque 90% d’échecs, considérant comme positif que se fût du moins ouvert un débat et que le pouvoir fût ainsi aiguillonné.

Aujourd’hui encore, la plupart des initiatives sont repoussées, en vertu d’une dynamique assez constante : le comité d’organisation dépose les 100 000 signatures (recueillies en 18 mois maximum ; on dit alors que l’initiative a « abouti ») au palais fédéral à Berne, on se passe de main en main devant les caméras, sourires aux oreilles, les cartons frappés des différents blasons cantonaux et pleins des feuillets officiels dûment signés. Publicité assurée, pimentée d’un nom choisi pour frapper l’opinion (« Protection contre les chauffards », « Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration ! », « Contre la création effrénée d’implantations portant atteinte au paysage et à l’environnement », etc.) et relayée par une campagne attrayante, site internet et réseaux sociaux à l’appui. Les sondages traduisent l’adhésion des électeurs, les 50% souvent franchis. Puis la résistance s’organise, partis et associations hostiles se réveillent, les sujets de fond sont abordés ; il faut clarifier certains aspects, surtout la question qui fâche : « Combien ça va coûter ? » La décrue s’amorce, et le non l’emporte finalement. Au demeurant, les 70% d’abstentions ne sont pas rares : être appelé aux urnes quatre fois par an (mais tout de même pas chaque semaine, comme on l’entend parfois dire en France !) finit par lasser.

Initiative populaire et dernier mot politique

Cependant, que le projet passe la rampe n’a désormais rien d’exceptionnel, et c’est là que le bât blesse. Certains se révélant difficiles à mettre en œuvre ou trop « clivants », le Parlement finasse, temporise, arrondit les angles à l’occasion. Les limites de l’exercice ont été atteintes avec l’initiative « contre l’immigration de masse » de l’UDC (droite), acceptée par 53,3% des votants le 9 février 2014, que les deux chambres ont pratiquement réduite à rien dans la loi d’application. De même, « Pour le renvoi des étrangers criminels », lancée par la même UDC, quoique acceptée le 28 novembre 2010 à 52,9%, fit-elle l’objet d’une application nuancée laissant au juge un pouvoir d’appréciation que les électeurs, en repoussant le contre-projet du Conseil fédéral, avaient explicitement refusé. Dans les deux cas, les initiants ont protesté à bon droit contre ces manœuvres inconnues jusqu’alors en criant au déni de démocratie et à la trahison du vote populaire. Pas si simple d’imposer sa loi, même avec le suffrage universel derrière soi !

Bruxelles veille…

Avant même cette étape risquée, l’administration aura exercé un contrôle, vérifiant que l’objet de l’initiative ne viole pas, par exemple, un traité ou un engagement international, sous peine de l’invalider. Le cas s’est présenté en 1996 : légalement déposée, l’initiative « Pour une politique d’asile raisonnable » a été déclarée nulle par le Parlement au motif que refouler immédiatement, sans recours possible, les étrangers entrés clandestinement violait « la substance même des principaux traités multilatéraux dans les domaines du droit des réfugiés et des droits de l’homme ». Ce corset juridique imposé aux initiants s’est aggravé le mois dernier, puisque les Suisses ont rejeté, le 25 novembre, après d’ailleurs une virulente campagne de presse des opposants, un texte, toujours de l’UDC, qui entendait graver dans le marbre la primauté du droit national sur les décisions des juges étrangers – en pratique celles de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Si la Suisse, souffrant d’un complexe peu compréhensible, courbe trop souvent l’échine sous les ukases européennes, qu’en serait-il pour un membre de plein exercice de l’UE comme la France, où prime le droit communautaire et dont, au minimum, 40% des lois (80%, disent les eurosceptiques) sont « dictées » par Bruxelles !

Une autre dérive tient enfin à la multiplication des initiatives, de plus en plus accaparées par les partis politiques alors que ce droit n’était pas en principe conçu pour eux (un citoyen seul peut y prétendre, et réussit parfois). Les appareils ne se privent pas, contre l’esprit des institutions, d’en faire une arme pour mobiliser leur électorat en prévision des prochaines élections. On a pu citer le cas d’un secrétaire de parti de gauche « qui, annonçant le lancement de quatre initiatives, avouait sans la moindre gêne que les thèmes de deux d’entre elles devaient encore être trouvés »[tooltips content= »La Nation, bimensuel de la Ligue Vaudoise, du 3 avril 2015. »]1[/tooltips]. Il est facile d’imaginer les surenchères partisanes du même ordre auxquelles donnerait lieu notre RIC avant une élection générale, c’est-à-dire à peu près tout le temps.

RIP le RIC ?

À l’évidence, un tel droit ne se conçoit pas sans un minimum de maturité politique et de fair-play, pas très français. On notera d’ailleurs, d’une part, qu’inclure dans le RIC la révocation d’un élu – assez inapplicable – est une invention purement de chez nous, et, d’autre part, que les gilets jaunes ont adapté le nom officiel de la procédure suisse en remplaçant « populaire » par « citoyenne » : une épithète plus militante qui fleure bon sa rebellitude et nous oriente déjà dans un sens marqué (à moins que ce ne soit pour éviter à l’acronyme une connotation funèbre). Les promoteurs du RIC n’auraient-ils pas en tête d’en faire, non l’outil de décision d’une vie démocratique apaisée, mais une machine de guerre contre le pouvoir ? Ce serait le hic.

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« À Paris, la culture et la religion jouent beaucoup dans le choix du conjoint »

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« Coucheriez-vous avec un mec du 9-3 ? » C’est le titre délicieusement racoleur d’une grande enquête sur la vie sexuelle et conjugale des Parisiens commandé par CAM4 le mag que publie aujourd’hui l’Ifop. Suivant ses conclusions, le métissage compte beaucoup de croyants mais peu de pratiquants. Pour trouver chaussure à son pied dans les villes-monde d’où ont été chassées les classes populaires, mieux vaut être riche et occidental que pauvre, banlieusard et porteur supposé d’une culture rétrograde. Entretien avec le directeur de l’enquête François Kraus.


Daoud Boughezala. D’après les conclusions de votre étude sur le choix du conjoint, les Parisiens sont-ils endogames, ethnocentristes ou carrément ethnodifférentialistes ?

François Kraus. Comme dans d’autres domaines, par exemple lorsqu’il s’agit de choisir l’école des enfants ou leur lieu de résidence, les Parisiens cultivent une sociabilité de l’entre-soi en matière conjugale. On observe une forte endogamie géographique qui implique une endogamie sociale ainsi qu’une certaine réticence à la construction de couples interraciaux, notamment lorsqu’il existe entre les intéressés à la fois une distance de « classe » et une distance de « race ».

Dans notre enquête sur la sexualité des Parisiens, nous abordons de front ces problématiques de classe et de race, souvent taboues en sociologie.  Nous avons choisi comme terrain d’étude la région parisienne car cette zone est culturellement et socialement diverse, comme le montre par exemple la proportion de musulmans qui est trois fois plus forte que dans le reste du pays (Ifop-Montaigne – 2016). Or, bien que ce ne soit pas la Corrèze ou le fin fond du Poitou, la perspective d’un métissage social et culturel est loin d’y faire l’unanimité.

La variable sociologique qui joue le plus dans le choix du conjoint est le niveau de diplôme

Votre enquête montre un hiatus fréquent entre le discours pro-métissage et les actes. Mais plus que de la xénophobie, la peur des unions mixtes n’exprime-t-elle pas un attachement à certaines normes et valeurs propres à la culture occidentale ?

Bien sûr. Il y a un toujours une logique endogamique dans le choix du conjoint. Cela se traduit, à Paris plus qu’ailleurs, par un besoin d’être avec des gens qui vous ressemblent dans tous les domaines. Le premier critère de choix déclaré (59%) du conjoint à Paris renvoie aux manières et à l’éducation mais cet élément va bien au-delà des bonnes manières ou du respect des règles de politesse. Cette notion inclut le partage d’une vision de la vie et de la société, de la manière d’éduquer ses enfants. Tout cela implique un certain consensus socio-culturel. Pour rappel, la variable sociologique qui joue le plus dans le choix du conjoint est le niveau de diplôme, car celui-ci crée un point commun en termes de hiérarchie sociale, de pratiques culturelles et, au passage, permet d’avoir des choses à se dire…

La distance culturelle est très nette entre culture française et culture maghrébine et subsaharienne

Dans le panel de 2000 Parisiens que vous avez interrogés, 62% des femmes disent refuser de s’unir avec des individus porteurs des valeurs identifiées à la culture subsaharienne, 57% rejettent a priori les hommes assimilés à la culture maghrébine et moyen-orientale. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avons identifié plusieurs raisons. D’abord, la distance culturelle est très nette entre culture française et cultures maghrébine et subsaharienne, à la différence des pays d’Amérique du Sud où il peut exister des points communs culturels, notamment liés à la culture judéo-chrétienne, avec des gens d’une couleur, d’une race et d’une ethnie différentes. Cela montre que le poids de la culture et de la religion jouent beaucoup dans le choix du conjoint. De surcroît, l’écart de niveau de vie entre les Parisiens – qui sont parmi les Français les plus riches – et celui associé aux ressortissants des pays d’Afrique ou du Maghreb est très élevé, ce qui peut refroidir les ardeurs des gens très attachés aux questions matérielles.

Les musulmans vivant en France sont dix fois plus nombreux que la moyenne à penser qu’une « femme doit obéir à son mari »

Enfin, pèse sur ces derniers un ensemble de représentations qui en fait les porteurs d’une culture très conservatrice peu respectueuse des principes d’égalité entre les sexes au sein du couple. Il est donc probable que des femmes aussi indépendantes et autonomes que la majorité des Parisiennes puissent avoir des réticences à s’inscrire dans un cadre conjugal avec des personnes perçues comme conservatrices et peu sensibles à la place de la femme dans la société. Or, la misogynie associée à ces cultures n’est pas une vue de l’esprit : les rares données d’enquête fiables sur le sujet (Ifop-Montaigne – 2016) ont pu montrer que les musulmans vivant en France étaient dix fois plus nombreux que la moyenne à penser par exemple qu’une « femme doit obéir à son mari » (56%, contre 5% chez l’ensemble des Français)  ou qu’elle « doit rester vierge jusqu’au mariage » (74%, contre 8% chez l’ensemble des Français). On est loin des combats de #MeToo…

Justement, le mouvement #MeToo, assez puissant parmi les élites parisiennes, a-t-il renforcé la tendance à l’entre-soi culturel entre conjoints ?

Honnêtement, je ne dispose pas de données précises mesurant l’impact de #MeToo sur ce phénomène. Mais je me demanderais plutôt qui est touché par #MeToo et par cette plus grande sensibilisation aux questions d’égalité homme/femme lors de la rencontre, de la séduction, etc. A cet égard, le fossé entre les combats portés par les militants occidentaux de la cause #MeToo et les épreuves que subissent d’autres femmes dans le reste du monde me semble évidente. Au Maghreb, en Afrique subsaharienne ou au Moyen-Orient, la lutte pour les droits des femmes n’a rien à voir avec des questions, aussi légitimes soient-elles, telles que l’écriture inclusive, la charge mentale ou l’égalité salariale ! Notre enquête met justement en lumière l’impact que peut avoir l’énorme fossé entre les cultures dans le choix d’un conjoint.

Les hommes asiatiques souffrent d’une moindre désirabilité sur les sites de rencontre

Du point de vue des Parisiennes, la distance culturelle est à double tranchant. Si les hommes afro-maghrébins sont souvent associés à une culture patriarcale, les asiatiques  sont plutôt assimilés au stéréotype inverse. Pourtant, 54% des Parisiennes refusent l’union avec un partenaire d’Asie du Sud-Est. Comment expliquer cet ostracisme ?

Cela confirme d’autres enquêtes américaines qui ont montré que les hommes asiatiques souffraient d’une moindre désirabilité sur les sites de rencontre ou les espaces de speed-dating. Force est de constater qu’ils ne correspondent pas au stéréotype de virilité dominant en Occident. Les différentes formes de production culturelle que sont le cinéma, les séries ou les bandes dessinées les présentent trop souvent comme des geeks assez peu virils loin des archétypes de « mâle alpha » sensé plaire à la gente féminine occidentale. Or, ces clichés influent forcément sur leur désirabilité sociale, et donc sur leur valeur sur le marché matrimonial, qui n’est pas sans conséquence sur la construction de leur identité et de leur estime de soi.

Plus axés sur le physique de leur partenaire, les hommes se révèlent plus xénophiles que les femmes.

A contrario, les hommes interrogés semblent plus ouverts à la diversité ethnoculturelle que les femmes. Comment se fait-ce ?

Ce n’est pas étonnant car les hommes attachent généralement moins d’importance aux critères de choix du partenaire, à l’exception du physique et du poids ! Pour le reste, ils sont beaucoup plus tolérants car ils se projettent généralement moins dans une perspective de couple à long terme avec ce que cela implique comme construction conjugale et familiale, à commencer par la nécessité d’avoir des points de vue convergents. L’attirance esthétique n’étant pas liée au fait de partager des points vues socioculturels, les hommes se révèlent plus xénophiles que les femmes. Pour certaines générations, l’absence de réciprocité est peut-être aussi due à des réflexes ethnocentristes qui feraient peser un risque de stigmate plus fort sur une « femme blanche » couchant avec un immigré qu’un homme blanc couchant avec « une immigrée ».

31% des Parisiennes ne se mettraient pas en couple avec un homme correspondant à l’image du 93

Faisons un pas de côté. Un petit banlieusard blanc du 93 est-il plus sexuellement moins bien loti qu’un parisien d’origine africaine ou maghrébine intra muros issu des quartiers aisés de la capitale ?

Il est difficile de répondre très précisément à cette question. Celle que nous avons posée à notre panel de Parisiens est : « Pourriez-vous vous mettre en couple avec quelqu’un qui correspond à l’image que vous vous faites des habitants de Seine-Saint-Denis ? » 31% des Parisiennes répondent non. Si une personne d’origine immigrée ne correspond pas à ce stéréotype, réside à Paris et vient d’un milieu aisé, il est probable qu’elle souffre beaucoup moins de discriminations dans le processus de sélection du conjoint.

IFOP/COM4 le mag.
IFOP/CAM4 le mag.

Sans doute parce que l’intéressé ne projette pas l’image du « Seine-Saint-Denis style » que cite votre étude. Quel signifie ce concept ?

C’est une référence à une chanson du groupe NTM qui portait l’image de ce département dans les années 90.

En gros, le « Seine-Saint-Denis style » concentre les représentations les plus stigmatisantes de l’imaginaire urbain français puisque le 93 cumule les records de pauvreté, de criminalité et de population étrangère ou immigrée. Cela constitue un repoussoir pour une forte proportion de personnes, y compris issues des minorités. Quand on demande aux musulmanes vivant à Paris si elles pourraient se mettre en couple avec un homme originaire du Moyen-Orient ou du Maghreb, environ 40% répondent par la négative. Tout comme les autres Parisiennes, elles ne veulent sans doute pas de conjoint susceptible de leur imposer un couple dominé par une vision conservatrice voire misogyne du rôle de la femme.

Pourtant, la démographe Michèle Tribalat a prouvé la recrudescence de mariages endogames depuis vingt ans, ce qui suppose que les jeunes musulmanes épousent des jeunes musulmans…

Nos travaux ne sont pas forcément contradictoires. Les minorités ethniques qui vivent à Paris n’ont pas forcément le même profil socioprofessionnel (niveau de diplôme…), que le reste de la population d’origine immigrée, notamment en banlieue parisienne. Les musulmans parisiens sont sans doute le symbole d’une réussite sociale ou d’une volonté de se détacher de l’emprise du quartier, de la famille, de la cité et autres pesanteurs traditionnelles. C’est valable pour les jeunes femmes, surtout si elles ne sont pas encore en couple, et les minorités sexuelles qui n’arrivent pas à affirmer leur orientation sexuelle en banlieue. Une de nos précédentes enquêtes montrait qu’il y a beaucoup plus de musulmans homosexuels à Paris que dans le reste du pays.

Dans les couples gays, il y a une prime au capital physique et érotique

Dans un de vos précédents travaux, vous qualifiez Paris de ville « refuge des minorités sexuelles ». Celles-ci, notamment homosexuelles, sont-elles plus ouvertes au métissage que les hétérosexuels parisiens ?

Oui. Dans les couples gays, il y a une prime au capital physique et érotique plus forte que dans le reste des couples. Pour le dire clairement, ils accordent plus d’importance au physique et au sexe. C’est notamment dû au fait qu’ils ne peuvent pas s’inscrire forcément dans une perspective de couple durable ou de construction familiale. Après, dans la mesure où le stigmate de l’homosexualité reste très fort et difficile à assumer, ceux qui l’assument sont sans doute plus disposés à transgresser les normes de race ou de classe dans le choix de leur conjoint d’autant plus facilement que leur isolement relativise la force du contrôle social, ou les craintes d’une mésalliance.

Même depuis la loi Taubira (2013) qui permet le mariage et l’adoption aux couples homosexuels ?

Certes, on  a tendance à dire que les nouveaux couples homosexuels sont plus hétéronormés sans forcément pouvoir le prouver. Si leurs membres présentent moins de dissensus que ce qu’on pouvait observer il y a encore vingt ans, les données montrent la persistance d’écarts sociologiques et culturels plus fort que dans les couples hétéros.

La proportion de gays est beaucoup plus forte dans les arrondissements parisiens de gauche

Si on y regarde de près, tous les arrondissements parisiens ne répondent pas de la manière à des questions telles que « Accepteriez-vous un conjoint d’origine subsaharienne ? »  Ancré à droite, Ouest (7e, 8e, 16e, 17e) se révèle beaucoup plus réfractaire au métissage que l’Est parisien, très marqué à gauche. Cela correspond-il aux cartes du vote ?

Absolument. Cela rejoint aussi la carte de la proportion de personnes gays, beaucoup plus forte dans les arrondissements de gauche. Idem pour les barbus, plus présents dans les arrondissements de gauche que dans ceux de droite. On retrouve ce décalage entre les arrondissements populaires ou boboïsés du Nord-Est de Paris (11e, 19e, 20e) et les beaux quartiers du triangle d’or de l’Ouest bourgeois que vous avez cités. Dans le 16e, 8e et le 17e, on accorde plus d’importance au fait que le partenaire doive résider dans Paris intra muros et appartenir au même niveau social.

COM4 Le mag/ IFOP.
CAM4 Le mag/ IFOP.

Cette carte politique correspond-elle aussi à la carte de l’immigration parisienne ?

Bien sûr. Et la carte de l’immigration rejoint la carte de l’âge. L’Ouest parisien compte beaucoup moins d’immigration, mais davantage de personnes aisées, notamment âgées comme dans le 16e. Alors que le Nord-Est est un foyer de jeunes couples le plus souvent sans enfant, de célibataires ou de familles d’origine immigrée ou étrangères.

Habiter Paris, cela signifie concrètement pas ou peu côtoyer les classes populaires

Petite surprise, la carte des Parisiens rejetant l’union conjugale avec d’autres Parisiens en raison de leur quartier de résidence ne se cantonne pas à la droite dure…

Sur le refus de se mettre en couple avec quelqu’un en fonction de son lieu de résidence à Paris, on constate quand même un écart du simple au double entre des arrondissements comme le 16e et d’autres comme le 18e ou le 19e. De manière générale, le fait de vivre à Paris constitue une marque de distinction sociale qui tend à gommer les écarts de culture ou de niveau de vie entre arrondissements. Car habiter Paris, cela signifie concrètement pas ou peu côtoyer les classes populaires. Sur ce plan, les électeurs centristes parisiens (LREM/Modem) sont plus proches des électeurs de droite (LR ou RN) malgré leurs niveaux différents de libéralisme culturel.

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Donald Trump, lui, agit contre l’esclavage


Donald Trump a pris des mesures, lui, contre l’esclavage en Mauritanie. Et bizarrement, personne n’en parle…


Donald Trump surprend. Peu de médias ont rapporté le coup de gueule du président américain contre l’esclavage. Au moins de novembre, les États-Unis ont en effet annoncé exclure la Mauritanie de la « loi sur le développement et les opportunités africaines » afin de protester contre le maintien du travail forcé et de l’esclavage héréditaire dans cette république islamique. En fermant l’accès de son marché aux produits mauritaniens, l’administration américaine dénonce au grand jour l’exploitation des Harratines, ces Maures noirs réduits en esclavage. Bien qu’interdit dans la constitution et reconnu crime contre l’humanité par la législation mauritanienne, l’esclavage est plus que toléré dans cette société rongée par la discrimination raciale.

Bien tenté, mais…

Privées de liberté dès la naissance, maltraitées, échangées comme des marchandises, 50 000 personnes y seraient aujourd’hui esclaves. Certains parviennent néanmoins à s’extraire du cheptel humain, comme le député Biram Ould Dah Ould Abeid, rare élu de sa caste devenu l’infatigable défenseur de la cause abolitionniste. Habitué des geôles mauritaniennes, ce petit-fils d’affranchi réclame depuis 2008 la fin de l’esclavage et des droits égaux à ceux de la majorité arabe. En vain. L’un des derniers pays négriers de la planète a peu de chances de plier devant les sanctions américaines. Nouakchott n’est pas Pyongyang.

Mehdi Meklat, la victime imaginaire


Est-il bien raisonnable de laisser un cinéaste déraisonnable commenter chaque mois l’actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire. 


«… Je ne suis pas musulman. Ma mère est d’origine algérienne, née en France. Mon père est Français… » Tu soulignes t’appeler en réalité « Mehdi Thomas Maximilien Meklat Prat ». « Pourquoi m’a-t-on étiqueté, enfermé de cette façon ? », gémit Mehdi, le prodige tweeteur de haine de retour avec un livre à vendre et une victimisation à barbe blanche en guise d’explication.

J’me présente, j’m’appelle plus Mehdi

Personne ne t’a enfermé Mehdi. Tu as pensé qu’il était bon pour toi de te présenter en tant que Mehdi Meklat. 

A lire aussi: Mehdi Meklat revient… pour dénoncer le racisme des autres

Et ça a été bon. Cette identité a fait de toi la coqueluche des salons qui n’en revenaient pas d’être « tellement open » qu’ils étaient capables d’encenser un Mehdi. Tu le dis dans la même interview : « Les médias étaient fascinés par un Noir et un Arabe qui savent écrire, qui ne font pas de fautes. » Tu as joué cette carte plutôt que celle de Maximilien Prat, parce que tu la pensais porteuse. Et aujourd’hui, tu nous sors le nom français de ton père, ainsi que le prénom qui va avec. Mais on s’en fout Maximilien ! Ton nom et ton prénom n’ont aucune importance. La littérature et les arts en général se contrefichent des patronymes. Les émissions littéraires reçoivent depuis longtemps de grands auteurs noirs et arabes de toutes nationalités. De Léopold à Tahar en passant par Ibrahim et sa trompette, il y a longtemps que le talent ne se mesure plus à l’aune des origines. C’est en France que les jazzmen noirs trouvaient refuge dans la première moitié du XXe siècle.

C’est Lorànt Deutsch qui y est !

Et ton « y’a pas que moi », quel ridicule infantile !

« Quand on voit quelqu’un comme Lorànt Deutsch qui a écrit euh… pareil, des obscénités sur Twitter, mais là pour le coup vraiment cachées… » et de te plaindre que lui, on lui pardonne.

Erreur, monsieur Prat. Quand bien même Lorànt Deutsch se cacherait sous le pseudo de @lacathelinierre sur Twitter (ce que l’intéressé dément) les propos tenus sur ce compte n’ont rien à voir avec les saloperies que Mehdi a dit. Aussi déplaisants soient-ils parfois, aucun de ces tweets ne fait appel au racisme, aucun ne tombe sous le coup de la loi. Leur éventuelle vulgarité n’arrive pas à la cheville de la haine de Marcelin Deschamps. 

D’ailleurs Mehdi, cette méchanceté, cette vulgarité, n’est-ce pas justement ce qui a fait ton succès auprès de l’intelligentsia ébaubie, qui trouvait ta prose « tellement trop drôle ». Ça ne pouvait être sa composante raciste, machiste et homophobe qui faisait rire ces ayatollahs du bon goût, n’est-ce pas ? Du rire entre gens qui savent et qui sont tellement du côté du bien que toute expression du mal venant d’eux ne peut être que du second degré. Un peu comme ces aficionados des bonnes manières qui jouent à déposer leur pain du mauvais côté de l’assiette, pour amuser les autres « sachants », aux frais des manants qui foutent salement leur quignon n’importe où, ces cons !

Tu n’es victime de rien ni de personne Mehdi

Alors, tu ne vas tout de même pas reprocher aujourd’hui à @lacathelinierre d’avoir usé des codes qui ont fait ton succès, sous prétexte que lui n’a pas, en plus, fait comme toi dans le racisme putride.

Tu n’es victime de rien ni de personne Mehdi, sauf de ta duplicité, de ton arrivisme et de tes amis qui t’ont encouragé à poursuivre dans cette voie malfaisante que seule leur lâcheté leur interdisait d’emprunter. Tu as été leur chair à canon, leur tirailleur sénégalais. En première ligne à leur place. Et plus tu décodais l’admiration dans leurs hurlements de rire, plus tu tutoyais l’immonde. C’était toi le type gonflé qui exprimait tout haut ce qu’ils régurgitent depuis si longtemps. Ils se sont repassé tes « saillies » de salon en SMS, tes blagues de déjeuners en tweets, puis au moment ou ça a pété pour toi, ils ont sauvé les apparences puisque c’est tout ce qu’ils ont à sauver. 

A lire aussi: Alain Finkielkraut : « Avec l’affaire Meklat, le système a dû céder la place à la réalité »

En connais-tu un seul dont la carrière ait été un tant soit peu remise en cause lorsque tu as connu l’opprobre ?

Et aujourd’hui, au lieu de leur en vouloir, au lieu de t’en vouloir, tu viens accuser les Français d’intolérance ?! Tu oses nous raconter que tu es finalement toi-même une victime ?!

Tu t’étonnes que tes excuses ne soient pas prises au sérieux ? Mais comment veux-tu que l’on croie une seconde à leur sincérité alors que toi qui prétends « questionner les limites » n’as même pas la décence de commencer par t’interroger sur toi-même.

Tu oses venir nous faire la leçon alors que tu reviens avec un livre chez l’un des plus grands éditeurs de cette salope de France qui n’aimerait pas les Arabes ? Réalise Maximilien ! 

Tu oses parler d’un « fantasme raciste », à cause de tes origines ? Mais où est le fantasme ? Les mots ont un sens. Les tiens sont immondes et n’ont nul besoin d’être amplifiés et déformés par une quelconque extrapolation. Que ton racisme ne soit dirigé que contre les juifs et les Blancs et jamais contre les Noirs et les Arabes n’est pas un fantasme. C’est même la preuve que ton « côté maléfique » était parfaitement ciblé et donc pas du tout délirant.

Lol Marcelin, lol

Tu essaies d’accuser celles qui ont exhumé tes saloperies de parti pris : « Mais ce qu’elles ne font pas, c’est de chercher des occurrences autres comme “Arabes”, “musulmans”, “Pakistanais”... », te plains-tu sur le plateau de « Quotidien ».

Parce qu’il y avait des choses à trouver avec ces occurrences omises ? Je suis très étonné que tu ne les aies pas sorties au moment de la polémique, comme preuve évidente que le racisme de Marcelin Deschamps mitraillait absolument tout le monde. Cela aurait été facile. Au lieu de ça, tu as effacé tous tes tweets et maintenant qu’on ne peut plus vérifier tu prétends qu’il y en avait pour tout le monde ? Lol Marcelin, lol. Fais-nous la grâce de ne pas en plus nous prendre pour des idiots.

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Tu n’es victime de rien, Mehdi. Tu es un privilégié qui devrait être heureux de n’avoir fait l’objet d’aucune plainte, ni de Finkielkraut, par exemple, lorsque tu tweetais qu’il fallait « casser les jambes à ce fils de pute », ni de Natacha Polony que tu traitais de pute aussi et voulais égorger pour l’Aïd en en faisant ton mouton. 

Je te rappelle qu’à la même époque, Anne-Sophie Leclère, ancienne candidate du Front national aux municipales dans les Ardennes, avait été condamnée (et j’en suis ravi) à 3 000 euros d’amende avec sursis pour « injure publique raciale », après avoir comparé l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira à un singe. Te rends-tu compte que 3 000, c’est le tarif sans égorgement du singe ? Combien t’aurait coûté ton mouton de l’Aïd devant la justice d’après toi ?

Devant les Français, blanc, juifs, femmes, PD ou juste républicains, le prix de ton méfait est ta crédibilité. Nous ne te croyons plus. 

Ce n’est pas cher payé finalement. 

Attentat de Strasbourg: comment on fabrique le déni

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L’attentat de Strasbourg a mis en acte plusieurs facettes du déni tel qu’il se pratique en France, chaque fois qu’il est question d’islamisme ou de terrorisme islamiste.


Règle n°1: le déni est d’abord celui de l’Etat et de la classe politique

Le 12 décembre, alors qu’il est déjà acquis qu’un terroriste islamiste nommé Chérif Chekatt, d’origine algérienne, délinquant multirécidiviste, tire à vue sur les badauds du marché de Noël de Strasbourg, les pouvoirs publics s’emploient à nier l’attentat. Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, sur France Inter, refuse de qualifier les actes du tueur islamiste d’ « attentat ». Quelle raison donne-t-il ? « Le tireur n’a jamais essayé de se rendre en Syrie ».

Bruno Studer, député LREM, a sangloté deux jours plus tard sur les bancs de l’Assemblée nationale en déclarant : « Hier soir, un Strasbourgeois né à Strasbourg, un Alsacien né en Alsace, un Français né en France, et n’ayant grandi nulle part ailleurs qu’à Strasbourg, en Alsace et en France, a décidé pour des raisons que l’enquête déterminera de semer la terreur sur le marché de Noël de Strasbourg ».

MM. Studer et Nunez ont cherché tous deux à déréaliser le réel. Telle est la définition du déni. Les attentats islamistes ne sont pas des attentats islamistes car l’islam est une religion de paix et d’amour. Questionner l’islam reviendrait à « stigmatiser » l’ensemble des musulmans. L’attentat de Strasbourg doit rester l’acte isolé d’un « Français » lambda, incompréhensible, et donc dément. Telle est d’ailleurs la thèse de la justice depuis 2015 : les terroristes sont des déséquilibrés qui agissent seuls.

Il serait bien sûr inacceptable, tant sur les plans moral que politique, de pointer un doigt accusateur sur l’islam et les musulmans. Mais le dédouanement en bloc, la négation de la sécession politique et culturelle d’une frange importante de la communauté des Français musulmans, sont-ils pour autant acceptables ?

Règle n°2: le déni s’appuie sur les « experts »

Cette politique publique du déni est servie par de puissants alliés. Médias et experts s’associent souvent pour conforter la thèse que l’islam ne saurait être meurtrier. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule technique connue : transformer le tueur en victime. C’est ce qu’ont fait le 14 décembre, Le Monde et Farhad Khosrokhavar, « expert » de l’islam et auteur de plusieurs livres sur le sujet. Affirmer que Chekatt « est un individu animé par un islamisme radical, fait peur à la société et crée une atmosphère de panique généralisée », explique M. Khosrokhavar. Refusant de « faire peur », M. Khosrokhavar a donc développé la thèse devenue un classique que Chekatt était un pauvre garçon « désespéré » « qui veut en découdre avec la société, en a assez de vivre une vie éclatée entre la prison et le monde extérieur ». Strasbourg n’a pas été victime d’un attentat islamiste mais d’un « moment de fragilité psychologique ou un désir de revanche » sociale d’un malheureux.

Le chercheur Olivier Roy est le chef de file de cette école de la désinformation. Olivier Roy analyse la réislamisation des sociétés musulmanes comme la conjonction de quêtes existentielles individuelles. « Allah akbar » serait selon lui l’équivalent du peace and love des hippies des années 1960. Plus la chape islamiste massifie les populations, plus il perçoit les rues du Caire comme peuplées de hippies musulmans en quête de solutions personnelles.

On voit bien l’intérêt de cette « théorie » pour les pouvoirs publics. Elle permet de ne pas répondre à cette question vitale que chaque Français se pose : le musulman du coin de la rue est-il ou non cet inquiétant voisin qui menace de découper le juif ou le mécréant à la machette ? Olivier Roy et Farhad Khosrokhavar contribuent au déni de l’Etat quand ils bottent la question en touche et affirment que les jeunes radicalisés ne sont pas des terroristes islamistes, mais des hippies qui ont mal tourné.

Gilles Kepel, l’un des rares vrais experts français de l’islam, s’est indigné sur FranceTv info de ces calembredaines meurtrières : « Certains spécialistes, comme le sociologue Farhad Khosrokhavar, expliquent que Cherif Chekatt n’était pas un djihadiste mais un déprimé, qu’il a fait cela par désespoir. On a là l’explication de l’échec total de ce qu’a été notre politique par rapport à ce phénomène : l’incapacité à comprendre la dimension idéologique de la radicalisation, à comprendre ce qu’il se passait dans les prisons, etc. Il faudrait que le président de la République se saisisse de cette question et arrête de faire en sorte que notre administration soit à côté de la plaque sur ce type d’enjeu. »

Mais à quoi bon s’égosiller dans le désert. Les forces du déni sont puissantes.

Règle n°3: les médias sont le principal relais du déni

Aux tenants de la classe politique et des experts, il faut ajouter les médias. Quelle meilleure façon d’accréditer la thèse du déséquilibré dans le public que d’aller interviewer le père et la mère du terroriste assassin. Lesquels, comme n’importe quelle famille française, ont éduqué leur rejeton dans le respect de la loi et de l’ordre républicain. Le déni fonctionne sur ces présupposés communs. Comme l’islam, la famille est un relais de paix et d’amour.

France 2 est donc allé interviewer la famille Chekatt. Et les Français ont découvert le père Chekatt, le chef orné d’un bonnet à l’effigie de Che Guevara et portant la barbe teinte en roux des salafistes les plus radicaux. La question de France 2 était : comment votre fils a-t-il pu aussi mal tourner ? La réponse du père (des voisins, des amis, de la grand-mère) est toujours la même : il était très-très gentil.

Bref, la télé filme le cœur d’une cellule islamiste radicalisée, mais refuse de voir ce qui crève les yeux :  le père est lui-même islamiste, fiché S [ndlr: ce texte a été publié avant le démenti de France 2: « Contrairement à ce qui est indiqué dans le commentaire du reportage, le père de Cherif Chekatt n’est pas fiché S »] et se teint la barbe en roux, au henné pour mieux imiter le prophète. Ils sont en France depuis trente ans, parlent à peine le français, et les murs délabrés de leur appartement, son mobilier plus que sommaire témoignent moins de la pauvreté que du refus de s’installer confortablement dans la société française.

Aucune question dérangeante ne sera posée : pourquoi portez-vous la barbe des salafistes? Que signifie ce bonnet à l’effigie de Che Guevara ? Quelle éducation avez-vous donné à votre fils pour qu’il soit considéré comme un délinquant même par les enseignants de son école primaire ?…

Le déni est si puissant que les islamistes radicaux n’ont même plus besoin de se cacher. Ils sont là au grand jour et personne ne veut les voir. La police elle-même a relâché le couple parental après moins de 24 heures d’interrogatoire. Rappelons que les services sociaux ont mis gracieusement un logement social à Tremblay-en-France, à la disposition de Zoulikah Merah, la mère de Mohamed Merah pour qu’elle puisse se rapprocher de son fils Aldelkader Merah, incarcéré à Villepinte en 2017.

Règle n°4: « Vous n’aurez pas ma haine »

L’autre forme du déni médiatique est de trouver celui qui clamera « vous n’aurez pas ma haine ». Un rôle que le professeur Philippe Meirieu a tenu à merveille lui, dont le tweet sera abondamment relayé par les réseaux sociaux. « Attentats de Strasbourg : la barbarie est là, tapie dans notre quotidien. Surtout ne pas oublier que le passage à l’acte, même préparé de longue date, peut toujours être suspendu par un mot, un geste, une rencontre. Adoucir le monde, voilà l’urgence. »

Règle n°5: le musulman est la seule victime de la société française

Enfin, ce concert déréalisant, se termine toujours par les mêmes points d’orgue : les déclarations des leaders de la communauté musulmane. Ils viennent toujours opportunément rappeler qu’il n’existe qu’une seule victime en France, c’est le musulman. « Les musulmans vivent dans un climat anxiogène », a déclaré Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris dans un entretien accordé début décembre à un journal algérien. Le même trouverait profondément inconvenant que l’on se demande si les Français non-musulmans ne vivent pas eux-aussi dans un climat anxiogène. Du fait des musulmans radicalisés par exemple.

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France 3 retouche « Macron dégage »: la censure, c’était mieux avant

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Une photo de l’AFP montre un manifestant brandir une pancarte « Macron dégage ». Le journal télévisé de France 3 l’a utilisée. Problème, le « dégage » a été gommé. La chaîne parle d’une « erreur humaine ». 


La liberté d’expression et d’information ne se porte décidément pas très bien dans ce pays. Quelques jours à peine après l’adoption en nouvelle lecture à l’Assemblée de la très controversée et liberticide loi anti « fake news », ayant pour but à peine caché d’empêcher la circulation d’informations ou d’analyses prétendument fausses – c’est-à-dire bien souvent différentes – émanant des réseaux sociaux ou de certains organes de presse russophiles, voilà que, ô surprise, on découvre avec amusement que les truqueurs d’information sont en réalité tapis dans la citadelle de l’audiovisuel public, si prompte à donner des leçons.

« Macron », c’est un peu court !

Les téléspectateurs et internautes ont ainsi pu découvrir au JT de France 3 du samedi 15 décembre qu’une photo prise par un photographe de l’AFP, devant les marches de l’Opéra Garnier où s’étaient rassemblés des manifestants gilets jaunes, avait purement et simplement été modifiée. Une pancarte « Macron dégage » a ainsi été changée grâce à l’intervention de la gomme magique de Mary Poppins en simple « Macron », invocation poétique ou incantatoire se suffisant à elle-même. Performance d’art contemporain peut-être ? « Macron ! », un Macron autotélique et universel faisant message à lui tout seul par l’énonciation de son signifiant miraculeux.

Par pudeur de gazelles, nos propagandistes en culottes courtes ont toutefois restreint l’expression de leur flamme et ne sont pas allés jusqu’à écrire « Macron je t’aime », « Macron pour la vie » ou « Macron tiens bon ! », de peur sans doute que leur amour n’éclate trop au grand jour.

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Aussitôt, la toile s’est enflammée, la tricherie à l’information ayant tôt fait d’être démasquée : il est en effet de plus en plus difficile de tromper son monde à l’heure où les réseaux sociaux permettent l’uberisation du « fact checking ». Tout un chacun peut rapidement confronter des éléments d’information et de vérification. Diffuser tranquillement des images de propagande comme au bon vieux temps de l’Union soviétique ou de la guerre froide n’est plus aussi facile qu’autrefois. La propagande, c’était mieux avant.

Une « erreur humaine » d’une « personne opérationnelle »

Rapidement contactée par Libération et son service métajournalistique « Checknews » de journalistes vérifiant que les journalistes font bien leur travail de journalistes, par l’AFP mais aussi par des téléspectateurs aussi stupéfaits qu’en colère, France 3 s’est fendue d’excuses à la fois pataudes et croquignolesques, reconnaissant une « erreur humaine ». Las, la bafouille est encore plus consternante et comique que les faits eux-mêmes. Une « erreur humaine », donc… : voilà bien rassurés les téléspectateurs qui s’inquiétaient d’une éventuelle intervention de robots malfaisants,  de bots macroniens ou de loups garous ayant subitement pris le contrôle de la chaîne à la faveur d’une nuit de pleine lune !

Il s’agirait donc plutôt, selon les responsables, d’une « personne opérationnelle»,  dont le doigt aurait malencontreusement ripé sur Photoshop pile sur le message le plus présent, le plus tonitruant et le plus constant dans toutes les manifestations des gilets jaunes, celui que l’exécutif n’aura eu de cesse de contourner et d’essayer d’invisibiliser, de nier : le départ ardemment souhaité de Macron au regard de la détestation qu’il est parvenu à cristalliser, en raison à la fois de ses mesures mais aussi de son style. Quel manque de chance ! Quel hasard diabolique ! Pas de bol, aurait dit François Hollande !

Passons sur l’énigmatique expression de« personne opérationnelle », merveille de la novlangue managériale, qui semble désigner une créature étrange, se mouvant quelque part entre le technicien agent secret et l’intelligence artificielle la plus aboutie. On est toutefois soulagé d’apprendre que les « personnes opérationnelles » qui préparent le JT du service audiovisuel public ne sont pas « non opérationnelles », au cas où certains auraient eu des doutes…

La censure inconsciente

Le plus préoccupant dans cette affaire n’est pas l’hypothèse, relativement peu crédible, d’une censure à l’ancienne émanant directement de l’Elysée comme aux riches heures de l’ORTF. La censure contemporaine n’a plus besoin, ou très exceptionnellement et rarement, de s’assumer directement comme telle de la part du pouvoir. Elle s’exerce par intériorisation des prescriptions, par autocensure, par soumission, par subordination, par couardise, par capillarité idéologique. Elle est diffuse, pernicieuse, larvée. Si on la découvre, elle fait payer quelque lampiste, ne se reconnaît aucune responsabilité puisqu’elle est partout et en même temps nulle part.

Car enfin, si l’on peut regretter qu’un agent, quel qu’il soit, ait pris cette malheureuse initiative, on peut surtout s’interroger sur les raisons qui lui ont fait penser que cet acte était à la fois anodin et souhaitable, outre qu’on peut de plus en plus s’interroger sur ce qui est enseigné dans les écoles de journalisme. Tout comme le pouvoir n’a plus à donner des ordres pour que le parquet financier lui serve de petite main et ne déclenche opportunément des poursuites contre ses adversaires politiques, ce-dernier étant d’accointance idéologique avec lui, de la même façon un nombre croissant de « journalistes » et d’acteurs du secteur de l’information sont de plus en plus simplement porteurs d’une vision idéologique, sociale, politique, qu’ils relaient spontanément sans même qu’on ait besoin de faire pression sur eux, braves petits soldats, et qui se trouve en accord avec un pouvoir qu’ils ont par ailleurs largement contribué à mettre en place. C’est exactement pour cela qu’il est important que des organes de presse différents, divergents (nous ne sommes plus très loin d’avoir à dire « dissidents ») de contre-information existent, afin que les analyses, les sources, les visions, les récits soient confrontés les uns aux autres, puisque c’est de la confrontation des regards, des faits et des narrations que naît la vérité, et non pas de l’imposition dogmatique d’un message unique aussi lénifiant que terrifiant. Dans le cas contraire, on se retrouve ni plus ni moins avec le ministère de la Vérité que l’on dénonçait à juste titre lors du projet de loi « fake news » et qui semble s’installer tout tranquillement, retour retors de la censure à l’ère du soft power.

Une « erreur » et une leçon de morale

Et comme si cela ne suffisait pas, n’écoutant que son courage et ses belles convictions chevillées au corps, France Télévisions n’a pas toutefois pu s’empêcher de distiller un peu de morale à la fin de sa déclaration, allant sans la moindre vergogne jusqu’à mettre en garde : « Il faut raison garder en ces temps de complotisme ». On croit rêver.  Pris la main dans le pot de confiture, les voici encore en train de faire la morale et de criminaliser les regards critiques : on se pince pour le croire ! C’est dire le sentiment d’impunité, la conviction du bien-fondé de la vision du monde et de l’information à sens unique qu’ils relaient.

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On se doute en effet que le CSA, habituellement si prompt à dégainer contre tous les mal-pensants et sexistes de la création (à l’exception bien sûr des chroniqueurs du service audiovisuel public qui, comme Daniel Morin, se permettent des propos inadmissibles envers la journaliste Charlotte d’Ornellas, laquelle a le malheur de travailler pour Valeurs Actuelles, du côté du Mal donc, et pour qui l’on adaptera spécialement à la baisse le niveau d’indignation antisexiste en ne déclenchant aucune enquête ni aucune plainte), n’entreprendra aucune procédure d’élucidation de ce phénomène paranormal poussant un agent, fût-il « opérationnel » à modifier des images pour les rendre compatibles avec le pouvoir en place. Circulez, il n’y a rien à voir, c’est le cas de le dire puisqu’on efface les messages dérangeants.

Macron avait raison

On lisse, on gomme, on aseptise, on caresse le pouvoir extrême-centriste dans le sens du poil, on euphémise, on invisibilise le réel pour l’avènement de l’extrême-rien. Au pire, le lampiste paiera alors qu’il n’est en l’occurrence non pas véritablement « agent » mais « agi » par un système idéologique gangrenant le monde de l’information.

Cet incident remettant en cause lourdement l’éthique journalistique est particulièrement symptomal mais aussi malvenu lorsqu’on sait le soupçon de collusion entre les principaux médias (publics ou non) et le pouvoir politique qui règne dans l’esprit de très nombreux gilets jaunes et, d’une manière générale, de citoyens de plus en plus critiques et réticents face aux discours et autres bourrages de crâne qu’on leur impose. Des journalistes de BFM TV ont d’ailleurs parfois été pris pour cibles dans les manifestations tandis que des slogans hostiles aux médias sont devenus monnaie courante. Outre l’usage de la violence qui n’est pas acceptable, on serait toutefois bien en peine à présent de leur donner tort quant à leur ressenti et la réconciliation entre ces deux mondes ne sera donc pas encore pour cette fois.  Il est vrai qu’Emmanuel Macron lui-même avait déclaré que l’audiovisuel public était « une honte ». Cet épisode visant à protéger son image lui donne paradoxalement raison.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des femmes bâtées


Elle est de retour. Najat Vallaud-Belkacem, l’inoubliable ministre de l’Education période président normal, vient de signer une tribune dans Le Monde: apparemment, la société tolérerait les violences faites aux femmes…


Coucou la revoilà. On se demandait où était passée Najat Vallaud-Belkacem. Peut-être dans un ashram privé de connexion haut débit. L’ancienne ministre du désastre scolaire se rappelle à notre souvenir avec une tribune délicieusement intitulée : « Violences faites aux femmes : “La tolérance sociale, principale alliée du scandale” ». En fait de tolérance, on peine à trouver un refus plus consensuel. À l’exception d’un ou deux imams mal embouchés, je ne me rappelle pas avoir jamais entendu qui que ce soit déclarer publiquement qu’il était bon de battre sa femme, et je ne connais aucun homme qui le pense, heureusement d’ailleurs.

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Ajoutons que, depuis le début de la glorieuse « révolution #metoo », en octobre 2017, des milliers de tribunes ont été publiées, des dizaines de réunions et de débats télévisés organisés. Le Monde rappelle fièrement qu’il a créé, en pleine affaire Weinstein, une task force de 15 journalistes pour travailler sur les affaires de harcèlement sexuel. « Parce qu’elle est majeure pour nos sociétés, cette thématique doit constituer une de nos priorités éditoriales pour les prochains mois sur tous nos supports », écrivait Luc Bronner dans un courriel adressé à l’ensemble des journalistes de la maison. Tolérance sociale, qu’elle disait. Tu parles.

Najat, les yeux, les oreilles et la queue

On serait bien en peine de trouver en France un politique, un journaliste ou un intellectuel qui n’ait pas proclamé, la main sur le cœur, son adhésion de chaque instant à la cause des femmes. Les imprudents qui se sont risqués à blaguer sur le sujet savent désormais qu’il est déconseillé d’en rire. Seulement, aussi sévère soit la loi, elle ne peut pas encore interdire les mauvaises pensées, ce qui désole notre experte en langue de bois : « Selon une étude récente effectuée par Ipsos, écrit-elle encore, un homme français sur cinq, et un homme américain sur trois, pense que les femmes “exagèrent souvent les cas de viol ou de violences” qu’elles rapportent. La parole se libère certes, pas toujours les oreilles et les yeux de celles et de ceux qui ne mesurent pas la dureté de cette violence quotidienne et tristement ordinaire. » Comme chacun sait, les femmes ne mentent pas et n’exagèrent jamais.

Un Occident peuplé de saintes-nitouches et de prédateurs

Sans doute faut-il répéter qu’à Causeur, nous sommes autant révoltés que Najat Vallaud-Belkacem par les viols, les agressions, les mariages forcés et autres violences subies par les femmes. Mais nous refusons de prendre au sérieux les chiffres invraisemblables ou absurdes qui racontent un Occident peuplé de saintes-nitouches et de prédateurs : ainsi, à en croire une étude de 2015 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 100 % des femmes ont déjà été harcelées dans les transports en commun. Tout juste sortie du four, l’enquête sur le harcèlement de rue menée par la Fondation Jean-Jaurès et l’IFOP auprès de 6 000 femmes européennes conclut quant à elle que 86 % des Françaises ont été harcelées au cours de leur vie. Seulement, un peu plus loin, il est précisé que « 18 % d’entre elles affirment avoir été regardées avec insistance, un pourcentage qui grimpe à 71 % quand la question est élargie à l’ensemble de l’existence. » Résumons : 86 % de femmes harcelées, mais seulement 71 % qui ont subi un regard insistant, il faudra m’expliquer.

La science de la communication

Les innombrables militants de l’excellente cause des femmes adorent brandir ces chiffres effroyables qui, reposant exclusivement sur les déclarations des victimes, donc sur leur « ressenti », comme on le dit dans la novlangue contemporaine, sont par nature invérifiables. Donc incontestables. En revanche, on connaît avec précision le nombre de femmes assassinées par leur conjoint. Le 26 novembre, on apprenait de source gouvernementale qu’on avait déploré 109 victimes en 2017, contre 123 en 2016. Imaginons un instant que 2017 ait été plus meurtrière que 2016. Marlène Schiappa aurait lancé un plan d’urgence, les éditorialistes auraient (à juste titre) rivalisé dans la consternation. Curieusement, aucune féministe ne s’est réjouie de cette réduction de 12 % du nombre de victimes. Pour frapper les esprits, on a martelé sur tous les tons que cela faisait une femme tuée tous les trois jours. Aussi révoltant et déchirant soit le sort de ces malheureuses et celui de toutes celles qui, si elles ne meurent pas, subissent au quotidien un connard violent, dans un pays qui compte, à la louche, 25 millions de femmes adultes, cette fréquence prouve pourtant que ces tragédies sont l’exception et non la règle.

Mauvaises gagnantes

Cet acharnement à noircir un tableau qui certes n’est pas tout rose n’est guère surprenant. Comme l’avait joliment résumé Alain Finkielkraut, « les féministes d’aujourd’hui sont de mauvaises gagnantes ». Sans doute comprennent-elles que le statut de victime présumée ou potentielle qu’elles entendent conférer à toutes les femmes est leur meilleure arme dans la lutte des places qu’elles ont engagée contre les hommes.

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Monsieur Macron, les gilets jaunes reviendront

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Rappelez-vous :

« Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »

C’est dans le Mariage de Figaro, écrit en 1778 mais joué pour la première fois dans une vraie salle de théâtre en 1784. Si peu de temps avant la Révolution ? Oui.

Pourvu que je n’exige pas le rétablissement de l’ISF…

À quel propos évoqué-je Beaumarchais ? Une idée qui m’a traversé lundi dernier, en écoutant Macron. « Pourvu que je n’exige ni rétablissement de l’ISF, ni augmentation réelle du SMIC, ni taxation juste des grands groupes en général et du GAFAM en particulier, ni référendum d’initiative populaire, ni excuses pour les abus de langage du président de la République, je puis parler de tout librement — tant que je m’en tiens aux formes « démocratiques », ce qui consiste à m’en remettre à la représentation nationale et à des députés-godillots… »

Parce qu’enfin, les milliards perdus par la suppression de l’ISF, il faut bien aller les chercher quelque part — dans les poches de ceux qui n’ont pas grand-chose, par exemple. L’agent, surtout depuis que nous n’avons plus — contrairement aux Américains, aux Russes, aux Chinois et aux Japonais — la capacité de le créer nous-mêmes, il faut bien aller le chercher là où il est. Pas dans les banques qui prospèrent magnifiquement, mais chez les fauchés.

Quant au SMIC, je me demande (non, je ne me demande pas, en fait) comment feraient Macron et ses ministres pour vivre — se loger, manger, élever ses enfants, et payer le gaz, l’électricité et les impôts — avec 1200 € par mois.

L’Espagne et les travailleurs riches

Pendant ce temps le Premier ministre espagnol relève le SMIC ibérique de 22% en affirmant : « Un pays riche ne peut avoir des travailleurs pauvres ». Ciel, il va ruiner les entreprises de son pays ? Pas même, explique Libé. Et Podemos se paie le luxe de railler « l’indifférence sociale » de Macron, «  une des causes de l’explosion contestataire des gilets jaunes, une rébellion que nous voulons éviter ». Mais vous savez qu’ils pensent, en Espagne !

En 1629, Antonino Diana, un célèbre Jésuite, commence à publier ses Resolutionum moralium partes duodecim, dans lesquelles, reprenant l’opinion du doctissime Gabriel Vasquez, autre casuiste de référence, il note : « Ce que les personnes du monde [i.e les nobles] gardent pour relever leur condition et celle de leurs parents n’est pas appelé superflu ; et c’est pourquoi à peine trouvera-t-on qu’il y ait jamais de superflu dans les gens du monde, et non pas même dans les rois. » Traduisons, à l’usage de nos contemporains : les gens riches ne sont jamais assez riches pour maintenir leur condition de gens riches ; ils n’ont donc pas à payer d’impôt — ni, au XVIIe siècle, à pratiquer l’aumône. Seuls les pauvres y sont astreints. Cela émeut Pascal (dans la Sixième Provinciale). Cela n’émeut apparemment pas Emmanuel Macron. Il est pourtant facile d’imposer les riches, à commencer par les riches entreprises, sur la part de bénéfices acquis en France. Mais on ne le fait pas — alors que les Américains n’hésitent pas, eux, comme l’explique Marianne cette semaine.

La colère est toujours là

Mais l’essentiel n’est pas dans ces considérations technocratico-économique : je ne suis pas Marine Le Pen pour me laisser enfermer dans un débat financier. L’essentiel est dans le mépris dont on inonde le peuple. Et dont on l’a inondé déjà lorsqu’une conjuration de politiciens et de médiocrates (le médiocrate est, comme son nom l’indique, un homme de médias de niveau médiocre) ont renversé le vote négatif sur Maastricht.

Cela fait des années que ces membres de l’oligarchie se croient supérieurs parce qu’ils ont le pouvoir au terme de processus électoraux biaisés. Des années qu’ils méprisent le peuple. Eh bien, quitte à en rester au XVIIe siècle, qui vaut bien le XXIe, voici que ce que Cardinal de Retz déclarait à Condé, qui avait pour la populace le mépris de tous les aristocrates, au moment de la Fronde :

« Je sais que vous comptez les peuples pour rien ; mais je vous supplie de me permettre de vous dire que l’on les doit compter pour beaucoup, toutes les fois qu’ils se comptent eux-mêmes pour tout. Ils en sont là : ils commencent eux-mêmes à compter vos armées pour rien, et le malheur est que leur force consiste dans leur imagination ; et l’on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissance, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir. » (quand même, quelle puissance d’analyse, et quelle classe stylistique ! Etonnez-vous que Retz fût l’une de lectures préférées de Mitterrand — l’un des derniers présidents à avoir des Lettres…)

Là encore, transposons. Peu importent les…

>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<

 

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Cinéma: voir « Roma » et mourir

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En conflit avec son distributeur Netflix, le festival de Cannes n’a pas sélectionné le dernier film d’Alfonso Cuarón. Dommage, récompensé à Venise, Roma est une pure merveille.


Les critiques ciné un peu pompeux n’en démordent pas : les magnifiques séquences en noir et blanc du film d’Alfonso Cuarón méritaient le grand écran ! Ils sont surtout dégoûtés que Roma échappe au circuit économique traditionnel du cinéma. Mais c’est ainsi : depuis le 14 décembre, Roma est visible uniquement sur Netflix. Comme le premier mois est offert sans engagement, on peut le voir gratuitement, ce qui est bien aussi. Alors que Mowgli, du même studio Netflix, est inintéressant, Roma est un ravissement qui nous arrive juste avant Noël. Son caractère dramatique n’en fait pas pour autant un film familial.

Petit peuple et petits bourgeois

Après le succès de Gravity en 2013, dans lequel il envoyait Sandra Bullock et George Clooney dans l’espace, le mexicain Alfonso Cuarón est enfin de retour. Il projette cette fois ses (télé)spectateurs dans le Mexique des années 1970. Pourquoi Roma, alors ? C’est le nom du quartier de Mexico où il a passé son enfance, au sein d’une famille de la petite bourgeoisie.

Dans cette chronique historique et sociale ambitieuse, nous suivons essentiellement Cléo, la bonne (Yalitza Aparicio, premier film). Si elle n’est pas complètement Cosette, la jeune domestique indienne au service de cette famille de médecins blancs mène une dure vie de labeur. Les contrariétés plus ou moins grandes reviennent inlassablement la miner, à l’image de l’allée du domicile familial parsemée de crottes de chien qu’elle s’applique à nettoyer et qui ne sera jamais assez propre au goût de la patronne. Un jour, Cléo tombe enceinte d’un garçon qu’elle fréquente sur son temps libre. Abandonnée par le mauvais larron, elle craint à présent de perdre sa place et d’être renvoyée dans sa campagne…

Comme elles portent le monde

Fêtes grandioses aux innombrables figurants, réunions de familles, scènes de plage ou répression sanglante des étudiants lors du massacre des Halcones (1971) : de magnifiques reconstitutions nous plongent dans l’enfance fantasmée du réalisateur. Scènes militaires, bidonvilles et plan-séquences à la campagne, le voyage temporel dans le Mexique des années 1970 est magistral. Cette époque perdue à jamais, reconstituée avec de gros moyens, est une évocation quasi-proustienne de l’enfance de Cuarón. Comme la caméra, on reste cependant fort éloigné des affects des personnages. Les émotions sont à peine palpables, le film et ses protagonistes font preuve d’une grande pudeur.

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Les blessures de l’enfance ne se referment jamais vraiment et on ne les évoquera plus adulte. Cela explique peut-être que le film soit si peu bavard. Le regard de la brave Cléo, dans lequel il n’y a rien et il y a tout, ainsi que ce Mexico d’antan sont inoubliables. Le rôle des femmes, qui y portent le monde et la société, est sublimé.

Arrêtons-nous ici. Toute la critique encense de toute façon déjà Roma, dont on pourrait parler des heures ! Je ne veux plus vous retarder : vous avez un film merveilleux à visionner.

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Paris: ex-startupeuse ouvre fromagerie artisanale

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Clara Solvit dans sa fromagerie La Fontaine à Paris. ©ET

A Paris, une jeune femme a repris la fromagerie traditionnelle La Fontaine. Après des années passées dans la com’ ou l’économie, Clara Solvit a ressenti le besoin de faire un métier qui, à ses yeux, comptait vraiment: artisan-fromager.


« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ? » (Charles de Gaulle)

« L’âge importe peu à moins d’être un fromage. » (Luis Buñuel)

Beaucoup de Français partis vivre au Canada, en Australie ou au Qatar, s’en sont revenus dare-dare, après s’être rendus compte qu’ils ne pouvaient tout simplement pas se passer de fromages au lait cru. Car, pour un Français, aller chez un bon fromager, qui plante son doigt dans un époisses de Bourgogne affiné au marc (Napoléon en raffolait avec un verre de Chambertin) est, quand même, l’un des plaisirs de la vie, et un vrai signe d’appartenance à la civilisation française qui irrigue sa mémoire, ses veines, son cœur.

La fromagerie de Marcel Proust ?

Nous sommes d’ailleurs quelques-uns à avoir proposé au ministre de l’Education nationale une initiation aux fromages au lait cru à nos enfants de sixième, avec cartes de France Vidal de la Blache suspendues au tableau à l’appui, histoire de leur montrer où se trouve l’Auvergne et le Pays basque, et, accessoirement, de leur rappeler que les chabichou du Poitou descendent directement des chèvres laissées par les Sarrasins, lorsque ceux-ci furent chassés de Poitiers par Charles Martel en 732 (une des dates que l’on apprenait par cœur au CM2 dans les années 1970 mais aujourd’hui, c’est interdit).

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A Paris, il existe plusieurs fromagers de renom connus internationalement (inutile donc de leur faire de la publicité). Mais connaissez-vous la fromagerie La Fontaine ? C’est l’une des plus anciennes de Paris, elle date de 1890. Sept générations de fromagers, sans discontinuer. Pour dénicher cette merveille classée aux Monuments historiques, il suffit de se rendre dans le quartier d’Auteuil, dans le seizième arrondissement. A chaque fois que je quitte mon dixième arrondissement et que je me retrouve là, j’ai le sentiment d’être dans un village, un siècle en arrière. Marcel Proust est né en 1871 au 96 rue La Fontaine et y vécut jusqu’en 1896. Nul doute, donc, que sa mère, ou, plus vraisemblablement sa nounou, la cuisinière Félicie, immortalisée sous les traits de Françoise dans La Recherche, et qui, selon Proust, réalisait un bœuf mode d’anthologie (« Ah, c’est froid que je le préférais, avec de la gelée et les petites carottes ») ne se fût rendue à cette fromagerie pour venir y chercher un bon brie de Meaux bien coulant.

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La fromagerie La Fontaine connut son âge d’or il y a 50 ans, avant l’arrivée des supermarchés, quand les habitants du quartier allaient y acheter leur beurre, leur crème et leurs œufs (trois produits de base dont, selon le chef étoilé Jean-François Piège, la qualité moyenne s’est effondrée ces dernières années).

Comme une odeur d’ancien monde…

Mais s’il faut absolument découvrir ou redécouvrir cette admirable fromagerie, qui est restée dans son jus, avec sa cave d’affinage historique, ce n’est pas seulement pour la beauté de sa façade, ni pour la qualité du Mont d’or au lait cru, c’est pour ses nouveaux propriétaires, un couple de jeunes passionnés, âgés de moins de 30 ans, bardés de diplômes, qui ont décidé de refaire leur vie et de redonner ses lettres de noblesse à ce beau métier méconnu de crémier-fromager, qui n’est reconnu officiellement comme un métier d’artisan traditionnel que… depuis 2015 (comme si choisir, affiner, et conseiller des fromages avait été jusque-là un travail à la portée du premier venu, alors qu’il faut des années d’apprentissage et de connaissances pour savoir quand un saint-nectaire affiné sur de la paille de seigle est vraiment à point) ! Clara Solvit et son fiancé Lucien Dumond sont donc des héros de notre temps.

Quand ils sont nés, dans les années 1980, Bernard Tapie était l’icône de la gauche réconciliée avec l’argent. On apprenait aux étudiants d’HEC et de l’ESSEC que l’industrie c’était fini, et qu’on entrait dans une nouvelle ère, celle de la société de services. Que la France des terroirs était moisie. Que les Français étaient des beaufs. Jusqu’en 2000, cette idéologie mortifère a prospéré, les jeunes diplômés rêvaient de devenir patrons de Startup, cadres sup à La Défense ou traders à la City de Londres.

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Vingt ans après, les mêmes n’aspirent plus qu’à changer de vie, à laisser tomber la banque, la publicité, les nouvelles technologies, pour devenir boulangers, vignerons ou luthiers… C’est une révolution profonde que nos sociologues et nos éditorialistes ont peine à reconnaître.

Méprisé par tout un système éducatif, dont les préjugés millénaires remontent à la Grèce antique et selon lesquels les métiers manuels sont par définition « inférieurs » aux métiers intellectuels, l’artisan, aujourd’hui, renaît de ses cendres, et fascine d’autant plus qu’il est devenu rarissime (essayez de trouver un vrai artisan plombier, un bon peintre, un menuisier compétent, un boucher qui sait couper sa viande…).

« Mets-toi à ton compte, reprends une fromagerie ! »

Clara et son amoureux ont donc entamé leur conversion, après des années d’hésitation. « J’ai travaillé des années dans l’économie et la gestion, le marketing, le journalisme, la communication, et puis j’ai compris un jour que je n’étais pas heureuse, et qu’il me fallait trouver un métier qui me rendrait en accord avec moi-même. J’ai alors songé aux métiers de l’artisanat, qui sont des métiers dévalués, surtout celui de crémier-fromager, qui est synonyme, pour les professeurs, de métier ne requérant aucune intelligence… J’ai compris qu’il y avait une vraie possibilité de se mettre à son compte, d’autant plus que le fromage a toujours été pour moi une passion, que je dois surtout à mon père, qui adorait le Roquefort : ‘Le roquefort devrait se déguster à genoux’, disait l’écrivain Grimod de la Reynière. »

Après avoir fait un an de formation en alternance à l’IFOPCA de Paris (seule école à préparer aux métiers de fromagers) Clara deviendra responsable de la célèbre fromagerie de Laurent Dubois, rue de Lourmel dans le 15e arrondissement. Elle y apprend à manipuler les fromages, à les affiner, à les découper, à les goûter. « Chaque meule de comté possède un goût et une évolution différente. »

C’est un métier dur physiquement, on soulève des dizaines de kilos, douze heures par jour, on est dans le froid, « mais ce n’est rien par rapport aux métiers de bouchers ou de poissonniers ! »

Là encore, l’insatisfaction est au bout du chemin. Le beau Lucien, qui, pendant ce temps, apprenait le métier de saunier à Ars en Ré, intervient alors et convainc sa chérie de sauter le pas : « Mets-toi à ton compte, reprends une fromagerie ! »

Clara ne donne pas sa confiance facilement et l’idée de s’associer à quelqu’un lui fait peur. C’est pourquoi la plupart des artisans travaillent en famille (comme les députés qui embauchent leur femme…).

« Tout est fait en France pour dissuader les jeunes de se mettre à leur compte »

En 2017, coup de foudre. Clara et Lucien découvrent la fromagerie La Fontaine, elle est à vendre… « J’ai su tout de suite que c’était elle. Cette boutique est belle, accueillante, et pourvue d’une cave, ce qui est essentiel pour un crémier -fromager digne de ce nom qui ne se contente pas de vendre du fromage mais doit aussi l’amener à maturation », explique Clara.

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Le 20 octobre 2018, la probable fromagerie de Marcel Proust a donc rouvert ses portes. Clara et Lucien ont immédiatement été pris d’assaut par tout une clientèle de quartier assoiffée de connaissances et prête à goûter d’autres fromages. Le lien social est fort, le bouche à oreille fonctionne : Alain Ducasse, Guy Savoy et les Jospin sont même venus faire leurs emplettes. « C’est un métier de passion. Nous travaillons 7 jours sur 7, et nous ne parvenons toujours pas à dégager du bénéfice pour un salaire, tellement les charges sont élevées… Je ne regrette rien, affirme Clara, c’est le bonheur, mais tout est fait en France pour dissuader les jeunes de se mettre à leur compte : pour avoir cette fromagerie, il nous a fallu un an de parcours du combattant semé d’embûches, et je ne sais pas quand nous pourrons en vivre, mais c’est ainsi. Nous aimerions pouvoir embaucher, créer des emplois, afin de nous consacrer à nos producteurs. »

Souhaitons que ces jeunes entrepreneurs soient entendus ! En attendant, précipitez-vous rue La Fontaine. La gâteau au fromage blanc et la gelée de coing maison sont fantastiques, la raclette parfumée au poivre du Cambodge, exceptionnelle.

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Pourquoi le RIC n’est pas fait pour les Français

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Des gilets jaunes réclament le "RIC" à Paris, 15 décembre 2018. SIPA. 00888267_000020

Des ronds-points aux Champs-Elysées, des gilets jaunes réclament le « RIC ». Un « référendum d’initiative citoyenne » censé repenser les rapports entre le pouvoir et les citoyens et renforcer la démocratie. Mais l’exemple suisse le montre: pas forcément adapté aux Français, ce système ne serait pas la panacée.


On comprend volontiers que les gilets jaunes, se sentant écrasés par le pouvoir et les élites parisiennes, rêvent, sous le nom de « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), d’un dispositif démocratique supposé en finir avec des décennies de mépris. Le geste présidentiel du 10 décembre les laissant de marbre, ils fondent désormais leurs espoirs sur ces trois lettres souvent peintes sur pancartes et gilets. On ne veut pas (ou pas seulement) de l’argent, mais de la considération : être entendus, reconnus, décider par nous-mêmes. Et quoi de mieux que de lancer, faire discuter et valider par le peuple un projet qui le concerne ? Le fric, d’accord, mais le RIC d’abord. Et les médias de citer en exemple la petite Suisse voisine où existe depuis 1891 le référendum d’initiative populaire. Oui, mais…

VGE en 2005: « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »

L’objection majeure tient à deux vertus qui font cruellement défaut à la vie politique française : l’esprit de responsabilité et le sens du compromis. Ce n’est pas un hasard si la méconnue réforme de 2013 censée intégrer à nos institutions le « référendum d’initiative partagée » a été assortie, comme l’a bien rappelé ici-même Pierrick Gardien, d’assez d’obstacles pour le rendre impossible. À l’évidence, l’exécutif se méfie trop du peuple pour le laisser rédiger lui-même la loi. Il restreint donc sévèrement ce type-ci de référendum, mais évite l’autre aussi, en invoquant l’immaturité d’un électeur qui « le transforme en plébiscite », « répond à côté de la question », etc. On connaît le mot de Valéry Giscard d’Estaing en 2005, qui résume tout : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui. »

Les Français sont-ils responsables ?

Mais l’électeur immature, est-ce un mythe ? Parmi les nombreux témoignages filmés ces jours-ci sur les ronds-points, cette perle : « On veut pas embêter les Français, juste bloquer l’économie… » On tremble en imaginant l’initiative que pourrait lancer ce sympathique bloqueur. Le fait est là : le RIC tombe à pic, à condition que l’électeur soit assez lucide pour ne pas s’offrir par référendum le triplement du smic ou la retraite à quarante ans. Telle est, c’est à craindre, la grande différence avec nos amis suisses. Ils ont, certes, poussé la folie jusqu’à s’octroyer en 1994 un jour férié pour la fête nationale, mais pour le reste, conscients des contraintes économiques, ils refusent presque toujours le laxisme.

A lire aussi: Référendum d’initiative populaire: tout est fait pour l’empêcher

Pour ne prendre que quelques exemples récents, les Suisses ont rejeté à 66,5% des voix les six semaines de congés payés proposées le 11 mars 2012 ; un salaire minimum de 4 000 francs par mois (3 540 euros) le 18 mai 2014 ; une initiative intitulée « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires » le 30 novembre 2014 ; le « revenu de base inconditionnel », assez proche de ce que voulait ici Benoît Hamon, le 5 juin 2016 ; ou encore une hausse de 10% des retraites, le 25 septembre 2016. Dans la plupart des cas, les syndicats de salariés avaient appelé à voter non ; quel parti auraient pris les nôtres ? Et combien de ces initiatives auraient triomphé ici ?

Le « modèle » suisse s’essoufle

Le piquant de l’affaire est que la France s’intéresse au modèle suisse au moment même où il donne des signes d’essoufflement. Il faut dire que, jusqu’à une période récente, la réponse était presque toujours non. De 1893 (pour interdire l’abattage des animaux de boucherie non préalablement étourdis) à aujourd’hui, 22 initiatives seulement ont été acceptées sur les 213 soumises au vote. Mais l’opinion se souciait peu de ces presque 90% d’échecs, considérant comme positif que se fût du moins ouvert un débat et que le pouvoir fût ainsi aiguillonné.

Aujourd’hui encore, la plupart des initiatives sont repoussées, en vertu d’une dynamique assez constante : le comité d’organisation dépose les 100 000 signatures (recueillies en 18 mois maximum ; on dit alors que l’initiative a « abouti ») au palais fédéral à Berne, on se passe de main en main devant les caméras, sourires aux oreilles, les cartons frappés des différents blasons cantonaux et pleins des feuillets officiels dûment signés. Publicité assurée, pimentée d’un nom choisi pour frapper l’opinion (« Protection contre les chauffards », « Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration ! », « Contre la création effrénée d’implantations portant atteinte au paysage et à l’environnement », etc.) et relayée par une campagne attrayante, site internet et réseaux sociaux à l’appui. Les sondages traduisent l’adhésion des électeurs, les 50% souvent franchis. Puis la résistance s’organise, partis et associations hostiles se réveillent, les sujets de fond sont abordés ; il faut clarifier certains aspects, surtout la question qui fâche : « Combien ça va coûter ? » La décrue s’amorce, et le non l’emporte finalement. Au demeurant, les 70% d’abstentions ne sont pas rares : être appelé aux urnes quatre fois par an (mais tout de même pas chaque semaine, comme on l’entend parfois dire en France !) finit par lasser.

Initiative populaire et dernier mot politique

Cependant, que le projet passe la rampe n’a désormais rien d’exceptionnel, et c’est là que le bât blesse. Certains se révélant difficiles à mettre en œuvre ou trop « clivants », le Parlement finasse, temporise, arrondit les angles à l’occasion. Les limites de l’exercice ont été atteintes avec l’initiative « contre l’immigration de masse » de l’UDC (droite), acceptée par 53,3% des votants le 9 février 2014, que les deux chambres ont pratiquement réduite à rien dans la loi d’application. De même, « Pour le renvoi des étrangers criminels », lancée par la même UDC, quoique acceptée le 28 novembre 2010 à 52,9%, fit-elle l’objet d’une application nuancée laissant au juge un pouvoir d’appréciation que les électeurs, en repoussant le contre-projet du Conseil fédéral, avaient explicitement refusé. Dans les deux cas, les initiants ont protesté à bon droit contre ces manœuvres inconnues jusqu’alors en criant au déni de démocratie et à la trahison du vote populaire. Pas si simple d’imposer sa loi, même avec le suffrage universel derrière soi !

Bruxelles veille…

Avant même cette étape risquée, l’administration aura exercé un contrôle, vérifiant que l’objet de l’initiative ne viole pas, par exemple, un traité ou un engagement international, sous peine de l’invalider. Le cas s’est présenté en 1996 : légalement déposée, l’initiative « Pour une politique d’asile raisonnable » a été déclarée nulle par le Parlement au motif que refouler immédiatement, sans recours possible, les étrangers entrés clandestinement violait « la substance même des principaux traités multilatéraux dans les domaines du droit des réfugiés et des droits de l’homme ». Ce corset juridique imposé aux initiants s’est aggravé le mois dernier, puisque les Suisses ont rejeté, le 25 novembre, après d’ailleurs une virulente campagne de presse des opposants, un texte, toujours de l’UDC, qui entendait graver dans le marbre la primauté du droit national sur les décisions des juges étrangers – en pratique celles de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Si la Suisse, souffrant d’un complexe peu compréhensible, courbe trop souvent l’échine sous les ukases européennes, qu’en serait-il pour un membre de plein exercice de l’UE comme la France, où prime le droit communautaire et dont, au minimum, 40% des lois (80%, disent les eurosceptiques) sont « dictées » par Bruxelles !

Une autre dérive tient enfin à la multiplication des initiatives, de plus en plus accaparées par les partis politiques alors que ce droit n’était pas en principe conçu pour eux (un citoyen seul peut y prétendre, et réussit parfois). Les appareils ne se privent pas, contre l’esprit des institutions, d’en faire une arme pour mobiliser leur électorat en prévision des prochaines élections. On a pu citer le cas d’un secrétaire de parti de gauche « qui, annonçant le lancement de quatre initiatives, avouait sans la moindre gêne que les thèmes de deux d’entre elles devaient encore être trouvés »[tooltips content= »La Nation, bimensuel de la Ligue Vaudoise, du 3 avril 2015. »]1[/tooltips]. Il est facile d’imaginer les surenchères partisanes du même ordre auxquelles donnerait lieu notre RIC avant une élection générale, c’est-à-dire à peu près tout le temps.

RIP le RIC ?

À l’évidence, un tel droit ne se conçoit pas sans un minimum de maturité politique et de fair-play, pas très français. On notera d’ailleurs, d’une part, qu’inclure dans le RIC la révocation d’un élu – assez inapplicable – est une invention purement de chez nous, et, d’autre part, que les gilets jaunes ont adapté le nom officiel de la procédure suisse en remplaçant « populaire » par « citoyenne » : une épithète plus militante qui fleure bon sa rebellitude et nous oriente déjà dans un sens marqué (à moins que ce ne soit pour éviter à l’acronyme une connotation funèbre). Les promoteurs du RIC n’auraient-ils pas en tête d’en faire, non l’outil de décision d’une vie démocratique apaisée, mais une machine de guerre contre le pouvoir ? Ce serait le hic.

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« À Paris, la culture et la religion jouent beaucoup dans le choix du conjoint »

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kraus paris ifop banlieues
"Il reste du jambon", un film d'Anne Depétrini.

« Coucheriez-vous avec un mec du 9-3 ? » C’est le titre délicieusement racoleur d’une grande enquête sur la vie sexuelle et conjugale des Parisiens commandé par CAM4 le mag que publie aujourd’hui l’Ifop. Suivant ses conclusions, le métissage compte beaucoup de croyants mais peu de pratiquants. Pour trouver chaussure à son pied dans les villes-monde d’où ont été chassées les classes populaires, mieux vaut être riche et occidental que pauvre, banlieusard et porteur supposé d’une culture rétrograde. Entretien avec le directeur de l’enquête François Kraus.


Daoud Boughezala. D’après les conclusions de votre étude sur le choix du conjoint, les Parisiens sont-ils endogames, ethnocentristes ou carrément ethnodifférentialistes ?

François Kraus. Comme dans d’autres domaines, par exemple lorsqu’il s’agit de choisir l’école des enfants ou leur lieu de résidence, les Parisiens cultivent une sociabilité de l’entre-soi en matière conjugale. On observe une forte endogamie géographique qui implique une endogamie sociale ainsi qu’une certaine réticence à la construction de couples interraciaux, notamment lorsqu’il existe entre les intéressés à la fois une distance de « classe » et une distance de « race ».

Dans notre enquête sur la sexualité des Parisiens, nous abordons de front ces problématiques de classe et de race, souvent taboues en sociologie.  Nous avons choisi comme terrain d’étude la région parisienne car cette zone est culturellement et socialement diverse, comme le montre par exemple la proportion de musulmans qui est trois fois plus forte que dans le reste du pays (Ifop-Montaigne – 2016). Or, bien que ce ne soit pas la Corrèze ou le fin fond du Poitou, la perspective d’un métissage social et culturel est loin d’y faire l’unanimité.

La variable sociologique qui joue le plus dans le choix du conjoint est le niveau de diplôme

Votre enquête montre un hiatus fréquent entre le discours pro-métissage et les actes. Mais plus que de la xénophobie, la peur des unions mixtes n’exprime-t-elle pas un attachement à certaines normes et valeurs propres à la culture occidentale ?

Bien sûr. Il y a un toujours une logique endogamique dans le choix du conjoint. Cela se traduit, à Paris plus qu’ailleurs, par un besoin d’être avec des gens qui vous ressemblent dans tous les domaines. Le premier critère de choix déclaré (59%) du conjoint à Paris renvoie aux manières et à l’éducation mais cet élément va bien au-delà des bonnes manières ou du respect des règles de politesse. Cette notion inclut le partage d’une vision de la vie et de la société, de la manière d’éduquer ses enfants. Tout cela implique un certain consensus socio-culturel. Pour rappel, la variable sociologique qui joue le plus dans le choix du conjoint est le niveau de diplôme, car celui-ci crée un point commun en termes de hiérarchie sociale, de pratiques culturelles et, au passage, permet d’avoir des choses à se dire…

La distance culturelle est très nette entre culture française et culture maghrébine et subsaharienne

Dans le panel de 2000 Parisiens que vous avez interrogés, 62% des femmes disent refuser de s’unir avec des individus porteurs des valeurs identifiées à la culture subsaharienne, 57% rejettent a priori les hommes assimilés à la culture maghrébine et moyen-orientale. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avons identifié plusieurs raisons. D’abord, la distance culturelle est très nette entre culture française et cultures maghrébine et subsaharienne, à la différence des pays d’Amérique du Sud où il peut exister des points communs culturels, notamment liés à la culture judéo-chrétienne, avec des gens d’une couleur, d’une race et d’une ethnie différentes. Cela montre que le poids de la culture et de la religion jouent beaucoup dans le choix du conjoint. De surcroît, l’écart de niveau de vie entre les Parisiens – qui sont parmi les Français les plus riches – et celui associé aux ressortissants des pays d’Afrique ou du Maghreb est très élevé, ce qui peut refroidir les ardeurs des gens très attachés aux questions matérielles.

Les musulmans vivant en France sont dix fois plus nombreux que la moyenne à penser qu’une « femme doit obéir à son mari »

Enfin, pèse sur ces derniers un ensemble de représentations qui en fait les porteurs d’une culture très conservatrice peu respectueuse des principes d’égalité entre les sexes au sein du couple. Il est donc probable que des femmes aussi indépendantes et autonomes que la majorité des Parisiennes puissent avoir des réticences à s’inscrire dans un cadre conjugal avec des personnes perçues comme conservatrices et peu sensibles à la place de la femme dans la société. Or, la misogynie associée à ces cultures n’est pas une vue de l’esprit : les rares données d’enquête fiables sur le sujet (Ifop-Montaigne – 2016) ont pu montrer que les musulmans vivant en France étaient dix fois plus nombreux que la moyenne à penser par exemple qu’une « femme doit obéir à son mari » (56%, contre 5% chez l’ensemble des Français)  ou qu’elle « doit rester vierge jusqu’au mariage » (74%, contre 8% chez l’ensemble des Français). On est loin des combats de #MeToo…

Justement, le mouvement #MeToo, assez puissant parmi les élites parisiennes, a-t-il renforcé la tendance à l’entre-soi culturel entre conjoints ?

Honnêtement, je ne dispose pas de données précises mesurant l’impact de #MeToo sur ce phénomène. Mais je me demanderais plutôt qui est touché par #MeToo et par cette plus grande sensibilisation aux questions d’égalité homme/femme lors de la rencontre, de la séduction, etc. A cet égard, le fossé entre les combats portés par les militants occidentaux de la cause #MeToo et les épreuves que subissent d’autres femmes dans le reste du monde me semble évidente. Au Maghreb, en Afrique subsaharienne ou au Moyen-Orient, la lutte pour les droits des femmes n’a rien à voir avec des questions, aussi légitimes soient-elles, telles que l’écriture inclusive, la charge mentale ou l’égalité salariale ! Notre enquête met justement en lumière l’impact que peut avoir l’énorme fossé entre les cultures dans le choix d’un conjoint.

Les hommes asiatiques souffrent d’une moindre désirabilité sur les sites de rencontre

Du point de vue des Parisiennes, la distance culturelle est à double tranchant. Si les hommes afro-maghrébins sont souvent associés à une culture patriarcale, les asiatiques  sont plutôt assimilés au stéréotype inverse. Pourtant, 54% des Parisiennes refusent l’union avec un partenaire d’Asie du Sud-Est. Comment expliquer cet ostracisme ?

Cela confirme d’autres enquêtes américaines qui ont montré que les hommes asiatiques souffraient d’une moindre désirabilité sur les sites de rencontre ou les espaces de speed-dating. Force est de constater qu’ils ne correspondent pas au stéréotype de virilité dominant en Occident. Les différentes formes de production culturelle que sont le cinéma, les séries ou les bandes dessinées les présentent trop souvent comme des geeks assez peu virils loin des archétypes de « mâle alpha » sensé plaire à la gente féminine occidentale. Or, ces clichés influent forcément sur leur désirabilité sociale, et donc sur leur valeur sur le marché matrimonial, qui n’est pas sans conséquence sur la construction de leur identité et de leur estime de soi.

Plus axés sur le physique de leur partenaire, les hommes se révèlent plus xénophiles que les femmes.

A contrario, les hommes interrogés semblent plus ouverts à la diversité ethnoculturelle que les femmes. Comment se fait-ce ?

Ce n’est pas étonnant car les hommes attachent généralement moins d’importance aux critères de choix du partenaire, à l’exception du physique et du poids ! Pour le reste, ils sont beaucoup plus tolérants car ils se projettent généralement moins dans une perspective de couple à long terme avec ce que cela implique comme construction conjugale et familiale, à commencer par la nécessité d’avoir des points de vue convergents. L’attirance esthétique n’étant pas liée au fait de partager des points vues socioculturels, les hommes se révèlent plus xénophiles que les femmes. Pour certaines générations, l’absence de réciprocité est peut-être aussi due à des réflexes ethnocentristes qui feraient peser un risque de stigmate plus fort sur une « femme blanche » couchant avec un immigré qu’un homme blanc couchant avec « une immigrée ».

31% des Parisiennes ne se mettraient pas en couple avec un homme correspondant à l’image du 93

Faisons un pas de côté. Un petit banlieusard blanc du 93 est-il plus sexuellement moins bien loti qu’un parisien d’origine africaine ou maghrébine intra muros issu des quartiers aisés de la capitale ?

Il est difficile de répondre très précisément à cette question. Celle que nous avons posée à notre panel de Parisiens est : « Pourriez-vous vous mettre en couple avec quelqu’un qui correspond à l’image que vous vous faites des habitants de Seine-Saint-Denis ? » 31% des Parisiennes répondent non. Si une personne d’origine immigrée ne correspond pas à ce stéréotype, réside à Paris et vient d’un milieu aisé, il est probable qu’elle souffre beaucoup moins de discriminations dans le processus de sélection du conjoint.

IFOP/COM4 le mag.
IFOP/CAM4 le mag.

Sans doute parce que l’intéressé ne projette pas l’image du « Seine-Saint-Denis style » que cite votre étude. Quel signifie ce concept ?

C’est une référence à une chanson du groupe NTM qui portait l’image de ce département dans les années 90.

En gros, le « Seine-Saint-Denis style » concentre les représentations les plus stigmatisantes de l’imaginaire urbain français puisque le 93 cumule les records de pauvreté, de criminalité et de population étrangère ou immigrée. Cela constitue un repoussoir pour une forte proportion de personnes, y compris issues des minorités. Quand on demande aux musulmanes vivant à Paris si elles pourraient se mettre en couple avec un homme originaire du Moyen-Orient ou du Maghreb, environ 40% répondent par la négative. Tout comme les autres Parisiennes, elles ne veulent sans doute pas de conjoint susceptible de leur imposer un couple dominé par une vision conservatrice voire misogyne du rôle de la femme.

Pourtant, la démographe Michèle Tribalat a prouvé la recrudescence de mariages endogames depuis vingt ans, ce qui suppose que les jeunes musulmanes épousent des jeunes musulmans…

Nos travaux ne sont pas forcément contradictoires. Les minorités ethniques qui vivent à Paris n’ont pas forcément le même profil socioprofessionnel (niveau de diplôme…), que le reste de la population d’origine immigrée, notamment en banlieue parisienne. Les musulmans parisiens sont sans doute le symbole d’une réussite sociale ou d’une volonté de se détacher de l’emprise du quartier, de la famille, de la cité et autres pesanteurs traditionnelles. C’est valable pour les jeunes femmes, surtout si elles ne sont pas encore en couple, et les minorités sexuelles qui n’arrivent pas à affirmer leur orientation sexuelle en banlieue. Une de nos précédentes enquêtes montrait qu’il y a beaucoup plus de musulmans homosexuels à Paris que dans le reste du pays.

Dans les couples gays, il y a une prime au capital physique et érotique

Dans un de vos précédents travaux, vous qualifiez Paris de ville « refuge des minorités sexuelles ». Celles-ci, notamment homosexuelles, sont-elles plus ouvertes au métissage que les hétérosexuels parisiens ?

Oui. Dans les couples gays, il y a une prime au capital physique et érotique plus forte que dans le reste des couples. Pour le dire clairement, ils accordent plus d’importance au physique et au sexe. C’est notamment dû au fait qu’ils ne peuvent pas s’inscrire forcément dans une perspective de couple durable ou de construction familiale. Après, dans la mesure où le stigmate de l’homosexualité reste très fort et difficile à assumer, ceux qui l’assument sont sans doute plus disposés à transgresser les normes de race ou de classe dans le choix de leur conjoint d’autant plus facilement que leur isolement relativise la force du contrôle social, ou les craintes d’une mésalliance.

Même depuis la loi Taubira (2013) qui permet le mariage et l’adoption aux couples homosexuels ?

Certes, on  a tendance à dire que les nouveaux couples homosexuels sont plus hétéronormés sans forcément pouvoir le prouver. Si leurs membres présentent moins de dissensus que ce qu’on pouvait observer il y a encore vingt ans, les données montrent la persistance d’écarts sociologiques et culturels plus fort que dans les couples hétéros.

La proportion de gays est beaucoup plus forte dans les arrondissements parisiens de gauche

Si on y regarde de près, tous les arrondissements parisiens ne répondent pas de la manière à des questions telles que « Accepteriez-vous un conjoint d’origine subsaharienne ? »  Ancré à droite, Ouest (7e, 8e, 16e, 17e) se révèle beaucoup plus réfractaire au métissage que l’Est parisien, très marqué à gauche. Cela correspond-il aux cartes du vote ?

Absolument. Cela rejoint aussi la carte de la proportion de personnes gays, beaucoup plus forte dans les arrondissements de gauche. Idem pour les barbus, plus présents dans les arrondissements de gauche que dans ceux de droite. On retrouve ce décalage entre les arrondissements populaires ou boboïsés du Nord-Est de Paris (11e, 19e, 20e) et les beaux quartiers du triangle d’or de l’Ouest bourgeois que vous avez cités. Dans le 16e, 8e et le 17e, on accorde plus d’importance au fait que le partenaire doive résider dans Paris intra muros et appartenir au même niveau social.

COM4 Le mag/ IFOP.
CAM4 Le mag/ IFOP.

Cette carte politique correspond-elle aussi à la carte de l’immigration parisienne ?

Bien sûr. Et la carte de l’immigration rejoint la carte de l’âge. L’Ouest parisien compte beaucoup moins d’immigration, mais davantage de personnes aisées, notamment âgées comme dans le 16e. Alors que le Nord-Est est un foyer de jeunes couples le plus souvent sans enfant, de célibataires ou de familles d’origine immigrée ou étrangères.

Habiter Paris, cela signifie concrètement pas ou peu côtoyer les classes populaires

Petite surprise, la carte des Parisiens rejetant l’union conjugale avec d’autres Parisiens en raison de leur quartier de résidence ne se cantonne pas à la droite dure…

Sur le refus de se mettre en couple avec quelqu’un en fonction de son lieu de résidence à Paris, on constate quand même un écart du simple au double entre des arrondissements comme le 16e et d’autres comme le 18e ou le 19e. De manière générale, le fait de vivre à Paris constitue une marque de distinction sociale qui tend à gommer les écarts de culture ou de niveau de vie entre arrondissements. Car habiter Paris, cela signifie concrètement pas ou peu côtoyer les classes populaires. Sur ce plan, les électeurs centristes parisiens (LREM/Modem) sont plus proches des électeurs de droite (LR ou RN) malgré leurs niveaux différents de libéralisme culturel.

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Donald Trump, lui, agit contre l’esclavage

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Donald Trump à Arlington en Virginie (Etats-Unis), 15 décembre 2018. SIPA. SIPAUSA31488661_000001

Donald Trump a pris des mesures, lui, contre l’esclavage en Mauritanie. Et bizarrement, personne n’en parle…


Donald Trump surprend. Peu de médias ont rapporté le coup de gueule du président américain contre l’esclavage. Au moins de novembre, les États-Unis ont en effet annoncé exclure la Mauritanie de la « loi sur le développement et les opportunités africaines » afin de protester contre le maintien du travail forcé et de l’esclavage héréditaire dans cette république islamique. En fermant l’accès de son marché aux produits mauritaniens, l’administration américaine dénonce au grand jour l’exploitation des Harratines, ces Maures noirs réduits en esclavage. Bien qu’interdit dans la constitution et reconnu crime contre l’humanité par la législation mauritanienne, l’esclavage est plus que toléré dans cette société rongée par la discrimination raciale.

Bien tenté, mais…

Privées de liberté dès la naissance, maltraitées, échangées comme des marchandises, 50 000 personnes y seraient aujourd’hui esclaves. Certains parviennent néanmoins à s’extraire du cheptel humain, comme le député Biram Ould Dah Ould Abeid, rare élu de sa caste devenu l’infatigable défenseur de la cause abolitionniste. Habitué des geôles mauritaniennes, ce petit-fils d’affranchi réclame depuis 2008 la fin de l’esclavage et des droits égaux à ceux de la majorité arabe. En vain. L’un des derniers pays négriers de la planète a peu de chances de plier devant les sanctions américaines. Nouakchott n’est pas Pyongyang.

Mehdi Meklat, la victime imaginaire

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@Soleil

Est-il bien raisonnable de laisser un cinéaste déraisonnable commenter chaque mois l’actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire. 


«… Je ne suis pas musulman. Ma mère est d’origine algérienne, née en France. Mon père est Français… » Tu soulignes t’appeler en réalité « Mehdi Thomas Maximilien Meklat Prat ». « Pourquoi m’a-t-on étiqueté, enfermé de cette façon ? », gémit Mehdi, le prodige tweeteur de haine de retour avec un livre à vendre et une victimisation à barbe blanche en guise d’explication.

J’me présente, j’m’appelle plus Mehdi

Personne ne t’a enfermé Mehdi. Tu as pensé qu’il était bon pour toi de te présenter en tant que Mehdi Meklat. 

A lire aussi: Mehdi Meklat revient… pour dénoncer le racisme des autres

Et ça a été bon. Cette identité a fait de toi la coqueluche des salons qui n’en revenaient pas d’être « tellement open » qu’ils étaient capables d’encenser un Mehdi. Tu le dis dans la même interview : « Les médias étaient fascinés par un Noir et un Arabe qui savent écrire, qui ne font pas de fautes. » Tu as joué cette carte plutôt que celle de Maximilien Prat, parce que tu la pensais porteuse. Et aujourd’hui, tu nous sors le nom français de ton père, ainsi que le prénom qui va avec. Mais on s’en fout Maximilien ! Ton nom et ton prénom n’ont aucune importance. La littérature et les arts en général se contrefichent des patronymes. Les émissions littéraires reçoivent depuis longtemps de grands auteurs noirs et arabes de toutes nationalités. De Léopold à Tahar en passant par Ibrahim et sa trompette, il y a longtemps que le talent ne se mesure plus à l’aune des origines. C’est en France que les jazzmen noirs trouvaient refuge dans la première moitié du XXe siècle.

C’est Lorànt Deutsch qui y est !

Et ton « y’a pas que moi », quel ridicule infantile !

« Quand on voit quelqu’un comme Lorànt Deutsch qui a écrit euh… pareil, des obscénités sur Twitter, mais là pour le coup vraiment cachées… » et de te plaindre que lui, on lui pardonne.

Erreur, monsieur Prat. Quand bien même Lorànt Deutsch se cacherait sous le pseudo de @lacathelinierre sur Twitter (ce que l’intéressé dément) les propos tenus sur ce compte n’ont rien à voir avec les saloperies que Mehdi a dit. Aussi déplaisants soient-ils parfois, aucun de ces tweets ne fait appel au racisme, aucun ne tombe sous le coup de la loi. Leur éventuelle vulgarité n’arrive pas à la cheville de la haine de Marcelin Deschamps. 

D’ailleurs Mehdi, cette méchanceté, cette vulgarité, n’est-ce pas justement ce qui a fait ton succès auprès de l’intelligentsia ébaubie, qui trouvait ta prose « tellement trop drôle ». Ça ne pouvait être sa composante raciste, machiste et homophobe qui faisait rire ces ayatollahs du bon goût, n’est-ce pas ? Du rire entre gens qui savent et qui sont tellement du côté du bien que toute expression du mal venant d’eux ne peut être que du second degré. Un peu comme ces aficionados des bonnes manières qui jouent à déposer leur pain du mauvais côté de l’assiette, pour amuser les autres « sachants », aux frais des manants qui foutent salement leur quignon n’importe où, ces cons !

Tu n’es victime de rien ni de personne Mehdi

Alors, tu ne vas tout de même pas reprocher aujourd’hui à @lacathelinierre d’avoir usé des codes qui ont fait ton succès, sous prétexte que lui n’a pas, en plus, fait comme toi dans le racisme putride.

Tu n’es victime de rien ni de personne Mehdi, sauf de ta duplicité, de ton arrivisme et de tes amis qui t’ont encouragé à poursuivre dans cette voie malfaisante que seule leur lâcheté leur interdisait d’emprunter. Tu as été leur chair à canon, leur tirailleur sénégalais. En première ligne à leur place. Et plus tu décodais l’admiration dans leurs hurlements de rire, plus tu tutoyais l’immonde. C’était toi le type gonflé qui exprimait tout haut ce qu’ils régurgitent depuis si longtemps. Ils se sont repassé tes « saillies » de salon en SMS, tes blagues de déjeuners en tweets, puis au moment ou ça a pété pour toi, ils ont sauvé les apparences puisque c’est tout ce qu’ils ont à sauver. 

A lire aussi: Alain Finkielkraut : « Avec l’affaire Meklat, le système a dû céder la place à la réalité »

En connais-tu un seul dont la carrière ait été un tant soit peu remise en cause lorsque tu as connu l’opprobre ?

Et aujourd’hui, au lieu de leur en vouloir, au lieu de t’en vouloir, tu viens accuser les Français d’intolérance ?! Tu oses nous raconter que tu es finalement toi-même une victime ?!

Tu t’étonnes que tes excuses ne soient pas prises au sérieux ? Mais comment veux-tu que l’on croie une seconde à leur sincérité alors que toi qui prétends « questionner les limites » n’as même pas la décence de commencer par t’interroger sur toi-même.

Tu oses venir nous faire la leçon alors que tu reviens avec un livre chez l’un des plus grands éditeurs de cette salope de France qui n’aimerait pas les Arabes ? Réalise Maximilien ! 

Tu oses parler d’un « fantasme raciste », à cause de tes origines ? Mais où est le fantasme ? Les mots ont un sens. Les tiens sont immondes et n’ont nul besoin d’être amplifiés et déformés par une quelconque extrapolation. Que ton racisme ne soit dirigé que contre les juifs et les Blancs et jamais contre les Noirs et les Arabes n’est pas un fantasme. C’est même la preuve que ton « côté maléfique » était parfaitement ciblé et donc pas du tout délirant.

Lol Marcelin, lol

Tu essaies d’accuser celles qui ont exhumé tes saloperies de parti pris : « Mais ce qu’elles ne font pas, c’est de chercher des occurrences autres comme “Arabes”, “musulmans”, “Pakistanais”... », te plains-tu sur le plateau de « Quotidien ».

Parce qu’il y avait des choses à trouver avec ces occurrences omises ? Je suis très étonné que tu ne les aies pas sorties au moment de la polémique, comme preuve évidente que le racisme de Marcelin Deschamps mitraillait absolument tout le monde. Cela aurait été facile. Au lieu de ça, tu as effacé tous tes tweets et maintenant qu’on ne peut plus vérifier tu prétends qu’il y en avait pour tout le monde ? Lol Marcelin, lol. Fais-nous la grâce de ne pas en plus nous prendre pour des idiots.

A lire aussi: Mehdi Meklat, la haine qui cache la forêt

Tu n’es victime de rien, Mehdi. Tu es un privilégié qui devrait être heureux de n’avoir fait l’objet d’aucune plainte, ni de Finkielkraut, par exemple, lorsque tu tweetais qu’il fallait « casser les jambes à ce fils de pute », ni de Natacha Polony que tu traitais de pute aussi et voulais égorger pour l’Aïd en en faisant ton mouton. 

Je te rappelle qu’à la même époque, Anne-Sophie Leclère, ancienne candidate du Front national aux municipales dans les Ardennes, avait été condamnée (et j’en suis ravi) à 3 000 euros d’amende avec sursis pour « injure publique raciale », après avoir comparé l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira à un singe. Te rends-tu compte que 3 000, c’est le tarif sans égorgement du singe ? Combien t’aurait coûté ton mouton de l’Aïd devant la justice d’après toi ?

Devant les Français, blanc, juifs, femmes, PD ou juste républicains, le prix de ton méfait est ta crédibilité. Nous ne te croyons plus. 

Ce n’est pas cher payé finalement. 

Attentat de Strasbourg: comment on fabrique le déni

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cherif chekatt daech islam
Les parents de Cherif Chekatt, BFM TV.

L’attentat de Strasbourg a mis en acte plusieurs facettes du déni tel qu’il se pratique en France, chaque fois qu’il est question d’islamisme ou de terrorisme islamiste.


Règle n°1: le déni est d’abord celui de l’Etat et de la classe politique

Le 12 décembre, alors qu’il est déjà acquis qu’un terroriste islamiste nommé Chérif Chekatt, d’origine algérienne, délinquant multirécidiviste, tire à vue sur les badauds du marché de Noël de Strasbourg, les pouvoirs publics s’emploient à nier l’attentat. Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, sur France Inter, refuse de qualifier les actes du tueur islamiste d’ « attentat ». Quelle raison donne-t-il ? « Le tireur n’a jamais essayé de se rendre en Syrie ».

Bruno Studer, député LREM, a sangloté deux jours plus tard sur les bancs de l’Assemblée nationale en déclarant : « Hier soir, un Strasbourgeois né à Strasbourg, un Alsacien né en Alsace, un Français né en France, et n’ayant grandi nulle part ailleurs qu’à Strasbourg, en Alsace et en France, a décidé pour des raisons que l’enquête déterminera de semer la terreur sur le marché de Noël de Strasbourg ».

MM. Studer et Nunez ont cherché tous deux à déréaliser le réel. Telle est la définition du déni. Les attentats islamistes ne sont pas des attentats islamistes car l’islam est une religion de paix et d’amour. Questionner l’islam reviendrait à « stigmatiser » l’ensemble des musulmans. L’attentat de Strasbourg doit rester l’acte isolé d’un « Français » lambda, incompréhensible, et donc dément. Telle est d’ailleurs la thèse de la justice depuis 2015 : les terroristes sont des déséquilibrés qui agissent seuls.

Il serait bien sûr inacceptable, tant sur les plans moral que politique, de pointer un doigt accusateur sur l’islam et les musulmans. Mais le dédouanement en bloc, la négation de la sécession politique et culturelle d’une frange importante de la communauté des Français musulmans, sont-ils pour autant acceptables ?

Règle n°2: le déni s’appuie sur les « experts »

Cette politique publique du déni est servie par de puissants alliés. Médias et experts s’associent souvent pour conforter la thèse que l’islam ne saurait être meurtrier. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule technique connue : transformer le tueur en victime. C’est ce qu’ont fait le 14 décembre, Le Monde et Farhad Khosrokhavar, « expert » de l’islam et auteur de plusieurs livres sur le sujet. Affirmer que Chekatt « est un individu animé par un islamisme radical, fait peur à la société et crée une atmosphère de panique généralisée », explique M. Khosrokhavar. Refusant de « faire peur », M. Khosrokhavar a donc développé la thèse devenue un classique que Chekatt était un pauvre garçon « désespéré » « qui veut en découdre avec la société, en a assez de vivre une vie éclatée entre la prison et le monde extérieur ». Strasbourg n’a pas été victime d’un attentat islamiste mais d’un « moment de fragilité psychologique ou un désir de revanche » sociale d’un malheureux.

Le chercheur Olivier Roy est le chef de file de cette école de la désinformation. Olivier Roy analyse la réislamisation des sociétés musulmanes comme la conjonction de quêtes existentielles individuelles. « Allah akbar » serait selon lui l’équivalent du peace and love des hippies des années 1960. Plus la chape islamiste massifie les populations, plus il perçoit les rues du Caire comme peuplées de hippies musulmans en quête de solutions personnelles.

On voit bien l’intérêt de cette « théorie » pour les pouvoirs publics. Elle permet de ne pas répondre à cette question vitale que chaque Français se pose : le musulman du coin de la rue est-il ou non cet inquiétant voisin qui menace de découper le juif ou le mécréant à la machette ? Olivier Roy et Farhad Khosrokhavar contribuent au déni de l’Etat quand ils bottent la question en touche et affirment que les jeunes radicalisés ne sont pas des terroristes islamistes, mais des hippies qui ont mal tourné.

Gilles Kepel, l’un des rares vrais experts français de l’islam, s’est indigné sur FranceTv info de ces calembredaines meurtrières : « Certains spécialistes, comme le sociologue Farhad Khosrokhavar, expliquent que Cherif Chekatt n’était pas un djihadiste mais un déprimé, qu’il a fait cela par désespoir. On a là l’explication de l’échec total de ce qu’a été notre politique par rapport à ce phénomène : l’incapacité à comprendre la dimension idéologique de la radicalisation, à comprendre ce qu’il se passait dans les prisons, etc. Il faudrait que le président de la République se saisisse de cette question et arrête de faire en sorte que notre administration soit à côté de la plaque sur ce type d’enjeu. »

Mais à quoi bon s’égosiller dans le désert. Les forces du déni sont puissantes.

Règle n°3: les médias sont le principal relais du déni

Aux tenants de la classe politique et des experts, il faut ajouter les médias. Quelle meilleure façon d’accréditer la thèse du déséquilibré dans le public que d’aller interviewer le père et la mère du terroriste assassin. Lesquels, comme n’importe quelle famille française, ont éduqué leur rejeton dans le respect de la loi et de l’ordre républicain. Le déni fonctionne sur ces présupposés communs. Comme l’islam, la famille est un relais de paix et d’amour.

France 2 est donc allé interviewer la famille Chekatt. Et les Français ont découvert le père Chekatt, le chef orné d’un bonnet à l’effigie de Che Guevara et portant la barbe teinte en roux des salafistes les plus radicaux. La question de France 2 était : comment votre fils a-t-il pu aussi mal tourner ? La réponse du père (des voisins, des amis, de la grand-mère) est toujours la même : il était très-très gentil.

Bref, la télé filme le cœur d’une cellule islamiste radicalisée, mais refuse de voir ce qui crève les yeux :  le père est lui-même islamiste, fiché S [ndlr: ce texte a été publié avant le démenti de France 2: « Contrairement à ce qui est indiqué dans le commentaire du reportage, le père de Cherif Chekatt n’est pas fiché S »] et se teint la barbe en roux, au henné pour mieux imiter le prophète. Ils sont en France depuis trente ans, parlent à peine le français, et les murs délabrés de leur appartement, son mobilier plus que sommaire témoignent moins de la pauvreté que du refus de s’installer confortablement dans la société française.

Aucune question dérangeante ne sera posée : pourquoi portez-vous la barbe des salafistes? Que signifie ce bonnet à l’effigie de Che Guevara ? Quelle éducation avez-vous donné à votre fils pour qu’il soit considéré comme un délinquant même par les enseignants de son école primaire ?…

Le déni est si puissant que les islamistes radicaux n’ont même plus besoin de se cacher. Ils sont là au grand jour et personne ne veut les voir. La police elle-même a relâché le couple parental après moins de 24 heures d’interrogatoire. Rappelons que les services sociaux ont mis gracieusement un logement social à Tremblay-en-France, à la disposition de Zoulikah Merah, la mère de Mohamed Merah pour qu’elle puisse se rapprocher de son fils Aldelkader Merah, incarcéré à Villepinte en 2017.

Règle n°4: « Vous n’aurez pas ma haine »

L’autre forme du déni médiatique est de trouver celui qui clamera « vous n’aurez pas ma haine ». Un rôle que le professeur Philippe Meirieu a tenu à merveille lui, dont le tweet sera abondamment relayé par les réseaux sociaux. « Attentats de Strasbourg : la barbarie est là, tapie dans notre quotidien. Surtout ne pas oublier que le passage à l’acte, même préparé de longue date, peut toujours être suspendu par un mot, un geste, une rencontre. Adoucir le monde, voilà l’urgence. »

Règle n°5: le musulman est la seule victime de la société française

Enfin, ce concert déréalisant, se termine toujours par les mêmes points d’orgue : les déclarations des leaders de la communauté musulmane. Ils viennent toujours opportunément rappeler qu’il n’existe qu’une seule victime en France, c’est le musulman. « Les musulmans vivent dans un climat anxiogène », a déclaré Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris dans un entretien accordé début décembre à un journal algérien. Le même trouverait profondément inconvenant que l’on se demande si les Français non-musulmans ne vivent pas eux-aussi dans un climat anxiogène. Du fait des musulmans radicalisés par exemple.

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France 3 retouche « Macron dégage »: la censure, c’était mieux avant

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A gauche, la photo de l'AFP (Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP), à droite, capture d'écran du JT de France 3 du 15 décembre 2018 à 19h.

Une photo de l’AFP montre un manifestant brandir une pancarte « Macron dégage ». Le journal télévisé de France 3 l’a utilisée. Problème, le « dégage » a été gommé. La chaîne parle d’une « erreur humaine ». 


La liberté d’expression et d’information ne se porte décidément pas très bien dans ce pays. Quelques jours à peine après l’adoption en nouvelle lecture à l’Assemblée de la très controversée et liberticide loi anti « fake news », ayant pour but à peine caché d’empêcher la circulation d’informations ou d’analyses prétendument fausses – c’est-à-dire bien souvent différentes – émanant des réseaux sociaux ou de certains organes de presse russophiles, voilà que, ô surprise, on découvre avec amusement que les truqueurs d’information sont en réalité tapis dans la citadelle de l’audiovisuel public, si prompte à donner des leçons.

« Macron », c’est un peu court !

Les téléspectateurs et internautes ont ainsi pu découvrir au JT de France 3 du samedi 15 décembre qu’une photo prise par un photographe de l’AFP, devant les marches de l’Opéra Garnier où s’étaient rassemblés des manifestants gilets jaunes, avait purement et simplement été modifiée. Une pancarte « Macron dégage » a ainsi été changée grâce à l’intervention de la gomme magique de Mary Poppins en simple « Macron », invocation poétique ou incantatoire se suffisant à elle-même. Performance d’art contemporain peut-être ? « Macron ! », un Macron autotélique et universel faisant message à lui tout seul par l’énonciation de son signifiant miraculeux.

Par pudeur de gazelles, nos propagandistes en culottes courtes ont toutefois restreint l’expression de leur flamme et ne sont pas allés jusqu’à écrire « Macron je t’aime », « Macron pour la vie » ou « Macron tiens bon ! », de peur sans doute que leur amour n’éclate trop au grand jour.

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Aussitôt, la toile s’est enflammée, la tricherie à l’information ayant tôt fait d’être démasquée : il est en effet de plus en plus difficile de tromper son monde à l’heure où les réseaux sociaux permettent l’uberisation du « fact checking ». Tout un chacun peut rapidement confronter des éléments d’information et de vérification. Diffuser tranquillement des images de propagande comme au bon vieux temps de l’Union soviétique ou de la guerre froide n’est plus aussi facile qu’autrefois. La propagande, c’était mieux avant.

Une « erreur humaine » d’une « personne opérationnelle »

Rapidement contactée par Libération et son service métajournalistique « Checknews » de journalistes vérifiant que les journalistes font bien leur travail de journalistes, par l’AFP mais aussi par des téléspectateurs aussi stupéfaits qu’en colère, France 3 s’est fendue d’excuses à la fois pataudes et croquignolesques, reconnaissant une « erreur humaine ». Las, la bafouille est encore plus consternante et comique que les faits eux-mêmes. Une « erreur humaine », donc… : voilà bien rassurés les téléspectateurs qui s’inquiétaient d’une éventuelle intervention de robots malfaisants,  de bots macroniens ou de loups garous ayant subitement pris le contrôle de la chaîne à la faveur d’une nuit de pleine lune !

Il s’agirait donc plutôt, selon les responsables, d’une « personne opérationnelle»,  dont le doigt aurait malencontreusement ripé sur Photoshop pile sur le message le plus présent, le plus tonitruant et le plus constant dans toutes les manifestations des gilets jaunes, celui que l’exécutif n’aura eu de cesse de contourner et d’essayer d’invisibiliser, de nier : le départ ardemment souhaité de Macron au regard de la détestation qu’il est parvenu à cristalliser, en raison à la fois de ses mesures mais aussi de son style. Quel manque de chance ! Quel hasard diabolique ! Pas de bol, aurait dit François Hollande !

Passons sur l’énigmatique expression de« personne opérationnelle », merveille de la novlangue managériale, qui semble désigner une créature étrange, se mouvant quelque part entre le technicien agent secret et l’intelligence artificielle la plus aboutie. On est toutefois soulagé d’apprendre que les « personnes opérationnelles » qui préparent le JT du service audiovisuel public ne sont pas « non opérationnelles », au cas où certains auraient eu des doutes…

La censure inconsciente

Le plus préoccupant dans cette affaire n’est pas l’hypothèse, relativement peu crédible, d’une censure à l’ancienne émanant directement de l’Elysée comme aux riches heures de l’ORTF. La censure contemporaine n’a plus besoin, ou très exceptionnellement et rarement, de s’assumer directement comme telle de la part du pouvoir. Elle s’exerce par intériorisation des prescriptions, par autocensure, par soumission, par subordination, par couardise, par capillarité idéologique. Elle est diffuse, pernicieuse, larvée. Si on la découvre, elle fait payer quelque lampiste, ne se reconnaît aucune responsabilité puisqu’elle est partout et en même temps nulle part.

Car enfin, si l’on peut regretter qu’un agent, quel qu’il soit, ait pris cette malheureuse initiative, on peut surtout s’interroger sur les raisons qui lui ont fait penser que cet acte était à la fois anodin et souhaitable, outre qu’on peut de plus en plus s’interroger sur ce qui est enseigné dans les écoles de journalisme. Tout comme le pouvoir n’a plus à donner des ordres pour que le parquet financier lui serve de petite main et ne déclenche opportunément des poursuites contre ses adversaires politiques, ce-dernier étant d’accointance idéologique avec lui, de la même façon un nombre croissant de « journalistes » et d’acteurs du secteur de l’information sont de plus en plus simplement porteurs d’une vision idéologique, sociale, politique, qu’ils relaient spontanément sans même qu’on ait besoin de faire pression sur eux, braves petits soldats, et qui se trouve en accord avec un pouvoir qu’ils ont par ailleurs largement contribué à mettre en place. C’est exactement pour cela qu’il est important que des organes de presse différents, divergents (nous ne sommes plus très loin d’avoir à dire « dissidents ») de contre-information existent, afin que les analyses, les sources, les visions, les récits soient confrontés les uns aux autres, puisque c’est de la confrontation des regards, des faits et des narrations que naît la vérité, et non pas de l’imposition dogmatique d’un message unique aussi lénifiant que terrifiant. Dans le cas contraire, on se retrouve ni plus ni moins avec le ministère de la Vérité que l’on dénonçait à juste titre lors du projet de loi « fake news » et qui semble s’installer tout tranquillement, retour retors de la censure à l’ère du soft power.

Une « erreur » et une leçon de morale

Et comme si cela ne suffisait pas, n’écoutant que son courage et ses belles convictions chevillées au corps, France Télévisions n’a pas toutefois pu s’empêcher de distiller un peu de morale à la fin de sa déclaration, allant sans la moindre vergogne jusqu’à mettre en garde : « Il faut raison garder en ces temps de complotisme ». On croit rêver.  Pris la main dans le pot de confiture, les voici encore en train de faire la morale et de criminaliser les regards critiques : on se pince pour le croire ! C’est dire le sentiment d’impunité, la conviction du bien-fondé de la vision du monde et de l’information à sens unique qu’ils relaient.

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On se doute en effet que le CSA, habituellement si prompt à dégainer contre tous les mal-pensants et sexistes de la création (à l’exception bien sûr des chroniqueurs du service audiovisuel public qui, comme Daniel Morin, se permettent des propos inadmissibles envers la journaliste Charlotte d’Ornellas, laquelle a le malheur de travailler pour Valeurs Actuelles, du côté du Mal donc, et pour qui l’on adaptera spécialement à la baisse le niveau d’indignation antisexiste en ne déclenchant aucune enquête ni aucune plainte), n’entreprendra aucune procédure d’élucidation de ce phénomène paranormal poussant un agent, fût-il « opérationnel » à modifier des images pour les rendre compatibles avec le pouvoir en place. Circulez, il n’y a rien à voir, c’est le cas de le dire puisqu’on efface les messages dérangeants.

Macron avait raison

On lisse, on gomme, on aseptise, on caresse le pouvoir extrême-centriste dans le sens du poil, on euphémise, on invisibilise le réel pour l’avènement de l’extrême-rien. Au pire, le lampiste paiera alors qu’il n’est en l’occurrence non pas véritablement « agent » mais « agi » par un système idéologique gangrenant le monde de l’information.

Cet incident remettant en cause lourdement l’éthique journalistique est particulièrement symptomal mais aussi malvenu lorsqu’on sait le soupçon de collusion entre les principaux médias (publics ou non) et le pouvoir politique qui règne dans l’esprit de très nombreux gilets jaunes et, d’une manière générale, de citoyens de plus en plus critiques et réticents face aux discours et autres bourrages de crâne qu’on leur impose. Des journalistes de BFM TV ont d’ailleurs parfois été pris pour cibles dans les manifestations tandis que des slogans hostiles aux médias sont devenus monnaie courante. Outre l’usage de la violence qui n’est pas acceptable, on serait toutefois bien en peine à présent de leur donner tort quant à leur ressenti et la réconciliation entre ces deux mondes ne sera donc pas encore pour cette fois.  Il est vrai qu’Emmanuel Macron lui-même avait déclaré que l’audiovisuel public était « une honte ». Cet épisode visant à protéger son image lui donne paradoxalement raison.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des femmes bâtées

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Najat Vallaud-Belkacem à Rennes, 1er décembre 2018. SIPA. 00882723_000080

Elle est de retour. Najat Vallaud-Belkacem, l’inoubliable ministre de l’Education période président normal, vient de signer une tribune dans Le Monde: apparemment, la société tolérerait les violences faites aux femmes…


Coucou la revoilà. On se demandait où était passée Najat Vallaud-Belkacem. Peut-être dans un ashram privé de connexion haut débit. L’ancienne ministre du désastre scolaire se rappelle à notre souvenir avec une tribune délicieusement intitulée : « Violences faites aux femmes : “La tolérance sociale, principale alliée du scandale” ». En fait de tolérance, on peine à trouver un refus plus consensuel. À l’exception d’un ou deux imams mal embouchés, je ne me rappelle pas avoir jamais entendu qui que ce soit déclarer publiquement qu’il était bon de battre sa femme, et je ne connais aucun homme qui le pense, heureusement d’ailleurs.

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Ajoutons que, depuis le début de la glorieuse « révolution #metoo », en octobre 2017, des milliers de tribunes ont été publiées, des dizaines de réunions et de débats télévisés organisés. Le Monde rappelle fièrement qu’il a créé, en pleine affaire Weinstein, une task force de 15 journalistes pour travailler sur les affaires de harcèlement sexuel. « Parce qu’elle est majeure pour nos sociétés, cette thématique doit constituer une de nos priorités éditoriales pour les prochains mois sur tous nos supports », écrivait Luc Bronner dans un courriel adressé à l’ensemble des journalistes de la maison. Tolérance sociale, qu’elle disait. Tu parles.

Najat, les yeux, les oreilles et la queue

On serait bien en peine de trouver en France un politique, un journaliste ou un intellectuel qui n’ait pas proclamé, la main sur le cœur, son adhésion de chaque instant à la cause des femmes. Les imprudents qui se sont risqués à blaguer sur le sujet savent désormais qu’il est déconseillé d’en rire. Seulement, aussi sévère soit la loi, elle ne peut pas encore interdire les mauvaises pensées, ce qui désole notre experte en langue de bois : « Selon une étude récente effectuée par Ipsos, écrit-elle encore, un homme français sur cinq, et un homme américain sur trois, pense que les femmes “exagèrent souvent les cas de viol ou de violences” qu’elles rapportent. La parole se libère certes, pas toujours les oreilles et les yeux de celles et de ceux qui ne mesurent pas la dureté de cette violence quotidienne et tristement ordinaire. » Comme chacun sait, les femmes ne mentent pas et n’exagèrent jamais.

Un Occident peuplé de saintes-nitouches et de prédateurs

Sans doute faut-il répéter qu’à Causeur, nous sommes autant révoltés que Najat Vallaud-Belkacem par les viols, les agressions, les mariages forcés et autres violences subies par les femmes. Mais nous refusons de prendre au sérieux les chiffres invraisemblables ou absurdes qui racontent un Occident peuplé de saintes-nitouches et de prédateurs : ainsi, à en croire une étude de 2015 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 100 % des femmes ont déjà été harcelées dans les transports en commun. Tout juste sortie du four, l’enquête sur le harcèlement de rue menée par la Fondation Jean-Jaurès et l’IFOP auprès de 6 000 femmes européennes conclut quant à elle que 86 % des Françaises ont été harcelées au cours de leur vie. Seulement, un peu plus loin, il est précisé que « 18 % d’entre elles affirment avoir été regardées avec insistance, un pourcentage qui grimpe à 71 % quand la question est élargie à l’ensemble de l’existence. » Résumons : 86 % de femmes harcelées, mais seulement 71 % qui ont subi un regard insistant, il faudra m’expliquer.

La science de la communication

Les innombrables militants de l’excellente cause des femmes adorent brandir ces chiffres effroyables qui, reposant exclusivement sur les déclarations des victimes, donc sur leur « ressenti », comme on le dit dans la novlangue contemporaine, sont par nature invérifiables. Donc incontestables. En revanche, on connaît avec précision le nombre de femmes assassinées par leur conjoint. Le 26 novembre, on apprenait de source gouvernementale qu’on avait déploré 109 victimes en 2017, contre 123 en 2016. Imaginons un instant que 2017 ait été plus meurtrière que 2016. Marlène Schiappa aurait lancé un plan d’urgence, les éditorialistes auraient (à juste titre) rivalisé dans la consternation. Curieusement, aucune féministe ne s’est réjouie de cette réduction de 12 % du nombre de victimes. Pour frapper les esprits, on a martelé sur tous les tons que cela faisait une femme tuée tous les trois jours. Aussi révoltant et déchirant soit le sort de ces malheureuses et celui de toutes celles qui, si elles ne meurent pas, subissent au quotidien un connard violent, dans un pays qui compte, à la louche, 25 millions de femmes adultes, cette fréquence prouve pourtant que ces tragédies sont l’exception et non la règle.

Mauvaises gagnantes

Cet acharnement à noircir un tableau qui certes n’est pas tout rose n’est guère surprenant. Comme l’avait joliment résumé Alain Finkielkraut, « les féministes d’aujourd’hui sont de mauvaises gagnantes ». Sans doute comprennent-elles que le statut de victime présumée ou potentielle qu’elles entendent conférer à toutes les femmes est leur meilleure arme dans la lutte des places qu’elles ont engagée contre les hommes.

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Monsieur Macron, les gilets jaunes reviendront

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Un manifestant à Paris, 8 décembre 2018. SIPA. AP22279996_000001

Rappelez-vous :

« Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »

C’est dans le Mariage de Figaro, écrit en 1778 mais joué pour la première fois dans une vraie salle de théâtre en 1784. Si peu de temps avant la Révolution ? Oui.

Pourvu que je n’exige pas le rétablissement de l’ISF…

À quel propos évoqué-je Beaumarchais ? Une idée qui m’a traversé lundi dernier, en écoutant Macron. « Pourvu que je n’exige ni rétablissement de l’ISF, ni augmentation réelle du SMIC, ni taxation juste des grands groupes en général et du GAFAM en particulier, ni référendum d’initiative populaire, ni excuses pour les abus de langage du président de la République, je puis parler de tout librement — tant que je m’en tiens aux formes « démocratiques », ce qui consiste à m’en remettre à la représentation nationale et à des députés-godillots… »

Parce qu’enfin, les milliards perdus par la suppression de l’ISF, il faut bien aller les chercher quelque part — dans les poches de ceux qui n’ont pas grand-chose, par exemple. L’agent, surtout depuis que nous n’avons plus — contrairement aux Américains, aux Russes, aux Chinois et aux Japonais — la capacité de le créer nous-mêmes, il faut bien aller le chercher là où il est. Pas dans les banques qui prospèrent magnifiquement, mais chez les fauchés.

Quant au SMIC, je me demande (non, je ne me demande pas, en fait) comment feraient Macron et ses ministres pour vivre — se loger, manger, élever ses enfants, et payer le gaz, l’électricité et les impôts — avec 1200 € par mois.

L’Espagne et les travailleurs riches

Pendant ce temps le Premier ministre espagnol relève le SMIC ibérique de 22% en affirmant : « Un pays riche ne peut avoir des travailleurs pauvres ». Ciel, il va ruiner les entreprises de son pays ? Pas même, explique Libé. Et Podemos se paie le luxe de railler « l’indifférence sociale » de Macron, «  une des causes de l’explosion contestataire des gilets jaunes, une rébellion que nous voulons éviter ». Mais vous savez qu’ils pensent, en Espagne !

En 1629, Antonino Diana, un célèbre Jésuite, commence à publier ses Resolutionum moralium partes duodecim, dans lesquelles, reprenant l’opinion du doctissime Gabriel Vasquez, autre casuiste de référence, il note : « Ce que les personnes du monde [i.e les nobles] gardent pour relever leur condition et celle de leurs parents n’est pas appelé superflu ; et c’est pourquoi à peine trouvera-t-on qu’il y ait jamais de superflu dans les gens du monde, et non pas même dans les rois. » Traduisons, à l’usage de nos contemporains : les gens riches ne sont jamais assez riches pour maintenir leur condition de gens riches ; ils n’ont donc pas à payer d’impôt — ni, au XVIIe siècle, à pratiquer l’aumône. Seuls les pauvres y sont astreints. Cela émeut Pascal (dans la Sixième Provinciale). Cela n’émeut apparemment pas Emmanuel Macron. Il est pourtant facile d’imposer les riches, à commencer par les riches entreprises, sur la part de bénéfices acquis en France. Mais on ne le fait pas — alors que les Américains n’hésitent pas, eux, comme l’explique Marianne cette semaine.

La colère est toujours là

Mais l’essentiel n’est pas dans ces considérations technocratico-économique : je ne suis pas Marine Le Pen pour me laisser enfermer dans un débat financier. L’essentiel est dans le mépris dont on inonde le peuple. Et dont on l’a inondé déjà lorsqu’une conjuration de politiciens et de médiocrates (le médiocrate est, comme son nom l’indique, un homme de médias de niveau médiocre) ont renversé le vote négatif sur Maastricht.

Cela fait des années que ces membres de l’oligarchie se croient supérieurs parce qu’ils ont le pouvoir au terme de processus électoraux biaisés. Des années qu’ils méprisent le peuple. Eh bien, quitte à en rester au XVIIe siècle, qui vaut bien le XXIe, voici que ce que Cardinal de Retz déclarait à Condé, qui avait pour la populace le mépris de tous les aristocrates, au moment de la Fronde :

« Je sais que vous comptez les peuples pour rien ; mais je vous supplie de me permettre de vous dire que l’on les doit compter pour beaucoup, toutes les fois qu’ils se comptent eux-mêmes pour tout. Ils en sont là : ils commencent eux-mêmes à compter vos armées pour rien, et le malheur est que leur force consiste dans leur imagination ; et l’on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissance, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir. » (quand même, quelle puissance d’analyse, et quelle classe stylistique ! Etonnez-vous que Retz fût l’une de lectures préférées de Mitterrand — l’un des derniers présidents à avoir des Lettres…)

Là encore, transposons. Peu importent les…

>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<

 

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Cinéma: voir « Roma » et mourir

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©Netflix

En conflit avec son distributeur Netflix, le festival de Cannes n’a pas sélectionné le dernier film d’Alfonso Cuarón. Dommage, récompensé à Venise, Roma est une pure merveille.


Les critiques ciné un peu pompeux n’en démordent pas : les magnifiques séquences en noir et blanc du film d’Alfonso Cuarón méritaient le grand écran ! Ils sont surtout dégoûtés que Roma échappe au circuit économique traditionnel du cinéma. Mais c’est ainsi : depuis le 14 décembre, Roma est visible uniquement sur Netflix. Comme le premier mois est offert sans engagement, on peut le voir gratuitement, ce qui est bien aussi. Alors que Mowgli, du même studio Netflix, est inintéressant, Roma est un ravissement qui nous arrive juste avant Noël. Son caractère dramatique n’en fait pas pour autant un film familial.

Petit peuple et petits bourgeois

Après le succès de Gravity en 2013, dans lequel il envoyait Sandra Bullock et George Clooney dans l’espace, le mexicain Alfonso Cuarón est enfin de retour. Il projette cette fois ses (télé)spectateurs dans le Mexique des années 1970. Pourquoi Roma, alors ? C’est le nom du quartier de Mexico où il a passé son enfance, au sein d’une famille de la petite bourgeoisie.

Dans cette chronique historique et sociale ambitieuse, nous suivons essentiellement Cléo, la bonne (Yalitza Aparicio, premier film). Si elle n’est pas complètement Cosette, la jeune domestique indienne au service de cette famille de médecins blancs mène une dure vie de labeur. Les contrariétés plus ou moins grandes reviennent inlassablement la miner, à l’image de l’allée du domicile familial parsemée de crottes de chien qu’elle s’applique à nettoyer et qui ne sera jamais assez propre au goût de la patronne. Un jour, Cléo tombe enceinte d’un garçon qu’elle fréquente sur son temps libre. Abandonnée par le mauvais larron, elle craint à présent de perdre sa place et d’être renvoyée dans sa campagne…

Comme elles portent le monde

Fêtes grandioses aux innombrables figurants, réunions de familles, scènes de plage ou répression sanglante des étudiants lors du massacre des Halcones (1971) : de magnifiques reconstitutions nous plongent dans l’enfance fantasmée du réalisateur. Scènes militaires, bidonvilles et plan-séquences à la campagne, le voyage temporel dans le Mexique des années 1970 est magistral. Cette époque perdue à jamais, reconstituée avec de gros moyens, est une évocation quasi-proustienne de l’enfance de Cuarón. Comme la caméra, on reste cependant fort éloigné des affects des personnages. Les émotions sont à peine palpables, le film et ses protagonistes font preuve d’une grande pudeur.

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Les blessures de l’enfance ne se referment jamais vraiment et on ne les évoquera plus adulte. Cela explique peut-être que le film soit si peu bavard. Le regard de la brave Cléo, dans lequel il n’y a rien et il y a tout, ainsi que ce Mexico d’antan sont inoubliables. Le rôle des femmes, qui y portent le monde et la société, est sublimé.

Arrêtons-nous ici. Toute la critique encense de toute façon déjà Roma, dont on pourrait parler des heures ! Je ne veux plus vous retarder : vous avez un film merveilleux à visionner.

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