Accueil Culture « Annihilation », le film qui ne met personne d’accord

« Annihilation », le film qui ne met personne d’accord

Le dernier Natalie Portman perturbe autant qu'il fait parler


« Annihilation », le film qui ne met personne d’accord
Natalie Portman dans "Annihilation" d'Alex Garland, 2018.

Vous ne le verrez pas sur grand écran. Sauf si vous en avez un chez vous. Annihilation, le dernier film de science-fiction avec Natalie Portman, perturbe autant qu’il fait parler. Il n’est pourtant pas diffusé au cinéma en dehors des Etats-Unis. Pour le plus grand bonheur de Netflix…


Lena (Natalie Portman) est une jeune biologiste dont le mari militaire revient d’une mission secrète après un an d’absence. Lena ne le reconnait pas. Malade, incapable d’expliquer son absence prolongée et très diminué, il ne se souvient plus bien d’où il revient. Lena découvre alors l’existence de la zone X qui longe le littoral américain, et dont l’accès est protégé par les militaires. C’est de là qu’est revenu son mari. A part lui, tous les militaires envoyés sur la zone pour percer l’énigme du phénomène ont disparu. Lena décide de rejoindre une mission de cinq femmes destinée à comprendre ce qui est arrivé à son mari. Elle s’engouffre dans la zone X, aussi belle que mystérieuse.

Ce sinistre phénomène inexpliqué, le miroitement, s’étend. Il cache des paysages et des créatures qui ont subi des mutations. Dans ce coin reclus du pays, tout est anormal. La nature, luxuriante, semble y avoir repris ses droits. Plantes et arbres mutants, crocodiles surpuissants : on se croirait sur une autre planète ! Heureusement que nos cinq femmes sont armées et entraînées. Lena enquête. Elle n’est pas sûre de ne pas devenir folle comme les femmes qui l’accompagnent. Elle va au moins tenter de survivre.

Des pressions…

Si cette trame assez classique pourrait correspondre à beaucoup de blockbusters populaires, le film de l’Anglais Alex Garland est plus malin qu’il n’en a l’air. Il apporte une réflexion plus poussée sur le fond que son synopsis ne le laisse à penser de prime abord.

Les effets spéciaux, inédits, sont aussi magnifiques que macabres. Certaines scènes d’action, originales et terrifiantes, sont éprouvantes. Quand ce n’est pas carrément gore. Toutefois, la violence sert le propos. Si l’horreur est un genre à la mode dans les films et les séries depuis quelques années, ici rien n’y est gratuit.

La fin déroutante du film, et les interprétations qui peuvent en être faites, lui confèrent – pour certains – un statut déjà « culte ». D’autres y voient un navet de plus. A n’en pas douter, c’est un fucked-up movie. De la bonne science-fiction en tout cas. Pour un youtubeur, Netflix signe avec Annihilation son premier film « mythique ».

C’est pourquoi on peut regretter le sort réservé par la Paramount au film. La société de production hollywoodienne aurait demandé au réalisateur de changer la fin. Aussi complexe et déroutante qu’elle puisse être, Alex Garland aurait refusé. Pour le réprimander peut-être, et officiellement en raison des critiques négatives des projections-test, le studio décidera de ne projeter le film en salles qu’en Amérique, et de le diffuser directement sur Netflix partout ailleurs. Une bonne affaire pour la plateforme de streaming qui monte qui monte ! C’est un peu dommage pour les spectateurs, le film et ses effets auraient sûrement mérité les salles obscures.

…et dépression

Ce survival féminin peut rappeler la moiteur de Deliverance (1972, John Boorman) ou carrément la terreur de The Descent (2005, Neil Marshall). Ridley Scott, qui a foiré le retour de sa saga Alien avec Prometheus et surtout Alien Covenant pourrait en être jaloux. Que ce soit pour le trouillomètre qui monte haut ou pour l’originalité de l’univers esthétique et la malice du scénario.

Natalie Portman, si jolie, livre une partition tout en sobriété. Ce qui va lui arriver dans ce film étrange, à l’esthétique SF inédite, met mal à l’aise et fait un bien fou en même temps. Tout le plaisir du film est dans la force des interprétations qu’on peut en faire et dans la recherche des détails. Le film rappelle en fait toutes les phases de la dépression. Un cauchemar toujours plus dense à mesure que Lena s’enfonce dans le miroitement de la zone X. La musique lancinante conforte cette impression de douce mélancolie. Elle deviendra plus agressive et plus forte quand Lena entrera trop profondément dans le miroitement et la dépression. Malgré l’horreur, malgré la profonde tristesse, Lena entamera une mue. Sa vie, ses cellules ou son couple, rien ne sera plus comme avant une fois le cancer de la dépression terrassé.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Misères d’un papa-poussette au temps de #metoo et de « l’égalité femmes-hommes »
Article suivant Le « séparatisme islamiste » n’avance pas masqué, il est flamboyant
Rédacteur en chef du site Causeur.fr

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération