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Exclu Airbnb: appart’ cosy dans « quartier sensible » formidable


Une étude a recensé les commentaires laissés par les utilisateurs de Airbnb dans les « quartiers sensibles ». Miracle, ce n’est pas du ce que vous croyez. Les médias se sont régalés…


Sous-louer son logement social n’est pas tout à fait conforme aux lois de la République. Passons, voilà une bonne nouvelle pour les « quartiers populaires ». Honteusement qualifiés de « sensibles » par des personnes assoiffées de sensationnel, une étude de l’agence conseil Nouvelles marges les réhabilite. Les commentaires laissés sur la plateforme de location entre particuliers Airbnb célèbreraient nos banlieues séditieuses.

« Calme et authentique »

Qu’importe si la méthodologie de l’étude questionne. Les journalistes sont super contents, et c’est bien là l’essentiel. On se pincerait pour y croire, c’est presque trop beau. Alors que des esprits malveillants passent leur temps à nous inventer de prétendues « no go zones », le fameux rapport établit qu’ « il existe un marché pour les hébergements situés dans des quartiers à l’image pourtant dégradée ». Jolie formule ! De là à dire qu’il n’y a qu’un problème d’image à corriger pour les quartiers perdus de la République…

En se concentrant sur 25 quartiers, l’enquête a analysé 1045 hébergements de courte durée et les avis que les touristes avaient laissés après leur séjour. Dans la « quasi-totalité des cas », les locataires ont signalé leur satisfaction.

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Si l’on resserre la focale sur la cité des 4000 à la Courneuve, par exemple, 205 des 286 commentaires analysés contiendraient des remarques positives qui valorisent le quartier. 48 % des remarques indiquent que le quartier bénéficie d’une « situation stratégique favorable » grâce à « une bonne connexion au centre de Paris ». 37 % louent « l’accès facilité aux transports en commun » grâce au RER et aux bus. Par ailleurs, 10% ont vu une ambiance « calme et authentique » ! Enfin, 5% ont apprécié la « présence de commerces de proximité ».

Banlieue rose

Ce n’est pas dans les habitudes de cette gazette de faire du mauvais esprit. Mais j’hésite quand même à préparer mes cartons pour déménager. On pourrait rétorquer qu’en comptant bien, seulement 15% des avis sur la Courneuve ont réellement apprécié le quartier, le reste se réjouissant surtout de pouvoir trouver un moyen de transport permettant de foutre le camp… On rappelle aussi que quiconque est de retour de vacances s’empresse généralement de vanter ses choix de baroudeur pour épater ses amis quant à son séjour.

Qu’importe ! La presse « progressiste » a sauté sur une rare occasion de donner un coup de lustre à des quartiers injustement vilipendés.

« Qui en doutait ? »

L’impayable Claude Askolovitch de France inter lance le signal de ralliement : « Les touristes kiffent les quartiers ». Le prestigieux éditorialiste avoue tout de même sa « surprise ». Regrettant bien sûr qu’on ne parle de ces « quartiers populaires que l’on dit sensibles » que « quand ça dérape », il se félicite que l’étude ait montré des visiteurs « ravis » chez des habitants « accueillants ». « Qui en doutait ? », ose-t-il sur un ton pontifiant.

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Libération se réjouit de son côté que nos banlieues fassent « le bonheur des touristes ». Le Monde va plus loin : l’enquête a le mérite d’aller « à contre courant des préjugés négatifs qui collent à la peau des quartiers populaires ». En exergue ce commentaire dans le quotidien du soir sur une « no go zone » de Toulouse : « Quartier très bien malgré ce que vous pouvez entendre. » Pénible tous ces gens qui parlent sans connaitre de ces quartiers « stigmatisés » à tort !

Le sentiment d’être dans le « vrai Paris »

A Saint-Denis, c’est le même refrain : alors que le quartier du Grand Centre-Sémard est très prisé des locations de courte durée, Le Monde relève avec gourmandise ce commentaire : « Ça change des coins touristiques de Paris » tant les habitants sont « aidants ». Tu m’étonnes ! On a carrément le « sentiment d’être dans le vrai Paris » signale un autre utilisateur cité dans l’article. Sur France Info, bien qu’ « aucun incident ne soit à déplorer », Sylvie, une loueuse belge sur Aulnay-sous-Bois, indique tout de même qu’elle ne reviendra pas. Mais les journalistes n’estiment pas nécessaire de lui demander pourquoi.

A Toulouse, 20 Minutes se réjouit que le quartier du Mirail « cumule les bonnes notes ». Quant à Lyon Métropole, il exulte à l’idée que Airbnb ait « la cote » dans les « quartiers sensibles » du Vaulx-en-Velin ou de Vénissieux. Champagne !

Notre-Dame: contre la restauration rapide!


Le président Macron a court-circuité le ministère de la Culture afin d’annoncer une reconstruction rapide de Notre-Dame. Cette précipitation n’annonce rien de bon, car une restauration à l’identique exige une réflexion poussée sur l’identité profonde de l’édifice. 


En novembre 1793, une jeune actrice se produisait sur un rocher en carton-pâte installé dans le chœur de la cathédrale profanée, devenue alors le « temple de la Raison ». On sait que cette raison-là n’a pas mieux réussi à Notre-Dame qu’ailleurs, il était déjà trop tard dans le siècle et les Lumières s’éteignaient partout : l’édifice fut ainsi dévasté par le vandalisme jacobin, dont l’iconoclasme en annonce d’autres, plus contemporains.

Après l’incendie du 15 avril dernier, la Raison n’a pas non plus refait surface. Tandis que Madame Hidalgo, nostalgique de la Commune de 1871 qui a mis le feu, en vain, à la cathédrale, se prosternait quasiment devant la relique de la couronne d’épines du Christ, Jean-Luc Mélenchon, pourtant un des derniers zélateurs du terrorisme jacobin, pleurait la vieille cathédrale ! Quant au président de la République, il était frappé d’une nouvelle bouffée d’hybris : mélangeant tout avec une incompétence exaltée, il annonçait pour « rebâtir » (sic) Notre-Dame des délais absurdes, des embellissements douteux, allant jusqu’à rallumer un nouvel incendie avec l’idée baroque de lancer un concours international pour la nouvelle flèche. Ce n’était sans doute pas encore assez, et le gouvernement devait parachever le tout par l’élaboration d’un projet de loi d’exception rédigé pendant que la cathédrale fumait encore, et nommer un général d’armée à la retraite pour diriger le tout – nous aurions préféré pour notre part l’énergique Monsieur Benalla !

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Ce faisant, le gouvernement a fait une seconde victime : le ministère de la Culture, si absent de la séquence, alors qu’on touche ici au cœur de son métier. L’actuel locataire de la Rue de Valois a-t-il compris les enjeux politiques que sous-tendent ces décisions exceptionnelles ? Après le loto de Stéphane Bern, voilà maintenant la reconstruction de Notre-Dame qui lui échappe : c’est ainsi tout le système traditionnel des Monuments historiques qui est mis en danger. La culture du coup politique et de la communication permanente amène à ne plus utiliser les services existants, que le contribuable paye pourtant, et dont l’expérience accumulée depuis 1830 n’est pas négligeable, malgré quelques limites régulièrement dénoncées. Dans le domaine complexe de la restauration, qui met en jeu des questions à la fois techniques, culturelles et philosophiques, l’affaire est plus délicate encore, et ne saurait être traitée à la hussarde, comme l’a fait le gouvernement.

Un fait banal ?

Assister en direct, impuissant, à l’incendie de la cathédrale Notre-Dame a certainement été une épreuve pour tout homme sensible ; pour l’historien, en revanche, c’est un formidable « direct live » sur ce qu’il connaît bien : les monuments brûlent en effet depuis l’Antiquité, et leur perte constitue une histoire en soi, pleine de nostalgie et d’enseignements. Il est insupportable à notre époque du risque zéro, de la guerre sans mort et des normes de sursécurité qu’un tel accident puisse se produire. Les premiers résultats de l’enquête montrent que, comme d’habitude, c’est d’abord une histoire de cornecul, la rencontre de Dédé la Bricole avec le génie bâtisseur du Moyen Âge. Quant à la liste des erreurs et dysfonctionnements qui ont conduit à l’incendie, relevée la semaine suivante par le Canard enchaîné, elle rappelle celle, autrement plus dévoreuse en vies humaines, du Titanic, le fameux bateau qui ne devait pas couler.

Dans l’histoire des incendies de grands monuments, rappelons-nous d’abord qu’il n’y a, là encore et n’en déplaise aux complotistes, rien que de bien connu : la guerre (cathédrale de Reims en 1914), la malveillance (la Porte du Sud de Séoul en 2006), le chantier mal tenu (cathédrale de Nantes en 1972), le court-circuit électrique (le château de Lunéville en 2003)… L’incendie criminel est le plus rare, celui du siège du Crédit lyonnais en 1996 étant l’exception qui confirme la règle.

Le feu d’abord, l’eau salvatrice qui devient destructrice ensuite, les consolidations post-traumatisme, puis les restaurations, voire les restitutions de ce qui a disparu… tout cela est également bien connu des historiens et des architectes qui traitent du patrimoine. Ce qui s’est produit le 15 avril dernier était à proprement parler un événement, quelque chose qui est arrivé. Ce qui le rend exceptionnel n’est pas sa nature, mais le fait qu’il n’aurait pas dû arriver.

Que va-t-on faire maintenant ? Il faudrait réfléchir et convoquer à nouveau la déesse Raison. Car depuis deux siècles, les progrès de l’art d’éteindre le feu, ceux de l’histoire de l’art et de l’archéologie, enfin l’invention de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques ont permis d’envisager de manière plus subtile la restauration des édifices brûlés : ainsi s’est ouverte une séquence complexe, celle de l’histoire de la restauration et de sa déontologie. Si complexe que son analyse n’est guère aisée à chaud, en quelques secondes d’antenne, ou sur un plateau de télé quand s’entrechoquent scoops et formules.

À l’identique

À chaque drame, à chaque perte, le débat se focalise immédiatement sur une idée apparemment simple : on doit restaurer l’édifice « à l’identique », soit pour Notre-Dame, telle qu’elle était jusqu’au 15 avril 2019 à 18 h 40. La formule doit être analysée, car elle concerne non seulement l’image de l’édifice avant sa destruction partielle, mais aussi ses matériaux (pierre pour pierre, bois pour bois, plomb pour plomb…). Une restauration « à l’identique » suppose la réunion de trois éléments : une documentation parfaite (plans, relevés, photographies, vestiges…) ; des matériaux de même nature disponibles ; un savoir-faire intact pour les mettre en œuvre. Ils sont ici réunis sans conteste, et c’est donc une option solide, d’autant que l’édifice était classé au titre des Monuments historiques, et qu’il s’agit du « dernier état connu », comme le stipule la charte de Venise, texte international de déontologie de la restauration, signée par la France en 1964 (non contraignant).

Mais, pour logique qu’elle soit, cette option soulève deux questions : d’abord, elle renonce aux matériaux modernes qui peuvent, dans certains cas, suppléer aux défauts des matériaux anciens – ainsi du bois qui brûle, ou du plomb qui fond. Ensuite, sur un plan plus conceptuel, elle abolit l’événement et la restauration ne s’inscrit donc pas dans une démarche de souvenir, mais au contraire d’effacement. L’histoire des restaurations des grands édifices meurtris enseigne de fait que c’est une solution qui n’est, en réalité, jamais adoptée complètement par les restaurateurs.

Adaptations

Ainsi, dès le début du xixe siècle, quand on a commencé à réfléchir à ces problématiques, on s’est affranchi, d’une partie des contraintes. À Rouen, dont la flèche de la cathédrale a été détruite par la foudre en 1822, l’architecte Alavoine, une génération avant Viollet-le-Duc, préconise ainsi l’usage de la fonte, matériau nouveau qui scandalise, mais qui évite, plaide l’architecte, le risque d’un nouvel incendie. Ce même raisonnement intervient lorsque la cathédrale de Chartres perd sa charpente dans un grand incendie en 1836 : elle est alors reconstruite en fer, avec une structure de forme ogivale, comme le fera également à la basilique de Saint-Denis l’architecte François Debret. Pour la cathédrale de Reims, après la Première Guerre mondiale, l’architecte en chef des Monuments historiques Henri Deneux, grand connaisseur des charpentes anciennes, met au point un dispositif original, considéré aujourd’hui comme un authentique chef-d’œuvre : il reprend en effet un système de charpente inventé à la Renaissance par Philibert Delorme, dit « à petits bois », mais en utilisant le béton. Plus proche de nous, l’architecte Pierre Prunet utilise également du béton après la destruction de la charpente de la cathédrale de Nantes, en 1972. Son confrère qui restaure le parlement de Rennes après l’incendie de 1994 monte pour sa part une charpente métallique, en place de celle d’origine en bois.

Trois raisons expliquent ces choix éloignés des dispositifs d’origine : outre leur efficacité constructive, ces charpentes faites de matériaux modernes ont une bonne résistance au feu et constituent également le témoignage d’une époque, non la copie plus ou moins fidèle de quelque chose qui a entièrement disparu.

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Ainsi à Notre-Dame, il est évident que l’édifice doit retrouver son grand comble en croix dont la pente d’origine est donnée par les trois pignons en pierre subsistants : celui-ci sera donc formellement « à l’identique » donc. Mais la charpente, invisible depuis l’extérieur, et de plus interdite à la visite, peut parfaitement être différente, en béton ou en acier par exemple. Même le matériau de recouvrement extérieur pourrait changer et n’être plus du plomb, sans gêner la lecture de l’édifice s’il respecte la couleur grisâtre des toits parisiens.

Le traitement des parties détruites qui possédaient un caractère esthétique ou ornemental, comme la grande flèche de Viollet-le-Duc qui s’est abattue lors de l’incendie, crevant les voûtes de la nef et du carré du transept, apparaît plus délicat. L’histoire nous enseigne, là encore, qu’il s’agit d’une vieille question et que la reconstruction à l’identique n’est pas toujours la solution retenue. À Orléans, cathédrale dynamitée par les protestants au XVIe siècle, le chantier dura deux siècles entiers ; en 1646, l’architecte parisien Jacques Lemercier fut chargé de dresser une haute flèche dans le goût moderne, « à l’antique » : faite de bois et de plomb, en forme d’obélisque, sa flèche, dont la silhouette était compatible avec l’architecture de l’édifice, n’a pas supporté son propre poids et a été remplacée plus tard par une flèche de style gothique. Au xixe siècle, à Rouen, l’architecte Alavoine, déjà cité, a choisi de donner à sa flèche de fonte une stylisation à la gothique, qui en fait quasiment un chef-d’œuvre « troubadour », comme les chaises et les pendules d’époque Charles X ! À la Sainte-Chapelle, dont la flèche avait été « décapitée » par les jacobins, Duban et Jean-Baptiste Lassus ont choisi de rétablir une flèche dans le goût du xive siècle, que nous appelons donc « néogothique ». Cette démarche se distingue de celle d’Henri Noblet, leur prédécesseur chargé par Louis XIII de rebâtir la flèche du même édifice, disparue dans un incendie accidentel en 1630 : Noblet adopta en effet un style médiéval de continuité, sans recherche archéologique, ce que les Anglo-Saxons nomment si bien le « gothic survival ».

À Notre-Dame, enfin, Viollet-le-Duc a proposé au jury du concours de 1843 de rétablir la flèche d’origine, du xiiie siècle, qui avait été détruite pendant la Révolution, ce qu’ignorait visiblement le Premier ministre lors de sa péroraison du mercredi qui a suivi le drame. Lors de la seconde phase du chantier colossal qu’il dirigea près de vingt ans, le grand restaurateur proposa de lui substituer plutôt une flèche de son crû, lui qui tenait souvent son gothique pour plus pur que celui des bâtisseurs médiévaux…

Objet architectural relativement contraint, s’élevant d’une base régulière jusqu’à un point, celui de la croix, la flèche est peu susceptible d’innovations, sauf à sortir complètement de l’épure en usage depuis neuf siècles. Ses matériaux peuvent changer, comme le montre l’exemple de Rouen, mais elle pose surtout une double question technique : celle de sa prise au vent, qui oblige à la percer largement ; et surtout celle de son poids, qui peut être une charge délicate pour l’édifice gothique qui lui sert d’assise. Qui se souvient que, pour Notre-Dame, Viollet-le-Duc avait conçu une flèche trop lourde, qui l’obligea à altérer profondément l’architecture du transept de l’édifice ? Après la dernière guerre, d’autres grands architectes restaurateurs, tels Yves-Marie Froidevaux, se posèrent les mêmes questions et y apportèrent des réponses sensiblement différentes, comme le montre la flèche en béton de l’église de Valognes, par exemple.

Quelle leçon tirer du passé ? Elle est double : il faut laisser parler l’édifice et écouter les experts. Pour Emmanuel Macron, c’est un défi immense : celui de savoir se taire.

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Appel de Christchurch: l’oubli de Macron qui sème le doute

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L’appel de Christchurch a été lancé, hier, depuis l’Elysée. Neuf pays (dont la France), soutenus par sept autres, s’engagent à « lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent en ligne ». Problème, le communiqué publié par l’Elysée laisse craindre une interprétation plus large de la cible…


Tout humain humaniste a été horrifié par les images, en direct ou en différé, des différents massacres commis au nom d’extrémismes, qu’ils se revendiquent ou soient étiquetés de la gauche, de la droite, de l’islam. D’une façon générale la communication de masse en ligne, sans contrôle juridique ni déontologique peut s’avérer scandaleuse ou criminogène.

L’appel bienvenu de Christchurch

Il se peut de surcroît que cette communication émane des criminels eux-mêmes. C’est un phénomène récent, rendu possible par l’évolution technologique et l’usage commercial qui en est fait. Le prétendu « Etat » islamique en a, le premier, fait un grand usage, diffusant depuis des années maintenant des images ignobles de centaines d’égorgements ou de décapitions d’otages, de chrétiens, de Yazidis, d’assassinats par des enfants radicalisés, et de ventes d’esclaves. Personne alors n’avait officiellement demandé que soient prises les mesures qui s’imposaient.

Mieux vaut tard que jamais : l’appel de Christchurch, lancé depuis l’Élysée, par neuf pays (France, Nouvelle-Zélande, Canada, Irlande, Jordanie, Norvège, Royaume-Uni, Sénégal, Indonésie), soutenus par sept autres (Australie, Allemagne, Inde, Japon, Pays-Bas, Espagne, Suède) a été rendu public le 15 mai.

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Ce texte constate qu’ « Internet peut être détourné par des acteurs terroristes et extrémistes violents », que les Etats et les responsables des sociétés d’internet doivent réagir « pour faire face à ce problème » mais que « toutes les mesures prises […] doivent être conformes aux principes d’un Internet libre, ouvert et sûr, dans le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression ».

L’ennemi désigné est donc le terrorisme et l’extrémisme violent. On ne peut qu’approuver et espérer que ces mesures si tardives soient enfin efficaces.

Les « zones grises » du président Macron

Toutefois la toute fin de l’appel intrigue sinon inquiète car il s’y glisse, subrepticement, une autre intention : « Tenir compte du fait que les gouvernements, les fournisseurs de services en ligne et la société civile peuvent souhaiter prendre d’autres mesures concertées pour faire face à un spectre plus large de contenus en ligne dangereux ; comme celles qui seront discutées plus en détail au cours du Sommet du G7 de Biarritz, dans le cadre du G20, dans le cadre du processus d’Aqaba, lors de la réunion ministérielle des cinq pays et dans plusieurs autres enceintes. » Un « spectre plus large de contenus en ligne dangereux » : de quoi pourrait-il donc s’agir ?

Deux indications pourraient y répondre : le discours prononcé par Emmanuel Macron en marge de l’appel, qui parle pour les dénoncer des « zones grises » et de l’ « extrémisme », sans l’accompagner de son qualificatif habituel de « violent ».

Le communiqué du site officiel de l’Élysée est aussi inquiétant. Alors qu’il parle d’abord de « l’Appel de Christchurch pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent en ligne », il parle ensuite, dans une phrase qui apparaît en gras, d’une « série de mesures concrètes pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes en ligne » On remarquera que le mot « violent » associé à l’extrémisme a disparu.


Capture d'écran du site de l'Elysée, 16 mai 2019.
Capture d’écran du site de l’Elysée, 16 mai 2019.

Connaissant la propension d’Emmanuel Macron à qualifier d’extrémiste, nationaliste, populiste, xénophobe, une large partie de la population européenne atteinte de «la lèpre», on veut espérer qu’il ne s’agit que d’un oubli.

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« Anne Hidalgo veut débattre de tout, y compris de sujets farfelus »


Entretien avec Florence Berthout, maire LR du 5e arrondissement, candidate déclarée à la succession d’Anne Hidalgo


Causeur. Les critiques de la gestion de la ville de Paris se concentrent sur la personne d’Anne Hidalgo. En tant qu’élue d’opposition, quel regard portez-vous sur le partage des responsabilités entre la maire et les autres membres de la majorité ?

Florence Berthout. Elle n’est pas dans une situation confortable, car l’union de sa majorité est une fiction sur le fond. Anne Hidalgo doit composer avec des alliés qui s’accrochent aux vieilles lunes d’une gauche datée, à l’image de ces élus PCF qui veulent débaptiser des rues ou retirer l’enseigne du « Nègre joyeux » [un ancien magasin de café de la place de la Contrescarpe datant de 1897, NDLR], parce qu’elle serait colonialiste et raciste. Le rôle d’un chef est de fixer la ligne sans se laisser instrumentaliser. Anne Hidalgo veut débattre de tout, y compris de sujets farfelus. Il y a parfois des échanges stupéfiants au Conseil de Paris, comme à propos du « manspreading », de l’écriture inclusive ou des rats.

A lire aussi: Qu’y a-t-il dans la tête d’Anne Hidalgo?

Que s’est-il passé avec les rats ? Pourquoi ont-ils proliféré ?

Ils ont toujours été là, il y en a deux ou trois par Parisien. On les voit plus parce que les nouvelles corbeilles de rue [30 000 installées pour 3 millions d’euros, NDLR] leur permettent d’accéder aux restes de nourriture, alors que le service de lutte contre les rongeurs a perdu un tiers de ses effectifs depuis 2010 ! Sans parler de la réticence des élus EELV à employer la manière forte… S’ajoute à cela une certaine désorganisation à la mairie. La majorité préfère parler d’ « horizontalité », mais le résultat est identique. Pour un trou dans la chaussée, il faut contacter, quatre, cinq, six services.

Par manque d’effectif ?

Pas partout ! Le service de communication de Paris employait 417 équivalents temps plein l’an dernier. La ville peut se le permettre, car elle a des ressources. Les recettes des impôts locaux et des taxes ont augmenté de 1,5 milliard d’euros entre 2013 et 2019 [par le biais des hausses de taux et de recettes des droits de mutation, NDLR]. Toute la question est de savoir ce qu’on fait de l’argent. Il n’y en aura plus pour couvrir le périphérique si on le dépense en âneries.

Par exemple ?

Préempter des logements. Sur les 400 millions que la Ville dit consacrer chaque année au logement social, la moitié sert à acheter des logements privés, en général occupés. Cela pousse à la hausse des prix qui n’en ont vraiment pas besoin. En additionnant ces achats aux ventes de logements du domaine privé de la Ville à ses propres bailleurs sociaux, les deux tiers de l’« effort » pour l’habitat social se font aujourd’hui sans créer un seul mètre carré supplémentaire ! À 2 700 logements par an, on construit moins que sous Jacques Chirac et Jean Tiberi. On a beaucoup reproché à Anne Hidalgo le fiasco Autolib’, mais elle héritait en l’occurrence d’un montage Shadok datant de l’ère Delanoë. Ce qui se passe en matière de logement me semble beaucoup plus grave. Il y a deux priorités à Paris, le logement et les transports. Il faut gérer ces questions à l’échelle métropolitaine, en se plongeant à fond dans les dossiers et en arrêtant les politiques gadgets. Les passages piétons arc-en-ciel, c’est joli, mais gay ou hétérosexuel, un jeune qui arrive à Paris a d’abord besoin de se loger.

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Les lois du plus fort: l’extension du domaine de la loi américaine

« Parlez doucement et tenez un gros bâton. Vous irez loin ! » La phrase du président américain Théodore Roosevelt est devenu un leitmotiv de la politique étrangère des États-Unis. Mais si ce bâton était jadis fait de puissance militaire et économique, depuis quelques décennies il se matérialise par l’extension de la juridiction des lois américaines sur la planète entière. Et quand ce nouveau bâton frappe, ça fait mal. À elle seule, la BNP Paribas, a dû payer en 2014 une amende 8,9 milliards de dollars.

Comme l’explique le spécialiste français de la question, Olivier de Maison Rouge (pages 24-26), cette nouvelle dimension de la puissance américaine est fondée sur un principe simple : l’extraterritorialité du droit américain. Pour peu qu’une entreprise non américaine opérant à l’étranger ait un lien, serait-il fort ténu, avec les États-Unis, les tribunaux US peuvent la poursuivre. Il suffit qu’une personne morale ou physique utilise des dollars ou une technologie américaine pour que les lois votées par le Congrès s’appliquent à elle. Cela, bien sûr, sous couvert de moralisation des relations internationales.

C’est donc une véritable stratégie que mènent les États-Unis en mettant leurs agences de renseignement et de justice au service de leurs entreprises. Ainsi, quand Donald Trump a unilatéralement décidé de reprendre les sanctions contre l’Iran, Total et PSA ont été obligées de suivre Washington plutôt que Paris, qui souhaitait respecter l’accord signé, notamment par les États-Unis.

A lire : Donald Trump, le faiseur de miracle économique

Cette logique de puissance, suggère Guillaume Marchand dans une enquête exclusive pour Causeur (pages 20-23), est probablement la matrice de l’affaire « Tuna Bonds », un gros contrat de vente au Mozambique de thoniers et de vedettes rapides impliquant un chantier naval français. Dans cette histoire compliquée de pots-de-vin et de commissions douteuses versés dans un pays africain pauvre, c’est la justice américaine qui s’est arrogé le rôle du gendarme… et, curieuse coïncidence !, ce sont des entreprises américaines liées à la défense qui mettent la main sur les marchés abandonnés par les Français et avancent leurs pions dans le canal de Mozambique.

Cette politique de la force habillée en droit, qui a cours depuis une vingtaine d’années, ne laisse pas d’irriter Paris qui avait fait savoir, par son ministre des Affaires étrangères de l’époque, que la France la jugeait inacceptable. L’Europe des Quinze, en 1996, avait pour sa part promis de riposter fermement. Les lourdes amendes payées par des entreprises françaises, et l’alignement européen sur la politique américaine vis-à-vis de l’Iran, indiquent que ces mots fermes n’ont pas été suivis d’effets. Autrement dit, cette guerre discrète, menée au nom du bien, la France est en train de la perdre.

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Alain Delon, il dit qu’il vous emmerde

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Ils veulent la peau d’Alain Delon. Une pétition en ligne s’oppose à la Palme d’or que le festival de Cannes a prévu de lui décerner pour l’ensemble de sa carrière. On l’accuse d’être raciste, homophobe et misogyne. Rien que ça.  


Et voilà, c’est au tour d’Alain Delon de passer devant le tribunal de la vertu. C’était d’ailleurs prévisible. La cible idéale, parfaite. Alain Delon, c’est le vieux monde, le monde qu’il faut condamner et effacer.

Mais pour moi, Alain Delon, ce n’est pas le vieux monde. C’est le grand monde. Le grand monde intouchable, inaccessible et éternel du grand art. Le monde du rêve, du sublime. Il incarne une époque qui nous paraît bien lointaine et qui fait encore fantasmer beaucoup de gens, de tous âges et de toutes classes sociales. Il réunit. Il rassemble. Alain Delon incarne à lui seul le fantasme. Et puis Alain Delon, ce n’est pas juste Alain Delon, c’est aussi Gabin, Ventura. C’est aussi Visconti, Losey, Melville, René Clément. C’est Tancrède Falconerie, Rocco Parondi, Robert Klein et Le Samouraï. Cet acteur n’est pas seulement un acteur, c’est L’ACTEUR. L’acteur incarnant toute la complexité de l’homme, avec ses chatoyantes lumières et tous ses noirs recoins. L’acteur fou, seul et libre.

Il les leur faut tous

Cet acteur c’est l’histoire du cinéma, notre histoire. Et l’on voudrait nous en priver ? Nous interdire de le célébrer, de le vénérer ? Au nom de quoi ? Au nom d’une vertu chichiteuse, d’une morale à deux balles, dégoulinante de bons sentiments qui n’a rien à voir avec l’art !

A lire aussi: Alain Delon, l’ « il » de beauté

Mais cette meute de chiens qui vont à courre, bave à la gueule, est sourde et aveugle. Elle est incapable d’émerveillement et d’éblouissement. La beauté et la grâce ne l’atteignent pas. Il n’y a qu’à voir et écouter cette meute, elle porte la mort dans ses yeux mornes. La-voilà lancée aux trousses de Polanski, de Woody Allen et maintenant d’Alain Delon. Elle veut déchiqueter nos idoles. Elle veut déchirer à belles dents nos plus grands artistes, ces artistes qui nous fascinent, qui nous aident à vivre, qui nous font regarder plus haut, plus beau. Elle veut anéantir tout ce qui la dépasse. Le génie, la grandeur et l’extraordinaire lui est insupportable.

Le festival des bons sentiments

Que reproche-t-on à Alain Delon ? D’être homophobe ? Homophobe l’acteur et admirateur du grand Luchino Visconti ? Homophobe l’ami fidèle de Michou ?

Ils iront encore fouiller, fouiner, pister un quelconque « dérapage » qu’ils qualifieront de sexiste, raciste ou homophobe pour tenter de le faire tomber.

Si ces censeurs, ces nouvelles ligues de vertu prennent le pouvoir, que deviendra notre grande littérature ? Que deviendront Molière, Montherlant, Jean Genet, Sade et tant d’autres dont la lecture d’à peine quelques lignes suffirait à enrager et déchaîner le camp du bien. Ils ne veulent que des bons sentiments ! Gide disait : « On ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. » Mais Gide est probablement aussi condamnable à leur yeux.

Laissez-nous Delon !

Laissez-nous tranquille ! Foutez-nous la paix ! Nous n’avons pas besoin de vos leçons. Nous n’avons pas besoin d’indicateur du bien et du mal. Laissez-nous admirer nos idoles, celles qui embellissent nos vies. Nous vous laissons Plus belle la vie, Edouard Louis, Andréa Bescond, Philippe Torreton et nous gardons Polanski, Montherlant, Pasolini, Visconti, Gérard Depardieu, Alain Delon et leurs sulfureux semblables. A priori, nous devrions nous entendre sur le partage !

Le cinéma est un grand art et il a ses dieux. Alain Delon en est un. Célébrons le, aimons le, fêtons le !

Ne cédons pas aux intimidations. Ne nous laissons pas prendre en otage. Et maintenant, place au festival, place au cinéma et place au grand Alain Delon !

Elisabeth Lévy: mes heures les plus sombres


Chers lecteurs, j’ai un aveu à vous faire… 


J’avais préféré effacer cet épisode encombrant de ma mémoire. C’est dire si je n’en suis pas fière. C’est l’amie Eugénie Bastié qui, fine mouche, en a déterré la trace dans un de ces vieux livres qu’elle affectionne. Le 13 avril, elle m’envoie un message goguenard, document à l’appui : « Tu étais sur une liste européenne avec Loiseau ? » N’ayant aucun souvenir de cette liste sur laquelle le document joint m’apprend pourtant que je figurais en position 72, je commence par répondre « non ». Puis, « ça me dit quelque chose ». L’affaire me sort de l’esprit. Ça doit être le déni. En attendant, ça ne me rajeunit pas mais je me félicite d’avoir grandi dans un monde où Twitter et Facebook n’existaient pas.

Fais comme Loiseau…

Dix jours plus tard, les échos assourdis de l’affaire Loiseau me parviennent à Belgrade où je me trouve pour le vingtième anniversaire du bombardement de l’OTAN sur la Radio-Télévision de Serbie – applaudi à l’époque par des journalistes du monde entier en dépit des 16 victimes. Les fouilleurs de poubelles de Mediapart ont encore frappé, pensé-je. Ce qui ne m’empêche pas de ricaner intérieurement et peu charitablement : voir ressurgir sa jeunesse droitarde quand votre seul projet politique consiste à terrasser l’extrême droite, il n’y a pas mort d’homme, mais c’est ballot. Je me dis aussi que, si Nathalie Loiseau avait été à l’UNEF, tout le monde trouverait cela charmant. C’est alors que me revient le message d’Eugénie. Sapristi, si ça se trouve, c’est sur cette liste de fachos que j’étais, moi aussi.

A lire aussi: Nathalie Loiseau et l’extrême droite: croix de bois, croix de fer, si je mens…

Je pense alors en me marrant que, si c’est le cas, il y en a qui vont se prendre le savon du siècle. Comment, Lévy a un passé d’extrême droite et on a laissé passer ça ? Ce n’est pas le genre de la maison Plenel. Et vérification faite, ce n’était pas la bonne liste. Au risque de décevoir mes ennemis et certains de mes amis, je n’ai jamais fricoté avec l’extrême droite, j’étais plutôt du genre antifa mou du genou. Pour le bien et contre le mal. Pas de quoi se vanter.

Un secret plus honteux encore

Pourtant, moi aussi j’ai une connerie de jeunesse à me reprocher, un secret plus honteux encore que celui de la tête de liste LREM. Non seulement j’avoue, mais je fais ici mon autocritique publique : j’ai été européiste. Pendant mes études à Sciences-Po, à l’époque où Nathalie Loiseau se présentait aux élections internes sur une liste proche du GUD, j’ai appartenu à une association d’étudiants européens, EGEE, dont le fondateur Frank Biancheri, aujourd’hui décédé, a largement contribué, paraît-il, à créer Erasmus. Notre plus grand titre de gloire est d’avoir organisé, à Amsterdam, un colloque « Pour une défense européenne », qui fut, dans mon souvenir, assez festif. Heureusement, notre appel (à la création d’une armée européenne) est resté lettre morte. Il faut croire que j’ai longtemps persisté dans l’erreur puisque, quelques années plus tard, en 1989, j’ai accepté de figurer sur la liste « Initiative pour une démocratie européenne » de Biancheri, pour l’élection du Parlement de Strasbourg, sur laquelle se trouvait également l’infortunée Loiseau. Qu’on se rassure, nos réalisations en termes de démocratie européenne n’ont guère été plus probantes.

Mieux vaut tard que jamais

Votre servante n’occupant aucune fonction élective ou institutionnelle, on voit mal pourquoi sa jeunesse intéresserait qui que ce soit. Encore qu’on ne sait pas jusqu’où peut aller la sollicitude de certains confrères quand il s’agit de traquer les mauvaises pensées passées, présentes et futures. Si j’avais vraiment, comme je l’ai cru un instant, figuré sur la liste qui vaut ses ennuis à Nathalie Loiseau, on aurait sans doute eu droit à une micro-affaire Lévy. On n’imagine pas un journal annonçant en manchette : « Lévy rattrapée par son passé : elle était européiste et de gauche ». Autant publier un article sur un train qui arrive à l’heure. Je pensais bien, c’est-à-dire que je ne pensais pas. Rétrospectivement, l’engagement de Nathalie Loiseau me semblerait plus estimable, en tout cas plus courageux, si elle osait l’assumer, au lieu de se confondre en excuses embarrassées. Seulement, depuis, elle est devenue convenable. Quant à moi, je regrette amèrement d’avoir attendu si longtemps pour mal tourner.

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André Comte-Sponville: « Je suis favorable à une laïcité non sectaire »

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André Comte-Sponville vient de publier Contre la peur et cent autres propos, un recueil qui regroupe des articles de presse du philosophe. Entretien (2/2).


En novembre 2015, j’avais assisté à une conférence d’André Comte-Sponville, sur les quais de Seine. C’était trois jours après les attentats du Bataclan. Je me souviens lui avoir confié que j’étais l’un de ses plus fidèles lecteurs depuis vingt ans, mais que j’avais basculé du côté obscur et lisait aussi, désormais, Finkielkraut et Causeur. Même si je prends un peu cher parfois, c’est toujours un plaisir de pouvoir s’entretenir, sans langue de bois, avec un philosophe qu’on admire…

A lire aussi: André Comte-Sponville: « Nos gouvernants n’ont plus le choix qu’entre l’impopularité ou l’impuissance » (1/2)

Franck Crudo. Vous écrivez : « Tous les voiles ne se valent pas. Le hijab n’est pas le niqab, qui n’est pas le tchador ou la burqa. Mais tous sont insupportables, si on veut les imposer, ou me paraissent regrettables, s’ils relèvent d’un libre choix. » Vous êtes néanmoins critique sur la « laïcité à la française » et prônez une vision assez libérale sur le sujet. On pourrait vous rétorquer que dans le contexte qui est le nôtre, face au communautarisme, à l’essor du salafisme dans nos banlieues, tous les signes religieux ne se valent pas non plus…

André Comte-Sponville. Sans doute, mais le droit et la laïcité ont leurs exigences, qui interdisent de faire un tri entre les religions… Pour le reste, je suis en effet libéral et favorable à une laïcité non sectaire. S’agissant de la loi interdisant le voile à l’école, je n’ai pas de position tranchée. Ce qui m’a gêné, sur le coup, c’était l’idée qu’on allait exclure de nos écoles un certain nombre de jeunes filles sages et studieuses, alors qu’on y gardait des centaines de petits voyous violents et irrespectueux. Je n’ai pas pour autant combattu cette loi. J’ai fait part de ma perplexité, ce qui n’est pas la même chose. En l’occurrence, il semble que la loi ait produit des effets positifs. Donc, maintenons-la.

Il y a quelques années, lors de notre précédent entretien, vous réfutiez la thèse du choc des civilisations en expliquant : « Ce qui m’interdit d’y adhérer, c’est ce fait incontestable qu’il existe des démocrates musulmans et des fascistes judéo-chrétiens. » Je dois vous avouer que votre argument, pour le coup, me laisse perplexe. Je ne parviens pas à comprendre comment un contre-exemple peut invalider une tendance ou une menace. Que penseriez-vous de quelqu’un qui dirait, dans les années 30, que la guerre entre la France républicaine et l’Allemagne nazie ne peut avoir lieu car il existe des républicains en Allemagne et des fascistes en France ? Pourtant…

Votre comparaison est biaisée. D’ailleurs, vous avez rajouté deux adjectifs : « républicaine » et « nazie ». Pourquoi ? Parce que quelqu’un qui vous aurait dit que les cultures allemande et française ne peuvent que s’opposer militairement aurait dit une évidente sottise. Et vous auriez eu raison, alors, de lui opposer Stefan Zweig et Romain Rolland (parmi tant d’autres !). Ce qui était en jeu, dans les années 30, ce n’était pas l’Allemagne et la France, surtout pas comme entités culturelles, mais les démocraties et le nazisme. De même, je maintiens que ce ne sont pas les civilisations dites « judéo-chrétiennes » et « arabo-musulmanes » qui sont vouées à la guerre, mais les démocrates et les terroristes islamistes. Enfin, notez que mon « contre-exemple » est massif : ce ne sont pas quelques musulmans qui refusent la dictature islamiste, mais des centaines de milliers d’entre eux.

Qu’un musulman mette la charia plus haut que les lois de la République, c’est son droit

Certes, mais ce sont aussi des centaines de milliers d’entre eux qui placent très souvent les islamistes en tête lorsque des élections sont organisées en terre d’Islam… Comment faire coexister pacifiquement des cultures qui ont des visions diamétralement opposées sur des principes fondamentaux ? Ce n’est hélas pas qu’une poignée d’islamistes qui estime que le politique doit être soumis au religieux, que la femme n’est pas l’égale de l’homme, que l’apostat, le blasphème ou l’homosexualité sont des péchés, voire même des crimes, ou qui se sentent plus proches de l’esprit de Dieudonné que de celui de Charlie. Et je jette un voile pudique sur l’antisémitisme. Aujourd’hui en France, de très nombreux jeunes musulmans placent la charia avant les lois de la République, dixit l’institut Montaigne. C’est tout de même très inquiétant…

Et alors, vous voulez quoi ? Que je vous rassure ? Que je vous console ? Que je tremble avec vous ? Et vous proposez quoi ? Une guerre préventive ? L’interdiction de l’islam ? Soyons sérieux ! D’ailleurs, qu’un musulman mette la charia plus haut que les lois de la République, c’est son droit, tant qu’il ne viole pas les lois en question. Quel chrétien qui ne mette les Évangiles plus haut que les lois de la République ? Quel juif religieux qui ne mette la Thora plus haut que ces mêmes lois ? Et j’espère bien que vous-même, vous mettez votre morale plus haut que les lois de la République, comme je fais aussi ! Le peuple est souverain, quant au droit, mais n’a aucun titre à gouverner ma conscience. Le problème n’est pas de hiérarchie mais de contrainte : on a le droit d’être contre telle ou telle loi de la République (c’est mon cas pour certaines d’entre elles), pas de les violer. L’important c’est que toute violation de la loi soit sanctionnée, quel qu’en soit le motif, religieux ou non.

Comment faire coexister pacifiquement des cultures différentes ? Mais par l’État de droit, cher Monsieur, donc par le monopole de la violence légitime ! Ces cultures sont d’ailleurs moins diamétralement opposées que vous ne le prétendez. Sur tous les exemples que vous prenez (l’égalité homme-femme, l’apostat, le blasphème, l’homosexualité) les positions de l’Église catholique ont longtemps été les mêmes que celles des autorités musulmanes, et le sont encore parfois. Par exemple considérer que l’homosexualité, dès qu’elle passe à l’acte, est un péché : de mon point de vue, c’est une sottise et une injustice ; mais c’est la position des trois grands monothéismes, comme de la plupart des religions dans le monde, et les croyants ont bien le droit de le penser. Eh oui, ce serait plus simple si tout le monde était athée, mais ce n’est pas le cas ! Est-ce un drame ? Non : c’est un combat idéologique à mener. D’ici là, faisons respecter l’ordre républicain, y compris par la force.

On n’a pas le choix : le multiculturalisme fait partie du réel

L’histoire de l’humanité nous démontre que le nationalisme c’est la guerre… mais que le multiculturalisme aussi. Ceux qui dénient ou minimisent la conflictualité du monde et de la nature humaine ne sont-ils pas in fine aussi dangereux que ceux qui exacerbent cette même conflictualité ? Comment trouver une ligne de crête entre ces deux abîmes ?

En étant lucide et modéré. Voyez Montaigne, pendant les guerres de religion… Par ailleurs, je ne suis pas du tout convaincu que le multiculturalisme mène à la guerre. Au reste, on n’a pas le choix : le multiculturalisme fait partie du réel. L’issue n’est pas dans son exclusion (comment ? en rejetant les musulmans à la mer ? en les convertissant de force ?) mais dans le développement de ce que j’ai appelé une civilisation mondiale, laïque, démocratique et respectueuse des droits de l’homme. Là-dessus, voyez mon C’est chose tendre que la vie, chapitre 5. Il reste que vous avez raison sur un point : la conflictualité, donc la possibilité de la guerre, font partie du monde et de la nature humaine. Il faut donc vivre avec. C’est un dicton latin que Freud appréciait : « Si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre). Cela donne tort au pacifistes, pas aux pacifiques (sur la différence entre les deux, voir mon Dictionnaire philosophique !).

Peut-être les habitants de l’ex-Yougoslavie, du Liban, du Rwanda, du Nigeria, du Mali, du Sri Lanka, du Cachemire, etc. sont-ils davantage convaincus par la conflictualité potentielle du multiculturalisme… « La mondialisation heureuse, c’est à l’arrivée une balkanisation furieuse », écrit Régis Debray. 

Et pourtant il n’y a jamais eu aussi peu de guerres et de meurtres qu’aujourd’hui ! Ça vous étonne ? C’est que vous êtes mal informé. Là-dessus, je me répète, lisez La part d’ange en nous, de Pinker, sous-titré : Sur l’histoire de la violence et de son déclin. C’est peut-être moins talentueux que Debray, mais tellement plus savant et plus vrai ! C’est l’un des rares chefs-d’œuvre en sciences humaines de ces dernières années : on y apprend mille vérités très étonnantes et plutôt réconfortantes. Mais bon, si vous préférez vous faire peur avec les petites angoisses et la jolie plume de l’ami Régis, c’est votre droit ! Comme c’est le mien de mettre la connaissance plus haut que l’angoisse, et la vérité plus haut que le talent.

On peut être inquiet des dérives potentielles et du nationalisme et du multiculturalisme sans forcément penser que c’était mieux avant, sauf peut-être dans certains domaines spécifiques comme l’art ou l’école, un sentiment que vous-même développez d’ailleurs dans C’est chose tendre que la vie. Mais bon, évoquons un sujet moins clivant. Vous écrivez de belles lignes sur l’amour si particulier, inconditionnel, que l’on porte à nos enfants et citez Victor Hugo (« Faire des enfants, c’est donner des otages au destin »). Comment aimer nos enfants sans avoir peur, pour reprendre le titre de votre livre ?

C’est simple : on ne peut pas ! Et ce n’est pas une raison pour ne pas faire d’enfants ! Cela confirme que la sérénité n’est pas l’essentiel. Mieux vaut un amour inquiet qu’une quiétude sans amour ! Le remède à la peur, ce n’est pas la sérénité, c’est le courage et l’action !

L’humanité est évidemment supérieure, en fait et en valeur, à toutes les autres espèces

Vous avez publié en 2012 un livre passionnant sur l’amour et la sexualité (Le Sexe ni la mort). Je dois vous confesser avoir souri lorsque vous écrivez que « le plus souvent, pour les femmes, le sexe est au service de l’amour, alors que pour les hommes, l’amour est au service du sexe ». Ce qui au passage démontre qu’une formule bien sentie peut, parfois, nous éclairer bien davantage que des milliers de mots. Finalement, l’acte sexuel n’est-il pas ce qui nous ramène au plus près de notre animalité et l’érotisme, ce qui nous en éloigne ?

Oui, le sexe est la part en nous la plus délicieusement animale. Mais l’érotisme ne nous en éloigne pas : il en joue ! Il n’y a pas d’érotisme sans transgression, ni de transgression sans morale. C’est en quoi l’érotisme est le propre de l’homme. Les bêtes, qui font l’amour innocemment, ne savent pas ce qu’elles perdent !

C’est ce qui donne tort, rétrospectivement, à ceux, dans les années 60 ou 70, qui ont voulu « libérer » le sexe de toute préoccupation morale. C’était passer d’une erreur à une autre : de la diabolisation du sexe (saint Augustin et la suite) à sa banalisation ! Heureusement que les amants savent refuser et l’une et l’autre !

La souffrance animale devient de nos jours un sujet de premier plan, qui dépasse largement les clivages politiques, voire philosophiques. Où placer le curseur face à cette souffrance et dans notre rapport à l’animal ?

Disons d’abord où ne pas le placer : dans un « antispécisme » ridicule, qui prétendrait qu’il n’y a aucune différence de valeur ou de dignité entre un être humain et une bête ! L’humanisme a raison de soutenir le contraire. Qui mettrait sur le même plan un pou et un chimpanzé ? Et pourquoi faudrait-il mettre sur le même plan un chimpanzé et un être humain ? L’humanité est évidemment supérieure, en fait et en valeur, à toutes les autres espèces, ne serait-ce qu’en ceci : elle est la seule espèce à se soucier de la survie ou du bien-être des autres espèces. N’en déplaise aux animalistes, même leur combat leur donne tort : seul un humain est capable de le mener ! Combattre la souffrance animale, comme il faut en effet le faire, ce n’est pas être moins humaniste, c’est l’être plus !

Un homme, même le pire, a plus de dignité que le meilleur des chiens

Et entre un dauphin ou un chien guide d’aveugle et un nazi ou Mohammed Merah, qui a le plus de valeur ou de dignité ?

De valeur, cela dépend de l’amour ou de la haine que vous avez pour l’un ou l’autre. Personnellement, je préfère mon chien. Mais s’agissant de la dignité, aucune hésitation : un homme, même le pire, a plus de dignité que le meilleur des chiens. Pourquoi ? Parce que tous les humains sont égaux en droit et en dignité. Donc Mohammed Merah a exactement la même dignité (non certes la même valeur !) que vous et moi. Si ça vous gêne, tant pis pour vous ! Mais alors faites le savoir publiquement. Écrivez dans Causeur que tous les humains ne sont pas égaux en droits et en dignité. C’est votre droit (le droit d’être contre les droits de l’homme fait partie de ces droits, à condition de ne pas les violer). Moi je reste fidèle à l’humanisme.

Que Mohammed Merah soit un être humain, cela ne dépend pas de lui : cela dépend de moi ! Vous parliez d’Alain. Eh bien lisez un peu ça, qui dit assez sa grandeur : « Savoir si un criminel est un homme, cela me regarde et non lui. C’est à moi à faire la preuve, et non à lui. Qu’il soit un homme, ce n’est pas son devoir, c’est le mien. Telle est l’idée chrétienne ; et c’est bien une idée ; et qui ne sera vérifiée que si l’on veut bien, et si l’on s’y met. Si l’on n’y croit pas d’abord, on n’en trouvera pas de preuves. »[tooltips content= »Préliminaires à la mythologie, Bibliothèque de la Pléiade, Les Arts et les Dieux, p. 1167″]1[/tooltips]

Vous savez qu’Alain était aussi athée que moi. Mais on n’a pas besoin de croire en Dieu pour penser que tous les êtres humains, aussi inégaux qu’ils puissent être en fait et en valeur, sont égaux en droits et en dignité. Il suffit de le vouloir ! Cela dépend de nous, comme disaient les stoïciens ! Bref, tous ceux qui ont prétendu – j’en ai entendu plusieurs – que Merah n’avait plus rien d’humain fonctionnaient comme lui. Moi non. C’était un salaud et un assassin. Je me réjouis qu’il soit mort. Mais on ne me fera pas dire qu’il avait moins de dignité que n’importe qui.

Vous confiez prendre chaque matin « une douche de silence ». Que vous apporte la méditation, vous a-t-elle changé ?

Immobilité stricte, attention pure : ne rien faire, mais à fond ! C’est l’esprit du zen (et je précise que je ne suis nullement bouddhiste). Cela m’apporte un peu de calme, de tranquillité, de silence, de vérité, de spiritualité, parfois (rarement !) d’éternité… C’est comme un rendez-vous avec soi-même – et les meilleurs moments sont ceux où il n’y a personne ! Ne pas penser, ne pas réfléchir, ne pas interpréter : voir, sentir, écouter, respirer. Le corps comme une montagne ; les idées sont les nuages, qu’on laisse passer au loin, se déliter, se dissoudre… Revenir au corps, à la sensation, à la respiration. « Quand on pense, on ne perçoit pas, disent les textes zen ; quand on perçoit, on ne pense pas. » C’est étonnamment vrai ! Et puis cela permet de prendre un peu de recul, de mettre les passions à distance, de jouer la grande paix du corps contre les colères ou les angoisses de l’esprit. Vous devriez essayer !

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« Royal baby »: quatre millions de petits Anglais pauvres, et moi et moi et moi…

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La famille royale aimerait que la naissance de son dernier chérubin, Archie, soit mieux accueillie. Mais beaucoup d’Anglais sont bien plus préoccupés par le sort de millions d’enfants pauvres sur leur territoire. 


Au terme d’un suspense savamment entretenu par les médias à l’échelle planétaire, était enfin annoncée, le 6 mai, la naissance d’Archie Harrison Mountbatten-Windsor, « royal baby », fils de Harry et Meghan, les Duc et Duchesse de Sussex, dont le mariage le 19 mai 2018, avait défrayé la chronique en marquant un tournant manifeste pour la famille royale britannique.

Cher « royal baby »…

L’agitation médiatique est frénétique autour du « bébé royal », qui est le fruit d’une union entre une actrice hollywoodienne métisse et un descendant de l’ancienne maison des Saxe-Cobourg-Gotha (appelée maison de Windsor par la famille royale britannique pour faire oublier ses origines allemandes en 1917). Par opposition au Brexit, présenté le plus souvent sous un jour extrêmement négatif et qui n’en finit pas d’envenimer la vie politique britannique, cette naissance est censée symboliser le triomphe du multiculturalisme et du vivre-ensemble face à la tentation du repli identitaire qui guette les Etats de la « vieille Europe ». S’agissant d’une si noble cause, on ne saurait lésiner sur les moyens financiers mis à disposition pour en porter l’étendard.

En rétrospective, on sait maintenant, grâce aux tabloïds anglais, que le mariage de Meghan et Harry, financé en grande partie par l’argent des contribuables britanniques, a bien coûté 32 millions de livres sterling (ce qui inclut le coût de la robe de Meghan achetée finalement pour 500 000 dollars !). Plus récemment, une « baby shower » – cérémonie prénatale de remise de cadeaux à la future mère – organisée à New York en février 2019 par les amis de Meghan a atteint la bagatelle de 330 000 £. Les nombreux invités au rang desquels se trouvaient par exemple la championne de tennis Serena Williams et Amal, l’épouse de l’acteur George Clooney, ne sont pas repartis les mains vides mais avec un sac de cadeaux d’une valeur de 700 livres sterling !

4,5 millions d’enfants pauvres

Cette exhibition décomplexée de leur immense richesse par des membres de la famille royale peut cependant paraître indécente au regard de la situation de pauvreté de dizaines de milliers d’écoliers anglais, qui se rendent désormais chaque jour à l’école le ventre vide. Cet étalage de luxe intervient, en effet, dans un contexte où 4,5 millions d’enfants au Royaume-Uni sont tombés dans la pauvreté au fil des dernières années. Les ONG, telles que End Hunger UK ou bien la Food Foundation, tirent depuis quelques années déjà, la sonnette d’alarme concernant la réapparition de la faim ou du manque de nourriture dans les familles britanniques défavorisées. N’en déplaise aux pourfendeurs du Brexit, la paupérisation à un rythme inquiétant des classes populaires et d’une partie des classes moyennes, est une cause supplémentaire du vote des électeurs en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Les opposants à la monarchie, regroupés dans le groupe de pression Republic, dénoncent, quant à eux, depuis longtemps, une disproportion criante de traitement entre celui des enfants britanniques dans leur ensemble et celui réservé aux « Royals ».

« Les enfants perdus d’Angleterre »

On peut également mentionner l’attitude dévoyée – voire la faillite – des services sociaux britanniques, épinglés par les Nations unies elles-mêmes. Afin de remplir des foyers gérés par des sociétés privées au nord du pays, ces services placent de force et en toute impunité des enfants arrachés à leurs familles – la plupart venant du Grand Londres – dans ces institutions, sous les prétextes les plus fallacieux. 70 % des foyers pour mineurs appartiennent, en effet, non pas à l’Etat, mais à de grosses entreprises qui font d’énormes profits dans le cadre de ce trafic légalisé. Les foyers sont ainsi construits dans une logique économique sans tenir aucunement compte de l’intérêt des enfants et des familles. Nombre de ces enfants sombrent ensuite dans le désespoir, avant de devenir la proie de cercles qui les exploitent sexuellement. Ces cercles criminels sont parfois dirigés par des ressortissants du Pakistan ou du Bangladesh. Peu de personnes osent dénoncer ce phénomène de peur d’être taxés de discrimination. En témoignent les scandales sexuels de Rotherham, Rochdale, Telford et Oxford. Un reportage « Les enfants perdus d’Angleterre » présenté par Marina Carrère d’Encausse et diffusé sur France 5 le 16 avril dernier, rappelait à cet égard les tenants et les aboutissants de ces pratiques inouïes outre-Manche.

Autre chose en tête…

Cette succession de scandales a révulsé nombre de Britanniques qui, se sentant impuissants face à l’emprise du politiquement correct et à l’inertie de leur système, ne souhaitent plus qu’une chose : protéger véritablement les familles et les enfants ; reprendre les rênes de leur destin au plus vite ; contrôler les flux migratoires ; accélérer les expulsions de criminels étrangers et en finir avec l’impunité dont jouissent les services sociaux en vertu de lois aujourd’hui jugées iniques telles que le Children Act de 1989 qui, depuis trente ans, sous prétexte de les protéger, brise des familles et vulnérabilise des enfants, le plus souvent dans un souci de rentabilité au profit de sociétés privées qui ont pris place sur le marché.

C’est pourquoi dans un tel contexte, il n’est pas certain que la naissance d’un nouveau membre de la famille royale dans des conditions ultra-privilégiées, soit un élément apaisant, rassurant et unificateur pour le reste de la société britannique.

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Zemmour et Cohn-Bendit, rien ne les réconciliera

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Sur LCI, hier soir, « la grande confrontation » opposait Daniel Cohn-Bendit à Eric Zemmour. Comme on pouvait s’y attendre, elle a été frontale. 


Disons-le : Eric Zemmour et Daniel Cohn-Bendit, nos deux polémistes préférés, ont assuré le spectacle pendant trois heures avec brio sur LCI. Sur un thème plutôt ingrat : l’Union européenne dont chacun sait qu’elle est comme un train bloqué dans un tunnel, incapable d’avancer ou de reculer, alors que les empires américains, chinois et russes filent à l’allure d’un TGV.

Je suis d’ici contre je suis de partout

Le plus fascinant dans ce débat était d’observer combien deux options philosophiques s’opposaient. Celle de Zemmour incarnait le mot célèbre de Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme » (surtout s’il est musulman, ajouterait Éric), cependant que Daniel Cohn-Bendit dans un élan utopique soutenait, après Terence, qu’il est un homme et que rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger.

A lire aussi: Zemmour et les élèves juifs du 93: le « fact-checking » foireux de TF1

D’où cet échange assez violent entre Daniel Cohn-Bendit pour qui les valeurs ou, si l’on préfère, les droits de l’homme, sont universalistes, alors que pour Éric Zemmour elles sont tout au plus un produit français destiné à l’exportation comme le brie ou le champagne, chaque nation défendant son territoire et son mode de vie avec férocité.

L’auberge zemmourienne

Pour avoir pas mal bourlingué, force m’est de donner raison à Éric Zemmour : il faut vraiment être Français pour imaginer que chaque civilisation ou religion ne considère pas ses valeurs comme étant supérieures à celles du monde entier. Il en va de même d’ailleurs pour la gastronomie. Il n’y a pas d’homme universel, même si on peut le regretter: il y a des Anglais, des Chinois, des Camerounais (j’arrête la liste) qui ont leur code d’honneur et c’est rarement le même. On peut toujours rêver, comme cette étudiante en médecine sur le plateau, à une identité européenne qui se construira au fil des générations grâce au programme Erasmus, mais Éric Zemmour n’a pas eu tort de se moquer de sa naïveté et de tenter de lui faire comprendre qu’elle n’était, grâce à Erasmus, qu’un brave petit soldat décervelé au service de l’empire du Bien.

La mauvaise foi de Daniel Cohn-Bendit

Le débat a tourné à la confusion quand il s’est agi du judaïsme qui est, lui aussi, un mélange de provincialisme et d’universalisme. Daniel Cohn-Bendit a eu l’honnêteté et l’intelligence de rappeler combien ses positions étaient liées à son ADN familial. En revanche, il s’est montré d’une mauvaise foi hallucinante en comparant les viols de masse à Cologne commis par des migrants à la drague un peu lourde des Italiens. Mais celle qui s’est montrée d’un courage exemplaire, c’est cette juriste parisienne – interrogée durant l’émission par David Pujadas – qui, pour avoir vécu dans l’immeuble du Bataclan et ensuite à Calais, n’a pas craint de dénoncer les ravages que commet l’islam en France. Cohn-Bendit a voulu tempérer ses propos en parlant d’islamo-fascisme sous le regard goguenard de Zemmour. Trop tard. Le mal était fait.

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Exclu Airbnb: appart’ cosy dans « quartier sensible » formidable

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Bobigny, Seine-Saint-Denis. ©NICOLAS MESSYASZ POUR LE /SIPA / 00734015_000024

Une étude a recensé les commentaires laissés par les utilisateurs de Airbnb dans les « quartiers sensibles ». Miracle, ce n’est pas du ce que vous croyez. Les médias se sont régalés…


Sous-louer son logement social n’est pas tout à fait conforme aux lois de la République. Passons, voilà une bonne nouvelle pour les « quartiers populaires ». Honteusement qualifiés de « sensibles » par des personnes assoiffées de sensationnel, une étude de l’agence conseil Nouvelles marges les réhabilite. Les commentaires laissés sur la plateforme de location entre particuliers Airbnb célèbreraient nos banlieues séditieuses.

« Calme et authentique »

Qu’importe si la méthodologie de l’étude questionne. Les journalistes sont super contents, et c’est bien là l’essentiel. On se pincerait pour y croire, c’est presque trop beau. Alors que des esprits malveillants passent leur temps à nous inventer de prétendues « no go zones », le fameux rapport établit qu’ « il existe un marché pour les hébergements situés dans des quartiers à l’image pourtant dégradée ». Jolie formule ! De là à dire qu’il n’y a qu’un problème d’image à corriger pour les quartiers perdus de la République…

En se concentrant sur 25 quartiers, l’enquête a analysé 1045 hébergements de courte durée et les avis que les touristes avaient laissés après leur séjour. Dans la « quasi-totalité des cas », les locataires ont signalé leur satisfaction.

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Si l’on resserre la focale sur la cité des 4000 à la Courneuve, par exemple, 205 des 286 commentaires analysés contiendraient des remarques positives qui valorisent le quartier. 48 % des remarques indiquent que le quartier bénéficie d’une « situation stratégique favorable » grâce à « une bonne connexion au centre de Paris ». 37 % louent « l’accès facilité aux transports en commun » grâce au RER et aux bus. Par ailleurs, 10% ont vu une ambiance « calme et authentique » ! Enfin, 5% ont apprécié la « présence de commerces de proximité ».

Banlieue rose

Ce n’est pas dans les habitudes de cette gazette de faire du mauvais esprit. Mais j’hésite quand même à préparer mes cartons pour déménager. On pourrait rétorquer qu’en comptant bien, seulement 15% des avis sur la Courneuve ont réellement apprécié le quartier, le reste se réjouissant surtout de pouvoir trouver un moyen de transport permettant de foutre le camp… On rappelle aussi que quiconque est de retour de vacances s’empresse généralement de vanter ses choix de baroudeur pour épater ses amis quant à son séjour.

Qu’importe ! La presse « progressiste » a sauté sur une rare occasion de donner un coup de lustre à des quartiers injustement vilipendés.

« Qui en doutait ? »

L’impayable Claude Askolovitch de France inter lance le signal de ralliement : « Les touristes kiffent les quartiers ». Le prestigieux éditorialiste avoue tout de même sa « surprise ». Regrettant bien sûr qu’on ne parle de ces « quartiers populaires que l’on dit sensibles » que « quand ça dérape », il se félicite que l’étude ait montré des visiteurs « ravis » chez des habitants « accueillants ». « Qui en doutait ? », ose-t-il sur un ton pontifiant.

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Libération se réjouit de son côté que nos banlieues fassent « le bonheur des touristes ». Le Monde va plus loin : l’enquête a le mérite d’aller « à contre courant des préjugés négatifs qui collent à la peau des quartiers populaires ». En exergue ce commentaire dans le quotidien du soir sur une « no go zone » de Toulouse : « Quartier très bien malgré ce que vous pouvez entendre. » Pénible tous ces gens qui parlent sans connaitre de ces quartiers « stigmatisés » à tort !

Le sentiment d’être dans le « vrai Paris »

A Saint-Denis, c’est le même refrain : alors que le quartier du Grand Centre-Sémard est très prisé des locations de courte durée, Le Monde relève avec gourmandise ce commentaire : « Ça change des coins touristiques de Paris » tant les habitants sont « aidants ». Tu m’étonnes ! On a carrément le « sentiment d’être dans le vrai Paris » signale un autre utilisateur cité dans l’article. Sur France Info, bien qu’ « aucun incident ne soit à déplorer », Sylvie, une loueuse belge sur Aulnay-sous-Bois, indique tout de même qu’elle ne reviendra pas. Mais les journalistes n’estiment pas nécessaire de lui demander pourquoi.

A Toulouse, 20 Minutes se réjouit que le quartier du Mirail « cumule les bonnes notes ». Quant à Lyon Métropole, il exulte à l’idée que Airbnb ait « la cote » dans les « quartiers sensibles » du Vaulx-en-Velin ou de Vénissieux. Champagne !

Notre-Dame: contre la restauration rapide!

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Emmanuel Macron tourne le dos à Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019 ©Stephane Lemouton -POOL/SIPA / 00903851_000005

Le président Macron a court-circuité le ministère de la Culture afin d’annoncer une reconstruction rapide de Notre-Dame. Cette précipitation n’annonce rien de bon, car une restauration à l’identique exige une réflexion poussée sur l’identité profonde de l’édifice. 


En novembre 1793, une jeune actrice se produisait sur un rocher en carton-pâte installé dans le chœur de la cathédrale profanée, devenue alors le « temple de la Raison ». On sait que cette raison-là n’a pas mieux réussi à Notre-Dame qu’ailleurs, il était déjà trop tard dans le siècle et les Lumières s’éteignaient partout : l’édifice fut ainsi dévasté par le vandalisme jacobin, dont l’iconoclasme en annonce d’autres, plus contemporains.

Après l’incendie du 15 avril dernier, la Raison n’a pas non plus refait surface. Tandis que Madame Hidalgo, nostalgique de la Commune de 1871 qui a mis le feu, en vain, à la cathédrale, se prosternait quasiment devant la relique de la couronne d’épines du Christ, Jean-Luc Mélenchon, pourtant un des derniers zélateurs du terrorisme jacobin, pleurait la vieille cathédrale ! Quant au président de la République, il était frappé d’une nouvelle bouffée d’hybris : mélangeant tout avec une incompétence exaltée, il annonçait pour « rebâtir » (sic) Notre-Dame des délais absurdes, des embellissements douteux, allant jusqu’à rallumer un nouvel incendie avec l’idée baroque de lancer un concours international pour la nouvelle flèche. Ce n’était sans doute pas encore assez, et le gouvernement devait parachever le tout par l’élaboration d’un projet de loi d’exception rédigé pendant que la cathédrale fumait encore, et nommer un général d’armée à la retraite pour diriger le tout – nous aurions préféré pour notre part l’énergique Monsieur Benalla !

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Ce faisant, le gouvernement a fait une seconde victime : le ministère de la Culture, si absent de la séquence, alors qu’on touche ici au cœur de son métier. L’actuel locataire de la Rue de Valois a-t-il compris les enjeux politiques que sous-tendent ces décisions exceptionnelles ? Après le loto de Stéphane Bern, voilà maintenant la reconstruction de Notre-Dame qui lui échappe : c’est ainsi tout le système traditionnel des Monuments historiques qui est mis en danger. La culture du coup politique et de la communication permanente amène à ne plus utiliser les services existants, que le contribuable paye pourtant, et dont l’expérience accumulée depuis 1830 n’est pas négligeable, malgré quelques limites régulièrement dénoncées. Dans le domaine complexe de la restauration, qui met en jeu des questions à la fois techniques, culturelles et philosophiques, l’affaire est plus délicate encore, et ne saurait être traitée à la hussarde, comme l’a fait le gouvernement.

Un fait banal ?

Assister en direct, impuissant, à l’incendie de la cathédrale Notre-Dame a certainement été une épreuve pour tout homme sensible ; pour l’historien, en revanche, c’est un formidable « direct live » sur ce qu’il connaît bien : les monuments brûlent en effet depuis l’Antiquité, et leur perte constitue une histoire en soi, pleine de nostalgie et d’enseignements. Il est insupportable à notre époque du risque zéro, de la guerre sans mort et des normes de sursécurité qu’un tel accident puisse se produire. Les premiers résultats de l’enquête montrent que, comme d’habitude, c’est d’abord une histoire de cornecul, la rencontre de Dédé la Bricole avec le génie bâtisseur du Moyen Âge. Quant à la liste des erreurs et dysfonctionnements qui ont conduit à l’incendie, relevée la semaine suivante par le Canard enchaîné, elle rappelle celle, autrement plus dévoreuse en vies humaines, du Titanic, le fameux bateau qui ne devait pas couler.

Dans l’histoire des incendies de grands monuments, rappelons-nous d’abord qu’il n’y a, là encore et n’en déplaise aux complotistes, rien que de bien connu : la guerre (cathédrale de Reims en 1914), la malveillance (la Porte du Sud de Séoul en 2006), le chantier mal tenu (cathédrale de Nantes en 1972), le court-circuit électrique (le château de Lunéville en 2003)… L’incendie criminel est le plus rare, celui du siège du Crédit lyonnais en 1996 étant l’exception qui confirme la règle.

Le feu d’abord, l’eau salvatrice qui devient destructrice ensuite, les consolidations post-traumatisme, puis les restaurations, voire les restitutions de ce qui a disparu… tout cela est également bien connu des historiens et des architectes qui traitent du patrimoine. Ce qui s’est produit le 15 avril dernier était à proprement parler un événement, quelque chose qui est arrivé. Ce qui le rend exceptionnel n’est pas sa nature, mais le fait qu’il n’aurait pas dû arriver.

Que va-t-on faire maintenant ? Il faudrait réfléchir et convoquer à nouveau la déesse Raison. Car depuis deux siècles, les progrès de l’art d’éteindre le feu, ceux de l’histoire de l’art et de l’archéologie, enfin l’invention de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques ont permis d’envisager de manière plus subtile la restauration des édifices brûlés : ainsi s’est ouverte une séquence complexe, celle de l’histoire de la restauration et de sa déontologie. Si complexe que son analyse n’est guère aisée à chaud, en quelques secondes d’antenne, ou sur un plateau de télé quand s’entrechoquent scoops et formules.

À l’identique

À chaque drame, à chaque perte, le débat se focalise immédiatement sur une idée apparemment simple : on doit restaurer l’édifice « à l’identique », soit pour Notre-Dame, telle qu’elle était jusqu’au 15 avril 2019 à 18 h 40. La formule doit être analysée, car elle concerne non seulement l’image de l’édifice avant sa destruction partielle, mais aussi ses matériaux (pierre pour pierre, bois pour bois, plomb pour plomb…). Une restauration « à l’identique » suppose la réunion de trois éléments : une documentation parfaite (plans, relevés, photographies, vestiges…) ; des matériaux de même nature disponibles ; un savoir-faire intact pour les mettre en œuvre. Ils sont ici réunis sans conteste, et c’est donc une option solide, d’autant que l’édifice était classé au titre des Monuments historiques, et qu’il s’agit du « dernier état connu », comme le stipule la charte de Venise, texte international de déontologie de la restauration, signée par la France en 1964 (non contraignant).

Mais, pour logique qu’elle soit, cette option soulève deux questions : d’abord, elle renonce aux matériaux modernes qui peuvent, dans certains cas, suppléer aux défauts des matériaux anciens – ainsi du bois qui brûle, ou du plomb qui fond. Ensuite, sur un plan plus conceptuel, elle abolit l’événement et la restauration ne s’inscrit donc pas dans une démarche de souvenir, mais au contraire d’effacement. L’histoire des restaurations des grands édifices meurtris enseigne de fait que c’est une solution qui n’est, en réalité, jamais adoptée complètement par les restaurateurs.

Adaptations

Ainsi, dès le début du xixe siècle, quand on a commencé à réfléchir à ces problématiques, on s’est affranchi, d’une partie des contraintes. À Rouen, dont la flèche de la cathédrale a été détruite par la foudre en 1822, l’architecte Alavoine, une génération avant Viollet-le-Duc, préconise ainsi l’usage de la fonte, matériau nouveau qui scandalise, mais qui évite, plaide l’architecte, le risque d’un nouvel incendie. Ce même raisonnement intervient lorsque la cathédrale de Chartres perd sa charpente dans un grand incendie en 1836 : elle est alors reconstruite en fer, avec une structure de forme ogivale, comme le fera également à la basilique de Saint-Denis l’architecte François Debret. Pour la cathédrale de Reims, après la Première Guerre mondiale, l’architecte en chef des Monuments historiques Henri Deneux, grand connaisseur des charpentes anciennes, met au point un dispositif original, considéré aujourd’hui comme un authentique chef-d’œuvre : il reprend en effet un système de charpente inventé à la Renaissance par Philibert Delorme, dit « à petits bois », mais en utilisant le béton. Plus proche de nous, l’architecte Pierre Prunet utilise également du béton après la destruction de la charpente de la cathédrale de Nantes, en 1972. Son confrère qui restaure le parlement de Rennes après l’incendie de 1994 monte pour sa part une charpente métallique, en place de celle d’origine en bois.

Trois raisons expliquent ces choix éloignés des dispositifs d’origine : outre leur efficacité constructive, ces charpentes faites de matériaux modernes ont une bonne résistance au feu et constituent également le témoignage d’une époque, non la copie plus ou moins fidèle de quelque chose qui a entièrement disparu.

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Ainsi à Notre-Dame, il est évident que l’édifice doit retrouver son grand comble en croix dont la pente d’origine est donnée par les trois pignons en pierre subsistants : celui-ci sera donc formellement « à l’identique » donc. Mais la charpente, invisible depuis l’extérieur, et de plus interdite à la visite, peut parfaitement être différente, en béton ou en acier par exemple. Même le matériau de recouvrement extérieur pourrait changer et n’être plus du plomb, sans gêner la lecture de l’édifice s’il respecte la couleur grisâtre des toits parisiens.

Le traitement des parties détruites qui possédaient un caractère esthétique ou ornemental, comme la grande flèche de Viollet-le-Duc qui s’est abattue lors de l’incendie, crevant les voûtes de la nef et du carré du transept, apparaît plus délicat. L’histoire nous enseigne, là encore, qu’il s’agit d’une vieille question et que la reconstruction à l’identique n’est pas toujours la solution retenue. À Orléans, cathédrale dynamitée par les protestants au XVIe siècle, le chantier dura deux siècles entiers ; en 1646, l’architecte parisien Jacques Lemercier fut chargé de dresser une haute flèche dans le goût moderne, « à l’antique » : faite de bois et de plomb, en forme d’obélisque, sa flèche, dont la silhouette était compatible avec l’architecture de l’édifice, n’a pas supporté son propre poids et a été remplacée plus tard par une flèche de style gothique. Au xixe siècle, à Rouen, l’architecte Alavoine, déjà cité, a choisi de donner à sa flèche de fonte une stylisation à la gothique, qui en fait quasiment un chef-d’œuvre « troubadour », comme les chaises et les pendules d’époque Charles X ! À la Sainte-Chapelle, dont la flèche avait été « décapitée » par les jacobins, Duban et Jean-Baptiste Lassus ont choisi de rétablir une flèche dans le goût du xive siècle, que nous appelons donc « néogothique ». Cette démarche se distingue de celle d’Henri Noblet, leur prédécesseur chargé par Louis XIII de rebâtir la flèche du même édifice, disparue dans un incendie accidentel en 1630 : Noblet adopta en effet un style médiéval de continuité, sans recherche archéologique, ce que les Anglo-Saxons nomment si bien le « gothic survival ».

À Notre-Dame, enfin, Viollet-le-Duc a proposé au jury du concours de 1843 de rétablir la flèche d’origine, du xiiie siècle, qui avait été détruite pendant la Révolution, ce qu’ignorait visiblement le Premier ministre lors de sa péroraison du mercredi qui a suivi le drame. Lors de la seconde phase du chantier colossal qu’il dirigea près de vingt ans, le grand restaurateur proposa de lui substituer plutôt une flèche de son crû, lui qui tenait souvent son gothique pour plus pur que celui des bâtisseurs médiévaux…

Objet architectural relativement contraint, s’élevant d’une base régulière jusqu’à un point, celui de la croix, la flèche est peu susceptible d’innovations, sauf à sortir complètement de l’épure en usage depuis neuf siècles. Ses matériaux peuvent changer, comme le montre l’exemple de Rouen, mais elle pose surtout une double question technique : celle de sa prise au vent, qui oblige à la percer largement ; et surtout celle de son poids, qui peut être une charge délicate pour l’édifice gothique qui lui sert d’assise. Qui se souvient que, pour Notre-Dame, Viollet-le-Duc avait conçu une flèche trop lourde, qui l’obligea à altérer profondément l’architecture du transept de l’édifice ? Après la dernière guerre, d’autres grands architectes restaurateurs, tels Yves-Marie Froidevaux, se posèrent les mêmes questions et y apportèrent des réponses sensiblement différentes, comme le montre la flèche en béton de l’église de Valognes, par exemple.

Quelle leçon tirer du passé ? Elle est double : il faut laisser parler l’édifice et écouter les experts. Pour Emmanuel Macron, c’est un défi immense : celui de savoir se taire.

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Appel de Christchurch: l’oubli de Macron qui sème le doute

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Emmanuel Macron a lancé l'appel de Christchurch depuis l'Elysée, 15 mai 2019. ©Raphael Lafargue-POOL/SIPA / 00907901_000025

L’appel de Christchurch a été lancé, hier, depuis l’Elysée. Neuf pays (dont la France), soutenus par sept autres, s’engagent à « lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent en ligne ». Problème, le communiqué publié par l’Elysée laisse craindre une interprétation plus large de la cible…


Tout humain humaniste a été horrifié par les images, en direct ou en différé, des différents massacres commis au nom d’extrémismes, qu’ils se revendiquent ou soient étiquetés de la gauche, de la droite, de l’islam. D’une façon générale la communication de masse en ligne, sans contrôle juridique ni déontologique peut s’avérer scandaleuse ou criminogène.

L’appel bienvenu de Christchurch

Il se peut de surcroît que cette communication émane des criminels eux-mêmes. C’est un phénomène récent, rendu possible par l’évolution technologique et l’usage commercial qui en est fait. Le prétendu « Etat » islamique en a, le premier, fait un grand usage, diffusant depuis des années maintenant des images ignobles de centaines d’égorgements ou de décapitions d’otages, de chrétiens, de Yazidis, d’assassinats par des enfants radicalisés, et de ventes d’esclaves. Personne alors n’avait officiellement demandé que soient prises les mesures qui s’imposaient.

Mieux vaut tard que jamais : l’appel de Christchurch, lancé depuis l’Élysée, par neuf pays (France, Nouvelle-Zélande, Canada, Irlande, Jordanie, Norvège, Royaume-Uni, Sénégal, Indonésie), soutenus par sept autres (Australie, Allemagne, Inde, Japon, Pays-Bas, Espagne, Suède) a été rendu public le 15 mai.

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Ce texte constate qu’ « Internet peut être détourné par des acteurs terroristes et extrémistes violents », que les Etats et les responsables des sociétés d’internet doivent réagir « pour faire face à ce problème » mais que « toutes les mesures prises […] doivent être conformes aux principes d’un Internet libre, ouvert et sûr, dans le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression ».

L’ennemi désigné est donc le terrorisme et l’extrémisme violent. On ne peut qu’approuver et espérer que ces mesures si tardives soient enfin efficaces.

Les « zones grises » du président Macron

Toutefois la toute fin de l’appel intrigue sinon inquiète car il s’y glisse, subrepticement, une autre intention : « Tenir compte du fait que les gouvernements, les fournisseurs de services en ligne et la société civile peuvent souhaiter prendre d’autres mesures concertées pour faire face à un spectre plus large de contenus en ligne dangereux ; comme celles qui seront discutées plus en détail au cours du Sommet du G7 de Biarritz, dans le cadre du G20, dans le cadre du processus d’Aqaba, lors de la réunion ministérielle des cinq pays et dans plusieurs autres enceintes. » Un « spectre plus large de contenus en ligne dangereux » : de quoi pourrait-il donc s’agir ?

Deux indications pourraient y répondre : le discours prononcé par Emmanuel Macron en marge de l’appel, qui parle pour les dénoncer des « zones grises » et de l’ « extrémisme », sans l’accompagner de son qualificatif habituel de « violent ».

Le communiqué du site officiel de l’Élysée est aussi inquiétant. Alors qu’il parle d’abord de « l’Appel de Christchurch pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent en ligne », il parle ensuite, dans une phrase qui apparaît en gras, d’une « série de mesures concrètes pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes en ligne » On remarquera que le mot « violent » associé à l’extrémisme a disparu.


Capture d'écran du site de l'Elysée, 16 mai 2019.
Capture d’écran du site de l’Elysée, 16 mai 2019.

Connaissant la propension d’Emmanuel Macron à qualifier d’extrémiste, nationaliste, populiste, xénophobe, une large partie de la population européenne atteinte de «la lèpre», on veut espérer qu’il ne s’agit que d’un oubli.

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« Anne Hidalgo veut débattre de tout, y compris de sujets farfelus »

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Florence Berthout, maire LR du 5e arrondissement de Paris et Anne Hidalgo, maire de Paris ©WITT/SIPA - IBO/SIPA) (00899972_000058 - 00840495_000008)

Entretien avec Florence Berthout, maire LR du 5e arrondissement, candidate déclarée à la succession d’Anne Hidalgo


Causeur. Les critiques de la gestion de la ville de Paris se concentrent sur la personne d’Anne Hidalgo. En tant qu’élue d’opposition, quel regard portez-vous sur le partage des responsabilités entre la maire et les autres membres de la majorité ?

Florence Berthout. Elle n’est pas dans une situation confortable, car l’union de sa majorité est une fiction sur le fond. Anne Hidalgo doit composer avec des alliés qui s’accrochent aux vieilles lunes d’une gauche datée, à l’image de ces élus PCF qui veulent débaptiser des rues ou retirer l’enseigne du « Nègre joyeux » [un ancien magasin de café de la place de la Contrescarpe datant de 1897, NDLR], parce qu’elle serait colonialiste et raciste. Le rôle d’un chef est de fixer la ligne sans se laisser instrumentaliser. Anne Hidalgo veut débattre de tout, y compris de sujets farfelus. Il y a parfois des échanges stupéfiants au Conseil de Paris, comme à propos du « manspreading », de l’écriture inclusive ou des rats.

A lire aussi: Qu’y a-t-il dans la tête d’Anne Hidalgo?

Que s’est-il passé avec les rats ? Pourquoi ont-ils proliféré ?

Ils ont toujours été là, il y en a deux ou trois par Parisien. On les voit plus parce que les nouvelles corbeilles de rue [30 000 installées pour 3 millions d’euros, NDLR] leur permettent d’accéder aux restes de nourriture, alors que le service de lutte contre les rongeurs a perdu un tiers de ses effectifs depuis 2010 ! Sans parler de la réticence des élus EELV à employer la manière forte… S’ajoute à cela une certaine désorganisation à la mairie. La majorité préfère parler d’ « horizontalité », mais le résultat est identique. Pour un trou dans la chaussée, il faut contacter, quatre, cinq, six services.

Par manque d’effectif ?

Pas partout ! Le service de communication de Paris employait 417 équivalents temps plein l’an dernier. La ville peut se le permettre, car elle a des ressources. Les recettes des impôts locaux et des taxes ont augmenté de 1,5 milliard d’euros entre 2013 et 2019 [par le biais des hausses de taux et de recettes des droits de mutation, NDLR]. Toute la question est de savoir ce qu’on fait de l’argent. Il n’y en aura plus pour couvrir le périphérique si on le dépense en âneries.

Par exemple ?

Préempter des logements. Sur les 400 millions que la Ville dit consacrer chaque année au logement social, la moitié sert à acheter des logements privés, en général occupés. Cela pousse à la hausse des prix qui n’en ont vraiment pas besoin. En additionnant ces achats aux ventes de logements du domaine privé de la Ville à ses propres bailleurs sociaux, les deux tiers de l’« effort » pour l’habitat social se font aujourd’hui sans créer un seul mètre carré supplémentaire ! À 2 700 logements par an, on construit moins que sous Jacques Chirac et Jean Tiberi. On a beaucoup reproché à Anne Hidalgo le fiasco Autolib’, mais elle héritait en l’occurrence d’un montage Shadok datant de l’ère Delanoë. Ce qui se passe en matière de logement me semble beaucoup plus grave. Il y a deux priorités à Paris, le logement et les transports. Il faut gérer ces questions à l’échelle métropolitaine, en se plongeant à fond dans les dossiers et en arrêtant les politiques gadgets. Les passages piétons arc-en-ciel, c’est joli, mais gay ou hétérosexuel, un jeune qui arrive à Paris a d’abord besoin de se loger.

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Les lois du plus fort: l’extension du domaine de la loi américaine

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Longue poignée de main entre Donald Trump et Emmanuel Macron au sommet du G7 à La Malbaie, Québec, 8 juin 2018. Photo: Saul Loeb/AFP

« Parlez doucement et tenez un gros bâton. Vous irez loin ! » La phrase du président américain Théodore Roosevelt est devenu un leitmotiv de la politique étrangère des États-Unis. Mais si ce bâton était jadis fait de puissance militaire et économique, depuis quelques décennies il se matérialise par l’extension de la juridiction des lois américaines sur la planète entière. Et quand ce nouveau bâton frappe, ça fait mal. À elle seule, la BNP Paribas, a dû payer en 2014 une amende 8,9 milliards de dollars.

Comme l’explique le spécialiste français de la question, Olivier de Maison Rouge (pages 24-26), cette nouvelle dimension de la puissance américaine est fondée sur un principe simple : l’extraterritorialité du droit américain. Pour peu qu’une entreprise non américaine opérant à l’étranger ait un lien, serait-il fort ténu, avec les États-Unis, les tribunaux US peuvent la poursuivre. Il suffit qu’une personne morale ou physique utilise des dollars ou une technologie américaine pour que les lois votées par le Congrès s’appliquent à elle. Cela, bien sûr, sous couvert de moralisation des relations internationales.

C’est donc une véritable stratégie que mènent les États-Unis en mettant leurs agences de renseignement et de justice au service de leurs entreprises. Ainsi, quand Donald Trump a unilatéralement décidé de reprendre les sanctions contre l’Iran, Total et PSA ont été obligées de suivre Washington plutôt que Paris, qui souhaitait respecter l’accord signé, notamment par les États-Unis.

A lire : Donald Trump, le faiseur de miracle économique

Cette logique de puissance, suggère Guillaume Marchand dans une enquête exclusive pour Causeur (pages 20-23), est probablement la matrice de l’affaire « Tuna Bonds », un gros contrat de vente au Mozambique de thoniers et de vedettes rapides impliquant un chantier naval français. Dans cette histoire compliquée de pots-de-vin et de commissions douteuses versés dans un pays africain pauvre, c’est la justice américaine qui s’est arrogé le rôle du gendarme… et, curieuse coïncidence !, ce sont des entreprises américaines liées à la défense qui mettent la main sur les marchés abandonnés par les Français et avancent leurs pions dans le canal de Mozambique.

Cette politique de la force habillée en droit, qui a cours depuis une vingtaine d’années, ne laisse pas d’irriter Paris qui avait fait savoir, par son ministre des Affaires étrangères de l’époque, que la France la jugeait inacceptable. L’Europe des Quinze, en 1996, avait pour sa part promis de riposter fermement. Les lourdes amendes payées par des entreprises françaises, et l’alignement européen sur la politique américaine vis-à-vis de l’Iran, indiquent que ces mots fermes n’ont pas été suivis d’effets. Autrement dit, cette guerre discrète, menée au nom du bien, la France est en train de la perdre.

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Alain Delon, il dit qu’il vous emmerde

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Alain Delon arrive à l'Elysée, mars 2019. ©ZIHNIOGLU/JOLY/SIPA/SIPA / 00900628_000001

Ils veulent la peau d’Alain Delon. Une pétition en ligne s’oppose à la Palme d’or que le festival de Cannes a prévu de lui décerner pour l’ensemble de sa carrière. On l’accuse d’être raciste, homophobe et misogyne. Rien que ça.  


Et voilà, c’est au tour d’Alain Delon de passer devant le tribunal de la vertu. C’était d’ailleurs prévisible. La cible idéale, parfaite. Alain Delon, c’est le vieux monde, le monde qu’il faut condamner et effacer.

Mais pour moi, Alain Delon, ce n’est pas le vieux monde. C’est le grand monde. Le grand monde intouchable, inaccessible et éternel du grand art. Le monde du rêve, du sublime. Il incarne une époque qui nous paraît bien lointaine et qui fait encore fantasmer beaucoup de gens, de tous âges et de toutes classes sociales. Il réunit. Il rassemble. Alain Delon incarne à lui seul le fantasme. Et puis Alain Delon, ce n’est pas juste Alain Delon, c’est aussi Gabin, Ventura. C’est aussi Visconti, Losey, Melville, René Clément. C’est Tancrède Falconerie, Rocco Parondi, Robert Klein et Le Samouraï. Cet acteur n’est pas seulement un acteur, c’est L’ACTEUR. L’acteur incarnant toute la complexité de l’homme, avec ses chatoyantes lumières et tous ses noirs recoins. L’acteur fou, seul et libre.

Il les leur faut tous

Cet acteur c’est l’histoire du cinéma, notre histoire. Et l’on voudrait nous en priver ? Nous interdire de le célébrer, de le vénérer ? Au nom de quoi ? Au nom d’une vertu chichiteuse, d’une morale à deux balles, dégoulinante de bons sentiments qui n’a rien à voir avec l’art !

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Mais cette meute de chiens qui vont à courre, bave à la gueule, est sourde et aveugle. Elle est incapable d’émerveillement et d’éblouissement. La beauté et la grâce ne l’atteignent pas. Il n’y a qu’à voir et écouter cette meute, elle porte la mort dans ses yeux mornes. La-voilà lancée aux trousses de Polanski, de Woody Allen et maintenant d’Alain Delon. Elle veut déchiqueter nos idoles. Elle veut déchirer à belles dents nos plus grands artistes, ces artistes qui nous fascinent, qui nous aident à vivre, qui nous font regarder plus haut, plus beau. Elle veut anéantir tout ce qui la dépasse. Le génie, la grandeur et l’extraordinaire lui est insupportable.

Le festival des bons sentiments

Que reproche-t-on à Alain Delon ? D’être homophobe ? Homophobe l’acteur et admirateur du grand Luchino Visconti ? Homophobe l’ami fidèle de Michou ?

Ils iront encore fouiller, fouiner, pister un quelconque « dérapage » qu’ils qualifieront de sexiste, raciste ou homophobe pour tenter de le faire tomber.

Si ces censeurs, ces nouvelles ligues de vertu prennent le pouvoir, que deviendra notre grande littérature ? Que deviendront Molière, Montherlant, Jean Genet, Sade et tant d’autres dont la lecture d’à peine quelques lignes suffirait à enrager et déchaîner le camp du bien. Ils ne veulent que des bons sentiments ! Gide disait : « On ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. » Mais Gide est probablement aussi condamnable à leur yeux.

Laissez-nous Delon !

Laissez-nous tranquille ! Foutez-nous la paix ! Nous n’avons pas besoin de vos leçons. Nous n’avons pas besoin d’indicateur du bien et du mal. Laissez-nous admirer nos idoles, celles qui embellissent nos vies. Nous vous laissons Plus belle la vie, Edouard Louis, Andréa Bescond, Philippe Torreton et nous gardons Polanski, Montherlant, Pasolini, Visconti, Gérard Depardieu, Alain Delon et leurs sulfureux semblables. A priori, nous devrions nous entendre sur le partage !

Le cinéma est un grand art et il a ses dieux. Alain Delon en est un. Célébrons le, aimons le, fêtons le !

Ne cédons pas aux intimidations. Ne nous laissons pas prendre en otage. Et maintenant, place au festival, place au cinéma et place au grand Alain Delon !

Elisabeth Lévy: mes heures les plus sombres

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Elisabeth Lévy ©Hannah Assouline

Chers lecteurs, j’ai un aveu à vous faire… 


J’avais préféré effacer cet épisode encombrant de ma mémoire. C’est dire si je n’en suis pas fière. C’est l’amie Eugénie Bastié qui, fine mouche, en a déterré la trace dans un de ces vieux livres qu’elle affectionne. Le 13 avril, elle m’envoie un message goguenard, document à l’appui : « Tu étais sur une liste européenne avec Loiseau ? » N’ayant aucun souvenir de cette liste sur laquelle le document joint m’apprend pourtant que je figurais en position 72, je commence par répondre « non ». Puis, « ça me dit quelque chose ». L’affaire me sort de l’esprit. Ça doit être le déni. En attendant, ça ne me rajeunit pas mais je me félicite d’avoir grandi dans un monde où Twitter et Facebook n’existaient pas.

Fais comme Loiseau…

Dix jours plus tard, les échos assourdis de l’affaire Loiseau me parviennent à Belgrade où je me trouve pour le vingtième anniversaire du bombardement de l’OTAN sur la Radio-Télévision de Serbie – applaudi à l’époque par des journalistes du monde entier en dépit des 16 victimes. Les fouilleurs de poubelles de Mediapart ont encore frappé, pensé-je. Ce qui ne m’empêche pas de ricaner intérieurement et peu charitablement : voir ressurgir sa jeunesse droitarde quand votre seul projet politique consiste à terrasser l’extrême droite, il n’y a pas mort d’homme, mais c’est ballot. Je me dis aussi que, si Nathalie Loiseau avait été à l’UNEF, tout le monde trouverait cela charmant. C’est alors que me revient le message d’Eugénie. Sapristi, si ça se trouve, c’est sur cette liste de fachos que j’étais, moi aussi.

A lire aussi: Nathalie Loiseau et l’extrême droite: croix de bois, croix de fer, si je mens…

Je pense alors en me marrant que, si c’est le cas, il y en a qui vont se prendre le savon du siècle. Comment, Lévy a un passé d’extrême droite et on a laissé passer ça ? Ce n’est pas le genre de la maison Plenel. Et vérification faite, ce n’était pas la bonne liste. Au risque de décevoir mes ennemis et certains de mes amis, je n’ai jamais fricoté avec l’extrême droite, j’étais plutôt du genre antifa mou du genou. Pour le bien et contre le mal. Pas de quoi se vanter.

Un secret plus honteux encore

Pourtant, moi aussi j’ai une connerie de jeunesse à me reprocher, un secret plus honteux encore que celui de la tête de liste LREM. Non seulement j’avoue, mais je fais ici mon autocritique publique : j’ai été européiste. Pendant mes études à Sciences-Po, à l’époque où Nathalie Loiseau se présentait aux élections internes sur une liste proche du GUD, j’ai appartenu à une association d’étudiants européens, EGEE, dont le fondateur Frank Biancheri, aujourd’hui décédé, a largement contribué, paraît-il, à créer Erasmus. Notre plus grand titre de gloire est d’avoir organisé, à Amsterdam, un colloque « Pour une défense européenne », qui fut, dans mon souvenir, assez festif. Heureusement, notre appel (à la création d’une armée européenne) est resté lettre morte. Il faut croire que j’ai longtemps persisté dans l’erreur puisque, quelques années plus tard, en 1989, j’ai accepté de figurer sur la liste « Initiative pour une démocratie européenne » de Biancheri, pour l’élection du Parlement de Strasbourg, sur laquelle se trouvait également l’infortunée Loiseau. Qu’on se rassure, nos réalisations en termes de démocratie européenne n’ont guère été plus probantes.

Mieux vaut tard que jamais

Votre servante n’occupant aucune fonction élective ou institutionnelle, on voit mal pourquoi sa jeunesse intéresserait qui que ce soit. Encore qu’on ne sait pas jusqu’où peut aller la sollicitude de certains confrères quand il s’agit de traquer les mauvaises pensées passées, présentes et futures. Si j’avais vraiment, comme je l’ai cru un instant, figuré sur la liste qui vaut ses ennuis à Nathalie Loiseau, on aurait sans doute eu droit à une micro-affaire Lévy. On n’imagine pas un journal annonçant en manchette : « Lévy rattrapée par son passé : elle était européiste et de gauche ». Autant publier un article sur un train qui arrive à l’heure. Je pensais bien, c’est-à-dire que je ne pensais pas. Rétrospectivement, l’engagement de Nathalie Loiseau me semblerait plus estimable, en tout cas plus courageux, si elle osait l’assumer, au lieu de se confondre en excuses embarrassées. Seulement, depuis, elle est devenue convenable. Quant à moi, je regrette amèrement d’avoir attendu si longtemps pour mal tourner.

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André Comte-Sponville: « Je suis favorable à une laïcité non sectaire »

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André Comte-Sponville. ©JOEL SAGET / AFP

André Comte-Sponville vient de publier Contre la peur et cent autres propos, un recueil qui regroupe des articles de presse du philosophe. Entretien (2/2).


En novembre 2015, j’avais assisté à une conférence d’André Comte-Sponville, sur les quais de Seine. C’était trois jours après les attentats du Bataclan. Je me souviens lui avoir confié que j’étais l’un de ses plus fidèles lecteurs depuis vingt ans, mais que j’avais basculé du côté obscur et lisait aussi, désormais, Finkielkraut et Causeur. Même si je prends un peu cher parfois, c’est toujours un plaisir de pouvoir s’entretenir, sans langue de bois, avec un philosophe qu’on admire…

A lire aussi: André Comte-Sponville: « Nos gouvernants n’ont plus le choix qu’entre l’impopularité ou l’impuissance » (1/2)

Franck Crudo. Vous écrivez : « Tous les voiles ne se valent pas. Le hijab n’est pas le niqab, qui n’est pas le tchador ou la burqa. Mais tous sont insupportables, si on veut les imposer, ou me paraissent regrettables, s’ils relèvent d’un libre choix. » Vous êtes néanmoins critique sur la « laïcité à la française » et prônez une vision assez libérale sur le sujet. On pourrait vous rétorquer que dans le contexte qui est le nôtre, face au communautarisme, à l’essor du salafisme dans nos banlieues, tous les signes religieux ne se valent pas non plus…

André Comte-Sponville. Sans doute, mais le droit et la laïcité ont leurs exigences, qui interdisent de faire un tri entre les religions… Pour le reste, je suis en effet libéral et favorable à une laïcité non sectaire. S’agissant de la loi interdisant le voile à l’école, je n’ai pas de position tranchée. Ce qui m’a gêné, sur le coup, c’était l’idée qu’on allait exclure de nos écoles un certain nombre de jeunes filles sages et studieuses, alors qu’on y gardait des centaines de petits voyous violents et irrespectueux. Je n’ai pas pour autant combattu cette loi. J’ai fait part de ma perplexité, ce qui n’est pas la même chose. En l’occurrence, il semble que la loi ait produit des effets positifs. Donc, maintenons-la.

Il y a quelques années, lors de notre précédent entretien, vous réfutiez la thèse du choc des civilisations en expliquant : « Ce qui m’interdit d’y adhérer, c’est ce fait incontestable qu’il existe des démocrates musulmans et des fascistes judéo-chrétiens. » Je dois vous avouer que votre argument, pour le coup, me laisse perplexe. Je ne parviens pas à comprendre comment un contre-exemple peut invalider une tendance ou une menace. Que penseriez-vous de quelqu’un qui dirait, dans les années 30, que la guerre entre la France républicaine et l’Allemagne nazie ne peut avoir lieu car il existe des républicains en Allemagne et des fascistes en France ? Pourtant…

Votre comparaison est biaisée. D’ailleurs, vous avez rajouté deux adjectifs : « républicaine » et « nazie ». Pourquoi ? Parce que quelqu’un qui vous aurait dit que les cultures allemande et française ne peuvent que s’opposer militairement aurait dit une évidente sottise. Et vous auriez eu raison, alors, de lui opposer Stefan Zweig et Romain Rolland (parmi tant d’autres !). Ce qui était en jeu, dans les années 30, ce n’était pas l’Allemagne et la France, surtout pas comme entités culturelles, mais les démocraties et le nazisme. De même, je maintiens que ce ne sont pas les civilisations dites « judéo-chrétiennes » et « arabo-musulmanes » qui sont vouées à la guerre, mais les démocrates et les terroristes islamistes. Enfin, notez que mon « contre-exemple » est massif : ce ne sont pas quelques musulmans qui refusent la dictature islamiste, mais des centaines de milliers d’entre eux.

Qu’un musulman mette la charia plus haut que les lois de la République, c’est son droit

Certes, mais ce sont aussi des centaines de milliers d’entre eux qui placent très souvent les islamistes en tête lorsque des élections sont organisées en terre d’Islam… Comment faire coexister pacifiquement des cultures qui ont des visions diamétralement opposées sur des principes fondamentaux ? Ce n’est hélas pas qu’une poignée d’islamistes qui estime que le politique doit être soumis au religieux, que la femme n’est pas l’égale de l’homme, que l’apostat, le blasphème ou l’homosexualité sont des péchés, voire même des crimes, ou qui se sentent plus proches de l’esprit de Dieudonné que de celui de Charlie. Et je jette un voile pudique sur l’antisémitisme. Aujourd’hui en France, de très nombreux jeunes musulmans placent la charia avant les lois de la République, dixit l’institut Montaigne. C’est tout de même très inquiétant…

Et alors, vous voulez quoi ? Que je vous rassure ? Que je vous console ? Que je tremble avec vous ? Et vous proposez quoi ? Une guerre préventive ? L’interdiction de l’islam ? Soyons sérieux ! D’ailleurs, qu’un musulman mette la charia plus haut que les lois de la République, c’est son droit, tant qu’il ne viole pas les lois en question. Quel chrétien qui ne mette les Évangiles plus haut que les lois de la République ? Quel juif religieux qui ne mette la Thora plus haut que ces mêmes lois ? Et j’espère bien que vous-même, vous mettez votre morale plus haut que les lois de la République, comme je fais aussi ! Le peuple est souverain, quant au droit, mais n’a aucun titre à gouverner ma conscience. Le problème n’est pas de hiérarchie mais de contrainte : on a le droit d’être contre telle ou telle loi de la République (c’est mon cas pour certaines d’entre elles), pas de les violer. L’important c’est que toute violation de la loi soit sanctionnée, quel qu’en soit le motif, religieux ou non.

Comment faire coexister pacifiquement des cultures différentes ? Mais par l’État de droit, cher Monsieur, donc par le monopole de la violence légitime ! Ces cultures sont d’ailleurs moins diamétralement opposées que vous ne le prétendez. Sur tous les exemples que vous prenez (l’égalité homme-femme, l’apostat, le blasphème, l’homosexualité) les positions de l’Église catholique ont longtemps été les mêmes que celles des autorités musulmanes, et le sont encore parfois. Par exemple considérer que l’homosexualité, dès qu’elle passe à l’acte, est un péché : de mon point de vue, c’est une sottise et une injustice ; mais c’est la position des trois grands monothéismes, comme de la plupart des religions dans le monde, et les croyants ont bien le droit de le penser. Eh oui, ce serait plus simple si tout le monde était athée, mais ce n’est pas le cas ! Est-ce un drame ? Non : c’est un combat idéologique à mener. D’ici là, faisons respecter l’ordre républicain, y compris par la force.

On n’a pas le choix : le multiculturalisme fait partie du réel

L’histoire de l’humanité nous démontre que le nationalisme c’est la guerre… mais que le multiculturalisme aussi. Ceux qui dénient ou minimisent la conflictualité du monde et de la nature humaine ne sont-ils pas in fine aussi dangereux que ceux qui exacerbent cette même conflictualité ? Comment trouver une ligne de crête entre ces deux abîmes ?

En étant lucide et modéré. Voyez Montaigne, pendant les guerres de religion… Par ailleurs, je ne suis pas du tout convaincu que le multiculturalisme mène à la guerre. Au reste, on n’a pas le choix : le multiculturalisme fait partie du réel. L’issue n’est pas dans son exclusion (comment ? en rejetant les musulmans à la mer ? en les convertissant de force ?) mais dans le développement de ce que j’ai appelé une civilisation mondiale, laïque, démocratique et respectueuse des droits de l’homme. Là-dessus, voyez mon C’est chose tendre que la vie, chapitre 5. Il reste que vous avez raison sur un point : la conflictualité, donc la possibilité de la guerre, font partie du monde et de la nature humaine. Il faut donc vivre avec. C’est un dicton latin que Freud appréciait : « Si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre). Cela donne tort au pacifistes, pas aux pacifiques (sur la différence entre les deux, voir mon Dictionnaire philosophique !).

Peut-être les habitants de l’ex-Yougoslavie, du Liban, du Rwanda, du Nigeria, du Mali, du Sri Lanka, du Cachemire, etc. sont-ils davantage convaincus par la conflictualité potentielle du multiculturalisme… « La mondialisation heureuse, c’est à l’arrivée une balkanisation furieuse », écrit Régis Debray. 

Et pourtant il n’y a jamais eu aussi peu de guerres et de meurtres qu’aujourd’hui ! Ça vous étonne ? C’est que vous êtes mal informé. Là-dessus, je me répète, lisez La part d’ange en nous, de Pinker, sous-titré : Sur l’histoire de la violence et de son déclin. C’est peut-être moins talentueux que Debray, mais tellement plus savant et plus vrai ! C’est l’un des rares chefs-d’œuvre en sciences humaines de ces dernières années : on y apprend mille vérités très étonnantes et plutôt réconfortantes. Mais bon, si vous préférez vous faire peur avec les petites angoisses et la jolie plume de l’ami Régis, c’est votre droit ! Comme c’est le mien de mettre la connaissance plus haut que l’angoisse, et la vérité plus haut que le talent.

On peut être inquiet des dérives potentielles et du nationalisme et du multiculturalisme sans forcément penser que c’était mieux avant, sauf peut-être dans certains domaines spécifiques comme l’art ou l’école, un sentiment que vous-même développez d’ailleurs dans C’est chose tendre que la vie. Mais bon, évoquons un sujet moins clivant. Vous écrivez de belles lignes sur l’amour si particulier, inconditionnel, que l’on porte à nos enfants et citez Victor Hugo (« Faire des enfants, c’est donner des otages au destin »). Comment aimer nos enfants sans avoir peur, pour reprendre le titre de votre livre ?

C’est simple : on ne peut pas ! Et ce n’est pas une raison pour ne pas faire d’enfants ! Cela confirme que la sérénité n’est pas l’essentiel. Mieux vaut un amour inquiet qu’une quiétude sans amour ! Le remède à la peur, ce n’est pas la sérénité, c’est le courage et l’action !

L’humanité est évidemment supérieure, en fait et en valeur, à toutes les autres espèces

Vous avez publié en 2012 un livre passionnant sur l’amour et la sexualité (Le Sexe ni la mort). Je dois vous confesser avoir souri lorsque vous écrivez que « le plus souvent, pour les femmes, le sexe est au service de l’amour, alors que pour les hommes, l’amour est au service du sexe ». Ce qui au passage démontre qu’une formule bien sentie peut, parfois, nous éclairer bien davantage que des milliers de mots. Finalement, l’acte sexuel n’est-il pas ce qui nous ramène au plus près de notre animalité et l’érotisme, ce qui nous en éloigne ?

Oui, le sexe est la part en nous la plus délicieusement animale. Mais l’érotisme ne nous en éloigne pas : il en joue ! Il n’y a pas d’érotisme sans transgression, ni de transgression sans morale. C’est en quoi l’érotisme est le propre de l’homme. Les bêtes, qui font l’amour innocemment, ne savent pas ce qu’elles perdent !

C’est ce qui donne tort, rétrospectivement, à ceux, dans les années 60 ou 70, qui ont voulu « libérer » le sexe de toute préoccupation morale. C’était passer d’une erreur à une autre : de la diabolisation du sexe (saint Augustin et la suite) à sa banalisation ! Heureusement que les amants savent refuser et l’une et l’autre !

La souffrance animale devient de nos jours un sujet de premier plan, qui dépasse largement les clivages politiques, voire philosophiques. Où placer le curseur face à cette souffrance et dans notre rapport à l’animal ?

Disons d’abord où ne pas le placer : dans un « antispécisme » ridicule, qui prétendrait qu’il n’y a aucune différence de valeur ou de dignité entre un être humain et une bête ! L’humanisme a raison de soutenir le contraire. Qui mettrait sur le même plan un pou et un chimpanzé ? Et pourquoi faudrait-il mettre sur le même plan un chimpanzé et un être humain ? L’humanité est évidemment supérieure, en fait et en valeur, à toutes les autres espèces, ne serait-ce qu’en ceci : elle est la seule espèce à se soucier de la survie ou du bien-être des autres espèces. N’en déplaise aux animalistes, même leur combat leur donne tort : seul un humain est capable de le mener ! Combattre la souffrance animale, comme il faut en effet le faire, ce n’est pas être moins humaniste, c’est l’être plus !

Un homme, même le pire, a plus de dignité que le meilleur des chiens

Et entre un dauphin ou un chien guide d’aveugle et un nazi ou Mohammed Merah, qui a le plus de valeur ou de dignité ?

De valeur, cela dépend de l’amour ou de la haine que vous avez pour l’un ou l’autre. Personnellement, je préfère mon chien. Mais s’agissant de la dignité, aucune hésitation : un homme, même le pire, a plus de dignité que le meilleur des chiens. Pourquoi ? Parce que tous les humains sont égaux en droit et en dignité. Donc Mohammed Merah a exactement la même dignité (non certes la même valeur !) que vous et moi. Si ça vous gêne, tant pis pour vous ! Mais alors faites le savoir publiquement. Écrivez dans Causeur que tous les humains ne sont pas égaux en droits et en dignité. C’est votre droit (le droit d’être contre les droits de l’homme fait partie de ces droits, à condition de ne pas les violer). Moi je reste fidèle à l’humanisme.

Que Mohammed Merah soit un être humain, cela ne dépend pas de lui : cela dépend de moi ! Vous parliez d’Alain. Eh bien lisez un peu ça, qui dit assez sa grandeur : « Savoir si un criminel est un homme, cela me regarde et non lui. C’est à moi à faire la preuve, et non à lui. Qu’il soit un homme, ce n’est pas son devoir, c’est le mien. Telle est l’idée chrétienne ; et c’est bien une idée ; et qui ne sera vérifiée que si l’on veut bien, et si l’on s’y met. Si l’on n’y croit pas d’abord, on n’en trouvera pas de preuves. »[tooltips content= »Préliminaires à la mythologie, Bibliothèque de la Pléiade, Les Arts et les Dieux, p. 1167″]1[/tooltips]

Vous savez qu’Alain était aussi athée que moi. Mais on n’a pas besoin de croire en Dieu pour penser que tous les êtres humains, aussi inégaux qu’ils puissent être en fait et en valeur, sont égaux en droits et en dignité. Il suffit de le vouloir ! Cela dépend de nous, comme disaient les stoïciens ! Bref, tous ceux qui ont prétendu – j’en ai entendu plusieurs – que Merah n’avait plus rien d’humain fonctionnaient comme lui. Moi non. C’était un salaud et un assassin. Je me réjouis qu’il soit mort. Mais on ne me fera pas dire qu’il avait moins de dignité que n’importe qui.

Vous confiez prendre chaque matin « une douche de silence ». Que vous apporte la méditation, vous a-t-elle changé ?

Immobilité stricte, attention pure : ne rien faire, mais à fond ! C’est l’esprit du zen (et je précise que je ne suis nullement bouddhiste). Cela m’apporte un peu de calme, de tranquillité, de silence, de vérité, de spiritualité, parfois (rarement !) d’éternité… C’est comme un rendez-vous avec soi-même – et les meilleurs moments sont ceux où il n’y a personne ! Ne pas penser, ne pas réfléchir, ne pas interpréter : voir, sentir, écouter, respirer. Le corps comme une montagne ; les idées sont les nuages, qu’on laisse passer au loin, se déliter, se dissoudre… Revenir au corps, à la sensation, à la respiration. « Quand on pense, on ne perçoit pas, disent les textes zen ; quand on perçoit, on ne pense pas. » C’est étonnamment vrai ! Et puis cela permet de prendre un peu de recul, de mettre les passions à distance, de jouer la grande paix du corps contre les colères ou les angoisses de l’esprit. Vous devriez essayer !

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« Royal baby »: quatre millions de petits Anglais pauvres, et moi et moi et moi…

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Présentation du "royal baby" Archie Windsor par ses parents Harry et Meghan, Londres, 8 mai 2019 © Dominic Lipinski/AP/SIPA

La famille royale aimerait que la naissance de son dernier chérubin, Archie, soit mieux accueillie. Mais beaucoup d’Anglais sont bien plus préoccupés par le sort de millions d’enfants pauvres sur leur territoire. 


Au terme d’un suspense savamment entretenu par les médias à l’échelle planétaire, était enfin annoncée, le 6 mai, la naissance d’Archie Harrison Mountbatten-Windsor, « royal baby », fils de Harry et Meghan, les Duc et Duchesse de Sussex, dont le mariage le 19 mai 2018, avait défrayé la chronique en marquant un tournant manifeste pour la famille royale britannique.

Cher « royal baby »…

L’agitation médiatique est frénétique autour du « bébé royal », qui est le fruit d’une union entre une actrice hollywoodienne métisse et un descendant de l’ancienne maison des Saxe-Cobourg-Gotha (appelée maison de Windsor par la famille royale britannique pour faire oublier ses origines allemandes en 1917). Par opposition au Brexit, présenté le plus souvent sous un jour extrêmement négatif et qui n’en finit pas d’envenimer la vie politique britannique, cette naissance est censée symboliser le triomphe du multiculturalisme et du vivre-ensemble face à la tentation du repli identitaire qui guette les Etats de la « vieille Europe ». S’agissant d’une si noble cause, on ne saurait lésiner sur les moyens financiers mis à disposition pour en porter l’étendard.

En rétrospective, on sait maintenant, grâce aux tabloïds anglais, que le mariage de Meghan et Harry, financé en grande partie par l’argent des contribuables britanniques, a bien coûté 32 millions de livres sterling (ce qui inclut le coût de la robe de Meghan achetée finalement pour 500 000 dollars !). Plus récemment, une « baby shower » – cérémonie prénatale de remise de cadeaux à la future mère – organisée à New York en février 2019 par les amis de Meghan a atteint la bagatelle de 330 000 £. Les nombreux invités au rang desquels se trouvaient par exemple la championne de tennis Serena Williams et Amal, l’épouse de l’acteur George Clooney, ne sont pas repartis les mains vides mais avec un sac de cadeaux d’une valeur de 700 livres sterling !

4,5 millions d’enfants pauvres

Cette exhibition décomplexée de leur immense richesse par des membres de la famille royale peut cependant paraître indécente au regard de la situation de pauvreté de dizaines de milliers d’écoliers anglais, qui se rendent désormais chaque jour à l’école le ventre vide. Cet étalage de luxe intervient, en effet, dans un contexte où 4,5 millions d’enfants au Royaume-Uni sont tombés dans la pauvreté au fil des dernières années. Les ONG, telles que End Hunger UK ou bien la Food Foundation, tirent depuis quelques années déjà, la sonnette d’alarme concernant la réapparition de la faim ou du manque de nourriture dans les familles britanniques défavorisées. N’en déplaise aux pourfendeurs du Brexit, la paupérisation à un rythme inquiétant des classes populaires et d’une partie des classes moyennes, est une cause supplémentaire du vote des électeurs en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Les opposants à la monarchie, regroupés dans le groupe de pression Republic, dénoncent, quant à eux, depuis longtemps, une disproportion criante de traitement entre celui des enfants britanniques dans leur ensemble et celui réservé aux « Royals ».

« Les enfants perdus d’Angleterre »

On peut également mentionner l’attitude dévoyée – voire la faillite – des services sociaux britanniques, épinglés par les Nations unies elles-mêmes. Afin de remplir des foyers gérés par des sociétés privées au nord du pays, ces services placent de force et en toute impunité des enfants arrachés à leurs familles – la plupart venant du Grand Londres – dans ces institutions, sous les prétextes les plus fallacieux. 70 % des foyers pour mineurs appartiennent, en effet, non pas à l’Etat, mais à de grosses entreprises qui font d’énormes profits dans le cadre de ce trafic légalisé. Les foyers sont ainsi construits dans une logique économique sans tenir aucunement compte de l’intérêt des enfants et des familles. Nombre de ces enfants sombrent ensuite dans le désespoir, avant de devenir la proie de cercles qui les exploitent sexuellement. Ces cercles criminels sont parfois dirigés par des ressortissants du Pakistan ou du Bangladesh. Peu de personnes osent dénoncer ce phénomène de peur d’être taxés de discrimination. En témoignent les scandales sexuels de Rotherham, Rochdale, Telford et Oxford. Un reportage « Les enfants perdus d’Angleterre » présenté par Marina Carrère d’Encausse et diffusé sur France 5 le 16 avril dernier, rappelait à cet égard les tenants et les aboutissants de ces pratiques inouïes outre-Manche.

Autre chose en tête…

Cette succession de scandales a révulsé nombre de Britanniques qui, se sentant impuissants face à l’emprise du politiquement correct et à l’inertie de leur système, ne souhaitent plus qu’une chose : protéger véritablement les familles et les enfants ; reprendre les rênes de leur destin au plus vite ; contrôler les flux migratoires ; accélérer les expulsions de criminels étrangers et en finir avec l’impunité dont jouissent les services sociaux en vertu de lois aujourd’hui jugées iniques telles que le Children Act de 1989 qui, depuis trente ans, sous prétexte de les protéger, brise des familles et vulnérabilise des enfants, le plus souvent dans un souci de rentabilité au profit de sociétés privées qui ont pris place sur le marché.

C’est pourquoi dans un tel contexte, il n’est pas certain que la naissance d’un nouveau membre de la famille royale dans des conditions ultra-privilégiées, soit un élément apaisant, rassurant et unificateur pour le reste de la société britannique.

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Zemmour et Cohn-Bendit, rien ne les réconciliera

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Eric Zemmour et Daniel Cohn Bendit lors de "la grande confrontation" sur LCI, 13 mai 2019. ©Capture d'écran Youtube

Sur LCI, hier soir, « la grande confrontation » opposait Daniel Cohn-Bendit à Eric Zemmour. Comme on pouvait s’y attendre, elle a été frontale. 


Disons-le : Eric Zemmour et Daniel Cohn-Bendit, nos deux polémistes préférés, ont assuré le spectacle pendant trois heures avec brio sur LCI. Sur un thème plutôt ingrat : l’Union européenne dont chacun sait qu’elle est comme un train bloqué dans un tunnel, incapable d’avancer ou de reculer, alors que les empires américains, chinois et russes filent à l’allure d’un TGV.

Je suis d’ici contre je suis de partout

Le plus fascinant dans ce débat était d’observer combien deux options philosophiques s’opposaient. Celle de Zemmour incarnait le mot célèbre de Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme » (surtout s’il est musulman, ajouterait Éric), cependant que Daniel Cohn-Bendit dans un élan utopique soutenait, après Terence, qu’il est un homme et que rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger.

A lire aussi: Zemmour et les élèves juifs du 93: le « fact-checking » foireux de TF1

D’où cet échange assez violent entre Daniel Cohn-Bendit pour qui les valeurs ou, si l’on préfère, les droits de l’homme, sont universalistes, alors que pour Éric Zemmour elles sont tout au plus un produit français destiné à l’exportation comme le brie ou le champagne, chaque nation défendant son territoire et son mode de vie avec férocité.

L’auberge zemmourienne

Pour avoir pas mal bourlingué, force m’est de donner raison à Éric Zemmour : il faut vraiment être Français pour imaginer que chaque civilisation ou religion ne considère pas ses valeurs comme étant supérieures à celles du monde entier. Il en va de même d’ailleurs pour la gastronomie. Il n’y a pas d’homme universel, même si on peut le regretter: il y a des Anglais, des Chinois, des Camerounais (j’arrête la liste) qui ont leur code d’honneur et c’est rarement le même. On peut toujours rêver, comme cette étudiante en médecine sur le plateau, à une identité européenne qui se construira au fil des générations grâce au programme Erasmus, mais Éric Zemmour n’a pas eu tort de se moquer de sa naïveté et de tenter de lui faire comprendre qu’elle n’était, grâce à Erasmus, qu’un brave petit soldat décervelé au service de l’empire du Bien.

La mauvaise foi de Daniel Cohn-Bendit

Le débat a tourné à la confusion quand il s’est agi du judaïsme qui est, lui aussi, un mélange de provincialisme et d’universalisme. Daniel Cohn-Bendit a eu l’honnêteté et l’intelligence de rappeler combien ses positions étaient liées à son ADN familial. En revanche, il s’est montré d’une mauvaise foi hallucinante en comparant les viols de masse à Cologne commis par des migrants à la drague un peu lourde des Italiens. Mais celle qui s’est montrée d’un courage exemplaire, c’est cette juriste parisienne – interrogée durant l’émission par David Pujadas – qui, pour avoir vécu dans l’immeuble du Bataclan et ensuite à Calais, n’a pas craint de dénoncer les ravages que commet l’islam en France. Cohn-Bendit a voulu tempérer ses propos en parlant d’islamo-fascisme sous le regard goguenard de Zemmour. Trop tard. Le mal était fait.

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