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Giuliano da Empoli : la fin des élites est-elle inéluctable ?

Dans L’Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli abandonne la fiction pour livrer l’essai incisif que l’on sait sur les coulisses du pouvoir contemporain. À mi-chemin entre le traité politique et le récit d’observation, il brosse le portrait d’un monde en mutation, où les anciennes élites, victimes de leurs incompétences répétées, font vaciller le monde…


Les analyses politiques de l’auteur italo-suisse Giuliano da Empoli ont acquis un certain succès, depuis la parution de son livre Le Mage du Kremlin, Grand Prix du roman de l’Académie française 2022. Ce que tente cet observateur attentif de la politique mondiale, c’est de faire pénétrer ses lecteurs dans les coulisses du pouvoir, où il faut montrer patte blanche. Giuliano da Empoli ne s’arrête pas à l’apparence, ne se laisse pas du tout impressionner par ce qu’il voit, mais, tel un médecin, cherche à comprendre comment fonctionne réellement le système, pour en tirer un diagnostic plausible. Dans cette perspective, Le Mage du Kremlin était, à travers le personnage de Vadim Baranov (inspiré du terrible Vladislav Sourkov, l’ex-conseiller de Poutine), une approche originale de la crise de civilisation en Europe, avec la Russie comme ligne de fuite.

Décryptage politique

On peut dire que dans L’Heure des prédateurs, son nouveau livre, Empoli propose un décryptage des événements politiques, à partir de ses propres observations. Nous ne sommes plus ici dans un roman, mais dans un récit, qui prend un peu la forme de Mémoires, dans l’esprit de ceux écrits au XVIIIe ou au XIXe par des diplomates lettrés. Empoli n’est, je pense, pas très à l’aise dans la fiction. C’est plutôt un essayiste, qui peaufine, de livre en livre, toujours les mêmes idées, certes, mais en leur conférant un sens de plus en plus précis. Ce récit est censé être rédigé par un Aztèque, sorte de Persan à la Montesquieu, mais, en fait, c’est Empoli lui-même qui parle à la première personne, et d’ailleurs il ne s’en cache pas.

Un constat très dur

Dès le début, Empoli indique son état d’esprit et ce qu’il recherche en écrivant cet essai : « saisir, dit-il, le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place. » Son constat est d’autant plus grave qu’Empoli partage d’habitude des orientations politiques très modérées. Il a l’âme d’un diplomate et admire Kissinger, auquel il consacre un chapitre. Il ne voudrait pas que le système en place explose. Ce n’est donc pas un révolutionnaire… Et pourtant, ses conclusions sont très dures, sans concession pour la vie politique dont il dit qu’elle est « une comédie des erreurs permanentes, dans laquelle des personnages, presque toujours inadaptés au rôle qu’ils occupent, tentent de s’en sortir, se dépêtrant de situations toujours inattendues, souvent absurdes, parfois ridicules ».

Le remplacement des élites

Au cœur de sa démonstration, un fait avéré : Empoli explique comment une nouvelle génération de « conquistadors de la tech » (je ne rappelle pas leurs noms, ils sont célébrissimes) a décidé de « se débarrasser des anciennes élites politiques ». Pour appuyer ses dires, il revient sur l’ouvrage de Malaparte, Technique du coup d’État (1931), qui insistait sur le côté désormais plus technique qu’idéologique des révolutions modernes, en prenant comme exemple la révolution d’Octobre. Cette dernière aura été, comme le résume Empoli : « une insurrection » proclamant la victoire « tout en laissant les mains libres au gouvernement ». Cette subtile analyse de Malaparte, reprise par Empoli, permet de mieux comprendre ce qui se passe à présent.

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Le recours aux classiques

Le livre de Giuliano da Empoli, et c’est ce qui en rend la lecture au fond si fascinante, cherche autant à décrire un panorama nouveau qu’à le contester radicalement. Au reste, il tire des conclusions à la portée de quiconque se tient informé, grâce à la presse ou aux livres, de la vie politique. Pour mieux convaincre, et c’est l’aspect de son livre qui m’a le plus intéressé, il fait référence à des auteurs classiques. La liste en est établie en fin de volume, avec la source des citations. Ainsi, lorsqu’il nous parle de MBS, c’est-à-dire Mohammed Ben Salman, prince héritier de l’Arabie saoudite, Empoli fait longuement référence à Machiavel, théoricien de l’usurpation violente. Il détecte ainsi dans MBS une « douceur infinie », mais qui « n’exclut pas l’humour noir d’un Borgia ». Allusion au chapitre 3 du Prince, intitulé « Des principautés mixtes », qu’Empoli conseille au lecteur français de lire dans la traduction ancienne (1851) de Jean-Vincent Périès.

Le vade-mecum de l’homme contemporain

Avec L’Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli a écrit un véritable vade-mecum pour l’homme contemporain qui ne reconnaît plus sa planète. C’est un court traité, très captivant, qui distille des maximes éprouvées, et qui est illustré par des anecdotes exemplaires. Un livre comme on en écrivait dans l’ancien temps, plein d’une certaine sagesse désabusée. Empoli a beaucoup écrit sur ces questions, et donc beaucoup réfléchi sur leur incidence globale. L’Heure des prédateurs me paraît être, de loin, son meilleur livre, et même le plus frappant, le plus fulgurant peut-être. Il ne se contente plus, comme dans les précédents, d’exposer seulement les grandes lignes, mais met en lumière le déroulé exact des faits. Empoli complète ainsi brillamment son essai de 2019 Les Ingénieurs du chaos, en y portant une dernière touche qui fait sens.

Giuliano da Empoli, L’Heure des prédateurs. Éd. Gallimard, 152 pages.

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Dandysme noir au Met Gala: le vrai dandysme est un mode d’être…

Le très chic bal costumé du Met Gala de New-York, qui cette année avait pour thème le dandysme noir, a profané la métaphysique du dandysme, déplore notre expert. Il nous précise ensuite qui sont selon lui parmi les personnalités du show-biz actuel les vrais dandys de notre époque.


L’idée du célèbre MET (Metropolitan Museum of Art) Gala de ce 5 mai était certes, au départ, excellente, parfaitement légitime, originale sur le plan esthétique et fondée sur le plan historique : mettre à l’honneur le dandysme noir, cette révolte par l’élégance que revendiquèrent les Afro-Américains lorsqu’ils vivaient, entre les XVIIIe et XIXe siècles, sous l’abominable joug de l’esclavage.

Mais, hélas, comme il arrive souvent au firmament des bonnes intentions, la mise en pratique n’est pas toujours à la hauteur des ambitions théoriques. C’est là ce qui s’est passé, au grand dam des vrais connaisseurs de l’authentique dandysme, lors de ce fameux gala organisé, à grand renfort de publicité et autres mondanités, de cette vénérable institution qu’est le MET new-yorkais.

Le mauvais goût en guise de parangon stylistique

Un sommet, à de rares exceptions près, de mauvais goût, où un luxe tapageur faisait malencontreusement là, de manière parfois vulgaire, d’office de prétendu parangon stylistique ! Le triomphe du bling-bling, assorti de narcissiques strass de pacotille, auprès duquel même le plus extravagant des bûchers des vanités ferait pâle figure. Autant dire que les nombreuses stars (de Rihanna, affublée là d’un très disgracieux nœud sur son séant, à Madonna, y prenant une pose faussement provocatrice en exhibant un ridicule cigare, en passant par Angèle, dont on se demande ce qu’elle faisait en cet aréopage) qui ont ainsi cru illuminer ce beau ciel étoilé du très stylé dandysme noir (dont l’ancien président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, est à l’inverse, par ses mises toujours impeccables, un des plus illustres représentants), cette soirée-là, n’auront trop souvent fait que le clinquant mais pathétique lit du plus kitsch, à la limite de la trivialité, des défilés bas de gamme !

Car, oui, la profonde et vraie philosophie du dandysme, qu’il soit noir ou blanc, sobre ou coloré, visuel ou discret, c’est bien, en matière d’élégance tout autant que de raffinement – de style, en un mot –, bien autre chose !

Il n’est d’ailleurs pas facile de définir le dandysme, du moins si, exigeant sur le plan philosophique, l’on veut échapper aux clichés, effets de mode ou jugements stéréotypés, et, par là même, à ces images de papier glacé, trop lisses pour en sonder la véritable profondeur, que donnent à voir la plupart de nos magazines. De ce point de vue-là, Marie-Christine Natta, qui, elle non plus, n’aime guère les visions éculées à ce sujet, a raison de dire, dans La Grandeur sans convictions. Essai sur le dandysme, qu’il s’avère pratiquement impossible, tant il se révèle aussi complexe que protéiforme, de circonscrire le dandysme de manière univoque. Elle y observe : « Qui est dandy ? (…) Les dandys toujours mouvants, toujours différents, narguent les académies et se dérobent à toutes les curiosités. La multiplicité de leurs individualités fait d’eux des êtres absolument atypiques. Et le masque du mystère voile le secret de leur nature. »

Philosophie du dandysme

Telle est précisément la raison – cette lacune à combler – pour laquelle j’ai naguère publié, entre autres livres sur ce thème, une Philosophe du dandysme, significativement sous-titrée Une esthétique de l’âme et du corps, ainsi qu’un Manifeste Dandy : essais où je m’employais à conférer à ce même dandysme une définition aussi claire et juste, par-delà sa concision, que possible : faire de sa vie une œuvre d’art, et de sa personne une œuvre d’art vivante !

Ce trait quintessentiel du dandysme, c’est le dandy le plus flamboyant de son temps, Oscar Wilde, qui l’a, au premier chef, inspiré. Et ce, à partir, quoique légèrement déplacé en la circonstance, de l’un des aphorismes les plus célèbres de ses subversives mais pénétrantes Formules et maximes à l’usage des jeunes gens : « Il faut soit être une œuvre d’art, soit porter une œuvre d’art. »

Ainsi s’exprime donc encore, à ce propos, Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray lorsque, y faisant parler là lord Henry Wotton, son alter ego littéraire, il énonce, tel un indéfectible principe, cette position existentielle, caractéristique du dandysme justement : « Il arrive qu’une personnalité complexe prenne la place et joue le rôle de l’art, qu’elle soit en vérité, à sa façon, une véritable œuvre d’art, car la Vie a ses chefs-d’œuvre raffinés, tout comme la poésie, ou la sculpture, ou la peinture. »

Conclusion, à en croire ces émérites théoriciens du vrai dandysme, le seul qui vaille, tant sur le plan philosophique qu’artistique et, a fortiori, esthétique ? Un mode d’être, bien plus qu’être à la mode ! Mieux : le dandy, personnage authentiquement libre, sinon foncièrement rebelle, voire transgressif, précède, invente et crée même, bien plus qu’il ne la suit, la mode !

Le dandy : arbitre des élégances

Que le dandysme fût donc un mode d’être, bien plus, inversant l’équation sémantique, qu’être à la mode, c’est là ce que postule également, à l’orée du dandysme originel, Barbey d’Aurevilly lorsqu’il brosse, dans ce qui peut être légitimement considéré comme la première théorie, historiquement, du dandysme, le portrait de Lord Brummell, que ses contemporains désignaient volontiers, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, sous l’évocateur et double qualificatif de « prince des dandys » et « arbitre des élégances ». De fait, commence par écrire, circonspect lui aussi quant à possibilité de définir de manière unilatérale l’essence du dandysme, Barbey dans Du Dandysme et de George Brummell (1845) : « Il fut le Dandysme même. Ceci est presque aussi difficile à décrire qu’à définir. Les esprits qui ne voient les choses que par leur plus petit côté, ont imaginé que le Dandysme était surtout l’art de la mise, une heureuse et audacieuse dictature en fait de toilette et d’élégance extérieure. Très certainement c’est cela aussi ; mais c’est bien davantage. Le Dandysme est toute une manière d’être, et l’on n’est pas que par le côté matériellement visible. C’est une manière d’être, entièrement composée de nuances (…) »

Baudelaire, près de vingt ans après, ne dit pas, fondamentalement, autre chose lorsque, prolongeant cette réflexion de Barbey, il déclare dans l’emblématique chapitre IX, intitulé Le Dandy, de son Peintre de la vie moderne (1863) : « Le dandysme est une institution vague, aussi bizarre que le duel, très ancienne (…) Le dandysme, qui est une institution en dehors des lois, a des lois rigoureuses auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets (…). Ces êtres n’ont pas d’autre état que de cultiver l’idée du beau dans leur personne, de satisfaire leurs passions, de sentir et de penser. »

De la distinction

Baudelaire, dans ce texte apparaissant comme le portrait le plus abouti de celui qu’il appelle le « parfait dandy », précise, tout en y peaufinant son tableau, mettant ici l’accent sur la notion de « distinction » (à entendre dans la double acception du terme : « élégance » et « différence » au sens de se « distinguer » du commun des mortels) : « Le dandysme n’est même pas, comme beaucoup de personnes peu réfléchies paraissent le croire, un goût immodéré de la toilette et de l’élégance matérielle. Ces choses ne sont pour le parfait dandy qu’un symbole de la supériorité aristocratique de son esprit. Aussi, à ses yeux, épris avant tout de distinction, la perfection de la toilette consiste-t-elle dans la simplicité absolue, qui est, en effet, la meilleure manière de se distinguer. »

Et, de fait, c’était déjà là ce que, trente ans auparavant, avait prôné un de ses plus illustres contemporains en matière de littérature : Balzac dans son brillant Traité de la vie élégante (1830),lorsqu’il y proclame que « l’effet le plus essentiel de l’élégance est de cacher les moyens » !

Une esthétique de l’âme et du corps

Ce mode d’être, où la pensée tout autant que l’existence, et la mise aussi bien que l’allure, se voient ainsi magnifiquement décrites, Baudelaire le développe encore, nanti là d’un identique panache stylistique au regard de cet emblématique dandy, dans ce même Peintre de la vie moderne : « C’est bien là cette légèreté d’allures, cette certitude de manières, cette simplicité dans l’air de domination, cette façon de porter un habit et de diriger un cheval, ces attitudes toujours calmes mais révélant la force (…) de ces êtres privilégiés en qui le joli et le redoutable se confondent si mystérieusement », y spécifie-t-il.

Mais, de tous les grands dandys historiques, c’est sans aucun doute Oscar Wilde, une fois de plus, qui a le mieux circonscrit ce mode d’être, dont il met en exergue, de façon admirable, la primauté, au détriment d’une trop superficielle mode à suivre, dénuée de tout esprit critique, voire de réelle exigence artistique, sans même parler de ses éventuelles carences en matière de canons esthétiques. Ainsi, insistant là sur l’un des traits psychologiques les plus saillants de son jeune et beau héros, écrit-il dans son Portrait de Dorian Gray : « Bien entendu, la mode, qui confère à ce qui est en réalité une fantaisie une valeur provisoirement universelle, et le dandysme qui, à sa façon, tente d’affirmer la modernité absolue de la beauté, le fascinaient. Sa façon de s’habiller et les styles particuliers qu’il affectait de temps à autre influaient fortement sur les jeunes élégants (…) ; ils copiaient tout ce qu’il faisait, et tentaient de reproduire le charme fortuit de ses gracieuses coquetteries de toilette (…). Il désirait pourtant, au plus profond de son cœur, être plus qu’un simple arbiter elegantiarum qu’on consulterait sur la manière de porter un bijou, de nouer sa cravate ou de manier une canne. Il cherchait à inventer un nouveau système de vie qui reposât sur une philosophie raisonnée et des principes bien organisés, et qui trouvât dans la spiritualisation des sens son plus haut accomplissement. »

Oui, c’est bien cela, en première instance, le vrai dandysme : une esthétique de l’âme et du corps, pour qui l’extériorité de la personne – son « paraître » – n’est, en cette phénoménologie, que la manifestation sensible, tangible ou visible, de son intériorité – son « être » – le plus secret, comme si ce secret confinait là au sacré. C’est dire si cette sorte de métaphysique du dandysme, fut misérablement profanée lors de cet ultime gala, le 5 mai dernier, du MET !

Le grand style du philosophe-artiste

Mieux : c’est, en dernière analyse, cette paradigmatique figure du philosophe-artiste telle que la dessine Nietzsche tout au long de son œuvre, et en particulier dans son célébrissime Ainsi parlait Zarathoustra (1890), qui se profile, à travers ce qu’il appelle ici le « grand style », en cet idéal dandy !

Conclusion ? Rien à voir donc, cette philosophie du dandysme telle qu’on la voit à l’œuvre tant chez Baudelaire ou Brummell que chez Wilde ou Barbey d’Aurevilly, pour ne s’en tenir qu’à cet historique carré d’as en matière de dandysme, avec cette grotesque farce que fut donc ce non moins grossier défilé (où le sympathique Omar Sy ne songeait manifestement là, à entendre son bref commentaire, qu’au supposé régal des mets à ingurgiter), ce 5 mai dernier, lors de ce parodique gala, tant par ses outrances vestimentaires que par sa superficialité intellectuelle, du pourtant très prestigieux MET de la Big Apple !

Figures du dandysme moderne et contemporain

Mais à Dieu ne plaise : tout le monde ne peut certes pas être, pour actualiser ici aussi, et la dépoussiérer ainsi quelque peu, cette magnifique figure, David Bowie, Andy Warhol, Bryan Ferry, Karl Lagerfeld, Yves Saint- Laurent, Mylène Farmer, Amy Winehouse, Sharon Stone, Alain Delon, Luchino Visconti, Serge Gainsbourg, Bashung ou Prince, qui, eux, morts ou vivants, solaires ou tragiques qu’ils soient, s’avèrent, en éternels esthètes, d’authentiques dandys, dans leur existence tout entière et pas seulement l’éphémère  temps d’un parterre mondain, au sein des XXe et XXIe siècles !

Manifeste dandy

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Un « Chevalier à la Rose » pour Annie Ernaux

Lyrique : Strauss réécrit par la morale de 2025, à l’affiche du Théâtre des Champs-Élysées. La nouvelle mise en scène de Krzysztof Warlikowski transpose le Rosenkavalier dans un cadre idéologique très contemporain. Et si la distribution vocale séduit, la vision scénique agace.


La phraséologie woke contamine décidément le moindre discours. Même Krzysztof Warlikowski s’y met! Edifiant à cet égard, l’entretien que le metteur en scène polonais partage avec son dramaturge, Miron Hakenbeck, dans la brochure-programme qui accompagne cette nouvelle production très attendue de Der Rosenkavalier, de Richard Strauss, au Théâtre des Champs-Elysées, un des plus sublimes opéras du compositeur de Salomé, d’Elektra, d’Ariane à Naxos ou de La femme sans ombre…  

Ach mein Gott !

Dans ces pages analysant les intentions de Strauss et de son subtil librettiste Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) pour ce « marivaudage » millésimé 1911, mais délibérément ancré dans un XVIIIème siècle de fantaisie emprunté à Beaumarchais (Figaro), à Molière (Monsieur de Pourceaugnac) et à Mozart (Cosi fan tutte), on se surprend à lire ce genre de sentence : « peut-on dire ici qu’il s’agit d’un acte de harcèlement exercé par une femme ? Octavian [l’adolescent dûment épris de la Maréchale, femme presque mûre mais se sentant vieillir] a dix-sept ans et deux mois. Pour ma part, je suis quand même choqué de voir ce jeune homme [incarné dans l’opéra par un rôle travesti, c’est à dire chanté par une mezzo-soprano] avoir une telle relation sexuée aux femmes. Mais qui a séduit qui ? S’agit-il d’un acte d’apprentissage de la part de la Maréchale ? Est-elle coutumière de ce genre de relations ? De mon point de vue, cela frôle presque la pédophilie [sic !] ». Et, légitimant par avance la pudibonderie qu’il prête sans autre examen au public de 2025, Warlikoswski de s’effaroucher : « Comment réagit le public d’aujourd’hui, qui assiste à la représentation et réalise que son propre fils de dix-sept ans se trouve peut-être au même moment dans le lit d’une femme plus âgée que lui [Mein Gott !!] » Ailleurs, à l’étrange remarque de son interlocuteur à propos du personnage de vieux baron libidinal, Ochs (« bœuf » ou « lourdaud » en Allemand) : « difficile de ne pas penser au procès d’Harvey Weinstein et à toute la dynamique avec laquelle le mouvement #Metoo a ouvert nos yeux » [ah bon ?], le metteur en scène répond : « le harcèlement sexuel était-il déjà une problématique dénoncée comme telle à l’époque ? […] Là encore on peut s’interroger sur les intentions d’Hofmannsthal, mais je pense que notre vision contemporaine nous impose inévitablement un autre regard sur le sujet ». De même, repérant les arrière-plans supposément racistes dont la farce est émaillée, Warlikowski fait mine d’adhérer par avance à la tartufferie ambiante : « Autrefois, le public aurait ri si Ochs avait fait un croche-pied au petit Mohammed [le larbin noir] pour le faire trébucher. Tout nous porte à croire que la réaction serait tout autre aujourd’hui ». Le problème est bien là, dans cette obsession de reconsidérer les œuvres au prisme de ce qu’on a décidé de nommer « nos critères » –  sans nous consulter, bien sûr. Ce qui revient à ratifier la doxa la plus obtuse comme préalable à l’expression artistique contemporaine. Assumant cette pente, la même brochure-programme ne se fait pas faute d’enchâsser sur double page, en caractères gras, un extrait du roman Le Jeune homme, de l’inévitable Annie Ernaux…  

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Ainsi donc, au lieu d’investir (comme l’avait fait naguère avec tant de malice corrosive le génial Robert Carsen) la décadence viennoise au couchant de l’Empire austro-hongrois, soit précisément dans l’époque même où le chef d’œuvre de Strauss fut composé (cf. le Blu-ray Decca de la production Carsen pour le Met, avec Elina Garanca dans le rôle-titre, et Renée Fleming, inoubliable dans celui la Maréchale), la présente mise en scène « iconoclaste » choisit de transposer l’action dans un XXème siècle pop, allusif, sciemment indéfini, dont les mises en abyme superposées, inutilement compliquées, se ressentent pesamment de cette grille de lecture. Par un rapprochement de dates quelque peu arbitraire, le metteur en scène associe le Théâtre des Champs-Élysées — ce joyau architectural achevé en 1913 et premier chef-d’œuvre d’Auguste Perret — à la création de l’opéra, survenue deux ans plus tôt à Dresde. Ce lien lui permet de justifier un choix scénographique original. En guise de décor, il reproduit la petite salle attenante du Studio des Champs-Élysées, conçue par Louis Jouvet. Il y associe, pourquoi pas, une évocation de la célèbre « maison de verre » de Pierre Chareau (1928-1931), située rue Saint-Guillaume. Cette commande du gynécologue Jean Dalsace — profession au sous-texte peut-être suggestif — est reconnaissable à sa façade en pavés de verre tramés, immédiatement identifiable pour tout amateur d’architecture.

Décor trop pailleté

Comme pour difracter l’illusion à l’infini, d’un bout à l’autre des trois actes la scénographie emboîtera les espaces gigognes dans une orgie de mises en miroir : s’y agrègent projections de films muets noir et blanc ou colorisés, captations vidéos, selfies, retournement de la perspective avec ce théâtre dans le théâtre incrusté dans le plateau, pour faire des protagonistes eux-mêmes les figurants d’un spectacle, la scène se refermant soudain d’un immense rideau lustré de couleur vert gazon…  Les costumes eux-mêmes, bariolés à outrance, mascarade trash à la puissance deux, participent de cette surenchère trop lisiblement intentionnelle. Si la veine burlesque, parodique, de cette « comédie en musique op 59 » s’en trouve soulignée, l’opéra y perd un peu de la dimension lyrique qui culmine dans les épanchements du sublime trio final.

LE CHEVALIER A LA ROSE – DER ROSENKAVALIER – Compositeur : Richard STRAUSS – Livret : Hugo von HOFMANNSTHAL –
Direction musicale : Henrik NANASI –
Mise en scene : Krysztof WARLIKOWSKI –
Le 19 05 2025 Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET

Non, « Bichette », comme « Quinquin » appelle tendrement sa Marie-Thérèse, n’est pas une cougar qui harcèle un mineur ; c’est bien au contraire l’éphèbe Octavian, qui exprime tout haut, dès l’amorce du 1er acte, « la langueur et la passion, le désir fou et la flamme : quand maintenant ma main trouve la tienne, ce désir que j’ai de toi, de te serrer contre moi, c’est moi, moi qui ai envie de toi »…  Libido insatiable, incoercible, qui se portera bientôt sur Sophie (virginale et pure jeune fille que son géniteur, Monsieur de Faminal, prétendait marier au grossier Baron Ochs von Lerchenau). L’amour de la pensive Maréchale (« je sens jusqu’au fond de mon cœur que l’on ne doit rien garder, que l’on ne peut rien saisir, que tout nous coule entre les doigts, que tout ce que nous cherchons à prendre se dissout, que tout s’évanouit comme une vapeur ou un rêve – alles zergeht wie Dunst und Traum… » in fine se sacrifiant sur l’autel de la jeunesse, passage de flambeau bouleversant où l’ombrelle bienveillante de la noble dame abrite l’union d’Octavian à Sophie. La vibrante émotion propre à ce dénouement, emprise dans la texture orchestrale d’un des plus extraordinaires morceaux du répertoire straussien (avec le final de Capriccio, peut-être, et celui d’Ariane à Naxos), passerait mieux la rampe sur un fond moins pailleté.        

Votre serviteur avait salué avec ferveur le travail décapant du même Warlikowski sur Don Carlos à l’Opéra-Bastille, en mars. Souscrire aux prescriptions de la doxa pour faire du Chevalier à la rose une simple illustration des préoccupations du jour en matière de consentement, de « violence sexuelle et sexiste », de racisme, etc. ne rend aucun service à ce chef d’œuvre, et relève de l’anachronisme. Une partie du public de s’y est pas trompée, d’ailleurs, les huées très manifestement destinées à la mise en scène couvrant les applaudissements réservés à fort juste titre à la direction d’orchestre et aux chanteurs.

Lesbianisme hors sujet

La jeune mezzo irlandaise Niamh O’ Sullivan (qui remplace Marina Viotti initialement prévue pour le rôle-titre) campe Octavian avec un vibrato puissant, d’une belle fraîcheur, qui ne compense pas complètement l’agacement qu’on peut trouver à tirer cet emploi travesti – et non trans ! –  vers un lesbianisme hors sujet, en vertu de l’ambiguïté « genrée » dont on a cru bon de la vêtir. La Maréchale, sous les traits de la soprano française Véronique Gens, dans un vibrato plus large, excelle dans les aigus comme dans le legato exigé des volutes mélodiques où éclate l’expression lyrique, reconnaissable entre toutes, propre à Richard Strauss. La soprano mozartienne Regula Mühlemann campe Sophie avec une délicatesse cristalline, tandis que le théâtral et fort comique Peter Rose incarne une nouvelle fois le Baron Osch de sa somptueuse voix de basse, et que le baryton Jean-Sébastien Bou, scéniquement plus réservé, nous fait un Farinal de haute tenue sur le plan vocal. Aucun des seconds rôles ne dépare ce cast, en particulier le ténor italien Francesco Demuro, irrésistible dans son morceau de bravoure parodique… Dans la fosse, sous la baquette du chef hongrois Henrik Nanasi, l’Orchestre National de France (associé à l’excellente Maîtrise des Hauts-de-Seine) restitue toutes les nuances, tous les contrastes de cette partition ductile, tour à tour suave, truculente, tourbillonnante de valses, rutilante et parodique, allègre et mélancolique, dans une opulence, une netteté d’articulation, une sensualité irréprochables.


Le chevalier à la rose, opéra de Richard Strauss. Avec Véronique Gens, Peter Rose, Niamh O’Sullivan, Regula Mühlemann, Jean-Sébastien Bou, Eléonore Pancrazi, Kresimir Spicer, Francesco Demuro… Direction : Henrik Nanasi. Mise en scène: Krysztof Warlikowski. Orchestre National de France. Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine.

Durée : 3h30

Théâtre des Champs-Elysées, les 24, 27 mai, 2 et 5 juin à 19h.  

L’écrin secret de verdure du Roi Charles III: entre racines royales et fils d’or

Accessibles depuis Londres en 2h30 de voiture ou 1h20 de train, les jardins de Highgrove — refuge de verdure du roi Charles III à l’ouest de la capitale — ouvrent leurs portes pour £39,90. Notre contributeur nous raconte sa visite.


Highgrove, résidence de Charles III, est bien plus qu’une demeure royale : c’est un sanctuaire où chaque saison fait naître de nouvelles promesses, telles des fragrances évanescentes s’épanouissant et se dissolvant au fil du temps. C’est un lieu de convalescence et de résilience où le roi retrouve la paix intérieure. Après un séjour à l’hôpital, conséquence des effets secondaires de son traitement contre le cancer, il a été aperçu regagnant les allées de ce havre de paix, niché au cœur du Gloucestershire, dans le duché de Cornouailles (appelé Home Farm), à deux cents kilomètres à l’ouest de Londres.

À travers les haies sculptées, les massifs de roses anciennes et les senteurs d’azalées en fleurs, le roi semble trouver refuge dans une nature qui, tout comme lui, a su s’épanouir malgré l’adversité.

Highgrove Gardens. Le lieu du repos du Roi Charles III (c) Copyright Highgrove 

Une toile vivante, brodée de nature

Lorsque le prince de Galles acquiert Highgrove en 1980, il ne découvre pas un jardin de rêve, mais une terre en friche, à l’abandon, telle une toile vierge attendant son artiste. Pourtant, dans cette terre battue, Charles entrevoit un autre avenir : un jardin, tel un champ de lavandes, exhalant la promesse d’une harmonie retrouvée, entre l’homme et la nature. La demeure elle-même, construite entre 1796 et 1798 par John Paul Paul, et attribuée à l’architecte Anthony Keck, porte en ses murs l’élégance discrète de l’Angleterre géorgienne. Elle est restée aux mains des héritiers Paul jusqu’en 1860, avant de connaître plusieurs vies jusqu’à son rachat par le prince. Un passé qui s’inscrit désormais dans une œuvre plus vaste, où chaque allée tracée par Charles semble dialoguer avec l’histoire du lieu.

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Il compose ses massifs comme un aquarelliste, mêlant senteurs, volumes et lumières. Dans chaque coin du jardin, chaque branche et chaque fleur évoque la vision d’un monde plus respectueux, plus poétique, où les gestes de jardinier deviennent des métaphores d’un engagement écologique profond.

La mémoire vivante d’un Jardin

À travers les yeux de Deborah Herbert, guide des jardins, les visiteurs découvrent Highgrove comme un véritable sanctuaire où chaque pétale, chaque souffle du vent, semble murmurer l’histoire d’un roi profondément connecté à la nature…

La guide partage avec passion l’attachement du roi aux moindres détails de son jardin, de la rose au buisson de thym. Elle raconte comment, parmi les azalées et les pensées, le prince devenu roi a imaginé un lieu où la biodiversité et l’agriculture durable peuvent coexister. Ses histoires nous rappellent que chaque plante ici n’est pas simplement une essence vivante, mais un symbole du monde qu’il veut construire.

Symboles en fleurs, secrets en terre

Les jardins de Highgrove sont plus qu’un simple havre de beauté ; ils sont des témoins de symboles profonds, ancrés dans la nature. Au détour de la Promenade des azalées, où le parfum des fleurs se mêle à la brise légère, les bustes en bronze de personnalités admirées par le roi se dressent comme des sentinelles silencieuses.

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Chaque statue, entourée de fleurs colorées, révèle une facette de l’histoire et des valeurs du roi : la beauté de l’art, la force de l’intellect, et l’importance de la famille.

Highgrove n’est pas simplement un jardin, mais un chef-d’œuvre vivant où Charles III cherche donc à réconcilier art et nature, démontrant que l’agriculture et la beauté peuvent coexister, comme un tableau vivant dont chaque essai fait partie d’une œuvre collective pour la planète. Les parcelles de légumes bio et les haies taillées aux formes douces et naturelles témoignent de cette philosophie.

La paix retrouvée entre les fleurs

Highgrove est aussi, et peut-être avant tout, un refuge. Pour Charles III, ce jardin est un espace où chaque haie, chaque allée de pivoines et chaque rose trémière lui offre une échappatoire, un lieu où il peut se ressourcer, trouver l’équilibre et la sérénité, loin du tumulte du monde. À l’ombre du labyrinthe, une pierre discrète marque la tombe de Tiger, son fidèle Jack Russell. Cette tombe simple mais émouvante contraste avec la majesté de l’allée d’ifs taillés, où une statue de Diane chasseresse se dresse en hommage discret mais poignant à Lady Diana, son ancienne épouse disparue en 1997.

Et parce que ce jardin est aussi un lieu de transmission, on y trouve désormais deux jeunes arbres plantés en 2015 par Charles lui-même, accompagné de son petit-fils, le prince George. Ce geste tendre et symbolique inscrit la main de l’enfant dans la continuité d’un héritage vivant, enraciné dans la terre autant que dans l’histoire familiale.

Le sanctuaire secret d’un Roi

Au détour d’une allée bordée d’eucalyptus, un petit temple discret se dévoile : le Sanctuary.

Inspiré des clochers tibétains et de la spiritualité orientale, ce pavillon de méditation, dressé dans l’axe du manoir, évoque le besoin d’introspection d’un roi en quête d’équilibre. À l’intérieur, une bougie brûle en silence, quelques livres Penguin d’occasion sont posés sur un banc de bois, tandis que des toiles d’araignées filent le silence, comme un fil d’encre entre temps et mémoire. Charles III, amateur d’harmonie dans toutes ses formes, y trouve un refuge intérieur, loin du protocole, où la pensée respire aussi librement que la nature qui l’entoure… L’inspiration des jardins de Villandry — leurs terrasses superposées, leurs buis taillés en quinconce — se devine ici comme un hommage à l’ordre classique que le roi fait dialoguer avec la paix du silence.

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Un roi ancré dans la Terre

Charles III entend ne pas être un roi lointain : il est un jardinier. Ses mains sont souvent rougies par le travail de la terre. Chaque week-end, il s’agenouille parmi les plantes, retourne le sol, taille, observe. La Promenade du thym, bordée de topiaires en forme de couronne, en est le symbole le plus vivant. Il y a planté seul soixante-dix variétés d’aromates. « J’ai beaucoup de conseillers, mais dans ce jardin, je n’en fais qu’à ma tête », dit-il avec humour. Et parfois, la passion devient affaire de transmission. En 2015, le prince George, alors tout jeune, a aidé son grand-père à planter deux arbres dans le parc de Highgrove. Une petite plaque discrète en témoigne : “This was planted by His Majesty and Prince George, eldest son of the Prince and Princess of Wales, in 2015.” Un moment suspendu, où l’héritage se transmet non par les mots, mais par les gestes partagés, les mains dans la terre, les racines en commun.

Même l’eau de bain du roi, raconte-t-il un jour en riant, est recyclée pour arroser les fleurs. À Highgrove, rien ne se perd — tout s’inscrit dans un cycle, une attention, une fidélité.

Le cèdre du Liban : racines anciennes et héritage vivant

Là où se dressait jadis un cèdre du Liban bicentenaire, fierté du domaine et “contrepoint organique” à l’architecture géorgienne, s’élève désormais un pavillon de chêne, hommage discret à l’arbre disparu. Un chêne né spontanément à cet endroit y pousse librement, traversant le toit aménagé pour lui, comme une promesse que la nature poursuit toujours son œuvre.

Dans ce théâtre de transmission, les gestes s’entrelacent comme les branches. Chanel y a implanté son académie de broderie d’art, confiant aux mains de jeunes talents le fil de savoir-faire séculaires. Sous la houlette des ateliers Lesage, Montex et Lemarié, ils brodent à leur tour la mémoire du lieu, tout comme le roi façonne son jardin. Ainsi, entre l’arbre tombé et l’arbre qui s’élève, entre la soie et la sève, Highgrove continue de se tisser — refuge vivant d’une royauté enracinée dans le temps, la nature et l’art.


Plus d’informations (en anglais): https://www.highgrovegardens.com/pages/highgrove-garden-tours

« De la merde dans un bas de soie » ? Vraiment ?

L’historien Charles-Eloi Vial donne la mesure exacte du « Diable Boiteux » dans la biographie Talleyrand, la puissance de l’équilibre


« Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique », raillait l’Enchanteur. Bien plus fameuse, cette autre saillie du même Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre–tombe, vouant à une commune malédiction le « Diable boiteux » et le sinistre duc d’Otrante : « Tout à coup une porte s’ouvre ; entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment ».   

Légende noire et curieux miroir

La carrière vertigineuse du prince de Bénévent s’étend du crépuscule de l’Ancien Régime au règne de Louis-Philippe : « le génial diplomate […] servit neuf régimes et prêta treize serments ». Au mythique Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838), Charles-Eloi Vial, archiviste paléographie conservateur au département des Manuscrits de la BNF, auteur, comme l’on sait, d’ouvrages sensationnels sur le Premier et le Second Empire – cf., tout récemment, Les lieux de Napoléon – consacre avec la plume limpide qu’on lui connaît, dans les pas du magistral Talleyrand, le prince immobile, par son confrère Emmanuel de Waresquiel (Tallandier, 2003), une nouvelle biographie éclairante – synthèse adroite en ce que, tout uniment, elle peint l’homme et son idiosyncrasie, approfondit les raisons de sa légende noire et enfin, replace les sinuosités de son parcours dans le contexte géopolitique du temps.

© D.R.

Edité avec le plus grand soin par la maison Perrin dans sa collection « Bibliothèque des illustres », superbement illustré en reproductions « pleine page » de gravures, de tableaux, de dessins d’extraits de livres ou de manuscrits issus de la BNF, des grands musées ou du fond d’Archives diplomatiques, le livre, en cette année 2025 où tractations secrètes, renversements d’alliance inédits, nouvelles menaces de conflits secouent la scène internationale, offre un curieux miroir à l’actualité contemporaine : « sa carrière [rappelle] qu’un monde meilleur, malgré toutes les bonnes intentions possibles, ne se construit pas avec des bons sentiments, même si son héritage a aujourd’hui atteint ses limites, dans un siècle où », observe Charles-Eloi Vial, « la négociation entre hommes de bonne volonté semble prête à disparaître face aux nouveaux impérialismes ou à la barbarie… et où les diplomates de métier eux-mêmes semblent en voie d’extinction, le dur métier de négocier s’effaçant devant les incantations médiatiques et le règne de l’immédiateté ».

De fait, la qualité première de Talleyrand, peut-être, fut de savoir toujours prendre son temps. Né dans un monde finissant, abbé incroyant et sans la moindre vocation, fasciné de bonne heure par l’argent, joueur invétéré, pétri « d’une dévorante ambition sous le masque d’un grand seigneur indolent et libertin », Talleyrand, « tout en se tenant prudemment à l’écart du tumulte »[…] « fut aux premières loges pour assister à la chute de l’absolutisme ». Evêque-député en 1790, opportunément démissionnaire au bon moment, prisant déjà fort les pots-de-vin (alors nommés « douceurs diplomatiques » par un délicieux euphémisme), il est missionné à Londres avant de s’embarquer pour Philadelphie. Visionnaire ? Il écrit : « L’Amérique s’accroit chaque jour. Elle deviendra un pouvoir colossal. […] Le jour où l’Amérique posera son pied en Europe, la paix et la sécurité en seront bannies pour longtemps ». Radié de la liste des émigrés par la Convention, le futur ministre intrigue avec le jeune Bonaparte, auquel il se ralliera sans hésiter : « le Premier consul [lui] rendit immédiatement son portefeuille, qu’il conserva durant sept ans. Il s’agit à n’en pas douter des plus belles années de sa carrière, même s’il était loin d’avoir atteint l’apogée de sa puissance », commente l’auteur. « Leur complémentarité initiale devait progressivement dégénérer en division, avant la rupture finale ». Le biographe décrit un diplomate, quoique « le plus souvent » […] maintenu « à l’écart de la prise de décision », préconisant « de signer des traités mûrement réfléchis tandis que son maître préférait les arracher aux vaincus sur des champs de bataille encore fumants ». Prudent et « d’une étonnante souplesse », le résident de l’hôtel de Gallifet (alors siège du Ministère) est décrit en « administrateur avisé » et sachant déléguer – tout l’inverse de Napoléon. Par ruse, le ci-devant évêque d’Autun accède à l’état laïc, ce qui lui permet de convoler : mariage malheureux avec Catherine Grand. « Je suis d’Inde », faisait-on dire à la ravissante idiote, dont il se séparera en 1816. En attendant, dès 1803, Talleyrand fait l’acquisition du château de Valençay et de son immense domaine. Devenu « grand chambellan » sous l’Empire, l’homme « a sans doute mis de longues années avant de se soustraire à la fascination que l’empereur exerçait sur lui ». « Diplomate ligoté par le guerrier forcené, […] celui qui obtint le 5 juin 1806 le titre de prince de Bénévent […] n’était pas seulement l’homme du compromis, il demeurait aussi celui des bonnes manières, dont son maître était absolument dépourvu, de l’esprit et de la conversation, qualités essentielles pour un diplomate et traditionnellement associées à la haute aristocratie » observe cruellement Charles-Eloi Vial, qui poursuit : « le ministre rêvait d’une France prépondérante au sein d’une Europe pacifiée, le maître souhaitait arriver à une domination hégémonique par la force ». Abasourdi, « malgré son flegme », par les audaces fulgurantes de l’Empereur, « le sphinx se décida définitivement à tourner casaque » en 1807, au moment du traité de Tilsit. « Tenez, Monsieur, vous n’êtes que de la merde dans un bas de soie » – l’injure du maître des Tuileries à son ministre est passé à la postérité. Disgracié, presque rendu à la vie privée, le Diable boiteux « jette le masque » tout en menant grand train, entamant « une nouvelle carrière de traître et d’agent double », vendant ses conseils au prix fort à l’empereur d’Autriche puis au tsar, « anticipant surtout sur l’inévitable chute ». Son précepte lui inspirera cet impérissable mot d’esprit : « la trahison est une question de date ».

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Le redoutable Bénévent, « faisant preuve d’une extraordinaire habileté, usa de ses prérogatives de vice-grand-électeur de l’Empire pour […] mettre en place un gouvernement provisoire dont il prit la tête ». Carême, son cuisinier, dont circule dans tout Paris la renommée de ses pièces montées, gave somptueusement chaque soir à sa table le vainqueur de « L’Ogre ». Et si Talleyrand doit faire antichambre deux heures avant d’être reçu par Louis XVIII retour d’exil, son expérience le rend vite indispensable au monarque indolent – voir la pique fameuse du Diable boiteux : « le roi est resté trois heures en son conseil. Que s’est-il passé ? Trois heures ».

Un noceur

Au Congrès de Vienne, le diplomate aguerri est plus que jamais à la manœuvre. Savoureuse autant que percutante est, sous la plume de Vial, la chronique de ces négociations « au fil du rasoir ». Dans son hôtel nouvellement acquis de la rue Saint-Florentin « où les curieux de l’Europe se bousculaient » […] « le premier président du Conseil de l’histoire de France se comporta en véritable souverain », se levant à onze heures mais travaillant la nuit. « Congédié par le roi qui avait pris ombrage de son prestige », redevenu grand chambellan à tire honorifique, aigri quoique vivant toujours sur un grand pied, il « continua à fronder » tout en se déplaçant entre Paris et ses terres de Valençay. Au roi Charles X, le frère « ultra » de feu Louis XVIII, il voue une forte antipathie. Inépuisable dans son rôle « de mentor, de conseiller de l’ombre et surtout de Cassandre », occupé à dicter ses Mémoires, Talleyrand se montrera donc assez indifférent à « la chute de la branche aînée des Bourbons », finissant même par accepter, sous les auspices du roi-citoyen Louis-Philippe, la prestigieuse ambassade de Londres.

On s’étonnait « de voir ce grand vieillard courir chaque soir les réceptions, jouer d’énormes sommes au whist jusqu’au milieu de la nuit, passer encore deux heures à lire avant de se coucher sur le coup de quatre heures pour se lever à midi seulement, puis dicter sa correspondance du jour à son secrétaire Colmache tout en se faisant friser face un petit auditoire de curieux venus le voir bander et emboîter son pied bot dans un soulier bardé de fer, avant de partir assister à de longues réunions au Foreign Office qui l’occupaient jusqu’au soir ». Ce vif croquis tracé par Charles-Eloi Vial méritait d’être cité en entier : tout le sel de sa biographie tient en ceci qu’elle conjugue la relation précise des événements, la subtilité du regard critique, et l’évocation haute en couleur du personnage.

Oracle nonchalant, Talleyrand continuait de fasciner ses contemporains. Sa légende a depuis, comme l’on sait, inspiré la meilleure littérature (de l’Enchanteur à Honoré de Balzac), puis le cinéma (Sacha Guitry)… Mécréant cynique, cupide, prêt à toutes les allégeances et à toutes les traîtrises, ou modèle indépassable du grand diplomate ? Au-delà de sa morale personnelle, « son leg le plus important réside plutôt », aux yeux de son biographe, « dans sa façon d’envisager les relations internationales, comme un art reposant sur la connaissance de l’autre, la compréhension des processus politiques, économiques et sociaux à l’œuvre dans les pays étrangers ; mais aussi comme un travail [à la] recherche de la solution la plus appropriée via une négociation toujours menée la tête froide ».

D’aucuns, dans les sphères du pouvoir par les temps qui courent, seraient avisés d’en prendre de la graine, qui sait…         


A lire : Talleyrand. La puissance de l’équilibre, par Charles-Eloi Vial. Perrin/ Bibliothèque Nationale de France, 2025. 256 pages

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Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

Face à la féministe de gauche Laure Murat, le journaliste Ali Baddou, tout en douceur, affirme que l’administration Trump a bel et bien pratiqué cette fameuse cancel culture que le président orange reprochait – à tort – aux progressistes. Pendant ce temps, à Cannes, Laurent Lafitte, Robert De Niro et Pierre Niney rivalisent de vertu, rêvant d’être plus irréprochables encore que Juliette Binoche.


Samedi 10 mai. France Inter. 7 h 50. Ali Baddou reçoit l’historienne Laure Murat, professeure à l’université de Californie à Los Angeles. « Le débat fait rage aux États-Unis entre ceux qui dénonçaient “le wokisme”, une “cancel culture” supposée (sic) de la part de mouvements progressistes, et la “cancel culture” bien réelle qu’est en train de mettre en place l’administration Trump », déclare Ali Baddou qui a oublié, semble-t-il, les nombreuses campagnes wokes des « mouvements progressistes » ayant eu pour but d’effacer des personnes, des disciplines ou des œuvres jugées non selon leur valeur esthétique ou intellectuelle mais selon les critères moraux et idéologiques du wokisme sous toutes ses formes, de la théorie du genre au néo-féminisme, de l’antiracisme racialiste aux thèses décolonialistes, en particulier dans les universités américaines. Les exemples abondent. Rafraîchissons la mémoire de M. Baddou.

2000 ans d’histoire réactionnaire

« J’espère que la matière va mourir, et le plus tôt possible ». Ainsi parlait, en 2021, Dan-el Padilla Peralta, professeur de lettres classiques et d’histoire romaine à Princeton, en accusant la matière qu’il enseigne de perpétuer une « culture blanche ». Le New York Times souligna avec enthousiasme les propos du professeur. De son côté, Donna Zuckerberg, spécialiste de la Rome antique, dénigrait une « discipline qui a été historiquement impliquée dans le racisme et le colonialisme et qui continue d’être liée à la suprématie blanche et à sa misogynie ». Elle appelait à « tout détruire par les flammes ». À la suite de multiples déclarations d’universitaires considérant que la culture gréco-romaine avait été la complice d’un « génocide culturel », l’université de Princeton décida de ne plus rendre obligatoire l’apprentissage du grec et du latin pour les étudiants désirant poursuivre des études de lettres classiques. S’il avait écouté France Culture[1] à l’époque, M. Baddou aurait constaté que ce délire woke avait déjà atteint la France : « On vous ment depuis 2000 ans : non, les statues grecques n’étaient pas blanches, mais de toutes les couleurs. L’Histoire nous la caché pour promouvoir le blanc comme idéal d’un Occident fantasmé, contre les couleurs symboles d’altérité et de métissage ». Sur la radio publique, l’historien de l’art Philippe Jockey défendait ainsi l’idée que la blancheur des statues grecques reflétait en réalité l’expression d’un racisme systémique occidental. Selon lui, la polychromie originelle de ces statues avait été intentionnellement effacée des mémoires par les Blancs pour valoriser leur couleur de peau. De là à parler d’une “créolisation” statuaire présente depuis la plus haute Antiquité mais volontairement ignorée par des Occidentaux racistes, il n’y avait que la moitié d’un pas qui fut rapidement franchi : « C’est le résultat de 2000 ans d’une histoire réactionnaire, qui place le blanc au cœur de ses valeurs et rejette l’impur, le bigarré, le métissage des couleurs. » MM. Mélenchon et Boucheron applaudirent de concert.

Sous l’ère Biden, des professeurs de littérature américains créèrent le hashtag #DisruptTexts afin de traquer les œuvres classiques « problématiques », en particulier les tragédies shakespeariennes supposément racistes et misogynes, et de « développer des pratiques d’enseignement antiracistes ». Bien qu’elle s’en défende, l’invitée d’Ali Baddou, Laure Murat, baigne dans le wokisme, ce wokisme qui est « en grande partie un fantasme », selon elle. En affirmant enseigner « la littérature française du XIXe siècle, qui est antisémite, homophobe et misogyne », elle démontre que, loin de parler de littérature, elle impose à ses étudiants une grille de lecture idéologique et anachronique correspondant aux critères wokes. Malgré elle, et sans être un seul instant contredite par Ali Baddou, Laure Murat enfonce le clou et montre qu’elle est imbibée d’idéologie woke lorsqu’elle parle des safe spaces dans les universités américaines,en particulier ceux prévus pour « protéger » les étudiants noirs : « Il y a des efforts qui sont faits pour avoir ce qu’on appelle un environnement “safe”, c’est-à-dire protégé des insultes, des micro-agressions, ce qui demande un effort de tout le monde pour être respectueux. Ça ne me paraît pas être quelque chose de tellement extraordinaire, de tellement scandaleux ! » Éric Fassin et Rokhaya Diallo disent exactement la même chose quand il s’agit de justifier des réunions non-mixtessans Blancssur le racisme. Le racialisme – c’est-à-dire le racisme remis au goût du jour via une racialisation des rapports sociaux – est un autre versant du wokisme.

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Guerres culturelles

L’administration Trump a décidé de faire le ménage et de ne plus subventionner les chaires  universitaires rongées par les thèses gravitant autour de la théorie du genre et du racialisme. La majorité des « chercheurs » américains que l’université française dit vouloir accueillir sont issus de ces disciplines gangrénées par le wokisme. Présenté par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen à la Sorbonne, le projet Choose Europe for Science, destiné à accueillir des activistes américains déguisés en chercheurs, se voit doté d’un budget de 600 millions d’euros. Cette somme abondera les budgets d’Horizon Europe et de France 2030, nous apprend l’eurodéputée Catherine Griset (RN) dans une tribune parue sur le site du média Frontières : « Horizon Europe finance généreusement des projets de recherche purement militants : 2,5 millions pour “décoloniser la charia” ; 1,4 million pour analyser “l’oligarchie blanche dans les paradis fiscaux” ; 3 millions pour “débunker les arguments de genre d’extrême-droite” ; 257 000 euros pour l’historiographie LGBT de l’Antiquité. Etc. » Ces projets délirants sont financés avec l’argent des contribuables. Il faut noter que le même organisme public finance, à hauteur de 2,6 millions d’euros, des travaux, appelons ça comme ça, sur « les inégalités de genre dans la transition écologique ». L’écologisme et le wokisme sont les deux grandes maladies totalitaires de cette époque. 

Rappelons à M. Baddou quelques faits significatifs révélant un autre aspect de la cancel culture progressiste. Le monde littéraire n’a pas échappé au fanatisme woke. Les Dix petits nègres d’Agatha Christie, par exemple, ont été entièrement réécrits afin d’effacer ce que les Américains appellent le n-word (nigger). Les aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain et Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee, deux livres pourtant foncièrement antiracistes, ont été carrément retirés des rayons de bibliothèques scolaires pour la même raison.

Le roman dystopique American Heart, de Laura Moriarty, avait tout pour plaire. Il raconte en effet la vie d’une Américaine qui va aider une jeune musulmane à s’évader d’un des camps d’internement érigés sur tout le territoire par un gouvernement fasciste (autant dire trumpiste). Beau sujet politiquement correct. Mais, pour certains, il y a un problème : Laura Moriarty a écrit son livre d’un « point de vue blanc » en s’appropriant l’histoire d’une femme musulmane alors qu’elle n’est pas musulmane elle-même – des critiques lui reprocheront sèchement cette « appropriation culturelle » et la Kirkus Review, qui avait d’abord encensé le livre, s’auto-cancellera en effaçant son article. 

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Jeanine Cummins, l’auteur du best-seller American Dirt, sera la cible de reproches similaires: n’étant pas latina, elle n’avait pas le droit de narrer les aventures d’une libraire mexicaine fuyant les cartels de la drogue, selon des militants antiracistes. Le plus drôle est que Jeanine Cummins a cru pouvoir s’en tirer en affirmant qu’une de ses grands-mères était Portoricaine. Insuffisant, aux yeux des idéologues qui immolèrent son livre et celui de Laura Moriarty sur l’autel de l’inquisition woke. 

Après une campagne délirante d’insultes et de menaces, les ouvrages de J.K. Rowling ont été brûlés sur des campus américains au motif que leur auteur serait transphobe. J. K. Rowling avait osé se moquer de l’expression trans « personnes qui ont leurs règles » en rappelant simplement la réalité biologique : seules les femmes ont des règles.

Il est étonnant que M. Baddou n’ait pas entendu parler de ces quelques cas édifiants de cancel culture pratiqués par des mouvements progressistes. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi mille. Des éditeurs occidentaux recrutent maintenant des sensitivity readers chargés de relever dans les manuscrits les passages pouvant être perçus comme offensants envers les minorités. En sus de la production sociologisante, pleurnicharde et nombriliste, une sous-littérature inodore et incolore a émergé et été mise en avant par des médias complices participant ardemment au ripolinage des consciences et à la rééducation des masses. Cette sous-littérature fait partie d’une sous-culture woke et progressiste imposée par les médias – à ce propos, la troisième nomination de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions démontre que le système médiatique public n’est pas près d’abandonner son activité propagandiste, militante et sectaire – la publicité et le monde dit de la culture. L’industrie cinématographique, par exemple, est devenue une machine à abrutir et dresser les masses, comme le prouve le festival de Cannes qui n’intéresse en réalité plus personne. Le petit monde cinématographique, wokisé jusqu’à l’os et subventionné jusqu’aux oreilles, a religieusement écouté Juliette Binoche, la sainte des artistes en quête d’engagements sans risque contre « la guerre, la misère, le dérèglement climatique, la misogynie primaire ».Lors de la même messe médiatique,Laurent Lafitte a affirmé, sans rire, que « l’acteur est aussi un citoyen du monde » qui n’ignore pas que « chaque prise de parole est une prise de risque ». Il n’a d’ailleurs pas hésité à se sacrifier en prononçant les « mots interdits par l’administration de la première puissance mondiale » : climat, équité, féminisme, LGBTQIA+, migrants et racisme. Après avoir plaidé pour un cinéma plus « inclusif » et « ouvert au monde », Laurent Lafitte, encouragé par les applaudissements mécaniques d’un public en mode automatique, sombre définitivement dans le ridicule : « S’il y a un endroit au monde où le cinéma citoyen existe, c’est ici, au Festival de Cannes ». Quelques instants plus tard, Robert De Niro se gargarisera avec le même genre d’inepties narcissiques : « Nous, les artistes, sommes une menace pour les autocrates et les fascistes de ce monde. » Ce qu’il ne faut pas entendre…

Les rebellocrates de cinéma se regardent mutuellement le nombril en déblatérant de laborieuses leçons de morale – croient-ils vraiment impressionner le vulgum pecus ? Dieu merci, aucune personne sensée ne prend ces pitres au sérieux. Il n’y a qu’Ali Baddou ou Pierre Niney[2] pour parvenir à écouter Juliette Binoche, Laurent Lafitte ou Robert De Niro sans éclater de rire…

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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[1] https://www.marianne.net/medias/statues-grecques-blanches-quand-france-culture-sombre-dans-le-complotisme-indigeniste

[2] Au festival des bondieuseries cannoises, l’acteur Pierre Niney, après s’être réjoui de la condamnation de Gérard Depardieu en espérant que « cela va faire avancer les choses, les mentalités et la justice », a annoncé vouloir travailler pour plus d’inclusion dans le cinéma français. Pierre Niney est en passe de devenir l’acteur le plus vertueux de son temps. S’il veut concurrencer Sainte Juliette, il doit faire encore un petit effort : un mot sur l’immigration qui est une chance pour la France, un autre sur le réchauffement climatique nécessitant de changer de slip le moins souvent possible et, lors des prochaines élections, une ou deux réflexions castoriennes sur le retour des heures sombres et de la bête immonde, et le tour sera joué…  

Le Festival de Cannes, ce conclave de l’anti-trumpisme

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Sonné par le retour de Trump aux manettes du pouvoir, Hollywood, ce bastion du parti démocrate, a fait du Festival de Cannes 2025 une tribune internationale pour rameuter et galvaniser les opposants de tous poils au trumpisme.  


Dès son ouverture le 13 mai, le ton a été donné par le maître de cérémonie, l’acteur français Laurent Lafitte : « À l’heure où le climat, l’équité, le féminisme, les LGBTQIA+, les migrants, le racisme ne sont plus seulement des sujets de films, mais les mots interdits par l’administration de la première puissance mondiale, nous avons le devoir de nous demander quelle sera notre prise de parole et si nous en aurons le courage », a-t-il déclaré[1].

Prends garde à toi, vilain Trump !

Dans son sillage, l’ennemi déclaré de Trump, l’acteur Robert De Niro, 81 ans, récipiendaire cette année de la Palme d’or d’honneur pour sa longue carrière, a surenchéri, en qualifiant, dans une diatribe acerbe, le président américain de « président philistin », l’accusant d’inculture. « Les arts sont démocratiques, l’art est inclusif et rassemble les gens (…). L’art recherche la vérité. L’art embrasse la diversité, et c’est pourquoi l’art est une menace (…) C’est pourquoi nous sommes une menace pour les autocrates et les fascistes ». De Niro, soutien de longue date du parti démocrate, a alors déclaré : « Il est temps pour tous ceux qui se soucient de la liberté de s’organiser, de protester et, lorsqu’il y a des élections, bien sûr, de voter. Votez ! », avant d’ajouter : « Nous montrons notre force et notre engagement en célébrant l’art dans ce festival glorieux. Liberté, Égalité, Fraternité !»[2].

À lire aussi, Didier Desrimais : Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

Il y a eu aussi Bono, le chanteur de U2, accompagné de Sean Penn, posant sur le tapis rouge du Palais des festivals avec des militaires ukrainiens et rappelant à la presse que le festival avait été créé en 1939 « dans le but de combattre le fascisme ». L’acteur chilien Pedro Pascal, défenseur du transgenrisme, pour sa part, a dénoncé publiquement la politique migratoire de Trump, tandis que le réalisateur et ancien ministre de la Culture haïtien Raoul Peck a vociféré contre les attaques de Trump contre la démocratie[3].

Voight, Stallone et Mel Gibson avec Trump

En filigrane, les préoccupations d’Hollywood sont d’ordre pécuniaire, Trump ayant annoncé le doublement des droits de douane sur les films tournés à l’étranger et ce, afin de relever l’industrie cinématographique américaine qui menace de sombrer. Elles sont aussi liées à la détermination du président américain d’en finir avec les monstrueuses dérives d’un système devenu trop puissant, comme l’a montré le procès du rappeur PDiddy, jugé pour « trafic sexuel, racket et transport d’êtres humains en vue de la prostitution »[4]. Trump a nommé pour ce faire trois « ambassadeurs » à Hollywood : les acteurs Jon Voight (le père d’Angelina Jolie), Sylvester Stallone et Mel Gibson, en vue de nettoyer les écuries d’Augias.


[1] https://x.com/francetvcinema/status/1922343760484065283

[2] https://edition.cnn.com/2025/05/14/entertainment/robert-de-niro-trump-cannes-speech-scli-intl

[3] https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250519-festival-de-cannes-une-premi%C3%A8re-semaine-tr%C3%A8s-politique

[4] https://fr.news.yahoo.com/l-ancien-assistant-p-diddy-160547022.html

Le système légion : un modèle d'intégration des jeunes étrangers

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Squatter à Nantes: un mode d’emploi municipal

Dans la préfecture de Loire-Atlantique, Mme M., 78 ans, a découvert que son appartement était illégalement occupé par des Guinéens, ce qui la prive de son loyer et l’empêche de payer sa taxe foncière! L’expulsion a été suspendue par le tribunal au nom de la vulnérabilité des squatteurs, la laissant seule face aux charges. La mairie socialiste tente de donner l’impression qu’elle agit…


La ville de Nantes, d’ores et déjà fort célèbre pour ses biscuits Petit Lu et BN, pourrait bien le devenir tout autant pour une tout autre activité, le squat. Ce fléau semble en effet y prospérer assez gaillardement. Après bien d’autres cas, ces derniers temps c’est un immeuble de trois étages que son propriétaire – âgé de 75 ans – a eu la – violente- contrariété de découvrir occupé par une dizaine de personnes qui avait mis à profit le week-end pour remplacer la vitre de la porte d’entrée, qu’ils avaient brisée pour prendre possession du bien, par une plaque d’acier dûment soudée. Même menus aménagements concernant le système de fermeture, la serrure ayant cédé la place à un digicode. On a le souci du squat modernisé et technologique à Nantes. Laconique justification de ces occupants indésirés et indésirables : « Le proprio a assez de pognon. » Ce qui est faux, bien sûr. Ce retraité a travaillé sa vie durant pour posséder ce qu’il possède. Et quand bien même serait-il blindé – comme ils disent – on ne voit pas très bien ce qui justifierait que ces délinquants s’autorisent à s’approprier son bien.

Impuissance publique

Autre cas, tout aussi scandaleux mais extrêmement éclairant quant à l’impuissance publique en ces matières, celui de cette dame de 78 ans qui a découvert que l’appartement qu’elle entendait louer avait été pris d’autorité par « une famille précaire », des Guinéens. Ils ont mis à profit la parenthèse créée par le départ de précédents locataires pour s’installer. Quelques âmes particulièrement généreuses de la bonne ville de Nantes seraient-elles à l’affût de ces parenthèses pour aussitôt caser leur petit monde ? Quelque association confite en générosité pro-migrants, peut-être, et accessoirement financée par la Municipalité ?

La propriétaire, âgée donc, qui ne dispose que d’une retraite de 1000 euros, et, en temps normal, du loyer de son F5, également de 1000 euros, doit donc se passer de cette rentrée d’argent, absolument indispensable. D’autant que les frais, les impôts et taxes foncières continuent de courir, bien évidemment. Elle est à ce jour dans l’incapacité de payer cette taxe locale : 1800 euros depuis 2024. (C’est très dommage qu’elle ne puisse pas s’en acquitter parce que cela aurait permis à la Ville de continuer à subventionner aussi généreusement les belles associations évoquées ci-dessus.)

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La préfecture, saisie, avait décidé l’expulsion des occupants sans titres ni droits. Mais voilà bien que la procédure a été suspendue par le tribunal administratif au motif que – je cite – « la mise en œuvre de l’arrêt attaqué aura pour effet de priver de tout abri les requérants, alors que M. F est père de deux enfants âgés seulement de 1 et 2 ans et que les intéressés soutiennent, sans être contestés en l’absence de toute production de l’autorité préfectorale, ne disposer d’aucune possibilité d’hébergement, en dépit de leurs appels au 115, et d’aggraver aussi la précarité des familles. »

Dérive bien française

Pas un mot dans ces lignes pour rappeler que l’occupation sans titre et sans droit d’un quelconque bien est un délit passible d’un an de prison et 15000 euros d’amende. Pas un mot non plus sur la situation personnelle de la propriétaire. Lui voler – il s’agit bien de cela – le revenu de son loyer pour la laisser tenter de survivre avec sa maigre retraite, n’est-ce-pas aussi « aggraver » son dénuement, la précipiter, elle, dans la précarité ?

Ainsi nous assistons à la dérive si française qui préside de nos jours à tant et tant de décisions de cette nature : la précarité d’importation prévaut sur celle des gens d’ici.

Qu’on imagine un instant si cela devait faire jurisprudence, et si on en arrivait à considérer que cette précarité d’importation ouvrait de droit l’accès à l’occupation sans titre ni droit de tous locaux plus ou moins libres à un moment donné, cela à travers tout le pays ? On n’en est pas loin, apparemment.

Le Figaro, rapportant ce fait, a pris langue avec l’adjointe au maire de Nantes en charge des solidarités, de l’inclusion sociale, des personnes âgées et du CCAS, Madame Abbassia Hakem. « Nous devrons œuvrer à faire en sorte, répond-elle[1], que très rapidement les deux situations soient prises en compte. »

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Délicieuse réponse. Les mots sont choisis avec soin. L’élue ne dit pas « Nous devrons faire en sorte que », mais infiniment plus prudemment : « Nous devrons œuvrer à faire en sorte… ». Magnifique nuance de langage. De même préfère-t-elle dire : « que les deux situations soient prises en compte ». Prises en compte, et non réglées, solutionnées. Là, encore, la prudence est de mise.

Passons. Mais permettons-nous tout de même de faire observer que, en la circonstance, si la loi avait été respectée, le bon droit de la propriétaire effectivement reconnu, le délit de squat traité avec la rigueur que la loi prévoit et que le bon sens cautionne, il n’y aurait pas deux situations à prendre en compte, mais une seule. Ce qui, de toute évidence, ne pourrait que simplifier le problème.

Certes, il n’est pas question de nier que la générosité, même émanant d’un tribunal administratif, ne soit une grande et belle vertu, mais on ne peut s’empêcher de reprendre ici le constat que faisait en son temps l’écrivain anglais – apologiste du christianisme – Gilbert Keith Chesterton : « Le monde est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. » Revenant en ce monde, il serait certainement enchanté de se trouver à même de vérifier combien il voyait juste.

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[1] https://www.lefigaro.fr/nantes/nantes-a-78-ans-elle-n-arrive-pas-a-recuperer-son-logement-squatte-depuis-plus-de-18-mois-par-une-famille-precaire-20250521

Podcast : Le nouveau rapport sur l’entrisme des Frères musulmans va-t-il changer quelque chose ?

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Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Le gouvernement vient de rendre public un rapport officiel sur l’entrisme des Frères musulmans en France. La version diffusée apprend peu de choses à ceux qui suivaient déjà ce sujet brûlant. Il se peut que l’apport le plus intéressant des auteurs réside dans des informations précises et sensibles contenues dans la version non-diffusée.

En tout cas, nous assistons peut-être à la formation d’une doctrine d’État au sujet du danger frériste. Et bien que le président lui-même, décrédibilisé, possède peu de marge de manœuvre pour prendre des mesures concrètes, l’étoile montante de Bruno Retailleau, le nouveau président des Républicains, est de bon augure.

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Pourtant, de manière totalement prévisible, les idiots utiles de l’islamisme dans les médias et l’extrême-gauche n’ont pas attendu pour pousser les hauts cris et relayer la charge d’islamophobie que les milieux fréristes ont développée pour faire taire toute parole critique à leur égard.

Bruxelles, porte d’entrisme des Frères musulmans sur l’Europe

Dans la capitale belge, la stratégie de conquête par le bas des Frères musulmans porte ses fruits : les barbes s’allongent, les femmes se voilent, et des rues entières sont désormais composées de commerces halal… Inquiétant.


Les Frères musulmans ont vu le jour en 1928 au Caire, sous la houlette d’Hassan el-Banna. Il n’a pas fallu un siècle pour que leur nouvelle capitale soit située en plein cœur de l’Europe, à Bruxelles où un immense tapis rouge est continuellement déroulé devant eux. Ils ont désormais partout leurs entrées, sans qu’ils ne doivent encore forcer la porte, et ont leurs porte-parole dans les partis politiques, les institutions, les associations et les médias.

Une toute petite minorité ?

Le rapport français sur les Frères musulmans a fait grand bruit, amenant à la connaissance d’un grand public de moins en moins candide l’existence d’une confrérie qui utilise tous les moyens légaux (État de droit, entrisme, culpabilisation, chantage à l’islamophobie…) pour imposer un islam rigoriste. Le terme « Belgique » y est mentionné 35 fois, notamment comme « carrefour européen de l’entrisme frériste ».

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Dans le plat pays, tout le monde ferme les yeux car beaucoup y trouvent un intérêt. Tous les partis politiques ou presque ont laissé entrer le loup dans la bergerie, contre la promesse de voix d’une communauté qui n’a plus rien de minoritaire – le pourcentage de musulmans à Bruxelles a probablement déjà largement dépassé les 30%. Depuis que le Centre démocrate humaniste (aujourd’hui Les Engagé.e.s) a fait élire la première femme voilée dans un Parlement européen – elle est aujourd’hui ministre de la famille dans le gouvernement d’Erdogan -, bien du chemin a été parcouru. C’est chez les socialistes – qui viennent de placer le drapeau palestinien sur le toit de leur siège -, les communistes du PTB et surtout Écolo – autrefois le parti de la nature et des oiseaux – que la tendance est la plus marquée. Les verts belges ont par exemple nommé, avant qu’elle ne fut contrainte à la démission, une sœurette voilée et lourdement suspectée de liens avec les Frères musulmans au poste de… commissaire du gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

New complot juif

Bruxelles est au cœur de la stratégie des Frères musulmans car, en plus d’être la capitale belge, elle est aussi celle de l’Union européenne, dont les institutions sont particulièrement bienveillantes à l’égard des fréristes. On se souvient, en guise d’exemple, de la campagne du Conseil de l’Europe intitulée : « La liberté est dans le hijab ». Implanté au plus près des institutions européennes, où il effectue un travail intense de lobbying depuis 2007, après l’avoir été à Londres, autre terrain de conquête de l’islamisme, le Conseil des musulmans européens (CEM) est la structure faîtière des Frères musulmans sur le continent. Parmi les nombreuses associations dans son giron, la structure de formation FEMYSO, qui s’adresse plus particulièrement aux jeunes, a pendant longtemps bénéficié d’une aide généreuse de la part de la Commission européenne et du Conseil.

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La noria d’associations actives « sur le terrain » est évidemment perméable aux discours fréristes quand elle n’en est pas le véhicule. Molengeek a abondamment bénéficié des marchés publics qui, en Belgique, sont plus juteux qu’ailleurs. Située à Molenbeek, que les Français ont appris à connaître au moment des attentats, l’association entend mettre les nouvelles technologies au service de tous – comprenez aux personnes issues de la diversité. Depuis, le voile a été levé : entre formations « bidon » et incompétence des formateurs, le plus intéressant réside sans doute dans les soupçons de liens, soulevés par le journal flamand Doorbraak, de son fondateur Ibrahim Ouassari avec les Frères musulmans. Celui-ci s’est défendu sur X en usant d’un parallélisme aussi douteux que révélateur : « Les Frères musulmans is the new complot juif ».

https://twitter.com/Ibiwas/status/1925285057888965090

Les médias se sont mis au diapason. Aussi bien l’audiovisuel (la RTBF – chaîne publique -, RTL, LN24 – chaîne d’information -) que la presse écrite véhiculent une vision exclusivement positive de l’immigration et de l’islam, n’hésitent pas à tendre le micro à des personnalités proches des mouvances islamistes et, surtout, refusent de donner la parole aux responsables politiques ou penseurs qu’ils rangent à l’extrême droite – c’est-à-dire à peu près toute personne ne s’enthousiasmant pas devant les bienfaits de l’immigration. Pour les médias, les Frères musulmans sont d’ailleurs, comme le titra un jour Le Vif, un fantasme.

Surtout, il suffit de prendre les transports publics, se balader dans Bruxelles, faire ses courses, arpenter les clubs de sport ou discuter à la machine à café pour comprendre, à travers des détails difficilement quantifiables, que le travail de sape des Frères musulmans porte ses fruits : les barbes s’allongent, des rues entières sont composées de commerces halal, l’arabe s’impose dans les entreprises, les voiles sont de plus en plus nombreux – et l’on connaît l’importance de celui-ci dans la stratégie de conquête par le bas des Frères musulmans.

Pourtant, en Belgique, il faudra encore bien du temps avant que ne sorte un rapport sur leur influence, preuve sans doute qu’ils y ont déjà imposé leurs méthodes et leurs mœurs, avec la complicité du monde médiatico-politique.

Giuliano da Empoli : la fin des élites est-elle inéluctable ?

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Giulinao da Empoli, 17 avril 2023 © SOPA Images/SIPA

Dans L’Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli abandonne la fiction pour livrer l’essai incisif que l’on sait sur les coulisses du pouvoir contemporain. À mi-chemin entre le traité politique et le récit d’observation, il brosse le portrait d’un monde en mutation, où les anciennes élites, victimes de leurs incompétences répétées, font vaciller le monde…


Les analyses politiques de l’auteur italo-suisse Giuliano da Empoli ont acquis un certain succès, depuis la parution de son livre Le Mage du Kremlin, Grand Prix du roman de l’Académie française 2022. Ce que tente cet observateur attentif de la politique mondiale, c’est de faire pénétrer ses lecteurs dans les coulisses du pouvoir, où il faut montrer patte blanche. Giuliano da Empoli ne s’arrête pas à l’apparence, ne se laisse pas du tout impressionner par ce qu’il voit, mais, tel un médecin, cherche à comprendre comment fonctionne réellement le système, pour en tirer un diagnostic plausible. Dans cette perspective, Le Mage du Kremlin était, à travers le personnage de Vadim Baranov (inspiré du terrible Vladislav Sourkov, l’ex-conseiller de Poutine), une approche originale de la crise de civilisation en Europe, avec la Russie comme ligne de fuite.

Décryptage politique

On peut dire que dans L’Heure des prédateurs, son nouveau livre, Empoli propose un décryptage des événements politiques, à partir de ses propres observations. Nous ne sommes plus ici dans un roman, mais dans un récit, qui prend un peu la forme de Mémoires, dans l’esprit de ceux écrits au XVIIIe ou au XIXe par des diplomates lettrés. Empoli n’est, je pense, pas très à l’aise dans la fiction. C’est plutôt un essayiste, qui peaufine, de livre en livre, toujours les mêmes idées, certes, mais en leur conférant un sens de plus en plus précis. Ce récit est censé être rédigé par un Aztèque, sorte de Persan à la Montesquieu, mais, en fait, c’est Empoli lui-même qui parle à la première personne, et d’ailleurs il ne s’en cache pas.

Un constat très dur

Dès le début, Empoli indique son état d’esprit et ce qu’il recherche en écrivant cet essai : « saisir, dit-il, le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place. » Son constat est d’autant plus grave qu’Empoli partage d’habitude des orientations politiques très modérées. Il a l’âme d’un diplomate et admire Kissinger, auquel il consacre un chapitre. Il ne voudrait pas que le système en place explose. Ce n’est donc pas un révolutionnaire… Et pourtant, ses conclusions sont très dures, sans concession pour la vie politique dont il dit qu’elle est « une comédie des erreurs permanentes, dans laquelle des personnages, presque toujours inadaptés au rôle qu’ils occupent, tentent de s’en sortir, se dépêtrant de situations toujours inattendues, souvent absurdes, parfois ridicules ».

Le remplacement des élites

Au cœur de sa démonstration, un fait avéré : Empoli explique comment une nouvelle génération de « conquistadors de la tech » (je ne rappelle pas leurs noms, ils sont célébrissimes) a décidé de « se débarrasser des anciennes élites politiques ». Pour appuyer ses dires, il revient sur l’ouvrage de Malaparte, Technique du coup d’État (1931), qui insistait sur le côté désormais plus technique qu’idéologique des révolutions modernes, en prenant comme exemple la révolution d’Octobre. Cette dernière aura été, comme le résume Empoli : « une insurrection » proclamant la victoire « tout en laissant les mains libres au gouvernement ». Cette subtile analyse de Malaparte, reprise par Empoli, permet de mieux comprendre ce qui se passe à présent.

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Le recours aux classiques

Le livre de Giuliano da Empoli, et c’est ce qui en rend la lecture au fond si fascinante, cherche autant à décrire un panorama nouveau qu’à le contester radicalement. Au reste, il tire des conclusions à la portée de quiconque se tient informé, grâce à la presse ou aux livres, de la vie politique. Pour mieux convaincre, et c’est l’aspect de son livre qui m’a le plus intéressé, il fait référence à des auteurs classiques. La liste en est établie en fin de volume, avec la source des citations. Ainsi, lorsqu’il nous parle de MBS, c’est-à-dire Mohammed Ben Salman, prince héritier de l’Arabie saoudite, Empoli fait longuement référence à Machiavel, théoricien de l’usurpation violente. Il détecte ainsi dans MBS une « douceur infinie », mais qui « n’exclut pas l’humour noir d’un Borgia ». Allusion au chapitre 3 du Prince, intitulé « Des principautés mixtes », qu’Empoli conseille au lecteur français de lire dans la traduction ancienne (1851) de Jean-Vincent Périès.

Le vade-mecum de l’homme contemporain

Avec L’Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli a écrit un véritable vade-mecum pour l’homme contemporain qui ne reconnaît plus sa planète. C’est un court traité, très captivant, qui distille des maximes éprouvées, et qui est illustré par des anecdotes exemplaires. Un livre comme on en écrivait dans l’ancien temps, plein d’une certaine sagesse désabusée. Empoli a beaucoup écrit sur ces questions, et donc beaucoup réfléchi sur leur incidence globale. L’Heure des prédateurs me paraît être, de loin, son meilleur livre, et même le plus frappant, le plus fulgurant peut-être. Il ne se contente plus, comme dans les précédents, d’exposer seulement les grandes lignes, mais met en lumière le déroulé exact des faits. Empoli complète ainsi brillamment son essai de 2019 Les Ingénieurs du chaos, en y portant une dernière touche qui fait sens.

Giuliano da Empoli, L’Heure des prédateurs. Éd. Gallimard, 152 pages.

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Dandysme noir au Met Gala: le vrai dandysme est un mode d’être…

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Le musicien Pharrell Williams, New York, 5 mai 2025 © Victoria Jones/Shutterstock/SIPA

Le très chic bal costumé du Met Gala de New-York, qui cette année avait pour thème le dandysme noir, a profané la métaphysique du dandysme, déplore notre expert. Il nous précise ensuite qui sont selon lui parmi les personnalités du show-biz actuel les vrais dandys de notre époque.


L’idée du célèbre MET (Metropolitan Museum of Art) Gala de ce 5 mai était certes, au départ, excellente, parfaitement légitime, originale sur le plan esthétique et fondée sur le plan historique : mettre à l’honneur le dandysme noir, cette révolte par l’élégance que revendiquèrent les Afro-Américains lorsqu’ils vivaient, entre les XVIIIe et XIXe siècles, sous l’abominable joug de l’esclavage.

Mais, hélas, comme il arrive souvent au firmament des bonnes intentions, la mise en pratique n’est pas toujours à la hauteur des ambitions théoriques. C’est là ce qui s’est passé, au grand dam des vrais connaisseurs de l’authentique dandysme, lors de ce fameux gala organisé, à grand renfort de publicité et autres mondanités, de cette vénérable institution qu’est le MET new-yorkais.

Le mauvais goût en guise de parangon stylistique

Un sommet, à de rares exceptions près, de mauvais goût, où un luxe tapageur faisait malencontreusement là, de manière parfois vulgaire, d’office de prétendu parangon stylistique ! Le triomphe du bling-bling, assorti de narcissiques strass de pacotille, auprès duquel même le plus extravagant des bûchers des vanités ferait pâle figure. Autant dire que les nombreuses stars (de Rihanna, affublée là d’un très disgracieux nœud sur son séant, à Madonna, y prenant une pose faussement provocatrice en exhibant un ridicule cigare, en passant par Angèle, dont on se demande ce qu’elle faisait en cet aréopage) qui ont ainsi cru illuminer ce beau ciel étoilé du très stylé dandysme noir (dont l’ancien président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, est à l’inverse, par ses mises toujours impeccables, un des plus illustres représentants), cette soirée-là, n’auront trop souvent fait que le clinquant mais pathétique lit du plus kitsch, à la limite de la trivialité, des défilés bas de gamme !

Car, oui, la profonde et vraie philosophie du dandysme, qu’il soit noir ou blanc, sobre ou coloré, visuel ou discret, c’est bien, en matière d’élégance tout autant que de raffinement – de style, en un mot –, bien autre chose !

Il n’est d’ailleurs pas facile de définir le dandysme, du moins si, exigeant sur le plan philosophique, l’on veut échapper aux clichés, effets de mode ou jugements stéréotypés, et, par là même, à ces images de papier glacé, trop lisses pour en sonder la véritable profondeur, que donnent à voir la plupart de nos magazines. De ce point de vue-là, Marie-Christine Natta, qui, elle non plus, n’aime guère les visions éculées à ce sujet, a raison de dire, dans La Grandeur sans convictions. Essai sur le dandysme, qu’il s’avère pratiquement impossible, tant il se révèle aussi complexe que protéiforme, de circonscrire le dandysme de manière univoque. Elle y observe : « Qui est dandy ? (…) Les dandys toujours mouvants, toujours différents, narguent les académies et se dérobent à toutes les curiosités. La multiplicité de leurs individualités fait d’eux des êtres absolument atypiques. Et le masque du mystère voile le secret de leur nature. »

Philosophie du dandysme

Telle est précisément la raison – cette lacune à combler – pour laquelle j’ai naguère publié, entre autres livres sur ce thème, une Philosophe du dandysme, significativement sous-titrée Une esthétique de l’âme et du corps, ainsi qu’un Manifeste Dandy : essais où je m’employais à conférer à ce même dandysme une définition aussi claire et juste, par-delà sa concision, que possible : faire de sa vie une œuvre d’art, et de sa personne une œuvre d’art vivante !

Ce trait quintessentiel du dandysme, c’est le dandy le plus flamboyant de son temps, Oscar Wilde, qui l’a, au premier chef, inspiré. Et ce, à partir, quoique légèrement déplacé en la circonstance, de l’un des aphorismes les plus célèbres de ses subversives mais pénétrantes Formules et maximes à l’usage des jeunes gens : « Il faut soit être une œuvre d’art, soit porter une œuvre d’art. »

Ainsi s’exprime donc encore, à ce propos, Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray lorsque, y faisant parler là lord Henry Wotton, son alter ego littéraire, il énonce, tel un indéfectible principe, cette position existentielle, caractéristique du dandysme justement : « Il arrive qu’une personnalité complexe prenne la place et joue le rôle de l’art, qu’elle soit en vérité, à sa façon, une véritable œuvre d’art, car la Vie a ses chefs-d’œuvre raffinés, tout comme la poésie, ou la sculpture, ou la peinture. »

Conclusion, à en croire ces émérites théoriciens du vrai dandysme, le seul qui vaille, tant sur le plan philosophique qu’artistique et, a fortiori, esthétique ? Un mode d’être, bien plus qu’être à la mode ! Mieux : le dandy, personnage authentiquement libre, sinon foncièrement rebelle, voire transgressif, précède, invente et crée même, bien plus qu’il ne la suit, la mode !

Le dandy : arbitre des élégances

Que le dandysme fût donc un mode d’être, bien plus, inversant l’équation sémantique, qu’être à la mode, c’est là ce que postule également, à l’orée du dandysme originel, Barbey d’Aurevilly lorsqu’il brosse, dans ce qui peut être légitimement considéré comme la première théorie, historiquement, du dandysme, le portrait de Lord Brummell, que ses contemporains désignaient volontiers, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, sous l’évocateur et double qualificatif de « prince des dandys » et « arbitre des élégances ». De fait, commence par écrire, circonspect lui aussi quant à possibilité de définir de manière unilatérale l’essence du dandysme, Barbey dans Du Dandysme et de George Brummell (1845) : « Il fut le Dandysme même. Ceci est presque aussi difficile à décrire qu’à définir. Les esprits qui ne voient les choses que par leur plus petit côté, ont imaginé que le Dandysme était surtout l’art de la mise, une heureuse et audacieuse dictature en fait de toilette et d’élégance extérieure. Très certainement c’est cela aussi ; mais c’est bien davantage. Le Dandysme est toute une manière d’être, et l’on n’est pas que par le côté matériellement visible. C’est une manière d’être, entièrement composée de nuances (…) »

Baudelaire, près de vingt ans après, ne dit pas, fondamentalement, autre chose lorsque, prolongeant cette réflexion de Barbey, il déclare dans l’emblématique chapitre IX, intitulé Le Dandy, de son Peintre de la vie moderne (1863) : « Le dandysme est une institution vague, aussi bizarre que le duel, très ancienne (…) Le dandysme, qui est une institution en dehors des lois, a des lois rigoureuses auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets (…). Ces êtres n’ont pas d’autre état que de cultiver l’idée du beau dans leur personne, de satisfaire leurs passions, de sentir et de penser. »

De la distinction

Baudelaire, dans ce texte apparaissant comme le portrait le plus abouti de celui qu’il appelle le « parfait dandy », précise, tout en y peaufinant son tableau, mettant ici l’accent sur la notion de « distinction » (à entendre dans la double acception du terme : « élégance » et « différence » au sens de se « distinguer » du commun des mortels) : « Le dandysme n’est même pas, comme beaucoup de personnes peu réfléchies paraissent le croire, un goût immodéré de la toilette et de l’élégance matérielle. Ces choses ne sont pour le parfait dandy qu’un symbole de la supériorité aristocratique de son esprit. Aussi, à ses yeux, épris avant tout de distinction, la perfection de la toilette consiste-t-elle dans la simplicité absolue, qui est, en effet, la meilleure manière de se distinguer. »

Et, de fait, c’était déjà là ce que, trente ans auparavant, avait prôné un de ses plus illustres contemporains en matière de littérature : Balzac dans son brillant Traité de la vie élégante (1830),lorsqu’il y proclame que « l’effet le plus essentiel de l’élégance est de cacher les moyens » !

Une esthétique de l’âme et du corps

Ce mode d’être, où la pensée tout autant que l’existence, et la mise aussi bien que l’allure, se voient ainsi magnifiquement décrites, Baudelaire le développe encore, nanti là d’un identique panache stylistique au regard de cet emblématique dandy, dans ce même Peintre de la vie moderne : « C’est bien là cette légèreté d’allures, cette certitude de manières, cette simplicité dans l’air de domination, cette façon de porter un habit et de diriger un cheval, ces attitudes toujours calmes mais révélant la force (…) de ces êtres privilégiés en qui le joli et le redoutable se confondent si mystérieusement », y spécifie-t-il.

Mais, de tous les grands dandys historiques, c’est sans aucun doute Oscar Wilde, une fois de plus, qui a le mieux circonscrit ce mode d’être, dont il met en exergue, de façon admirable, la primauté, au détriment d’une trop superficielle mode à suivre, dénuée de tout esprit critique, voire de réelle exigence artistique, sans même parler de ses éventuelles carences en matière de canons esthétiques. Ainsi, insistant là sur l’un des traits psychologiques les plus saillants de son jeune et beau héros, écrit-il dans son Portrait de Dorian Gray : « Bien entendu, la mode, qui confère à ce qui est en réalité une fantaisie une valeur provisoirement universelle, et le dandysme qui, à sa façon, tente d’affirmer la modernité absolue de la beauté, le fascinaient. Sa façon de s’habiller et les styles particuliers qu’il affectait de temps à autre influaient fortement sur les jeunes élégants (…) ; ils copiaient tout ce qu’il faisait, et tentaient de reproduire le charme fortuit de ses gracieuses coquetteries de toilette (…). Il désirait pourtant, au plus profond de son cœur, être plus qu’un simple arbiter elegantiarum qu’on consulterait sur la manière de porter un bijou, de nouer sa cravate ou de manier une canne. Il cherchait à inventer un nouveau système de vie qui reposât sur une philosophie raisonnée et des principes bien organisés, et qui trouvât dans la spiritualisation des sens son plus haut accomplissement. »

Oui, c’est bien cela, en première instance, le vrai dandysme : une esthétique de l’âme et du corps, pour qui l’extériorité de la personne – son « paraître » – n’est, en cette phénoménologie, que la manifestation sensible, tangible ou visible, de son intériorité – son « être » – le plus secret, comme si ce secret confinait là au sacré. C’est dire si cette sorte de métaphysique du dandysme, fut misérablement profanée lors de cet ultime gala, le 5 mai dernier, du MET !

Le grand style du philosophe-artiste

Mieux : c’est, en dernière analyse, cette paradigmatique figure du philosophe-artiste telle que la dessine Nietzsche tout au long de son œuvre, et en particulier dans son célébrissime Ainsi parlait Zarathoustra (1890), qui se profile, à travers ce qu’il appelle ici le « grand style », en cet idéal dandy !

Conclusion ? Rien à voir donc, cette philosophie du dandysme telle qu’on la voit à l’œuvre tant chez Baudelaire ou Brummell que chez Wilde ou Barbey d’Aurevilly, pour ne s’en tenir qu’à cet historique carré d’as en matière de dandysme, avec cette grotesque farce que fut donc ce non moins grossier défilé (où le sympathique Omar Sy ne songeait manifestement là, à entendre son bref commentaire, qu’au supposé régal des mets à ingurgiter), ce 5 mai dernier, lors de ce parodique gala, tant par ses outrances vestimentaires que par sa superficialité intellectuelle, du pourtant très prestigieux MET de la Big Apple !

Figures du dandysme moderne et contemporain

Mais à Dieu ne plaise : tout le monde ne peut certes pas être, pour actualiser ici aussi, et la dépoussiérer ainsi quelque peu, cette magnifique figure, David Bowie, Andy Warhol, Bryan Ferry, Karl Lagerfeld, Yves Saint- Laurent, Mylène Farmer, Amy Winehouse, Sharon Stone, Alain Delon, Luchino Visconti, Serge Gainsbourg, Bashung ou Prince, qui, eux, morts ou vivants, solaires ou tragiques qu’ils soient, s’avèrent, en éternels esthètes, d’authentiques dandys, dans leur existence tout entière et pas seulement l’éphémère  temps d’un parterre mondain, au sein des XXe et XXIe siècles !

Manifeste dandy

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Un « Chevalier à la Rose » pour Annie Ernaux

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© Vincent Pontet

Lyrique : Strauss réécrit par la morale de 2025, à l’affiche du Théâtre des Champs-Élysées. La nouvelle mise en scène de Krzysztof Warlikowski transpose le Rosenkavalier dans un cadre idéologique très contemporain. Et si la distribution vocale séduit, la vision scénique agace.


La phraséologie woke contamine décidément le moindre discours. Même Krzysztof Warlikowski s’y met! Edifiant à cet égard, l’entretien que le metteur en scène polonais partage avec son dramaturge, Miron Hakenbeck, dans la brochure-programme qui accompagne cette nouvelle production très attendue de Der Rosenkavalier, de Richard Strauss, au Théâtre des Champs-Elysées, un des plus sublimes opéras du compositeur de Salomé, d’Elektra, d’Ariane à Naxos ou de La femme sans ombre…  

Ach mein Gott !

Dans ces pages analysant les intentions de Strauss et de son subtil librettiste Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) pour ce « marivaudage » millésimé 1911, mais délibérément ancré dans un XVIIIème siècle de fantaisie emprunté à Beaumarchais (Figaro), à Molière (Monsieur de Pourceaugnac) et à Mozart (Cosi fan tutte), on se surprend à lire ce genre de sentence : « peut-on dire ici qu’il s’agit d’un acte de harcèlement exercé par une femme ? Octavian [l’adolescent dûment épris de la Maréchale, femme presque mûre mais se sentant vieillir] a dix-sept ans et deux mois. Pour ma part, je suis quand même choqué de voir ce jeune homme [incarné dans l’opéra par un rôle travesti, c’est à dire chanté par une mezzo-soprano] avoir une telle relation sexuée aux femmes. Mais qui a séduit qui ? S’agit-il d’un acte d’apprentissage de la part de la Maréchale ? Est-elle coutumière de ce genre de relations ? De mon point de vue, cela frôle presque la pédophilie [sic !] ». Et, légitimant par avance la pudibonderie qu’il prête sans autre examen au public de 2025, Warlikoswski de s’effaroucher : « Comment réagit le public d’aujourd’hui, qui assiste à la représentation et réalise que son propre fils de dix-sept ans se trouve peut-être au même moment dans le lit d’une femme plus âgée que lui [Mein Gott !!] » Ailleurs, à l’étrange remarque de son interlocuteur à propos du personnage de vieux baron libidinal, Ochs (« bœuf » ou « lourdaud » en Allemand) : « difficile de ne pas penser au procès d’Harvey Weinstein et à toute la dynamique avec laquelle le mouvement #Metoo a ouvert nos yeux » [ah bon ?], le metteur en scène répond : « le harcèlement sexuel était-il déjà une problématique dénoncée comme telle à l’époque ? […] Là encore on peut s’interroger sur les intentions d’Hofmannsthal, mais je pense que notre vision contemporaine nous impose inévitablement un autre regard sur le sujet ». De même, repérant les arrière-plans supposément racistes dont la farce est émaillée, Warlikowski fait mine d’adhérer par avance à la tartufferie ambiante : « Autrefois, le public aurait ri si Ochs avait fait un croche-pied au petit Mohammed [le larbin noir] pour le faire trébucher. Tout nous porte à croire que la réaction serait tout autre aujourd’hui ». Le problème est bien là, dans cette obsession de reconsidérer les œuvres au prisme de ce qu’on a décidé de nommer « nos critères » –  sans nous consulter, bien sûr. Ce qui revient à ratifier la doxa la plus obtuse comme préalable à l’expression artistique contemporaine. Assumant cette pente, la même brochure-programme ne se fait pas faute d’enchâsser sur double page, en caractères gras, un extrait du roman Le Jeune homme, de l’inévitable Annie Ernaux…  

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Ainsi donc, au lieu d’investir (comme l’avait fait naguère avec tant de malice corrosive le génial Robert Carsen) la décadence viennoise au couchant de l’Empire austro-hongrois, soit précisément dans l’époque même où le chef d’œuvre de Strauss fut composé (cf. le Blu-ray Decca de la production Carsen pour le Met, avec Elina Garanca dans le rôle-titre, et Renée Fleming, inoubliable dans celui la Maréchale), la présente mise en scène « iconoclaste » choisit de transposer l’action dans un XXème siècle pop, allusif, sciemment indéfini, dont les mises en abyme superposées, inutilement compliquées, se ressentent pesamment de cette grille de lecture. Par un rapprochement de dates quelque peu arbitraire, le metteur en scène associe le Théâtre des Champs-Élysées — ce joyau architectural achevé en 1913 et premier chef-d’œuvre d’Auguste Perret — à la création de l’opéra, survenue deux ans plus tôt à Dresde. Ce lien lui permet de justifier un choix scénographique original. En guise de décor, il reproduit la petite salle attenante du Studio des Champs-Élysées, conçue par Louis Jouvet. Il y associe, pourquoi pas, une évocation de la célèbre « maison de verre » de Pierre Chareau (1928-1931), située rue Saint-Guillaume. Cette commande du gynécologue Jean Dalsace — profession au sous-texte peut-être suggestif — est reconnaissable à sa façade en pavés de verre tramés, immédiatement identifiable pour tout amateur d’architecture.

Décor trop pailleté

Comme pour difracter l’illusion à l’infini, d’un bout à l’autre des trois actes la scénographie emboîtera les espaces gigognes dans une orgie de mises en miroir : s’y agrègent projections de films muets noir et blanc ou colorisés, captations vidéos, selfies, retournement de la perspective avec ce théâtre dans le théâtre incrusté dans le plateau, pour faire des protagonistes eux-mêmes les figurants d’un spectacle, la scène se refermant soudain d’un immense rideau lustré de couleur vert gazon…  Les costumes eux-mêmes, bariolés à outrance, mascarade trash à la puissance deux, participent de cette surenchère trop lisiblement intentionnelle. Si la veine burlesque, parodique, de cette « comédie en musique op 59 » s’en trouve soulignée, l’opéra y perd un peu de la dimension lyrique qui culmine dans les épanchements du sublime trio final.

LE CHEVALIER A LA ROSE – DER ROSENKAVALIER – Compositeur : Richard STRAUSS – Livret : Hugo von HOFMANNSTHAL –
Direction musicale : Henrik NANASI –
Mise en scene : Krysztof WARLIKOWSKI –
Le 19 05 2025 Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET

Non, « Bichette », comme « Quinquin » appelle tendrement sa Marie-Thérèse, n’est pas une cougar qui harcèle un mineur ; c’est bien au contraire l’éphèbe Octavian, qui exprime tout haut, dès l’amorce du 1er acte, « la langueur et la passion, le désir fou et la flamme : quand maintenant ma main trouve la tienne, ce désir que j’ai de toi, de te serrer contre moi, c’est moi, moi qui ai envie de toi »…  Libido insatiable, incoercible, qui se portera bientôt sur Sophie (virginale et pure jeune fille que son géniteur, Monsieur de Faminal, prétendait marier au grossier Baron Ochs von Lerchenau). L’amour de la pensive Maréchale (« je sens jusqu’au fond de mon cœur que l’on ne doit rien garder, que l’on ne peut rien saisir, que tout nous coule entre les doigts, que tout ce que nous cherchons à prendre se dissout, que tout s’évanouit comme une vapeur ou un rêve – alles zergeht wie Dunst und Traum… » in fine se sacrifiant sur l’autel de la jeunesse, passage de flambeau bouleversant où l’ombrelle bienveillante de la noble dame abrite l’union d’Octavian à Sophie. La vibrante émotion propre à ce dénouement, emprise dans la texture orchestrale d’un des plus extraordinaires morceaux du répertoire straussien (avec le final de Capriccio, peut-être, et celui d’Ariane à Naxos), passerait mieux la rampe sur un fond moins pailleté.        

Votre serviteur avait salué avec ferveur le travail décapant du même Warlikowski sur Don Carlos à l’Opéra-Bastille, en mars. Souscrire aux prescriptions de la doxa pour faire du Chevalier à la rose une simple illustration des préoccupations du jour en matière de consentement, de « violence sexuelle et sexiste », de racisme, etc. ne rend aucun service à ce chef d’œuvre, et relève de l’anachronisme. Une partie du public de s’y est pas trompée, d’ailleurs, les huées très manifestement destinées à la mise en scène couvrant les applaudissements réservés à fort juste titre à la direction d’orchestre et aux chanteurs.

Lesbianisme hors sujet

La jeune mezzo irlandaise Niamh O’ Sullivan (qui remplace Marina Viotti initialement prévue pour le rôle-titre) campe Octavian avec un vibrato puissant, d’une belle fraîcheur, qui ne compense pas complètement l’agacement qu’on peut trouver à tirer cet emploi travesti – et non trans ! –  vers un lesbianisme hors sujet, en vertu de l’ambiguïté « genrée » dont on a cru bon de la vêtir. La Maréchale, sous les traits de la soprano française Véronique Gens, dans un vibrato plus large, excelle dans les aigus comme dans le legato exigé des volutes mélodiques où éclate l’expression lyrique, reconnaissable entre toutes, propre à Richard Strauss. La soprano mozartienne Regula Mühlemann campe Sophie avec une délicatesse cristalline, tandis que le théâtral et fort comique Peter Rose incarne une nouvelle fois le Baron Osch de sa somptueuse voix de basse, et que le baryton Jean-Sébastien Bou, scéniquement plus réservé, nous fait un Farinal de haute tenue sur le plan vocal. Aucun des seconds rôles ne dépare ce cast, en particulier le ténor italien Francesco Demuro, irrésistible dans son morceau de bravoure parodique… Dans la fosse, sous la baquette du chef hongrois Henrik Nanasi, l’Orchestre National de France (associé à l’excellente Maîtrise des Hauts-de-Seine) restitue toutes les nuances, tous les contrastes de cette partition ductile, tour à tour suave, truculente, tourbillonnante de valses, rutilante et parodique, allègre et mélancolique, dans une opulence, une netteté d’articulation, une sensualité irréprochables.


Le chevalier à la rose, opéra de Richard Strauss. Avec Véronique Gens, Peter Rose, Niamh O’Sullivan, Regula Mühlemann, Jean-Sébastien Bou, Eléonore Pancrazi, Kresimir Spicer, Francesco Demuro… Direction : Henrik Nanasi. Mise en scène: Krysztof Warlikowski. Orchestre National de France. Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine.

Durée : 3h30

Théâtre des Champs-Elysées, les 24, 27 mai, 2 et 5 juin à 19h.  

L’écrin secret de verdure du Roi Charles III: entre racines royales et fils d’or

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© ANWAR HUSSEIN COLLECT/SIPA

Accessibles depuis Londres en 2h30 de voiture ou 1h20 de train, les jardins de Highgrove — refuge de verdure du roi Charles III à l’ouest de la capitale — ouvrent leurs portes pour £39,90. Notre contributeur nous raconte sa visite.


Highgrove, résidence de Charles III, est bien plus qu’une demeure royale : c’est un sanctuaire où chaque saison fait naître de nouvelles promesses, telles des fragrances évanescentes s’épanouissant et se dissolvant au fil du temps. C’est un lieu de convalescence et de résilience où le roi retrouve la paix intérieure. Après un séjour à l’hôpital, conséquence des effets secondaires de son traitement contre le cancer, il a été aperçu regagnant les allées de ce havre de paix, niché au cœur du Gloucestershire, dans le duché de Cornouailles (appelé Home Farm), à deux cents kilomètres à l’ouest de Londres.

À travers les haies sculptées, les massifs de roses anciennes et les senteurs d’azalées en fleurs, le roi semble trouver refuge dans une nature qui, tout comme lui, a su s’épanouir malgré l’adversité.

Highgrove Gardens. Le lieu du repos du Roi Charles III (c) Copyright Highgrove 

Une toile vivante, brodée de nature

Lorsque le prince de Galles acquiert Highgrove en 1980, il ne découvre pas un jardin de rêve, mais une terre en friche, à l’abandon, telle une toile vierge attendant son artiste. Pourtant, dans cette terre battue, Charles entrevoit un autre avenir : un jardin, tel un champ de lavandes, exhalant la promesse d’une harmonie retrouvée, entre l’homme et la nature. La demeure elle-même, construite entre 1796 et 1798 par John Paul Paul, et attribuée à l’architecte Anthony Keck, porte en ses murs l’élégance discrète de l’Angleterre géorgienne. Elle est restée aux mains des héritiers Paul jusqu’en 1860, avant de connaître plusieurs vies jusqu’à son rachat par le prince. Un passé qui s’inscrit désormais dans une œuvre plus vaste, où chaque allée tracée par Charles semble dialoguer avec l’histoire du lieu.

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Il compose ses massifs comme un aquarelliste, mêlant senteurs, volumes et lumières. Dans chaque coin du jardin, chaque branche et chaque fleur évoque la vision d’un monde plus respectueux, plus poétique, où les gestes de jardinier deviennent des métaphores d’un engagement écologique profond.

La mémoire vivante d’un Jardin

À travers les yeux de Deborah Herbert, guide des jardins, les visiteurs découvrent Highgrove comme un véritable sanctuaire où chaque pétale, chaque souffle du vent, semble murmurer l’histoire d’un roi profondément connecté à la nature…

La guide partage avec passion l’attachement du roi aux moindres détails de son jardin, de la rose au buisson de thym. Elle raconte comment, parmi les azalées et les pensées, le prince devenu roi a imaginé un lieu où la biodiversité et l’agriculture durable peuvent coexister. Ses histoires nous rappellent que chaque plante ici n’est pas simplement une essence vivante, mais un symbole du monde qu’il veut construire.

Symboles en fleurs, secrets en terre

Les jardins de Highgrove sont plus qu’un simple havre de beauté ; ils sont des témoins de symboles profonds, ancrés dans la nature. Au détour de la Promenade des azalées, où le parfum des fleurs se mêle à la brise légère, les bustes en bronze de personnalités admirées par le roi se dressent comme des sentinelles silencieuses.

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Chaque statue, entourée de fleurs colorées, révèle une facette de l’histoire et des valeurs du roi : la beauté de l’art, la force de l’intellect, et l’importance de la famille.

Highgrove n’est pas simplement un jardin, mais un chef-d’œuvre vivant où Charles III cherche donc à réconcilier art et nature, démontrant que l’agriculture et la beauté peuvent coexister, comme un tableau vivant dont chaque essai fait partie d’une œuvre collective pour la planète. Les parcelles de légumes bio et les haies taillées aux formes douces et naturelles témoignent de cette philosophie.

La paix retrouvée entre les fleurs

Highgrove est aussi, et peut-être avant tout, un refuge. Pour Charles III, ce jardin est un espace où chaque haie, chaque allée de pivoines et chaque rose trémière lui offre une échappatoire, un lieu où il peut se ressourcer, trouver l’équilibre et la sérénité, loin du tumulte du monde. À l’ombre du labyrinthe, une pierre discrète marque la tombe de Tiger, son fidèle Jack Russell. Cette tombe simple mais émouvante contraste avec la majesté de l’allée d’ifs taillés, où une statue de Diane chasseresse se dresse en hommage discret mais poignant à Lady Diana, son ancienne épouse disparue en 1997.

Et parce que ce jardin est aussi un lieu de transmission, on y trouve désormais deux jeunes arbres plantés en 2015 par Charles lui-même, accompagné de son petit-fils, le prince George. Ce geste tendre et symbolique inscrit la main de l’enfant dans la continuité d’un héritage vivant, enraciné dans la terre autant que dans l’histoire familiale.

Le sanctuaire secret d’un Roi

Au détour d’une allée bordée d’eucalyptus, un petit temple discret se dévoile : le Sanctuary.

Inspiré des clochers tibétains et de la spiritualité orientale, ce pavillon de méditation, dressé dans l’axe du manoir, évoque le besoin d’introspection d’un roi en quête d’équilibre. À l’intérieur, une bougie brûle en silence, quelques livres Penguin d’occasion sont posés sur un banc de bois, tandis que des toiles d’araignées filent le silence, comme un fil d’encre entre temps et mémoire. Charles III, amateur d’harmonie dans toutes ses formes, y trouve un refuge intérieur, loin du protocole, où la pensée respire aussi librement que la nature qui l’entoure… L’inspiration des jardins de Villandry — leurs terrasses superposées, leurs buis taillés en quinconce — se devine ici comme un hommage à l’ordre classique que le roi fait dialoguer avec la paix du silence.

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Un roi ancré dans la Terre

Charles III entend ne pas être un roi lointain : il est un jardinier. Ses mains sont souvent rougies par le travail de la terre. Chaque week-end, il s’agenouille parmi les plantes, retourne le sol, taille, observe. La Promenade du thym, bordée de topiaires en forme de couronne, en est le symbole le plus vivant. Il y a planté seul soixante-dix variétés d’aromates. « J’ai beaucoup de conseillers, mais dans ce jardin, je n’en fais qu’à ma tête », dit-il avec humour. Et parfois, la passion devient affaire de transmission. En 2015, le prince George, alors tout jeune, a aidé son grand-père à planter deux arbres dans le parc de Highgrove. Une petite plaque discrète en témoigne : “This was planted by His Majesty and Prince George, eldest son of the Prince and Princess of Wales, in 2015.” Un moment suspendu, où l’héritage se transmet non par les mots, mais par les gestes partagés, les mains dans la terre, les racines en commun.

Même l’eau de bain du roi, raconte-t-il un jour en riant, est recyclée pour arroser les fleurs. À Highgrove, rien ne se perd — tout s’inscrit dans un cycle, une attention, une fidélité.

Le cèdre du Liban : racines anciennes et héritage vivant

Là où se dressait jadis un cèdre du Liban bicentenaire, fierté du domaine et “contrepoint organique” à l’architecture géorgienne, s’élève désormais un pavillon de chêne, hommage discret à l’arbre disparu. Un chêne né spontanément à cet endroit y pousse librement, traversant le toit aménagé pour lui, comme une promesse que la nature poursuit toujours son œuvre.

Dans ce théâtre de transmission, les gestes s’entrelacent comme les branches. Chanel y a implanté son académie de broderie d’art, confiant aux mains de jeunes talents le fil de savoir-faire séculaires. Sous la houlette des ateliers Lesage, Montex et Lemarié, ils brodent à leur tour la mémoire du lieu, tout comme le roi façonne son jardin. Ainsi, entre l’arbre tombé et l’arbre qui s’élève, entre la soie et la sève, Highgrove continue de se tisser — refuge vivant d’une royauté enracinée dans le temps, la nature et l’art.


Plus d’informations (en anglais): https://www.highgrovegardens.com/pages/highgrove-garden-tours

« De la merde dans un bas de soie » ? Vraiment ?

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Sacha Guitry en Talleyrand / "Le Diable boiteux", film de 1948 © DR

L’historien Charles-Eloi Vial donne la mesure exacte du « Diable Boiteux » dans la biographie Talleyrand, la puissance de l’équilibre


« Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique », raillait l’Enchanteur. Bien plus fameuse, cette autre saillie du même Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre–tombe, vouant à une commune malédiction le « Diable boiteux » et le sinistre duc d’Otrante : « Tout à coup une porte s’ouvre ; entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment ».   

Légende noire et curieux miroir

La carrière vertigineuse du prince de Bénévent s’étend du crépuscule de l’Ancien Régime au règne de Louis-Philippe : « le génial diplomate […] servit neuf régimes et prêta treize serments ». Au mythique Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838), Charles-Eloi Vial, archiviste paléographie conservateur au département des Manuscrits de la BNF, auteur, comme l’on sait, d’ouvrages sensationnels sur le Premier et le Second Empire – cf., tout récemment, Les lieux de Napoléon – consacre avec la plume limpide qu’on lui connaît, dans les pas du magistral Talleyrand, le prince immobile, par son confrère Emmanuel de Waresquiel (Tallandier, 2003), une nouvelle biographie éclairante – synthèse adroite en ce que, tout uniment, elle peint l’homme et son idiosyncrasie, approfondit les raisons de sa légende noire et enfin, replace les sinuosités de son parcours dans le contexte géopolitique du temps.

© D.R.

Edité avec le plus grand soin par la maison Perrin dans sa collection « Bibliothèque des illustres », superbement illustré en reproductions « pleine page » de gravures, de tableaux, de dessins d’extraits de livres ou de manuscrits issus de la BNF, des grands musées ou du fond d’Archives diplomatiques, le livre, en cette année 2025 où tractations secrètes, renversements d’alliance inédits, nouvelles menaces de conflits secouent la scène internationale, offre un curieux miroir à l’actualité contemporaine : « sa carrière [rappelle] qu’un monde meilleur, malgré toutes les bonnes intentions possibles, ne se construit pas avec des bons sentiments, même si son héritage a aujourd’hui atteint ses limites, dans un siècle où », observe Charles-Eloi Vial, « la négociation entre hommes de bonne volonté semble prête à disparaître face aux nouveaux impérialismes ou à la barbarie… et où les diplomates de métier eux-mêmes semblent en voie d’extinction, le dur métier de négocier s’effaçant devant les incantations médiatiques et le règne de l’immédiateté ».

De fait, la qualité première de Talleyrand, peut-être, fut de savoir toujours prendre son temps. Né dans un monde finissant, abbé incroyant et sans la moindre vocation, fasciné de bonne heure par l’argent, joueur invétéré, pétri « d’une dévorante ambition sous le masque d’un grand seigneur indolent et libertin », Talleyrand, « tout en se tenant prudemment à l’écart du tumulte »[…] « fut aux premières loges pour assister à la chute de l’absolutisme ». Evêque-député en 1790, opportunément démissionnaire au bon moment, prisant déjà fort les pots-de-vin (alors nommés « douceurs diplomatiques » par un délicieux euphémisme), il est missionné à Londres avant de s’embarquer pour Philadelphie. Visionnaire ? Il écrit : « L’Amérique s’accroit chaque jour. Elle deviendra un pouvoir colossal. […] Le jour où l’Amérique posera son pied en Europe, la paix et la sécurité en seront bannies pour longtemps ». Radié de la liste des émigrés par la Convention, le futur ministre intrigue avec le jeune Bonaparte, auquel il se ralliera sans hésiter : « le Premier consul [lui] rendit immédiatement son portefeuille, qu’il conserva durant sept ans. Il s’agit à n’en pas douter des plus belles années de sa carrière, même s’il était loin d’avoir atteint l’apogée de sa puissance », commente l’auteur. « Leur complémentarité initiale devait progressivement dégénérer en division, avant la rupture finale ». Le biographe décrit un diplomate, quoique « le plus souvent » […] maintenu « à l’écart de la prise de décision », préconisant « de signer des traités mûrement réfléchis tandis que son maître préférait les arracher aux vaincus sur des champs de bataille encore fumants ». Prudent et « d’une étonnante souplesse », le résident de l’hôtel de Gallifet (alors siège du Ministère) est décrit en « administrateur avisé » et sachant déléguer – tout l’inverse de Napoléon. Par ruse, le ci-devant évêque d’Autun accède à l’état laïc, ce qui lui permet de convoler : mariage malheureux avec Catherine Grand. « Je suis d’Inde », faisait-on dire à la ravissante idiote, dont il se séparera en 1816. En attendant, dès 1803, Talleyrand fait l’acquisition du château de Valençay et de son immense domaine. Devenu « grand chambellan » sous l’Empire, l’homme « a sans doute mis de longues années avant de se soustraire à la fascination que l’empereur exerçait sur lui ». « Diplomate ligoté par le guerrier forcené, […] celui qui obtint le 5 juin 1806 le titre de prince de Bénévent […] n’était pas seulement l’homme du compromis, il demeurait aussi celui des bonnes manières, dont son maître était absolument dépourvu, de l’esprit et de la conversation, qualités essentielles pour un diplomate et traditionnellement associées à la haute aristocratie » observe cruellement Charles-Eloi Vial, qui poursuit : « le ministre rêvait d’une France prépondérante au sein d’une Europe pacifiée, le maître souhaitait arriver à une domination hégémonique par la force ». Abasourdi, « malgré son flegme », par les audaces fulgurantes de l’Empereur, « le sphinx se décida définitivement à tourner casaque » en 1807, au moment du traité de Tilsit. « Tenez, Monsieur, vous n’êtes que de la merde dans un bas de soie » – l’injure du maître des Tuileries à son ministre est passé à la postérité. Disgracié, presque rendu à la vie privée, le Diable boiteux « jette le masque » tout en menant grand train, entamant « une nouvelle carrière de traître et d’agent double », vendant ses conseils au prix fort à l’empereur d’Autriche puis au tsar, « anticipant surtout sur l’inévitable chute ». Son précepte lui inspirera cet impérissable mot d’esprit : « la trahison est une question de date ».

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Le redoutable Bénévent, « faisant preuve d’une extraordinaire habileté, usa de ses prérogatives de vice-grand-électeur de l’Empire pour […] mettre en place un gouvernement provisoire dont il prit la tête ». Carême, son cuisinier, dont circule dans tout Paris la renommée de ses pièces montées, gave somptueusement chaque soir à sa table le vainqueur de « L’Ogre ». Et si Talleyrand doit faire antichambre deux heures avant d’être reçu par Louis XVIII retour d’exil, son expérience le rend vite indispensable au monarque indolent – voir la pique fameuse du Diable boiteux : « le roi est resté trois heures en son conseil. Que s’est-il passé ? Trois heures ».

Un noceur

Au Congrès de Vienne, le diplomate aguerri est plus que jamais à la manœuvre. Savoureuse autant que percutante est, sous la plume de Vial, la chronique de ces négociations « au fil du rasoir ». Dans son hôtel nouvellement acquis de la rue Saint-Florentin « où les curieux de l’Europe se bousculaient » […] « le premier président du Conseil de l’histoire de France se comporta en véritable souverain », se levant à onze heures mais travaillant la nuit. « Congédié par le roi qui avait pris ombrage de son prestige », redevenu grand chambellan à tire honorifique, aigri quoique vivant toujours sur un grand pied, il « continua à fronder » tout en se déplaçant entre Paris et ses terres de Valençay. Au roi Charles X, le frère « ultra » de feu Louis XVIII, il voue une forte antipathie. Inépuisable dans son rôle « de mentor, de conseiller de l’ombre et surtout de Cassandre », occupé à dicter ses Mémoires, Talleyrand se montrera donc assez indifférent à « la chute de la branche aînée des Bourbons », finissant même par accepter, sous les auspices du roi-citoyen Louis-Philippe, la prestigieuse ambassade de Londres.

On s’étonnait « de voir ce grand vieillard courir chaque soir les réceptions, jouer d’énormes sommes au whist jusqu’au milieu de la nuit, passer encore deux heures à lire avant de se coucher sur le coup de quatre heures pour se lever à midi seulement, puis dicter sa correspondance du jour à son secrétaire Colmache tout en se faisant friser face un petit auditoire de curieux venus le voir bander et emboîter son pied bot dans un soulier bardé de fer, avant de partir assister à de longues réunions au Foreign Office qui l’occupaient jusqu’au soir ». Ce vif croquis tracé par Charles-Eloi Vial méritait d’être cité en entier : tout le sel de sa biographie tient en ceci qu’elle conjugue la relation précise des événements, la subtilité du regard critique, et l’évocation haute en couleur du personnage.

Oracle nonchalant, Talleyrand continuait de fasciner ses contemporains. Sa légende a depuis, comme l’on sait, inspiré la meilleure littérature (de l’Enchanteur à Honoré de Balzac), puis le cinéma (Sacha Guitry)… Mécréant cynique, cupide, prêt à toutes les allégeances et à toutes les traîtrises, ou modèle indépassable du grand diplomate ? Au-delà de sa morale personnelle, « son leg le plus important réside plutôt », aux yeux de son biographe, « dans sa façon d’envisager les relations internationales, comme un art reposant sur la connaissance de l’autre, la compréhension des processus politiques, économiques et sociaux à l’œuvre dans les pays étrangers ; mais aussi comme un travail [à la] recherche de la solution la plus appropriée via une négociation toujours menée la tête froide ».

D’aucuns, dans les sphères du pouvoir par les temps qui courent, seraient avisés d’en prendre de la graine, qui sait…         


A lire : Talleyrand. La puissance de l’équilibre, par Charles-Eloi Vial. Perrin/ Bibliothèque Nationale de France, 2025. 256 pages

Talleyrand: La puissance de l'équilibre

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Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

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L'acteur Pierre Niney à Cannes, 18 mai 2025. Dans la miniature, le journaliste Ali Baddou © SYSPEO/SIPA

Face à la féministe de gauche Laure Murat, le journaliste Ali Baddou, tout en douceur, affirme que l’administration Trump a bel et bien pratiqué cette fameuse cancel culture que le président orange reprochait – à tort – aux progressistes. Pendant ce temps, à Cannes, Laurent Lafitte, Robert De Niro et Pierre Niney rivalisent de vertu, rêvant d’être plus irréprochables encore que Juliette Binoche.


Samedi 10 mai. France Inter. 7 h 50. Ali Baddou reçoit l’historienne Laure Murat, professeure à l’université de Californie à Los Angeles. « Le débat fait rage aux États-Unis entre ceux qui dénonçaient “le wokisme”, une “cancel culture” supposée (sic) de la part de mouvements progressistes, et la “cancel culture” bien réelle qu’est en train de mettre en place l’administration Trump », déclare Ali Baddou qui a oublié, semble-t-il, les nombreuses campagnes wokes des « mouvements progressistes » ayant eu pour but d’effacer des personnes, des disciplines ou des œuvres jugées non selon leur valeur esthétique ou intellectuelle mais selon les critères moraux et idéologiques du wokisme sous toutes ses formes, de la théorie du genre au néo-féminisme, de l’antiracisme racialiste aux thèses décolonialistes, en particulier dans les universités américaines. Les exemples abondent. Rafraîchissons la mémoire de M. Baddou.

2000 ans d’histoire réactionnaire

« J’espère que la matière va mourir, et le plus tôt possible ». Ainsi parlait, en 2021, Dan-el Padilla Peralta, professeur de lettres classiques et d’histoire romaine à Princeton, en accusant la matière qu’il enseigne de perpétuer une « culture blanche ». Le New York Times souligna avec enthousiasme les propos du professeur. De son côté, Donna Zuckerberg, spécialiste de la Rome antique, dénigrait une « discipline qui a été historiquement impliquée dans le racisme et le colonialisme et qui continue d’être liée à la suprématie blanche et à sa misogynie ». Elle appelait à « tout détruire par les flammes ». À la suite de multiples déclarations d’universitaires considérant que la culture gréco-romaine avait été la complice d’un « génocide culturel », l’université de Princeton décida de ne plus rendre obligatoire l’apprentissage du grec et du latin pour les étudiants désirant poursuivre des études de lettres classiques. S’il avait écouté France Culture[1] à l’époque, M. Baddou aurait constaté que ce délire woke avait déjà atteint la France : « On vous ment depuis 2000 ans : non, les statues grecques n’étaient pas blanches, mais de toutes les couleurs. L’Histoire nous la caché pour promouvoir le blanc comme idéal d’un Occident fantasmé, contre les couleurs symboles d’altérité et de métissage ». Sur la radio publique, l’historien de l’art Philippe Jockey défendait ainsi l’idée que la blancheur des statues grecques reflétait en réalité l’expression d’un racisme systémique occidental. Selon lui, la polychromie originelle de ces statues avait été intentionnellement effacée des mémoires par les Blancs pour valoriser leur couleur de peau. De là à parler d’une “créolisation” statuaire présente depuis la plus haute Antiquité mais volontairement ignorée par des Occidentaux racistes, il n’y avait que la moitié d’un pas qui fut rapidement franchi : « C’est le résultat de 2000 ans d’une histoire réactionnaire, qui place le blanc au cœur de ses valeurs et rejette l’impur, le bigarré, le métissage des couleurs. » MM. Mélenchon et Boucheron applaudirent de concert.

Sous l’ère Biden, des professeurs de littérature américains créèrent le hashtag #DisruptTexts afin de traquer les œuvres classiques « problématiques », en particulier les tragédies shakespeariennes supposément racistes et misogynes, et de « développer des pratiques d’enseignement antiracistes ». Bien qu’elle s’en défende, l’invitée d’Ali Baddou, Laure Murat, baigne dans le wokisme, ce wokisme qui est « en grande partie un fantasme », selon elle. En affirmant enseigner « la littérature française du XIXe siècle, qui est antisémite, homophobe et misogyne », elle démontre que, loin de parler de littérature, elle impose à ses étudiants une grille de lecture idéologique et anachronique correspondant aux critères wokes. Malgré elle, et sans être un seul instant contredite par Ali Baddou, Laure Murat enfonce le clou et montre qu’elle est imbibée d’idéologie woke lorsqu’elle parle des safe spaces dans les universités américaines,en particulier ceux prévus pour « protéger » les étudiants noirs : « Il y a des efforts qui sont faits pour avoir ce qu’on appelle un environnement “safe”, c’est-à-dire protégé des insultes, des micro-agressions, ce qui demande un effort de tout le monde pour être respectueux. Ça ne me paraît pas être quelque chose de tellement extraordinaire, de tellement scandaleux ! » Éric Fassin et Rokhaya Diallo disent exactement la même chose quand il s’agit de justifier des réunions non-mixtessans Blancssur le racisme. Le racialisme – c’est-à-dire le racisme remis au goût du jour via une racialisation des rapports sociaux – est un autre versant du wokisme.

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Guerres culturelles

L’administration Trump a décidé de faire le ménage et de ne plus subventionner les chaires  universitaires rongées par les thèses gravitant autour de la théorie du genre et du racialisme. La majorité des « chercheurs » américains que l’université française dit vouloir accueillir sont issus de ces disciplines gangrénées par le wokisme. Présenté par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen à la Sorbonne, le projet Choose Europe for Science, destiné à accueillir des activistes américains déguisés en chercheurs, se voit doté d’un budget de 600 millions d’euros. Cette somme abondera les budgets d’Horizon Europe et de France 2030, nous apprend l’eurodéputée Catherine Griset (RN) dans une tribune parue sur le site du média Frontières : « Horizon Europe finance généreusement des projets de recherche purement militants : 2,5 millions pour “décoloniser la charia” ; 1,4 million pour analyser “l’oligarchie blanche dans les paradis fiscaux” ; 3 millions pour “débunker les arguments de genre d’extrême-droite” ; 257 000 euros pour l’historiographie LGBT de l’Antiquité. Etc. » Ces projets délirants sont financés avec l’argent des contribuables. Il faut noter que le même organisme public finance, à hauteur de 2,6 millions d’euros, des travaux, appelons ça comme ça, sur « les inégalités de genre dans la transition écologique ». L’écologisme et le wokisme sont les deux grandes maladies totalitaires de cette époque. 

Rappelons à M. Baddou quelques faits significatifs révélant un autre aspect de la cancel culture progressiste. Le monde littéraire n’a pas échappé au fanatisme woke. Les Dix petits nègres d’Agatha Christie, par exemple, ont été entièrement réécrits afin d’effacer ce que les Américains appellent le n-word (nigger). Les aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain et Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee, deux livres pourtant foncièrement antiracistes, ont été carrément retirés des rayons de bibliothèques scolaires pour la même raison.

Le roman dystopique American Heart, de Laura Moriarty, avait tout pour plaire. Il raconte en effet la vie d’une Américaine qui va aider une jeune musulmane à s’évader d’un des camps d’internement érigés sur tout le territoire par un gouvernement fasciste (autant dire trumpiste). Beau sujet politiquement correct. Mais, pour certains, il y a un problème : Laura Moriarty a écrit son livre d’un « point de vue blanc » en s’appropriant l’histoire d’une femme musulmane alors qu’elle n’est pas musulmane elle-même – des critiques lui reprocheront sèchement cette « appropriation culturelle » et la Kirkus Review, qui avait d’abord encensé le livre, s’auto-cancellera en effaçant son article. 

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Jeanine Cummins, l’auteur du best-seller American Dirt, sera la cible de reproches similaires: n’étant pas latina, elle n’avait pas le droit de narrer les aventures d’une libraire mexicaine fuyant les cartels de la drogue, selon des militants antiracistes. Le plus drôle est que Jeanine Cummins a cru pouvoir s’en tirer en affirmant qu’une de ses grands-mères était Portoricaine. Insuffisant, aux yeux des idéologues qui immolèrent son livre et celui de Laura Moriarty sur l’autel de l’inquisition woke. 

Après une campagne délirante d’insultes et de menaces, les ouvrages de J.K. Rowling ont été brûlés sur des campus américains au motif que leur auteur serait transphobe. J. K. Rowling avait osé se moquer de l’expression trans « personnes qui ont leurs règles » en rappelant simplement la réalité biologique : seules les femmes ont des règles.

Il est étonnant que M. Baddou n’ait pas entendu parler de ces quelques cas édifiants de cancel culture pratiqués par des mouvements progressistes. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi mille. Des éditeurs occidentaux recrutent maintenant des sensitivity readers chargés de relever dans les manuscrits les passages pouvant être perçus comme offensants envers les minorités. En sus de la production sociologisante, pleurnicharde et nombriliste, une sous-littérature inodore et incolore a émergé et été mise en avant par des médias complices participant ardemment au ripolinage des consciences et à la rééducation des masses. Cette sous-littérature fait partie d’une sous-culture woke et progressiste imposée par les médias – à ce propos, la troisième nomination de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions démontre que le système médiatique public n’est pas près d’abandonner son activité propagandiste, militante et sectaire – la publicité et le monde dit de la culture. L’industrie cinématographique, par exemple, est devenue une machine à abrutir et dresser les masses, comme le prouve le festival de Cannes qui n’intéresse en réalité plus personne. Le petit monde cinématographique, wokisé jusqu’à l’os et subventionné jusqu’aux oreilles, a religieusement écouté Juliette Binoche, la sainte des artistes en quête d’engagements sans risque contre « la guerre, la misère, le dérèglement climatique, la misogynie primaire ».Lors de la même messe médiatique,Laurent Lafitte a affirmé, sans rire, que « l’acteur est aussi un citoyen du monde » qui n’ignore pas que « chaque prise de parole est une prise de risque ». Il n’a d’ailleurs pas hésité à se sacrifier en prononçant les « mots interdits par l’administration de la première puissance mondiale » : climat, équité, féminisme, LGBTQIA+, migrants et racisme. Après avoir plaidé pour un cinéma plus « inclusif » et « ouvert au monde », Laurent Lafitte, encouragé par les applaudissements mécaniques d’un public en mode automatique, sombre définitivement dans le ridicule : « S’il y a un endroit au monde où le cinéma citoyen existe, c’est ici, au Festival de Cannes ». Quelques instants plus tard, Robert De Niro se gargarisera avec le même genre d’inepties narcissiques : « Nous, les artistes, sommes une menace pour les autocrates et les fascistes de ce monde. » Ce qu’il ne faut pas entendre…

Les rebellocrates de cinéma se regardent mutuellement le nombril en déblatérant de laborieuses leçons de morale – croient-ils vraiment impressionner le vulgum pecus ? Dieu merci, aucune personne sensée ne prend ces pitres au sérieux. Il n’y a qu’Ali Baddou ou Pierre Niney[2] pour parvenir à écouter Juliette Binoche, Laurent Lafitte ou Robert De Niro sans éclater de rire…

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[1] https://www.marianne.net/medias/statues-grecques-blanches-quand-france-culture-sombre-dans-le-complotisme-indigeniste

[2] Au festival des bondieuseries cannoises, l’acteur Pierre Niney, après s’être réjoui de la condamnation de Gérard Depardieu en espérant que « cela va faire avancer les choses, les mentalités et la justice », a annoncé vouloir travailler pour plus d’inclusion dans le cinéma français. Pierre Niney est en passe de devenir l’acteur le plus vertueux de son temps. S’il veut concurrencer Sainte Juliette, il doit faire encore un petit effort : un mot sur l’immigration qui est une chance pour la France, un autre sur le réchauffement climatique nécessitant de changer de slip le moins souvent possible et, lors des prochaines élections, une ou deux réflexions castoriennes sur le retour des heures sombres et de la bête immonde, et le tour sera joué…  

Le Festival de Cannes, ce conclave de l’anti-trumpisme

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Robert De Niro et Leonardo DiCaprio à la Cérémonie d'ouverture du 78e Festival de Cannes le 13 mai 2025 © SYSPEO/SIPA

Sonné par le retour de Trump aux manettes du pouvoir, Hollywood, ce bastion du parti démocrate, a fait du Festival de Cannes 2025 une tribune internationale pour rameuter et galvaniser les opposants de tous poils au trumpisme.  


Dès son ouverture le 13 mai, le ton a été donné par le maître de cérémonie, l’acteur français Laurent Lafitte : « À l’heure où le climat, l’équité, le féminisme, les LGBTQIA+, les migrants, le racisme ne sont plus seulement des sujets de films, mais les mots interdits par l’administration de la première puissance mondiale, nous avons le devoir de nous demander quelle sera notre prise de parole et si nous en aurons le courage », a-t-il déclaré[1].

Prends garde à toi, vilain Trump !

Dans son sillage, l’ennemi déclaré de Trump, l’acteur Robert De Niro, 81 ans, récipiendaire cette année de la Palme d’or d’honneur pour sa longue carrière, a surenchéri, en qualifiant, dans une diatribe acerbe, le président américain de « président philistin », l’accusant d’inculture. « Les arts sont démocratiques, l’art est inclusif et rassemble les gens (…). L’art recherche la vérité. L’art embrasse la diversité, et c’est pourquoi l’art est une menace (…) C’est pourquoi nous sommes une menace pour les autocrates et les fascistes ». De Niro, soutien de longue date du parti démocrate, a alors déclaré : « Il est temps pour tous ceux qui se soucient de la liberté de s’organiser, de protester et, lorsqu’il y a des élections, bien sûr, de voter. Votez ! », avant d’ajouter : « Nous montrons notre force et notre engagement en célébrant l’art dans ce festival glorieux. Liberté, Égalité, Fraternité !»[2].

À lire aussi, Didier Desrimais : Les ravages du wokisme, d’Ali Baddou au festival de Cannes

Il y a eu aussi Bono, le chanteur de U2, accompagné de Sean Penn, posant sur le tapis rouge du Palais des festivals avec des militaires ukrainiens et rappelant à la presse que le festival avait été créé en 1939 « dans le but de combattre le fascisme ». L’acteur chilien Pedro Pascal, défenseur du transgenrisme, pour sa part, a dénoncé publiquement la politique migratoire de Trump, tandis que le réalisateur et ancien ministre de la Culture haïtien Raoul Peck a vociféré contre les attaques de Trump contre la démocratie[3].

Voight, Stallone et Mel Gibson avec Trump

En filigrane, les préoccupations d’Hollywood sont d’ordre pécuniaire, Trump ayant annoncé le doublement des droits de douane sur les films tournés à l’étranger et ce, afin de relever l’industrie cinématographique américaine qui menace de sombrer. Elles sont aussi liées à la détermination du président américain d’en finir avec les monstrueuses dérives d’un système devenu trop puissant, comme l’a montré le procès du rappeur PDiddy, jugé pour « trafic sexuel, racket et transport d’êtres humains en vue de la prostitution »[4]. Trump a nommé pour ce faire trois « ambassadeurs » à Hollywood : les acteurs Jon Voight (le père d’Angelina Jolie), Sylvester Stallone et Mel Gibson, en vue de nettoyer les écuries d’Augias.


[1] https://x.com/francetvcinema/status/1922343760484065283

[2] https://edition.cnn.com/2025/05/14/entertainment/robert-de-niro-trump-cannes-speech-scli-intl

[3] https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250519-festival-de-cannes-une-premi%C3%A8re-semaine-tr%C3%A8s-politique

[4] https://fr.news.yahoo.com/l-ancien-assistant-p-diddy-160547022.html

Le système légion : un modèle d'intégration des jeunes étrangers

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Squatter à Nantes: un mode d’emploi municipal

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Image d'illustration.

Dans la préfecture de Loire-Atlantique, Mme M., 78 ans, a découvert que son appartement était illégalement occupé par des Guinéens, ce qui la prive de son loyer et l’empêche de payer sa taxe foncière! L’expulsion a été suspendue par le tribunal au nom de la vulnérabilité des squatteurs, la laissant seule face aux charges. La mairie socialiste tente de donner l’impression qu’elle agit…


La ville de Nantes, d’ores et déjà fort célèbre pour ses biscuits Petit Lu et BN, pourrait bien le devenir tout autant pour une tout autre activité, le squat. Ce fléau semble en effet y prospérer assez gaillardement. Après bien d’autres cas, ces derniers temps c’est un immeuble de trois étages que son propriétaire – âgé de 75 ans – a eu la – violente- contrariété de découvrir occupé par une dizaine de personnes qui avait mis à profit le week-end pour remplacer la vitre de la porte d’entrée, qu’ils avaient brisée pour prendre possession du bien, par une plaque d’acier dûment soudée. Même menus aménagements concernant le système de fermeture, la serrure ayant cédé la place à un digicode. On a le souci du squat modernisé et technologique à Nantes. Laconique justification de ces occupants indésirés et indésirables : « Le proprio a assez de pognon. » Ce qui est faux, bien sûr. Ce retraité a travaillé sa vie durant pour posséder ce qu’il possède. Et quand bien même serait-il blindé – comme ils disent – on ne voit pas très bien ce qui justifierait que ces délinquants s’autorisent à s’approprier son bien.

Impuissance publique

Autre cas, tout aussi scandaleux mais extrêmement éclairant quant à l’impuissance publique en ces matières, celui de cette dame de 78 ans qui a découvert que l’appartement qu’elle entendait louer avait été pris d’autorité par « une famille précaire », des Guinéens. Ils ont mis à profit la parenthèse créée par le départ de précédents locataires pour s’installer. Quelques âmes particulièrement généreuses de la bonne ville de Nantes seraient-elles à l’affût de ces parenthèses pour aussitôt caser leur petit monde ? Quelque association confite en générosité pro-migrants, peut-être, et accessoirement financée par la Municipalité ?

La propriétaire, âgée donc, qui ne dispose que d’une retraite de 1000 euros, et, en temps normal, du loyer de son F5, également de 1000 euros, doit donc se passer de cette rentrée d’argent, absolument indispensable. D’autant que les frais, les impôts et taxes foncières continuent de courir, bien évidemment. Elle est à ce jour dans l’incapacité de payer cette taxe locale : 1800 euros depuis 2024. (C’est très dommage qu’elle ne puisse pas s’en acquitter parce que cela aurait permis à la Ville de continuer à subventionner aussi généreusement les belles associations évoquées ci-dessus.)

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La préfecture, saisie, avait décidé l’expulsion des occupants sans titres ni droits. Mais voilà bien que la procédure a été suspendue par le tribunal administratif au motif que – je cite – « la mise en œuvre de l’arrêt attaqué aura pour effet de priver de tout abri les requérants, alors que M. F est père de deux enfants âgés seulement de 1 et 2 ans et que les intéressés soutiennent, sans être contestés en l’absence de toute production de l’autorité préfectorale, ne disposer d’aucune possibilité d’hébergement, en dépit de leurs appels au 115, et d’aggraver aussi la précarité des familles. »

Dérive bien française

Pas un mot dans ces lignes pour rappeler que l’occupation sans titre et sans droit d’un quelconque bien est un délit passible d’un an de prison et 15000 euros d’amende. Pas un mot non plus sur la situation personnelle de la propriétaire. Lui voler – il s’agit bien de cela – le revenu de son loyer pour la laisser tenter de survivre avec sa maigre retraite, n’est-ce-pas aussi « aggraver » son dénuement, la précipiter, elle, dans la précarité ?

Ainsi nous assistons à la dérive si française qui préside de nos jours à tant et tant de décisions de cette nature : la précarité d’importation prévaut sur celle des gens d’ici.

Qu’on imagine un instant si cela devait faire jurisprudence, et si on en arrivait à considérer que cette précarité d’importation ouvrait de droit l’accès à l’occupation sans titre ni droit de tous locaux plus ou moins libres à un moment donné, cela à travers tout le pays ? On n’en est pas loin, apparemment.

Le Figaro, rapportant ce fait, a pris langue avec l’adjointe au maire de Nantes en charge des solidarités, de l’inclusion sociale, des personnes âgées et du CCAS, Madame Abbassia Hakem. « Nous devrons œuvrer à faire en sorte, répond-elle[1], que très rapidement les deux situations soient prises en compte. »

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Délicieuse réponse. Les mots sont choisis avec soin. L’élue ne dit pas « Nous devrons faire en sorte que », mais infiniment plus prudemment : « Nous devrons œuvrer à faire en sorte… ». Magnifique nuance de langage. De même préfère-t-elle dire : « que les deux situations soient prises en compte ». Prises en compte, et non réglées, solutionnées. Là, encore, la prudence est de mise.

Passons. Mais permettons-nous tout de même de faire observer que, en la circonstance, si la loi avait été respectée, le bon droit de la propriétaire effectivement reconnu, le délit de squat traité avec la rigueur que la loi prévoit et que le bon sens cautionne, il n’y aurait pas deux situations à prendre en compte, mais une seule. Ce qui, de toute évidence, ne pourrait que simplifier le problème.

Certes, il n’est pas question de nier que la générosité, même émanant d’un tribunal administratif, ne soit une grande et belle vertu, mais on ne peut s’empêcher de reprendre ici le constat que faisait en son temps l’écrivain anglais – apologiste du christianisme – Gilbert Keith Chesterton : « Le monde est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. » Revenant en ce monde, il serait certainement enchanté de se trouver à même de vérifier combien il voyait juste.

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[1] https://www.lefigaro.fr/nantes/nantes-a-78-ans-elle-n-arrive-pas-a-recuperer-son-logement-squatte-depuis-plus-de-18-mois-par-une-famille-precaire-20250521

Podcast : Le nouveau rapport sur l’entrisme des Frères musulmans va-t-il changer quelque chose ?

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Promenade d'un couple musulman en habit traditionnel dans le parc de Rentilly à Bussy-Saint-Martin, 1 mai 2016 © SICCOLI PATRICK/SIPA

Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Le gouvernement vient de rendre public un rapport officiel sur l’entrisme des Frères musulmans en France. La version diffusée apprend peu de choses à ceux qui suivaient déjà ce sujet brûlant. Il se peut que l’apport le plus intéressant des auteurs réside dans des informations précises et sensibles contenues dans la version non-diffusée.

En tout cas, nous assistons peut-être à la formation d’une doctrine d’État au sujet du danger frériste. Et bien que le président lui-même, décrédibilisé, possède peu de marge de manœuvre pour prendre des mesures concrètes, l’étoile montante de Bruno Retailleau, le nouveau président des Républicains, est de bon augure.

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Pourtant, de manière totalement prévisible, les idiots utiles de l’islamisme dans les médias et l’extrême-gauche n’ont pas attendu pour pousser les hauts cris et relayer la charge d’islamophobie que les milieux fréristes ont développée pour faire taire toute parole critique à leur égard.

Bruxelles, porte d’entrisme des Frères musulmans sur l’Europe

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Les musulmans se rassemblent pour des célébrations à l'occasion de la fête islamique de l'Aïd-Al-Adha à Bruxelles, le mercredi 28 juin 2023 © Shutterstock/SIPA

Dans la capitale belge, la stratégie de conquête par le bas des Frères musulmans porte ses fruits : les barbes s’allongent, les femmes se voilent, et des rues entières sont désormais composées de commerces halal… Inquiétant.


Les Frères musulmans ont vu le jour en 1928 au Caire, sous la houlette d’Hassan el-Banna. Il n’a pas fallu un siècle pour que leur nouvelle capitale soit située en plein cœur de l’Europe, à Bruxelles où un immense tapis rouge est continuellement déroulé devant eux. Ils ont désormais partout leurs entrées, sans qu’ils ne doivent encore forcer la porte, et ont leurs porte-parole dans les partis politiques, les institutions, les associations et les médias.

Une toute petite minorité ?

Le rapport français sur les Frères musulmans a fait grand bruit, amenant à la connaissance d’un grand public de moins en moins candide l’existence d’une confrérie qui utilise tous les moyens légaux (État de droit, entrisme, culpabilisation, chantage à l’islamophobie…) pour imposer un islam rigoriste. Le terme « Belgique » y est mentionné 35 fois, notamment comme « carrefour européen de l’entrisme frériste ».

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Dans le plat pays, tout le monde ferme les yeux car beaucoup y trouvent un intérêt. Tous les partis politiques ou presque ont laissé entrer le loup dans la bergerie, contre la promesse de voix d’une communauté qui n’a plus rien de minoritaire – le pourcentage de musulmans à Bruxelles a probablement déjà largement dépassé les 30%. Depuis que le Centre démocrate humaniste (aujourd’hui Les Engagé.e.s) a fait élire la première femme voilée dans un Parlement européen – elle est aujourd’hui ministre de la famille dans le gouvernement d’Erdogan -, bien du chemin a été parcouru. C’est chez les socialistes – qui viennent de placer le drapeau palestinien sur le toit de leur siège -, les communistes du PTB et surtout Écolo – autrefois le parti de la nature et des oiseaux – que la tendance est la plus marquée. Les verts belges ont par exemple nommé, avant qu’elle ne fut contrainte à la démission, une sœurette voilée et lourdement suspectée de liens avec les Frères musulmans au poste de… commissaire du gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

New complot juif

Bruxelles est au cœur de la stratégie des Frères musulmans car, en plus d’être la capitale belge, elle est aussi celle de l’Union européenne, dont les institutions sont particulièrement bienveillantes à l’égard des fréristes. On se souvient, en guise d’exemple, de la campagne du Conseil de l’Europe intitulée : « La liberté est dans le hijab ». Implanté au plus près des institutions européennes, où il effectue un travail intense de lobbying depuis 2007, après l’avoir été à Londres, autre terrain de conquête de l’islamisme, le Conseil des musulmans européens (CEM) est la structure faîtière des Frères musulmans sur le continent. Parmi les nombreuses associations dans son giron, la structure de formation FEMYSO, qui s’adresse plus particulièrement aux jeunes, a pendant longtemps bénéficié d’une aide généreuse de la part de la Commission européenne et du Conseil.

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La noria d’associations actives « sur le terrain » est évidemment perméable aux discours fréristes quand elle n’en est pas le véhicule. Molengeek a abondamment bénéficié des marchés publics qui, en Belgique, sont plus juteux qu’ailleurs. Située à Molenbeek, que les Français ont appris à connaître au moment des attentats, l’association entend mettre les nouvelles technologies au service de tous – comprenez aux personnes issues de la diversité. Depuis, le voile a été levé : entre formations « bidon » et incompétence des formateurs, le plus intéressant réside sans doute dans les soupçons de liens, soulevés par le journal flamand Doorbraak, de son fondateur Ibrahim Ouassari avec les Frères musulmans. Celui-ci s’est défendu sur X en usant d’un parallélisme aussi douteux que révélateur : « Les Frères musulmans is the new complot juif ».

https://twitter.com/Ibiwas/status/1925285057888965090

Les médias se sont mis au diapason. Aussi bien l’audiovisuel (la RTBF – chaîne publique -, RTL, LN24 – chaîne d’information -) que la presse écrite véhiculent une vision exclusivement positive de l’immigration et de l’islam, n’hésitent pas à tendre le micro à des personnalités proches des mouvances islamistes et, surtout, refusent de donner la parole aux responsables politiques ou penseurs qu’ils rangent à l’extrême droite – c’est-à-dire à peu près toute personne ne s’enthousiasmant pas devant les bienfaits de l’immigration. Pour les médias, les Frères musulmans sont d’ailleurs, comme le titra un jour Le Vif, un fantasme.

Surtout, il suffit de prendre les transports publics, se balader dans Bruxelles, faire ses courses, arpenter les clubs de sport ou discuter à la machine à café pour comprendre, à travers des détails difficilement quantifiables, que le travail de sape des Frères musulmans porte ses fruits : les barbes s’allongent, des rues entières sont composées de commerces halal, l’arabe s’impose dans les entreprises, les voiles sont de plus en plus nombreux – et l’on connaît l’importance de celui-ci dans la stratégie de conquête par le bas des Frères musulmans.

Pourtant, en Belgique, il faudra encore bien du temps avant que ne sorte un rapport sur leur influence, preuve sans doute qu’ils y ont déjà imposé leurs méthodes et leurs mœurs, avec la complicité du monde médiatico-politique.