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On cherche une vigie de la sécurité…

L’avocat Patrice Spinosi s’inquiète de prétendues dérives illibérales en France et explique, dans son livre Menace sur l’État de droit (Allary Éditions), comment nos institutions pourraient être mises en quelques semaines sous la coupe d’un pouvoir pourtant conquis légalement — par «qui vous savez». À l’heure où les actuels garde des Sceaux et ministre de l’Intérieur dénoncent le laxisme, les alertes de celui que la presse qualifie de «vigie de nos libertés» paraissent totalement déconnectées de la réalité.


Des vigies des libertés, on en a pléthore. Des défenseurs de l’État de droit intangible, on en a une multitude. Des humanistes prêts à faire endurer le pire jusqu’au dernier citoyen français, on en surabonde !

Certes ils n’ont pas tous la même qualité ni le même savoir que Patrice Spinosi, avocat près la Cour de cassation et le Conseil d’État, qui fait l’objet d’un portrait élogieux par Stéphane Durand-Souffland dans Le Figaro et dont le titre est précisément « Patrice Spinosi, vigie des libertés ». Aujourd’hui ce sont des « vigies de la sécurité » qui nous manquent.

Parce que cette exigence fondamentale pour la tranquillité publique, pour la protection des biens et des personnes, pour la sauvegarde des plus modestes qui ont le droit de disposer au moins de cet élémentaire capital qu’est leur sûreté, et pour une démocratie apaisée, n’est pas aujourd’hui servie comme elle le devrait.

Les élites encore épargnées par l’ensauvagement de la société

Dans cet arbitrage sans cesse à effectuer entre nos libertés et notre sécurité, les premières gagnent trop souvent parce qu’elles fleurent bon le progressisme, elles relèvent de l’attitude des belles âmes, des sensibilités délicates et se qualifiant elles-mêmes d’élite, elles ne sont pas gangrenées par la contagion de l’utilitarisme ni du pragmatisme, le réel ne les insupporte pas puisque globalement il leur demeure étranger. La passion pour les libertés est le havre de sérénité et de bonne conscience d’une société privilégiée qui regarde de loin les malheurs de la masse et profondément s’en lave les mains.

A relire, Elisabeth Lévy: L’État de droit, c’est plus fort que toi !

Si on feint de pouvoir cultiver également les libertés et la sécurité, on sait bien que c’est impossible. La sécurité sera toujours perdante puisqu’elle pèse moins dans la tête des pouvoirs et dans l’esprit collectif, malgré les apparences. La rançon de l’État de droit est claire et sans équivoque : il fait mourir la France à petit feu… mais dans les formes…

Il faut reconnaître à Patrice Spinosi le mérite de la franchise. Il manifeste avec éclat et talent ce qui se cache derrière l’obsession actuelle de l’État de droit dont pour ma part je ne souhaite évidemment pas la disparition mais l’adaptation.

L’État de droit : une vache sacrée ?

Ce n’est pas une vache sacrée et l’état de la France, menacé aussi bien de manière interne que par des dangers externes, impose de réfléchir à l’élaboration d’une légalité qui ne ferait pas fi de l’efficacité. Ce qui compte n’est pas la perfection formelle de nos démarches juridiques, quelles que soient les juridictions saisies – le Conseil constitutionnel nous offre assez régulièrement des exemples de pureté totalement détachés de la défense sociale et de la protection des citoyens et de leur identité – mais la manière dont le droit, dans ses structures essentielles sans lesquelles nous serions réduits à une « sauvagerie » légale, peut s’accorder avec la finalité ultime d’une civilisation mise en péril un peu plus gravement, parfois horriblement chaque jour : ne pas sombrer, ne pas disparaître à cause d’une impuissance trop longtemps théorisée en dignité et en tolérance.

Patrice Spinosi, qui voit des populismes partout – ceux qui ne partagent pas sa conception de l’État de droit – décrète « qu’un populiste arrivant au pouvoir considère comme illégitime tout contre-pouvoir. Et impose une dictature de la majorité qui s’en prend prioritairement aux minorités de tous ordres. Or nous sommes tous la minorité de quelqu’un d’autre ».

Le procès expéditif est lancé avec une brillante mauvaise foi. Patrice Spinosi n’est peut-être pas « un activiste » ni un « indigné professionnel », comme l’exclut son ami François Sureau, il demeure que sa définition du populisme est tellement large qu’il intègre dans sa dénonciation « Laurent Wauquiez et d’autres qui désignent l’État de droit comme l’ennemi à abattre ». Personne n’a été assez sot dans le camp conservateur pour aspirer à un tel extrémisme.

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Derrière son argumentation, Patrice Spinosi cache en réalité la condescendance, voire le mépris des élites pour ce peuple dont la simplicité d’esprit et la vulgarité le conduisent même à s’occuper de ce qui le regarde et qui les indiffère parce qu’elles vivent dans le ciel des abstractions quand la majorité des citoyens sont confrontés à une quotidienneté qui les laisse brutalement sur terre.

Le virage quasi-« populiste » de Philippe Bilger !

Au risque d’être étiqueté membre d’une telle cohorte indigne, des événements récents, sur les plans national et international, loin de me démontrer l’urgence d’un État de droit statufié et impuissant pour mille raisons, m’ont convaincu que le scandale était ailleurs : dans la gravité des transgressions, des crimes et des délits et le caractère ridicule du traitement judiciaire ou administratif qu’on leur appliquait. On prétendait combattre l’enclume avec une mouche.

La remise en cause de l’État de droit, en le dépouillant de ses facettes bureaucratiques, de son incurable lenteur et de ses incompréhensibles contradictions (l’exemple de l’autoroute A69 est éclairant), serait une chance démocratique. Et un bonheur de simplification pour tous. Il n’est donc pas anormal, dans l’alternative entre libertés et sûreté, faute de pouvoir concéder de manière équitable aux deux branches, de s’en tenir fermement à la seconde qui garantira la protection de la société en me privant d’un zeste de ma liberté.

Patrice Spinosi, dont l’intelligence et la finesse sont indiscutables, devrait prendre conscience du fait que c’est en jetant le peuple par la fenêtre de la démocratie qu’on fera entrer par la porte le vrai danger de la République : le risque que face au réel, son déclin soit plus accompagné qu’entravé par un État de droit trop mythifié.

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Despentes glissante

Virginie Despentes se lance dans la mise en scène au théâtre, et la critique s’évanouit d’admiration une nouvelle fois ! C’est qu’avec Romancero queer, saluée par France culture comme une «ode aux identités plurielles» , l’écrivaine dynamite les clichés et casse les codes. Succès garanti


Dans le numéro de mai des Inrocks (rédactrice en chef : Juliette Binoche), le journaliste Jean-Marie Durand est très heureux de nous présenter la nouvelle production théâtrale de Virginie Despentes. La chose s’appelle Romancero queer. Elle est censée être « une réflexion galvanisante sur la force du collectif contre les vents réactionnaires ».

C’est alléchant. Ça l’est d’autant plus que Virginie Despentes, en passant du roman au théâtre, n’a rien perdu de « sa nervosité critique », affirme le journaliste culturel en s’interrogeant :« Comment écrire dans un climat général marqué par un nouvel obscurantisme réactionnaire en guerre contre les minorités ? » Heureusement, dressée contre les vents contraires, Virginie Despentes « établit un continuum naturel entre les luttes qu’elle porte ».

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C’est passionnant. Romancero queer conte l’histoire de huit personnages qui se retrouvent pour adapter La Maison de Bernarda Alba, pièce de Federico Garcia Lorca « mise en scène par un sexagénaire hétéro blanc qui souffre d’une sciatique aiguë » – sans doute une manière subtile d’aborder le délicat sujet des pathologies inhérentes au monde théâtral, monde dans lequel intermittents du spectacle vermoulus et metteurs en scène arthrosés se heurtent aux mêmes écueils que le pékin moyen lorsqu’il s’agit de trouver un rhumatologue.

C’est habile. France Culture estime que « Romancero queer est une ode scénique aux luttes et aux identités plurielles ». C’est très intéressant. Télérama s’enflamme : « Virginie Despentes dynamite la scène avec une troupe omnigenre. » Il y a bien « quelques scènes théoriques et longuettes », mais rien qui puisse gâcher le plaisir. Après tout, et c’est le plus important, Virginie Despentes « torpille les clichés sociaux ».

C’est très original. Et puis, écrit encore Jean-Marie Durand pour appâter le révolutionnaire qui sommeille en chacun de nous, « au pays des connards et des fachos, les romances queers donnent de l’ardeur au combat ». C’est très… très… bref, ça vaut sûrement le détour. D’ailleurs, Romancero queer, qui se joue au Théâtre de La Colline jusqu’au 29 juin, affiche d’ores et déjà complet.

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L’inattendue

Si ce n’est pas franchement la spécialité de votre gazette préférée, reconnaissons que le sport est parfois magique ! En éliminant hier, mercredi, à Roland-Garros, la Russe Mirra Andreeva, numéro 6 mondiale, la Française Loïs Boisson accède aux demi-finales…


Elle se nomme Loïs Boisson. Voilà encore trente-six ou soixante-douze heures personne ne la connaissait. Du moins en dehors du petit monde des obscurs du circuit tennistique. À présent, on sait tout d’elle, ou presque. Française, née à Dijon (Côte d’Or), vingt-deux ans, 1,75 m, droitière, revers à deux mains, fille du basketteur Yann Boisson.

Deux matchs gagnés, deux matchs de haut niveau nous la révèlent. Qu’importe au fond la suite du tournoi. Ce qui est acquis est acquis, ce qui est engrangé est engrangé. On peut anticiper les titres et commentaires de la presse. « Sur la terre battue de Roland Garros, éclot une étoile », « La renaissance du tennis français au féminin », « La nouvelle petite fiancée de la balle jaune ». Ou bien pire encore en matière de dithyrambe. Nous verrons bien.

Ni starlette, ni grande gueule

Il n’empêche, cette jeune femme nous fait du bien. Pas seulement parce que, issue du fond du classement, arrivée à la porte d’Auteuil sur invitation, elle est parvenue à se hisser là où on ne l’attendait pas, mais surtout par la manière qu’elle a d’être ce qu’elle est, de faire ce qu’elle fait. Simple, résolue, d’une sobriété impressionnante dans ses réactions, exemplaire dans son comportement sur le cours et en dehors. Souriante en interview, mesurée dans ses propos tout en confessant sans forfanterie ni feinte modestie son ambition « d’aller au bout ». Cela nous change des exubérances déplacées et surjouées de certains compétiteurs – Français notamment – au moindre point gagné, au moindre but marqué. Elle, tout au contraire, placide, impassible, faussement nonchalante entre les points, d’apparence presque fragile mais armée d’un sang-froid et d’un flegme qu’on dirait made outre-manche, ne peut que surprendre en effet. Et séduire.

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Donc, jaillissant de quasi nulle part, surgissant du Diable Vauvert comme se serait certainement enflammé un certain Léon Zitrone de cathodique mémoire, elle rayonne. Tranquillement, sans esbroufe. Et, ça fait rêver.

C’est du délire

Rêver pour le prochain Tour de France. Un Français enfin, de jaune vêtu au sommet de la Butte Montmartre, un gars, lui aussi, échappé du fin fond du peloton, un ci-devant porteur de bidons. Bref, un continuateur sur la voie tracée par notre Loïs (je me permets ce « notre Loïs » parce que dorénavant la France entière l’aura adoptée).

En attendant par ailleurs – mais là on frise le délire – une autre compétition, celle du printemps 2027 où un sans grade ou presque, également sorti du marais, mais rompu aux réalités du pays profond, nanti d’un caractère d’airain et de convictions bien réelles, pourrait venir, impitoyable et magistral, renvoyer la clique des prétendants de profession à leurs chères études. Quel pied ! Comme on dit quand on se lâche à la bonne franquette.

La jeune fille de Roland Garros nous fait certes rêver, nous instillant mine de rien quelque chose comme une espèce d’appétence pour  l’inattendu.

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Israël, le déchirement

Jamais la réprobation d’Israël n’avait atteint un tel paroxysme. L’accusation de génocide se banalise, bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes. Et l’interminable guerre de Gaza divise les soutiens d’Israël. À l’instar de Delphine Horvilleur, certains dénoncent publiquement la poursuite de la guerre et les attaques de Netanyahou contre l’État de droit, suscitant colère et désarroi dans la rue juive


C’est un torrent, un déferlement, un tsunami. Israël est devenu l’autre nom du mal. À l’Eurovision, de grandes âmes défendent les enfants palestiniens en insultant une jeune femme qui a eu le mauvais goût de survivre au 7-Octobre, cachée sous les corps de ses amis. Au Festival de Cannes, à défaut de robes coquines proscrites par mesure de décence, la Palestine se porte en bandoulière, et pas la Palestine-deux-États, la Palestine-de-la-Mer-au-Jourdain. Sur les campus européens et américains, on affiche sa compassion en vomissant l’État juif à jet continu. Chaque jour, une corporation monte au créneau pour dénoncer un prétendu génocide, chaque jour des voix se lèvent pour exiger qu’Israël soit mis au ban des nations, chaque jour, les terribles nouvelles de Gaza effacent un peu plus les corps suppliciés le 7-Octobre. Et chaque jour, une déclaration épouvantable émanant de l’un des « ministres maléfiques » du gouvernement Netanyahou, pour reprendre la formule d’Alain Finkielkraut, est brandie pour justifier la libération de la parole antisémite.1 Smotrich est raciste, donc Israël est raciste, donc les juifs sont racistes.

Macron botte en touche

Curieusement, la gaffe de Thierry Ardisson proférant « Gaza, c’est Auschwitz » a fait scandale. Or elle a exactement la même signification que l’accusation de « génocide » – Israël = SS. Si Israël commet un génocide, donc quelque chose qui ressemble à la Shoah, alors oui Gaza ressemble à Auschwitz. Or, désormais, ce terme infamant, qui porte une demande de sanctions et de lâchage, fait florès bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes qui l’ont acclimaté. Trois cents écrivains, parmi lesquels les inévitables Annie Ernaux et Nicolas Mathieu, demandent, dans un texte collectif, des sanctions contre Israël.2

On dira que ce sont les grandes âmes professionnelles. Sans doute. Mais on ne peut pas leur reprocher d’ignorer les victimes juives : « Tout comme il était urgent de qualifier les crimes commis contre des civils le 7 octobre 2023 de crimes de guerre et contre l’humanité, il faut aujourd’hui nommer le “génocide”», écrivent-ils. Sur TF1, le président de la République botte en touche, mais ne récuse pas le terme. Jamais Israël n’a été aussi réprouvé. Et jamais le monde juif, là-bas comme ici, n’a été aussi déchiré : entre laïques et religieux, juifs de gauche et juifs de droite, populo et notables (voir le texte de Noémie Halioua). En France, c’est Delphine Horvilleur qui ouvre le feu et cristallise les passions avec un réquisitoire où il est question d’une « politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire ».3

L’esprit du débat talmudique mis à l’épreuve

On dirait que cette personnalité insoupçonnable a levé un interdit, car dans la foulée de nombreux amis de l’État juif, juifs ou pas, s’expriment publiquement dans le même sens, déclenchant en retour une salve de ripostes émanant de personnalités très diverses. Bien entendu, les critiques d’Horvilleur et des autres ne peuvent en aucun cas être confondues avec les vociférations mélenchonistes. On peut les contester, pas mettre en doute le fait que leurs auteurs veulent le bien d’Israël. Personne n’a le monopole du sionisme et de sa définition. Refusant que ces désaccords, aussi douloureux soient-ils, rendent le dialogue impossible, nous avons tenu à donner la parole à toutes les sensibilités. C’est le moment de se rappeler que les juifs ont inventé la discussion talmudique. C’est précisément quand un désaccord est âpre qu’il faut se faire violence pour comprendre la position adverse.

Dans le monde juif et « pro-juif » français, la discorde ne peut être réduite à une opposition entre contempteurs et admirateurs inconditionnels de Bibi. Pour tous ceux qui sont attachés à l’existence d’un État juif et démocratique, chaque manquement israélien, chaque brèche dans l’image de « l’armée la plus morale du monde », chaque image de famille détruite est un crève-cœur. La propagande existe, mais elle n’explique pas tout. De plus, alors que Netanyahou joue un jeu dangereux avec la Cour suprême, on a des raisons de penser que, dans « la seule démocratie du Proche Orient », l’État de droit est menacé. Le désaccord porte donc moins sur le fond que sur l’opportunité. Alors qu’Israël est lâché de tous côtés, y compris par l’Amérique et ne parlons pas de l’Europe, où nombre de pays songent sérieusement à reconnaître la Palestine alors que, comme l’a souligné Franck Tapiro, créateur du groupe militant DDF (Diaspora Defense Forces), ladite Palestine détient toujours des otages, fallait-il prendre le risquer de conforter ses ennemis ?

Deux gauches, deux approches, une même inquiétude

Denis Olivennes et Philippe Val appartiennent à la même famille idéologique, la gauche libérale et républicaine. Pourtant le premier est convaincu qu’il faut parler des fautes israéliennes pour le bien d’Israël, quand le second préfère se taire de peur de faire tourner le moulin antisémite.

Finalement, c’est la vieille question de Camus qui ressurgit : entre ta mère et la Justice, entre ta mère et la vérité, que choisis-tu ? Chacun doit répondre pour soi. Alain Finkielkraut n’a aucun doute : « Jamais je n’ai renoncé et jamais je ne renoncerai à l’exigence de vérité pour des raisons d’opportunité », tonne-t-il au cours d’une discussion passablement orageuse. Le philosophe entend continuer à se battre sur deux fronts : contre la haine d’Israël et des juifs d’un côté, contre la politique désastreuse d’Israël de l’autre. Reste à espérer qu’il ne perdra pas les deux batailles.


  1. Alain Finkielkraut : « Une bonne conscience antisémite s’installe un peu partout dans le monde », Le Figaro, 26 mai 2025. ↩︎
  2. « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut aujourd’hui nommer le “génocide” à Gaza », par 300 écrivains, AFP, 26 mai 2025. ↩︎
  3. « Gaza/Israël : Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire », Delphine Horvilleur, Tenoua, 7 mai 2025. ↩︎

Lula: un anti-trumpisme d’opérette

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Au Brésil, le président Lula se pose en adversaire résolu de Donald Trump. D’après notre correspondant à Sao Paulo, ces bruyantes protestations permettent surtout au leader socialiste de ne pas parler de son système verrouillé de l’intérieur et insignifiant à l’extérieur.


Dans la famille da Silva, je vous présente Rosangela, l’épouse du président Lula. Tout le monde l’appelle « Janja ». Ancienne cadre dans le secteur de l’énergie, elle aurait, dit-on, inventé le slogan de réélection de son mari  (« L’amour vaincra la haine »), peu de temps après l’avoir épousé en 2022. Mais c’est avec une formule beaucoup moins amène que la quinquagénaire a accédé à la notoriété planétaire, le 16 novembre à Rio de Janeiro lors d’un colloque altermondialiste.

Ce jour-là, alors que Janja s’exprimait, micro à la main, au milieu de jeunes gens acquis à sa cause, un bruit étrange a soudain retenti dans la salle. Rien de grave, sans doute une ampoule qui venait d’éclater. Sauf que l’espace d’un instant, l’hypothèse fantaisiste d’un attentat fomenté par Elon Musk a traversé l’esprit de la première dame, qui, pour faire rire son auditoire, a lancé, en anglais, sous les applaudissements : « Fuck you, Elon Musk ! »

Étalement de vertu

On ne saurait mieux résumer l’état d’esprit de l’élite brésilienne de gauche face à l’alternance politique qui vient d’avoir lieu aux États-Unis. Dans le pays, colère, rage et hystérie sont partout. Par exemple, si vous ouvrez votre poste, vous verrez les présentatrices Daniela Lima et Andreia Sadi, équivalentes respectives de Léa Salamé et d’Apolline de Malherbe, faire la moue à chaque fois qu’elles prononcent le nom de Donald Trump. Un étalement de vertu beaucoup plus décomplexé que ce que l’on observe en Europe dans les milieux médiatico-politiques. Au Brésil, si les progressistes sont indignés par le nouveau locataire de la Maison-Blanche, ce n’est pas à cause de ses positions sur l’Ukraine, Gaza ou le libre-échange, mais parce qu’il a sorti brutalement Lula de sa zone de confort.

A lire aussi, du même auteur: Sonia Mabrouk: dernier appel avant la catastrophe

Durant le mandat de Joe Biden, le président brésilien jouissait du « parapluie médiatique et diplomatique américain ». Il était applaudi à Washington à chaque fois qu’il arrivait à mettre des bâtons dans les roues, avec ses méthodes déloyales, de quiconque, dans le camp conservateur, avait une chance de le battre lors de la prochaine élection en 2026, à commencer par Jair Bolsonaro, son prédécesseur, condamné en 2023 à huit ans d’inéligibilité par le Tribunal supérieur électoral (TSE). Censure, entorses aux droits de la défense, poursuites engagées sur la base de crimes qui n’existent pas dans le code pénal, tout était pardonné à Lula au nom de la lutte contre le populisme, les fake news et les « discours de haine ».

Occupée par des dossiers plus brûlants, la nouvelle administration Trump n’a pas encore eu le temps de traiter le cas du Brésil. Mais tout porte à croire que plusieurs opérations mijotent à feu doux. En mars, des membres républicains du Congrès de Washington ont déposé un projet de loi pour annuler le visa d’Alexandre de Moraes, le président du TSE. Un élu républicain, Rich McCormick, vient même de suggérer à Trump de confisquer tous les biens enregistrés aux États-Unis au nom de ce précieux allié de Lula. Sueurs froides dans les cercles du pouvoir brésilien, où l’on apprécie la Floride et ses belles propriétés en bord de mer.

Le Sud global ne se laisse pas faire

Face à ces signes avant-coureurs d’hostilité, Lula riposte d’ores et déjà. « Il ne sert à rien que Trump élève la voix depuis là où il est, j’ai appris à ne pas avoir peur des gens qui gesticulent et menacent », a-t-il déclaré, certes plus poliment que sa femme, dans un discours à Belo Horizonte le 11 mars.

Quelques jours auparavant, il s’était adressé à ses homologues des BRICS (le groupe des pays émergents les plus riches de la planète) pour les appeler à constituer une alternative au« chaos » et à « l’incertitude » provoqués selon lui par Trump. Lors de cette intervention, le président brésilien n’avait que le mot « multilatéralisme » à la bouche, comme on invoque le nom d’un saint lorsqu’on est dans une mauvaise passe. Pas sûr toutefois qu’il ait été entendu : quinze jours après, loin des instances internationales et des formats de négociation internationale classiques, la Russie, membre fondateur des BRICS, a entamé, en Arabie Saoudite, elle aussi ralliée au club, des pourparlers sur l’Ukraine avec les États-Unis.

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Lula, lui, n’est à l’aise que dans les grands forums mondiaux où l’on brasse du vent en appelant, avec des trémolos dans la voix, à l’avènement d’un futur radieux, d’une monnaie commune internationale et de Nations unies réformées. Seulement, dès que l’on met ces chimères de côté et que l’on rentre dans le concret, le président brésilien n’a aucun projet d’influence en Amérique latine, aucun désir de tisser des liens avec l’Afrique (dont son pays est pourtant l’enfant légitime), pas davantage l’intention d’occuper la place qui devrait être la sienne dans la géopolitique de l’Atlantique, ni de s’exprimer sur le choc des civilisations alors que son pays incarne une diversité relativement heureuse. Tout juste se contente-t-il d’afficher sa proximité avec Vladimir Poutine, à côté de qui il a assisté le 9 mai à Moscou à la parade de 80 ans de la victoire sur le nazisme, en présence d’une brochette de leaders autoritaires du « Sud global » : Xi Jinping, Nicolas Maduro, Alexandre Loukachenko…

Quand le Brésil se réveillera (ou pas)…

Au fond, la bourgeoisie pro-Lula veut tout simplement qu’on la laisse tranquille, isolée dans son coin, barricadée derrière les tarifs douaniers, l’insécurité juridique et l’ultra-violence de son pays. Elle veut bien des capitaux spéculatifs (des transferts d’argent d’une place boursière à une autre) mais pas d’investisseurs directs qui pourraient faire de l’ombre aux champions nationaux. Un huis clos qui profite à l’oligarchie locale. Il faut dire que le banquet est immense : services financiers, télécoms, mines, agriculture etc. On croit le Brésil ouvert sur le monde, il n’est qu’entrouvert, juste ce qu’il faut pour éviter que l’argent change de mains.

Alors certes, Trump a donné un coup de taser à l’ordre mondial et Lula, comme bien d’autres, s’est réveillé les cheveux en bataille. Mais le président brésilien est un pragmatique. Il comprendra tôt ou tard qu’il faut lâcher du lest sur la répression politique de ses opposants de droite, histoire de ne pas attirer sur lui les foudres des milieux conservateurs américains. Et il se rendra vite compte que Trump, un pragmatique comme lui, a besoin d’un Brésil faible et insignifiant, incapable de tenir son rang dans l’hémisphère ouest. En gesticulant comme il le fait, Lula rassure l’oncle Donald, car il continue ainsi de saboter son pays et de lui interdire, encore et toujours, de transformer son immense potentiel en réalité.

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L’équipe d’Israël menacée, le Tour de France en danger?

Dimanche premier juin, le Giro s’est terminé avec la victoire du Britannique Simon Yates. Mais cette édition 2025 du Tour d’Italie cycliste aura été marquée par un événement extra-sportif mais ultra-palestinien, une opération menée contre Israël.


Le 15 mai, lors de l’étape du Tour d’Italie arrivant à Naples, se produit une scène hallucinante : alors que deux coureurs échappés déboulent dans le final avec une quinzaine de secondes d’avance sur le peloton lancé à toute vitesse, deux individus prennent pied sur la chaussée et tendent une corde, un véritable coupe-gorge. Heureusement les deux échappés en réchappent en baissant la tête et le peloton peut freiner et éviter le carnage d’une chute collective, tandis que les deux intrus sont maîtrisés manu militari.

La raison de cet attentat : protester contre la participation au Giro de l’équipe Israël-Premier Tech.

À Naples, en référence au 15 mai 1948 (soit le lendemain de la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948, quand les armées arabes déclenchèrent la première guerre israélo-arabe), des affiches et des tracts (voir notre illustration plus bas) avaient été imprimés pour inviter les  »pro-palestiniens » à venir manifester leur hostilité à l’équipe Israël-Premier Tech… ça aurait pu tourner au drame.

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Pour les non-initiés, l’équipe Israël-Premier Tech n’est pas une équipe composée de coureurs israéliens, mais une formation internationale, qu’Israël finance et sponsorise. En affichant son nom sur un maillot, Israël ne constitue pas une exception. Si depuis 1969, les équipes cyclistes portent traditionnellement le nom des marques commerciales qui les financent (Groupama, Ineos, AG2R…), depuis une dizaine d’années, certains pays musulmans entretiennent des formations (composées de coureurs de tout pays et de toute confession) et l’affichent officiellement pour soigner leur image, comme Bahrain Victorious, les Émirats arabes unis-Team Emirates, voire encore l’équipe Astana, du nom de la capitale du Kazakhstan.

Jusqu’à présent ça ne mettait aucun bâton dans les roues… Mais après le coupe-gorge de Naples, on peut craindre un retour de… bâton. Est-ce que le Tour de France, qui part de Lille le 5 juillet, est menacé ? Oui. Dans son édition du 16 avril l’organe militant « Chronique de Palestine » accusait les organisateurs du Giro d’Italia (9 mai – 1er juin), du Tour de France (5 – 27 juillet) et de la Vuelta a Espana (23 août –14 septembre) d’autoriser « honteusement » la participation d’Israël-Premier Tech, qualifiée d’équipe du génocide. Et d’inviter les partisans pro-palestiniens à venir sur le bord des routes « manifester pacifiquement ». Mais à l’heure actuelle, une telle formule, c’est un oxymore…

Tolstoï et Tchekhov au Théâtre de Poche: what else?

Le Bonheur conjugal, de Tolstoï – La Demande en mariage ET L’Ours, de Tchekhov



Le Bonheur conjugal de Tolstoï, court roman (1859) ici adapté par Françoise Petit, est une petite merveille que nous ignorions. Le bonheur conjugal ? Ce sont deux étapes successives (au moins) et le glissement progressif de l’une (l’euphorie) à l’autre (l’eau grise – du quotidien, de la répétition, etc.).

L’eau grise ? Oui, comme chez Jacques Chardonne dans L’Épithalame (1921) (par exemple – mais en fait, partout dans son œuvre). Comme le titre du premier livre de François Nourissier : L’Eau grise (1954) – explicite référence à Chardonne, qui était son ami, son aîné et un de ses mentors.
Comme c’est étrange. Comme si la littérature était une histoire de familles, ou une famille, ou un pays – avec sa géographie (littéraire), ses contrées voisines, et ses frontières (Stendhal versus Chateaubriand, ou Tolstoï versus Dostoïevski, si l’on doit caricaturer). Jugez plutôt.

Comment passe-t-on de Tolstoï à Nourissier ? Suivez-moi. D’abord il y a Flaubert, que Tolstoï a lu, dont il s’est souvenu pour Anna Karénine – parenté-proximité de Bovary revendiquée, par Tolstoï lui-même.
Flaubert que Chardonne vénérait (son modèle avoué), et ses livres (de Chardonne) s’en ressentent, comme son style (et étonnamment, pour la figure tutélaire des Hussards, si stendhaliens – Nimier et Déon en particulier).
Enfin, de Chardonne au Nourissier de L’Eau grise, l’influence est transparente.

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Voilà pour la littérature comme pays. Et ce sentiment qui ne nous a pas quitté durant la représentation, d’être entre Flaubert et Chardonne – donc avec Tolstoï lorsqu’il écrit Le Bonheur conjugal, à 30 ans. Étonnant.

Le Bonheur conjugal, c’est une histoire exaltante, prometteuse – celle de Macha, une jeune femme de 17 ans, qui épouse un ami de son père, son aîné de 20 ans. Le bonheur est d’abord total – l’allégresse des débuts – puis… moins. Vous avez compris. L’adaptation et la mise en scène de Françoise Petit fonctionne parfaitement. Le récit est pris en charge par Macha – jouée par Anne Richard, irréprochable de bout en bout, qui déroule le fil de son existence, et surtout l’histoire de son mariage.

À l’évocation de certaines scènes-clés de sa vie, son monologue est ponctué par les apparitions spectrales de son mari – ici joué par Jean-François Balmer, dans un rôle muet (spectral), mais éloquent : il est parfait – amoureux, galant, inquiétant, irascible et… muet (l’homme idéal en somme).


Le troisième acteur est un piano – enfin : un pianiste, Nicolas Chevereau, qui accompagne le récit. Ou, mieux, y supplée lorsque les mots viennent à manquer. Je vais aggraver mon cas (après Chardonne) – mais j’ai alors pensé à un petit livre de Jacques Benoist-Méchin (relu à l’occasion de la parution de la biographie qu’Éric Roussel vient de lui consacrer chez Perrin).
Ce petit livre, c’est son Avec Proust, écrit si jeune (22-24 ans), et assez remarquable – où il étudie en particulier le rôle de la musique chez Proust.

Benoist-Méchin commence par explorer le style, le désir, la naissance de l’amour, le déclin de l’amour, etc. dans La Recherche. Avant d’aborder, enfin, la musique. Pourquoi ce détour – et nous revenons au pianiste de notre spectacle ? Car, écrit-il, « avant d’examiner ce que peut la musique, ne fallait-il pas déterminer ce que ne peuvent pas les mots ? »

Voilà pour le rôle du pianiste dans ce spectacle qui nous a enchanté – où les couleurs, les mots, les émotions et la musique se répondent… et correspondent.  

Anne Richard et Nicolas Chevereau au piano © Sébastien Toubon

Je poursuivrai avec quelques mots à propos de l’autre spectacle qui se joue au Poche-Montparnasse, aussi épatant. Tchekhov, donc.

Petit repère – Tolstoï : 1828-1910 ; Tchekhov : 1860-1904. L’aîné a salué la mort du cadet : « On le voit jeter comme au hasard les couleurs qu’il a sous la main, et on pense que toutes ces touches de peinture n’ont aucun rapport entre elles. Mais dès qu’on s’écarte et qu’on regarde de loin, l’impression est extraordinaire. On a devant soi un tableau éclatant, irrésistible. » Pas mieux.

On connaît le mot de… Staline (j’aggrave décidément mon cas…), drôle malgré lui : « En littérature, il y a Shakespeare et Tchekhov. Moi, si j’avais été écrivain, j’aurais plutôt écrit comme Tchekhov. »

On ne le saura jamais – mais à considérer ce mot, il aurait eu au moins une chose en commun avec Tchekhov : son humour et son goût de l’absurde, tous deux magnifiés dans La Demande en mariage et L’Ours, deux pièces classiques dorénavant que Tchekhov considérait comme des « plaisanteries », mais où appert sa fantaisie – facette de sa nature souvent occultée par sa mélancolie.

Ici, ce sont 3 tempéraments véritablement comiques qui s’en emparent : Émeline Bayart (remarquée récemment dans La Culotte d’Anouilh), Jean-Paul Farré (qu’on ne présente plus), et Luc Tremblais (que je connaissais mal).

Un trio drôlissime, deux pièces apéritives – le spectacle est court (1H20), comme le Tolstoï par ailleurs – où éclate la parenté insoupçonnée jusqu’alors par nous, du jeune Tchekhov (ce sont ses deux premier succès) avec… Feydeau (1862-1921). Une précision : les premiers écrits de Tchekhov étudiant furent des histoires drôles, pour des journaux satiriques. C’est ce Tchekhov qui écrit ces deux pièces. Et il « rappelle » en effet Feydeau (comique outré, scènes hénaurmes, situations abracadabrantes mais réglage millimétré, etc.).


Ce – en dépit de ce qu’éprouve Jean-Paul Benoît, metteur en scène que l’on ne présente plus (non plus) et dont le travail ici corrobore tout le bien que l’on en pense depuis longtemps.
Dans un entretien substantiel avec Stéphanie Tesson, Benoît précise en effet que, selon lui, les personnages de Feydeau sont, en gros, des mécaniques (géniales, bien sûr, mais des mécaniques quand même) – tandis que chez Tchekhov, ils sont VIVANTS (sa formation de médecin (de Tchekhov), son regard, n’y étant pas pour rien – selon Benoît toujours).

Il ajoute – c’est passionnant – que pour lui, Tchekhov est un latin (d’où, entre autres, le côté outrancier, voire absurde de ses personnages) : il est né au sud de la Russie, à la même latitude que… Venise. Et de préciser, après la parenté de Tchekhov avec Goldoni et Gogol (« l’insolite des situations excessives ») : « D’ailleurs, les metteurs en scène qui ont le mieux monté Tchekhov sont des Italiens ! »

À ceux qui nous auraient lu jusque-là (oui, toi) – merci.

Coda – Deux spectacles, le temps n’est pas illimité, certains choisiront – l’un… ou l’autre. Je ne pourrai les aider. Les spectacles sont très différents, comme Tolstoï et Tchekhov – mais également réussis. J’ai parlé de « géographie littéraire » au début de ce billet. J’ajouterai qu’il y a aussi les « affinités électives » – et que chacun(e) tranchera, selon sa plus ou moins grande proximité avec Tchekhov – ou avec Tolstoï. Deux ambiances – mais deux excellentes soirées. Donc aucun risque de se tromper de salle.


Le Bonheur conjugal, de Léon Tolstoï, adaptation et mise en scène de Françoise Petit, avec Anne Richard et Nicolas Chevereau au piano, et la participation amicale de Jean-François Balmer.  Lumière : Hervé Gary. Musique : Sonate « Quasi una fantasia » de Beethoven.
Vendredi et samedi à 19H. Dimanche à 15H. Théâtre de Poche – 0145445021 – 75 bd du Montparnasse.

Tchekhov à la folie – La Demande en mariage + L’Ours. Deux pièces de Tchekhov. Mise en scène : Jean-Louis Benoît. Avec Emelyne Bayart, Jean-Paul Farré et Luc Tremblais.
Costumes : Krystel Hamonic. Lumières : Alireza Khishipour. Scénographie : Jean Haas.
Du mardi au samedi à 21H. Dimanche à 17H. Théâtre de Poche – Montparnasse.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Ils étaient nés en 1936…

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Nicole Croisille, l’une des plus belles voix françaises et Philippe Labro, le prince des médias viennent de nous quitter. Monsieur Nostalgie se souvient…


Hier encore, un ami journaliste me demandait : C’est quoi, pour toi, l’esprit français ? Alors, je remontais à Villon, j’enjambais Rabelais, je filais chez Larbaud dans le Bourbonnais, je me risquais à flirter avec Morand, je n’oubliais pas de parler de ce bon vieux bigleux de Prévert aux paupières lourdes tout en me laissant ceinturer par le phrasé d’Aragon. Pour le narguer, j’évoquais même Jean-Pierre Rives et Yannick Noah sans oublier Carlos et Nino Ferrer. Mon cabas est profond, il n’est pas sectaire, j’y entasse les sportifs et les écrivains, les starlettes et les beaux mecs, les non-alignés et les amuseurs du dimanche, les vignes de mon pays au début de l’automne et la Seine boueuse qui vient cogner sur les quais de la Mégisserie. Chacun son folklore, chacun son identité.

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Esprits français percutés par les lueurs américaines

Et puis ce matin, la réponse m’a été donnée. La triste actualité me l’apporte sur un plateau d’argent avec ces deux actes de décès. Nicole Croisille et Philippe Labro étaient nés en 1936 à une saison d’intervalle, ils étaient dans le registre des professions oisives et essentielles, c’est-à-dire le divertissement et l’art populaire, la chanson frissonnante et le cinéma d’élite, deux figures de mon enfance, deux visages qui charrient tant de souvenirs. Je pourrais affirmer aujourd’hui à cet ami qu’ils incarnaient l’esprit français bien que ces deux-là eussent été très tôt percutés par les lueurs américaines ; planaient sur leur tête, le parfum de JFK et les boîtes de jazz de New-York. Les belles demeures des Hamptons et les voix cassées des champs de coton. Oui, c’était ça l’esprit français, l’érotisme canaille d’une chanteuse pouvant tendre son arc, de la tragédie à la comédie, moduler ses cordes à nous arracher des larmes et nous emplir d’une joie frivole et puis, cet aventurier des salles de presse, cet ambitieux qui, du journalisme au cinéma, de l’écriture aux paroles d’un tube, d’une radio luxembourgeoise aux studios Eclair d’Épinay-sur-Seine, voulait goûter à tous les plaisirs et à tous les honneurs.

Ogres de travail

En leur temps, ces deux personnalités ont été célébrées, primées, jalousées, moquées, tendrement aimées pour leurs défauts visibles, ils agaçaient car tout semblait leur réussir ; benoîtement, ils nous donnaient de leurs nouvelles en passant à la télévision chez Guy Lux ou Drucker, chez Pivot ou au micro de RTL. Ces deux personnalités publiques étaient des ogres de travail. Le grand âge arrivant au galop, elles n’avaient pas complètement disparu de nos imaginaires. À chaque fois, même affaiblies par les pépins de santé, on les trouvait dignes et élégantes, piquantes et courtoises sans être trop mielleuses, ce qui est un exploit dans les métiers de communication. Dans une France qui valide tant de fausses valeurs et de pleurnicheurs du soir, ces deux-là conservaient une forme d’élégance dans leur apparence et leur propos. Ça paraît peut-être banal, ridicule, anecdotique, mais à l’heure des sauvageries et des faillites intellectuelles, on se sentait bien avec eux, on n’avait pas honte de nos artistes.

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Dans nos provinces, on trouvait même que Nicole, son carré court blanc éclatant et ses mains d’harpiste et Philippe, sa gueule d’acteur et son allure d’éternel étudiant de la Ivy League donnaient du lustre à notre nation. Avec eux, on se sentait respectés. Compris. Ce matin en apprenant leur disparition, j’ai eu deux flashs. J’ai revu Nicole en duo avec Mort Shuman à Genève pour une émission enregistrée en public sur la RTS. Ensemble, ils interprètent au débotté, naturellement comme seuls les grands professionnels savent briller ; ça semble improvisé, facile, ils se chambrent, ils se taquinent, ils s’apprivoisent, ils nous amusent. Leur duo est drôle et d’une intelligence folle. Mort donne la note au piano, et Nicole enflamme l’auditoire, elle envoie les mots de « Parlez-moi de lui » tout en puissance cristalline. Elle foudroie. Elle nous terrasse. Elle est géniale de charme et d’émotion. Elle nous transperce. Nicole en robe lamée, prend possession de nos friches intérieures, à la manière d’une Barbra Streisand. Quand je repense à Philippe, ce sont des noms qui surgissent, des codes personnels : Bart Cordell, la famille Galazzi, le nonce, etc… J’aime le cinéma de Labro qui n’était pas comme celui de tous ces réalisateurs révolutionnaires subventionnés car il aimait sincèrement les puissants. J’aimais son manichéisme soyeux. J’aime L’Héritier, L’Alpagueur et même Rive droite, rive gauche. J’aime le triangle amoureux, Jean-Paul entouré de Maureen Kerwin et de Carla Gravina. J’aime passionnément Charles Denner. Nicole et Philippe étaient des artistes car ils nous ont fait changer de peau. Parlez-nous encore longtemps d’eux !

Monsieur Nostalgie

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La perte de contrôle de l’État sonne la fin d’un monde

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De concert, MM. Philippe, Retailleau, Attal ou Darmanin déplorent l’ensauvagement de la société et fustigent le laxisme de la justice française, à la suite des émeutes et pillages ayant suivi la victoire du PSG. Mais le peuple français sera-t-il prêt à « renverser la table » avec ceux-là mêmes qui sont au pouvoir depuis des années, sans avoir su faire preuve de la fermeté qu’ils réclament aujourd’hui ?


« Je suis en colère », dit Edouard Philippe, ancien Premier ministre, à la une du Point. « Je suis en colère, comme beaucoup de Français », a semblablement déclaré Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, lundi, en réaction aux violences urbaines, majoritairement issues de cités d’immigration, ayant accompagné la victoire du PSG samedi soir à Munich, en Ligue des champions. « Il faut faire évoluer radicalement la loi », a renchéri mardi Gérald Darmanin, garde des Sceaux, après les premiers jugements bienveillants rendus contre les interpellés.

Implacable toi-même !

Emmanuel Macron avait déclaré, dimanche : « Nous poursuivrons, nous punirons, on sera implacables »… Seul François Bayrou, Premier ministre, a gardé le silence; peut-être pour faire oublier son angélisme qui lui faisait dire en 2007 que « même dans la plus lointaine banlieue on est heureux d’être français ». Un vent de panique souffle sur le gouvernement. Il ne maîtrise plus rien. L’État a perdu le contrôle des finances publiques, de l’immigration de masse, de la transmission culturelle, du maintien de l’ordre, des réponses pénales. L’abandon du pouvoir saute aux yeux, même s’il mime encore l’autorité en interdisant de fumer sur les plages ou les parcs dès le 1er juillet ou en ayant convoqué lundi les patrons des réseaux sociaux pour tenter de les contrôler. Or ce sont ces réseaux libres qui sont devenus indispensables à la démocratie. Ils ont, une fois de plus, brisé le récit officiel melliflu répercuté par les médias dominants s’arrêtant à la version unique d’une rencontre sportive « bon enfant », d’une « liesse populaire ». Ce n’est que mardi que Le Parisien a titré : « Quelle honte ! » en évoquant enfin « deux nuits de saccage ». Mais que diable est allé faire Retailleau dans cette galère ! Son salut est dans la démission.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro en vente aujourd’hui: Causeur #135: A-t-on le droit de défendre Israël?

On coule

La colère française ne se reconnaitra jamais dans les désolations partagées des politiques : ils ont avalisé ce système qui prend l’eau. Une rupture radicale avec ce monde dépassé permettra de remettre les esprits à l’endroit. En cela, le ministre de l’Intérieur, qui porte une alternative crédible, n’a aucun intérêt à cautionner plus longtemps un centrisme incapable de s’autoréformer. La décision des députés, l’autre jour, de supprimer les ZFE (zones à faible émission) a été prise après la mobilisation de la société civile, menée par Alexandre Jardin sur les réseaux sociaux. Cette France invisible, qui s’éloigne des médias traditionnels et des partis de gouvernement, est appelée à s’affirmer dans le débat public en usant des nouveaux outils de communication et de son bon sens du terrain.

Face à elle, la caste est condamnée à se caricaturer dans un entre-soi salonnard cherchant à se protéger d’un « populisme » qui n’est que le désir des gens de corriger cinquante années d’erreurs idéologiques.

L’image que donne la France au monde, avec ces intifadas dans les villes et ces communautés qui s’affrontent dans un racisme parfois meurtrier, est effrayante. Entendre le chef de l’État remercier le Qatar, propriétaire du PSG depuis 2011, alors même que cet État soutient les Frères musulmans, le Hamas et l’islamisation des cités, est révoltant de légèreté. Tout ce monde doit partir. Il faut tout reconstruire.

Causeur: A-t-on le droit de défendre Israël?

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Jamais la réprobation d’Israël n’avait atteint un tel paroxysme. L’accusation de génocide se banalise, bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes. Tel est le constat d’Elisabeth Lévy qui présente notre dossier spécial. « Israël est devenu l’autre nom du mal ». Et l’interminable guerre de Gaza divise les soutiens d’Israël. À l’instar de Delphine Horvilleur, certains dénoncent publiquement la poursuite de la guerre et les attaques de Netanyahou contre l’État de droit, suscitant colère et désarroi dans la rue juive. Pour Gil Mihaely, les critiques de Delphine Horvilleur mêlent – et emmêlent – position morale et opinion politique. Elles réveillent une querelle profonde née de la tension entre deux définitions du judaïsme, théologique et politique. Alors que la synthèse israélienne ne permet plus de réduire les fractures qui traversent le monde juif, il est urgent de penser l’État juif. Il s’agit aussi, nous explique Noémie Halioua, d’une longue tradition d’affrontements internes quasi constitutive de l’identité israélienne. Les détracteurs de Delphine Horvilleur ne lui reprochent pas d’exprimer ses idées, mais de se parer d’une supériorité morale pour les défendre.

Le numéro de juin est disponible aujourd’hui sur le site Internet, et demain chez votre marchand de journaux.

Denis Olivennes, qui se confie à Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, a soutenu Israël dans sa guerre contre le Hamas. Mais face à la tournure du conflit, le président d’Éditis et de CMI France dénonce désormais la politique menée par Benjamin Netanyahou qu’il estime prisonnier de l’extrême droite. Le risque étant de voir l’État juif devenir un État paria. Selon lui, « être juif, c’est une exigence morale. Même pour un État ». Pour l’historien Georges Bensoussan, la tribune de Delphine Horvilleur reflète la fracture entre la rue juive et les notables de la communauté. Selon lui, les personnalités qui accusent Israël de faillite morale sont d’abord soucieuses de leur respectabilité sociale et médiatique. Vincent Hervouët, grand spécialiste de politique estrangère, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy, a couvert suffisamment de conflits pour ne pas prendre pour argent comptant la communication des belligérants et se méfier des analyses moralisantes. Une qualité rare au sein d’une profession si conformiste. Enfin, Philippe Val, l’ancien patron de Charlie Hebdo, qui se confie aussi à notre directrice de la rédaction, pense que dans cette période de grande tension, où tous les Juifs du monde sont tenus pour responsables de la politique de Netanyahou, il est inopportun d’accabler Israël. « La critique du gouvernement israélien est légitime, la condamnation morale du pays me semble bien imprudente ».

Frères musulmans : mission invisible

Causeur consacre un mini-dossier à l’activisme des Frères musulmans en France dont le rapport Gouyette-Courtade décrit les réseaux solides, les stratégies masquées et les menaces réelles. Comme le soulignent Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques dans leur introduction, les médias et la gauche dénoncent l’islamophobie, la stigmatisation et l’amalgame. Pour eux, le problème n’est pas l’islam séparatiste mais la droite Retailleau. La vraie limite du rapport, c’est qu’il ne propose pas de nouvelles mesures fortes pour endiguer la progression de l’islamisme politique en France. Spécialiste mondialement reconnu de la Syrie, Fabrice Balanche sait parfaitement de quoi les Frères musulmans sont capables et n’hésite pas à le dire. Il livre son témoignage à Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques. Enragés par sa lucidité et son expertise, les islamo-gauchistes qui règnent à Lyon 2 depuis des années tentent de le faire taire. Pas sûr qu’ils y parviennent. Céline Pina enquête sur l’islam politique au niveau local en France, où pour consolider leur base électorale, des élus municipaux cèdent au clientélisme communautaire, pendant que j’explique comment le Royaume Uni est devenu la tête de pont des organisations islamistes internationales pour conquérir l’Europe.

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente les accusations de « diffusion d’images à caractère pornographique de mineurs » portées contre Bastien Vivès. Le seul crime de l’ex-enfant chéri de la BD française, c’est d’avoir dessiné certaines joyeuses obscénités. Pourtant, il a été traité, au cours d’une enquête, comme s’il avait potentiellement commis des actes de pédo-criminalité. Ses livres sont retirés de la vente et il fait l’objet de tombereaux d’insultes sur les réseaux sociaux. Devant les arguments de son avocat, Richard Malka, expliquant la différence entre la réalité et la fiction, et soulevant une question de compétence territoriale, le procès a été renvoyé et n’aura peut-être jamais lieu. Conclusion : « la Justice se ridiculise quand elle prétend combattre le mal en interdisant sa représentation ».

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Nicolas Bedos est lui aussi victime d’une tentative de mise à mort sociale par les nouvelles ligues de vertu. Il raconte sa descente aux enfers de MeToo dans La Soif de honte. Pour Elisabeth Lévy, ce que lui reproche le tribunal médiatico-féministe, au-delà des faits pénalement repréhensibles, c’est d’avoir été un séducteur volage et égoïste. Sous couvert de justice, il s’agit d’imposer une nouvelle morale. Voulez-vous mourir légalement assisté ? La réponse de Cyril Bennasar est : « Plutôt crever ! » Selon lui, la mort souffrait d’un vide juridique, la loi euthanasie l’a comblé. Le monde flou du privé, de l’intime et du discret a vécu, le droit et la transparence s’imposent. On mourra désormais dans le cadre prévu pour, assisté et couvert légalement. Loup Viallet a enquêté sur Awassir, une association parrainée par le président Tebboune et hébergée par la Grande mosquée de Paris, dont l’objectif est de transformer la diaspora en une force politique au service du régime d’Alger. Se confiant à Bérénice Levet, le géographe Christophe Guilluy approfondit sa réflexion sur la France périphérique. Délaissant les chiffres pour les lettres, son nouvel essai prend la forme de la fable, pour mieux décrire le fossé qui sépare les élites déconnectées des gens ordinaires.

Parmi nos chroniqueurs réguliers, Olivier Dartigolles parle de la faillite et du déshonneur de tous ceux à gauche qui, pour des raisons électoralistes, n’entérineraient pas une rupture définitive avec LFI. Emmanuelle Ménard nous entretient de l’euthanasie, du débat télévisé du chef de l’État et du complotisme d’Aymeric Caron. Jean-Jacques Netter se penche sur le coût de nos prisons, le prix de l’électricité, et les promesses du gouvernement de supprimer un tiers des comités Théodule de la République. Pour Ivan Rioufol, le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Enfin, Gilles-William Goldnadel ne revient pas de la tribune, publiée par 900 artistes en marge du Festival de Cannes, qui condamne le « silence » sur le « génocide » à Gaza.

Côté culture, la chanteuse et comédienne Caroline Loeb raconte à Yannis Ezziadi ses années Palace. Elle a été une des créatures peuplant les nuits de la boîte mythique du Faubourg-Montmartre. Le Tout-Paris s’y mêlait à des inconnus hauts en couleurs dans un tourbillon de fêtes, de sexe, de drogue et de créativité. Jonathan Siksou nous raconte la vie en rose : au cœur d’une nature préservée adossée à la colline de Grasse, les jardiniers de Lancôme entretiennent avec passion le Domaine de la Rose. Ce conservatoire horticole dédié aux professionnels de la parfumerie ouvre ses portes au grand public. Julien San Frax fait le portrait du communiquant Timothée Gaget qui bataille sur la scène médiatique pour défendre ceux qui font le « made in France », et Emmanuel Tresmontant rend hommage à « La tribune des critiques de disques », cette émission qui, chaque dimanche après-midi sur France Musique, réunit critiques et musiciens animés par un idéal de beauté pour débattre interprétation et direction d’orchestre.

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Dans les romans de Mario Vargas Llosa, il y a des pages magnifiques sur les liens qui unissent l’homme et la femme. Georgia Ray met en valeur le côté furieusement érotique du prix Nobel de littérature. Le goût de l’érotisme n’était pas étranger non plus au grand acteur, Michel Simon, mort il y a 50 ans, dont Pascal Louvrier nous rappelle la boulimie de travail (150 pièces, 140 films). Vincent Roy nous présente le nouveau roman de Jean Le Gall qui plonge dans les méandres de la crise existentielle d’un homme politique dans la Rome des années 1960, tandis que Jean Chauvet parcourt les salles obscures où il trouve un Denis Podalydès en majesté, un réjouissant polar camerounais et une comédie bobo insupportable. « Bobo » et « insupportable » ? Pour nos lecteurs, il ne peut s’agir au fond que d’une tautologie…

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On cherche une vigie de la sécurité…

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L'avocat Patrice Spinosi © NIVIERE/SIPA

L’avocat Patrice Spinosi s’inquiète de prétendues dérives illibérales en France et explique, dans son livre Menace sur l’État de droit (Allary Éditions), comment nos institutions pourraient être mises en quelques semaines sous la coupe d’un pouvoir pourtant conquis légalement — par «qui vous savez». À l’heure où les actuels garde des Sceaux et ministre de l’Intérieur dénoncent le laxisme, les alertes de celui que la presse qualifie de «vigie de nos libertés» paraissent totalement déconnectées de la réalité.


Des vigies des libertés, on en a pléthore. Des défenseurs de l’État de droit intangible, on en a une multitude. Des humanistes prêts à faire endurer le pire jusqu’au dernier citoyen français, on en surabonde !

Certes ils n’ont pas tous la même qualité ni le même savoir que Patrice Spinosi, avocat près la Cour de cassation et le Conseil d’État, qui fait l’objet d’un portrait élogieux par Stéphane Durand-Souffland dans Le Figaro et dont le titre est précisément « Patrice Spinosi, vigie des libertés ». Aujourd’hui ce sont des « vigies de la sécurité » qui nous manquent.

Parce que cette exigence fondamentale pour la tranquillité publique, pour la protection des biens et des personnes, pour la sauvegarde des plus modestes qui ont le droit de disposer au moins de cet élémentaire capital qu’est leur sûreté, et pour une démocratie apaisée, n’est pas aujourd’hui servie comme elle le devrait.

Les élites encore épargnées par l’ensauvagement de la société

Dans cet arbitrage sans cesse à effectuer entre nos libertés et notre sécurité, les premières gagnent trop souvent parce qu’elles fleurent bon le progressisme, elles relèvent de l’attitude des belles âmes, des sensibilités délicates et se qualifiant elles-mêmes d’élite, elles ne sont pas gangrenées par la contagion de l’utilitarisme ni du pragmatisme, le réel ne les insupporte pas puisque globalement il leur demeure étranger. La passion pour les libertés est le havre de sérénité et de bonne conscience d’une société privilégiée qui regarde de loin les malheurs de la masse et profondément s’en lave les mains.

A relire, Elisabeth Lévy: L’État de droit, c’est plus fort que toi !

Si on feint de pouvoir cultiver également les libertés et la sécurité, on sait bien que c’est impossible. La sécurité sera toujours perdante puisqu’elle pèse moins dans la tête des pouvoirs et dans l’esprit collectif, malgré les apparences. La rançon de l’État de droit est claire et sans équivoque : il fait mourir la France à petit feu… mais dans les formes…

Il faut reconnaître à Patrice Spinosi le mérite de la franchise. Il manifeste avec éclat et talent ce qui se cache derrière l’obsession actuelle de l’État de droit dont pour ma part je ne souhaite évidemment pas la disparition mais l’adaptation.

L’État de droit : une vache sacrée ?

Ce n’est pas une vache sacrée et l’état de la France, menacé aussi bien de manière interne que par des dangers externes, impose de réfléchir à l’élaboration d’une légalité qui ne ferait pas fi de l’efficacité. Ce qui compte n’est pas la perfection formelle de nos démarches juridiques, quelles que soient les juridictions saisies – le Conseil constitutionnel nous offre assez régulièrement des exemples de pureté totalement détachés de la défense sociale et de la protection des citoyens et de leur identité – mais la manière dont le droit, dans ses structures essentielles sans lesquelles nous serions réduits à une « sauvagerie » légale, peut s’accorder avec la finalité ultime d’une civilisation mise en péril un peu plus gravement, parfois horriblement chaque jour : ne pas sombrer, ne pas disparaître à cause d’une impuissance trop longtemps théorisée en dignité et en tolérance.

Patrice Spinosi, qui voit des populismes partout – ceux qui ne partagent pas sa conception de l’État de droit – décrète « qu’un populiste arrivant au pouvoir considère comme illégitime tout contre-pouvoir. Et impose une dictature de la majorité qui s’en prend prioritairement aux minorités de tous ordres. Or nous sommes tous la minorité de quelqu’un d’autre ».

Le procès expéditif est lancé avec une brillante mauvaise foi. Patrice Spinosi n’est peut-être pas « un activiste » ni un « indigné professionnel », comme l’exclut son ami François Sureau, il demeure que sa définition du populisme est tellement large qu’il intègre dans sa dénonciation « Laurent Wauquiez et d’autres qui désignent l’État de droit comme l’ennemi à abattre ». Personne n’a été assez sot dans le camp conservateur pour aspirer à un tel extrémisme.

A lire aussi, Thomas Morales: Ils étaient nés en 1936…

Derrière son argumentation, Patrice Spinosi cache en réalité la condescendance, voire le mépris des élites pour ce peuple dont la simplicité d’esprit et la vulgarité le conduisent même à s’occuper de ce qui le regarde et qui les indiffère parce qu’elles vivent dans le ciel des abstractions quand la majorité des citoyens sont confrontés à une quotidienneté qui les laisse brutalement sur terre.

Le virage quasi-« populiste » de Philippe Bilger !

Au risque d’être étiqueté membre d’une telle cohorte indigne, des événements récents, sur les plans national et international, loin de me démontrer l’urgence d’un État de droit statufié et impuissant pour mille raisons, m’ont convaincu que le scandale était ailleurs : dans la gravité des transgressions, des crimes et des délits et le caractère ridicule du traitement judiciaire ou administratif qu’on leur appliquait. On prétendait combattre l’enclume avec une mouche.

La remise en cause de l’État de droit, en le dépouillant de ses facettes bureaucratiques, de son incurable lenteur et de ses incompréhensibles contradictions (l’exemple de l’autoroute A69 est éclairant), serait une chance démocratique. Et un bonheur de simplification pour tous. Il n’est donc pas anormal, dans l’alternative entre libertés et sûreté, faute de pouvoir concéder de manière équitable aux deux branches, de s’en tenir fermement à la seconde qui garantira la protection de la société en me privant d’un zeste de ma liberté.

Patrice Spinosi, dont l’intelligence et la finesse sont indiscutables, devrait prendre conscience du fait que c’est en jetant le peuple par la fenêtre de la démocratie qu’on fera entrer par la porte le vrai danger de la République : le risque que face au réel, son déclin soit plus accompagné qu’entravé par un État de droit trop mythifié.

Menace sur l'état de droit

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Despentes glissante

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© Teresa Suarez

Virginie Despentes se lance dans la mise en scène au théâtre, et la critique s’évanouit d’admiration une nouvelle fois ! C’est qu’avec Romancero queer, saluée par France culture comme une «ode aux identités plurielles» , l’écrivaine dynamite les clichés et casse les codes. Succès garanti


Dans le numéro de mai des Inrocks (rédactrice en chef : Juliette Binoche), le journaliste Jean-Marie Durand est très heureux de nous présenter la nouvelle production théâtrale de Virginie Despentes. La chose s’appelle Romancero queer. Elle est censée être « une réflexion galvanisante sur la force du collectif contre les vents réactionnaires ».

C’est alléchant. Ça l’est d’autant plus que Virginie Despentes, en passant du roman au théâtre, n’a rien perdu de « sa nervosité critique », affirme le journaliste culturel en s’interrogeant :« Comment écrire dans un climat général marqué par un nouvel obscurantisme réactionnaire en guerre contre les minorités ? » Heureusement, dressée contre les vents contraires, Virginie Despentes « établit un continuum naturel entre les luttes qu’elle porte ».

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C’est passionnant. Romancero queer conte l’histoire de huit personnages qui se retrouvent pour adapter La Maison de Bernarda Alba, pièce de Federico Garcia Lorca « mise en scène par un sexagénaire hétéro blanc qui souffre d’une sciatique aiguë » – sans doute une manière subtile d’aborder le délicat sujet des pathologies inhérentes au monde théâtral, monde dans lequel intermittents du spectacle vermoulus et metteurs en scène arthrosés se heurtent aux mêmes écueils que le pékin moyen lorsqu’il s’agit de trouver un rhumatologue.

C’est habile. France Culture estime que « Romancero queer est une ode scénique aux luttes et aux identités plurielles ». C’est très intéressant. Télérama s’enflamme : « Virginie Despentes dynamite la scène avec une troupe omnigenre. » Il y a bien « quelques scènes théoriques et longuettes », mais rien qui puisse gâcher le plaisir. Après tout, et c’est le plus important, Virginie Despentes « torpille les clichés sociaux ».

C’est très original. Et puis, écrit encore Jean-Marie Durand pour appâter le révolutionnaire qui sommeille en chacun de nous, « au pays des connards et des fachos, les romances queers donnent de l’ardeur au combat ». C’est très… très… bref, ça vaut sûrement le détour. D’ailleurs, Romancero queer, qui se joue au Théâtre de La Colline jusqu’au 29 juin, affiche d’ores et déjà complet.

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L’inattendue

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La nouvelle petite fiancée des Français, la tenniswoman Loïs Boisson, a de sacrés biscotos ! Paris, 4 juin 2025 © Christophe Ena/AP/SIPA

Si ce n’est pas franchement la spécialité de votre gazette préférée, reconnaissons que le sport est parfois magique ! En éliminant hier, mercredi, à Roland-Garros, la Russe Mirra Andreeva, numéro 6 mondiale, la Française Loïs Boisson accède aux demi-finales…


Elle se nomme Loïs Boisson. Voilà encore trente-six ou soixante-douze heures personne ne la connaissait. Du moins en dehors du petit monde des obscurs du circuit tennistique. À présent, on sait tout d’elle, ou presque. Française, née à Dijon (Côte d’Or), vingt-deux ans, 1,75 m, droitière, revers à deux mains, fille du basketteur Yann Boisson.

Deux matchs gagnés, deux matchs de haut niveau nous la révèlent. Qu’importe au fond la suite du tournoi. Ce qui est acquis est acquis, ce qui est engrangé est engrangé. On peut anticiper les titres et commentaires de la presse. « Sur la terre battue de Roland Garros, éclot une étoile », « La renaissance du tennis français au féminin », « La nouvelle petite fiancée de la balle jaune ». Ou bien pire encore en matière de dithyrambe. Nous verrons bien.

Ni starlette, ni grande gueule

Il n’empêche, cette jeune femme nous fait du bien. Pas seulement parce que, issue du fond du classement, arrivée à la porte d’Auteuil sur invitation, elle est parvenue à se hisser là où on ne l’attendait pas, mais surtout par la manière qu’elle a d’être ce qu’elle est, de faire ce qu’elle fait. Simple, résolue, d’une sobriété impressionnante dans ses réactions, exemplaire dans son comportement sur le cours et en dehors. Souriante en interview, mesurée dans ses propos tout en confessant sans forfanterie ni feinte modestie son ambition « d’aller au bout ». Cela nous change des exubérances déplacées et surjouées de certains compétiteurs – Français notamment – au moindre point gagné, au moindre but marqué. Elle, tout au contraire, placide, impassible, faussement nonchalante entre les points, d’apparence presque fragile mais armée d’un sang-froid et d’un flegme qu’on dirait made outre-manche, ne peut que surprendre en effet. Et séduire.

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Donc, jaillissant de quasi nulle part, surgissant du Diable Vauvert comme se serait certainement enflammé un certain Léon Zitrone de cathodique mémoire, elle rayonne. Tranquillement, sans esbroufe. Et, ça fait rêver.

C’est du délire

Rêver pour le prochain Tour de France. Un Français enfin, de jaune vêtu au sommet de la Butte Montmartre, un gars, lui aussi, échappé du fin fond du peloton, un ci-devant porteur de bidons. Bref, un continuateur sur la voie tracée par notre Loïs (je me permets ce « notre Loïs » parce que dorénavant la France entière l’aura adoptée).

En attendant par ailleurs – mais là on frise le délire – une autre compétition, celle du printemps 2027 où un sans grade ou presque, également sorti du marais, mais rompu aux réalités du pays profond, nanti d’un caractère d’airain et de convictions bien réelles, pourrait venir, impitoyable et magistral, renvoyer la clique des prétendants de profession à leurs chères études. Quel pied ! Comme on dit quand on se lâche à la bonne franquette.

La jeune fille de Roland Garros nous fait certes rêver, nous instillant mine de rien quelque chose comme une espèce d’appétence pour  l’inattendu.

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Israël, le déchirement

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Des soldats israéliens en opération dans la bande de Gaza, 19 mai 2025 © srael Defense Forces/Handout via Xinhua/SIPA

Jamais la réprobation d’Israël n’avait atteint un tel paroxysme. L’accusation de génocide se banalise, bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes. Et l’interminable guerre de Gaza divise les soutiens d’Israël. À l’instar de Delphine Horvilleur, certains dénoncent publiquement la poursuite de la guerre et les attaques de Netanyahou contre l’État de droit, suscitant colère et désarroi dans la rue juive


C’est un torrent, un déferlement, un tsunami. Israël est devenu l’autre nom du mal. À l’Eurovision, de grandes âmes défendent les enfants palestiniens en insultant une jeune femme qui a eu le mauvais goût de survivre au 7-Octobre, cachée sous les corps de ses amis. Au Festival de Cannes, à défaut de robes coquines proscrites par mesure de décence, la Palestine se porte en bandoulière, et pas la Palestine-deux-États, la Palestine-de-la-Mer-au-Jourdain. Sur les campus européens et américains, on affiche sa compassion en vomissant l’État juif à jet continu. Chaque jour, une corporation monte au créneau pour dénoncer un prétendu génocide, chaque jour des voix se lèvent pour exiger qu’Israël soit mis au ban des nations, chaque jour, les terribles nouvelles de Gaza effacent un peu plus les corps suppliciés le 7-Octobre. Et chaque jour, une déclaration épouvantable émanant de l’un des « ministres maléfiques » du gouvernement Netanyahou, pour reprendre la formule d’Alain Finkielkraut, est brandie pour justifier la libération de la parole antisémite.1 Smotrich est raciste, donc Israël est raciste, donc les juifs sont racistes.

Macron botte en touche

Curieusement, la gaffe de Thierry Ardisson proférant « Gaza, c’est Auschwitz » a fait scandale. Or elle a exactement la même signification que l’accusation de « génocide » – Israël = SS. Si Israël commet un génocide, donc quelque chose qui ressemble à la Shoah, alors oui Gaza ressemble à Auschwitz. Or, désormais, ce terme infamant, qui porte une demande de sanctions et de lâchage, fait florès bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes qui l’ont acclimaté. Trois cents écrivains, parmi lesquels les inévitables Annie Ernaux et Nicolas Mathieu, demandent, dans un texte collectif, des sanctions contre Israël.2

On dira que ce sont les grandes âmes professionnelles. Sans doute. Mais on ne peut pas leur reprocher d’ignorer les victimes juives : « Tout comme il était urgent de qualifier les crimes commis contre des civils le 7 octobre 2023 de crimes de guerre et contre l’humanité, il faut aujourd’hui nommer le “génocide”», écrivent-ils. Sur TF1, le président de la République botte en touche, mais ne récuse pas le terme. Jamais Israël n’a été aussi réprouvé. Et jamais le monde juif, là-bas comme ici, n’a été aussi déchiré : entre laïques et religieux, juifs de gauche et juifs de droite, populo et notables (voir le texte de Noémie Halioua). En France, c’est Delphine Horvilleur qui ouvre le feu et cristallise les passions avec un réquisitoire où il est question d’une « politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire ».3

L’esprit du débat talmudique mis à l’épreuve

On dirait que cette personnalité insoupçonnable a levé un interdit, car dans la foulée de nombreux amis de l’État juif, juifs ou pas, s’expriment publiquement dans le même sens, déclenchant en retour une salve de ripostes émanant de personnalités très diverses. Bien entendu, les critiques d’Horvilleur et des autres ne peuvent en aucun cas être confondues avec les vociférations mélenchonistes. On peut les contester, pas mettre en doute le fait que leurs auteurs veulent le bien d’Israël. Personne n’a le monopole du sionisme et de sa définition. Refusant que ces désaccords, aussi douloureux soient-ils, rendent le dialogue impossible, nous avons tenu à donner la parole à toutes les sensibilités. C’est le moment de se rappeler que les juifs ont inventé la discussion talmudique. C’est précisément quand un désaccord est âpre qu’il faut se faire violence pour comprendre la position adverse.

Dans le monde juif et « pro-juif » français, la discorde ne peut être réduite à une opposition entre contempteurs et admirateurs inconditionnels de Bibi. Pour tous ceux qui sont attachés à l’existence d’un État juif et démocratique, chaque manquement israélien, chaque brèche dans l’image de « l’armée la plus morale du monde », chaque image de famille détruite est un crève-cœur. La propagande existe, mais elle n’explique pas tout. De plus, alors que Netanyahou joue un jeu dangereux avec la Cour suprême, on a des raisons de penser que, dans « la seule démocratie du Proche Orient », l’État de droit est menacé. Le désaccord porte donc moins sur le fond que sur l’opportunité. Alors qu’Israël est lâché de tous côtés, y compris par l’Amérique et ne parlons pas de l’Europe, où nombre de pays songent sérieusement à reconnaître la Palestine alors que, comme l’a souligné Franck Tapiro, créateur du groupe militant DDF (Diaspora Defense Forces), ladite Palestine détient toujours des otages, fallait-il prendre le risquer de conforter ses ennemis ?

Deux gauches, deux approches, une même inquiétude

Denis Olivennes et Philippe Val appartiennent à la même famille idéologique, la gauche libérale et républicaine. Pourtant le premier est convaincu qu’il faut parler des fautes israéliennes pour le bien d’Israël, quand le second préfère se taire de peur de faire tourner le moulin antisémite.

Finalement, c’est la vieille question de Camus qui ressurgit : entre ta mère et la Justice, entre ta mère et la vérité, que choisis-tu ? Chacun doit répondre pour soi. Alain Finkielkraut n’a aucun doute : « Jamais je n’ai renoncé et jamais je ne renoncerai à l’exigence de vérité pour des raisons d’opportunité », tonne-t-il au cours d’une discussion passablement orageuse. Le philosophe entend continuer à se battre sur deux fronts : contre la haine d’Israël et des juifs d’un côté, contre la politique désastreuse d’Israël de l’autre. Reste à espérer qu’il ne perdra pas les deux batailles.


  1. Alain Finkielkraut : « Une bonne conscience antisémite s’installe un peu partout dans le monde », Le Figaro, 26 mai 2025. ↩︎
  2. « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut aujourd’hui nommer le “génocide” à Gaza », par 300 écrivains, AFP, 26 mai 2025. ↩︎
  3. « Gaza/Israël : Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire », Delphine Horvilleur, Tenoua, 7 mai 2025. ↩︎

Lula: un anti-trumpisme d’opérette

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Le président Lula et son épouse Rosangela à Brasilia, le 7 septembre 2023 © Eraldo Peres/AP/SIPA

Au Brésil, le président Lula se pose en adversaire résolu de Donald Trump. D’après notre correspondant à Sao Paulo, ces bruyantes protestations permettent surtout au leader socialiste de ne pas parler de son système verrouillé de l’intérieur et insignifiant à l’extérieur.


Dans la famille da Silva, je vous présente Rosangela, l’épouse du président Lula. Tout le monde l’appelle « Janja ». Ancienne cadre dans le secteur de l’énergie, elle aurait, dit-on, inventé le slogan de réélection de son mari  (« L’amour vaincra la haine »), peu de temps après l’avoir épousé en 2022. Mais c’est avec une formule beaucoup moins amène que la quinquagénaire a accédé à la notoriété planétaire, le 16 novembre à Rio de Janeiro lors d’un colloque altermondialiste.

Ce jour-là, alors que Janja s’exprimait, micro à la main, au milieu de jeunes gens acquis à sa cause, un bruit étrange a soudain retenti dans la salle. Rien de grave, sans doute une ampoule qui venait d’éclater. Sauf que l’espace d’un instant, l’hypothèse fantaisiste d’un attentat fomenté par Elon Musk a traversé l’esprit de la première dame, qui, pour faire rire son auditoire, a lancé, en anglais, sous les applaudissements : « Fuck you, Elon Musk ! »

Étalement de vertu

On ne saurait mieux résumer l’état d’esprit de l’élite brésilienne de gauche face à l’alternance politique qui vient d’avoir lieu aux États-Unis. Dans le pays, colère, rage et hystérie sont partout. Par exemple, si vous ouvrez votre poste, vous verrez les présentatrices Daniela Lima et Andreia Sadi, équivalentes respectives de Léa Salamé et d’Apolline de Malherbe, faire la moue à chaque fois qu’elles prononcent le nom de Donald Trump. Un étalement de vertu beaucoup plus décomplexé que ce que l’on observe en Europe dans les milieux médiatico-politiques. Au Brésil, si les progressistes sont indignés par le nouveau locataire de la Maison-Blanche, ce n’est pas à cause de ses positions sur l’Ukraine, Gaza ou le libre-échange, mais parce qu’il a sorti brutalement Lula de sa zone de confort.

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Durant le mandat de Joe Biden, le président brésilien jouissait du « parapluie médiatique et diplomatique américain ». Il était applaudi à Washington à chaque fois qu’il arrivait à mettre des bâtons dans les roues, avec ses méthodes déloyales, de quiconque, dans le camp conservateur, avait une chance de le battre lors de la prochaine élection en 2026, à commencer par Jair Bolsonaro, son prédécesseur, condamné en 2023 à huit ans d’inéligibilité par le Tribunal supérieur électoral (TSE). Censure, entorses aux droits de la défense, poursuites engagées sur la base de crimes qui n’existent pas dans le code pénal, tout était pardonné à Lula au nom de la lutte contre le populisme, les fake news et les « discours de haine ».

Occupée par des dossiers plus brûlants, la nouvelle administration Trump n’a pas encore eu le temps de traiter le cas du Brésil. Mais tout porte à croire que plusieurs opérations mijotent à feu doux. En mars, des membres républicains du Congrès de Washington ont déposé un projet de loi pour annuler le visa d’Alexandre de Moraes, le président du TSE. Un élu républicain, Rich McCormick, vient même de suggérer à Trump de confisquer tous les biens enregistrés aux États-Unis au nom de ce précieux allié de Lula. Sueurs froides dans les cercles du pouvoir brésilien, où l’on apprécie la Floride et ses belles propriétés en bord de mer.

Le Sud global ne se laisse pas faire

Face à ces signes avant-coureurs d’hostilité, Lula riposte d’ores et déjà. « Il ne sert à rien que Trump élève la voix depuis là où il est, j’ai appris à ne pas avoir peur des gens qui gesticulent et menacent », a-t-il déclaré, certes plus poliment que sa femme, dans un discours à Belo Horizonte le 11 mars.

Quelques jours auparavant, il s’était adressé à ses homologues des BRICS (le groupe des pays émergents les plus riches de la planète) pour les appeler à constituer une alternative au« chaos » et à « l’incertitude » provoqués selon lui par Trump. Lors de cette intervention, le président brésilien n’avait que le mot « multilatéralisme » à la bouche, comme on invoque le nom d’un saint lorsqu’on est dans une mauvaise passe. Pas sûr toutefois qu’il ait été entendu : quinze jours après, loin des instances internationales et des formats de négociation internationale classiques, la Russie, membre fondateur des BRICS, a entamé, en Arabie Saoudite, elle aussi ralliée au club, des pourparlers sur l’Ukraine avec les États-Unis.

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Lula, lui, n’est à l’aise que dans les grands forums mondiaux où l’on brasse du vent en appelant, avec des trémolos dans la voix, à l’avènement d’un futur radieux, d’une monnaie commune internationale et de Nations unies réformées. Seulement, dès que l’on met ces chimères de côté et que l’on rentre dans le concret, le président brésilien n’a aucun projet d’influence en Amérique latine, aucun désir de tisser des liens avec l’Afrique (dont son pays est pourtant l’enfant légitime), pas davantage l’intention d’occuper la place qui devrait être la sienne dans la géopolitique de l’Atlantique, ni de s’exprimer sur le choc des civilisations alors que son pays incarne une diversité relativement heureuse. Tout juste se contente-t-il d’afficher sa proximité avec Vladimir Poutine, à côté de qui il a assisté le 9 mai à Moscou à la parade de 80 ans de la victoire sur le nazisme, en présence d’une brochette de leaders autoritaires du « Sud global » : Xi Jinping, Nicolas Maduro, Alexandre Loukachenko…

Quand le Brésil se réveillera (ou pas)…

Au fond, la bourgeoisie pro-Lula veut tout simplement qu’on la laisse tranquille, isolée dans son coin, barricadée derrière les tarifs douaniers, l’insécurité juridique et l’ultra-violence de son pays. Elle veut bien des capitaux spéculatifs (des transferts d’argent d’une place boursière à une autre) mais pas d’investisseurs directs qui pourraient faire de l’ombre aux champions nationaux. Un huis clos qui profite à l’oligarchie locale. Il faut dire que le banquet est immense : services financiers, télécoms, mines, agriculture etc. On croit le Brésil ouvert sur le monde, il n’est qu’entrouvert, juste ce qu’il faut pour éviter que l’argent change de mains.

Alors certes, Trump a donné un coup de taser à l’ordre mondial et Lula, comme bien d’autres, s’est réveillé les cheveux en bataille. Mais le président brésilien est un pragmatique. Il comprendra tôt ou tard qu’il faut lâcher du lest sur la répression politique de ses opposants de droite, histoire de ne pas attirer sur lui les foudres des milieux conservateurs américains. Et il se rendra vite compte que Trump, un pragmatique comme lui, a besoin d’un Brésil faible et insignifiant, incapable de tenir son rang dans l’hémisphère ouest. En gesticulant comme il le fait, Lula rassure l’oncle Donald, car il continue ainsi de saboter son pays et de lui interdire, encore et toujours, de transformer son immense potentiel en réalité.

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L’équipe d’Israël menacée, le Tour de France en danger?

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Potenza / Naples, Tour d'Italie, 15 mai 2025 © Ferrari/LaPresse/Shutterstock/SIPA

Dimanche premier juin, le Giro s’est terminé avec la victoire du Britannique Simon Yates. Mais cette édition 2025 du Tour d’Italie cycliste aura été marquée par un événement extra-sportif mais ultra-palestinien, une opération menée contre Israël.


Le 15 mai, lors de l’étape du Tour d’Italie arrivant à Naples, se produit une scène hallucinante : alors que deux coureurs échappés déboulent dans le final avec une quinzaine de secondes d’avance sur le peloton lancé à toute vitesse, deux individus prennent pied sur la chaussée et tendent une corde, un véritable coupe-gorge. Heureusement les deux échappés en réchappent en baissant la tête et le peloton peut freiner et éviter le carnage d’une chute collective, tandis que les deux intrus sont maîtrisés manu militari.

La raison de cet attentat : protester contre la participation au Giro de l’équipe Israël-Premier Tech.

À Naples, en référence au 15 mai 1948 (soit le lendemain de la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948, quand les armées arabes déclenchèrent la première guerre israélo-arabe), des affiches et des tracts (voir notre illustration plus bas) avaient été imprimés pour inviter les  »pro-palestiniens » à venir manifester leur hostilité à l’équipe Israël-Premier Tech… ça aurait pu tourner au drame.

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Pour les non-initiés, l’équipe Israël-Premier Tech n’est pas une équipe composée de coureurs israéliens, mais une formation internationale, qu’Israël finance et sponsorise. En affichant son nom sur un maillot, Israël ne constitue pas une exception. Si depuis 1969, les équipes cyclistes portent traditionnellement le nom des marques commerciales qui les financent (Groupama, Ineos, AG2R…), depuis une dizaine d’années, certains pays musulmans entretiennent des formations (composées de coureurs de tout pays et de toute confession) et l’affichent officiellement pour soigner leur image, comme Bahrain Victorious, les Émirats arabes unis-Team Emirates, voire encore l’équipe Astana, du nom de la capitale du Kazakhstan.

Jusqu’à présent ça ne mettait aucun bâton dans les roues… Mais après le coupe-gorge de Naples, on peut craindre un retour de… bâton. Est-ce que le Tour de France, qui part de Lille le 5 juillet, est menacé ? Oui. Dans son édition du 16 avril l’organe militant « Chronique de Palestine » accusait les organisateurs du Giro d’Italia (9 mai – 1er juin), du Tour de France (5 – 27 juillet) et de la Vuelta a Espana (23 août –14 septembre) d’autoriser « honteusement » la participation d’Israël-Premier Tech, qualifiée d’équipe du génocide. Et d’inviter les partisans pro-palestiniens à venir sur le bord des routes « manifester pacifiquement ». Mais à l’heure actuelle, une telle formule, c’est un oxymore…

Tolstoï et Tchekhov au Théâtre de Poche: what else?

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Anne Richard dans "Le bonheur conjugal", de Léon Tolstoï, au théâtre de Poche-Montparnasse © Sébastien Toubon

Le Bonheur conjugal, de Tolstoï – La Demande en mariage ET L’Ours, de Tchekhov



Le Bonheur conjugal de Tolstoï, court roman (1859) ici adapté par Françoise Petit, est une petite merveille que nous ignorions. Le bonheur conjugal ? Ce sont deux étapes successives (au moins) et le glissement progressif de l’une (l’euphorie) à l’autre (l’eau grise – du quotidien, de la répétition, etc.).

L’eau grise ? Oui, comme chez Jacques Chardonne dans L’Épithalame (1921) (par exemple – mais en fait, partout dans son œuvre). Comme le titre du premier livre de François Nourissier : L’Eau grise (1954) – explicite référence à Chardonne, qui était son ami, son aîné et un de ses mentors.
Comme c’est étrange. Comme si la littérature était une histoire de familles, ou une famille, ou un pays – avec sa géographie (littéraire), ses contrées voisines, et ses frontières (Stendhal versus Chateaubriand, ou Tolstoï versus Dostoïevski, si l’on doit caricaturer). Jugez plutôt.

Comment passe-t-on de Tolstoï à Nourissier ? Suivez-moi. D’abord il y a Flaubert, que Tolstoï a lu, dont il s’est souvenu pour Anna Karénine – parenté-proximité de Bovary revendiquée, par Tolstoï lui-même.
Flaubert que Chardonne vénérait (son modèle avoué), et ses livres (de Chardonne) s’en ressentent, comme son style (et étonnamment, pour la figure tutélaire des Hussards, si stendhaliens – Nimier et Déon en particulier).
Enfin, de Chardonne au Nourissier de L’Eau grise, l’influence est transparente.

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Voilà pour la littérature comme pays. Et ce sentiment qui ne nous a pas quitté durant la représentation, d’être entre Flaubert et Chardonne – donc avec Tolstoï lorsqu’il écrit Le Bonheur conjugal, à 30 ans. Étonnant.

Le Bonheur conjugal, c’est une histoire exaltante, prometteuse – celle de Macha, une jeune femme de 17 ans, qui épouse un ami de son père, son aîné de 20 ans. Le bonheur est d’abord total – l’allégresse des débuts – puis… moins. Vous avez compris. L’adaptation et la mise en scène de Françoise Petit fonctionne parfaitement. Le récit est pris en charge par Macha – jouée par Anne Richard, irréprochable de bout en bout, qui déroule le fil de son existence, et surtout l’histoire de son mariage.

À l’évocation de certaines scènes-clés de sa vie, son monologue est ponctué par les apparitions spectrales de son mari – ici joué par Jean-François Balmer, dans un rôle muet (spectral), mais éloquent : il est parfait – amoureux, galant, inquiétant, irascible et… muet (l’homme idéal en somme).


Le troisième acteur est un piano – enfin : un pianiste, Nicolas Chevereau, qui accompagne le récit. Ou, mieux, y supplée lorsque les mots viennent à manquer. Je vais aggraver mon cas (après Chardonne) – mais j’ai alors pensé à un petit livre de Jacques Benoist-Méchin (relu à l’occasion de la parution de la biographie qu’Éric Roussel vient de lui consacrer chez Perrin).
Ce petit livre, c’est son Avec Proust, écrit si jeune (22-24 ans), et assez remarquable – où il étudie en particulier le rôle de la musique chez Proust.

Benoist-Méchin commence par explorer le style, le désir, la naissance de l’amour, le déclin de l’amour, etc. dans La Recherche. Avant d’aborder, enfin, la musique. Pourquoi ce détour – et nous revenons au pianiste de notre spectacle ? Car, écrit-il, « avant d’examiner ce que peut la musique, ne fallait-il pas déterminer ce que ne peuvent pas les mots ? »

Voilà pour le rôle du pianiste dans ce spectacle qui nous a enchanté – où les couleurs, les mots, les émotions et la musique se répondent… et correspondent.  

Anne Richard et Nicolas Chevereau au piano © Sébastien Toubon

Je poursuivrai avec quelques mots à propos de l’autre spectacle qui se joue au Poche-Montparnasse, aussi épatant. Tchekhov, donc.

Petit repère – Tolstoï : 1828-1910 ; Tchekhov : 1860-1904. L’aîné a salué la mort du cadet : « On le voit jeter comme au hasard les couleurs qu’il a sous la main, et on pense que toutes ces touches de peinture n’ont aucun rapport entre elles. Mais dès qu’on s’écarte et qu’on regarde de loin, l’impression est extraordinaire. On a devant soi un tableau éclatant, irrésistible. » Pas mieux.

On connaît le mot de… Staline (j’aggrave décidément mon cas…), drôle malgré lui : « En littérature, il y a Shakespeare et Tchekhov. Moi, si j’avais été écrivain, j’aurais plutôt écrit comme Tchekhov. »

On ne le saura jamais – mais à considérer ce mot, il aurait eu au moins une chose en commun avec Tchekhov : son humour et son goût de l’absurde, tous deux magnifiés dans La Demande en mariage et L’Ours, deux pièces classiques dorénavant que Tchekhov considérait comme des « plaisanteries », mais où appert sa fantaisie – facette de sa nature souvent occultée par sa mélancolie.

Ici, ce sont 3 tempéraments véritablement comiques qui s’en emparent : Émeline Bayart (remarquée récemment dans La Culotte d’Anouilh), Jean-Paul Farré (qu’on ne présente plus), et Luc Tremblais (que je connaissais mal).

Un trio drôlissime, deux pièces apéritives – le spectacle est court (1H20), comme le Tolstoï par ailleurs – où éclate la parenté insoupçonnée jusqu’alors par nous, du jeune Tchekhov (ce sont ses deux premier succès) avec… Feydeau (1862-1921). Une précision : les premiers écrits de Tchekhov étudiant furent des histoires drôles, pour des journaux satiriques. C’est ce Tchekhov qui écrit ces deux pièces. Et il « rappelle » en effet Feydeau (comique outré, scènes hénaurmes, situations abracadabrantes mais réglage millimétré, etc.).


Ce – en dépit de ce qu’éprouve Jean-Paul Benoît, metteur en scène que l’on ne présente plus (non plus) et dont le travail ici corrobore tout le bien que l’on en pense depuis longtemps.
Dans un entretien substantiel avec Stéphanie Tesson, Benoît précise en effet que, selon lui, les personnages de Feydeau sont, en gros, des mécaniques (géniales, bien sûr, mais des mécaniques quand même) – tandis que chez Tchekhov, ils sont VIVANTS (sa formation de médecin (de Tchekhov), son regard, n’y étant pas pour rien – selon Benoît toujours).

Il ajoute – c’est passionnant – que pour lui, Tchekhov est un latin (d’où, entre autres, le côté outrancier, voire absurde de ses personnages) : il est né au sud de la Russie, à la même latitude que… Venise. Et de préciser, après la parenté de Tchekhov avec Goldoni et Gogol (« l’insolite des situations excessives ») : « D’ailleurs, les metteurs en scène qui ont le mieux monté Tchekhov sont des Italiens ! »

À ceux qui nous auraient lu jusque-là (oui, toi) – merci.

Coda – Deux spectacles, le temps n’est pas illimité, certains choisiront – l’un… ou l’autre. Je ne pourrai les aider. Les spectacles sont très différents, comme Tolstoï et Tchekhov – mais également réussis. J’ai parlé de « géographie littéraire » au début de ce billet. J’ajouterai qu’il y a aussi les « affinités électives » – et que chacun(e) tranchera, selon sa plus ou moins grande proximité avec Tchekhov – ou avec Tolstoï. Deux ambiances – mais deux excellentes soirées. Donc aucun risque de se tromper de salle.


Le Bonheur conjugal, de Léon Tolstoï, adaptation et mise en scène de Françoise Petit, avec Anne Richard et Nicolas Chevereau au piano, et la participation amicale de Jean-François Balmer.  Lumière : Hervé Gary. Musique : Sonate « Quasi una fantasia » de Beethoven.
Vendredi et samedi à 19H. Dimanche à 15H. Théâtre de Poche – 0145445021 – 75 bd du Montparnasse.

Tchekhov à la folie – La Demande en mariage + L’Ours. Deux pièces de Tchekhov. Mise en scène : Jean-Louis Benoît. Avec Emelyne Bayart, Jean-Paul Farré et Luc Tremblais.
Costumes : Krystel Hamonic. Lumières : Alireza Khishipour. Scénographie : Jean Haas.
Du mardi au samedi à 21H. Dimanche à 17H. Théâtre de Poche – Montparnasse.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Ils étaient nés en 1936…

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© T.F.1-CHARZAT CHRISTOPHE/TF1/SIPA ANDERSEN ULF/SIPA

Nicole Croisille, l’une des plus belles voix françaises et Philippe Labro, le prince des médias viennent de nous quitter. Monsieur Nostalgie se souvient…


Hier encore, un ami journaliste me demandait : C’est quoi, pour toi, l’esprit français ? Alors, je remontais à Villon, j’enjambais Rabelais, je filais chez Larbaud dans le Bourbonnais, je me risquais à flirter avec Morand, je n’oubliais pas de parler de ce bon vieux bigleux de Prévert aux paupières lourdes tout en me laissant ceinturer par le phrasé d’Aragon. Pour le narguer, j’évoquais même Jean-Pierre Rives et Yannick Noah sans oublier Carlos et Nino Ferrer. Mon cabas est profond, il n’est pas sectaire, j’y entasse les sportifs et les écrivains, les starlettes et les beaux mecs, les non-alignés et les amuseurs du dimanche, les vignes de mon pays au début de l’automne et la Seine boueuse qui vient cogner sur les quais de la Mégisserie. Chacun son folklore, chacun son identité.

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Esprits français percutés par les lueurs américaines

Et puis ce matin, la réponse m’a été donnée. La triste actualité me l’apporte sur un plateau d’argent avec ces deux actes de décès. Nicole Croisille et Philippe Labro étaient nés en 1936 à une saison d’intervalle, ils étaient dans le registre des professions oisives et essentielles, c’est-à-dire le divertissement et l’art populaire, la chanson frissonnante et le cinéma d’élite, deux figures de mon enfance, deux visages qui charrient tant de souvenirs. Je pourrais affirmer aujourd’hui à cet ami qu’ils incarnaient l’esprit français bien que ces deux-là eussent été très tôt percutés par les lueurs américaines ; planaient sur leur tête, le parfum de JFK et les boîtes de jazz de New-York. Les belles demeures des Hamptons et les voix cassées des champs de coton. Oui, c’était ça l’esprit français, l’érotisme canaille d’une chanteuse pouvant tendre son arc, de la tragédie à la comédie, moduler ses cordes à nous arracher des larmes et nous emplir d’une joie frivole et puis, cet aventurier des salles de presse, cet ambitieux qui, du journalisme au cinéma, de l’écriture aux paroles d’un tube, d’une radio luxembourgeoise aux studios Eclair d’Épinay-sur-Seine, voulait goûter à tous les plaisirs et à tous les honneurs.

Ogres de travail

En leur temps, ces deux personnalités ont été célébrées, primées, jalousées, moquées, tendrement aimées pour leurs défauts visibles, ils agaçaient car tout semblait leur réussir ; benoîtement, ils nous donnaient de leurs nouvelles en passant à la télévision chez Guy Lux ou Drucker, chez Pivot ou au micro de RTL. Ces deux personnalités publiques étaient des ogres de travail. Le grand âge arrivant au galop, elles n’avaient pas complètement disparu de nos imaginaires. À chaque fois, même affaiblies par les pépins de santé, on les trouvait dignes et élégantes, piquantes et courtoises sans être trop mielleuses, ce qui est un exploit dans les métiers de communication. Dans une France qui valide tant de fausses valeurs et de pleurnicheurs du soir, ces deux-là conservaient une forme d’élégance dans leur apparence et leur propos. Ça paraît peut-être banal, ridicule, anecdotique, mais à l’heure des sauvageries et des faillites intellectuelles, on se sentait bien avec eux, on n’avait pas honte de nos artistes.

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Dans nos provinces, on trouvait même que Nicole, son carré court blanc éclatant et ses mains d’harpiste et Philippe, sa gueule d’acteur et son allure d’éternel étudiant de la Ivy League donnaient du lustre à notre nation. Avec eux, on se sentait respectés. Compris. Ce matin en apprenant leur disparition, j’ai eu deux flashs. J’ai revu Nicole en duo avec Mort Shuman à Genève pour une émission enregistrée en public sur la RTS. Ensemble, ils interprètent au débotté, naturellement comme seuls les grands professionnels savent briller ; ça semble improvisé, facile, ils se chambrent, ils se taquinent, ils s’apprivoisent, ils nous amusent. Leur duo est drôle et d’une intelligence folle. Mort donne la note au piano, et Nicole enflamme l’auditoire, elle envoie les mots de « Parlez-moi de lui » tout en puissance cristalline. Elle foudroie. Elle nous terrasse. Elle est géniale de charme et d’émotion. Elle nous transperce. Nicole en robe lamée, prend possession de nos friches intérieures, à la manière d’une Barbra Streisand. Quand je repense à Philippe, ce sont des noms qui surgissent, des codes personnels : Bart Cordell, la famille Galazzi, le nonce, etc… J’aime le cinéma de Labro qui n’était pas comme celui de tous ces réalisateurs révolutionnaires subventionnés car il aimait sincèrement les puissants. J’aimais son manichéisme soyeux. J’aime L’Héritier, L’Alpagueur et même Rive droite, rive gauche. J’aime le triangle amoureux, Jean-Paul entouré de Maureen Kerwin et de Carla Gravina. J’aime passionnément Charles Denner. Nicole et Philippe étaient des artistes car ils nous ont fait changer de peau. Parlez-nous encore longtemps d’eux !

Monsieur Nostalgie

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La perte de contrôle de l’État sonne la fin d’un monde

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Le garde des Sceaux et le président de la République visitent une prison à Vendin-le-Vieil (62), le 14 mai 2025 © Christian Liewig-pool/SIPA

De concert, MM. Philippe, Retailleau, Attal ou Darmanin déplorent l’ensauvagement de la société et fustigent le laxisme de la justice française, à la suite des émeutes et pillages ayant suivi la victoire du PSG. Mais le peuple français sera-t-il prêt à « renverser la table » avec ceux-là mêmes qui sont au pouvoir depuis des années, sans avoir su faire preuve de la fermeté qu’ils réclament aujourd’hui ?


« Je suis en colère », dit Edouard Philippe, ancien Premier ministre, à la une du Point. « Je suis en colère, comme beaucoup de Français », a semblablement déclaré Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, lundi, en réaction aux violences urbaines, majoritairement issues de cités d’immigration, ayant accompagné la victoire du PSG samedi soir à Munich, en Ligue des champions. « Il faut faire évoluer radicalement la loi », a renchéri mardi Gérald Darmanin, garde des Sceaux, après les premiers jugements bienveillants rendus contre les interpellés.

Implacable toi-même !

Emmanuel Macron avait déclaré, dimanche : « Nous poursuivrons, nous punirons, on sera implacables »… Seul François Bayrou, Premier ministre, a gardé le silence; peut-être pour faire oublier son angélisme qui lui faisait dire en 2007 que « même dans la plus lointaine banlieue on est heureux d’être français ». Un vent de panique souffle sur le gouvernement. Il ne maîtrise plus rien. L’État a perdu le contrôle des finances publiques, de l’immigration de masse, de la transmission culturelle, du maintien de l’ordre, des réponses pénales. L’abandon du pouvoir saute aux yeux, même s’il mime encore l’autorité en interdisant de fumer sur les plages ou les parcs dès le 1er juillet ou en ayant convoqué lundi les patrons des réseaux sociaux pour tenter de les contrôler. Or ce sont ces réseaux libres qui sont devenus indispensables à la démocratie. Ils ont, une fois de plus, brisé le récit officiel melliflu répercuté par les médias dominants s’arrêtant à la version unique d’une rencontre sportive « bon enfant », d’une « liesse populaire ». Ce n’est que mardi que Le Parisien a titré : « Quelle honte ! » en évoquant enfin « deux nuits de saccage ». Mais que diable est allé faire Retailleau dans cette galère ! Son salut est dans la démission.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro en vente aujourd’hui: Causeur #135: A-t-on le droit de défendre Israël?

On coule

La colère française ne se reconnaitra jamais dans les désolations partagées des politiques : ils ont avalisé ce système qui prend l’eau. Une rupture radicale avec ce monde dépassé permettra de remettre les esprits à l’endroit. En cela, le ministre de l’Intérieur, qui porte une alternative crédible, n’a aucun intérêt à cautionner plus longtemps un centrisme incapable de s’autoréformer. La décision des députés, l’autre jour, de supprimer les ZFE (zones à faible émission) a été prise après la mobilisation de la société civile, menée par Alexandre Jardin sur les réseaux sociaux. Cette France invisible, qui s’éloigne des médias traditionnels et des partis de gouvernement, est appelée à s’affirmer dans le débat public en usant des nouveaux outils de communication et de son bon sens du terrain.

Face à elle, la caste est condamnée à se caricaturer dans un entre-soi salonnard cherchant à se protéger d’un « populisme » qui n’est que le désir des gens de corriger cinquante années d’erreurs idéologiques.

L’image que donne la France au monde, avec ces intifadas dans les villes et ces communautés qui s’affrontent dans un racisme parfois meurtrier, est effrayante. Entendre le chef de l’État remercier le Qatar, propriétaire du PSG depuis 2011, alors même que cet État soutient les Frères musulmans, le Hamas et l’islamisation des cités, est révoltant de légèreté. Tout ce monde doit partir. Il faut tout reconstruire.

Causeur: A-t-on le droit de défendre Israël?

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de juin


Jamais la réprobation d’Israël n’avait atteint un tel paroxysme. L’accusation de génocide se banalise, bien au-delà des cercles islamo-mélenchonistes. Tel est le constat d’Elisabeth Lévy qui présente notre dossier spécial. « Israël est devenu l’autre nom du mal ». Et l’interminable guerre de Gaza divise les soutiens d’Israël. À l’instar de Delphine Horvilleur, certains dénoncent publiquement la poursuite de la guerre et les attaques de Netanyahou contre l’État de droit, suscitant colère et désarroi dans la rue juive. Pour Gil Mihaely, les critiques de Delphine Horvilleur mêlent – et emmêlent – position morale et opinion politique. Elles réveillent une querelle profonde née de la tension entre deux définitions du judaïsme, théologique et politique. Alors que la synthèse israélienne ne permet plus de réduire les fractures qui traversent le monde juif, il est urgent de penser l’État juif. Il s’agit aussi, nous explique Noémie Halioua, d’une longue tradition d’affrontements internes quasi constitutive de l’identité israélienne. Les détracteurs de Delphine Horvilleur ne lui reprochent pas d’exprimer ses idées, mais de se parer d’une supériorité morale pour les défendre.

Le numéro de juin est disponible aujourd’hui sur le site Internet, et demain chez votre marchand de journaux.

Denis Olivennes, qui se confie à Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, a soutenu Israël dans sa guerre contre le Hamas. Mais face à la tournure du conflit, le président d’Éditis et de CMI France dénonce désormais la politique menée par Benjamin Netanyahou qu’il estime prisonnier de l’extrême droite. Le risque étant de voir l’État juif devenir un État paria. Selon lui, « être juif, c’est une exigence morale. Même pour un État ». Pour l’historien Georges Bensoussan, la tribune de Delphine Horvilleur reflète la fracture entre la rue juive et les notables de la communauté. Selon lui, les personnalités qui accusent Israël de faillite morale sont d’abord soucieuses de leur respectabilité sociale et médiatique. Vincent Hervouët, grand spécialiste de politique estrangère, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy, a couvert suffisamment de conflits pour ne pas prendre pour argent comptant la communication des belligérants et se méfier des analyses moralisantes. Une qualité rare au sein d’une profession si conformiste. Enfin, Philippe Val, l’ancien patron de Charlie Hebdo, qui se confie aussi à notre directrice de la rédaction, pense que dans cette période de grande tension, où tous les Juifs du monde sont tenus pour responsables de la politique de Netanyahou, il est inopportun d’accabler Israël. « La critique du gouvernement israélien est légitime, la condamnation morale du pays me semble bien imprudente ».

Frères musulmans : mission invisible

Causeur consacre un mini-dossier à l’activisme des Frères musulmans en France dont le rapport Gouyette-Courtade décrit les réseaux solides, les stratégies masquées et les menaces réelles. Comme le soulignent Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques dans leur introduction, les médias et la gauche dénoncent l’islamophobie, la stigmatisation et l’amalgame. Pour eux, le problème n’est pas l’islam séparatiste mais la droite Retailleau. La vraie limite du rapport, c’est qu’il ne propose pas de nouvelles mesures fortes pour endiguer la progression de l’islamisme politique en France. Spécialiste mondialement reconnu de la Syrie, Fabrice Balanche sait parfaitement de quoi les Frères musulmans sont capables et n’hésite pas à le dire. Il livre son témoignage à Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques. Enragés par sa lucidité et son expertise, les islamo-gauchistes qui règnent à Lyon 2 depuis des années tentent de le faire taire. Pas sûr qu’ils y parviennent. Céline Pina enquête sur l’islam politique au niveau local en France, où pour consolider leur base électorale, des élus municipaux cèdent au clientélisme communautaire, pendant que j’explique comment le Royaume Uni est devenu la tête de pont des organisations islamistes internationales pour conquérir l’Europe.

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente les accusations de « diffusion d’images à caractère pornographique de mineurs » portées contre Bastien Vivès. Le seul crime de l’ex-enfant chéri de la BD française, c’est d’avoir dessiné certaines joyeuses obscénités. Pourtant, il a été traité, au cours d’une enquête, comme s’il avait potentiellement commis des actes de pédo-criminalité. Ses livres sont retirés de la vente et il fait l’objet de tombereaux d’insultes sur les réseaux sociaux. Devant les arguments de son avocat, Richard Malka, expliquant la différence entre la réalité et la fiction, et soulevant une question de compétence territoriale, le procès a été renvoyé et n’aura peut-être jamais lieu. Conclusion : « la Justice se ridiculise quand elle prétend combattre le mal en interdisant sa représentation ».

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Nicolas Bedos est lui aussi victime d’une tentative de mise à mort sociale par les nouvelles ligues de vertu. Il raconte sa descente aux enfers de MeToo dans La Soif de honte. Pour Elisabeth Lévy, ce que lui reproche le tribunal médiatico-féministe, au-delà des faits pénalement repréhensibles, c’est d’avoir été un séducteur volage et égoïste. Sous couvert de justice, il s’agit d’imposer une nouvelle morale. Voulez-vous mourir légalement assisté ? La réponse de Cyril Bennasar est : « Plutôt crever ! » Selon lui, la mort souffrait d’un vide juridique, la loi euthanasie l’a comblé. Le monde flou du privé, de l’intime et du discret a vécu, le droit et la transparence s’imposent. On mourra désormais dans le cadre prévu pour, assisté et couvert légalement. Loup Viallet a enquêté sur Awassir, une association parrainée par le président Tebboune et hébergée par la Grande mosquée de Paris, dont l’objectif est de transformer la diaspora en une force politique au service du régime d’Alger. Se confiant à Bérénice Levet, le géographe Christophe Guilluy approfondit sa réflexion sur la France périphérique. Délaissant les chiffres pour les lettres, son nouvel essai prend la forme de la fable, pour mieux décrire le fossé qui sépare les élites déconnectées des gens ordinaires.

Parmi nos chroniqueurs réguliers, Olivier Dartigolles parle de la faillite et du déshonneur de tous ceux à gauche qui, pour des raisons électoralistes, n’entérineraient pas une rupture définitive avec LFI. Emmanuelle Ménard nous entretient de l’euthanasie, du débat télévisé du chef de l’État et du complotisme d’Aymeric Caron. Jean-Jacques Netter se penche sur le coût de nos prisons, le prix de l’électricité, et les promesses du gouvernement de supprimer un tiers des comités Théodule de la République. Pour Ivan Rioufol, le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Enfin, Gilles-William Goldnadel ne revient pas de la tribune, publiée par 900 artistes en marge du Festival de Cannes, qui condamne le « silence » sur le « génocide » à Gaza.

Côté culture, la chanteuse et comédienne Caroline Loeb raconte à Yannis Ezziadi ses années Palace. Elle a été une des créatures peuplant les nuits de la boîte mythique du Faubourg-Montmartre. Le Tout-Paris s’y mêlait à des inconnus hauts en couleurs dans un tourbillon de fêtes, de sexe, de drogue et de créativité. Jonathan Siksou nous raconte la vie en rose : au cœur d’une nature préservée adossée à la colline de Grasse, les jardiniers de Lancôme entretiennent avec passion le Domaine de la Rose. Ce conservatoire horticole dédié aux professionnels de la parfumerie ouvre ses portes au grand public. Julien San Frax fait le portrait du communiquant Timothée Gaget qui bataille sur la scène médiatique pour défendre ceux qui font le « made in France », et Emmanuel Tresmontant rend hommage à « La tribune des critiques de disques », cette émission qui, chaque dimanche après-midi sur France Musique, réunit critiques et musiciens animés par un idéal de beauté pour débattre interprétation et direction d’orchestre.

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Dans les romans de Mario Vargas Llosa, il y a des pages magnifiques sur les liens qui unissent l’homme et la femme. Georgia Ray met en valeur le côté furieusement érotique du prix Nobel de littérature. Le goût de l’érotisme n’était pas étranger non plus au grand acteur, Michel Simon, mort il y a 50 ans, dont Pascal Louvrier nous rappelle la boulimie de travail (150 pièces, 140 films). Vincent Roy nous présente le nouveau roman de Jean Le Gall qui plonge dans les méandres de la crise existentielle d’un homme politique dans la Rome des années 1960, tandis que Jean Chauvet parcourt les salles obscures où il trouve un Denis Podalydès en majesté, un réjouissant polar camerounais et une comédie bobo insupportable. « Bobo » et « insupportable » ? Pour nos lecteurs, il ne peut s’agir au fond que d’une tautologie…

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