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Michel Embareck, en mots et en musiques

Une plongée littéraire et musicale dans quarante ans de rock, de blues et de... polar


Michel Embareck, en mots et en musiques
Michel Embareck © MANTOVANI/Gallimard/Opale.photo

Le romancier et critique musical Michel Embareck balance dans une réédition augmentée de Rock en vrac quarante ans d’histoire du rock, du blues, du punk et du roman noir. À mi-chemin entre le récit et l’essai, son opus fourmille d’anecdotes et de rencontres insolites.


Romancier et longtemps critique à la revue Best, Michel Embareck publie une édition augmentée de Rock en vrac, initialement parue en 2011. Quelque quarante ans d’histoire du rock, du blues, du punk et du roman noir émaillés d’anecdotes et de rencontres insolites, le tout enrichi de six nouvelles et de photos inédites, notamment celles de reportages en Jamaïque ou aux États-Unis, et de clichés plus intimes, comme ceux d’Angus Young et de sa femme ou celui d’un des premiers concerts de La Souris Déglinguée[1].

Sans question devant le pionnier Bo Diddley

Depuis la première édition, il a écrit des nouvelles parues dans des publications très diverses, quotidiens, magazines, fanzines ou ouvrages collectifs, et voulait que ses textes, des nouvelles musicales et littéraires, soient rassemblées dans un même ouvrage. Ainsi est né ce nouvel opus.

Rock en vrac est un livre passionnant, vif et percutant qui tient autant du récit que de l’essai. Un récit de la vie que l’on pouvait mener dans les années 1970 et jusqu’à la fin des années 1980, quand on évoluait dans l’univers du journalisme musical ; un essai qui démontre aussi que la critique peut se traiter d’une façon littéraire sans les éternels clichés attachés à l’exercice. Le chapitre intitulé « Gardien du temple » regroupe ainsi de courtes chroniques publiées dans Rolling Stone avec une contrainte technique et stylistique : écrire une fiction de 2 200 signes pour donner au lecteur une idée de la vie d’un artiste et à quoi s’apparente sa musique. Un exercice de genre qu’il a reproduit dans Libération, maisen nettement plus déconnant, pour parler de rugby dans sa chronique intitulée « À retardement ».

Selon Embareck, le rock et la littérature noire sont cousins car, en remontant aux racines du rock, c’est-à-dire au blues et à la country, on peut trouver une parenté sociale où se mêlent misère, révolte, déclassement et même réalisation du pseudo-rêve américain. Si on ajoute à ce cocktail l’alcool, la drogue, les bagnoles, les mauvais garçons et les jolies filles, voilà rassemblés tous les thèmes communs au rock et à la littérature noire.

Michel Embareck nous régale également avec une pluie d’anecdotes. Comme ce jour où, avec son copain Jean-Luc Manet, il se retrouve dans la loge de Bo Diddley sans avoir de questions à lui poser. Qu’importe : le bluesman mènera l’interview à sa place ! Ou encore cette nuit, à Glasgow, avec Bon Scott, le chanteur d’AC/DC, où ils finissent dans un bal costumé d’infirmières avant que l’une d’elles les ramène à l’hôtel dans une 2CV verte. Et aussi cette anecdote qui lui a été racontée par Christian Lebrun. Vers 1971-72, Best se vendait mal. Il n’y avait plus un sou. Patrice Boutin, le propriétaire, a pris le fonds de caisse du dernier numéro et l’a misé dans un cercle de jeux dont il était familier. Il a gagné et renfloué le journal d’un coup !

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Au lycée avec Jean-Luc Mélenchon

L’ouvrage commence par de magnifiques pages sur Best, cette revue qui appartient à l’histoire du rock en France a vu défiler un certain nombre de journalistes qui ont fait par la suite de belles carrières.Peu de monde avant Embareck ne s’était intéressé à la vie de ce mensuel. Il y avait un livre sur Rock & Folk, mais rien sur Best et son fonctionnement, hormis un ouvrage à base de fac-similés. C’est pourquoi il s’est plongé dans le récit de la vie de cette rédaction pas comme les autres. Il comporte aussi un poignant hommage à Christian Lebrun, le rédacteur en chef historique. Selon Embareck, il était humainement et professionnellement « un gars parfait », toujours à l’affût des tendances musicales, qui possédait une oreille et une vraie vision de l’évolution de la musique. Il savait défendre, ce qui n’est pas rien, les pigistes devant le proprio du journal, et répartissait équitablement le travail tout en sachant arbitrer entre les différentes chapelles. Lebrun possédait aussi un irrésistible humour pince-sans-rire et connaissait les lignes de bus par cœur… De lui, notre critique a retenu cette consigne : quand on chronique un disque, le lecteur doit savoir à quelle branche de la musique il se rattache.

Michel Embareck a beaucoup écrit sur le rock, le rugby et le polar. Un beau parcours sur lequel il reste discret. Il raconte cependant, dans son roman Rubens, que son enfance fut très solitaire et finalement pas très drôle. Collé en pension à 11 ans, il a certes découvert les copains et les rigolades, mais la discipline y était très dure. Sa seule distraction a alors été la lecture dans une fabuleuse bibliothèque où trônaient tous les grands auteurs américains et la littérature populaire française. C’est là qu’il a commencé à écrire de courts textes à la manière de,de Pagnol à Caldwell. Du lycée, il se souvient aussi d’un élève très brillant appelé Jean-Luc Mélenchon. En 1968, celui-ci a voulu faire défiler les élèves en rang par deux. Comme à l’internat napoléonien. Embareck l’a envoyé balader avec des mots fleuris et, plus tard, en a tiré une nouvelle !

Son envie de devenir écrivain remonte à cette année scolaire 1967-68, quand il reçoit un prix lors d’un concours national de rédaction. Dès lors, il s’est passionné pour la mécanique de l’écriture, le son des mots, le rythme des phrases. Toute une construction qu’il apparente à un jeu de Lego ou à une composition musicale qui doit bien sonner à l’oreille. Un travail d’orfèvre qu’il entrevoit comme un amusement. Et cet amusement nous comble. C’est pourquoi on attend avec impatience son prochain roman qui aura pour héroïne Alberta Hunter, une chanteuse mythique de jazz et de blues qu’il a eu la chance de rencontrer longuement.

Michel Embareck, Rock en Vrac, Relatives, 2025. 280 pages


[1] Groupe de rock alternatif constitué autour du chanteur Tai-Luc en 1976.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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