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God bless America

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La Maison Blanche va sans doute devenir un peu grise.


Trump a fait de bonnes choses. Entre autres, et surtout, il a redonné un visage – certes grimaçant – à l’Occident. Mais il était vulgaire, brouillon, hâbleur et menteur.

Par comparaison Joe Biden est un être droit dépourvu toutefois de toute envergure. Depuis toujours les États-Unis connaissent une régulière alternance entre présidents démocrates et présidents républicains.

Le problème n’est donc pas là, puisque pour l’essentiel les États-Unis restent les États-Unis. Il y eut de grands présidents démocrates : Roosevelt, Kennedy. Il y en eut de détestables : Obama en témoigne.

Il y eut de grands présidents républicains : Eisenhower, Reagan. Il en eut de pitoyables : Nixon, Bush et dans une moindre mesure, Trump. Plus que la couleur politique c’est la qualité des hommes qui comptait.

Il est beaucoup trop tôt pour trancher le cas de Biden. Mais on n’a guère de doute sur le diagnostic concernant les démocrates. Ce grand parti est devenu la caisse de résonance de toutes les bien-pensances caricaturales américaines.

Comme la gauche française (enfin ce qu’il en reste) les démocrates ont plongé dans l’indigénisme et le black is beautiful. Ils font les yeux doux à l’Islam et aux racisés. Ils n’ont plus aucune colonne vertébrale. Celle-ci est devenue tellement molle qu’elle se plie au moindre souffle identitaire. Naguère l’Amérique démocrate avait le visage souriant et moqueur de Woody Allen. Aujourd’hui que Dieu protège l’Amérique des démocrates…

Unibail-Rodamco-Westfield: Une semaine pour que les entrepreneurs l’emportent sur les spéculateurs

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La sauvegarde d’Unibail-Rodamco-Westfield et ses enjeux


La bataille fait rage. Le géant de l’immobilier d’entreprise – connu en France pour le forum des Halles, le CNIT de la Défense, Paris expo et présent dans 13 pays – est emblématique d’un secteur économique qui a pris la crise du Covid de plein fouet. Le manque à gagner sur les baux commerciaux est une résultante directe des périodes de confinement et dans certains cas de fermetures d’enseignes.

Face à ces difficultés, le directoire du groupe, formé par Christophe Cuvillier et Jaap L. Tonckens défend une augmentation de capital de 3,5 milliards d’euros, afin de conserver un bilan solide, un accès au marché de la dette et une notation élevée. Seule cette augmentation de capital permet de conserver les actifs américains chèrement acquis lors du rachat de l’australien Westfield en 2018. Cette opération représente bien sûr un effort important demandé aux actionnaires, la dilution venant se rajouter à un cours boursier qui a déjà souffert.

L’ère de l’économie casino est révolue, ainsi que celle des cost-killers aveugles. La crise du Covid aura peut-être une vertu indirecte, celle du retour en force de l’économie réelle et de ceux qui la font, les vrais entrepreneurs

Xavier Niel et Léon Bressler ne l’entendent pas de cette oreille. Le médiatique patron d’Iliad et l’ancien dirigeant d’Unibail mènent une fronde contre ce plan de recapitalisation. Une bataille sans merci qui trouvera son dénouement le 10 novembre prochain, date du vote du plan de redressement, affrontement d’autant plus féroce que l’actionnariat d’URW est très fragmenté. L’argument de Xavier Niel et de Léon Bressler est que le groupe n’a nullement besoin d’une augmentation de capital, mais d’un recentrage de ses activités en Europe et d’un assainissement de sa situation financière par la vente des actifs américains apportés lors du rachat de Westfield.

Deux conceptions de l’entrepreneuriat

Au-delà de l’affrontement sur un choix de gouvernance, cette lutte est emblématique de deux conceptions de l’entrepreneuriat.

Les ventes préconisées par le patron d’Iliad n’interviendront que sur un horizon de temps non maîtrisé et dans des conditions de cession réalisées pendant une mauvaise période : c’est évidemment un moyen radical de renflouer le cash-flow, mais en essuyant au passage une moins-value considérable sur l’acquisition de Westfield.

A lire aussi: La Commission européenne préparerait le démantèlement d’EDF

Qui plus est, la vente des actifs américains est exigée par Xavier Niel de façon aveugle, sans différencier de véritables pépites commerciales telles que les centres commerciaux de Los Angeles, San Diego et San José, et des actifs régionaux beaucoup moins rentables.

Pendant toute la durée de recherche d’un acquéreur des actifs américains, le bilan d’URW ne cessera de se dégrader, avec le produit d’une vente en position défavorable comme seule garantie de redressement. Entretemps, la dégradation des ratios financiers du groupe risque fort de conduire à une sanction par les agences de notation, et une fermeture de l’accès aux marchés : un cercle vicieux bien connu, où brader les actifs ne fait qu’alimenter le cercle de la défiance et force à encore plus de ventes à perte.

Le projet Reset proposé par le directoire d’URW n’est pas seulement un plan de refinancement, mais un projet de réorganisation complète du groupe. Les cessions d’actifs ne sont pas décidées en bloc, mais s’appuient sur une connaissance précise des points forts et faibles de chaque site commercial, sur l’analyse organique des circuits commerciaux et sur les zones de chalandise des clientèles cibles en fonction de leur densité, leurs moyens d’accès, leurs profils sociaux-professionnels, tenant compte des différents scénarios que le Covid doit faire anticiper. Un bon plan de refinancement doit toujours être accompagné par un projet de réingéniering de l’organisation et des hommes.

Face à cette proposition, la position de Xavier Niel fait apparaître les différents sites commerciaux du groupe comme de simples caisses remplies de liquidités, vendues dans l’ignorance de leur mode de fonctionnement, sans anticipation de leur redressement ou de leur dégradation future. Seule semble compter la rentabilité instantanée pour Xavier Niel, non la capacité anticipatrice de l’entrepreneur qui doit mettre en place un redéploiement de l’activité.

La logique de Xavier Niel est hélas bien connue : elle ressemble plus à celle des « vadeurs » en bourse, ces pratiquants de la vente à découvert, spéculant sur de simples flux financiers sans s’intéresser aux marchés réels et aux compétences détenues par l’entreprise. Cette vente à la découpe entraîne généralement une spirale de récessions successives, nullement un apurement du bilan financier. La braderie entraîne la défiance commerciale qui oblige à d’autres braderies.

Il est temps de changer d’ère

Réveillez-vous Xavier Niel. L’ère de l’économie casino est révolue, ainsi que celle des cost-killers aveugles. La crise du Covid aura peut-être une vertu indirecte, celle du retour en force de l’économie réelle et de ceux qui la font, les vrais entrepreneurs. Ceux qui aiment et connaissent leurs produits, leur métier et leurs hommes.

Espérons que d’ici le 10 novembre, nous assisterons à la victoire des entrepreneurs sur les spéculateurs.

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France: plutôt la dhimmitude que la guerre?

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Les attentats islamistes se multiplient sur le sol européen. D’aucuns continuent de se demander en France: “mais pourquoi sont-ils aussi méchants?” À force de ne pas choisir entre vivre sous le joug d’un califat ou sous celui de « l’extrême droite », on nous signale à gauche une migraine terrible!


Quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo, m’en revenant au bureau, je retrouvai des collègues extrêmement angoissés. Ces femmes – je travaille dans la fonction publique, où les femmes sont majoritaires –, évidemment de gauche, ne comprenaient pas. Comment des gens pouvaient-ils être si « violents » ? Pourquoi en avaient-ils après un journal ? C’étaient des « malades », des « fous ». En signe de résistance, elles avaient toutes achetées le numéro spécial sur lequel Mahomet disait « Tout est pardonné ». Ce qui revenait aussi, et qui m’étonnait fort même si je l’avais déjà beaucoup entendu après Merah, c’est que pour elles, « le pire c’est que ça (faisait) monter l’extrême droite ». Oui, « le pire » ce n’était pas l’islamisme, qu’elles n’évoquaient même pas, mais bel et bien « l’extrême droite ». Marine Le Pen, à leurs yeux, c’était Adolf Hitler, moins la moustache.

A lire aussi, Cyril Bennasar: Remigration, une chance pour la France?

C’est pour bientôt cet attentat “jambon-beurre”?

Depuis Merah, la gauche a un rêve : voir un « facho » commettre à son tour un « attentat ». Niant ce qu’il y a de djihadiste dans l’islamisme et d’islamisme dans l’islam, ayant inventé et promu la notion de « haine » pour mettre dans le même sac – avec toutefois une nette préférence pour les patriotes – toutes les voix qui n’adhèrent pas au multiculturalisme, à l’indifférenciation, au relativisme, elle guette fébrilement chaque attentat avec l’espoir que, cette fois, enfin, le réel prouve que « salafistes » et « fafs » sont les deux faces d’une même médaille. Quand un musulman – s’il dit qu’il l’est, qui suis-je pour lui refuser ce nom ? – décapite un kouffar, c’est toujours un « acte isolé », un « loup solitaire » qui aura été « manipulé » – quand on pense que s’engager en politique, c’est signer des pétitions, on ne saurait concevoir que d’aucuns puissent aller jusqu’à prendre des vies et sacrifier la leur pour la même raison. Ses parents diront bien qu’ils ne comprennent pas comment leur si gentil fils – il portait les courses, avait le cœur sur la main, même si la police nous apprendra qu’il avait aussi vingt inscriptions sur son casier – a pu faire ça. Journalistes, experts, politiciens, présidents d’assos’, comédiennes répéteront tous le mantra : « Surtout, il ne faut pas faire d’amalgames ». Des dizaines de musulmans massacrent au nom de l’islam ? Aucun rapport avec l’islam. Logique, non ? Affirmer le contraire ou simplement douter, serait « diviser les Français », « faire le jeu de l’extrême droite ». Apparemment, tous les journalistes, prêtres de l’Église vivrensembliste, sont théologiens, ont lu le Coran, les hadîts, Avicenne, Averroès ; athées pour la plupart, ils se risquent à l’exégèse, sont capables d’affirmer que l’islam, « bien sûr il faut le rappeler », est « une religion d’amour et de paix » – oui, ils sont également tous historiens, plus précisément spécialistes de la conquête musulmane dont les Espagnols, évidemment, n’ont jamais pu faire leur deuil tant ils étaient heureux sous les pacifiques, tolérants et même gay-friendly princes d’Al-Andalus. En revanche, quand un militant du RN dit, devant la caméra de Quotidien, un truc idiot comme « Y’en a marre des Arabes », alors là, bien sûr, l’amalgame est immédiat : tous les électeurs du RN sont racistes, c’est décidément un parti fasciste, la République est en danger. Face au djihadisme, il est interdit – sous peine de procès médiatique et/ou tout court – d’essentialiser ; en revanche, face à « l’extrême droite », c’est non seulement autorisé mais nécessaire. Que sont ces presque trois cents Français décapités, tués au couteau, à la kalachnikov et les milliers d’autres blessés, traumatisés à vie, tous ces orphelins, que sont-ils en comparaison de « la peste brune » ? Génération Identitaire, voilà l’ennemi.  

A lire aussi, Benoît Rayski sur Vienne: Kaddich (prière juive pour les morts)

 

Or, du moins en France, on attend toujours le terrorisme d’« extrême droite ». Certes, l’année dernière, un ancien militant RN avait tiré sur un fidèle de la mosquée de Bayonne. Vous avez vu comment, alors, ils semblaient soulagés, les Thomas Portes (jeune et médiatique hiérarque communiste NDLR), les Clémentine Autain, toutes les grandes figures de l’islamo-gauchisme ? Ah ! enfin le réel semblait donner raison à leur inique comparaison. Ils pouvaient dire, comme ils le disaient avant et comme ils le diront jusqu’à la fin : c’est la « haine » de « l’extrême droite » qui, nourrissant les « discriminations », conduit des Français-comme-vous-et-moi, des « victimes » du « racisme systémique », de poétiques jeunes clandestins soudanais venus ici pour les droits de l’homme et les backrooms, c’est cette haine-là, fille du Code noir, du colonialisme et du nazisme, qui est l’unique responsable. Pour être cynique, après cet « attentat » qui valait bien celui du Bataclan à les entendre, n’est-ce pas, le score était de cent « attentats » à un, mais on pouvait croire en la remontada. Pas vraiment, en fait. Toujours pas. Tandis que le djihad progresse chaque jour en France (et en Europe), que des loups solitaires déséquilibrés, racisés, pas bien accueillis, privés de PS4 et de mangas, revenus de Syrie ou sortis de prison où, malgré les ateliers diabolo et macramé, ils demeurent bizarrement islamistes ; tandis que nos stocks de bougies fondent plus vite encore que ceux de masques FFP2 ; tandis que des foules entières, dans le monde musulman, et même des gouvernements nous grondent, nous défient voire jurent notre mort non pas en tant que République mais en tant que France, culture, civilisation ; le seul problème, le vrai problème, c’est « l’extrême droite » et, plus généralement, tous ceux qui refusent de s’accommoder, de baisser la tête, de se coucher. 

A lire aussi: Causeur: la France face à l’offensive islamiste

Claude S, l'attaquant présumé de la mosquée de Bayonne. Image : capture d'écran du compte Facebook.
Claude Sinké, décédé en prison, avait attaqué la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019. Image : capture d’écran du compte Facebook.

Contre la «haine», tous les coups sont permis

L’autre jour à Avignon, un trentenaire portant une veste aux couleurs de Génération Identitaire et une arme à feu menace des passants et des policiers venus le cueillir. Il est abattu. Dans la seconde, Mediapart, Mélenchon et toute la clique claironnent : la « haine » a encore frappé ! Sur les réseaux sociaux, des milliers de nos compatriotes musulmans, surtout des jeunes, qui n’ont pas supporté la dissolution de l’association Baraka City, exigent celle du « groupuscule ». En fait, on apprendra plus tard que le « terroriste » en question était un malade mental, ancien militant communiste et qu’il n’avait pas de lien avec Génération Identitaire. La clique s’est-elle excusée ? Que nenni. Contre la « haine », tous les coups sont permis. La malhonnêteté intellectuelle et morale de ces gens n’a pas de limites. Ils ont retenté leur chance dans la nuit de lundi à mardi. Celui qui a tiré sur un prêtre orthodoxe, à Lyon, disent-ils, serait un ancien candidat de Debout la France aux législatives de 2017. Ah ! enfin ! Mélenchon relaye sur Twitter, Thomas Portes est à deux doigts de prendre le maquis, ça s’excite beaucoup, ils maudissent Nicolas Dupont-Aignan avec les accents d’un Jacques de Molay, et puis… Le pauvre gars n’a rien à voir avec cette affaire. On imagine sans peine la déception dans les rangs de la France Insoumise, des féministes, de Libération, de toutes les forces qui préféreraient mille fois vivre sous le joug d’un califat plutôt que sous celui de « l’extrême droite ». 

Au milieu des années 30, lors d’un congrès de la SFIO, un cadre devait dire cette chose inouïe, qui traduisait un pacifisme fanatique, lequel allait entraîner, bien aidé par la nullité des officiers supérieurs de notre armée et les sabotages du PCF, la défaite totale et irréparable de la France : « Plutôt l’esclavage que la guerre, parce que l’esclavage on en sort, alors que de la guerre on ne revient pas ». 

La gauche n’a pas changé.

Pas de burqa pour les transgenres antifascistes


Une seule et même personne peut-elle se prétendre à la fois islamiste, transgenre et antifa?


Eric Austin, désormais Britney Erica Austin, un Américain de 35 ans, converti à l’islam et originaire de Phoenix (Arizona), réalise ce rêve de l’idéologie « woke ». Vêtu d’une burqa noire, Austin (que je me permets de mégenrer par souci pratique) est un habitué des violentes manifestations antifa aux États-Unis. Il y a quelques semaines, ce militant chevronné qui se fait aussi appeler Sumayyah Dawud a été arrêté dans sa ville natale alors qu’il incendiait du mobilier urbain et brandissait une arme semi-automatique. Daech chez les cow-boys.

A lire ensuite, Jérôme Blanchet-Gravel: Après la bien-pensance, la bien-monstrance

Ce qui lui a inspiré des déclarations irréelles, publiées sur les réseaux sociaux : « De nombreux trans, dont moi, ont été intentionnellement mégenrés, déshumanisés et non respectés durant le processus d’arrestation, j’ai été également victime d’islamophobie lorsque j’ai voulu faire valoir mes droits. » Il aurait été fouillé par des hommes, ce qui va à l’encontre de ses croyances de femme musulmane.

A lire aussi, Alexandre Mendel: Derrière les émeutes, une cible: l’Amérique de Trump

Il n’en est pas à son coup d’essai. En 2011, il avait intenté un procès à son employeur, car celui-ci ne l’avait pas, selon lui, suffisamment soutenu lors de sa « transition » (son changement de sexe). Il a tout de même empoché 115 000 dollars. En 2015, il a tenté de poursuivre la police pour discrimination religieuse, après avoir été, selon lui, photographié sans sa burqa au cours d’une garde à vue. Il a été défendu par le CCIF local, le Conseil des relations américaines et islamiques, qui l’a lâché en cours de route lorsque sa transidentité a été découverte. Quant à ses coreligionnaires, ils en perdent leur latin, ou plutôt leur arabe : ils lui demandent de prier avec les hommes en tenue adéquate.

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L’Église ne peut pas ne pas confronter ses ressorts de générosité les plus nobles avec l’impératif des équilibres sociaux d’une nation et d’un continent

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Philippe Capelle-Dumont est prêtre catholique et professeur des universités, philosophe, spécialiste des relations historiques entre la philosophie et la théologie, président d’honneur de l’Académie Catholique de France – encore il y a quelques jours le président en exercice. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont certains sont traduits en plusieurs langues. Je peux aussi témoigner du fait qu’il est à la fois un enseignant d’une profonde bienveillance et d’une grande rigueur intellectuelle, qui sait ouvrir à ses étudiants des pistes de réflexion passionnantes. Entretien


Aurélien Marq. À l’heure où beaucoup semblent idolâtrer le consensus et l’impératif de « ne pas heurter les sensibilités », ne pensez-vous pas qu’il est urgent de redonner ses lettres de noblesse à l’exigence de vérité ?

Philippe Capelle-Dumont. Il est temps en effet de nous interroger énergiquement sur les conditions d’un retour en légitimité de l’idée de vérité, après les nombreuses impasses théoriques et pratiques allant du relativisme systémique au multiculturalisme, du consensus démocratique selon Habermas à la post-vérité selon Rorty. 

Pouvez-vous préciser ?

La vérité est intrépide autant que libératrice. En reléguant l’idée même de vérité, les relativistes contribuent à la faire glisser entre les mains irrationnelles des fanatiques sectaires, ou celles, dissimulatrices, des stratèges politico-religieux. 

Toutefois, trois indicateurs suggèrent un possible retour en force rationnel de son concept.  La philosophie des sciences se réconcilie à nouveau avec le fait que la vérité, tout comme le « réel » qui se manifeste par sa résistance au jeu théorique, se réinsinue au moment même où elle est congédiée, bref qu’elle est « scientifiquement » incontournable. Deuxièmement, le lieu commun selon lequel la philosophie ne fait que « questionner » et ne saurait « affirmer », est tombé de lui-même, par contradiction interne. Enfin, on redécouvre la vocation originellement critique de la religion dont l’étymologie première est non pas re-ligare – relier, comme on dit platement – mais re-legere c’est-dire relire ; « religio » signifiait ainsi passer au crible les données rituelles de la relation au divin. C’est pourquoi Cicéron l’opposait rigoureusement à la « superstitio ».

Pour n’être pas de vulgaires superstitions, les religions doivent donc attester d’une « critique », d’un jugement étayé y compris sur elles-mêmes, au bénéfice de la vérité.

Que tout ce qui aujourd’hui dans le monde s’appelle « religion » soit effectivement « critique » et capable d’autocritique, c’est, à tout le moins, une question que l’actualité géopolitique oblige à réexaminer entièrement ! Mais il conviendrait, en amont et en urgence, de rappeler que l’idée de vérité est consubstantielle à notre civilisation occidentale ; elle irrigue classiquement notre culture, nos écoles, nos universités, nos laboratoires ; le christianisme lui a donné une vigueur propre qu’il faut bien comprendre. Héritier à la fois de la philosophie grecque et de la tradition hébraïque, il n’en a pas été une vague synthèse, car il a réassumé et honoré cet héritage dans le dynamisme de la figure du Christ qui déclarait non pas « abolir » mais « accomplir », non pas refermer mais ouvrir. Ce principe fut préservé : celui d’une vérité comme quête inscrite sur un chemin de nouveauté, le Christ s’étant lui-même présenté en même temps comme vérité et comme chemin (évangile de Jean 14,6). Que le christianisme n’ait pas toujours suivi cette inspiration originelle est difficilement contestable. Mais, non moins gravement, la tension temporelle de la vérité s’est paradoxalement relâchée depuis le 18e siècle : la vérité a été annexée au mythe anhistorique d’un progrès inéluctable de l’humanité, dont les marxismes sont la plus funeste caractérisation. Certes, la première guerre mondiale a brisé l’illusion théorique d’un tel progrès nécessaire, quasi-mythologique, mais elle n’en a pas pour autant interrompu l’onde socio-politique qui s’est propagée tout au long du 20e siècle.

Et pour aujourd’hui, que pensez-vous que l’Église puisse apporter à la France ?

L’Église a fait principalement, non pas exclusivement certes, la France comme nation et l’Europe comme continent. C’est là une donnée historique qui n’a guère besoin de l’apologétique pour être validée. Même lorsqu’une certaine modernité occidentale l’a combattue et reléguée, elle en a gardé les traces en réinvestissant ou en travestissant nombre de ses thèmes porteurs jusque dans des idéologies amnésiques. On peut penser à la distinction entre le politique et le religieux, à la dignité foncière et juridique de la personne, à l’égalité homme-femme. Ces trois registres : politique, juridique et anthropologique ont alors donné lieu à autant de glissements de terrains qui désormais cantonnent le religieux dans la sphère privée, alimentent l’individualisme libéral et déconstruisent les « genres ». Affaire de sismologie et tout se tient. 

Mais cet apport historique peut-il se poursuivre ?

Nous sortons d’une période ecclésiale postconciliaire certes traversée par divers courants mais dont l’un, qui s’est fortement imposé, a consisté à « unilatéraliser » dangereusement un trait constituant du christianisme évangélique, à savoir « l’écoute de l’altérité ». Je m’explique. Saint Justin (2e siècle), premier philosophe converti au christianisme, avait engagé une relecture positive de la philosophie grecque en ses figures majeures (notamment Héraclite et Socrate) mais avait introduit aussitôt le critère du démoniaque, pressentant que la foi chrétienne ne pouvait être une simple caisse de résonance des idées antérieures, fussent-elles éminentes, et qu’elle devait engager un travail critique pour promouvoir ce qui est vital.

Cette position très claire et très nuancée, qui a fait paradigme, a pu être dévoyée. L’unilatéralisme idéologique dont elle a été l’objet a fini par nous placer, suivant une trajectoire historique dont il faudrait ressaisir les médiations, sur les registres hélas conjoints de l’auto-culpabilisation et de la repentance tous azimuts. Certains évoquent à cet égard la haine de soi ; je préfère parler de candeur mimétique, de paresse intellectuelle.

Prendre à revers cette disposition unilatérale, cela consiste pour l’Église à nommer les choses « sans crainte » comme dit la Bible. Je ne relèverai ici, avec humilité, que trois plans sur lesquels sa détermination fondatrice serait ainsi utile à notre pays. D’abord en finir avec la mésinterprétation à l’endroit du binôme évangélique César/Dieu ; il ne s’y agit pas, comme hélas on le répète à l’envi, d’une séparation entre le temporel et le spirituel mais d’une distinction entre l’ordre politique et l’ordre divin. Conséquence :  César n’est pas Dieu, le politique ne saurait donc être divinisé alors même qu’il est respecté dans son ordre propre de décisions comme gérant d’une autorité reçue. C’est pourquoi, cette distinction étant établie, le spirituel « inspire » le temporel à même la différenciation des ordres institutionnels, religieux et politiques. Telle est la logique de ce mot emblématique dont l’idée de laïcité est lointainement héritière. Or, à continuer d’ignorer ou de biffer cette inspiration sage et équilibrée, on ouvre toutes grandes les vannes de l’islamisme hégémonique qui se présente comme seul à pouvoir défendre les liens de solidarité entre la cité de Dieu et le politique, et on laisse se développer un laïcisme doctrinaire qui se présente comme seul apte à défendre la séparation des institutions religieuses et politiques, un comble. Bref, sont créées les conditions d’un affrontement insoluble.

Et le second plan de votre interpellation ?

Il conviendrait également d’en finir avec tous les euphémismes qui servent à désigner les offensives ou les stratégies des fondamentalistes, et qui participent d’un nivellement peureux entre les religions, masquant ainsi leurs différences angulaires. En parlant de terrorisme ou de séparatisme, ou encore d’extrémisme religieux, formules consacrées par la « doxa », on édulcore la référence aux réalités inacceptables les plus patentes. Or, le but ultime des islamistes qu’on appelle bizarrement « radicaux » n’est pas de terroriser, chose certes déjà angoissante ; il n’est pas davantage de diviser ; il est d’annihiler toute trace évoquant les périodes antécédentes au « moment Mahomet » et de fonder une nouvelle terre. Puisqu’on nous demande enfin de savoir nommer les choses, un effort supplémentaire serait le bienvenu. Ainsi de la nature du lien et de la différence entre islam et islamisme hégémonique, un lien complexe systématiquement éludé, qui certes exonère les musulmans sincèrement pieux et pacifiques mais qui n’est pas aussi élucidé qu’on le prétend médiatiquement. De surcroît, face à la toute nouvelle série d’attentats signés qui visent nettement la France et le christianisme, il est permis d’attendre de la part non pas de quelques responsables musulmans mais de tous ceux qui se revendiquent tels, autre chose que la logorrhée victimaire de l’« amalgame ». À quand l’expression sans équivoque, plus que d’une adhésion aux valeurs de la République, cette fois d’une entrée dans la mémoire française et d’une considération vis-à-vis de ce qui l’a façonnée ? 

Corrélativement, quand j’entends un imam déclarer que le christianisme est « reconnu » par l’islam, je ne peux que dénoncer une falsification intellectuelle et une insulte vis-à-vis des chrétiens soumis à la dhimmitude en pays musulman. Le Coran consacre quelques versets à quelques figures juives et chrétiennes, dont l’objectif rhétorique, comme l’ont démontré les meilleurs arabisants, est de donner à croire que les traditions de foi dont elles relèvent ont trahi le message divin. Il faut inviter à lire sérieusement, calmement mais conséquemment, ces versets où le christianisme et le judaïsme sont littéralement dépouillés de leur corps de convictions fondamentales, et sur cette base, littéralement stigmatisés. Je n’ignore pas que nombre d’intellectuels musulmans dont certains de mes amis, s’interrogent à nouveaux frais sur cette question et tentent courageusement d’introduire une réflexion herméneutique.

Vous annonciez un troisième plan d’observations.

J’y conjoindrai deux problèmes. D’abord celui des flux migratoires. L’histoire de l’immigration en France depuis plus d’un siècle – celles des russes, hongrois, polonais, juifs ou chrétiens, arméniens, iraniens, algériens, vietnamiens … – atteste de l’attrait profond que, face aux dictatures et aux totalitarismes environnants, notre pays représentait et représente encore dans ses principes, c’est-à-dire une forme de salut, de sécurité. Une mutation de la culture française en melting-pot multiculturel ou en sous-juridiction de la charia, constituerait à leur égard une haute trahison.

Certes, l’Église est porteuse d’une forte tradition d’accueil, mais à laquelle certains, y compris de ses membres, tentent de faire porter une voix unilatérale. Or, l’Église ne peut pas ne pas confronter ses ressorts de générosité les plus nobles avec l’impératif des équilibres sociaux d’une nation et d’un continent, mais aussi avec les stratégies de déstabilisation des démocraties, orchestrées par des pays étrangers. La ligne de crête est réelle mais elle n’interdit pas d’avancer.

Le second problème ?

Celui du blasphème, aujourd’hui hystérisé. Le problème précis mais pas si nouveau est de savoir s’il est possible de dessiner entre la liberté d’expression effectivement indépassable et l’organisation de la blessure collective, un espace pour le respect. Les catholiques ont été blessés depuis des décennies par les provocations caricaturales dont leur foi a été et reste l’objet, mais ils ont su prendre la distance nécessaire, sans retour de violence. Ce qui constituait la pleine reconnaissance et l’acceptation d’une liberté, non l’homologation de l’usage fait de cette liberté. Les musulmans n’ont évidemment pas droit à couper les têtes des provocateurs, ni à aller jusqu’à prôner l’interdiction des caricatures, mais ils ont le droit d’exprimer verbalement et pacifiquement leur désapprobation, tout en comprenant bien que ce droit leur vient de la même liberté que celle qui permet les caricatures. Un peu de respect mutuel et de responsabilité sociale seraient à sanctuariser au moins autant que la liberté et l’égalité qui, en France, riment constitutionnellement avec la fraternité… Triade forgée comme on sait, par un certain Fénelon, archevêque de Cambrai.

Après la bien-pensance, la bien-monstrance


Jérôme Blanchet-Gravel nous présente la nouvelle défaite de la pensée qui menace l’Occident. Au Canada, ce ne sont plus des dessins mais des mots-totems qui deviennent « blasphématoires »


L’assassinat de Samuel Paty et l’avancée du racialisme prouvent à quel point nous ne sommes plus dans l’ordre de la pensée, mais dans celui du fanatisme et du tribalisme. L’Occident vit un incroyable déclin intellectuel. Nous vivons dans un monde où les signes et les codes ont remplacé la raison et le dialogue, où la vertu ostentatoire vous dispense d’avoir à développer un point de vue cohérent pour vous présenter comme un « expert » du vivre-ensemble. Tout est emblème et blasphème. Nous ne sommes plus dans la rationalité, mais dans le fétichisme.

Islamistes, antiracistes racistes, démolisseurs de statues : les radicaux ne se soucient même plus de ce que leurs interlocuteurs pensent et du sens des mots qu’ils utilisent. Encore moins du contexte dans lesquels ils sont utilisés. Les mots ne sont plus des éléments de compréhension, mais des mots de passe qui vous permettent d’entrer dans le gang. Les mots ne sont plus des mots, mais des tatouages verbaux qu’on arbore dans l’espace public. Il n’y a plus de langage, mais seulement des totems à ne pas profaner, un mot ou une caricature que notre lignée ne nous autorise pas à utiliser. 

L’Instagram de la non-pensée  

L’imposition à travers tout l’Occident du virtue signalling (signalement moral ou vertueux) témoigne de cette victoire de l’image couplée aux nouveaux interdits moraux, sexuels et religieux dont notre élite se fait le porte-voix avec tant d’enthousiasme. L’écriture inclusive est aussi un bon exemple de cette vertu qu’il faut partout afficher au détriment même de la langue. Peu importe votre comportement auprès des femmes dans la réalité : l’important est que vous contribuiez à « dégenrer » la langue de Molière, ce salaud d’homme blanc.

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Importé des États-Unis, le courant woke (to wake étant se réveiller en anglais) nous dit qu’il ne suffit plus de penser correctement, mais de montrer qu’on le fait correctement. La différence est fondamentale. L’intériorité que chérissait Saint-Augustin ne compte plus : il ne faut plus juste être bien-pensant, mais bien-montrant. Nous avons affaire à une sorte d’Instagram de la non-pensée. On exhibe son humanisme comme les influenceurs exhibent leurs fesses sur diverses plateformes sur internet, on « signale » son humanisme comme ils prennent en photo leur petit déjeuner. Les éveillés sont les pornographes de la bien-pensance. 

Au Canada, une récente polémique prouve aussi que la vertu, les origines ethniques et les symboles l’emportent sans équivoque sur la raison et le dialogue. Finkielkraut avait déjà suggéré que la défaite de la pensée était aussi celle de l’universel. Depuis qu’un professeur de l’Université d’Ottawa a été suspendu temporairement par son institution à la demande de ses étudiants, les antiracistes se livrent une guerre interne qui n’est pas sans rappeler celle ayant opposé les Bolchéviques aux Menchéviques.

La guerre civile des antiracistes racistes

La faute reprochée au professeur Verushka Lieutenant-Duval, pourtant bien acquise aux idéaux progressistes ? Avoir utilisé le mot nègre dans le cadre d’un cours d’histoire de l’art portant sur l’évolution des représentations de la condition noire et d’autres groupes opprimés. Malgré ses excuses et hommages répétés envers la communauté noire, Mme Lieutenant-Duval confie recevoir des menaces et insultes de la part de militants antiracistes et donc, ne plus se sentir en sécurité dans un pays aussi tranquille que le Canada. Les antiracistes s’attaquent aux leurs sans même écouter ce qu’ils ont à dire pour leur défense.

A lire ensuite, Douglas Murray: «La guerre culturelle est déclarée»

Les radicaux ont créé un monde où tout est offense et appropriation, affront et transgression d’anciennes et nouvelles sacralités. Loin d’être plurielles et « fluides » comme certains aimeraient qu’elles soient devenues, les identités qui s’entrechoquent sont plutôt compactes et rigides. Jamais nous n’avons été plongés dans un monde aussi simpliste et manichéen. Binaire, pour reprendre un terme à la mode. Il y a seulement des Blancs et des Noirs, des Méchants et des Gentils, des Oppresseurs et des Opprimés. Seules les « identités de genre » bénéficient d’un regard un peu plus complexe. Dans l’univers de la rancune, il n’y a ni nuance ni métissage, seulement des hérétiques à envoyer au bûcher.

La défaite de la pensée

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Reconfinement: pas en mon nom!

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En imposant un reconfinement rustique, le gouvernement français fait fi des progrès accomplis dans la connaissance de la maladie depuis mars dernier. L’ensemble du corps médical ne communie plus dans cette «idolâtrie de la vie» qui est l’idolâtrie de la simple vie biologique. Analyse.


Pour répondre à ce qu’il est convenu d’appeler « la deuxième vague » de l’épidémie de covid-19, le gouvernement a pris la décision de renouveler le blocage de tout le pays en décrétant un reconfinement national. Il agit, paraît-il, à la demande expresse des médecins et autres professionnels de santé, épuisés et débordés par l’explosion du nombre de malades dans les hôpitaux. C’est cette unanimité de façade que je veux dénoncer ici, après avoir pris quelques jours pour discuter avec mes collègues et amis dont beaucoup sont plus que réservés face à la mesure qui est sensée « empêcher l’effondrement de nos hôpitaux ». 

Manque de mesure et manque de vision stratégique

La première chose qui se discute entre collègues est l’absence de validité scientifique des mesures prises, et même leur fréquente aberration. Ainsi la politique des tests gratuits et non ciblés, qui a entraîné l’engorgement des laboratoires et retardé la délivrance des résultats (parfois jusqu’à dix jours !), annulant tout effet positif sur la prévention des contaminations. Ainsi la limitation des activités de plein air, alors qu’on sait maintenant qu’il n’y a quasiment pas de contamination à l’extérieur. Ainsi l’interdiction des petits commerces, concentrant les clients dans les grandes surfaces. Ainsi la fermeture des universités alors que les écoles, collèges et lycées (y compris les classes préparatoires) restent ouverts. Ainsi le cadenassage des gens chez eux alors que les frontières sont béantes. Les diverses mesures sont discutées pied à pied : fermer les discothèques et les bars paraît de bon sens, tandis que condamner les salles de spectacles pourtant soumises à un protocole sanitaire draconien en révolte plus d’un ; limiter les voyages à longue distance est généralement accepté, tandis que maintenir les gens dans un périmètre d’un km autour de leur domicile est vu comme une mesure liberticide et injuste, sans aucun effet sur la propagation de la maladie ; interdire les grands rassemblements est plébiscité, tandis que détruire la vie de famille choque tout le monde. On regarde les courbes et les projections, on passe au peigne fin l’épidémiologie, on réfléchit aux dernières avancées en matière de traitement et de vaccin, on compare les décisions des différents pays – la Suède qui mise sur l’immunité collective et ne s’en porte pas si mal, l’Allemagne et la Suisse qui encouragent les gens à pratiquer des activités de plein air pour éviter qu’ils s’étiolent, la Belgique qui a compris que les livres étaient aussi essentiels que les pâtes alimentaires. Manifestement, notre gouvernement à nous manque de sens de la mesure – hybris ; et il manque aussi du sens de l’occasion propice – kairos ; et qu’on n’aille pas évoquer la prudence – phronesis – pour masquer son manque de vision stratégique ! Quant au « conseil scientifique » que les médias citent à tout bout de champ, son autorité est ici plus que contestée. Chacun sait que les prétendus experts sont choisis et nommés sans aucune transparence, sur des critères de canaillerie politicienne et de basse connivence, critères qui n’ont rien à voir avec leurs qualités scientifiques. De toute façon, la science c’est la discussion, la confrontation d’hypothèses contraires, et non l’unité dogmatique aboutissant à de véritables oukases.

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Et puis, les scientifiques que nous sommes critiquent le confinement généralisé et indifférencié en tant que moyen primitif, voire moyenâgeux. Peut-on croire qu’en presque un an de covid on n’ait rien appris de cette maladie ? En réalité, on a progressé dans la connaissance et dans l’action. Ainsi les séjours en réanimation sont devenus à la fois plus rares et plus courts, avec des patients mieux sélectionnés et mieux soignés. L’arrivée des tests antigéniques rapides, qui donnent un résultat en quinze minutes, modifie la stratégie de dépistage en permettant de casser les chaines de contamination. Déjà la Slovaquie a lancé un ambitieux programme de dépistage de toute sa population, pour concentrer les efforts d’isolement sur les seuls patients contagieux. Se résoudre à nouveau au moyen rustique qui avait été imposé l’hiver dernier par la dramatique émergence d’une maladie nouvelle, complètement inconnue, c’est nier les progrès qui ont été effectués.

Le confinement génère d’autres pathologies

Deuxième motif de mécontentement chez les professionnels de santé : le choix de tout donner à la lutte contre la covid-19 en restreignant les autres besoins. Il y a là une grande menace pour les autres malades, et plus largement pour toute la population fragilisée dans son hygiène de vie, physique et mentale. Les cardiologues alertent sur les dangers de la sédentarité, les pédiatres voient les enfants rivés à des écrans qui dispensent une éducation au rabais (et plutôt une anti-éducation), les neurologues se désolent devant la perte d’autonomie des handicapés interdits de gymnastique, les gériatres s’horrifient devant les syndromes de glissement qui se multiplient dans les EHPAD, les psychiatres constatent l’explosion des addictions, de l’anxiété et de la dépression… Tous dénoncent le défaut de soins dont sont victimes les « autres » malades, ceux qui attendent des traitements non urgents, pour ne pas dire « non essentiels ». Non essentielle, la prothèse de hanche d’une personne souffrant d’arthrose au point qu’elle ne peut plus marcher ? Non essentielle, l’opération de la cataracte de celui qui ne peut plus lire ou conduire ? Non essentiel, le dépistage des cancers à un stade précoce par les coloscopies programmées ou les mammographies de routine ? Toutes ces activités sont mises en sommeil pour concentrer tous les moyens, matériels et humains, sur la covid. Au nom d’un refus grandiloquent du « tri » entre patients – tri qui est pourtant le fait même de la décision médicale : le bon soin au bon patient – on décrit les soignants comme avides d’une technique maximale déversée sur tous, sans réflexion sur le pronostic particulier ni le coût général. 

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C’est le cas surtout pour la revendication de toujours plus de réanimation, que les médias présentent comme une évidence dans le corps médical. Cette demande est pourtant loin de faire l’unanimité entre médecins. Nous savons tous que les lits de réanimation sont massivement occupés par des patients trop âgés ou trop fragiles pour bénéficier vraiment de cette débauche de technologies invasives. Nous savons que la situation de ces patients est atroce. Et nous savons que leur pronostic est catastrophique : la mort à court ou moyen terme, après une dégradation irréversible de leur qualité de vie, est ce qui les attend. Croyez-vous que les médecins sont satisfaits de ce qui s’apparente plus à de l’obstination déraisonnable qu’à des moyens justement proportionnés ? Croyez-vous qu’ils sont aveugles à l’acharnement thérapeutique effectivement pratiqué, comme si cette notion était préemptée par les seuls militants de l’ADMD ? Les soignants sont-ils de simples techniciens se querellant entre spécialités pour attirer sur eux toujours plus de gadgets techniques sans considération des conséquences de leur application sur les patients ? Sont-ils si bêtes qu’ils confondent quantité (de soins, de technologie, de durée de vie, etc.) avec qualité ? Sont-ils si incultes qu’ils ignorent le concept de justice distributive ?

Paris, des habitants confinés applaudissent les soignants à 20 heures, le 19 mars 2020 © Christophe Ena/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22439935_000063
Paris, des habitants confinés applaudissent les soignants à 20 heures, le 19 mars 2020 © Christophe Ena/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22439935_000063

Troisième sujet de fureur chez les soignants : la déconnexion entre les grandes déclarations du gouvernement et ses médiocres réalisations. Lors de la crise du printemps, nous avons eu droit aux applaudissements de vingt heures, aux hymnes aux « héros du quotidien », à la promesse de réforme d’un système asphyxié par la bureaucratie, aux engagements de mettre un terme aux restrictions en moyens et en personnel, aux apitoiements sur les conditions de travail et les salaires, qui sont parmi les plus bas du monde développé ; puis a eu lieu la mascarade du Ségur de la santé. De tout cela, qu’est-il sorti ? Rien. Depuis dix mois que sévit l’épidémie, qu’a-t-on fait pour la médecine en général et l’hôpital en particulier ? A-t-on embauché du personnel soignant et acquis du matériel technique ? A-t-on arrêté la compression des services et les fermetures de lits ? A-t-on réduit la pression administrative pour redistribuer les moyens vers le soin ? A-t-on réformé le mode de rétribution de l’hôpital, la fameuse et décriée T2A ? A-t-on revalorisé les salaires et amélioré les conditions de travail ? A-t-on mieux associé hôpitaux publics et cliniques privées, pourtant lieux d’une médecine non moins excellente et non moins nécessaire ? A-t-on aidé et soutenu les praticiens de ville, immense réserve de talents et de bonne volonté ? Rien de tout cela n’a été fait. Pas étonnant que l’hôpital croule à nouveau sous des besoins qu’il ne peut satisfaire. Il est exactement dans la même situation qu’en mars dernier, l’enthousiasme du personnel en moins. Nous le savions depuis longtemps, nous en avons la confirmation éclatante au moment où on nous exhorte à nouveau au combat, faisant appel à notre magnifique sens du devoir et citant avec lyrisme le serment d’Hippocrate : on nous prend vraiment pour des cons.

Tout le corps médical ne communie pas dans cette idolâtrie

Autres conversations dont bruissent les couloirs de nos services : l’exaspération d’être présentés de manière unidimensionnelle, sans considération pour la richesse de nos expériences et de nos aspirations. Pour être soignant, on n’en est pas moins homme – et citoyen. Voir en nous des pasionarias de la dictature sanitaire, c’est nous faire l’insulte de nous croire étroitement corporatistes. Contrairement à ce que les médias sous-entendent, nous ne communions pas dans « l’idolâtrie de la vie »[tooltips content= »Olivier Rey, L’Idolâtrie de la vie, Tract, Gallimard, 2020″](1)[/tooltips]. Médecins, soignants, nous ne défendons pas la simple vie biologique, la vie nue, la vie nulle. Nous savons que la médecine est encastrée dans la société, et non la société au service de la médecine. La santé biologique est pour nous un but intermédiaire, surplombé d’un objectif plus grand et plus haut, un objectif non seulement physique mais aussi moral. Détruire l’objectif d’une vie humaine accomplie – une vie affective, sociale, intellectuelle, culturelle, spirituelle… – pour préserver l’objectif intermédiaire de la vie biologique est une aberration, que nous refusons de cautionner. 

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Ainsi les gériatres ont été nombreux à s’opposer aux interdictions de visite aux personnes hospitalisées ou vivant en institution. Ils savent que l’amour des proches est ce qui maintient en vie les plus âgés, les plus fragiles. Et d’ailleurs, faut-il encore maintenir en vie, si cette vie perd les attributs de la « vie bonne », qui est avant tout une vie de relation ? À vrai dire, ils acceptent que leurs patients très âgés meurent, car c’est la condition humaine. Mais ils ne veulent pas qu’ils meurent comme ça. Comme ça, c’est-à-dire seuls et abandonnés en raison d’un diktat sanitaire dont le sens s’efface à mesure que se flétrissent les corps et les âmes.

De façon moins dramatique, la plupart des soignants refusent d’endosser la responsabilité du « quoiqu’il en coûte ». Ils ne veulent pas sacrifier et l’économie, et la jeunesse, et l’éducation, et la spiritualité, et la culture, et le sport, et la gastronomie, tout ce qui fait le plaisir et le sens de la vie humaine, au spectre désincarné d’une survie biologique nue. Ils ne disent pas « tout pour la santé et merde au reste ! ». Pour eux-mêmes comme pour leurs concitoyens, ils s’opposent au métro-boulot-dodo auquel on veut les réduire. Ils entendent dîner au restaurant, sortir au cinéma, au théâtre et au concert, faire du sport, voyager, visiter une exposition ou un musée, se promener en forêt ou en montagne, voguer sur la mer ou flâner au bord d’une rivière… Et surtout, ils entendent profiter de leur proches, familles et amis, dont l’hygiénisme mal compris entend les priver.

Le gouffre économique qui se creuse

De toute façon, ils ont bien saisi que détruire l’économie du pays en le mettant sous cloche n’aidera pas le système de santé, notamment les hôpitaux. Ils voient plus loin qu’une crise sanitaire qui n’en finit pas. Avec quoi financera-t-on les équipements et personnels indispensables si on s’appauvrit toujours plus inéluctablement ? Les soignants ne sont pas économistes, mais ils ne sont pas idiots. Ils savent que la santé a un coût, à défaut d’avoir un prix. Mettre à plat l’économie réelle à court terme, c’est tuer la possibilité de l’investissement dans le système de santé à moyen terme. Chaque commerçant qui ferme, chaque entreprise qui licencie, chaque artisan qui fait faillite c’est moins d’argent pour la société en général et pour la santé en particulier. Un rideau de fer tiré équivaut à un lit de réanimation en moins, un local commercial vide c’est un médecin ou un infirmier en moins dans l’hôpital d’à côté. Le trou de la Sécurité sociale ne se creuse pas d’un excès de dépenses, mais d’un défaut de recettes. Il faut être bien naïf pour se rassurer par les promesses de subventions faites par un État criblé de dettes et de plus en plus privé des ressources de l’impôt (impôt qui est assis sur l’activité, non ?), un État qui assure « soutenir » la société qu’il détruit méthodiquement par ailleurs. « C’est gratuit, c’est l’État qui paie » : qui d’entre nous croit encore à ce type de discours ? Quand la société civile est au bord du gouffre, c’est toute la médecine qui s’apprête à plonger avec elle.  

Sortons un peu de l’hôpital et regardons autour de nous. La crise est partout, et pas seulement dans les services d’urgence débordés par des malades qu’ils ne peuvent accueillir décemment. Les mesures décrétées par le gouvernement au nom de l’urgence sanitaire sont un non-sens qui masque mal son imprévoyance et sa lâcheté. Écran de fumée qui accompagne l’évolution spontanée de l’épidémie vers l’indispensable immunité collective sans l’infléchir réellement, elles détruisent les vies qu’elles prétendent sauver. 

À nouveau les policiers se déploient dans les rues pour exercer un contrôle qui insulte le sens propre de leur mission. Au lieu de protéger la population contre les égorgeurs et décapiteurs qui se répandent jusque dans nos écoles et nos églises, ils en sont réduits à viser pitoyablement les Ausweis que leur tendent des citoyens revêches. Le cœur se serre devant l’humiliation qu’ils doivent endurer, miroir de notre propre humiliation. En tant que médecin des hôpitaux, je veux leur dire bien haut : « Pas en mon nom » !

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Elections américaines: la rhétorique en campagne


À l’heure où le monde a les yeux rivés sur les résultats des élections présidentielles, comment les candidats ont-ils exploité la rhétorique, cette vieille arme politique? Un bilan sous forme de questions et réponses.


Trump est un tribun, mais encore?

C’est Trump qui a propulsé la rhétorique, sous tous ses angles, au devant de la scène. On a affaire à un paradoxe : le président sortant est hors cadre avec un challenger tout à fait dans le cadre. Auparavant le sortant ou, quand il y avait deux candidats nouveaux, celui ou celle appuyée par le sortant, était exactement dans les codes politiques de Washington. Là non, et Trump a joué sur trois registres rhétoriques:

– un, il a usé à fond du prestige réel que The Office of the President a dans l’Amérique profonde, et de ses moyens matériels – il fait campagne en se servant de l’appareil d’État, ce qui est normal aux USA; le prestige de la fonction et tout l’apparat qui l’entoure compte.

– deux, il a monté en puissance sa propre rhétorique qui lui avait fait gagner l’élection de 2016, ce style à lui qui est direct, sans ambages, franc du collier, que ses électeurs adorent ; un rallye récent de voitures à Miami a réuni 14 000 véhicules, on dit même 30 000. Biden: 700.

– et trois, Trump a compris comment manipuler les sacro-saintes règles du débat à l’américaine d’abord en déstabilisant Biden dans le premier débat, et puis dans le dernier débat en montrant qu’il pouvait très bien faire comme un politicien de métier.

Les intellectuels libéraux se plaignent de la « polarisation » de la vie politique, donc de la puissance de la rhétorique mais ils vivent dans une bulle où tout doit être un compromis de bon ton, en accord bien sûr avec l’idée que les élites ont raison, et les autres tort. Or l’avantage du dernier débat est qu’il a montré une cassure très nette entre les deux programmes – et révélé que Biden dit une chose sur le plateau, « fracking », « oil »…, et une autre sur le terrain. En tout cas, deux scénarios complètement différents et deux rhétoriques opposées sur l’avenir des USA. Et ça c’est très bon pour mobiliser la base.

Quels sont les publics visés par Biden et Trump?

S’il s’agissait d’un tournoi oratoire, genre Sciences-Po, on pourrait demander à des spécialistes : qui a le mieux argumenté, répondu etc lors des deux débars. Cela c’était l’illusion de la commission, une ONG, faite de vieux croûtons, qui ont organisé les débats. Attention « debate » à l’américaine ce n’est pas débat à la française : c’est un genre quasiment scolaire. Bref, non pas qui a gagné ? Plutôt qui l’a remporté sur qui ?

Dans une performance rhétorique on est face à trois auditoires, toujours : ceux qui vous soutiennent, ceux qui vous détestent, et ceux qui sont indifférents ou indécis – 7%. Ceux qui vous soutiennent, il faut leur montrer que vous êtes vraiment leur champion. Ceux qui vous détestent, il faut s’en servir comme des épouvantails. Les indifférents, on se demande: vont-ils aller voter ?

Il est amusant de voir qu’après chaque débat les trumpistes lui ont donné une note positive allant jusqu’à 95% ; mais que du côté Biden pareil. Bref en direction des leurs, Trump et Biden ont gagné.

Mais il y a une différence de taille : l’électorat trumpien est homogène, il s’est rallié et se rallie derrière lui, y compris maintenant avec 46% de satisfaction chez les Noirs envers sa politique, un prodigieux bond en avant dû au dernier débat.

Les communicants de Biden répètent la même erreur que ceux d’Hillary Clinton : ils ont oublié que « faire campagne » c’est aller à la campagne, littéralement

Par contre l’électorat de Biden est hétérogène: de l’extrême gauche anarchiste à la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes ; des pro-islamistes aux Black Lives Matter. Et là le taux d’appréciation varie, quand on veut bien nous le donner. Très difficile pour lui d’avoir une rhétorique à géométrie variable. Pour preuve : un sondage CNN, dont l’échantillon est d’ à peu près 1500 personnes, donnait 70% d’approbation pour Biden – mais cet échantillon est composé de sympathisants démocrates, ce qui veut dire que 30% de ses électeurs potentiels se sont désolidarisés de lui, et ceux après les débats. Pourquoi ?La persuasion fonctionne mieux en direction d’un auditoire homogène. Et c’est crucial car aux USA il n’y a que les partisans qui votent: la participation tourne autour de 50-55%, sauf en 2016 où elle est montée à 59%. C’est le taux le plus bas des grandes démocraties fonctionnelles. D’où l’importance de cibler son public et de le mobiliser. Plus il est homogène, mieux c’est: 94% des républicains qui votent appuient Trump. Et les médias « mainstream » commencent à relever que les immenses files de gens qui viennent voter par anticipation ne sont pas uniquement des files d’électeurs démocrates.

A lire aussi: Le maccarthysme passe à gauche

Quels sont les éléments rhétoriques-clefs, avant l’élection ?

La classe politique américaine est dans l’incapacité de voir une chose importante : aller au contact de la parole est toujours une valeur sûre. D’accord, on sait que les comptes sociaux en ligne de Trump écrasent par leur fréquentation ceux de Biden, de très, très loin. 60M de « likes » sur Instagram contre 34M pour Biden, ces 30 derniers jours. Trump : 130M de partages sur Facebook, 18M pour Biden.  Trump a compris les Big Tech mieux que personne.

Or, les communicants de Biden répètent la même erreur que ceux d’Hillary Clinton : ils ont oublié que « faire campagne » c’est aller à la campagne, littéralement. Un commentateur devant les rallies qu’enfile Trump, à 74 ans, jusqu’à cinq par jour, durant chacun entre 40 et 60 minutes, sans téléprompteur, au chic, a bien vu la chose : Trump est revenu à ce qu’était être en campagne avant la télévision et les annonces publicitaires politiques. Il a sillonné le pays depuis quasiment son élection voilà quatre ans – rhétorique au contact. Biden reste dans son garage.

D’où, une autre chose qu’on n’a pas vraiment noté : le peu de cas que Trump fait des messes télévisuelles, comme l’émission phare « 60 Minutes » : si ça ne lui plaît pas, si le montage lui est défavorable, alors il lâche sur Internet l’enregistrement complet avant que l’émission ne passe. Imaginez cela en France… Bref il propulse un contre-argumentaire, il contrecarre. La télé est littéralement dépassée: ces émissions sont traitées comme des  éléments de stratégique rhétorique, et ont perdu leur efficacité quant au débat politique.

Côté Biden, trois stratégies qui ne collent pas les unes aux autres, disjointes. Pour les « geeks » de Biden, tout est Internet. Pour ses coaches de prise de parole, ils l’ont cadré comme politicien de carrière avec des mots et gestes préparés d’avance. Pour ses communicants en image, ce qui compte ce sont des millions de dollars, des sommes affolantes, en publicité politique, une sorte d’obsession Hollywood de la politique. Stratégie hétéroclite. Les républicains ont donc trouvé la brèche: Biden est « sénile ». Des preuves ? Il appelle les fameux Proud Boys  « Poor Boys » – ce qui a fait rire : en Louisiane le Po’Boy c’est un sandwich au crabe. Il dit à des électeurs ouvriers qu’ils sont des tarés (« chumps ») s’ils ne votent pas pour lui. Il avertit un auditoire noir qu’un noir qui ne vote pas pour lui c’est un mauvais noir. Il nomme Trump « George » et a appelé le mari de sa colistière Kamala Harris « son épouse ». Ce ne sont pas des gaffes : il peine à cibler chacun des publics hétéroclites qui forment son électorat potentiel, et se prend les pieds dans le tapis.

Un « take away » avant le Jour J?

Ce qui est apparu enfin au plein jour est une rhétorique des sondages. Les sondages sont devenus des argumentaires partisans. Depuis que les sondages ont eu tout faux – sauf un, Trafalgar Group – pour l’élection de 2016, les sondages eux-mêmes sont devenus des éléments d’argumentaire de campagne. Leur fabrication partisane a été révélée, mais surtout ils sont devenus une pièce du montage rhétorique, bref des outils de persuasion – et pourquoi pas ? Pourquoi les sondages seraient-ils neutres ? C’est une illusion dont il faut sortir.

La nuit du 3 novembre, comme on dit aux USA : « Allez chercher le popcorn et asseyez-vous devant la télé », le spectacle va valoir tous les shows du monde. Car c’est « le » show politique mondial par excellence. « The greatest show on earth ».

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Remigration, une chance pour la France?

 


L’intégration d’une partie des immigrés musulmans en France et de leurs descendants est un échec patent. Pour inverser la vapeur, il faudrait limiter drastiquement l’immigration des pays musulmans et renvoyer dans leurs pays certains binationaux, à commencer par les délinquants. Les «identitaires» proposent des mesures légales et républicaines pour le faire. Nous les passons en revue…


Comme tout le monde ou presque, j’aurais préféré que l’histoire de ces cinquante dernières années donne tort aux prédictions de Jean-Marie Le Pen sur l’immigration. Comme beaucoup de Français indécrottablement idéalistes, j’ai espéré que la France, dans sa grandeur et sa générosité, déjoue les pièges de la fatalité et voie naître en son sein un islam éclairé, pratiqué à bonne distance d’un dogme totalitaire, conquérant et criminel par une majorité très écrasante de nos concitoyens musulmans séduits par les charmes du monde libre. Un islam français dévoyé (mais de quelle voie ?) enrichi de liberté, d’égalité et de fraternité qui, au moment des printemps arabes, aurait poussé de jeunes Français musulmans à partir en Syrie au secours des femmes yézidies, combattre les barbares de Daesh pour leur apprendre la religion de paix et de tolérance. Après tout, les communistes ont bien mis au rencard leurs rêves de dictature du prolétariat, desserré les dents pour laisser tomber le couteau et se changer en assistantes sociales à la tête de municipalités populaires, propalestiniennes certes, mais si on se civilise, on ne se refait pas.

Mais ça ne s’est pas passé comme ça. C’est un autre islam qui est passé. Ça avait pourtant plutôt bien commencé. Dans un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, à Barbès, les jeunes femmes étaient libres et sexy, le voile qui ne couvrait que leurs vieilles mères était une espèce en voie de disparition. La burqa n’était nulle part, aussi exotique que l’étui pénien chez les Papous. Ceux qu’on appelait les « beurs », par délicatesse, car le mot « arabe » était un peu excluant, portaient des blousons de cuir, jouaient du rock et chantaient « douce France, cher pays de mon enfance ». Mais la mode a changé. Dix ans plus tard, des banlieusards en survêtement et casquette sont venus chanter « qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? », annonçant en musique les pressions, les intimidations, les destructions, les insultes, les menaces, les agressions et les meurtres qui allaient venir de certains immigrés qui prennent la voie d’un séparatisme pas du tout amish.

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D’autres Français qui ne veulent pas laisser faire se sont alors levés et organisés pour demander à la nation outragée : « Qu’est-ce qu’on attend pour les foutre dehors ? » En quelques décennies, la possibilité de continuer à « vivrensemble » avec des gens dangereux qui nous détestent leur est devenue inenvisageable et le mot « remigration » est apparu. Mais voilà, le mot peut faire peur. Sans plus d’explications, il peut amener les plus vigilants d’entre nous à craindre une épuration ethnique ou religieuse, et personne ne veut voir des familles encadrées par la police, et entassées dans des ports en attendant des bateaux. 

Qu’on se rassure, même proposé par ceux que la vulgate médiatique classe à l’extrême droite, le projet ne ressemble en rien aux rapatriements des Français d’Algérie. Pas d’amalgame. Même pris en charge par nos « fachos », les musulmans en France ont moins à craindre les brutalités et les arbitraires que leurs coreligionnaires chinois ou birmans, ou que les juifs ou les chrétiens d’Orient. Pour tenter de convaincre la nation que la chose pourrait être moins effrayante que le mot, les « identitaires » publiaient en février 2017 « 30 mesures pour une politique d’identité et de remigration ». « Cette remigration peut prendre plusieurs années, voire dix ou vingt ans. Elle sera humaine, mais ferme », annoncent-ils en préambule de 180 pages pleines de chiffres, de stratégies, de méthodes, d’explications sur ce qui ne manquerait pas de coincer et de solutions pour décoincer.

Les mesures ne visent pas les immigrés européens, mais pour les autres, il s’agit de transformer les flux en goutte à goutte : finis le droit du sol, le regroupement familial, l’accueil des migrants et la double nationalité, stoppées pour dix ans toutes les naturalisations, même par mariage, sauf pour les hommes de la Légion étrangère, suppression de l’AME, priorité nationale et européenne pour les emplois, exclusivité pour les aides sociales et les logements sociaux, prison pour les patrons qui emploient sciemment des clandestins.

Et pour réduire les stocks : expulsion de tous les sans-papiers, des réfugiés déboutés et de tous les étrangers en prison, déchéance de la nationalité pour les personnes naturalisées depuis moins de dix ans ou les binationaux délinquants ou criminels. Sont prévus des accords avec les pays d’origine, ou des pressions pour rendre tout cela possible. Par ailleurs, une campagne d’incitation pour ceux qui ne se sentent pas chez eux, qui souhaitent nous quitter à l’amiable et de leur plein gré, et pour les accompagner, un fonds d’aide au retour.

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Enfin pour défendre l’identité française, les identitaires proposent de changer le paysage : plus de voiles islamiques dans les rues, de minarets, d’abattage rituel, de prêches en arabe, de financements publics ou étrangers des mosquées, plus d’UOIF, de propagande immigrationniste sur les médias de service public, de financement d’associations d’aide aux immigrés, de lois antidiscrimination, d’interdits alimentaires dans les cantines ou les commerces. Une taxe sur le hallal pour alimenter le fonds d’aide au retour et un grand ministère de l’Identité et de l’Enracinement pour enseigner les fondements de l’identité française et institutionnaliser l’esprit de reconquête.

Ces mesures qui figurent en nombre dans les programmes du RN ou de LR ont le mérite de ne pas tourner autour du pot. Ici, contre le séparatisme, on ferme pour de bon les frontières pour cause de travaux de reconstruction de l’unité nationale et d’assimilation à marche forcée. Ici, contre l’insécurité, on n’interdit pas tantôt les rodéos, tantôt les feux d’artifices, on nous débarrasse directement de la racaille. La déchéance de la nationalité et le retour au pays de leurs aïeux pour les binationaux ou pour les fraichement naturalisés condamnés pour des crimes ou des délits est une solution intéressante. Elle pourrait soulager la France d’une bonne part de ceux qui remplissent ses prisons, de ces petits délinquants qui deviennent de parfaits petits talibans, dissuader tous ceux que la carrière de Mohamed Merah inspire et les ramener par une menace sérieuse dans le droit chemin. À l’objection « mais ils sont Français » qui réduit tout le monde à l’impuissance, les identitaires répondent « mais pas seulement » et nous proposent de sortir de l’impasse par la voie républicaine.

Enfin contre l’islamisation, on bannit du paysage chrétien ou laïque tout ce qui l’enlaidit et le dénature, plus de ces femmes voilées qui affichent obstinément et effrontément leur soumission au pays des hommes et des femmes libres ou qui se pavanent tranquillement dans nos rues dans l’uniforme de l’ennemi. Le projet est radical mais au pays de Mila et des 120 attaques au couteau par jour, quelle est l’alternative ? L’ubérisation ? La déradicalisation ? L’éducation civique ? La remigration pourrait être la seule réponse sérieuse, la seule qui soit une chance pour la France.

Les identitaires, 30 mesures pour une politique d’identité et de remigration, éditions Idées, 2017.

Malheur au peuple qui a besoin de héros

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Après la cabale des islamistes contre Samuel Paty, un professeur de philosophie, René Chiche, propose de soumettre un amendement simple, mais capital…


C’est désormais officiel : la classe politique française aurait rendu hommage à Samuel Paty. Chacun y va de son couplet sur Jules Ferry ou sur la nécessité de combattre avec fermeté l’islamo-gauchisme, mais personne n’a l’air d’être choqué par la structure administrative qui a rendu ce meurtre possible.

Quand on donne aux parents d’élèves le pouvoir, non seulement de remettre en cause l’enseignement d’un professeur, mais de menacer sa carrière, quand un responsable d’établissement a désormais pour mission de trouver un terrain d’entente entre les deux partis, quand on dépêche un inspecteur pour recadrer, non pas l’islamiste, mais l’enseignant, il ne faut pas s’étonner si les plus violents en profitent. À quoi peut bien servir, face aux prêcheurs de haine qui veulent la peau de notre modèle républicain, une minute de silence ? À rien.

Dans ce concert d’hypocrisie institutionnelle et de bouffonnerie belliqueuse, un professeur de philosophie, René Chiche, propose de soumettre un amendement simple, mais capital. Au lieu de conditionner l’instruction publique au bon comportement du professeur (article 1 de la loi pour une école dite de la “confiance”), conditionner celle-ci au bon comportement des élèves, et de leurs parents. Cet “amendement Paty” paraît découler du bon sens, il relève aujourd’hui du courage. Sera-t-il entendu, et dans le cas contraire, aura-t-il l’énergie de poursuivre le combat à la mémoire de son collègue assassiné ? Malheur au peuple qui a besoin de héros, disait Brecht.

God bless America

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L'éditorial du "Monde": "Une démocratie en danger". Brrr... © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22510438_000007


La Maison Blanche va sans doute devenir un peu grise.


Trump a fait de bonnes choses. Entre autres, et surtout, il a redonné un visage – certes grimaçant – à l’Occident. Mais il était vulgaire, brouillon, hâbleur et menteur.

Par comparaison Joe Biden est un être droit dépourvu toutefois de toute envergure. Depuis toujours les États-Unis connaissent une régulière alternance entre présidents démocrates et présidents républicains.

Le problème n’est donc pas là, puisque pour l’essentiel les États-Unis restent les États-Unis. Il y eut de grands présidents démocrates : Roosevelt, Kennedy. Il y en eut de détestables : Obama en témoigne.

Il y eut de grands présidents républicains : Eisenhower, Reagan. Il en eut de pitoyables : Nixon, Bush et dans une moindre mesure, Trump. Plus que la couleur politique c’est la qualité des hommes qui comptait.

Il est beaucoup trop tôt pour trancher le cas de Biden. Mais on n’a guère de doute sur le diagnostic concernant les démocrates. Ce grand parti est devenu la caisse de résonance de toutes les bien-pensances caricaturales américaines.

Comme la gauche française (enfin ce qu’il en reste) les démocrates ont plongé dans l’indigénisme et le black is beautiful. Ils font les yeux doux à l’Islam et aux racisés. Ils n’ont plus aucune colonne vertébrale. Celle-ci est devenue tellement molle qu’elle se plie au moindre souffle identitaire. Naguère l’Amérique démocrate avait le visage souriant et moqueur de Woody Allen. Aujourd’hui que Dieu protège l’Amérique des démocrates…

Unibail-Rodamco-Westfield: Une semaine pour que les entrepreneurs l’emportent sur les spéculateurs

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Le centre commercial la Toison d'or (Unibail-Rodamco) à Dijon, en 2013 © TARDIVON/SIPA Numéro de reportage: 00668520_000008

La sauvegarde d’Unibail-Rodamco-Westfield et ses enjeux


La bataille fait rage. Le géant de l’immobilier d’entreprise – connu en France pour le forum des Halles, le CNIT de la Défense, Paris expo et présent dans 13 pays – est emblématique d’un secteur économique qui a pris la crise du Covid de plein fouet. Le manque à gagner sur les baux commerciaux est une résultante directe des périodes de confinement et dans certains cas de fermetures d’enseignes.

Face à ces difficultés, le directoire du groupe, formé par Christophe Cuvillier et Jaap L. Tonckens défend une augmentation de capital de 3,5 milliards d’euros, afin de conserver un bilan solide, un accès au marché de la dette et une notation élevée. Seule cette augmentation de capital permet de conserver les actifs américains chèrement acquis lors du rachat de l’australien Westfield en 2018. Cette opération représente bien sûr un effort important demandé aux actionnaires, la dilution venant se rajouter à un cours boursier qui a déjà souffert.

L’ère de l’économie casino est révolue, ainsi que celle des cost-killers aveugles. La crise du Covid aura peut-être une vertu indirecte, celle du retour en force de l’économie réelle et de ceux qui la font, les vrais entrepreneurs

Xavier Niel et Léon Bressler ne l’entendent pas de cette oreille. Le médiatique patron d’Iliad et l’ancien dirigeant d’Unibail mènent une fronde contre ce plan de recapitalisation. Une bataille sans merci qui trouvera son dénouement le 10 novembre prochain, date du vote du plan de redressement, affrontement d’autant plus féroce que l’actionnariat d’URW est très fragmenté. L’argument de Xavier Niel et de Léon Bressler est que le groupe n’a nullement besoin d’une augmentation de capital, mais d’un recentrage de ses activités en Europe et d’un assainissement de sa situation financière par la vente des actifs américains apportés lors du rachat de Westfield.

Deux conceptions de l’entrepreneuriat

Au-delà de l’affrontement sur un choix de gouvernance, cette lutte est emblématique de deux conceptions de l’entrepreneuriat.

Les ventes préconisées par le patron d’Iliad n’interviendront que sur un horizon de temps non maîtrisé et dans des conditions de cession réalisées pendant une mauvaise période : c’est évidemment un moyen radical de renflouer le cash-flow, mais en essuyant au passage une moins-value considérable sur l’acquisition de Westfield.

A lire aussi: La Commission européenne préparerait le démantèlement d’EDF

Qui plus est, la vente des actifs américains est exigée par Xavier Niel de façon aveugle, sans différencier de véritables pépites commerciales telles que les centres commerciaux de Los Angeles, San Diego et San José, et des actifs régionaux beaucoup moins rentables.

Pendant toute la durée de recherche d’un acquéreur des actifs américains, le bilan d’URW ne cessera de se dégrader, avec le produit d’une vente en position défavorable comme seule garantie de redressement. Entretemps, la dégradation des ratios financiers du groupe risque fort de conduire à une sanction par les agences de notation, et une fermeture de l’accès aux marchés : un cercle vicieux bien connu, où brader les actifs ne fait qu’alimenter le cercle de la défiance et force à encore plus de ventes à perte.

Le projet Reset proposé par le directoire d’URW n’est pas seulement un plan de refinancement, mais un projet de réorganisation complète du groupe. Les cessions d’actifs ne sont pas décidées en bloc, mais s’appuient sur une connaissance précise des points forts et faibles de chaque site commercial, sur l’analyse organique des circuits commerciaux et sur les zones de chalandise des clientèles cibles en fonction de leur densité, leurs moyens d’accès, leurs profils sociaux-professionnels, tenant compte des différents scénarios que le Covid doit faire anticiper. Un bon plan de refinancement doit toujours être accompagné par un projet de réingéniering de l’organisation et des hommes.

Face à cette proposition, la position de Xavier Niel fait apparaître les différents sites commerciaux du groupe comme de simples caisses remplies de liquidités, vendues dans l’ignorance de leur mode de fonctionnement, sans anticipation de leur redressement ou de leur dégradation future. Seule semble compter la rentabilité instantanée pour Xavier Niel, non la capacité anticipatrice de l’entrepreneur qui doit mettre en place un redéploiement de l’activité.

La logique de Xavier Niel est hélas bien connue : elle ressemble plus à celle des « vadeurs » en bourse, ces pratiquants de la vente à découvert, spéculant sur de simples flux financiers sans s’intéresser aux marchés réels et aux compétences détenues par l’entreprise. Cette vente à la découpe entraîne généralement une spirale de récessions successives, nullement un apurement du bilan financier. La braderie entraîne la défiance commerciale qui oblige à d’autres braderies.

Il est temps de changer d’ère

Réveillez-vous Xavier Niel. L’ère de l’économie casino est révolue, ainsi que celle des cost-killers aveugles. La crise du Covid aura peut-être une vertu indirecte, celle du retour en force de l’économie réelle et de ceux qui la font, les vrais entrepreneurs. Ceux qui aiment et connaissent leurs produits, leur métier et leurs hommes.

Espérons que d’ici le 10 novembre, nous assisterons à la victoire des entrepreneurs sur les spéculateurs.

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France: plutôt la dhimmitude que la guerre?

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Après les attaques d'un islamiste à Vienne, le président Macron se rend à l'ambassade d'Autriche le 3 novembre 2020 © Christophe Petit Tesson/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22509746_000001

Les attentats islamistes se multiplient sur le sol européen. D’aucuns continuent de se demander en France: “mais pourquoi sont-ils aussi méchants?” À force de ne pas choisir entre vivre sous le joug d’un califat ou sous celui de « l’extrême droite », on nous signale à gauche une migraine terrible!


Quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo, m’en revenant au bureau, je retrouvai des collègues extrêmement angoissés. Ces femmes – je travaille dans la fonction publique, où les femmes sont majoritaires –, évidemment de gauche, ne comprenaient pas. Comment des gens pouvaient-ils être si « violents » ? Pourquoi en avaient-ils après un journal ? C’étaient des « malades », des « fous ». En signe de résistance, elles avaient toutes achetées le numéro spécial sur lequel Mahomet disait « Tout est pardonné ». Ce qui revenait aussi, et qui m’étonnait fort même si je l’avais déjà beaucoup entendu après Merah, c’est que pour elles, « le pire c’est que ça (faisait) monter l’extrême droite ». Oui, « le pire » ce n’était pas l’islamisme, qu’elles n’évoquaient même pas, mais bel et bien « l’extrême droite ». Marine Le Pen, à leurs yeux, c’était Adolf Hitler, moins la moustache.

A lire aussi, Cyril Bennasar: Remigration, une chance pour la France?

C’est pour bientôt cet attentat “jambon-beurre”?

Depuis Merah, la gauche a un rêve : voir un « facho » commettre à son tour un « attentat ». Niant ce qu’il y a de djihadiste dans l’islamisme et d’islamisme dans l’islam, ayant inventé et promu la notion de « haine » pour mettre dans le même sac – avec toutefois une nette préférence pour les patriotes – toutes les voix qui n’adhèrent pas au multiculturalisme, à l’indifférenciation, au relativisme, elle guette fébrilement chaque attentat avec l’espoir que, cette fois, enfin, le réel prouve que « salafistes » et « fafs » sont les deux faces d’une même médaille. Quand un musulman – s’il dit qu’il l’est, qui suis-je pour lui refuser ce nom ? – décapite un kouffar, c’est toujours un « acte isolé », un « loup solitaire » qui aura été « manipulé » – quand on pense que s’engager en politique, c’est signer des pétitions, on ne saurait concevoir que d’aucuns puissent aller jusqu’à prendre des vies et sacrifier la leur pour la même raison. Ses parents diront bien qu’ils ne comprennent pas comment leur si gentil fils – il portait les courses, avait le cœur sur la main, même si la police nous apprendra qu’il avait aussi vingt inscriptions sur son casier – a pu faire ça. Journalistes, experts, politiciens, présidents d’assos’, comédiennes répéteront tous le mantra : « Surtout, il ne faut pas faire d’amalgames ». Des dizaines de musulmans massacrent au nom de l’islam ? Aucun rapport avec l’islam. Logique, non ? Affirmer le contraire ou simplement douter, serait « diviser les Français », « faire le jeu de l’extrême droite ». Apparemment, tous les journalistes, prêtres de l’Église vivrensembliste, sont théologiens, ont lu le Coran, les hadîts, Avicenne, Averroès ; athées pour la plupart, ils se risquent à l’exégèse, sont capables d’affirmer que l’islam, « bien sûr il faut le rappeler », est « une religion d’amour et de paix » – oui, ils sont également tous historiens, plus précisément spécialistes de la conquête musulmane dont les Espagnols, évidemment, n’ont jamais pu faire leur deuil tant ils étaient heureux sous les pacifiques, tolérants et même gay-friendly princes d’Al-Andalus. En revanche, quand un militant du RN dit, devant la caméra de Quotidien, un truc idiot comme « Y’en a marre des Arabes », alors là, bien sûr, l’amalgame est immédiat : tous les électeurs du RN sont racistes, c’est décidément un parti fasciste, la République est en danger. Face au djihadisme, il est interdit – sous peine de procès médiatique et/ou tout court – d’essentialiser ; en revanche, face à « l’extrême droite », c’est non seulement autorisé mais nécessaire. Que sont ces presque trois cents Français décapités, tués au couteau, à la kalachnikov et les milliers d’autres blessés, traumatisés à vie, tous ces orphelins, que sont-ils en comparaison de « la peste brune » ? Génération Identitaire, voilà l’ennemi.  

A lire aussi, Benoît Rayski sur Vienne: Kaddich (prière juive pour les morts)

 

Or, du moins en France, on attend toujours le terrorisme d’« extrême droite ». Certes, l’année dernière, un ancien militant RN avait tiré sur un fidèle de la mosquée de Bayonne. Vous avez vu comment, alors, ils semblaient soulagés, les Thomas Portes (jeune et médiatique hiérarque communiste NDLR), les Clémentine Autain, toutes les grandes figures de l’islamo-gauchisme ? Ah ! enfin le réel semblait donner raison à leur inique comparaison. Ils pouvaient dire, comme ils le disaient avant et comme ils le diront jusqu’à la fin : c’est la « haine » de « l’extrême droite » qui, nourrissant les « discriminations », conduit des Français-comme-vous-et-moi, des « victimes » du « racisme systémique », de poétiques jeunes clandestins soudanais venus ici pour les droits de l’homme et les backrooms, c’est cette haine-là, fille du Code noir, du colonialisme et du nazisme, qui est l’unique responsable. Pour être cynique, après cet « attentat » qui valait bien celui du Bataclan à les entendre, n’est-ce pas, le score était de cent « attentats » à un, mais on pouvait croire en la remontada. Pas vraiment, en fait. Toujours pas. Tandis que le djihad progresse chaque jour en France (et en Europe), que des loups solitaires déséquilibrés, racisés, pas bien accueillis, privés de PS4 et de mangas, revenus de Syrie ou sortis de prison où, malgré les ateliers diabolo et macramé, ils demeurent bizarrement islamistes ; tandis que nos stocks de bougies fondent plus vite encore que ceux de masques FFP2 ; tandis que des foules entières, dans le monde musulman, et même des gouvernements nous grondent, nous défient voire jurent notre mort non pas en tant que République mais en tant que France, culture, civilisation ; le seul problème, le vrai problème, c’est « l’extrême droite » et, plus généralement, tous ceux qui refusent de s’accommoder, de baisser la tête, de se coucher. 

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Claude S, l'attaquant présumé de la mosquée de Bayonne. Image : capture d'écran du compte Facebook.
Claude Sinké, décédé en prison, avait attaqué la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019. Image : capture d’écran du compte Facebook.

Contre la «haine», tous les coups sont permis

L’autre jour à Avignon, un trentenaire portant une veste aux couleurs de Génération Identitaire et une arme à feu menace des passants et des policiers venus le cueillir. Il est abattu. Dans la seconde, Mediapart, Mélenchon et toute la clique claironnent : la « haine » a encore frappé ! Sur les réseaux sociaux, des milliers de nos compatriotes musulmans, surtout des jeunes, qui n’ont pas supporté la dissolution de l’association Baraka City, exigent celle du « groupuscule ». En fait, on apprendra plus tard que le « terroriste » en question était un malade mental, ancien militant communiste et qu’il n’avait pas de lien avec Génération Identitaire. La clique s’est-elle excusée ? Que nenni. Contre la « haine », tous les coups sont permis. La malhonnêteté intellectuelle et morale de ces gens n’a pas de limites. Ils ont retenté leur chance dans la nuit de lundi à mardi. Celui qui a tiré sur un prêtre orthodoxe, à Lyon, disent-ils, serait un ancien candidat de Debout la France aux législatives de 2017. Ah ! enfin ! Mélenchon relaye sur Twitter, Thomas Portes est à deux doigts de prendre le maquis, ça s’excite beaucoup, ils maudissent Nicolas Dupont-Aignan avec les accents d’un Jacques de Molay, et puis… Le pauvre gars n’a rien à voir avec cette affaire. On imagine sans peine la déception dans les rangs de la France Insoumise, des féministes, de Libération, de toutes les forces qui préféreraient mille fois vivre sous le joug d’un califat plutôt que sous celui de « l’extrême droite ». 

Au milieu des années 30, lors d’un congrès de la SFIO, un cadre devait dire cette chose inouïe, qui traduisait un pacifisme fanatique, lequel allait entraîner, bien aidé par la nullité des officiers supérieurs de notre armée et les sabotages du PCF, la défaite totale et irréparable de la France : « Plutôt l’esclavage que la guerre, parce que l’esclavage on en sort, alors que de la guerre on ne revient pas ». 

La gauche n’a pas changé.

Pas de burqa pour les transgenres antifascistes

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D.R.

Une seule et même personne peut-elle se prétendre à la fois islamiste, transgenre et antifa?


Eric Austin, désormais Britney Erica Austin, un Américain de 35 ans, converti à l’islam et originaire de Phoenix (Arizona), réalise ce rêve de l’idéologie « woke ». Vêtu d’une burqa noire, Austin (que je me permets de mégenrer par souci pratique) est un habitué des violentes manifestations antifa aux États-Unis. Il y a quelques semaines, ce militant chevronné qui se fait aussi appeler Sumayyah Dawud a été arrêté dans sa ville natale alors qu’il incendiait du mobilier urbain et brandissait une arme semi-automatique. Daech chez les cow-boys.

A lire ensuite, Jérôme Blanchet-Gravel: Après la bien-pensance, la bien-monstrance

Ce qui lui a inspiré des déclarations irréelles, publiées sur les réseaux sociaux : « De nombreux trans, dont moi, ont été intentionnellement mégenrés, déshumanisés et non respectés durant le processus d’arrestation, j’ai été également victime d’islamophobie lorsque j’ai voulu faire valoir mes droits. » Il aurait été fouillé par des hommes, ce qui va à l’encontre de ses croyances de femme musulmane.

A lire aussi, Alexandre Mendel: Derrière les émeutes, une cible: l’Amérique de Trump

Il n’en est pas à son coup d’essai. En 2011, il avait intenté un procès à son employeur, car celui-ci ne l’avait pas, selon lui, suffisamment soutenu lors de sa « transition » (son changement de sexe). Il a tout de même empoché 115 000 dollars. En 2015, il a tenté de poursuivre la police pour discrimination religieuse, après avoir été, selon lui, photographié sans sa burqa au cours d’une garde à vue. Il a été défendu par le CCIF local, le Conseil des relations américaines et islamiques, qui l’a lâché en cours de route lorsque sa transidentité a été découverte. Quant à ses coreligionnaires, ils en perdent leur latin, ou plutôt leur arabe : ils lui demandent de prier avec les hommes en tenue adéquate.

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L’Église ne peut pas ne pas confronter ses ressorts de générosité les plus nobles avec l’impératif des équilibres sociaux d’une nation et d’un continent

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Philippe Capelle-Dumont Image: capture d'écran YouTube / KTO.

 


Philippe Capelle-Dumont est prêtre catholique et professeur des universités, philosophe, spécialiste des relations historiques entre la philosophie et la théologie, président d’honneur de l’Académie Catholique de France – encore il y a quelques jours le président en exercice. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont certains sont traduits en plusieurs langues. Je peux aussi témoigner du fait qu’il est à la fois un enseignant d’une profonde bienveillance et d’une grande rigueur intellectuelle, qui sait ouvrir à ses étudiants des pistes de réflexion passionnantes. Entretien


Aurélien Marq. À l’heure où beaucoup semblent idolâtrer le consensus et l’impératif de « ne pas heurter les sensibilités », ne pensez-vous pas qu’il est urgent de redonner ses lettres de noblesse à l’exigence de vérité ?

Philippe Capelle-Dumont. Il est temps en effet de nous interroger énergiquement sur les conditions d’un retour en légitimité de l’idée de vérité, après les nombreuses impasses théoriques et pratiques allant du relativisme systémique au multiculturalisme, du consensus démocratique selon Habermas à la post-vérité selon Rorty. 

Pouvez-vous préciser ?

La vérité est intrépide autant que libératrice. En reléguant l’idée même de vérité, les relativistes contribuent à la faire glisser entre les mains irrationnelles des fanatiques sectaires, ou celles, dissimulatrices, des stratèges politico-religieux. 

Toutefois, trois indicateurs suggèrent un possible retour en force rationnel de son concept.  La philosophie des sciences se réconcilie à nouveau avec le fait que la vérité, tout comme le « réel » qui se manifeste par sa résistance au jeu théorique, se réinsinue au moment même où elle est congédiée, bref qu’elle est « scientifiquement » incontournable. Deuxièmement, le lieu commun selon lequel la philosophie ne fait que « questionner » et ne saurait « affirmer », est tombé de lui-même, par contradiction interne. Enfin, on redécouvre la vocation originellement critique de la religion dont l’étymologie première est non pas re-ligare – relier, comme on dit platement – mais re-legere c’est-dire relire ; « religio » signifiait ainsi passer au crible les données rituelles de la relation au divin. C’est pourquoi Cicéron l’opposait rigoureusement à la « superstitio ».

Pour n’être pas de vulgaires superstitions, les religions doivent donc attester d’une « critique », d’un jugement étayé y compris sur elles-mêmes, au bénéfice de la vérité.

Que tout ce qui aujourd’hui dans le monde s’appelle « religion » soit effectivement « critique » et capable d’autocritique, c’est, à tout le moins, une question que l’actualité géopolitique oblige à réexaminer entièrement ! Mais il conviendrait, en amont et en urgence, de rappeler que l’idée de vérité est consubstantielle à notre civilisation occidentale ; elle irrigue classiquement notre culture, nos écoles, nos universités, nos laboratoires ; le christianisme lui a donné une vigueur propre qu’il faut bien comprendre. Héritier à la fois de la philosophie grecque et de la tradition hébraïque, il n’en a pas été une vague synthèse, car il a réassumé et honoré cet héritage dans le dynamisme de la figure du Christ qui déclarait non pas « abolir » mais « accomplir », non pas refermer mais ouvrir. Ce principe fut préservé : celui d’une vérité comme quête inscrite sur un chemin de nouveauté, le Christ s’étant lui-même présenté en même temps comme vérité et comme chemin (évangile de Jean 14,6). Que le christianisme n’ait pas toujours suivi cette inspiration originelle est difficilement contestable. Mais, non moins gravement, la tension temporelle de la vérité s’est paradoxalement relâchée depuis le 18e siècle : la vérité a été annexée au mythe anhistorique d’un progrès inéluctable de l’humanité, dont les marxismes sont la plus funeste caractérisation. Certes, la première guerre mondiale a brisé l’illusion théorique d’un tel progrès nécessaire, quasi-mythologique, mais elle n’en a pas pour autant interrompu l’onde socio-politique qui s’est propagée tout au long du 20e siècle.

Et pour aujourd’hui, que pensez-vous que l’Église puisse apporter à la France ?

L’Église a fait principalement, non pas exclusivement certes, la France comme nation et l’Europe comme continent. C’est là une donnée historique qui n’a guère besoin de l’apologétique pour être validée. Même lorsqu’une certaine modernité occidentale l’a combattue et reléguée, elle en a gardé les traces en réinvestissant ou en travestissant nombre de ses thèmes porteurs jusque dans des idéologies amnésiques. On peut penser à la distinction entre le politique et le religieux, à la dignité foncière et juridique de la personne, à l’égalité homme-femme. Ces trois registres : politique, juridique et anthropologique ont alors donné lieu à autant de glissements de terrains qui désormais cantonnent le religieux dans la sphère privée, alimentent l’individualisme libéral et déconstruisent les « genres ». Affaire de sismologie et tout se tient. 

Mais cet apport historique peut-il se poursuivre ?

Nous sortons d’une période ecclésiale postconciliaire certes traversée par divers courants mais dont l’un, qui s’est fortement imposé, a consisté à « unilatéraliser » dangereusement un trait constituant du christianisme évangélique, à savoir « l’écoute de l’altérité ». Je m’explique. Saint Justin (2e siècle), premier philosophe converti au christianisme, avait engagé une relecture positive de la philosophie grecque en ses figures majeures (notamment Héraclite et Socrate) mais avait introduit aussitôt le critère du démoniaque, pressentant que la foi chrétienne ne pouvait être une simple caisse de résonance des idées antérieures, fussent-elles éminentes, et qu’elle devait engager un travail critique pour promouvoir ce qui est vital.

Cette position très claire et très nuancée, qui a fait paradigme, a pu être dévoyée. L’unilatéralisme idéologique dont elle a été l’objet a fini par nous placer, suivant une trajectoire historique dont il faudrait ressaisir les médiations, sur les registres hélas conjoints de l’auto-culpabilisation et de la repentance tous azimuts. Certains évoquent à cet égard la haine de soi ; je préfère parler de candeur mimétique, de paresse intellectuelle.

Prendre à revers cette disposition unilatérale, cela consiste pour l’Église à nommer les choses « sans crainte » comme dit la Bible. Je ne relèverai ici, avec humilité, que trois plans sur lesquels sa détermination fondatrice serait ainsi utile à notre pays. D’abord en finir avec la mésinterprétation à l’endroit du binôme évangélique César/Dieu ; il ne s’y agit pas, comme hélas on le répète à l’envi, d’une séparation entre le temporel et le spirituel mais d’une distinction entre l’ordre politique et l’ordre divin. Conséquence :  César n’est pas Dieu, le politique ne saurait donc être divinisé alors même qu’il est respecté dans son ordre propre de décisions comme gérant d’une autorité reçue. C’est pourquoi, cette distinction étant établie, le spirituel « inspire » le temporel à même la différenciation des ordres institutionnels, religieux et politiques. Telle est la logique de ce mot emblématique dont l’idée de laïcité est lointainement héritière. Or, à continuer d’ignorer ou de biffer cette inspiration sage et équilibrée, on ouvre toutes grandes les vannes de l’islamisme hégémonique qui se présente comme seul à pouvoir défendre les liens de solidarité entre la cité de Dieu et le politique, et on laisse se développer un laïcisme doctrinaire qui se présente comme seul apte à défendre la séparation des institutions religieuses et politiques, un comble. Bref, sont créées les conditions d’un affrontement insoluble.

Et le second plan de votre interpellation ?

Il conviendrait également d’en finir avec tous les euphémismes qui servent à désigner les offensives ou les stratégies des fondamentalistes, et qui participent d’un nivellement peureux entre les religions, masquant ainsi leurs différences angulaires. En parlant de terrorisme ou de séparatisme, ou encore d’extrémisme religieux, formules consacrées par la « doxa », on édulcore la référence aux réalités inacceptables les plus patentes. Or, le but ultime des islamistes qu’on appelle bizarrement « radicaux » n’est pas de terroriser, chose certes déjà angoissante ; il n’est pas davantage de diviser ; il est d’annihiler toute trace évoquant les périodes antécédentes au « moment Mahomet » et de fonder une nouvelle terre. Puisqu’on nous demande enfin de savoir nommer les choses, un effort supplémentaire serait le bienvenu. Ainsi de la nature du lien et de la différence entre islam et islamisme hégémonique, un lien complexe systématiquement éludé, qui certes exonère les musulmans sincèrement pieux et pacifiques mais qui n’est pas aussi élucidé qu’on le prétend médiatiquement. De surcroît, face à la toute nouvelle série d’attentats signés qui visent nettement la France et le christianisme, il est permis d’attendre de la part non pas de quelques responsables musulmans mais de tous ceux qui se revendiquent tels, autre chose que la logorrhée victimaire de l’« amalgame ». À quand l’expression sans équivoque, plus que d’une adhésion aux valeurs de la République, cette fois d’une entrée dans la mémoire française et d’une considération vis-à-vis de ce qui l’a façonnée ? 

Corrélativement, quand j’entends un imam déclarer que le christianisme est « reconnu » par l’islam, je ne peux que dénoncer une falsification intellectuelle et une insulte vis-à-vis des chrétiens soumis à la dhimmitude en pays musulman. Le Coran consacre quelques versets à quelques figures juives et chrétiennes, dont l’objectif rhétorique, comme l’ont démontré les meilleurs arabisants, est de donner à croire que les traditions de foi dont elles relèvent ont trahi le message divin. Il faut inviter à lire sérieusement, calmement mais conséquemment, ces versets où le christianisme et le judaïsme sont littéralement dépouillés de leur corps de convictions fondamentales, et sur cette base, littéralement stigmatisés. Je n’ignore pas que nombre d’intellectuels musulmans dont certains de mes amis, s’interrogent à nouveaux frais sur cette question et tentent courageusement d’introduire une réflexion herméneutique.

Vous annonciez un troisième plan d’observations.

J’y conjoindrai deux problèmes. D’abord celui des flux migratoires. L’histoire de l’immigration en France depuis plus d’un siècle – celles des russes, hongrois, polonais, juifs ou chrétiens, arméniens, iraniens, algériens, vietnamiens … – atteste de l’attrait profond que, face aux dictatures et aux totalitarismes environnants, notre pays représentait et représente encore dans ses principes, c’est-à-dire une forme de salut, de sécurité. Une mutation de la culture française en melting-pot multiculturel ou en sous-juridiction de la charia, constituerait à leur égard une haute trahison.

Certes, l’Église est porteuse d’une forte tradition d’accueil, mais à laquelle certains, y compris de ses membres, tentent de faire porter une voix unilatérale. Or, l’Église ne peut pas ne pas confronter ses ressorts de générosité les plus nobles avec l’impératif des équilibres sociaux d’une nation et d’un continent, mais aussi avec les stratégies de déstabilisation des démocraties, orchestrées par des pays étrangers. La ligne de crête est réelle mais elle n’interdit pas d’avancer.

Le second problème ?

Celui du blasphème, aujourd’hui hystérisé. Le problème précis mais pas si nouveau est de savoir s’il est possible de dessiner entre la liberté d’expression effectivement indépassable et l’organisation de la blessure collective, un espace pour le respect. Les catholiques ont été blessés depuis des décennies par les provocations caricaturales dont leur foi a été et reste l’objet, mais ils ont su prendre la distance nécessaire, sans retour de violence. Ce qui constituait la pleine reconnaissance et l’acceptation d’une liberté, non l’homologation de l’usage fait de cette liberté. Les musulmans n’ont évidemment pas droit à couper les têtes des provocateurs, ni à aller jusqu’à prôner l’interdiction des caricatures, mais ils ont le droit d’exprimer verbalement et pacifiquement leur désapprobation, tout en comprenant bien que ce droit leur vient de la même liberté que celle qui permet les caricatures. Un peu de respect mutuel et de responsabilité sociale seraient à sanctuariser au moins autant que la liberté et l’égalité qui, en France, riment constitutionnellement avec la fraternité… Triade forgée comme on sait, par un certain Fénelon, archevêque de Cambrai.

Après la bien-pensance, la bien-monstrance

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L'enseignante Verushka Lieutenant-Duval. Image: Capture d'écran YouYube / Radio-Canada Info.

Jérôme Blanchet-Gravel nous présente la nouvelle défaite de la pensée qui menace l’Occident. Au Canada, ce ne sont plus des dessins mais des mots-totems qui deviennent « blasphématoires »


L’assassinat de Samuel Paty et l’avancée du racialisme prouvent à quel point nous ne sommes plus dans l’ordre de la pensée, mais dans celui du fanatisme et du tribalisme. L’Occident vit un incroyable déclin intellectuel. Nous vivons dans un monde où les signes et les codes ont remplacé la raison et le dialogue, où la vertu ostentatoire vous dispense d’avoir à développer un point de vue cohérent pour vous présenter comme un « expert » du vivre-ensemble. Tout est emblème et blasphème. Nous ne sommes plus dans la rationalité, mais dans le fétichisme.

Islamistes, antiracistes racistes, démolisseurs de statues : les radicaux ne se soucient même plus de ce que leurs interlocuteurs pensent et du sens des mots qu’ils utilisent. Encore moins du contexte dans lesquels ils sont utilisés. Les mots ne sont plus des éléments de compréhension, mais des mots de passe qui vous permettent d’entrer dans le gang. Les mots ne sont plus des mots, mais des tatouages verbaux qu’on arbore dans l’espace public. Il n’y a plus de langage, mais seulement des totems à ne pas profaner, un mot ou une caricature que notre lignée ne nous autorise pas à utiliser. 

L’Instagram de la non-pensée  

L’imposition à travers tout l’Occident du virtue signalling (signalement moral ou vertueux) témoigne de cette victoire de l’image couplée aux nouveaux interdits moraux, sexuels et religieux dont notre élite se fait le porte-voix avec tant d’enthousiasme. L’écriture inclusive est aussi un bon exemple de cette vertu qu’il faut partout afficher au détriment même de la langue. Peu importe votre comportement auprès des femmes dans la réalité : l’important est que vous contribuiez à « dégenrer » la langue de Molière, ce salaud d’homme blanc.

A lire aussi, Corinne Berger: Fabrique du crétin, mode d’emploi

Importé des États-Unis, le courant woke (to wake étant se réveiller en anglais) nous dit qu’il ne suffit plus de penser correctement, mais de montrer qu’on le fait correctement. La différence est fondamentale. L’intériorité que chérissait Saint-Augustin ne compte plus : il ne faut plus juste être bien-pensant, mais bien-montrant. Nous avons affaire à une sorte d’Instagram de la non-pensée. On exhibe son humanisme comme les influenceurs exhibent leurs fesses sur diverses plateformes sur internet, on « signale » son humanisme comme ils prennent en photo leur petit déjeuner. Les éveillés sont les pornographes de la bien-pensance. 

Au Canada, une récente polémique prouve aussi que la vertu, les origines ethniques et les symboles l’emportent sans équivoque sur la raison et le dialogue. Finkielkraut avait déjà suggéré que la défaite de la pensée était aussi celle de l’universel. Depuis qu’un professeur de l’Université d’Ottawa a été suspendu temporairement par son institution à la demande de ses étudiants, les antiracistes se livrent une guerre interne qui n’est pas sans rappeler celle ayant opposé les Bolchéviques aux Menchéviques.

La guerre civile des antiracistes racistes

La faute reprochée au professeur Verushka Lieutenant-Duval, pourtant bien acquise aux idéaux progressistes ? Avoir utilisé le mot nègre dans le cadre d’un cours d’histoire de l’art portant sur l’évolution des représentations de la condition noire et d’autres groupes opprimés. Malgré ses excuses et hommages répétés envers la communauté noire, Mme Lieutenant-Duval confie recevoir des menaces et insultes de la part de militants antiracistes et donc, ne plus se sentir en sécurité dans un pays aussi tranquille que le Canada. Les antiracistes s’attaquent aux leurs sans même écouter ce qu’ils ont à dire pour leur défense.

A lire ensuite, Douglas Murray: «La guerre culturelle est déclarée»

Les radicaux ont créé un monde où tout est offense et appropriation, affront et transgression d’anciennes et nouvelles sacralités. Loin d’être plurielles et « fluides » comme certains aimeraient qu’elles soient devenues, les identités qui s’entrechoquent sont plutôt compactes et rigides. Jamais nous n’avons été plongés dans un monde aussi simpliste et manichéen. Binaire, pour reprendre un terme à la mode. Il y a seulement des Blancs et des Noirs, des Méchants et des Gentils, des Oppresseurs et des Opprimés. Seules les « identités de genre » bénéficient d’un regard un peu plus complexe. Dans l’univers de la rancune, il n’y a ni nuance ni métissage, seulement des hérétiques à envoyer au bûcher.

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Reconfinement: pas en mon nom!

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Le rayon livre d'un supermarché de Nice, suite à une décision gouvernementale, le 31 octobre 2020 © Frederic DIDES/SIPA Numéro de reportage: 00988678_000007.

 


En imposant un reconfinement rustique, le gouvernement français fait fi des progrès accomplis dans la connaissance de la maladie depuis mars dernier. L’ensemble du corps médical ne communie plus dans cette «idolâtrie de la vie» qui est l’idolâtrie de la simple vie biologique. Analyse.


Pour répondre à ce qu’il est convenu d’appeler « la deuxième vague » de l’épidémie de covid-19, le gouvernement a pris la décision de renouveler le blocage de tout le pays en décrétant un reconfinement national. Il agit, paraît-il, à la demande expresse des médecins et autres professionnels de santé, épuisés et débordés par l’explosion du nombre de malades dans les hôpitaux. C’est cette unanimité de façade que je veux dénoncer ici, après avoir pris quelques jours pour discuter avec mes collègues et amis dont beaucoup sont plus que réservés face à la mesure qui est sensée « empêcher l’effondrement de nos hôpitaux ». 

Manque de mesure et manque de vision stratégique

La première chose qui se discute entre collègues est l’absence de validité scientifique des mesures prises, et même leur fréquente aberration. Ainsi la politique des tests gratuits et non ciblés, qui a entraîné l’engorgement des laboratoires et retardé la délivrance des résultats (parfois jusqu’à dix jours !), annulant tout effet positif sur la prévention des contaminations. Ainsi la limitation des activités de plein air, alors qu’on sait maintenant qu’il n’y a quasiment pas de contamination à l’extérieur. Ainsi l’interdiction des petits commerces, concentrant les clients dans les grandes surfaces. Ainsi la fermeture des universités alors que les écoles, collèges et lycées (y compris les classes préparatoires) restent ouverts. Ainsi le cadenassage des gens chez eux alors que les frontières sont béantes. Les diverses mesures sont discutées pied à pied : fermer les discothèques et les bars paraît de bon sens, tandis que condamner les salles de spectacles pourtant soumises à un protocole sanitaire draconien en révolte plus d’un ; limiter les voyages à longue distance est généralement accepté, tandis que maintenir les gens dans un périmètre d’un km autour de leur domicile est vu comme une mesure liberticide et injuste, sans aucun effet sur la propagation de la maladie ; interdire les grands rassemblements est plébiscité, tandis que détruire la vie de famille choque tout le monde. On regarde les courbes et les projections, on passe au peigne fin l’épidémiologie, on réfléchit aux dernières avancées en matière de traitement et de vaccin, on compare les décisions des différents pays – la Suède qui mise sur l’immunité collective et ne s’en porte pas si mal, l’Allemagne et la Suisse qui encouragent les gens à pratiquer des activités de plein air pour éviter qu’ils s’étiolent, la Belgique qui a compris que les livres étaient aussi essentiels que les pâtes alimentaires. Manifestement, notre gouvernement à nous manque de sens de la mesure – hybris ; et il manque aussi du sens de l’occasion propice – kairos ; et qu’on n’aille pas évoquer la prudence – phronesis – pour masquer son manque de vision stratégique ! Quant au « conseil scientifique » que les médias citent à tout bout de champ, son autorité est ici plus que contestée. Chacun sait que les prétendus experts sont choisis et nommés sans aucune transparence, sur des critères de canaillerie politicienne et de basse connivence, critères qui n’ont rien à voir avec leurs qualités scientifiques. De toute façon, la science c’est la discussion, la confrontation d’hypothèses contraires, et non l’unité dogmatique aboutissant à de véritables oukases.

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Et puis, les scientifiques que nous sommes critiquent le confinement généralisé et indifférencié en tant que moyen primitif, voire moyenâgeux. Peut-on croire qu’en presque un an de covid on n’ait rien appris de cette maladie ? En réalité, on a progressé dans la connaissance et dans l’action. Ainsi les séjours en réanimation sont devenus à la fois plus rares et plus courts, avec des patients mieux sélectionnés et mieux soignés. L’arrivée des tests antigéniques rapides, qui donnent un résultat en quinze minutes, modifie la stratégie de dépistage en permettant de casser les chaines de contamination. Déjà la Slovaquie a lancé un ambitieux programme de dépistage de toute sa population, pour concentrer les efforts d’isolement sur les seuls patients contagieux. Se résoudre à nouveau au moyen rustique qui avait été imposé l’hiver dernier par la dramatique émergence d’une maladie nouvelle, complètement inconnue, c’est nier les progrès qui ont été effectués.

Le confinement génère d’autres pathologies

Deuxième motif de mécontentement chez les professionnels de santé : le choix de tout donner à la lutte contre la covid-19 en restreignant les autres besoins. Il y a là une grande menace pour les autres malades, et plus largement pour toute la population fragilisée dans son hygiène de vie, physique et mentale. Les cardiologues alertent sur les dangers de la sédentarité, les pédiatres voient les enfants rivés à des écrans qui dispensent une éducation au rabais (et plutôt une anti-éducation), les neurologues se désolent devant la perte d’autonomie des handicapés interdits de gymnastique, les gériatres s’horrifient devant les syndromes de glissement qui se multiplient dans les EHPAD, les psychiatres constatent l’explosion des addictions, de l’anxiété et de la dépression… Tous dénoncent le défaut de soins dont sont victimes les « autres » malades, ceux qui attendent des traitements non urgents, pour ne pas dire « non essentiels ». Non essentielle, la prothèse de hanche d’une personne souffrant d’arthrose au point qu’elle ne peut plus marcher ? Non essentielle, l’opération de la cataracte de celui qui ne peut plus lire ou conduire ? Non essentiel, le dépistage des cancers à un stade précoce par les coloscopies programmées ou les mammographies de routine ? Toutes ces activités sont mises en sommeil pour concentrer tous les moyens, matériels et humains, sur la covid. Au nom d’un refus grandiloquent du « tri » entre patients – tri qui est pourtant le fait même de la décision médicale : le bon soin au bon patient – on décrit les soignants comme avides d’une technique maximale déversée sur tous, sans réflexion sur le pronostic particulier ni le coût général. 

Nouveau magazine en kiosques aujourd’hui: Causeur: la France face à l’offensive islamiste

C’est le cas surtout pour la revendication de toujours plus de réanimation, que les médias présentent comme une évidence dans le corps médical. Cette demande est pourtant loin de faire l’unanimité entre médecins. Nous savons tous que les lits de réanimation sont massivement occupés par des patients trop âgés ou trop fragiles pour bénéficier vraiment de cette débauche de technologies invasives. Nous savons que la situation de ces patients est atroce. Et nous savons que leur pronostic est catastrophique : la mort à court ou moyen terme, après une dégradation irréversible de leur qualité de vie, est ce qui les attend. Croyez-vous que les médecins sont satisfaits de ce qui s’apparente plus à de l’obstination déraisonnable qu’à des moyens justement proportionnés ? Croyez-vous qu’ils sont aveugles à l’acharnement thérapeutique effectivement pratiqué, comme si cette notion était préemptée par les seuls militants de l’ADMD ? Les soignants sont-ils de simples techniciens se querellant entre spécialités pour attirer sur eux toujours plus de gadgets techniques sans considération des conséquences de leur application sur les patients ? Sont-ils si bêtes qu’ils confondent quantité (de soins, de technologie, de durée de vie, etc.) avec qualité ? Sont-ils si incultes qu’ils ignorent le concept de justice distributive ?

Paris, des habitants confinés applaudissent les soignants à 20 heures, le 19 mars 2020 © Christophe Ena/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22439935_000063
Paris, des habitants confinés applaudissent les soignants à 20 heures, le 19 mars 2020 © Christophe Ena/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22439935_000063

Troisième sujet de fureur chez les soignants : la déconnexion entre les grandes déclarations du gouvernement et ses médiocres réalisations. Lors de la crise du printemps, nous avons eu droit aux applaudissements de vingt heures, aux hymnes aux « héros du quotidien », à la promesse de réforme d’un système asphyxié par la bureaucratie, aux engagements de mettre un terme aux restrictions en moyens et en personnel, aux apitoiements sur les conditions de travail et les salaires, qui sont parmi les plus bas du monde développé ; puis a eu lieu la mascarade du Ségur de la santé. De tout cela, qu’est-il sorti ? Rien. Depuis dix mois que sévit l’épidémie, qu’a-t-on fait pour la médecine en général et l’hôpital en particulier ? A-t-on embauché du personnel soignant et acquis du matériel technique ? A-t-on arrêté la compression des services et les fermetures de lits ? A-t-on réduit la pression administrative pour redistribuer les moyens vers le soin ? A-t-on réformé le mode de rétribution de l’hôpital, la fameuse et décriée T2A ? A-t-on revalorisé les salaires et amélioré les conditions de travail ? A-t-on mieux associé hôpitaux publics et cliniques privées, pourtant lieux d’une médecine non moins excellente et non moins nécessaire ? A-t-on aidé et soutenu les praticiens de ville, immense réserve de talents et de bonne volonté ? Rien de tout cela n’a été fait. Pas étonnant que l’hôpital croule à nouveau sous des besoins qu’il ne peut satisfaire. Il est exactement dans la même situation qu’en mars dernier, l’enthousiasme du personnel en moins. Nous le savions depuis longtemps, nous en avons la confirmation éclatante au moment où on nous exhorte à nouveau au combat, faisant appel à notre magnifique sens du devoir et citant avec lyrisme le serment d’Hippocrate : on nous prend vraiment pour des cons.

Tout le corps médical ne communie pas dans cette idolâtrie

Autres conversations dont bruissent les couloirs de nos services : l’exaspération d’être présentés de manière unidimensionnelle, sans considération pour la richesse de nos expériences et de nos aspirations. Pour être soignant, on n’en est pas moins homme – et citoyen. Voir en nous des pasionarias de la dictature sanitaire, c’est nous faire l’insulte de nous croire étroitement corporatistes. Contrairement à ce que les médias sous-entendent, nous ne communions pas dans « l’idolâtrie de la vie »[tooltips content= »Olivier Rey, L’Idolâtrie de la vie, Tract, Gallimard, 2020″](1)[/tooltips]. Médecins, soignants, nous ne défendons pas la simple vie biologique, la vie nue, la vie nulle. Nous savons que la médecine est encastrée dans la société, et non la société au service de la médecine. La santé biologique est pour nous un but intermédiaire, surplombé d’un objectif plus grand et plus haut, un objectif non seulement physique mais aussi moral. Détruire l’objectif d’une vie humaine accomplie – une vie affective, sociale, intellectuelle, culturelle, spirituelle… – pour préserver l’objectif intermédiaire de la vie biologique est une aberration, que nous refusons de cautionner. 

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Ainsi les gériatres ont été nombreux à s’opposer aux interdictions de visite aux personnes hospitalisées ou vivant en institution. Ils savent que l’amour des proches est ce qui maintient en vie les plus âgés, les plus fragiles. Et d’ailleurs, faut-il encore maintenir en vie, si cette vie perd les attributs de la « vie bonne », qui est avant tout une vie de relation ? À vrai dire, ils acceptent que leurs patients très âgés meurent, car c’est la condition humaine. Mais ils ne veulent pas qu’ils meurent comme ça. Comme ça, c’est-à-dire seuls et abandonnés en raison d’un diktat sanitaire dont le sens s’efface à mesure que se flétrissent les corps et les âmes.

De façon moins dramatique, la plupart des soignants refusent d’endosser la responsabilité du « quoiqu’il en coûte ». Ils ne veulent pas sacrifier et l’économie, et la jeunesse, et l’éducation, et la spiritualité, et la culture, et le sport, et la gastronomie, tout ce qui fait le plaisir et le sens de la vie humaine, au spectre désincarné d’une survie biologique nue. Ils ne disent pas « tout pour la santé et merde au reste ! ». Pour eux-mêmes comme pour leurs concitoyens, ils s’opposent au métro-boulot-dodo auquel on veut les réduire. Ils entendent dîner au restaurant, sortir au cinéma, au théâtre et au concert, faire du sport, voyager, visiter une exposition ou un musée, se promener en forêt ou en montagne, voguer sur la mer ou flâner au bord d’une rivière… Et surtout, ils entendent profiter de leur proches, familles et amis, dont l’hygiénisme mal compris entend les priver.

Le gouffre économique qui se creuse

De toute façon, ils ont bien saisi que détruire l’économie du pays en le mettant sous cloche n’aidera pas le système de santé, notamment les hôpitaux. Ils voient plus loin qu’une crise sanitaire qui n’en finit pas. Avec quoi financera-t-on les équipements et personnels indispensables si on s’appauvrit toujours plus inéluctablement ? Les soignants ne sont pas économistes, mais ils ne sont pas idiots. Ils savent que la santé a un coût, à défaut d’avoir un prix. Mettre à plat l’économie réelle à court terme, c’est tuer la possibilité de l’investissement dans le système de santé à moyen terme. Chaque commerçant qui ferme, chaque entreprise qui licencie, chaque artisan qui fait faillite c’est moins d’argent pour la société en général et pour la santé en particulier. Un rideau de fer tiré équivaut à un lit de réanimation en moins, un local commercial vide c’est un médecin ou un infirmier en moins dans l’hôpital d’à côté. Le trou de la Sécurité sociale ne se creuse pas d’un excès de dépenses, mais d’un défaut de recettes. Il faut être bien naïf pour se rassurer par les promesses de subventions faites par un État criblé de dettes et de plus en plus privé des ressources de l’impôt (impôt qui est assis sur l’activité, non ?), un État qui assure « soutenir » la société qu’il détruit méthodiquement par ailleurs. « C’est gratuit, c’est l’État qui paie » : qui d’entre nous croit encore à ce type de discours ? Quand la société civile est au bord du gouffre, c’est toute la médecine qui s’apprête à plonger avec elle.  

Sortons un peu de l’hôpital et regardons autour de nous. La crise est partout, et pas seulement dans les services d’urgence débordés par des malades qu’ils ne peuvent accueillir décemment. Les mesures décrétées par le gouvernement au nom de l’urgence sanitaire sont un non-sens qui masque mal son imprévoyance et sa lâcheté. Écran de fumée qui accompagne l’évolution spontanée de l’épidémie vers l’indispensable immunité collective sans l’infléchir réellement, elles détruisent les vies qu’elles prétendent sauver. 

À nouveau les policiers se déploient dans les rues pour exercer un contrôle qui insulte le sens propre de leur mission. Au lieu de protéger la population contre les égorgeurs et décapiteurs qui se répandent jusque dans nos écoles et nos églises, ils en sont réduits à viser pitoyablement les Ausweis que leur tendent des citoyens revêches. Le cœur se serre devant l’humiliation qu’ils doivent endurer, miroir de notre propre humiliation. En tant que médecin des hôpitaux, je veux leur dire bien haut : « Pas en mon nom » !

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Elections américaines: la rhétorique en campagne

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NY: U.S. election night in New York City Lev Radin/Sipa USA/SIPA 3-11-2020 Shutterstock40803252_000009

À l’heure où le monde a les yeux rivés sur les résultats des élections présidentielles, comment les candidats ont-ils exploité la rhétorique, cette vieille arme politique? Un bilan sous forme de questions et réponses.


Trump est un tribun, mais encore?

C’est Trump qui a propulsé la rhétorique, sous tous ses angles, au devant de la scène. On a affaire à un paradoxe : le président sortant est hors cadre avec un challenger tout à fait dans le cadre. Auparavant le sortant ou, quand il y avait deux candidats nouveaux, celui ou celle appuyée par le sortant, était exactement dans les codes politiques de Washington. Là non, et Trump a joué sur trois registres rhétoriques:

– un, il a usé à fond du prestige réel que The Office of the President a dans l’Amérique profonde, et de ses moyens matériels – il fait campagne en se servant de l’appareil d’État, ce qui est normal aux USA; le prestige de la fonction et tout l’apparat qui l’entoure compte.

– deux, il a monté en puissance sa propre rhétorique qui lui avait fait gagner l’élection de 2016, ce style à lui qui est direct, sans ambages, franc du collier, que ses électeurs adorent ; un rallye récent de voitures à Miami a réuni 14 000 véhicules, on dit même 30 000. Biden: 700.

– et trois, Trump a compris comment manipuler les sacro-saintes règles du débat à l’américaine d’abord en déstabilisant Biden dans le premier débat, et puis dans le dernier débat en montrant qu’il pouvait très bien faire comme un politicien de métier.

Les intellectuels libéraux se plaignent de la « polarisation » de la vie politique, donc de la puissance de la rhétorique mais ils vivent dans une bulle où tout doit être un compromis de bon ton, en accord bien sûr avec l’idée que les élites ont raison, et les autres tort. Or l’avantage du dernier débat est qu’il a montré une cassure très nette entre les deux programmes – et révélé que Biden dit une chose sur le plateau, « fracking », « oil »…, et une autre sur le terrain. En tout cas, deux scénarios complètement différents et deux rhétoriques opposées sur l’avenir des USA. Et ça c’est très bon pour mobiliser la base.

Quels sont les publics visés par Biden et Trump?

S’il s’agissait d’un tournoi oratoire, genre Sciences-Po, on pourrait demander à des spécialistes : qui a le mieux argumenté, répondu etc lors des deux débars. Cela c’était l’illusion de la commission, une ONG, faite de vieux croûtons, qui ont organisé les débats. Attention « debate » à l’américaine ce n’est pas débat à la française : c’est un genre quasiment scolaire. Bref, non pas qui a gagné ? Plutôt qui l’a remporté sur qui ?

Dans une performance rhétorique on est face à trois auditoires, toujours : ceux qui vous soutiennent, ceux qui vous détestent, et ceux qui sont indifférents ou indécis – 7%. Ceux qui vous soutiennent, il faut leur montrer que vous êtes vraiment leur champion. Ceux qui vous détestent, il faut s’en servir comme des épouvantails. Les indifférents, on se demande: vont-ils aller voter ?

Il est amusant de voir qu’après chaque débat les trumpistes lui ont donné une note positive allant jusqu’à 95% ; mais que du côté Biden pareil. Bref en direction des leurs, Trump et Biden ont gagné.

Mais il y a une différence de taille : l’électorat trumpien est homogène, il s’est rallié et se rallie derrière lui, y compris maintenant avec 46% de satisfaction chez les Noirs envers sa politique, un prodigieux bond en avant dû au dernier débat.

Les communicants de Biden répètent la même erreur que ceux d’Hillary Clinton : ils ont oublié que « faire campagne » c’est aller à la campagne, littéralement

Par contre l’électorat de Biden est hétérogène: de l’extrême gauche anarchiste à la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes ; des pro-islamistes aux Black Lives Matter. Et là le taux d’appréciation varie, quand on veut bien nous le donner. Très difficile pour lui d’avoir une rhétorique à géométrie variable. Pour preuve : un sondage CNN, dont l’échantillon est d’ à peu près 1500 personnes, donnait 70% d’approbation pour Biden – mais cet échantillon est composé de sympathisants démocrates, ce qui veut dire que 30% de ses électeurs potentiels se sont désolidarisés de lui, et ceux après les débats. Pourquoi ?La persuasion fonctionne mieux en direction d’un auditoire homogène. Et c’est crucial car aux USA il n’y a que les partisans qui votent: la participation tourne autour de 50-55%, sauf en 2016 où elle est montée à 59%. C’est le taux le plus bas des grandes démocraties fonctionnelles. D’où l’importance de cibler son public et de le mobiliser. Plus il est homogène, mieux c’est: 94% des républicains qui votent appuient Trump. Et les médias « mainstream » commencent à relever que les immenses files de gens qui viennent voter par anticipation ne sont pas uniquement des files d’électeurs démocrates.

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Quels sont les éléments rhétoriques-clefs, avant l’élection ?

La classe politique américaine est dans l’incapacité de voir une chose importante : aller au contact de la parole est toujours une valeur sûre. D’accord, on sait que les comptes sociaux en ligne de Trump écrasent par leur fréquentation ceux de Biden, de très, très loin. 60M de « likes » sur Instagram contre 34M pour Biden, ces 30 derniers jours. Trump : 130M de partages sur Facebook, 18M pour Biden.  Trump a compris les Big Tech mieux que personne.

Or, les communicants de Biden répètent la même erreur que ceux d’Hillary Clinton : ils ont oublié que « faire campagne » c’est aller à la campagne, littéralement. Un commentateur devant les rallies qu’enfile Trump, à 74 ans, jusqu’à cinq par jour, durant chacun entre 40 et 60 minutes, sans téléprompteur, au chic, a bien vu la chose : Trump est revenu à ce qu’était être en campagne avant la télévision et les annonces publicitaires politiques. Il a sillonné le pays depuis quasiment son élection voilà quatre ans – rhétorique au contact. Biden reste dans son garage.

D’où, une autre chose qu’on n’a pas vraiment noté : le peu de cas que Trump fait des messes télévisuelles, comme l’émission phare « 60 Minutes » : si ça ne lui plaît pas, si le montage lui est défavorable, alors il lâche sur Internet l’enregistrement complet avant que l’émission ne passe. Imaginez cela en France… Bref il propulse un contre-argumentaire, il contrecarre. La télé est littéralement dépassée: ces émissions sont traitées comme des  éléments de stratégique rhétorique, et ont perdu leur efficacité quant au débat politique.

Côté Biden, trois stratégies qui ne collent pas les unes aux autres, disjointes. Pour les « geeks » de Biden, tout est Internet. Pour ses coaches de prise de parole, ils l’ont cadré comme politicien de carrière avec des mots et gestes préparés d’avance. Pour ses communicants en image, ce qui compte ce sont des millions de dollars, des sommes affolantes, en publicité politique, une sorte d’obsession Hollywood de la politique. Stratégie hétéroclite. Les républicains ont donc trouvé la brèche: Biden est « sénile ». Des preuves ? Il appelle les fameux Proud Boys  « Poor Boys » – ce qui a fait rire : en Louisiane le Po’Boy c’est un sandwich au crabe. Il dit à des électeurs ouvriers qu’ils sont des tarés (« chumps ») s’ils ne votent pas pour lui. Il avertit un auditoire noir qu’un noir qui ne vote pas pour lui c’est un mauvais noir. Il nomme Trump « George » et a appelé le mari de sa colistière Kamala Harris « son épouse ». Ce ne sont pas des gaffes : il peine à cibler chacun des publics hétéroclites qui forment son électorat potentiel, et se prend les pieds dans le tapis.

Un « take away » avant le Jour J?

Ce qui est apparu enfin au plein jour est une rhétorique des sondages. Les sondages sont devenus des argumentaires partisans. Depuis que les sondages ont eu tout faux – sauf un, Trafalgar Group – pour l’élection de 2016, les sondages eux-mêmes sont devenus des éléments d’argumentaire de campagne. Leur fabrication partisane a été révélée, mais surtout ils sont devenus une pièce du montage rhétorique, bref des outils de persuasion – et pourquoi pas ? Pourquoi les sondages seraient-ils neutres ? C’est une illusion dont il faut sortir.

La nuit du 3 novembre, comme on dit aux USA : « Allez chercher le popcorn et asseyez-vous devant la télé », le spectacle va valoir tous les shows du monde. Car c’est « le » show politique mondial par excellence. « The greatest show on earth ».

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Remigration, une chance pour la France?

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Aéroport Roissy-Charles de Gaulle, 26 août 2010, reconduction d’une centaine de Roms vers la Roumanie à bord de vols affrétés pour Bucarest © BORIS HORVAT / AFP.

 


L’intégration d’une partie des immigrés musulmans en France et de leurs descendants est un échec patent. Pour inverser la vapeur, il faudrait limiter drastiquement l’immigration des pays musulmans et renvoyer dans leurs pays certains binationaux, à commencer par les délinquants. Les «identitaires» proposent des mesures légales et républicaines pour le faire. Nous les passons en revue…


Comme tout le monde ou presque, j’aurais préféré que l’histoire de ces cinquante dernières années donne tort aux prédictions de Jean-Marie Le Pen sur l’immigration. Comme beaucoup de Français indécrottablement idéalistes, j’ai espéré que la France, dans sa grandeur et sa générosité, déjoue les pièges de la fatalité et voie naître en son sein un islam éclairé, pratiqué à bonne distance d’un dogme totalitaire, conquérant et criminel par une majorité très écrasante de nos concitoyens musulmans séduits par les charmes du monde libre. Un islam français dévoyé (mais de quelle voie ?) enrichi de liberté, d’égalité et de fraternité qui, au moment des printemps arabes, aurait poussé de jeunes Français musulmans à partir en Syrie au secours des femmes yézidies, combattre les barbares de Daesh pour leur apprendre la religion de paix et de tolérance. Après tout, les communistes ont bien mis au rencard leurs rêves de dictature du prolétariat, desserré les dents pour laisser tomber le couteau et se changer en assistantes sociales à la tête de municipalités populaires, propalestiniennes certes, mais si on se civilise, on ne se refait pas.

Mais ça ne s’est pas passé comme ça. C’est un autre islam qui est passé. Ça avait pourtant plutôt bien commencé. Dans un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, à Barbès, les jeunes femmes étaient libres et sexy, le voile qui ne couvrait que leurs vieilles mères était une espèce en voie de disparition. La burqa n’était nulle part, aussi exotique que l’étui pénien chez les Papous. Ceux qu’on appelait les « beurs », par délicatesse, car le mot « arabe » était un peu excluant, portaient des blousons de cuir, jouaient du rock et chantaient « douce France, cher pays de mon enfance ». Mais la mode a changé. Dix ans plus tard, des banlieusards en survêtement et casquette sont venus chanter « qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? », annonçant en musique les pressions, les intimidations, les destructions, les insultes, les menaces, les agressions et les meurtres qui allaient venir de certains immigrés qui prennent la voie d’un séparatisme pas du tout amish.

Notre nouveau numéro est disponible: Causeur: la France face à l’offensive islamiste

D’autres Français qui ne veulent pas laisser faire se sont alors levés et organisés pour demander à la nation outragée : « Qu’est-ce qu’on attend pour les foutre dehors ? » En quelques décennies, la possibilité de continuer à « vivrensemble » avec des gens dangereux qui nous détestent leur est devenue inenvisageable et le mot « remigration » est apparu. Mais voilà, le mot peut faire peur. Sans plus d’explications, il peut amener les plus vigilants d’entre nous à craindre une épuration ethnique ou religieuse, et personne ne veut voir des familles encadrées par la police, et entassées dans des ports en attendant des bateaux. 

Qu’on se rassure, même proposé par ceux que la vulgate médiatique classe à l’extrême droite, le projet ne ressemble en rien aux rapatriements des Français d’Algérie. Pas d’amalgame. Même pris en charge par nos « fachos », les musulmans en France ont moins à craindre les brutalités et les arbitraires que leurs coreligionnaires chinois ou birmans, ou que les juifs ou les chrétiens d’Orient. Pour tenter de convaincre la nation que la chose pourrait être moins effrayante que le mot, les « identitaires » publiaient en février 2017 « 30 mesures pour une politique d’identité et de remigration ». « Cette remigration peut prendre plusieurs années, voire dix ou vingt ans. Elle sera humaine, mais ferme », annoncent-ils en préambule de 180 pages pleines de chiffres, de stratégies, de méthodes, d’explications sur ce qui ne manquerait pas de coincer et de solutions pour décoincer.

Les mesures ne visent pas les immigrés européens, mais pour les autres, il s’agit de transformer les flux en goutte à goutte : finis le droit du sol, le regroupement familial, l’accueil des migrants et la double nationalité, stoppées pour dix ans toutes les naturalisations, même par mariage, sauf pour les hommes de la Légion étrangère, suppression de l’AME, priorité nationale et européenne pour les emplois, exclusivité pour les aides sociales et les logements sociaux, prison pour les patrons qui emploient sciemment des clandestins.

Et pour réduire les stocks : expulsion de tous les sans-papiers, des réfugiés déboutés et de tous les étrangers en prison, déchéance de la nationalité pour les personnes naturalisées depuis moins de dix ans ou les binationaux délinquants ou criminels. Sont prévus des accords avec les pays d’origine, ou des pressions pour rendre tout cela possible. Par ailleurs, une campagne d’incitation pour ceux qui ne se sentent pas chez eux, qui souhaitent nous quitter à l’amiable et de leur plein gré, et pour les accompagner, un fonds d’aide au retour.

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Enfin pour défendre l’identité française, les identitaires proposent de changer le paysage : plus de voiles islamiques dans les rues, de minarets, d’abattage rituel, de prêches en arabe, de financements publics ou étrangers des mosquées, plus d’UOIF, de propagande immigrationniste sur les médias de service public, de financement d’associations d’aide aux immigrés, de lois antidiscrimination, d’interdits alimentaires dans les cantines ou les commerces. Une taxe sur le hallal pour alimenter le fonds d’aide au retour et un grand ministère de l’Identité et de l’Enracinement pour enseigner les fondements de l’identité française et institutionnaliser l’esprit de reconquête.

Ces mesures qui figurent en nombre dans les programmes du RN ou de LR ont le mérite de ne pas tourner autour du pot. Ici, contre le séparatisme, on ferme pour de bon les frontières pour cause de travaux de reconstruction de l’unité nationale et d’assimilation à marche forcée. Ici, contre l’insécurité, on n’interdit pas tantôt les rodéos, tantôt les feux d’artifices, on nous débarrasse directement de la racaille. La déchéance de la nationalité et le retour au pays de leurs aïeux pour les binationaux ou pour les fraichement naturalisés condamnés pour des crimes ou des délits est une solution intéressante. Elle pourrait soulager la France d’une bonne part de ceux qui remplissent ses prisons, de ces petits délinquants qui deviennent de parfaits petits talibans, dissuader tous ceux que la carrière de Mohamed Merah inspire et les ramener par une menace sérieuse dans le droit chemin. À l’objection « mais ils sont Français » qui réduit tout le monde à l’impuissance, les identitaires répondent « mais pas seulement » et nous proposent de sortir de l’impasse par la voie républicaine.

Enfin contre l’islamisation, on bannit du paysage chrétien ou laïque tout ce qui l’enlaidit et le dénature, plus de ces femmes voilées qui affichent obstinément et effrontément leur soumission au pays des hommes et des femmes libres ou qui se pavanent tranquillement dans nos rues dans l’uniforme de l’ennemi. Le projet est radical mais au pays de Mila et des 120 attaques au couteau par jour, quelle est l’alternative ? L’ubérisation ? La déradicalisation ? L’éducation civique ? La remigration pourrait être la seule réponse sérieuse, la seule qui soit une chance pour la France.

Les identitaires, 30 mesures pour une politique d’identité et de remigration, éditions Idées, 2017.

Malheur au peuple qui a besoin de héros

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Minute de silence à Conflans Sainte Honorine, le 2 novembre 2020, Jean Castex et Jean-Michel Blanquer © THOMAS COEX-POOL/SIPA Numéro de reportage: 00989012_000011

Après la cabale des islamistes contre Samuel Paty, un professeur de philosophie, René Chiche, propose de soumettre un amendement simple, mais capital…


C’est désormais officiel : la classe politique française aurait rendu hommage à Samuel Paty. Chacun y va de son couplet sur Jules Ferry ou sur la nécessité de combattre avec fermeté l’islamo-gauchisme, mais personne n’a l’air d’être choqué par la structure administrative qui a rendu ce meurtre possible.

Quand on donne aux parents d’élèves le pouvoir, non seulement de remettre en cause l’enseignement d’un professeur, mais de menacer sa carrière, quand un responsable d’établissement a désormais pour mission de trouver un terrain d’entente entre les deux partis, quand on dépêche un inspecteur pour recadrer, non pas l’islamiste, mais l’enseignant, il ne faut pas s’étonner si les plus violents en profitent. À quoi peut bien servir, face aux prêcheurs de haine qui veulent la peau de notre modèle républicain, une minute de silence ? À rien.

Dans ce concert d’hypocrisie institutionnelle et de bouffonnerie belliqueuse, un professeur de philosophie, René Chiche, propose de soumettre un amendement simple, mais capital. Au lieu de conditionner l’instruction publique au bon comportement du professeur (article 1 de la loi pour une école dite de la “confiance”), conditionner celle-ci au bon comportement des élèves, et de leurs parents. Cet “amendement Paty” paraît découler du bon sens, il relève aujourd’hui du courage. Sera-t-il entendu, et dans le cas contraire, aura-t-il l’énergie de poursuivre le combat à la mémoire de son collègue assassiné ? Malheur au peuple qui a besoin de héros, disait Brecht.