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Les filles de la désunion


Les parents sont plus susceptibles de divorcer si leur premier-né est une fille. La science explique cela très bien.


Les sujets familiaux font d’inépuisables citernes à sagesse populaire, en particulier lorsqu’il est question du nombre et du sexe des enfants. Parmi cette avalanche d’idées reçues, celle voulant que les parents fassent plus d’efforts pour leurs fils. Ou celle, connexe, selon laquelle les filles seraient une sinécure pour leurs parents – plus faciles à élever, parce que plus dociles, plus sages, plus calmes. Comme tous les stéréotypes, ceux-ci ne sont pas totalement faux, mais pas précisément vrais non plus.

Détricotant autant le chouchoutage des garçons que la facilité d’entretien des filles, les économistes Jan Kabatek, chercheur au Melbourne Institute (Australie), et David C. Ribar, de l’université d’État de Géorgie (États-Unis), ont voulu savoir si et pour quelle raison le sexe des enfants pouvait peser sur le risque de divorce des parents. Pourquoi ? Parce que tout un corpus montre que ce risque est en effet légèrement plus élevé chez les parents de filles que de garçons. L’explication d’obédience féministe fréquemment donnée à ce phénomène est celle dite de la « préférence pour les fils », qui veut que les pères de filles soient plus susceptibles de quitter leur premier foyer pour aller en fonder un autre en raison de leur envie pressante de (faire) pondre un « héritier mâle ».

Ne partageant pas ce présupposé, Kabatek et Ribar ont réagi comme tout bon scientifique turlupiné qui se respecte : en quantifiant le phénomène. Et pas qu’un peu. Grâce aux registres démographiques néerlandais, leur étude publiée à la toute fin de 2020 porte sur près de 3 millions de mariages noués entre 1971 et 2016. L’année 1971 est celle où les Pays-Bas ont reconnu le divorce sans faute : à partir de là, les chercheurs ont pu travailler sur une cohorte de désunions davantage motivées par la volonté individuelle, si ce n’est le consentement mutuel, que lors des époques antérieures.

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Globalement, l’étude ne va pas à contre-courant du consensus et montre que les parents sont effectivement plus susceptibles de divorcer si leur premier-né est une fille. Ensuite, et là encore dans la droite ligne de leurs prédécesseurs, Kabatek et Ribar observent un effet modeste – en moyenne et jusqu’aux 18 ans de leur fille, les familles avec aînée ont seulement 1,8 % de risque supplémentaire de divorcer. Mais ce risque augmente avec le nombre de filles du couple et leur âge. Par exemple, les couples néerlandais ont plus de 5 % de risque de divorcer lorsque leur fille a entre 13 et 18 ans. L’année de tous les dangers est celle de ses 15 ans, avec près de 10 % de risque supplémentaire. Aux États-Unis, pour lesquels Kabatek et Ribar disposaient d’un échantillon moins substantiel, les chiffres sont quasiment deux fois plus élevés.

Que le risque de divorce augmente avec l’âge en général, et soit le plus élevé à l’adolescence est le coup le plus dur donné à la théorie de la « préférence pour les fils ». Il est assez évident que lorsqu’un sale phallocrate est démangé par un besoin d’héritier mâle, il ne va pas attendre treize ou quinze ans pour l’assouvir. Comme le détaillent les chercheurs, l’explication plus probable s’oriente plutôt vers des relations conjugales ombrageuses au sujet des normes éducatives. À l’appui de cette hypothèse, l’étude montre que l’« effet fille » sur la séparation est d’autant plus fort que parents et enfants sont susceptibles d’avoir des croyances contradictoires sur ces rôles (par exemple, parce que les parents sont immigrés ou d’une génération plus ancienne que la moyenne). Et il explose (relativement parlant) si les parents ont eux-mêmes des croyances opposées (par exemple, lorsqu’un parent est immigré et l’autre non, lorsque les deux parents sont immigrés, mais issus de deux bassins culturels contrastés en matière de liberté des mœurs ou encore lorsque les niveaux d’études des parents sont très éloignés).

Cette augmentation du risque de divorce chez les parents de filles s’explique aussi par la fatigue relative que constitue leur éducation. À rebours de l’idée que les parents consentent des sacrifices supérieurs pour les garçons, l’investissement requis par l’éducation d’une fille est en réalité et en moyenne plus élevé que pour un fils. Des études observent notamment que les parents consacrent plus de temps aux activités pédagogiques pour leurs filles en âge préscolaire que pour leurs garçons. D’autres montrent que les parents allouent en tendance plus de ressources à leurs filles et d’autres encore que les familles défavorisées protègent davantage les besoins alimentaires de leurs filles adolescentes. Sans compter que le « calme » relatif des filles pourrait être un révélateur d’agitation parentale, vu que les fœtus masculins résistent moins bien au stress maternel et que les femmes déplorant un degré élevé de conflictualité conjugale avant de tomber enceintes sont plus susceptibles de donner naissance à des filles qu’à des garçons.

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Des résultats cohérents avec l’un des piliers de la biologie évolutive, l’effet Trivers-Willard, posant que les conditions écologiques, en jouant sur la condition physique de la mère, ont de quoi faire fluctuer le sexe de la progéniture. L’hypothèse de Trivers-Willard statue en effet que lorsqu’un sexe est plus variable que l’autre dans son succès reproducteur (fitness) au cours de sa vie, et si les sexes n’ont pas les mêmes facilités (ou difficultés) d’accès aux ressources, alors il est possible de prédire quel environnement fera que tel sexe sera préféré par les parents aux dépens de l’autre. Chez l’humain, comme dans la grande majorité des espèces sexuées et anisogames – c’est-à-dire productrices de cellules sexuelles, les gamètes, très différentes en taille, en mobilité et en exigences énergétiques –, c’est la reproduction des mâles qui est la plus variable : quelques hommes se partagent la part du lion du gâteau de la reproduction et le gros des troupes n’a plus que des miettes, si ce n’est du vent. Les mères ont donc tout intérêt à préférer leurs filles quand la météo écologique est mauvaise (le pari est moins risqué : une fille a toujours plus de chances de se reproduire qu’un garçon) et de faire pencher la balance vers leurs fils quand les temps sont radieux. Le modèle prédit également que dans des environnements à la fois inégalitaires et précaires, il sera biologiquement logique de préférer les filles aux garçons dans les familles pauvres. À l’inverse, chez les riches, les fils auront le plus de chances d’être favorisés.

Mais la découverte la plus cocasse de l’étude de Kabatek et Ribar est sans doute que l’« effet fille » sur le divorce dépend fortement de la composition de la fratrie… du père. Pour les pères n’ayant pas de sœur, l’effet est fort, mais il est inexistant chez les hommes ayant eu au moins une sœur. Comme si, commentent Kabatek et Ribar, « l’exposition des hommes à des interactions parentales avec des filles pendant leur enfance pouvait atténuer certains des conflits qu’ils sont susceptibles de rencontrer sur leur propre trajectoire parentale ». Eurêka, on a découvert le vaccin contre le divorce.

Référence : tinyurl.com/JamaisSansMonDivorce

«Le roi de Paris», c’était lui!

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Philippe Noiret donne une leçon d’acteur dans ce film oublié de 1995 qui renaît en DVD


Qu’aurait-il dit après la cérémonie des César ? Rien probablement. Le silence s’impose face à une telle débâcle culturelle. Il y eut dans cet happening raté, calamiteux sur le fond et la forme, une forme d’indignité pour le métier d’acteur et pour le respect du spectateur. Quelque chose qui s’apparente à une trahison du jeu et de la scène. Une violation de notre imaginaire. Un piétinement de nos valeurs. En se défoulant et donc en nous insultant, ces acteurs ont oublié, pour un soir, la distance nécessaire à toute création artistique. Ils ont confondu la revendication brouillonne et l’incarnation sincère d’un juste combat. Ils ont manqué d’intelligence, de cohérence, de clairvoyance, d’humour et de nerfs.

Contre les vieilles combines de la nudité débraillée

Un acteur, un grand, ça ne s’oublie pas, ça ne se déverse pas, ça se tient debout, ça nous extrait de notre médiocrité ambiante par le talent et le feu intérieur, par la geste et la parole, par l’humanité à fleur de peau ou la férocité de la dérision, par le rire carnassier et l’onde nostalgique. La vulgarité onirique et dévastatrice n’est pas à la portée de n’importe quel comédien encarté. Tout le monde n’a pas la démesure d’un Marco Ferreri. La souillure est un don de dieu.

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Et le militantisme, un art explosif, à manier avec prudence et discernement. En voyant cette déroute en marche, j’ai pensé à ces mots de Jean-Claude Pirotte dans Un voyage en automne: « Puisque déjà tout est détruit, que reste-t-il à détruire ? Va-t-on pouvoir mettre un terme à la course des nuages, réduire le vent à sa seule plainte, couvrir de cendres le soleil ? Hypnose de la laideur et de la vulgarité ». Ces gens-là qu’on appelle à tort de spectacle ont réussi à repousser les limites de l’indécence et alimenter la colère du public, déjà bien malmené par les dérèglements sanitaires de l’année écoulée. Pétard mouillé de l’agit-prop, vieille combine de la nudité déballée, négation du verbe brillant et du mouvement chorégraphié.

L'Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001
L’Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001

Seule l’élégance est révolutionnaire

De toute cette gesticulation insane, ils ont nié Guitry et Oury, Audiard et Godard, Lautner et Rohmer. Ils ont balayé un siècle de cinéma plus par bêtise que par calcul, ce qui est pire. Ce soir-là, leurs mots étaient vains et leurs corps absents. Comment leur dire qu’en plus de rater leur cible par des pitreries de mauvais goût, ils ont fait preuve d’un narcissisme mortifère? Ils n’ont été ni généreux, ni altruistes, simplement insignifiants, de cette banalité qui salit et blesse. Nous les anonymes, les obscurs des salles sombres, qui n’avons pas le don de nous exprimer en public, déléguons aux acteurs le droit de sublimer nos existences. Ils sont nos passeurs. Ils endossent nos peines et nos joies, nous tendent le reflet de notre âme. Ils ne singent pas le réel, ils le recréent par le travail et le don naturel.

Aujourd’hui, contrairement à ce qu’imaginent tous ces profanateurs assermentés, c’est l’élégance qui est révolutionnaire, le maintien qui est disruptif, laissons le dévoiement aux simples d’esprit. Et si une paire de souliers patinés était le signe d’une résistance aux ordres les mieux établis ? Pour sortir de cette nasse, oublier le jeu faisandé et les coups de com’ qui font pschitt, les amoureux du cinéma ont besoin d’un repère dans cette longue nuit. De ces balises qui éclairent les égarés.

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Retour à Noiret

À la lumière du désastre des César, Philippe Noiret apparaît comme un commandeur, très loin des déballages intimes et des tracas quotidiens. Son jeu nous élève et nous désarme, jamais le même et cependant toujours empreint d’une vérité éclatante qu’il interprète un benêt ou un chevalier, un naïf ou un cynique, un mari meurtri ou un régent libertin.

Retrouverons-nous, un jour encore, des comédiens capables de tout jouer, en légèreté, sans forcer le trait, sans tricher, sans se regarder le nombril, sans pratiquer la claque et quémander un peu d’amour ? La sortie en DVD/Blu-Ray du film méconnu de Dominique Maillet, « Le roi de Paris » est une belle manière de communier avec Philippe Noiret. De s’inscrire à nouveau dans un échange rare, personnel avec lui, de retrouver sa palette de variations infinies, de la mauvaise foi à la tendresse blessée, de la fanfaronnade à l’effondrement, de la voix qui porte haut et puis qui se fissure soudain pour nous anéantir totalement.

Alors oui, revoir Noiret dans la peau de Victor Derval maître fictif du théâtre au début des années 1930, gloire du boulevard, torve et grandiloquent, est une expérience que je recommande à tous les humiliés des César. C’était donc ça un acteur en pleine possession de son art, dont l’intonation, les regards, les déplacements, les raideurs et les relâchements formaient un tout au service d’un scénario et d’une histoire. La renaissance de ce « roi de Paris » est donc absolument à voir pour le numéro de Noiret et aussi pour un casting merveilleux avec notamment Manuel Blanc, Michel Aumont, Paulette Dubost, Jacques Roman, Corinne Cléry ou Ronny Coutteure. Et puis l’éclat et l’intensité de Veronika Varga viennent cueillir le spectateur dans les entrelacs de sa mémoire.

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Sébastien Lapaque ou la Grâce efficace


Dans Ce monde est tellement beau, les retrouvailles d’un quadragénaire avec la foi réenchantent un présent mortifère.


Est-il possible, dans le triste aujourd’hui dont on ne s’attardera pas à décrire ici le désespoir qu’il sécrète, de trouver soudain le monde beau ? De refuser ce que Sébastien Lapaque appelle dans son dernier roman « l’Immonde » ? L’Immonde saisit son personnage, prénommé Lazare, comme la nausée saisit le Roquentin de Sartre. Pour Roquentin, c’était en contemplant une souche d’arbre dans un jardin public et son entrelacement blanchâtre de racines qui indiquait un trop-plein grouillant d’existence brute. Pour Lazare, la quarantaine, professeur d’histoire-géographie dans un lycée parisien, à l’existence calme et banale, tout se dérègle un dimanche matin des vacances de février alors qu’il prend son petit-déjeuner dans un café du côté d’Alésia.

La beauté malgré l’Immonde

Seuls les idiots sont équipés pour respirer et Lazare, pour son malheur, n’est pas idiot. Mais sa culture ne le protège pas, ou plus. Elle le rendrait presque suspect aux yeux de ses collègues, surtout quand il fait apprendre des vers de l’Énéide à ses élèves alors que ce n’est même pas dans les circulaires officielles. Quand il prend soudain la mesure de l’Immonde, on pourrait croire à l’habituelle middle age crisis, mais c’est autre chose qui lui apparaît soudain en feuilletant le journal, en voyant la circulation passer ou les publicités s’afficher. L’Immonde, c’est finalement un mode d’organisation qui interdit de fait toute espèce de vie intérieure, qui oblige à ne jamais coïncider avec soi-même et à oublier tout le bonheur que peuvent apporter une omelette de douze œufs, les conversations avec des amis dont l’agrément, disait Baltasar Gracian, se mesure à l’heure à laquelle on se couche. Un marxiste parlerait d’aliénation, mais chez Lapaque, dans Ce monde est tellement beau, on se doute bien qu’il s’agit d’autre chose tant notre auteur est un bernanosien émérite doublé d’un habitué des textes de la patristique.

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« Lazare, sors du tombeau »

Lazare va connaître une résurrection, c’est logique. Il va discerner l’Invisible derrière l’Immonde, un Invisible qui ne demande qu’à être dévoilé à celui qui ouvrira son cœur et ses yeux. Alors, on comprend soudain ce qu’est devenue sa propre vie, la faillite moderne d’un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant ou l’espèce de mort à l’œuvre dans l’envahissement de l’espace médiatique par un rire obligé. Lazare riposte, renaît, aime de jeunes ornithologues qui étudient la disparition des moineaux, parle avec des moines bénédictins en Bretagne, prend l’air du côté de Saint-Malo avec des amis, surmonte le deuil de l’un d’entre eux et entrevoit comment vivre enfin d’une vie réellement humaine, c’est-à-dire divine.

Dans ce roman brillamment bavard, tendre comme un matin français et d’une clarté bleutée comme un ciel d’octobre sur Versailles, Lazare-Orphée retrouve effectivement cet acquiescement au monde après une longue remontée vers la lumière. Il se rappellera alors que Chartres était sa ville d’enfance, mais aussi une cathédrale qui mérite bien un pèlerinage de Pentecôte. Ce n’est pas l’illumination de Nietzche, qui disait pourtant : « Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui », mais plutôt la « Grâce efficace » des jansénistes, celle qui frappe où elle veut, quand elle veut.

En reprenant le flambeau de ce qu’on appelait autrefois les « romanciers catholiques », Sébastien Lapaque redonne une flamboyante actualité à un genre que l’on pouvait croire terni et poussiéreux.

Sollers, ou la raison nouvelle


Un projet autobiographique unique en son genre fait de Sollers, au-delà du personnage médiatique désormais en retrait, un écrivain qui restera.


Philippe Sollers publie deux livres, assez différents quant à la forme, mais très semblables quant au fond. Il s’agit comme toujours de partir de lui-même, et de décrire inlassablement, mais non sans subtilité, son univers personnel. Le romancier Sollers revendique cette subjectivité ; acceptons-la d’autant plus qu’il se place ainsi dans la catégorie des plus grands (Montaigne en tête), et nous essaierons de voir si le challenge est maintenu jusqu’au bout. Un tel projet littéraire a, en tout cas, de quoi séduire ceux qui, comme moi, ont la religion des textes.

L’aventure d’une vie

Le premier livre s’intitule Agent secret. Il paraît au Mercure de France, dans la très belle collection « Traits et portraits », dirigée par Colette Fellous. Pierre Guyotat y avait par exemple publié son génial Coma en 2006, œuvre inoubliable. Agent secret est également une autobiographie, dans laquelle Sollers se remémore, comme il l’a déjà fait si souvent, l’aventure de sa vie : son enfance à Bordeaux durant la guerre, son heureuse famille bourgeoise, puis les grandes dates de sa carrière d’écrivain, ponctuée de nombreuses rencontres, dont celles entre autres de Barthes et de Lacan.

Il évoque aussi, bien sûr, pêle-mêle la Chine, le taoïsme, la messe catholique, Hölderlin, les dieux grecs, Aragon et Mauriac, parmi tant d’autres sujets qui lui sont devenus si familiers. Il parle surtout, et ceci a particulièrement retenu mon attention, des trois femmes qu’il a le plus aimées, celles qui ont eu une influence majeure sur lui et qui furent pour lui des héroïnes de l’existence. Le lecteur de Sollers les connaît déjà, car elles ont tenu beaucoup de place dans ses romans : l’Espagnole Eugenia San Miguel, la « juive polonaise, passée par la Hollande » Dominique Rolin et la Bulgare Julia Kristeva. Sollers a beaucoup joué à paraître un libertin notoire, mais il faut remarquer chez lui un besoin de connaître sagement des « passions fixes ».

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Agent secret est un énième fil d’improvisations de Sollers sur tous les thèmes qui sont désormais sa marque de fabrique. Certes, il n’évite pas les redites, dans ce livre, mais cela n’en gêne pour ainsi dire pas la lecture, car il sait varier la narration. On a même l’impression d’un livre dicté au magnétophone (cela n’est précisé nulle part) ‒ mais pourquoi pas ? Je dois dire qu’en général on s’ennuie rarement avec Sollers, et c’est par cet Agent secret que je conseillerais de commencer, si le lecteur n’a jamais rien lu de lui. Ce volume de souvenirs restera, je pense, avec Un vrai roman, ses Mémoires publiés en 2007, une excellente introduction à l’art si spécifique avec lequel il recrée habituellement son monde.

Une expertise acquise au milieu des livres

Avec l’autre volume, Légende, qui paraît parallèlement aux éditions Gallimard, nous retrouvons exactement le même « moi », au milieu d’une thématique fort voisine. Mais le style en est plus affiné, davantage écrit, et l’ensemble organisé de manière plus précise. Légende s’inscrit dans la progression du travail de Sollers, de tous ces brefs « romans » qui, une fois l’an, désormais, viennent faire le point sur l’état de sa réflexion. On peut estimer que Femmes, en 1983, fut la première grosse pierre de ce work in progress  aux allures encyclopédiques. Sollers fait d’ailleurs référence, au début de Légende, à cet ancien livre, qui avait alors ouvert une voie que l’écrivain n’en finira pas de creuser. Car derrière une certaine légèreté de façade, faite peut-être pour amuser la galerie, il y a chez Sollers, plus profondément, l’expérience acquise de toute une existence méditative vécue au milieu des livres.

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D’Homère à Rimbaud, en passant ici par Victor Hugo (référence nouvelle chez lui, notons-le avec curiosité), Sollers peaufine son art de la citation (tout sauf évident) et du commentaire éclairé. Il veut embrasser d’un seul coup d’œil ses auteurs fétiches, non seulement les écrivains, du reste, mais aussi les peintres et les musiciens (en particulier, Mozart à qui il a consacré un ouvrage en 2001).

Tempérament classique

Une précision s’impose : Sollers ne se considère nullement comme un réactionnaire, du moins c’est ce qu’il prend bien soin de clarifier. Il écrit d’ailleurs ceci, véritable profession de foi, en même temps que discours de la méthode : « Il faut traquer l’obscurantisme dans les moindres détails. […] Il faut le démasquer dans toutes ses impostures morales et sentimentales, ses préjugés absurdes, ses sexualités confuses, sa propagande puritaine qui accompagne la dénonciation, d’ailleurs nécessaire, du viol. » À travers ses bonnes fées littéraires, Sollers se veut un tempérament « classique ».

Voilà ce qu’il revendique, condamnant du même coup le modernisme, en prenant par exemple la défense de Bataille contre Blanchot. Évacuant ainsi toute velléité nihiliste, Sollers se verrait bien en parfait renaissant (concept qui intègre sa passion pour les révolutions en général, et celle de 1789 en particulier). Il y a une bonne dose d’illuminisme dans tout cela, et le grand René Guénon est alors convoqué pour donner de la consistance à un tel projet ésotérique. Le résultat vers lequel on tend ? « Une toute nouvelle Raison », comme l’écrit Sollers, à laquelle il faut bien sûr être « initié ».

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Ce qui pourrait réunir Légende et Agent secret, tous deux conçus sur une même période, c’est la silhouette fugitive et fascinante du dieu grec Apollon, qu’un admirable tableau de Poussin au Louvre montre « amoureux de Daphné ». Sollers se sent très inspiré par ce dieu, et par ce tableau de Poussin, peintre emblématique du classicisme français. Avouons que cette évocation apporte un grand rafraîchissement à toute cette prose sollersienne, qui, sans cela, manquerait peut-être un peu de mesure. Mais n’est-ce pas ce qu’on demande d’abord à un roman ? Nous permettre de nous évader ? Nous redonner espoir ? Légende se termine d’ailleurs par cette belle affirmation, qui ressemble à une prophétie : « un nouveau Cycle a déjà commencé ». Pour cette fois, Sollers n’en dira pas plus, nous laissant à notre étonnement, comme si ce nouveau Cycle devait être porteur de lumière ‒ ultime référence faite par Sollers à l’Évangile de saint Jean…

Nicolas Poussin - "Apollon amoureux de Daphné" Wikimedia Commons
Nicolas Poussin – « Apollon amoureux de Daphné » Wikimedia Commons

Philippe Sollers, Agent secret. Éd. Du Mercure de France, collection « Traits et portraits », 2021. Et, du même auteur, Légende. Éd. Gallimard, 2021.

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Bruno Bettelheim: tous des imposteurs?

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Le billet du vaurien


C’était le 13 mars 1990, jour anniversaire de l’Anschluss, que le psychanalyste Bruno Bettelheim prenait congé de l’existence. Un médecin hollandais était prêt à l’assister, mais comble de dérision ce dernier mourra quinze jours avant que Bettelheim ne se rende aux Pays-Bas. Il lui avait néanmoins expliqué que pour décupler ses chances de réussite, il conseillait, après avoir absorbé des barbituriques, de s’enfermer la tête dans un sac de plastique, lui précisant que le gaz carbonique exhalé par la respiration était censé avoir un effet euphorisant.

Dommage que nous n’ayons pas son témoignage !

Bettelheim était né à Vienne le 28 août 1903. Son père était un négociant en bois, atteint d’une maladie encore incurable : la syphilis. À la fin de sa vie, lors d’une conférence qu’il donna à Lausanne, il heurta l’assistance en disant: « J’avais quatre ans quand mon père a découvert qu’il avait la syphilis. Pendant les vingt années qui suivirent, il n’a plus jamais touché ma mère. Les malades du sida n’ont qu’à faire la même chose ! » Quand un étudiant lui demanda ce qu’il pensait de la vieillesse, il lui répondit : «  N’y parvenez surtout pas ! »

Un personnage de Thomas Bernhard

D’ailleurs, plus il avançait en âge, plus il devenait un personnage à la Thomas Bernhard, capricieux, geignard, sarcastique et arrogant. Il montrait un goût prononcé pour la provocation, n’hésitant pas à comparer les étudiants contestataires des années soixante aux jeunesses hitlériennes, à fustiger le conformisme des adolescents élevés dans les kibboutzim ce qui lui vaudra de solides inimitiés en Israël, à critiquer  le Journal d’Anne Frank et sa niaise confiance en l’homme, à se gausser de la complaisance des intellectuels français face au communisme – « on en pleurerait si ce n’était pas si ridicule », écrit-il- et à soutenir que ce qui a fait des camps nazis (il a passé six mois à Buchenwald) un phénomène unique « c’est que des millions d’hommes aient ainsi marché, tels des lemmings, vers leur propre mort », ce qui lui vaudra d’être taxé par ses ennemis de « juif antisémite ».

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Comme si, au terme de sa vie, il retrouvait Theodor Lessing et cette « haine de soi », mise en scène avec un brio inquiétant par tant de juifs viennois.

Statue déboulonnée

Son vieux camarade Kurt Eissler, directeur des Archives Freud, disait méchamment de lui qu’il avait toutes les caractéristiques du génie, sans en être un. Peu après sa mort, Bettelheim, auteur de La Forteresse vide, le fondateur de l’École Orthogénique de Chicago, est accusé d’avoir été une brute raciste, un charlatan et un plagiaire: il a, en effet, pillé la thèse d’un professeur de psychiatrie pour en tirer sa célèbre Psychanalyse des contes de fées. Il aurait même trafiqué ses diplômes universitaires. Bref il aurait été un ambitieux sans scrupule, détruisant peu avant son suicide toutes ses archives. Et c’est ainsi que la statue du vieux sage sera déboulonnée par ses admirateurs les plus fervents. Je pense que Bruno Bettelheim avec son « old viennese arrogance » aurait été le premier à en rire: n’estimait-il pas que nous sommes tous des imposteurs et que les psychanalystes dans ce domaine n’avaient rien à envier à personne ?

Il n’aurait pas été surpris que cette profession soit aujourd’hui phagocytée par des femmes qui eussent été au siècle passé des dames d’œuvre. Pour avoir passé quelques heures en sa compagnie et avoir été sous son charme, je porte à son crédit l’effet de vérité qu’il a mis, sans doute malgré lui, en évidence.

Sans hypocrisie et sans bons sentiments.

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César 2021: Fanny l’ardente


Pour la deuxième année consécutive, Fanny Ardant sauve l’honneur des César. En 2020, elle a osé dire son amour à Polanski et cette année elle a eu le courage de célébrer les hommes. Coup de chapeau à l’une des rares artistes de cette soirée consternante et militante


« C’est une joie de fêter les acteurs. De célébrer les hommes. Leur dire qu’ils sont beaux, qu’ils sont braves. Qu’on rêve de les connaître. Qu’on désire les revoir. Qu’on n’a jamais oublié les émotions qu’ils nous ont données. Qu’ils nous ont fait rire et pleurer. Qu’ils nous ont énervées, mais qu’ils nous ont séduites. Et que…  on les aime… on les admire. Et que… vivre sans eux, ça ne serait pas tout à fait vivre. » Voici les quelques mots prononcés par Fanny Ardant avant de remettre le César du meilleur acteur.

L’anti Corinne Masiero

Comme il en est maintenant coutume depuis que la culture est grandement remplacée par la lutte féministe et antiraciste, les César 2021 furent une grande tribune politique, dégoulinant parfois de bons sentiments, et parfois montrant férocement les crocs, bave aux lèvres, et réclamant vengeance. Le bal des révolutionnaires en carton-pâte s’est avéré tantôt pathétique, tantôt dur, sombre et lourd. Cela ressemblait au mieux à un comité d’épuration, au pire à une déclaration de guerre, ou l’inverse. Et la guerre, chez les cultureux, est inquiétante car on y voit des fascistes en peau de victimes et des collabos à perte de vue, mais en ce qui concerne la résistance, les rangs sont bien clairsemés ! Qui peut croire que ces gens sont là pour défendre l’art ? Qui peut croire que Corinne Masiero qui, nue, arbore fièrement écrit sur son dos « Rend nous l’art Jean ! », avec cette magnifique faute, défend la culture, elle qui, de manière si ostensible nous expose, pire que son cul, son peu de souci de la langue française ?

Gabin doit se retourner dans sa tombe

Les César ont au moins un mérite, celui de nous montrer chaque année la progression de la gangrène qui ronge le corps chancelant du monde des arts. Imaginez Gabin, Michel Simon, Jouvet, Suzy Delair, Françoise Rosay et Viviane Romance ressuscités une soirée le temps d’assister, dans leur fauteuil de l’Olympia, à cette cérémonie numéro 46 ! Je laisse à Michel Audiard le soin des dialogues. Ça commencerait par un Gabin laissant tomber sa cigarette, les yeux écarquillés : « Non mais dites-moi qu’je rêve … Qui est-ce qui m’a flanqué une bande de dégénérés pareils ? Ma parole, on est chez les maniaques ! Et dire qu’on m’a tiré de mon roupillon pour venir assister à c’te bal de tordus. Je préfère prévenir ! L’premier qui s’approche, j’y file une giroflée ! »

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Mais revenons à la triste réalité ! Voilà qu’après plus de trois heures de moraline double dose en suppo (car la blague pipi-caca était au rendez-vous), une créature divine vint pourfendre ces horribles flots de bêtise et de haine pour remettre l’art, la passion et l’amour au centre de la scène. S’avançant jusqu’au pupitre, Fanny Ardant ne semblait pas marcher, mais plutôt voler, comme dans les rêves, portée par on ne sait quelle force mystérieuse. Sa seule présence, par sa beauté, son chic et sa grâce, était transgressive au sein de la laideur politiquement correcte du cinéma français contemporain.

Clouer le bec au féminisme avec grâce

Lorsque l’on voit Fanny Ardant, on ne croit plus à l’égalité, on se dit qu’il y a des êtres d’exception. Les quelques mots qu’elle osa prononcer, ce cri d’amour et de soutien, furent ce soir-là les seules paroles libérées des lourdes chaînes de notre sinistre époque qui furent prononcées. Les seuls mots insouciants et passionnés. Ce fut une ode aux hommes et plus encore à la liberté. Comme l’année dernière, quand elle avait dit, ou plutôt chanté, car Fanny Ardant ne parle pas mais chante, son amour pour Polanski. Ce faisant, elle nous chantait son amour pour l’art et son mépris de l’ordre moral et de la meute. Cette année, au lendemain de la cérémonie et à ma grande surprise, pas un article de presse n’a été écrit sur son discours et impossible d’en trouver une vidéo, alors que la plupart des interventions militantes de la soirée avaient, elles, bien été relayées par Canal + sur YouTube. L’un des objectifs nouveaux des César est, paraît-il, la diversité : pas celle des paroles et des pensées en tout cas. Fanny Ardant, comme Gérard Depardieu, appartient à la race des grands et libres Monstres Sacrés. Ce soir-là, les baisers de Fanny, ce ne sont pas les rigides bottes de la morale qui les ont reçus, ce sont les hommes. Que peut leur importer la haine d’actrices fascisto-féministes, puisqu’ils reçoivent l’amour salvateur de la belle, de la sublime, de l’ardente Fanny Ardant.

Pauvre Houellebecq!

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Le billet du vaurien


Michel Houellebecq n’hésite pas à écrire dans Le Figaro du 6 avril qu’une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ! On peut avoir du respect pour ses proches, voire pour soi-même, mais pour une civilisation… Admettons que Houllebecq ait une forme de génie qui lui permet d’embrasser les civilisations les plus diverses et de leur accorder de bons ou de mauvais points. Évidemment, si la civilisation européenne perdait la considération que Michel Houllebecq daigne lui accorder dans ses bons jours, nous en serions terrassés. Déjà que nous n’en menons pas large: l’islam a juré notre perte et même ce cher Tariq Ramadan pousse la chansonnette pour que les damnés de la terre prennent leur revanche sur les innombrables affronts que l’homme blanc leur a infligés.

Un nouveau billet mortel signé Jaccard

Je suppose que Houllebecq devait éprouver un sentiment de honte lorsque le droit à l’avortement a été admis. Et voici maintenant le coup fatal : la légalisation de l’euthanasie. Peut-être pourrions-nous rappeler à notre illustre romancier ce mot de Benjamin Constant : « Le suicide est un moyen d’indépendance et, à cet égard, tous les pouvoirs le haïssent. » Et pourquoi seuls les médecins et les chimistes auraient-ils accès en France à la technologie pharmaceutique du suicide ? Pourquoi chacun n’aurait-il pas le même « droit » de se tuer facilement, sans souffrance et sûrement ? Houllebecq serait-il devenu élitiste ? Ou ne parvient-il pas à comprendre que si certains considèrent le désir de vivre comme une aspiration légitime, d’autres tiennent à abréger la nuit qu’ils ont à passer dans une mauvaise auberge, pour citer sainte Thérèse d’Avila.

A lire aussi, Céline Pina: Tariq Ramadan se relance avec… un slam indigéniste

Est- il bien nécessaire d’interner dans des hôpitaux psychiatriques ceux qui ont une prédilection pour la mort, de leur donner des électrochocs et des sédatifs pour leur enlever cette fâcheuse idée que les menus plaisirs de l’existence méritent qu’on en jouisse ad nauseam, comme le préconise Houllebecq, dérobant par là-même à l’être humain la seule valeur spirituelle dont il a besoin pour vivre une vie pleine de sens ou pour mourir d’une mort pleine de sens, elle aussi: le respect de ses propres décisions ?

La soif de vivre paradoxale de Houllebecq

Quant à la légalisation de l’euthanasie qui est plutôt à l’honneur d’une civilisation, il est étrange que des pays aussi divers par leur culture ou leur religion que l’Espagne, la Belgique ou la Suisse l’aient adopté sans s’effondrer aussitôt. Certes, ils ont perdu le respect de Houllebecq et c’est terriblement fâcheux. Notre romancier préfère sans doute que des brigades de gendarmes traquent les trafiquants de Nembutal en France et punissent les contrevenants – des retraités en général – d’amendes salées, voire d’une peine de prison.

Félicitations à Houllebecq de défendre une conception aussi limitée de la liberté et, en dépit de la noirceur de ses romans, d’avoir un appétit de vivre que rien ne semble devoir entamer.

Milli Görüs: toujours plus grand, toujours plus fort

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Après la gigantesque mosquée de Strasbourg, la plus gigantesque encore école coranique d’Albertville…


Mais cette fois-ci, sans les subventions de la mairie. Pour sa mosquée strasbourgeoise, l’association turco-islamiste Milli Görüs avait reçu une subvention de 2,5 millions d’euros de la mairie écologiste de la ville. Le préfet, un peu choqué, a saisi la justice administrative pour s’opposer à cette singulière générosité. On attend de voir.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Strasbourg: la mosquée de la conquête

Cette mosquée « fierté des musulmans » selon Milli Görüs est tout simplement un instrument de conquête. Et la conquête se poursuit avec d’autres moyens. Plus efficaces sans doute, car il s’agit d’une école !

À Albertville, Milli Görüs a vu grand. Un établissement scolaire de 4000 m², seize classes, quatre cents élèves. L’école sera hors contrat et coranique. Elle ne sera donc pas tenue de respecter les programmes de l’Éducation nationale. Des centaines de petits musulmans apprendront donc le Coran et les pensées d’Erdogan. Autant d’enfants qui seront un peu plus étrangers au pays qui les héberge.

Le maire d’Albertville[tooltips content= »Frédéric Burnier-Framboret (divers droite) ndlr »](1)[/tooltips] a tenté de s’opposer à cette honte. Mal lui en a pris. La justice administrative locale a retoqué son recours. En effet, il n’a voix qu’au chapitre de l’urbanisme. Et le projet de l’école coranique respecte scrupuleusement les règles urbanistiques…

A lire aussi, Enquête: Coexister: les bonnes affaires du vivre-ensemble

On n’est pas tenu de penser du bien des juges. Mais certains objectent qu’ils ne font qu’appliquer les lois. Quand les lois sont mauvaises, on les change, non ?

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Merci les Verts!


Je ne saurais trop remercier les héros de l’Écologie dont les noms suivent…


Je remercie du fond du cœur Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui a montré à la France entière l’inanité des sapins de Noël, que l’on fait pousser pour les couper, quelle farce ! Les anciens administrés de Montaigne, ce demeuré qui ignorait tout de l’Écologie, se contenteront désormais d’un plug géant de couleur verte, comme celui qui avait été implanté jadis place Vendôme.

Je remercie aussi Eric Piolle, qui a décidé de faire labourer les cours de récréation des écoles de sa bonne ville de Grenoble, afin que les garçons ne puissent plus y jouer au football et gênent ainsi les calmes jeux des filles. Sur ces terres à nouveau arables les enfants planteront des carottes et des tomates, qui viendront à maturité lorsque les vacances commenceront.

Tous mes remerciements aussi à Grégory Doucet, qui impose le véganisme aux petits Lyonnais. Après tout, ce n’est pas parce que la ville s’ouvre sur le Charolais et la Bresse qu’il faut fournir en protéines animales des enfants initiés désormais à la co-responsabilité verte et aux joies du quinoa.

A lire aussi, le coup de gueule de Robert Ménard: Bienvenue dans l’enfer vert

Je m’en voudrais d’oublier Léonore Moncond’huy (littéralement : mon con d’aujourd’hui) qui vient de suspendre les subventions ordinairement allouées aux aéro-clubs de sa bonne ville de Poitiers, arguant qu’il était temps que « l’aérien ne fasse plus partie des rêves des enfants ». Icare est désormais interdit de séjour dans sa ville.

À propos de subventions, comment ne pas célébrer Jeanne Barseghian, qui oubliant ses ancêtres arméniens, offre 2,5 millions d’euros à une organisation islamiste turque pour qu’elle édifie dans sa ville une mosquée dont le minaret rivalisera avec les flèches de la cathédrale. Peu importe que le Concordat qui régit l’Alsace ignore l’islam, il est temps d’intégrer les Français d’origine turque dans le grand patchwork national. Et quelle importance si la Confédération islamique Millî Görüş, qui a par ailleurs refusé de signer la Charte des principes pour l’islam de France, est une officine de l’AKP, le parti d’Erdogan, l’homme qui ne veut que du bien à l’Europe.

Et j’en profite pour saluer le fait que lors de la même délibération municipale, Jeanne Barseghian ait fait rejeter la définition de l’antisémitisme que proposait l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, sous prétexte qu’elle interdisait, selon elle, de critiquer la politique d’Israël.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Strasbourg: la mosquée de la conquête

Quitte à évoquer l’Alsace, je salue la fermeture de la centrale de Fessenheim, l’année dernière, qui fonctionnait parfaitement bien, ce qui nous a obligés à importer de l’électricité allemande issue de centrales au lignite, qui comme chacun sait ne sont absolument pas polluantes. Je déplore que le gouvernement n’en ait pas profité pour fermer toutes les centrales nucléaires, de façon à ce que la décroissance s’installe enfin et que nous utilisions une partie du temps que nous allouent les confinements présents et à venir à recharger nos portables en frottant deux silex l’un contre l’autre.

Pour tous ces exploits accomplis en moins d’un an, merci, merci, merci ! Si en quelques mois les Verts ont su obtenir des résultats si méritoires, que ne feront-ils pas en cinq ans, lorsque Yannick Jadot aura été élu à la magistrature suprême…

J’ai hâte — oh qu’est-ce que j’ai hâte !

Les filles de la désunion

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© DILTZ/ Bridgeman images

Les parents sont plus susceptibles de divorcer si leur premier-né est une fille. La science explique cela très bien.


Les sujets familiaux font d’inépuisables citernes à sagesse populaire, en particulier lorsqu’il est question du nombre et du sexe des enfants. Parmi cette avalanche d’idées reçues, celle voulant que les parents fassent plus d’efforts pour leurs fils. Ou celle, connexe, selon laquelle les filles seraient une sinécure pour leurs parents – plus faciles à élever, parce que plus dociles, plus sages, plus calmes. Comme tous les stéréotypes, ceux-ci ne sont pas totalement faux, mais pas précisément vrais non plus.

Détricotant autant le chouchoutage des garçons que la facilité d’entretien des filles, les économistes Jan Kabatek, chercheur au Melbourne Institute (Australie), et David C. Ribar, de l’université d’État de Géorgie (États-Unis), ont voulu savoir si et pour quelle raison le sexe des enfants pouvait peser sur le risque de divorce des parents. Pourquoi ? Parce que tout un corpus montre que ce risque est en effet légèrement plus élevé chez les parents de filles que de garçons. L’explication d’obédience féministe fréquemment donnée à ce phénomène est celle dite de la « préférence pour les fils », qui veut que les pères de filles soient plus susceptibles de quitter leur premier foyer pour aller en fonder un autre en raison de leur envie pressante de (faire) pondre un « héritier mâle ».

Ne partageant pas ce présupposé, Kabatek et Ribar ont réagi comme tout bon scientifique turlupiné qui se respecte : en quantifiant le phénomène. Et pas qu’un peu. Grâce aux registres démographiques néerlandais, leur étude publiée à la toute fin de 2020 porte sur près de 3 millions de mariages noués entre 1971 et 2016. L’année 1971 est celle où les Pays-Bas ont reconnu le divorce sans faute : à partir de là, les chercheurs ont pu travailler sur une cohorte de désunions davantage motivées par la volonté individuelle, si ce n’est le consentement mutuel, que lors des époques antérieures.

A lire aussi, du même auteur: Un scoop: l’imprévisible est imprévisible

Globalement, l’étude ne va pas à contre-courant du consensus et montre que les parents sont effectivement plus susceptibles de divorcer si leur premier-né est une fille. Ensuite, et là encore dans la droite ligne de leurs prédécesseurs, Kabatek et Ribar observent un effet modeste – en moyenne et jusqu’aux 18 ans de leur fille, les familles avec aînée ont seulement 1,8 % de risque supplémentaire de divorcer. Mais ce risque augmente avec le nombre de filles du couple et leur âge. Par exemple, les couples néerlandais ont plus de 5 % de risque de divorcer lorsque leur fille a entre 13 et 18 ans. L’année de tous les dangers est celle de ses 15 ans, avec près de 10 % de risque supplémentaire. Aux États-Unis, pour lesquels Kabatek et Ribar disposaient d’un échantillon moins substantiel, les chiffres sont quasiment deux fois plus élevés.

Que le risque de divorce augmente avec l’âge en général, et soit le plus élevé à l’adolescence est le coup le plus dur donné à la théorie de la « préférence pour les fils ». Il est assez évident que lorsqu’un sale phallocrate est démangé par un besoin d’héritier mâle, il ne va pas attendre treize ou quinze ans pour l’assouvir. Comme le détaillent les chercheurs, l’explication plus probable s’oriente plutôt vers des relations conjugales ombrageuses au sujet des normes éducatives. À l’appui de cette hypothèse, l’étude montre que l’« effet fille » sur la séparation est d’autant plus fort que parents et enfants sont susceptibles d’avoir des croyances contradictoires sur ces rôles (par exemple, parce que les parents sont immigrés ou d’une génération plus ancienne que la moyenne). Et il explose (relativement parlant) si les parents ont eux-mêmes des croyances opposées (par exemple, lorsqu’un parent est immigré et l’autre non, lorsque les deux parents sont immigrés, mais issus de deux bassins culturels contrastés en matière de liberté des mœurs ou encore lorsque les niveaux d’études des parents sont très éloignés).

Cette augmentation du risque de divorce chez les parents de filles s’explique aussi par la fatigue relative que constitue leur éducation. À rebours de l’idée que les parents consentent des sacrifices supérieurs pour les garçons, l’investissement requis par l’éducation d’une fille est en réalité et en moyenne plus élevé que pour un fils. Des études observent notamment que les parents consacrent plus de temps aux activités pédagogiques pour leurs filles en âge préscolaire que pour leurs garçons. D’autres montrent que les parents allouent en tendance plus de ressources à leurs filles et d’autres encore que les familles défavorisées protègent davantage les besoins alimentaires de leurs filles adolescentes. Sans compter que le « calme » relatif des filles pourrait être un révélateur d’agitation parentale, vu que les fœtus masculins résistent moins bien au stress maternel et que les femmes déplorant un degré élevé de conflictualité conjugale avant de tomber enceintes sont plus susceptibles de donner naissance à des filles qu’à des garçons.

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Des résultats cohérents avec l’un des piliers de la biologie évolutive, l’effet Trivers-Willard, posant que les conditions écologiques, en jouant sur la condition physique de la mère, ont de quoi faire fluctuer le sexe de la progéniture. L’hypothèse de Trivers-Willard statue en effet que lorsqu’un sexe est plus variable que l’autre dans son succès reproducteur (fitness) au cours de sa vie, et si les sexes n’ont pas les mêmes facilités (ou difficultés) d’accès aux ressources, alors il est possible de prédire quel environnement fera que tel sexe sera préféré par les parents aux dépens de l’autre. Chez l’humain, comme dans la grande majorité des espèces sexuées et anisogames – c’est-à-dire productrices de cellules sexuelles, les gamètes, très différentes en taille, en mobilité et en exigences énergétiques –, c’est la reproduction des mâles qui est la plus variable : quelques hommes se partagent la part du lion du gâteau de la reproduction et le gros des troupes n’a plus que des miettes, si ce n’est du vent. Les mères ont donc tout intérêt à préférer leurs filles quand la météo écologique est mauvaise (le pari est moins risqué : une fille a toujours plus de chances de se reproduire qu’un garçon) et de faire pencher la balance vers leurs fils quand les temps sont radieux. Le modèle prédit également que dans des environnements à la fois inégalitaires et précaires, il sera biologiquement logique de préférer les filles aux garçons dans les familles pauvres. À l’inverse, chez les riches, les fils auront le plus de chances d’être favorisés.

Mais la découverte la plus cocasse de l’étude de Kabatek et Ribar est sans doute que l’« effet fille » sur le divorce dépend fortement de la composition de la fratrie… du père. Pour les pères n’ayant pas de sœur, l’effet est fort, mais il est inexistant chez les hommes ayant eu au moins une sœur. Comme si, commentent Kabatek et Ribar, « l’exposition des hommes à des interactions parentales avec des filles pendant leur enfance pouvait atténuer certains des conflits qu’ils sont susceptibles de rencontrer sur leur propre trajectoire parentale ». Eurêka, on a découvert le vaccin contre le divorce.

Référence : tinyurl.com/JamaisSansMonDivorce

La semaine de Causeur du 11 avril 2021

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Chaque dimanche, la semaine de Causeur revient sur les cinq articles les plus consultés sur le site Causeur.fr durant la semaine écoulée.


Cette semaine:

#5 Tariq Ramadan se relance avec… un slam indigéniste

#4 Elisabeth Lévy : Quand la gauche s’éveillera

#3 Retour sur le Pépitagate

#2 Champs-Elysées: l’avenue la plus bête du monde?

#1 Est-il complotiste de continuer de s’interroger sur les origines du coronavirus?

 

«Le roi de Paris», c’était lui!

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Philippe Noiret dans "Le roi de Paris" (1995) de Dominique Maillet © SIPA Numéro de reportage: 00375336_000001

Philippe Noiret donne une leçon d’acteur dans ce film oublié de 1995 qui renaît en DVD


Qu’aurait-il dit après la cérémonie des César ? Rien probablement. Le silence s’impose face à une telle débâcle culturelle. Il y eut dans cet happening raté, calamiteux sur le fond et la forme, une forme d’indignité pour le métier d’acteur et pour le respect du spectateur. Quelque chose qui s’apparente à une trahison du jeu et de la scène. Une violation de notre imaginaire. Un piétinement de nos valeurs. En se défoulant et donc en nous insultant, ces acteurs ont oublié, pour un soir, la distance nécessaire à toute création artistique. Ils ont confondu la revendication brouillonne et l’incarnation sincère d’un juste combat. Ils ont manqué d’intelligence, de cohérence, de clairvoyance, d’humour et de nerfs.

Contre les vieilles combines de la nudité débraillée

Un acteur, un grand, ça ne s’oublie pas, ça ne se déverse pas, ça se tient debout, ça nous extrait de notre médiocrité ambiante par le talent et le feu intérieur, par la geste et la parole, par l’humanité à fleur de peau ou la férocité de la dérision, par le rire carnassier et l’onde nostalgique. La vulgarité onirique et dévastatrice n’est pas à la portée de n’importe quel comédien encarté. Tout le monde n’a pas la démesure d’un Marco Ferreri. La souillure est un don de dieu.

A lire aussi: Un «Bébel» oublié et mal-aimé…

Et le militantisme, un art explosif, à manier avec prudence et discernement. En voyant cette déroute en marche, j’ai pensé à ces mots de Jean-Claude Pirotte dans Un voyage en automne: « Puisque déjà tout est détruit, que reste-t-il à détruire ? Va-t-on pouvoir mettre un terme à la course des nuages, réduire le vent à sa seule plainte, couvrir de cendres le soleil ? Hypnose de la laideur et de la vulgarité ». Ces gens-là qu’on appelle à tort de spectacle ont réussi à repousser les limites de l’indécence et alimenter la colère du public, déjà bien malmené par les dérèglements sanitaires de l’année écoulée. Pétard mouillé de l’agit-prop, vieille combine de la nudité déballée, négation du verbe brillant et du mouvement chorégraphié.

L'Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001
L’Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001

Seule l’élégance est révolutionnaire

De toute cette gesticulation insane, ils ont nié Guitry et Oury, Audiard et Godard, Lautner et Rohmer. Ils ont balayé un siècle de cinéma plus par bêtise que par calcul, ce qui est pire. Ce soir-là, leurs mots étaient vains et leurs corps absents. Comment leur dire qu’en plus de rater leur cible par des pitreries de mauvais goût, ils ont fait preuve d’un narcissisme mortifère? Ils n’ont été ni généreux, ni altruistes, simplement insignifiants, de cette banalité qui salit et blesse. Nous les anonymes, les obscurs des salles sombres, qui n’avons pas le don de nous exprimer en public, déléguons aux acteurs le droit de sublimer nos existences. Ils sont nos passeurs. Ils endossent nos peines et nos joies, nous tendent le reflet de notre âme. Ils ne singent pas le réel, ils le recréent par le travail et le don naturel.

Aujourd’hui, contrairement à ce qu’imaginent tous ces profanateurs assermentés, c’est l’élégance qui est révolutionnaire, le maintien qui est disruptif, laissons le dévoiement aux simples d’esprit. Et si une paire de souliers patinés était le signe d’une résistance aux ordres les mieux établis ? Pour sortir de cette nasse, oublier le jeu faisandé et les coups de com’ qui font pschitt, les amoureux du cinéma ont besoin d’un repère dans cette longue nuit. De ces balises qui éclairent les égarés.

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Retour à Noiret

À la lumière du désastre des César, Philippe Noiret apparaît comme un commandeur, très loin des déballages intimes et des tracas quotidiens. Son jeu nous élève et nous désarme, jamais le même et cependant toujours empreint d’une vérité éclatante qu’il interprète un benêt ou un chevalier, un naïf ou un cynique, un mari meurtri ou un régent libertin.

Retrouverons-nous, un jour encore, des comédiens capables de tout jouer, en légèreté, sans forcer le trait, sans tricher, sans se regarder le nombril, sans pratiquer la claque et quémander un peu d’amour ? La sortie en DVD/Blu-Ray du film méconnu de Dominique Maillet, « Le roi de Paris » est une belle manière de communier avec Philippe Noiret. De s’inscrire à nouveau dans un échange rare, personnel avec lui, de retrouver sa palette de variations infinies, de la mauvaise foi à la tendresse blessée, de la fanfaronnade à l’effondrement, de la voix qui porte haut et puis qui se fissure soudain pour nous anéantir totalement.

Alors oui, revoir Noiret dans la peau de Victor Derval maître fictif du théâtre au début des années 1930, gloire du boulevard, torve et grandiloquent, est une expérience que je recommande à tous les humiliés des César. C’était donc ça un acteur en pleine possession de son art, dont l’intonation, les regards, les déplacements, les raideurs et les relâchements formaient un tout au service d’un scénario et d’une histoire. La renaissance de ce « roi de Paris » est donc absolument à voir pour le numéro de Noiret et aussi pour un casting merveilleux avec notamment Manuel Blanc, Michel Aumont, Paulette Dubost, Jacques Roman, Corinne Cléry ou Ronny Coutteure. Et puis l’éclat et l’intensité de Veronika Varga viennent cueillir le spectateur dans les entrelacs de sa mémoire.

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Sébastien Lapaque ou la Grâce efficace

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Sébastien Lapaque © Hannah Assouline

Dans Ce monde est tellement beau, les retrouvailles d’un quadragénaire avec la foi réenchantent un présent mortifère.


Est-il possible, dans le triste aujourd’hui dont on ne s’attardera pas à décrire ici le désespoir qu’il sécrète, de trouver soudain le monde beau ? De refuser ce que Sébastien Lapaque appelle dans son dernier roman « l’Immonde » ? L’Immonde saisit son personnage, prénommé Lazare, comme la nausée saisit le Roquentin de Sartre. Pour Roquentin, c’était en contemplant une souche d’arbre dans un jardin public et son entrelacement blanchâtre de racines qui indiquait un trop-plein grouillant d’existence brute. Pour Lazare, la quarantaine, professeur d’histoire-géographie dans un lycée parisien, à l’existence calme et banale, tout se dérègle un dimanche matin des vacances de février alors qu’il prend son petit-déjeuner dans un café du côté d’Alésia.

La beauté malgré l’Immonde

Seuls les idiots sont équipés pour respirer et Lazare, pour son malheur, n’est pas idiot. Mais sa culture ne le protège pas, ou plus. Elle le rendrait presque suspect aux yeux de ses collègues, surtout quand il fait apprendre des vers de l’Énéide à ses élèves alors que ce n’est même pas dans les circulaires officielles. Quand il prend soudain la mesure de l’Immonde, on pourrait croire à l’habituelle middle age crisis, mais c’est autre chose qui lui apparaît soudain en feuilletant le journal, en voyant la circulation passer ou les publicités s’afficher. L’Immonde, c’est finalement un mode d’organisation qui interdit de fait toute espèce de vie intérieure, qui oblige à ne jamais coïncider avec soi-même et à oublier tout le bonheur que peuvent apporter une omelette de douze œufs, les conversations avec des amis dont l’agrément, disait Baltasar Gracian, se mesure à l’heure à laquelle on se couche. Un marxiste parlerait d’aliénation, mais chez Lapaque, dans Ce monde est tellement beau, on se doute bien qu’il s’agit d’autre chose tant notre auteur est un bernanosien émérite doublé d’un habitué des textes de la patristique.

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« Lazare, sors du tombeau »

Lazare va connaître une résurrection, c’est logique. Il va discerner l’Invisible derrière l’Immonde, un Invisible qui ne demande qu’à être dévoilé à celui qui ouvrira son cœur et ses yeux. Alors, on comprend soudain ce qu’est devenue sa propre vie, la faillite moderne d’un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant ou l’espèce de mort à l’œuvre dans l’envahissement de l’espace médiatique par un rire obligé. Lazare riposte, renaît, aime de jeunes ornithologues qui étudient la disparition des moineaux, parle avec des moines bénédictins en Bretagne, prend l’air du côté de Saint-Malo avec des amis, surmonte le deuil de l’un d’entre eux et entrevoit comment vivre enfin d’une vie réellement humaine, c’est-à-dire divine.

Dans ce roman brillamment bavard, tendre comme un matin français et d’une clarté bleutée comme un ciel d’octobre sur Versailles, Lazare-Orphée retrouve effectivement cet acquiescement au monde après une longue remontée vers la lumière. Il se rappellera alors que Chartres était sa ville d’enfance, mais aussi une cathédrale qui mérite bien un pèlerinage de Pentecôte. Ce n’est pas l’illumination de Nietzche, qui disait pourtant : « Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui », mais plutôt la « Grâce efficace » des jansénistes, celle qui frappe où elle veut, quand elle veut.

En reprenant le flambeau de ce qu’on appelait autrefois les « romanciers catholiques », Sébastien Lapaque redonne une flamboyante actualité à un genre que l’on pouvait croire terni et poussiéreux.

Ce monde est tellement beau

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Sollers, ou la raison nouvelle

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L'écrivain Philippe Sollers © Photo Hannah Assouline

Un projet autobiographique unique en son genre fait de Sollers, au-delà du personnage médiatique désormais en retrait, un écrivain qui restera.


Philippe Sollers publie deux livres, assez différents quant à la forme, mais très semblables quant au fond. Il s’agit comme toujours de partir de lui-même, et de décrire inlassablement, mais non sans subtilité, son univers personnel. Le romancier Sollers revendique cette subjectivité ; acceptons-la d’autant plus qu’il se place ainsi dans la catégorie des plus grands (Montaigne en tête), et nous essaierons de voir si le challenge est maintenu jusqu’au bout. Un tel projet littéraire a, en tout cas, de quoi séduire ceux qui, comme moi, ont la religion des textes.

L’aventure d’une vie

Le premier livre s’intitule Agent secret. Il paraît au Mercure de France, dans la très belle collection « Traits et portraits », dirigée par Colette Fellous. Pierre Guyotat y avait par exemple publié son génial Coma en 2006, œuvre inoubliable. Agent secret est également une autobiographie, dans laquelle Sollers se remémore, comme il l’a déjà fait si souvent, l’aventure de sa vie : son enfance à Bordeaux durant la guerre, son heureuse famille bourgeoise, puis les grandes dates de sa carrière d’écrivain, ponctuée de nombreuses rencontres, dont celles entre autres de Barthes et de Lacan.

Il évoque aussi, bien sûr, pêle-mêle la Chine, le taoïsme, la messe catholique, Hölderlin, les dieux grecs, Aragon et Mauriac, parmi tant d’autres sujets qui lui sont devenus si familiers. Il parle surtout, et ceci a particulièrement retenu mon attention, des trois femmes qu’il a le plus aimées, celles qui ont eu une influence majeure sur lui et qui furent pour lui des héroïnes de l’existence. Le lecteur de Sollers les connaît déjà, car elles ont tenu beaucoup de place dans ses romans : l’Espagnole Eugenia San Miguel, la « juive polonaise, passée par la Hollande » Dominique Rolin et la Bulgare Julia Kristeva. Sollers a beaucoup joué à paraître un libertin notoire, mais il faut remarquer chez lui un besoin de connaître sagement des « passions fixes ».

A lire aussi, Pascal Louvrier: Sollers sans masque

Agent secret est un énième fil d’improvisations de Sollers sur tous les thèmes qui sont désormais sa marque de fabrique. Certes, il n’évite pas les redites, dans ce livre, mais cela n’en gêne pour ainsi dire pas la lecture, car il sait varier la narration. On a même l’impression d’un livre dicté au magnétophone (cela n’est précisé nulle part) ‒ mais pourquoi pas ? Je dois dire qu’en général on s’ennuie rarement avec Sollers, et c’est par cet Agent secret que je conseillerais de commencer, si le lecteur n’a jamais rien lu de lui. Ce volume de souvenirs restera, je pense, avec Un vrai roman, ses Mémoires publiés en 2007, une excellente introduction à l’art si spécifique avec lequel il recrée habituellement son monde.

Une expertise acquise au milieu des livres

Avec l’autre volume, Légende, qui paraît parallèlement aux éditions Gallimard, nous retrouvons exactement le même « moi », au milieu d’une thématique fort voisine. Mais le style en est plus affiné, davantage écrit, et l’ensemble organisé de manière plus précise. Légende s’inscrit dans la progression du travail de Sollers, de tous ces brefs « romans » qui, une fois l’an, désormais, viennent faire le point sur l’état de sa réflexion. On peut estimer que Femmes, en 1983, fut la première grosse pierre de ce work in progress  aux allures encyclopédiques. Sollers fait d’ailleurs référence, au début de Légende, à cet ancien livre, qui avait alors ouvert une voie que l’écrivain n’en finira pas de creuser. Car derrière une certaine légèreté de façade, faite peut-être pour amuser la galerie, il y a chez Sollers, plus profondément, l’expérience acquise de toute une existence méditative vécue au milieu des livres.

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D’Homère à Rimbaud, en passant ici par Victor Hugo (référence nouvelle chez lui, notons-le avec curiosité), Sollers peaufine son art de la citation (tout sauf évident) et du commentaire éclairé. Il veut embrasser d’un seul coup d’œil ses auteurs fétiches, non seulement les écrivains, du reste, mais aussi les peintres et les musiciens (en particulier, Mozart à qui il a consacré un ouvrage en 2001).

Tempérament classique

Une précision s’impose : Sollers ne se considère nullement comme un réactionnaire, du moins c’est ce qu’il prend bien soin de clarifier. Il écrit d’ailleurs ceci, véritable profession de foi, en même temps que discours de la méthode : « Il faut traquer l’obscurantisme dans les moindres détails. […] Il faut le démasquer dans toutes ses impostures morales et sentimentales, ses préjugés absurdes, ses sexualités confuses, sa propagande puritaine qui accompagne la dénonciation, d’ailleurs nécessaire, du viol. » À travers ses bonnes fées littéraires, Sollers se veut un tempérament « classique ».

Voilà ce qu’il revendique, condamnant du même coup le modernisme, en prenant par exemple la défense de Bataille contre Blanchot. Évacuant ainsi toute velléité nihiliste, Sollers se verrait bien en parfait renaissant (concept qui intègre sa passion pour les révolutions en général, et celle de 1789 en particulier). Il y a une bonne dose d’illuminisme dans tout cela, et le grand René Guénon est alors convoqué pour donner de la consistance à un tel projet ésotérique. Le résultat vers lequel on tend ? « Une toute nouvelle Raison », comme l’écrit Sollers, à laquelle il faut bien sûr être « initié ».

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Ce qui pourrait réunir Légende et Agent secret, tous deux conçus sur une même période, c’est la silhouette fugitive et fascinante du dieu grec Apollon, qu’un admirable tableau de Poussin au Louvre montre « amoureux de Daphné ». Sollers se sent très inspiré par ce dieu, et par ce tableau de Poussin, peintre emblématique du classicisme français. Avouons que cette évocation apporte un grand rafraîchissement à toute cette prose sollersienne, qui, sans cela, manquerait peut-être un peu de mesure. Mais n’est-ce pas ce qu’on demande d’abord à un roman ? Nous permettre de nous évader ? Nous redonner espoir ? Légende se termine d’ailleurs par cette belle affirmation, qui ressemble à une prophétie : « un nouveau Cycle a déjà commencé ». Pour cette fois, Sollers n’en dira pas plus, nous laissant à notre étonnement, comme si ce nouveau Cycle devait être porteur de lumière ‒ ultime référence faite par Sollers à l’Évangile de saint Jean…

Nicolas Poussin - "Apollon amoureux de Daphné" Wikimedia Commons
Nicolas Poussin – « Apollon amoureux de Daphné » Wikimedia Commons

Philippe Sollers, Agent secret. Éd. Du Mercure de France, collection « Traits et portraits », 2021. Et, du même auteur, Légende. Éd. Gallimard, 2021.

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Bruno Bettelheim: tous des imposteurs?

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Bruno Bettelheim en 1990 aux Etats-unis © BARON JEAN/SIPA Numéro de reportage : 00184608_000001

Le billet du vaurien


C’était le 13 mars 1990, jour anniversaire de l’Anschluss, que le psychanalyste Bruno Bettelheim prenait congé de l’existence. Un médecin hollandais était prêt à l’assister, mais comble de dérision ce dernier mourra quinze jours avant que Bettelheim ne se rende aux Pays-Bas. Il lui avait néanmoins expliqué que pour décupler ses chances de réussite, il conseillait, après avoir absorbé des barbituriques, de s’enfermer la tête dans un sac de plastique, lui précisant que le gaz carbonique exhalé par la respiration était censé avoir un effet euphorisant.

Dommage que nous n’ayons pas son témoignage !

Bettelheim était né à Vienne le 28 août 1903. Son père était un négociant en bois, atteint d’une maladie encore incurable : la syphilis. À la fin de sa vie, lors d’une conférence qu’il donna à Lausanne, il heurta l’assistance en disant: « J’avais quatre ans quand mon père a découvert qu’il avait la syphilis. Pendant les vingt années qui suivirent, il n’a plus jamais touché ma mère. Les malades du sida n’ont qu’à faire la même chose ! » Quand un étudiant lui demanda ce qu’il pensait de la vieillesse, il lui répondit : «  N’y parvenez surtout pas ! »

Un personnage de Thomas Bernhard

D’ailleurs, plus il avançait en âge, plus il devenait un personnage à la Thomas Bernhard, capricieux, geignard, sarcastique et arrogant. Il montrait un goût prononcé pour la provocation, n’hésitant pas à comparer les étudiants contestataires des années soixante aux jeunesses hitlériennes, à fustiger le conformisme des adolescents élevés dans les kibboutzim ce qui lui vaudra de solides inimitiés en Israël, à critiquer  le Journal d’Anne Frank et sa niaise confiance en l’homme, à se gausser de la complaisance des intellectuels français face au communisme – « on en pleurerait si ce n’était pas si ridicule », écrit-il- et à soutenir que ce qui a fait des camps nazis (il a passé six mois à Buchenwald) un phénomène unique « c’est que des millions d’hommes aient ainsi marché, tels des lemmings, vers leur propre mort », ce qui lui vaudra d’être taxé par ses ennemis de « juif antisémite ».

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Comme si, au terme de sa vie, il retrouvait Theodor Lessing et cette « haine de soi », mise en scène avec un brio inquiétant par tant de juifs viennois.

Statue déboulonnée

Son vieux camarade Kurt Eissler, directeur des Archives Freud, disait méchamment de lui qu’il avait toutes les caractéristiques du génie, sans en être un. Peu après sa mort, Bettelheim, auteur de La Forteresse vide, le fondateur de l’École Orthogénique de Chicago, est accusé d’avoir été une brute raciste, un charlatan et un plagiaire: il a, en effet, pillé la thèse d’un professeur de psychiatrie pour en tirer sa célèbre Psychanalyse des contes de fées. Il aurait même trafiqué ses diplômes universitaires. Bref il aurait été un ambitieux sans scrupule, détruisant peu avant son suicide toutes ses archives. Et c’est ainsi que la statue du vieux sage sera déboulonnée par ses admirateurs les plus fervents. Je pense que Bruno Bettelheim avec son « old viennese arrogance » aurait été le premier à en rire: n’estimait-il pas que nous sommes tous des imposteurs et que les psychanalystes dans ce domaine n’avaient rien à envier à personne ?

Il n’aurait pas été surpris que cette profession soit aujourd’hui phagocytée par des femmes qui eussent été au siècle passé des dames d’œuvre. Pour avoir passé quelques heures en sa compagnie et avoir été sous son charme, je porte à son crédit l’effet de vérité qu’il a mis, sans doute malgré lui, en évidence.

Sans hypocrisie et sans bons sentiments.

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César 2021: Fanny l’ardente

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Fanny Ardant aux César 2021. © Dominique Charriau / Getty Images via AFP

Pour la deuxième année consécutive, Fanny Ardant sauve l’honneur des César. En 2020, elle a osé dire son amour à Polanski et cette année elle a eu le courage de célébrer les hommes. Coup de chapeau à l’une des rares artistes de cette soirée consternante et militante


« C’est une joie de fêter les acteurs. De célébrer les hommes. Leur dire qu’ils sont beaux, qu’ils sont braves. Qu’on rêve de les connaître. Qu’on désire les revoir. Qu’on n’a jamais oublié les émotions qu’ils nous ont données. Qu’ils nous ont fait rire et pleurer. Qu’ils nous ont énervées, mais qu’ils nous ont séduites. Et que…  on les aime… on les admire. Et que… vivre sans eux, ça ne serait pas tout à fait vivre. » Voici les quelques mots prononcés par Fanny Ardant avant de remettre le César du meilleur acteur.

L’anti Corinne Masiero

Comme il en est maintenant coutume depuis que la culture est grandement remplacée par la lutte féministe et antiraciste, les César 2021 furent une grande tribune politique, dégoulinant parfois de bons sentiments, et parfois montrant férocement les crocs, bave aux lèvres, et réclamant vengeance. Le bal des révolutionnaires en carton-pâte s’est avéré tantôt pathétique, tantôt dur, sombre et lourd. Cela ressemblait au mieux à un comité d’épuration, au pire à une déclaration de guerre, ou l’inverse. Et la guerre, chez les cultureux, est inquiétante car on y voit des fascistes en peau de victimes et des collabos à perte de vue, mais en ce qui concerne la résistance, les rangs sont bien clairsemés ! Qui peut croire que ces gens sont là pour défendre l’art ? Qui peut croire que Corinne Masiero qui, nue, arbore fièrement écrit sur son dos « Rend nous l’art Jean ! », avec cette magnifique faute, défend la culture, elle qui, de manière si ostensible nous expose, pire que son cul, son peu de souci de la langue française ?

Gabin doit se retourner dans sa tombe

Les César ont au moins un mérite, celui de nous montrer chaque année la progression de la gangrène qui ronge le corps chancelant du monde des arts. Imaginez Gabin, Michel Simon, Jouvet, Suzy Delair, Françoise Rosay et Viviane Romance ressuscités une soirée le temps d’assister, dans leur fauteuil de l’Olympia, à cette cérémonie numéro 46 ! Je laisse à Michel Audiard le soin des dialogues. Ça commencerait par un Gabin laissant tomber sa cigarette, les yeux écarquillés : « Non mais dites-moi qu’je rêve … Qui est-ce qui m’a flanqué une bande de dégénérés pareils ? Ma parole, on est chez les maniaques ! Et dire qu’on m’a tiré de mon roupillon pour venir assister à c’te bal de tordus. Je préfère prévenir ! L’premier qui s’approche, j’y file une giroflée ! »

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Mais revenons à la triste réalité ! Voilà qu’après plus de trois heures de moraline double dose en suppo (car la blague pipi-caca était au rendez-vous), une créature divine vint pourfendre ces horribles flots de bêtise et de haine pour remettre l’art, la passion et l’amour au centre de la scène. S’avançant jusqu’au pupitre, Fanny Ardant ne semblait pas marcher, mais plutôt voler, comme dans les rêves, portée par on ne sait quelle force mystérieuse. Sa seule présence, par sa beauté, son chic et sa grâce, était transgressive au sein de la laideur politiquement correcte du cinéma français contemporain.

Clouer le bec au féminisme avec grâce

Lorsque l’on voit Fanny Ardant, on ne croit plus à l’égalité, on se dit qu’il y a des êtres d’exception. Les quelques mots qu’elle osa prononcer, ce cri d’amour et de soutien, furent ce soir-là les seules paroles libérées des lourdes chaînes de notre sinistre époque qui furent prononcées. Les seuls mots insouciants et passionnés. Ce fut une ode aux hommes et plus encore à la liberté. Comme l’année dernière, quand elle avait dit, ou plutôt chanté, car Fanny Ardant ne parle pas mais chante, son amour pour Polanski. Ce faisant, elle nous chantait son amour pour l’art et son mépris de l’ordre moral et de la meute. Cette année, au lendemain de la cérémonie et à ma grande surprise, pas un article de presse n’a été écrit sur son discours et impossible d’en trouver une vidéo, alors que la plupart des interventions militantes de la soirée avaient, elles, bien été relayées par Canal + sur YouTube. L’un des objectifs nouveaux des César est, paraît-il, la diversité : pas celle des paroles et des pensées en tout cas. Fanny Ardant, comme Gérard Depardieu, appartient à la race des grands et libres Monstres Sacrés. Ce soir-là, les baisers de Fanny, ce ne sont pas les rigides bottes de la morale qui les ont reçus, ce sont les hommes. Que peut leur importer la haine d’actrices fascisto-féministes, puisqu’ils reçoivent l’amour salvateur de la belle, de la sublime, de l’ardente Fanny Ardant.

Pauvre Houellebecq!

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© Martin Meissner/AP/SIPA Numéro de reportage : AP21680542_000002

Le billet du vaurien


Michel Houellebecq n’hésite pas à écrire dans Le Figaro du 6 avril qu’une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ! On peut avoir du respect pour ses proches, voire pour soi-même, mais pour une civilisation… Admettons que Houllebecq ait une forme de génie qui lui permet d’embrasser les civilisations les plus diverses et de leur accorder de bons ou de mauvais points. Évidemment, si la civilisation européenne perdait la considération que Michel Houllebecq daigne lui accorder dans ses bons jours, nous en serions terrassés. Déjà que nous n’en menons pas large: l’islam a juré notre perte et même ce cher Tariq Ramadan pousse la chansonnette pour que les damnés de la terre prennent leur revanche sur les innombrables affronts que l’homme blanc leur a infligés.

Un nouveau billet mortel signé Jaccard

Je suppose que Houllebecq devait éprouver un sentiment de honte lorsque le droit à l’avortement a été admis. Et voici maintenant le coup fatal : la légalisation de l’euthanasie. Peut-être pourrions-nous rappeler à notre illustre romancier ce mot de Benjamin Constant : « Le suicide est un moyen d’indépendance et, à cet égard, tous les pouvoirs le haïssent. » Et pourquoi seuls les médecins et les chimistes auraient-ils accès en France à la technologie pharmaceutique du suicide ? Pourquoi chacun n’aurait-il pas le même « droit » de se tuer facilement, sans souffrance et sûrement ? Houllebecq serait-il devenu élitiste ? Ou ne parvient-il pas à comprendre que si certains considèrent le désir de vivre comme une aspiration légitime, d’autres tiennent à abréger la nuit qu’ils ont à passer dans une mauvaise auberge, pour citer sainte Thérèse d’Avila.

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Est- il bien nécessaire d’interner dans des hôpitaux psychiatriques ceux qui ont une prédilection pour la mort, de leur donner des électrochocs et des sédatifs pour leur enlever cette fâcheuse idée que les menus plaisirs de l’existence méritent qu’on en jouisse ad nauseam, comme le préconise Houllebecq, dérobant par là-même à l’être humain la seule valeur spirituelle dont il a besoin pour vivre une vie pleine de sens ou pour mourir d’une mort pleine de sens, elle aussi: le respect de ses propres décisions ?

La soif de vivre paradoxale de Houllebecq

Quant à la légalisation de l’euthanasie qui est plutôt à l’honneur d’une civilisation, il est étrange que des pays aussi divers par leur culture ou leur religion que l’Espagne, la Belgique ou la Suisse l’aient adopté sans s’effondrer aussitôt. Certes, ils ont perdu le respect de Houllebecq et c’est terriblement fâcheux. Notre romancier préfère sans doute que des brigades de gendarmes traquent les trafiquants de Nembutal en France et punissent les contrevenants – des retraités en général – d’amendes salées, voire d’une peine de prison.

Félicitations à Houllebecq de défendre une conception aussi limitée de la liberté et, en dépit de la noirceur de ses romans, d’avoir un appétit de vivre que rien ne semble devoir entamer.

Milli Görüs: toujours plus grand, toujours plus fort

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Le maire d’Albertville (Savoie) Frédéric Burnier-Framboret a été condamné le 7 avril 2021 par le tribunal administratif de Grenoble à accorder un permis de construire d’une école privée de l’association Confédération islamique Milli Görüs (CIMG) / Image d'archive 2020 © Auteurs : ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage : 00995512_000003

Après la gigantesque mosquée de Strasbourg, la plus gigantesque encore école coranique d’Albertville…


Mais cette fois-ci, sans les subventions de la mairie. Pour sa mosquée strasbourgeoise, l’association turco-islamiste Milli Görüs avait reçu une subvention de 2,5 millions d’euros de la mairie écologiste de la ville. Le préfet, un peu choqué, a saisi la justice administrative pour s’opposer à cette singulière générosité. On attend de voir.

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Cette mosquée « fierté des musulmans » selon Milli Görüs est tout simplement un instrument de conquête. Et la conquête se poursuit avec d’autres moyens. Plus efficaces sans doute, car il s’agit d’une école !

À Albertville, Milli Görüs a vu grand. Un établissement scolaire de 4000 m², seize classes, quatre cents élèves. L’école sera hors contrat et coranique. Elle ne sera donc pas tenue de respecter les programmes de l’Éducation nationale. Des centaines de petits musulmans apprendront donc le Coran et les pensées d’Erdogan. Autant d’enfants qui seront un peu plus étrangers au pays qui les héberge.

Le maire d’Albertville[tooltips content= »Frédéric Burnier-Framboret (divers droite) ndlr »](1)[/tooltips] a tenté de s’opposer à cette honte. Mal lui en a pris. La justice administrative locale a retoqué son recours. En effet, il n’a voix qu’au chapitre de l’urbanisme. Et le projet de l’école coranique respecte scrupuleusement les règles urbanistiques…

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On n’est pas tenu de penser du bien des juges. Mais certains objectent qu’ils ne font qu’appliquer les lois. Quand les lois sont mauvaises, on les change, non ?

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Merci les Verts!

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De gauche à droite, Eric Piolle, Esther Benbassa, Julien Bayou et Yannick Jadot. mars 2021 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01011940_000006

Je ne saurais trop remercier les héros de l’Écologie dont les noms suivent…


Je remercie du fond du cœur Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui a montré à la France entière l’inanité des sapins de Noël, que l’on fait pousser pour les couper, quelle farce ! Les anciens administrés de Montaigne, ce demeuré qui ignorait tout de l’Écologie, se contenteront désormais d’un plug géant de couleur verte, comme celui qui avait été implanté jadis place Vendôme.

Je remercie aussi Eric Piolle, qui a décidé de faire labourer les cours de récréation des écoles de sa bonne ville de Grenoble, afin que les garçons ne puissent plus y jouer au football et gênent ainsi les calmes jeux des filles. Sur ces terres à nouveau arables les enfants planteront des carottes et des tomates, qui viendront à maturité lorsque les vacances commenceront.

Tous mes remerciements aussi à Grégory Doucet, qui impose le véganisme aux petits Lyonnais. Après tout, ce n’est pas parce que la ville s’ouvre sur le Charolais et la Bresse qu’il faut fournir en protéines animales des enfants initiés désormais à la co-responsabilité verte et aux joies du quinoa.

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Je m’en voudrais d’oublier Léonore Moncond’huy (littéralement : mon con d’aujourd’hui) qui vient de suspendre les subventions ordinairement allouées aux aéro-clubs de sa bonne ville de Poitiers, arguant qu’il était temps que « l’aérien ne fasse plus partie des rêves des enfants ». Icare est désormais interdit de séjour dans sa ville.

À propos de subventions, comment ne pas célébrer Jeanne Barseghian, qui oubliant ses ancêtres arméniens, offre 2,5 millions d’euros à une organisation islamiste turque pour qu’elle édifie dans sa ville une mosquée dont le minaret rivalisera avec les flèches de la cathédrale. Peu importe que le Concordat qui régit l’Alsace ignore l’islam, il est temps d’intégrer les Français d’origine turque dans le grand patchwork national. Et quelle importance si la Confédération islamique Millî Görüş, qui a par ailleurs refusé de signer la Charte des principes pour l’islam de France, est une officine de l’AKP, le parti d’Erdogan, l’homme qui ne veut que du bien à l’Europe.

Et j’en profite pour saluer le fait que lors de la même délibération municipale, Jeanne Barseghian ait fait rejeter la définition de l’antisémitisme que proposait l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, sous prétexte qu’elle interdisait, selon elle, de critiquer la politique d’Israël.

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Quitte à évoquer l’Alsace, je salue la fermeture de la centrale de Fessenheim, l’année dernière, qui fonctionnait parfaitement bien, ce qui nous a obligés à importer de l’électricité allemande issue de centrales au lignite, qui comme chacun sait ne sont absolument pas polluantes. Je déplore que le gouvernement n’en ait pas profité pour fermer toutes les centrales nucléaires, de façon à ce que la décroissance s’installe enfin et que nous utilisions une partie du temps que nous allouent les confinements présents et à venir à recharger nos portables en frottant deux silex l’un contre l’autre.

Pour tous ces exploits accomplis en moins d’un an, merci, merci, merci ! Si en quelques mois les Verts ont su obtenir des résultats si méritoires, que ne feront-ils pas en cinq ans, lorsque Yannick Jadot aura été élu à la magistrature suprême…

J’ai hâte — oh qu’est-ce que j’ai hâte !