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«Le roi de Paris», c’était lui!

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Philippe Noiret donne une leçon d’acteur dans ce film oublié de 1995 qui renaît en DVD


Qu’aurait-il dit après la cérémonie des César ? Rien probablement. Le silence s’impose face à une telle débâcle culturelle. Il y eut dans cet happening raté, calamiteux sur le fond et la forme, une forme d’indignité pour le métier d’acteur et pour le respect du spectateur. Quelque chose qui s’apparente à une trahison du jeu et de la scène. Une violation de notre imaginaire. Un piétinement de nos valeurs. En se défoulant et donc en nous insultant, ces acteurs ont oublié, pour un soir, la distance nécessaire à toute création artistique. Ils ont confondu la revendication brouillonne et l’incarnation sincère d’un juste combat. Ils ont manqué d’intelligence, de cohérence, de clairvoyance, d’humour et de nerfs.

Contre les vieilles combines de la nudité débraillée

Un acteur, un grand, ça ne s’oublie pas, ça ne se déverse pas, ça se tient debout, ça nous extrait de notre médiocrité ambiante par le talent et le feu intérieur, par la geste et la parole, par l’humanité à fleur de peau ou la férocité de la dérision, par le rire carnassier et l’onde nostalgique. La vulgarité onirique et dévastatrice n’est pas à la portée de n’importe quel comédien encarté. Tout le monde n’a pas la démesure d’un Marco Ferreri. La souillure est un don de dieu.

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Et le militantisme, un art explosif, à manier avec prudence et discernement. En voyant cette déroute en marche, j’ai pensé à ces mots de Jean-Claude Pirotte dans Un voyage en automne: « Puisque déjà tout est détruit, que reste-t-il à détruire ? Va-t-on pouvoir mettre un terme à la course des nuages, réduire le vent à sa seule plainte, couvrir de cendres le soleil ? Hypnose de la laideur et de la vulgarité ». Ces gens-là qu’on appelle à tort de spectacle ont réussi à repousser les limites de l’indécence et alimenter la colère du public, déjà bien malmené par les dérèglements sanitaires de l’année écoulée. Pétard mouillé de l’agit-prop, vieille combine de la nudité déballée, négation du verbe brillant et du mouvement chorégraphié.

L'Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001
L’Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001

Seule l’élégance est révolutionnaire

De toute cette gesticulation insane, ils ont nié Guitry et Oury, Audiard et Godard, Lautner et Rohmer. Ils ont balayé un siècle de cinéma plus par bêtise que par calcul, ce qui est pire. Ce soir-là, leurs mots étaient vains et leurs corps absents. Comment leur dire qu’en plus de rater leur cible par des pitreries de mauvais goût, ils ont fait preuve d’un narcissisme mortifère? Ils n’ont été ni généreux, ni altruistes, simplement insignifiants, de cette banalité qui salit et blesse. Nous les anonymes, les obscurs des salles sombres, qui n’avons pas le don de nous exprimer en public, déléguons aux acteurs le droit de sublimer nos existences. Ils sont nos passeurs. Ils endossent nos peines et nos joies, nous tendent le reflet de notre âme. Ils ne singent pas le réel, ils le recréent par le travail et le don naturel.

Aujourd’hui, contrairement à ce qu’imaginent tous ces profanateurs assermentés, c’est l’élégance qui est révolutionnaire, le maintien qui est disruptif, laissons le dévoiement aux simples d’esprit. Et si une paire de souliers patinés était le signe d’une résistance aux ordres les mieux établis ? Pour sortir de cette nasse, oublier le jeu faisandé et les coups de com’ qui font pschitt, les amoureux du cinéma ont besoin d’un repère dans cette longue nuit. De ces balises qui éclairent les égarés.

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Retour à Noiret

À la lumière du désastre des César, Philippe Noiret apparaît comme un commandeur, très loin des déballages intimes et des tracas quotidiens. Son jeu nous élève et nous désarme, jamais le même et cependant toujours empreint d’une vérité éclatante qu’il interprète un benêt ou un chevalier, un naïf ou un cynique, un mari meurtri ou un régent libertin.

Retrouverons-nous, un jour encore, des comédiens capables de tout jouer, en légèreté, sans forcer le trait, sans tricher, sans se regarder le nombril, sans pratiquer la claque et quémander un peu d’amour ? La sortie en DVD/Blu-Ray du film méconnu de Dominique Maillet, « Le roi de Paris » est une belle manière de communier avec Philippe Noiret. De s’inscrire à nouveau dans un échange rare, personnel avec lui, de retrouver sa palette de variations infinies, de la mauvaise foi à la tendresse blessée, de la fanfaronnade à l’effondrement, de la voix qui porte haut et puis qui se fissure soudain pour nous anéantir totalement.

Alors oui, revoir Noiret dans la peau de Victor Derval maître fictif du théâtre au début des années 1930, gloire du boulevard, torve et grandiloquent, est une expérience que je recommande à tous les humiliés des César. C’était donc ça un acteur en pleine possession de son art, dont l’intonation, les regards, les déplacements, les raideurs et les relâchements formaient un tout au service d’un scénario et d’une histoire. La renaissance de ce « roi de Paris » est donc absolument à voir pour le numéro de Noiret et aussi pour un casting merveilleux avec notamment Manuel Blanc, Michel Aumont, Paulette Dubost, Jacques Roman, Corinne Cléry ou Ronny Coutteure. Et puis l’éclat et l’intensité de Veronika Varga viennent cueillir le spectateur dans les entrelacs de sa mémoire.

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Sébastien Lapaque ou la Grâce efficace


Dans Ce monde est tellement beau, les retrouvailles d’un quadragénaire avec la foi réenchantent un présent mortifère.


Est-il possible, dans le triste aujourd’hui dont on ne s’attardera pas à décrire ici le désespoir qu’il sécrète, de trouver soudain le monde beau ? De refuser ce que Sébastien Lapaque appelle dans son dernier roman « l’Immonde » ? L’Immonde saisit son personnage, prénommé Lazare, comme la nausée saisit le Roquentin de Sartre. Pour Roquentin, c’était en contemplant une souche d’arbre dans un jardin public et son entrelacement blanchâtre de racines qui indiquait un trop-plein grouillant d’existence brute. Pour Lazare, la quarantaine, professeur d’histoire-géographie dans un lycée parisien, à l’existence calme et banale, tout se dérègle un dimanche matin des vacances de février alors qu’il prend son petit-déjeuner dans un café du côté d’Alésia.

La beauté malgré l’Immonde

Seuls les idiots sont équipés pour respirer et Lazare, pour son malheur, n’est pas idiot. Mais sa culture ne le protège pas, ou plus. Elle le rendrait presque suspect aux yeux de ses collègues, surtout quand il fait apprendre des vers de l’Énéide à ses élèves alors que ce n’est même pas dans les circulaires officielles. Quand il prend soudain la mesure de l’Immonde, on pourrait croire à l’habituelle middle age crisis, mais c’est autre chose qui lui apparaît soudain en feuilletant le journal, en voyant la circulation passer ou les publicités s’afficher. L’Immonde, c’est finalement un mode d’organisation qui interdit de fait toute espèce de vie intérieure, qui oblige à ne jamais coïncider avec soi-même et à oublier tout le bonheur que peuvent apporter une omelette de douze œufs, les conversations avec des amis dont l’agrément, disait Baltasar Gracian, se mesure à l’heure à laquelle on se couche. Un marxiste parlerait d’aliénation, mais chez Lapaque, dans Ce monde est tellement beau, on se doute bien qu’il s’agit d’autre chose tant notre auteur est un bernanosien émérite doublé d’un habitué des textes de la patristique.

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« Lazare, sors du tombeau »

Lazare va connaître une résurrection, c’est logique. Il va discerner l’Invisible derrière l’Immonde, un Invisible qui ne demande qu’à être dévoilé à celui qui ouvrira son cœur et ses yeux. Alors, on comprend soudain ce qu’est devenue sa propre vie, la faillite moderne d’un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant ou l’espèce de mort à l’œuvre dans l’envahissement de l’espace médiatique par un rire obligé. Lazare riposte, renaît, aime de jeunes ornithologues qui étudient la disparition des moineaux, parle avec des moines bénédictins en Bretagne, prend l’air du côté de Saint-Malo avec des amis, surmonte le deuil de l’un d’entre eux et entrevoit comment vivre enfin d’une vie réellement humaine, c’est-à-dire divine.

Dans ce roman brillamment bavard, tendre comme un matin français et d’une clarté bleutée comme un ciel d’octobre sur Versailles, Lazare-Orphée retrouve effectivement cet acquiescement au monde après une longue remontée vers la lumière. Il se rappellera alors que Chartres était sa ville d’enfance, mais aussi une cathédrale qui mérite bien un pèlerinage de Pentecôte. Ce n’est pas l’illumination de Nietzche, qui disait pourtant : « Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui », mais plutôt la « Grâce efficace » des jansénistes, celle qui frappe où elle veut, quand elle veut.

En reprenant le flambeau de ce qu’on appelait autrefois les « romanciers catholiques », Sébastien Lapaque redonne une flamboyante actualité à un genre que l’on pouvait croire terni et poussiéreux.

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Sollers, ou la raison nouvelle


Un projet autobiographique unique en son genre fait de Sollers, au-delà du personnage médiatique désormais en retrait, un écrivain qui restera.


Philippe Sollers publie deux livres, assez différents quant à la forme, mais très semblables quant au fond. Il s’agit comme toujours de partir de lui-même, et de décrire inlassablement, mais non sans subtilité, son univers personnel. Le romancier Sollers revendique cette subjectivité ; acceptons-la d’autant plus qu’il se place ainsi dans la catégorie des plus grands (Montaigne en tête), et nous essaierons de voir si le challenge est maintenu jusqu’au bout. Un tel projet littéraire a, en tout cas, de quoi séduire ceux qui, comme moi, ont la religion des textes.

L’aventure d’une vie

Le premier livre s’intitule Agent secret. Il paraît au Mercure de France, dans la très belle collection « Traits et portraits », dirigée par Colette Fellous. Pierre Guyotat y avait par exemple publié son génial Coma en 2006, œuvre inoubliable. Agent secret est également une autobiographie, dans laquelle Sollers se remémore, comme il l’a déjà fait si souvent, l’aventure de sa vie : son enfance à Bordeaux durant la guerre, son heureuse famille bourgeoise, puis les grandes dates de sa carrière d’écrivain, ponctuée de nombreuses rencontres, dont celles entre autres de Barthes et de Lacan.

Il évoque aussi, bien sûr, pêle-mêle la Chine, le taoïsme, la messe catholique, Hölderlin, les dieux grecs, Aragon et Mauriac, parmi tant d’autres sujets qui lui sont devenus si familiers. Il parle surtout, et ceci a particulièrement retenu mon attention, des trois femmes qu’il a le plus aimées, celles qui ont eu une influence majeure sur lui et qui furent pour lui des héroïnes de l’existence. Le lecteur de Sollers les connaît déjà, car elles ont tenu beaucoup de place dans ses romans : l’Espagnole Eugenia San Miguel, la « juive polonaise, passée par la Hollande » Dominique Rolin et la Bulgare Julia Kristeva. Sollers a beaucoup joué à paraître un libertin notoire, mais il faut remarquer chez lui un besoin de connaître sagement des « passions fixes ».

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Agent secret est un énième fil d’improvisations de Sollers sur tous les thèmes qui sont désormais sa marque de fabrique. Certes, il n’évite pas les redites, dans ce livre, mais cela n’en gêne pour ainsi dire pas la lecture, car il sait varier la narration. On a même l’impression d’un livre dicté au magnétophone (cela n’est précisé nulle part) ‒ mais pourquoi pas ? Je dois dire qu’en général on s’ennuie rarement avec Sollers, et c’est par cet Agent secret que je conseillerais de commencer, si le lecteur n’a jamais rien lu de lui. Ce volume de souvenirs restera, je pense, avec Un vrai roman, ses Mémoires publiés en 2007, une excellente introduction à l’art si spécifique avec lequel il recrée habituellement son monde.

Une expertise acquise au milieu des livres

Avec l’autre volume, Légende, qui paraît parallèlement aux éditions Gallimard, nous retrouvons exactement le même « moi », au milieu d’une thématique fort voisine. Mais le style en est plus affiné, davantage écrit, et l’ensemble organisé de manière plus précise. Légende s’inscrit dans la progression du travail de Sollers, de tous ces brefs « romans » qui, une fois l’an, désormais, viennent faire le point sur l’état de sa réflexion. On peut estimer que Femmes, en 1983, fut la première grosse pierre de ce work in progress  aux allures encyclopédiques. Sollers fait d’ailleurs référence, au début de Légende, à cet ancien livre, qui avait alors ouvert une voie que l’écrivain n’en finira pas de creuser. Car derrière une certaine légèreté de façade, faite peut-être pour amuser la galerie, il y a chez Sollers, plus profondément, l’expérience acquise de toute une existence méditative vécue au milieu des livres.

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D’Homère à Rimbaud, en passant ici par Victor Hugo (référence nouvelle chez lui, notons-le avec curiosité), Sollers peaufine son art de la citation (tout sauf évident) et du commentaire éclairé. Il veut embrasser d’un seul coup d’œil ses auteurs fétiches, non seulement les écrivains, du reste, mais aussi les peintres et les musiciens (en particulier, Mozart à qui il a consacré un ouvrage en 2001).

Tempérament classique

Une précision s’impose : Sollers ne se considère nullement comme un réactionnaire, du moins c’est ce qu’il prend bien soin de clarifier. Il écrit d’ailleurs ceci, véritable profession de foi, en même temps que discours de la méthode : « Il faut traquer l’obscurantisme dans les moindres détails. […] Il faut le démasquer dans toutes ses impostures morales et sentimentales, ses préjugés absurdes, ses sexualités confuses, sa propagande puritaine qui accompagne la dénonciation, d’ailleurs nécessaire, du viol. » À travers ses bonnes fées littéraires, Sollers se veut un tempérament « classique ».

Voilà ce qu’il revendique, condamnant du même coup le modernisme, en prenant par exemple la défense de Bataille contre Blanchot. Évacuant ainsi toute velléité nihiliste, Sollers se verrait bien en parfait renaissant (concept qui intègre sa passion pour les révolutions en général, et celle de 1789 en particulier). Il y a une bonne dose d’illuminisme dans tout cela, et le grand René Guénon est alors convoqué pour donner de la consistance à un tel projet ésotérique. Le résultat vers lequel on tend ? « Une toute nouvelle Raison », comme l’écrit Sollers, à laquelle il faut bien sûr être « initié ».

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Ce qui pourrait réunir Légende et Agent secret, tous deux conçus sur une même période, c’est la silhouette fugitive et fascinante du dieu grec Apollon, qu’un admirable tableau de Poussin au Louvre montre « amoureux de Daphné ». Sollers se sent très inspiré par ce dieu, et par ce tableau de Poussin, peintre emblématique du classicisme français. Avouons que cette évocation apporte un grand rafraîchissement à toute cette prose sollersienne, qui, sans cela, manquerait peut-être un peu de mesure. Mais n’est-ce pas ce qu’on demande d’abord à un roman ? Nous permettre de nous évader ? Nous redonner espoir ? Légende se termine d’ailleurs par cette belle affirmation, qui ressemble à une prophétie : « un nouveau Cycle a déjà commencé ». Pour cette fois, Sollers n’en dira pas plus, nous laissant à notre étonnement, comme si ce nouveau Cycle devait être porteur de lumière ‒ ultime référence faite par Sollers à l’Évangile de saint Jean…

Nicolas Poussin - "Apollon amoureux de Daphné" Wikimedia Commons
Nicolas Poussin – « Apollon amoureux de Daphné » Wikimedia Commons

Philippe Sollers, Agent secret. Éd. Du Mercure de France, collection « Traits et portraits », 2021. Et, du même auteur, Légende. Éd. Gallimard, 2021.

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Bruno Bettelheim: tous des imposteurs?

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Le billet du vaurien


C’était le 13 mars 1990, jour anniversaire de l’Anschluss, que le psychanalyste Bruno Bettelheim prenait congé de l’existence. Un médecin hollandais était prêt à l’assister, mais comble de dérision ce dernier mourra quinze jours avant que Bettelheim ne se rende aux Pays-Bas. Il lui avait néanmoins expliqué que pour décupler ses chances de réussite, il conseillait, après avoir absorbé des barbituriques, de s’enfermer la tête dans un sac de plastique, lui précisant que le gaz carbonique exhalé par la respiration était censé avoir un effet euphorisant.

Dommage que nous n’ayons pas son témoignage !

Bettelheim était né à Vienne le 28 août 1903. Son père était un négociant en bois, atteint d’une maladie encore incurable : la syphilis. À la fin de sa vie, lors d’une conférence qu’il donna à Lausanne, il heurta l’assistance en disant: « J’avais quatre ans quand mon père a découvert qu’il avait la syphilis. Pendant les vingt années qui suivirent, il n’a plus jamais touché ma mère. Les malades du sida n’ont qu’à faire la même chose ! » Quand un étudiant lui demanda ce qu’il pensait de la vieillesse, il lui répondit : «  N’y parvenez surtout pas ! »

Un personnage de Thomas Bernhard

D’ailleurs, plus il avançait en âge, plus il devenait un personnage à la Thomas Bernhard, capricieux, geignard, sarcastique et arrogant. Il montrait un goût prononcé pour la provocation, n’hésitant pas à comparer les étudiants contestataires des années soixante aux jeunesses hitlériennes, à fustiger le conformisme des adolescents élevés dans les kibboutzim ce qui lui vaudra de solides inimitiés en Israël, à critiquer  le Journal d’Anne Frank et sa niaise confiance en l’homme, à se gausser de la complaisance des intellectuels français face au communisme – « on en pleurerait si ce n’était pas si ridicule », écrit-il- et à soutenir que ce qui a fait des camps nazis (il a passé six mois à Buchenwald) un phénomène unique « c’est que des millions d’hommes aient ainsi marché, tels des lemmings, vers leur propre mort », ce qui lui vaudra d’être taxé par ses ennemis de « juif antisémite ».

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Comme si, au terme de sa vie, il retrouvait Theodor Lessing et cette « haine de soi », mise en scène avec un brio inquiétant par tant de juifs viennois.

Statue déboulonnée

Son vieux camarade Kurt Eissler, directeur des Archives Freud, disait méchamment de lui qu’il avait toutes les caractéristiques du génie, sans en être un. Peu après sa mort, Bettelheim, auteur de La Forteresse vide, le fondateur de l’École Orthogénique de Chicago, est accusé d’avoir été une brute raciste, un charlatan et un plagiaire: il a, en effet, pillé la thèse d’un professeur de psychiatrie pour en tirer sa célèbre Psychanalyse des contes de fées. Il aurait même trafiqué ses diplômes universitaires. Bref il aurait été un ambitieux sans scrupule, détruisant peu avant son suicide toutes ses archives. Et c’est ainsi que la statue du vieux sage sera déboulonnée par ses admirateurs les plus fervents. Je pense que Bruno Bettelheim avec son « old viennese arrogance » aurait été le premier à en rire: n’estimait-il pas que nous sommes tous des imposteurs et que les psychanalystes dans ce domaine n’avaient rien à envier à personne ?

Il n’aurait pas été surpris que cette profession soit aujourd’hui phagocytée par des femmes qui eussent été au siècle passé des dames d’œuvre. Pour avoir passé quelques heures en sa compagnie et avoir été sous son charme, je porte à son crédit l’effet de vérité qu’il a mis, sans doute malgré lui, en évidence.

Sans hypocrisie et sans bons sentiments.

César 2021: Fanny l’ardente


Pour la deuxième année consécutive, Fanny Ardant sauve l’honneur des César. En 2020, elle a osé dire son amour à Polanski et cette année elle a eu le courage de célébrer les hommes. Coup de chapeau à l’une des rares artistes de cette soirée consternante et militante


« C’est une joie de fêter les acteurs. De célébrer les hommes. Leur dire qu’ils sont beaux, qu’ils sont braves. Qu’on rêve de les connaître. Qu’on désire les revoir. Qu’on n’a jamais oublié les émotions qu’ils nous ont données. Qu’ils nous ont fait rire et pleurer. Qu’ils nous ont énervées, mais qu’ils nous ont séduites. Et que…  on les aime… on les admire. Et que… vivre sans eux, ça ne serait pas tout à fait vivre. » Voici les quelques mots prononcés par Fanny Ardant avant de remettre le César du meilleur acteur.

L’anti Corinne Masiero

Comme il en est maintenant coutume depuis que la culture est grandement remplacée par la lutte féministe et antiraciste, les César 2021 furent une grande tribune politique, dégoulinant parfois de bons sentiments, et parfois montrant férocement les crocs, bave aux lèvres, et réclamant vengeance. Le bal des révolutionnaires en carton-pâte s’est avéré tantôt pathétique, tantôt dur, sombre et lourd. Cela ressemblait au mieux à un comité d’épuration, au pire à une déclaration de guerre, ou l’inverse. Et la guerre, chez les cultureux, est inquiétante car on y voit des fascistes en peau de victimes et des collabos à perte de vue, mais en ce qui concerne la résistance, les rangs sont bien clairsemés ! Qui peut croire que ces gens sont là pour défendre l’art ? Qui peut croire que Corinne Masiero qui, nue, arbore fièrement écrit sur son dos « Rend nous l’art Jean ! », avec cette magnifique faute, défend la culture, elle qui, de manière si ostensible nous expose, pire que son cul, son peu de souci de la langue française ?

Gabin doit se retourner dans sa tombe

Les César ont au moins un mérite, celui de nous montrer chaque année la progression de la gangrène qui ronge le corps chancelant du monde des arts. Imaginez Gabin, Michel Simon, Jouvet, Suzy Delair, Françoise Rosay et Viviane Romance ressuscités une soirée le temps d’assister, dans leur fauteuil de l’Olympia, à cette cérémonie numéro 46 ! Je laisse à Michel Audiard le soin des dialogues. Ça commencerait par un Gabin laissant tomber sa cigarette, les yeux écarquillés : « Non mais dites-moi qu’je rêve … Qui est-ce qui m’a flanqué une bande de dégénérés pareils ? Ma parole, on est chez les maniaques ! Et dire qu’on m’a tiré de mon roupillon pour venir assister à c’te bal de tordus. Je préfère prévenir ! L’premier qui s’approche, j’y file une giroflée ! »

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Mais revenons à la triste réalité ! Voilà qu’après plus de trois heures de moraline double dose en suppo (car la blague pipi-caca était au rendez-vous), une créature divine vint pourfendre ces horribles flots de bêtise et de haine pour remettre l’art, la passion et l’amour au centre de la scène. S’avançant jusqu’au pupitre, Fanny Ardant ne semblait pas marcher, mais plutôt voler, comme dans les rêves, portée par on ne sait quelle force mystérieuse. Sa seule présence, par sa beauté, son chic et sa grâce, était transgressive au sein de la laideur politiquement correcte du cinéma français contemporain.

Clouer le bec au féminisme avec grâce

Lorsque l’on voit Fanny Ardant, on ne croit plus à l’égalité, on se dit qu’il y a des êtres d’exception. Les quelques mots qu’elle osa prononcer, ce cri d’amour et de soutien, furent ce soir-là les seules paroles libérées des lourdes chaînes de notre sinistre époque qui furent prononcées. Les seuls mots insouciants et passionnés. Ce fut une ode aux hommes et plus encore à la liberté. Comme l’année dernière, quand elle avait dit, ou plutôt chanté, car Fanny Ardant ne parle pas mais chante, son amour pour Polanski. Ce faisant, elle nous chantait son amour pour l’art et son mépris de l’ordre moral et de la meute. Cette année, au lendemain de la cérémonie et à ma grande surprise, pas un article de presse n’a été écrit sur son discours et impossible d’en trouver une vidéo, alors que la plupart des interventions militantes de la soirée avaient, elles, bien été relayées par Canal + sur YouTube. L’un des objectifs nouveaux des César est, paraît-il, la diversité : pas celle des paroles et des pensées en tout cas. Fanny Ardant, comme Gérard Depardieu, appartient à la race des grands et libres Monstres Sacrés. Ce soir-là, les baisers de Fanny, ce ne sont pas les rigides bottes de la morale qui les ont reçus, ce sont les hommes. Que peut leur importer la haine d’actrices fascisto-féministes, puisqu’ils reçoivent l’amour salvateur de la belle, de la sublime, de l’ardente Fanny Ardant.

Pauvre Houellebecq!

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Le billet du vaurien


Michel Houellebecq n’hésite pas à écrire dans Le Figaro du 6 avril qu’une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ! On peut avoir du respect pour ses proches, voire pour soi-même, mais pour une civilisation… Admettons que Houllebecq ait une forme de génie qui lui permet d’embrasser les civilisations les plus diverses et de leur accorder de bons ou de mauvais points. Évidemment, si la civilisation européenne perdait la considération que Michel Houllebecq daigne lui accorder dans ses bons jours, nous en serions terrassés. Déjà que nous n’en menons pas large: l’islam a juré notre perte et même ce cher Tariq Ramadan pousse la chansonnette pour que les damnés de la terre prennent leur revanche sur les innombrables affronts que l’homme blanc leur a infligés.

Un nouveau billet mortel signé Jaccard

Je suppose que Houllebecq devait éprouver un sentiment de honte lorsque le droit à l’avortement a été admis. Et voici maintenant le coup fatal : la légalisation de l’euthanasie. Peut-être pourrions-nous rappeler à notre illustre romancier ce mot de Benjamin Constant : « Le suicide est un moyen d’indépendance et, à cet égard, tous les pouvoirs le haïssent. » Et pourquoi seuls les médecins et les chimistes auraient-ils accès en France à la technologie pharmaceutique du suicide ? Pourquoi chacun n’aurait-il pas le même « droit » de se tuer facilement, sans souffrance et sûrement ? Houllebecq serait-il devenu élitiste ? Ou ne parvient-il pas à comprendre que si certains considèrent le désir de vivre comme une aspiration légitime, d’autres tiennent à abréger la nuit qu’ils ont à passer dans une mauvaise auberge, pour citer sainte Thérèse d’Avila.

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Est- il bien nécessaire d’interner dans des hôpitaux psychiatriques ceux qui ont une prédilection pour la mort, de leur donner des électrochocs et des sédatifs pour leur enlever cette fâcheuse idée que les menus plaisirs de l’existence méritent qu’on en jouisse ad nauseam, comme le préconise Houllebecq, dérobant par là-même à l’être humain la seule valeur spirituelle dont il a besoin pour vivre une vie pleine de sens ou pour mourir d’une mort pleine de sens, elle aussi: le respect de ses propres décisions ?

La soif de vivre paradoxale de Houllebecq

Quant à la légalisation de l’euthanasie qui est plutôt à l’honneur d’une civilisation, il est étrange que des pays aussi divers par leur culture ou leur religion que l’Espagne, la Belgique ou la Suisse l’aient adopté sans s’effondrer aussitôt. Certes, ils ont perdu le respect de Houllebecq et c’est terriblement fâcheux. Notre romancier préfère sans doute que des brigades de gendarmes traquent les trafiquants de Nembutal en France et punissent les contrevenants – des retraités en général – d’amendes salées, voire d’une peine de prison.

Félicitations à Houllebecq de défendre une conception aussi limitée de la liberté et, en dépit de la noirceur de ses romans, d’avoir un appétit de vivre que rien ne semble devoir entamer.

Milli Görüs: toujours plus grand, toujours plus fort

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Après la gigantesque mosquée de Strasbourg, la plus gigantesque encore école coranique d’Albertville…


Mais cette fois-ci, sans les subventions de la mairie. Pour sa mosquée strasbourgeoise, l’association turco-islamiste Milli Görüs avait reçu une subvention de 2,5 millions d’euros de la mairie écologiste de la ville. Le préfet, un peu choqué, a saisi la justice administrative pour s’opposer à cette singulière générosité. On attend de voir.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Strasbourg: la mosquée de la conquête

Cette mosquée « fierté des musulmans » selon Milli Görüs est tout simplement un instrument de conquête. Et la conquête se poursuit avec d’autres moyens. Plus efficaces sans doute, car il s’agit d’une école !

À Albertville, Milli Görüs a vu grand. Un établissement scolaire de 4000 m², seize classes, quatre cents élèves. L’école sera hors contrat et coranique. Elle ne sera donc pas tenue de respecter les programmes de l’Éducation nationale. Des centaines de petits musulmans apprendront donc le Coran et les pensées d’Erdogan. Autant d’enfants qui seront un peu plus étrangers au pays qui les héberge.

Le maire d’Albertville[tooltips content= »Frédéric Burnier-Framboret (divers droite) ndlr »](1)[/tooltips] a tenté de s’opposer à cette honte. Mal lui en a pris. La justice administrative locale a retoqué son recours. En effet, il n’a voix qu’au chapitre de l’urbanisme. Et le projet de l’école coranique respecte scrupuleusement les règles urbanistiques…

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On n’est pas tenu de penser du bien des juges. Mais certains objectent qu’ils ne font qu’appliquer les lois. Quand les lois sont mauvaises, on les change, non ?

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Merci les Verts!


Je ne saurais trop remercier les héros de l’Écologie dont les noms suivent…


Je remercie du fond du cœur Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui a montré à la France entière l’inanité des sapins de Noël, que l’on fait pousser pour les couper, quelle farce ! Les anciens administrés de Montaigne, ce demeuré qui ignorait tout de l’Écologie, se contenteront désormais d’un plug géant de couleur verte, comme celui qui avait été implanté jadis place Vendôme.

Je remercie aussi Eric Piolle, qui a décidé de faire labourer les cours de récréation des écoles de sa bonne ville de Grenoble, afin que les garçons ne puissent plus y jouer au football et gênent ainsi les calmes jeux des filles. Sur ces terres à nouveau arables les enfants planteront des carottes et des tomates, qui viendront à maturité lorsque les vacances commenceront.

Tous mes remerciements aussi à Grégory Doucet, qui impose le véganisme aux petits Lyonnais. Après tout, ce n’est pas parce que la ville s’ouvre sur le Charolais et la Bresse qu’il faut fournir en protéines animales des enfants initiés désormais à la co-responsabilité verte et aux joies du quinoa.

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Je m’en voudrais d’oublier Léonore Moncond’huy (littéralement : mon con d’aujourd’hui) qui vient de suspendre les subventions ordinairement allouées aux aéro-clubs de sa bonne ville de Poitiers, arguant qu’il était temps que « l’aérien ne fasse plus partie des rêves des enfants ». Icare est désormais interdit de séjour dans sa ville.

À propos de subventions, comment ne pas célébrer Jeanne Barseghian, qui oubliant ses ancêtres arméniens, offre 2,5 millions d’euros à une organisation islamiste turque pour qu’elle édifie dans sa ville une mosquée dont le minaret rivalisera avec les flèches de la cathédrale. Peu importe que le Concordat qui régit l’Alsace ignore l’islam, il est temps d’intégrer les Français d’origine turque dans le grand patchwork national. Et quelle importance si la Confédération islamique Millî Görüş, qui a par ailleurs refusé de signer la Charte des principes pour l’islam de France, est une officine de l’AKP, le parti d’Erdogan, l’homme qui ne veut que du bien à l’Europe.

Et j’en profite pour saluer le fait que lors de la même délibération municipale, Jeanne Barseghian ait fait rejeter la définition de l’antisémitisme que proposait l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, sous prétexte qu’elle interdisait, selon elle, de critiquer la politique d’Israël.

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Quitte à évoquer l’Alsace, je salue la fermeture de la centrale de Fessenheim, l’année dernière, qui fonctionnait parfaitement bien, ce qui nous a obligés à importer de l’électricité allemande issue de centrales au lignite, qui comme chacun sait ne sont absolument pas polluantes. Je déplore que le gouvernement n’en ait pas profité pour fermer toutes les centrales nucléaires, de façon à ce que la décroissance s’installe enfin et que nous utilisions une partie du temps que nous allouent les confinements présents et à venir à recharger nos portables en frottant deux silex l’un contre l’autre.

Pour tous ces exploits accomplis en moins d’un an, merci, merci, merci ! Si en quelques mois les Verts ont su obtenir des résultats si méritoires, que ne feront-ils pas en cinq ans, lorsque Yannick Jadot aura été élu à la magistrature suprême…

J’ai hâte — oh qu’est-ce que j’ai hâte !

La Bande des pédagogues de l’antiracisme

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2e Partie. Où nous découvrons que de faux scientifiques, en faisant subir aux enfants un lavage de cerveau, les transforment en racistes…


Relire la première partie

Nous avons vu précédemment que les militants antiracistes, pour se justifier, ont besoin d’affirmer que nos sociétés occidentales sont ravagées par des discriminations à l’égard des minorités non-blanches, donnant lieu à des injustices flagrantes en termes de réussite scolaire, de rémunération et d’ascension sociale. Idéalement, pour eux, la tendance raciste irait grandissante. Or, la vraie tendance générale est plutôt vers moins de discrimination, comme le montre un rapport publié récemment au Royaume-Uni. Face à la déception que représente cette pénurie de racistes, la solution de nos militants est d’une simplicité des plus élégantes : quand les racistes se font rares, il faut en fabriquer.

Pour en fabriquer, il suffit de lancer une OPA sur tous les Blancs, en les déclarant tous, volontairement ou involontairement, racistes. Bien entendu, il faut étayer de telles assertions sur des bases scientifiques, ou mieux – puisque la science est incertaine – sur des bases pseudoscientifiques.

Que du gaz – à tous les étages

C’est ainsi que, vers le tournant du siècle, une nouvelle science raciale a été développée aux États-Unis, fondée sur le postulat qu’un Blanc est nécessairement raciste, même à son insu. Cette théorie des préjugés inconscients ou implicites (en anglais « unconscious » ou « implicit bias ») s’accompagne d’un test psychologique, dit d’« association implicite », spécialement conçu pour mettre à nu les impulsions discriminatoires qui grouillent au tréfonds de l’âme d’un Blanc. J’ai déjà parlé dans Causeur de cette imposture qui n’a jamais satisfait aux critères de la science objective.

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Pourtant, ce test, malgré l’absence de preuves confirmatoires, continue à être utilisé dans les entreprises, les universités, les institutions politiques et, plus récemment, les écoles. Tout simplement parce que, sans lui, tout un pan central de l’édifice antiraciste s’effondrerait. Afin de convaincre les Blancs qu’ils sont profondément racistes (une technique qui s’appelle « Gaslighting » ou le « détournement cognitif »), il vaut mieux les prendre quand ils sont jeunes et impressionnables. A cette fin, les notions de préjugés inconscients, de privilège blanc et de racisme systémique commencent à être déployées dans les écoles outre-Atlantique et même outre-Manche. Pour illustrer le dévoiement pédagogique que représente cette méthode, il suffit de regarder le documentaire produit par la chaîne britannique, Channel 4, et diffusé en prime time au mois de juin dernier : « The School that Tried to End Racism » (L’école qui essaya de mettre fin au racisme).

Acclamé par tous les médias de la gauche et du centre, le film met en scène une vraie expérience conduite sur de jeunes élèves âgés d’environ 11 ans dans une école multiethnique à Londres. Aucune considération n’est accordée à la dimension éthique de l’exercice: peut-on conduire des expériences psychologiques sur des enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de consentement ? Les organisatrices, une professeure de pédagogie et une autre de psychologie, ont la prétention démiurgique de façonner les esprits des jeunes. Selon l’une d’entre elles: « Intervenir à cet âge-là est crucial afin de cibler les attitudes des enfants avant qu’elles ne se cristallisent à l’âge adulte. » La première étape de cette intervention consiste à faire passer à tous les élèves un test d’association implicite. A la fin du processus de rééducation, on leur fait repasser le test pour montrer – chose étonnante ! – que les petits racistes en herbe ont été métamorphosés en antiracistes bien dressés. Depuis la création de la psychologie expérimentale à la fin du XIXe siècle, on sait qu’il ne faut surtout pas que les expérimentateurs suggestionnent leurs sujets en leur indiquant par des gestes ou des paroles indirectes les « bonnes » réponses. Or, les dames qui contrôlent ces expériences ne font que ça. Le manque de respect des protocoles scientifiques de base est à l’image de cette pseudoscience. Ensuite, pour expliquer la notion de privilège blanc, on demande à des élèves, sur le terrain de sport, de prendre place sur une ligne de départ comme pour une course à pied. Selon leurs réponses à des questions portant directement ou indirectement sur leur ethnicité, on leur demande soit d’avancer d’un pas ou deux, soit de reculer. A la fin, ils se trouvent tous dispersés à des marques différentes. On leur annonce que cette différenciation est à l’image du statut plus ou moins privilégié de leur point de départ dans la vie. Sauf que, selon le rapport cité ci-dessus, la réussite professionnelle ou l’ascension sociale d’un individu, quelle que soit son ethnie, est très rarement entravée par des préjugés négatifs à son égard de la part de la majorité blanche des citoyens.

Pour comble, on sépare les enfants dans des groupes de discussion selon leur ethnie, afin qu’ils prennent bien conscience de ce qui les sépare de leurs collègues. Une fille métisse se demande dans quel groupe elle doit aller. Un garçon blanc se fond en larmes et quitte son groupe parce qu’on l’a séparé de certains de ses meilleurs copains qui, en l’occurrence, appartiennent à d’autres ethnies. Peu importe la violence qui est ainsi faite aux jeunes esprits. Tout cela sert les objectifs de l’exercice: il s’agit de diviser les gens, les ranger dans des camps opposés et, là où c’est nécessaire, les forcer à choisir le leur. Le but des antiracistes est clair: à partir d’innocents, créer d’un côté des coupables qui se mettent humblement sur le long chemin de la rédemption et, de l’autre, des victimes dont les griefs inventés, exagérés ou exacerbés préparent le renversement de l’actuel ordre social.

L’antiracisme enseigné à coups de trique

Quittons le Royaume Uni et le domaine expérimental pour les États-Unis et le domaine de la pratique quotidienne. Le système d’éducation de l’Etat de Virginie est très largement la proie de l’idéologie woke, sans doute en partie parce que son gouverneur démocrate, Ralph Northam, a besoin de faire oublier un scandale de blackface survenu en 2019 et auquel il a miraculeusement survécu. L’idéologie « tous racistes ! » domine dans les écoles et les centres de formation des enseignants. Derrière une façade – ô combien superficielle – d’instruction participative, les professeurs inculquent aux élèves la notion de racisme innée par la bonne vieille méthode autoritaire. Une vidéo chargée sur YouTube le 29 mars se présente comme l’enregistrement d’un échange entre un maître et un lycéen dans le comté de Loudoun, les deux participants masculins restant hors caméra.

Affichant sur un écran l’image de deux jeunes femmes, dont l’une est plutôt noire, l’autre blanche de cette blancheur des rousses, le maître interroge l’élève :

– Que voyez-vous ?
– Deux personnes.

Se faisant insistant :

– Rien d’autre ?
– Deux personnes côte à côte.

L’enseignant commence à fustiger l’élève :

– Je ne crois pas que vous croyez ça. Vous vous dérobez à la question délibérément.
– Je ne comprends pas ce que vous voulez que je dise.

Autoritaire :

– Je pense que vous comprenez très bien.
– Vous voulez que je dise qu’il y a deux races différentes dans cette image ?
– Oui !
– N’est-ce pas aggraver le problème au lieu de reconnaître qu’il y a juste deux personnes normales ?

A lire aussi: L’homosexualité en Afrique: encore un produit du colonialisme

Très autoritaire :

– Non ! Vous ne pouvez pas regarder ces personnes sans reconnaître qu’il y a des différences raciales.

Autrement dit, l’enseignant commence par inviter l’élève à s’exprimer avant de lui asséner l’interprétation correcte. Il s’agit d’une doctrine fondamentale: la race ne peut pas être « invisible » ; on ne peut pas être « colour blind » (littéralement, daltonien) ; on voit toujours la couleur de peau des autres et – par extension – on est toujours raciste. Toute personne qui oserait nier cette vérité fondamentale est particulièrement raciste et doit le reconnaître de gré ou de force. Paradoxe curieux : un internaute a fait remarquer sur YouTube que l’image utilisée est celle de jumelles. S’il y a deux races ici, elles sont « dans » chacune des deux sœurs ! Le programme des antiracistes militants se fonde sur ce mélange d’autoritarisme et d’absurdité qui, de tout temps, caractérise les dictatures.

pedagogie-antiracismeÀ suivre, la troisième et dernière partie : Les victimes au pouvoir. Où nous découvrirons comment les « groupes de paroles » sur le racisme font partie d’un programme destiné à diviser la société en deux camps : celui des victimes enragées et celui des coupables dociles. La France saura-t-elle y résister ?

Le prince est mort, vive le prince!

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Si les tabloïds d’outre Manche ont souvent la dent dure avec la monarchie britannique, en France c’est Le Monde qui s’est illustré avec un article peu amène le jour du décès du prince Philip.


La famille royale britannique a annoncé ce vendredi le décès de Philip Mountbatten Duc d’Edimbourgh, à l’âge de 99 ans, époux d’Elizabeth II depuis 73 ans. Il avait subi une intervention cardiaque en février. Le président français Emmanuel Macron a salué « une vie exemplaire définie par la bravoure, le sens du devoir et son engagement en faveur de la jeunesse et de l’environnement. »

À mon grand étonnement, les réseaux sociaux ont vu fleurir nombre d’hommages sincèrement émus de la part de nos compatriotes. Les guillotineurs de monarque que nous sommes ont en effet toujours eu une fascination certaine pour la famille royale d’Angleterre, ses frasques et ses malheurs. En témoigne l’énorme succès de la série The Crown sur Netflix où Philip est dépeint comme un homme de caractère, à la fois désabusé et impliqué dans le destin des Windsor.

Ce fut un début de réhabilitation pour cet homme, que nous Français, connaissons seulement dans son rôle de prince consort que le protocole obligeait à marcher deux pas derrière Sa Majesté.

En réalité sa vie, sa naissance, furent terriblement romanesques.

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Né le 10 juin 1921 en Grèce, il est le petit-fils de Georges 1er de Grèce, issu de la famille royale du Danemark. Suite à un coup d’État lorsqu’il avait l’âge de 18 mois, sa famille dut quitter précipitamment le pays. La légende veut qu’il fut caché dans un cageot d’oranges le temps de la traversée en bateau. Sans le sou, ils vécurent à Paris aux frais de Marie Bonaparte. Philip est envoyé dans une école anglaise en 1928.

Lorsque Elizabeth le rencontre en 1939, elle n’a que 13 ans, lui 18. On dit qu’elle tomba immédiatement amoureuse de ce beau gosse au physique d’acteur hollywoodien. Ils se marient en 1947, malgré la désapprobation des Windsor qui estime ce prince quelque peu déchu.

Picadilly Circus, hier soir © Alberto Pezzali/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22556658_000017
Picadilly Circus, hier soir © Alberto Pezzali/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22556658_000017

La vie de Philip ne fut faite que de renoncements. Il renonça à sa brillante carrière navale qu’il effectua sous la houlette de Lord Mountbatten, son mentor, à qui il emprunta le nom. Il abandonne également ses titres grecs et danois ainsi que la religion orthodoxe. Buckingham vaut bien une messe.

Elizabeth fut rapidement sacrée reine, et commença pour Philip sa longue carrière de prince consort. « Je suis votre obligé pour la vie », lui dit-il. Obligé qui fit preuve pendant la durée de son job de « monsieur Elizabeth II » d’un humour mi british mi douteux, que Le Monde (nous y reviendrons), a qualifié de « raciste et condescendant »… Ce sont des saillies finalement assez drôles et surtout d’un autre siècle, qui paraissent effectivement douteuses à l’aune du monde post colonial « wokiste » que nous connaissons. En effet, il lança au président du Nigeria qui recevait le couple royal en boubou: « On dirait que vous êtes prêt pour aller au lit ! », il demanda à un aborigène s’il se battait à coup de lances, et, ma préférée, à Elton John, adoubé chevalier par Sa Majesté: « Est-ce vous qui êtes venu dans cette voiture ridicule ? »

Bien que le couple qu’il forma avec Elizabeth fût souvent cité en exemple, on le disait coureur. On lui connaît une romance avec une danseuse qu’il ne rencontra que quelquefois mais avec qui il entretiendra, parait-il, une correspondance enflammée. Cela n’empêcha son épouse de le considérer comme son « roc » et même de l’appeler « mon chou » en privé. Les couples royaux sont comme tous les couples.

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Au milieu des hommages quasi unanimes, Le Monde s’est donc distingué en publiant un article, le corps du prince à peine tiède, que je qualifierais d’indigne. Le quotidien de référence, désormais thuriféraire de l’idéologie woke, y évoque la prétendue « condescendance et le racisme impérial » du prince. Racisme. Le mot est encore une fois lâché. Le péché capital de notre temps, selon la gauche qui le voit partout. Elle qui n’aime rien plus que de contextualiser, elle se garde bien de le faire dans certains cas. Car oui, Philip fut un homme de l’ancien monde, un vestige de l’empire britannique, et de la vieille Europe monarchiste, dont les valeurs étaient bien différentes des nôtres. Faut-il s’en offusquer ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus que sa mère, Alice Battenberg, sourde et schizophrène, fut reconnue juste parmi les justes pour avoir hébergé une famille juive pendant la guerre.

Mais déjà, comme souvent, les embrouilles familiales des Windsor commencent à agiter la presse.

L’intrigante Meghan, assistera-t-elle aux obsèques ? Les paris sont ouverts.

Quant aux sujets de Sa Majesté, fidèles à tout jamais à leurs « royals », ils sont allés déposer, malgré le covid, des gerbes de fleurs devant les grilles de Buckingham. Des images fort sympathiques. God save the Queen !

«Le roi de Paris», c’était lui!

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Philippe Noiret dans "Le roi de Paris" (1995) de Dominique Maillet © SIPA Numéro de reportage: 00375336_000001

Philippe Noiret donne une leçon d’acteur dans ce film oublié de 1995 qui renaît en DVD


Qu’aurait-il dit après la cérémonie des César ? Rien probablement. Le silence s’impose face à une telle débâcle culturelle. Il y eut dans cet happening raté, calamiteux sur le fond et la forme, une forme d’indignité pour le métier d’acteur et pour le respect du spectateur. Quelque chose qui s’apparente à une trahison du jeu et de la scène. Une violation de notre imaginaire. Un piétinement de nos valeurs. En se défoulant et donc en nous insultant, ces acteurs ont oublié, pour un soir, la distance nécessaire à toute création artistique. Ils ont confondu la revendication brouillonne et l’incarnation sincère d’un juste combat. Ils ont manqué d’intelligence, de cohérence, de clairvoyance, d’humour et de nerfs.

Contre les vieilles combines de la nudité débraillée

Un acteur, un grand, ça ne s’oublie pas, ça ne se déverse pas, ça se tient debout, ça nous extrait de notre médiocrité ambiante par le talent et le feu intérieur, par la geste et la parole, par l’humanité à fleur de peau ou la férocité de la dérision, par le rire carnassier et l’onde nostalgique. La vulgarité onirique et dévastatrice n’est pas à la portée de n’importe quel comédien encarté. Tout le monde n’a pas la démesure d’un Marco Ferreri. La souillure est un don de dieu.

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Et le militantisme, un art explosif, à manier avec prudence et discernement. En voyant cette déroute en marche, j’ai pensé à ces mots de Jean-Claude Pirotte dans Un voyage en automne: « Puisque déjà tout est détruit, que reste-t-il à détruire ? Va-t-on pouvoir mettre un terme à la course des nuages, réduire le vent à sa seule plainte, couvrir de cendres le soleil ? Hypnose de la laideur et de la vulgarité ». Ces gens-là qu’on appelle à tort de spectacle ont réussi à repousser les limites de l’indécence et alimenter la colère du public, déjà bien malmené par les dérèglements sanitaires de l’année écoulée. Pétard mouillé de l’agit-prop, vieille combine de la nudité déballée, négation du verbe brillant et du mouvement chorégraphié.

L'Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001
L’Olympia, 12 mars 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22548132_000001

Seule l’élégance est révolutionnaire

De toute cette gesticulation insane, ils ont nié Guitry et Oury, Audiard et Godard, Lautner et Rohmer. Ils ont balayé un siècle de cinéma plus par bêtise que par calcul, ce qui est pire. Ce soir-là, leurs mots étaient vains et leurs corps absents. Comment leur dire qu’en plus de rater leur cible par des pitreries de mauvais goût, ils ont fait preuve d’un narcissisme mortifère? Ils n’ont été ni généreux, ni altruistes, simplement insignifiants, de cette banalité qui salit et blesse. Nous les anonymes, les obscurs des salles sombres, qui n’avons pas le don de nous exprimer en public, déléguons aux acteurs le droit de sublimer nos existences. Ils sont nos passeurs. Ils endossent nos peines et nos joies, nous tendent le reflet de notre âme. Ils ne singent pas le réel, ils le recréent par le travail et le don naturel.

Aujourd’hui, contrairement à ce qu’imaginent tous ces profanateurs assermentés, c’est l’élégance qui est révolutionnaire, le maintien qui est disruptif, laissons le dévoiement aux simples d’esprit. Et si une paire de souliers patinés était le signe d’une résistance aux ordres les mieux établis ? Pour sortir de cette nasse, oublier le jeu faisandé et les coups de com’ qui font pschitt, les amoureux du cinéma ont besoin d’un repère dans cette longue nuit. De ces balises qui éclairent les égarés.

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Retour à Noiret

À la lumière du désastre des César, Philippe Noiret apparaît comme un commandeur, très loin des déballages intimes et des tracas quotidiens. Son jeu nous élève et nous désarme, jamais le même et cependant toujours empreint d’une vérité éclatante qu’il interprète un benêt ou un chevalier, un naïf ou un cynique, un mari meurtri ou un régent libertin.

Retrouverons-nous, un jour encore, des comédiens capables de tout jouer, en légèreté, sans forcer le trait, sans tricher, sans se regarder le nombril, sans pratiquer la claque et quémander un peu d’amour ? La sortie en DVD/Blu-Ray du film méconnu de Dominique Maillet, « Le roi de Paris » est une belle manière de communier avec Philippe Noiret. De s’inscrire à nouveau dans un échange rare, personnel avec lui, de retrouver sa palette de variations infinies, de la mauvaise foi à la tendresse blessée, de la fanfaronnade à l’effondrement, de la voix qui porte haut et puis qui se fissure soudain pour nous anéantir totalement.

Alors oui, revoir Noiret dans la peau de Victor Derval maître fictif du théâtre au début des années 1930, gloire du boulevard, torve et grandiloquent, est une expérience que je recommande à tous les humiliés des César. C’était donc ça un acteur en pleine possession de son art, dont l’intonation, les regards, les déplacements, les raideurs et les relâchements formaient un tout au service d’un scénario et d’une histoire. La renaissance de ce « roi de Paris » est donc absolument à voir pour le numéro de Noiret et aussi pour un casting merveilleux avec notamment Manuel Blanc, Michel Aumont, Paulette Dubost, Jacques Roman, Corinne Cléry ou Ronny Coutteure. Et puis l’éclat et l’intensité de Veronika Varga viennent cueillir le spectateur dans les entrelacs de sa mémoire.

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Sébastien Lapaque ou la Grâce efficace

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Sébastien Lapaque © Hannah Assouline

Dans Ce monde est tellement beau, les retrouvailles d’un quadragénaire avec la foi réenchantent un présent mortifère.


Est-il possible, dans le triste aujourd’hui dont on ne s’attardera pas à décrire ici le désespoir qu’il sécrète, de trouver soudain le monde beau ? De refuser ce que Sébastien Lapaque appelle dans son dernier roman « l’Immonde » ? L’Immonde saisit son personnage, prénommé Lazare, comme la nausée saisit le Roquentin de Sartre. Pour Roquentin, c’était en contemplant une souche d’arbre dans un jardin public et son entrelacement blanchâtre de racines qui indiquait un trop-plein grouillant d’existence brute. Pour Lazare, la quarantaine, professeur d’histoire-géographie dans un lycée parisien, à l’existence calme et banale, tout se dérègle un dimanche matin des vacances de février alors qu’il prend son petit-déjeuner dans un café du côté d’Alésia.

La beauté malgré l’Immonde

Seuls les idiots sont équipés pour respirer et Lazare, pour son malheur, n’est pas idiot. Mais sa culture ne le protège pas, ou plus. Elle le rendrait presque suspect aux yeux de ses collègues, surtout quand il fait apprendre des vers de l’Énéide à ses élèves alors que ce n’est même pas dans les circulaires officielles. Quand il prend soudain la mesure de l’Immonde, on pourrait croire à l’habituelle middle age crisis, mais c’est autre chose qui lui apparaît soudain en feuilletant le journal, en voyant la circulation passer ou les publicités s’afficher. L’Immonde, c’est finalement un mode d’organisation qui interdit de fait toute espèce de vie intérieure, qui oblige à ne jamais coïncider avec soi-même et à oublier tout le bonheur que peuvent apporter une omelette de douze œufs, les conversations avec des amis dont l’agrément, disait Baltasar Gracian, se mesure à l’heure à laquelle on se couche. Un marxiste parlerait d’aliénation, mais chez Lapaque, dans Ce monde est tellement beau, on se doute bien qu’il s’agit d’autre chose tant notre auteur est un bernanosien émérite doublé d’un habitué des textes de la patristique.

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« Lazare, sors du tombeau »

Lazare va connaître une résurrection, c’est logique. Il va discerner l’Invisible derrière l’Immonde, un Invisible qui ne demande qu’à être dévoilé à celui qui ouvrira son cœur et ses yeux. Alors, on comprend soudain ce qu’est devenue sa propre vie, la faillite moderne d’un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant ou l’espèce de mort à l’œuvre dans l’envahissement de l’espace médiatique par un rire obligé. Lazare riposte, renaît, aime de jeunes ornithologues qui étudient la disparition des moineaux, parle avec des moines bénédictins en Bretagne, prend l’air du côté de Saint-Malo avec des amis, surmonte le deuil de l’un d’entre eux et entrevoit comment vivre enfin d’une vie réellement humaine, c’est-à-dire divine.

Dans ce roman brillamment bavard, tendre comme un matin français et d’une clarté bleutée comme un ciel d’octobre sur Versailles, Lazare-Orphée retrouve effectivement cet acquiescement au monde après une longue remontée vers la lumière. Il se rappellera alors que Chartres était sa ville d’enfance, mais aussi une cathédrale qui mérite bien un pèlerinage de Pentecôte. Ce n’est pas l’illumination de Nietzche, qui disait pourtant : « Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui », mais plutôt la « Grâce efficace » des jansénistes, celle qui frappe où elle veut, quand elle veut.

En reprenant le flambeau de ce qu’on appelait autrefois les « romanciers catholiques », Sébastien Lapaque redonne une flamboyante actualité à un genre que l’on pouvait croire terni et poussiéreux.

Ce monde est tellement beau

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Sollers, ou la raison nouvelle

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L'écrivain Philippe Sollers © Photo Hannah Assouline

Un projet autobiographique unique en son genre fait de Sollers, au-delà du personnage médiatique désormais en retrait, un écrivain qui restera.


Philippe Sollers publie deux livres, assez différents quant à la forme, mais très semblables quant au fond. Il s’agit comme toujours de partir de lui-même, et de décrire inlassablement, mais non sans subtilité, son univers personnel. Le romancier Sollers revendique cette subjectivité ; acceptons-la d’autant plus qu’il se place ainsi dans la catégorie des plus grands (Montaigne en tête), et nous essaierons de voir si le challenge est maintenu jusqu’au bout. Un tel projet littéraire a, en tout cas, de quoi séduire ceux qui, comme moi, ont la religion des textes.

L’aventure d’une vie

Le premier livre s’intitule Agent secret. Il paraît au Mercure de France, dans la très belle collection « Traits et portraits », dirigée par Colette Fellous. Pierre Guyotat y avait par exemple publié son génial Coma en 2006, œuvre inoubliable. Agent secret est également une autobiographie, dans laquelle Sollers se remémore, comme il l’a déjà fait si souvent, l’aventure de sa vie : son enfance à Bordeaux durant la guerre, son heureuse famille bourgeoise, puis les grandes dates de sa carrière d’écrivain, ponctuée de nombreuses rencontres, dont celles entre autres de Barthes et de Lacan.

Il évoque aussi, bien sûr, pêle-mêle la Chine, le taoïsme, la messe catholique, Hölderlin, les dieux grecs, Aragon et Mauriac, parmi tant d’autres sujets qui lui sont devenus si familiers. Il parle surtout, et ceci a particulièrement retenu mon attention, des trois femmes qu’il a le plus aimées, celles qui ont eu une influence majeure sur lui et qui furent pour lui des héroïnes de l’existence. Le lecteur de Sollers les connaît déjà, car elles ont tenu beaucoup de place dans ses romans : l’Espagnole Eugenia San Miguel, la « juive polonaise, passée par la Hollande » Dominique Rolin et la Bulgare Julia Kristeva. Sollers a beaucoup joué à paraître un libertin notoire, mais il faut remarquer chez lui un besoin de connaître sagement des « passions fixes ».

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Agent secret est un énième fil d’improvisations de Sollers sur tous les thèmes qui sont désormais sa marque de fabrique. Certes, il n’évite pas les redites, dans ce livre, mais cela n’en gêne pour ainsi dire pas la lecture, car il sait varier la narration. On a même l’impression d’un livre dicté au magnétophone (cela n’est précisé nulle part) ‒ mais pourquoi pas ? Je dois dire qu’en général on s’ennuie rarement avec Sollers, et c’est par cet Agent secret que je conseillerais de commencer, si le lecteur n’a jamais rien lu de lui. Ce volume de souvenirs restera, je pense, avec Un vrai roman, ses Mémoires publiés en 2007, une excellente introduction à l’art si spécifique avec lequel il recrée habituellement son monde.

Une expertise acquise au milieu des livres

Avec l’autre volume, Légende, qui paraît parallèlement aux éditions Gallimard, nous retrouvons exactement le même « moi », au milieu d’une thématique fort voisine. Mais le style en est plus affiné, davantage écrit, et l’ensemble organisé de manière plus précise. Légende s’inscrit dans la progression du travail de Sollers, de tous ces brefs « romans » qui, une fois l’an, désormais, viennent faire le point sur l’état de sa réflexion. On peut estimer que Femmes, en 1983, fut la première grosse pierre de ce work in progress  aux allures encyclopédiques. Sollers fait d’ailleurs référence, au début de Légende, à cet ancien livre, qui avait alors ouvert une voie que l’écrivain n’en finira pas de creuser. Car derrière une certaine légèreté de façade, faite peut-être pour amuser la galerie, il y a chez Sollers, plus profondément, l’expérience acquise de toute une existence méditative vécue au milieu des livres.

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D’Homère à Rimbaud, en passant ici par Victor Hugo (référence nouvelle chez lui, notons-le avec curiosité), Sollers peaufine son art de la citation (tout sauf évident) et du commentaire éclairé. Il veut embrasser d’un seul coup d’œil ses auteurs fétiches, non seulement les écrivains, du reste, mais aussi les peintres et les musiciens (en particulier, Mozart à qui il a consacré un ouvrage en 2001).

Tempérament classique

Une précision s’impose : Sollers ne se considère nullement comme un réactionnaire, du moins c’est ce qu’il prend bien soin de clarifier. Il écrit d’ailleurs ceci, véritable profession de foi, en même temps que discours de la méthode : « Il faut traquer l’obscurantisme dans les moindres détails. […] Il faut le démasquer dans toutes ses impostures morales et sentimentales, ses préjugés absurdes, ses sexualités confuses, sa propagande puritaine qui accompagne la dénonciation, d’ailleurs nécessaire, du viol. » À travers ses bonnes fées littéraires, Sollers se veut un tempérament « classique ».

Voilà ce qu’il revendique, condamnant du même coup le modernisme, en prenant par exemple la défense de Bataille contre Blanchot. Évacuant ainsi toute velléité nihiliste, Sollers se verrait bien en parfait renaissant (concept qui intègre sa passion pour les révolutions en général, et celle de 1789 en particulier). Il y a une bonne dose d’illuminisme dans tout cela, et le grand René Guénon est alors convoqué pour donner de la consistance à un tel projet ésotérique. Le résultat vers lequel on tend ? « Une toute nouvelle Raison », comme l’écrit Sollers, à laquelle il faut bien sûr être « initié ».

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Ce qui pourrait réunir Légende et Agent secret, tous deux conçus sur une même période, c’est la silhouette fugitive et fascinante du dieu grec Apollon, qu’un admirable tableau de Poussin au Louvre montre « amoureux de Daphné ». Sollers se sent très inspiré par ce dieu, et par ce tableau de Poussin, peintre emblématique du classicisme français. Avouons que cette évocation apporte un grand rafraîchissement à toute cette prose sollersienne, qui, sans cela, manquerait peut-être un peu de mesure. Mais n’est-ce pas ce qu’on demande d’abord à un roman ? Nous permettre de nous évader ? Nous redonner espoir ? Légende se termine d’ailleurs par cette belle affirmation, qui ressemble à une prophétie : « un nouveau Cycle a déjà commencé ». Pour cette fois, Sollers n’en dira pas plus, nous laissant à notre étonnement, comme si ce nouveau Cycle devait être porteur de lumière ‒ ultime référence faite par Sollers à l’Évangile de saint Jean…

Nicolas Poussin - "Apollon amoureux de Daphné" Wikimedia Commons
Nicolas Poussin – « Apollon amoureux de Daphné » Wikimedia Commons

Philippe Sollers, Agent secret. Éd. Du Mercure de France, collection « Traits et portraits », 2021. Et, du même auteur, Légende. Éd. Gallimard, 2021.

Agent secret

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Bruno Bettelheim: tous des imposteurs?

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Bruno Bettelheim en 1990 aux Etats-unis © BARON JEAN/SIPA Numéro de reportage : 00184608_000001

Le billet du vaurien


C’était le 13 mars 1990, jour anniversaire de l’Anschluss, que le psychanalyste Bruno Bettelheim prenait congé de l’existence. Un médecin hollandais était prêt à l’assister, mais comble de dérision ce dernier mourra quinze jours avant que Bettelheim ne se rende aux Pays-Bas. Il lui avait néanmoins expliqué que pour décupler ses chances de réussite, il conseillait, après avoir absorbé des barbituriques, de s’enfermer la tête dans un sac de plastique, lui précisant que le gaz carbonique exhalé par la respiration était censé avoir un effet euphorisant.

Dommage que nous n’ayons pas son témoignage !

Bettelheim était né à Vienne le 28 août 1903. Son père était un négociant en bois, atteint d’une maladie encore incurable : la syphilis. À la fin de sa vie, lors d’une conférence qu’il donna à Lausanne, il heurta l’assistance en disant: « J’avais quatre ans quand mon père a découvert qu’il avait la syphilis. Pendant les vingt années qui suivirent, il n’a plus jamais touché ma mère. Les malades du sida n’ont qu’à faire la même chose ! » Quand un étudiant lui demanda ce qu’il pensait de la vieillesse, il lui répondit : «  N’y parvenez surtout pas ! »

Un personnage de Thomas Bernhard

D’ailleurs, plus il avançait en âge, plus il devenait un personnage à la Thomas Bernhard, capricieux, geignard, sarcastique et arrogant. Il montrait un goût prononcé pour la provocation, n’hésitant pas à comparer les étudiants contestataires des années soixante aux jeunesses hitlériennes, à fustiger le conformisme des adolescents élevés dans les kibboutzim ce qui lui vaudra de solides inimitiés en Israël, à critiquer  le Journal d’Anne Frank et sa niaise confiance en l’homme, à se gausser de la complaisance des intellectuels français face au communisme – « on en pleurerait si ce n’était pas si ridicule », écrit-il- et à soutenir que ce qui a fait des camps nazis (il a passé six mois à Buchenwald) un phénomène unique « c’est que des millions d’hommes aient ainsi marché, tels des lemmings, vers leur propre mort », ce qui lui vaudra d’être taxé par ses ennemis de « juif antisémite ».

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Comme si, au terme de sa vie, il retrouvait Theodor Lessing et cette « haine de soi », mise en scène avec un brio inquiétant par tant de juifs viennois.

Statue déboulonnée

Son vieux camarade Kurt Eissler, directeur des Archives Freud, disait méchamment de lui qu’il avait toutes les caractéristiques du génie, sans en être un. Peu après sa mort, Bettelheim, auteur de La Forteresse vide, le fondateur de l’École Orthogénique de Chicago, est accusé d’avoir été une brute raciste, un charlatan et un plagiaire: il a, en effet, pillé la thèse d’un professeur de psychiatrie pour en tirer sa célèbre Psychanalyse des contes de fées. Il aurait même trafiqué ses diplômes universitaires. Bref il aurait été un ambitieux sans scrupule, détruisant peu avant son suicide toutes ses archives. Et c’est ainsi que la statue du vieux sage sera déboulonnée par ses admirateurs les plus fervents. Je pense que Bruno Bettelheim avec son « old viennese arrogance » aurait été le premier à en rire: n’estimait-il pas que nous sommes tous des imposteurs et que les psychanalystes dans ce domaine n’avaient rien à envier à personne ?

Il n’aurait pas été surpris que cette profession soit aujourd’hui phagocytée par des femmes qui eussent été au siècle passé des dames d’œuvre. Pour avoir passé quelques heures en sa compagnie et avoir été sous son charme, je porte à son crédit l’effet de vérité qu’il a mis, sans doute malgré lui, en évidence.

Sans hypocrisie et sans bons sentiments.

César 2021: Fanny l’ardente

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Fanny Ardant aux César 2021. © Dominique Charriau / Getty Images via AFP

Pour la deuxième année consécutive, Fanny Ardant sauve l’honneur des César. En 2020, elle a osé dire son amour à Polanski et cette année elle a eu le courage de célébrer les hommes. Coup de chapeau à l’une des rares artistes de cette soirée consternante et militante


« C’est une joie de fêter les acteurs. De célébrer les hommes. Leur dire qu’ils sont beaux, qu’ils sont braves. Qu’on rêve de les connaître. Qu’on désire les revoir. Qu’on n’a jamais oublié les émotions qu’ils nous ont données. Qu’ils nous ont fait rire et pleurer. Qu’ils nous ont énervées, mais qu’ils nous ont séduites. Et que…  on les aime… on les admire. Et que… vivre sans eux, ça ne serait pas tout à fait vivre. » Voici les quelques mots prononcés par Fanny Ardant avant de remettre le César du meilleur acteur.

L’anti Corinne Masiero

Comme il en est maintenant coutume depuis que la culture est grandement remplacée par la lutte féministe et antiraciste, les César 2021 furent une grande tribune politique, dégoulinant parfois de bons sentiments, et parfois montrant férocement les crocs, bave aux lèvres, et réclamant vengeance. Le bal des révolutionnaires en carton-pâte s’est avéré tantôt pathétique, tantôt dur, sombre et lourd. Cela ressemblait au mieux à un comité d’épuration, au pire à une déclaration de guerre, ou l’inverse. Et la guerre, chez les cultureux, est inquiétante car on y voit des fascistes en peau de victimes et des collabos à perte de vue, mais en ce qui concerne la résistance, les rangs sont bien clairsemés ! Qui peut croire que ces gens sont là pour défendre l’art ? Qui peut croire que Corinne Masiero qui, nue, arbore fièrement écrit sur son dos « Rend nous l’art Jean ! », avec cette magnifique faute, défend la culture, elle qui, de manière si ostensible nous expose, pire que son cul, son peu de souci de la langue française ?

Gabin doit se retourner dans sa tombe

Les César ont au moins un mérite, celui de nous montrer chaque année la progression de la gangrène qui ronge le corps chancelant du monde des arts. Imaginez Gabin, Michel Simon, Jouvet, Suzy Delair, Françoise Rosay et Viviane Romance ressuscités une soirée le temps d’assister, dans leur fauteuil de l’Olympia, à cette cérémonie numéro 46 ! Je laisse à Michel Audiard le soin des dialogues. Ça commencerait par un Gabin laissant tomber sa cigarette, les yeux écarquillés : « Non mais dites-moi qu’je rêve … Qui est-ce qui m’a flanqué une bande de dégénérés pareils ? Ma parole, on est chez les maniaques ! Et dire qu’on m’a tiré de mon roupillon pour venir assister à c’te bal de tordus. Je préfère prévenir ! L’premier qui s’approche, j’y file une giroflée ! »

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Mais revenons à la triste réalité ! Voilà qu’après plus de trois heures de moraline double dose en suppo (car la blague pipi-caca était au rendez-vous), une créature divine vint pourfendre ces horribles flots de bêtise et de haine pour remettre l’art, la passion et l’amour au centre de la scène. S’avançant jusqu’au pupitre, Fanny Ardant ne semblait pas marcher, mais plutôt voler, comme dans les rêves, portée par on ne sait quelle force mystérieuse. Sa seule présence, par sa beauté, son chic et sa grâce, était transgressive au sein de la laideur politiquement correcte du cinéma français contemporain.

Clouer le bec au féminisme avec grâce

Lorsque l’on voit Fanny Ardant, on ne croit plus à l’égalité, on se dit qu’il y a des êtres d’exception. Les quelques mots qu’elle osa prononcer, ce cri d’amour et de soutien, furent ce soir-là les seules paroles libérées des lourdes chaînes de notre sinistre époque qui furent prononcées. Les seuls mots insouciants et passionnés. Ce fut une ode aux hommes et plus encore à la liberté. Comme l’année dernière, quand elle avait dit, ou plutôt chanté, car Fanny Ardant ne parle pas mais chante, son amour pour Polanski. Ce faisant, elle nous chantait son amour pour l’art et son mépris de l’ordre moral et de la meute. Cette année, au lendemain de la cérémonie et à ma grande surprise, pas un article de presse n’a été écrit sur son discours et impossible d’en trouver une vidéo, alors que la plupart des interventions militantes de la soirée avaient, elles, bien été relayées par Canal + sur YouTube. L’un des objectifs nouveaux des César est, paraît-il, la diversité : pas celle des paroles et des pensées en tout cas. Fanny Ardant, comme Gérard Depardieu, appartient à la race des grands et libres Monstres Sacrés. Ce soir-là, les baisers de Fanny, ce ne sont pas les rigides bottes de la morale qui les ont reçus, ce sont les hommes. Que peut leur importer la haine d’actrices fascisto-féministes, puisqu’ils reçoivent l’amour salvateur de la belle, de la sublime, de l’ardente Fanny Ardant.

Pauvre Houellebecq!

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© Martin Meissner/AP/SIPA Numéro de reportage : AP21680542_000002

Le billet du vaurien


Michel Houellebecq n’hésite pas à écrire dans Le Figaro du 6 avril qu’une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ! On peut avoir du respect pour ses proches, voire pour soi-même, mais pour une civilisation… Admettons que Houllebecq ait une forme de génie qui lui permet d’embrasser les civilisations les plus diverses et de leur accorder de bons ou de mauvais points. Évidemment, si la civilisation européenne perdait la considération que Michel Houllebecq daigne lui accorder dans ses bons jours, nous en serions terrassés. Déjà que nous n’en menons pas large: l’islam a juré notre perte et même ce cher Tariq Ramadan pousse la chansonnette pour que les damnés de la terre prennent leur revanche sur les innombrables affronts que l’homme blanc leur a infligés.

Un nouveau billet mortel signé Jaccard

Je suppose que Houllebecq devait éprouver un sentiment de honte lorsque le droit à l’avortement a été admis. Et voici maintenant le coup fatal : la légalisation de l’euthanasie. Peut-être pourrions-nous rappeler à notre illustre romancier ce mot de Benjamin Constant : « Le suicide est un moyen d’indépendance et, à cet égard, tous les pouvoirs le haïssent. » Et pourquoi seuls les médecins et les chimistes auraient-ils accès en France à la technologie pharmaceutique du suicide ? Pourquoi chacun n’aurait-il pas le même « droit » de se tuer facilement, sans souffrance et sûrement ? Houllebecq serait-il devenu élitiste ? Ou ne parvient-il pas à comprendre que si certains considèrent le désir de vivre comme une aspiration légitime, d’autres tiennent à abréger la nuit qu’ils ont à passer dans une mauvaise auberge, pour citer sainte Thérèse d’Avila.

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Est- il bien nécessaire d’interner dans des hôpitaux psychiatriques ceux qui ont une prédilection pour la mort, de leur donner des électrochocs et des sédatifs pour leur enlever cette fâcheuse idée que les menus plaisirs de l’existence méritent qu’on en jouisse ad nauseam, comme le préconise Houllebecq, dérobant par là-même à l’être humain la seule valeur spirituelle dont il a besoin pour vivre une vie pleine de sens ou pour mourir d’une mort pleine de sens, elle aussi: le respect de ses propres décisions ?

La soif de vivre paradoxale de Houllebecq

Quant à la légalisation de l’euthanasie qui est plutôt à l’honneur d’une civilisation, il est étrange que des pays aussi divers par leur culture ou leur religion que l’Espagne, la Belgique ou la Suisse l’aient adopté sans s’effondrer aussitôt. Certes, ils ont perdu le respect de Houllebecq et c’est terriblement fâcheux. Notre romancier préfère sans doute que des brigades de gendarmes traquent les trafiquants de Nembutal en France et punissent les contrevenants – des retraités en général – d’amendes salées, voire d’une peine de prison.

Félicitations à Houllebecq de défendre une conception aussi limitée de la liberté et, en dépit de la noirceur de ses romans, d’avoir un appétit de vivre que rien ne semble devoir entamer.

Milli Görüs: toujours plus grand, toujours plus fort

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Le maire d’Albertville (Savoie) Frédéric Burnier-Framboret a été condamné le 7 avril 2021 par le tribunal administratif de Grenoble à accorder un permis de construire d’une école privée de l’association Confédération islamique Milli Görüs (CIMG) / Image d'archive 2020 © Auteurs : ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage : 00995512_000003

Après la gigantesque mosquée de Strasbourg, la plus gigantesque encore école coranique d’Albertville…


Mais cette fois-ci, sans les subventions de la mairie. Pour sa mosquée strasbourgeoise, l’association turco-islamiste Milli Görüs avait reçu une subvention de 2,5 millions d’euros de la mairie écologiste de la ville. Le préfet, un peu choqué, a saisi la justice administrative pour s’opposer à cette singulière générosité. On attend de voir.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Strasbourg: la mosquée de la conquête

Cette mosquée « fierté des musulmans » selon Milli Görüs est tout simplement un instrument de conquête. Et la conquête se poursuit avec d’autres moyens. Plus efficaces sans doute, car il s’agit d’une école !

À Albertville, Milli Görüs a vu grand. Un établissement scolaire de 4000 m², seize classes, quatre cents élèves. L’école sera hors contrat et coranique. Elle ne sera donc pas tenue de respecter les programmes de l’Éducation nationale. Des centaines de petits musulmans apprendront donc le Coran et les pensées d’Erdogan. Autant d’enfants qui seront un peu plus étrangers au pays qui les héberge.

Le maire d’Albertville[tooltips content= »Frédéric Burnier-Framboret (divers droite) ndlr »](1)[/tooltips] a tenté de s’opposer à cette honte. Mal lui en a pris. La justice administrative locale a retoqué son recours. En effet, il n’a voix qu’au chapitre de l’urbanisme. Et le projet de l’école coranique respecte scrupuleusement les règles urbanistiques…

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On n’est pas tenu de penser du bien des juges. Mais certains objectent qu’ils ne font qu’appliquer les lois. Quand les lois sont mauvaises, on les change, non ?

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Merci les Verts!

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De gauche à droite, Eric Piolle, Esther Benbassa, Julien Bayou et Yannick Jadot. mars 2021 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01011940_000006

Je ne saurais trop remercier les héros de l’Écologie dont les noms suivent…


Je remercie du fond du cœur Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui a montré à la France entière l’inanité des sapins de Noël, que l’on fait pousser pour les couper, quelle farce ! Les anciens administrés de Montaigne, ce demeuré qui ignorait tout de l’Écologie, se contenteront désormais d’un plug géant de couleur verte, comme celui qui avait été implanté jadis place Vendôme.

Je remercie aussi Eric Piolle, qui a décidé de faire labourer les cours de récréation des écoles de sa bonne ville de Grenoble, afin que les garçons ne puissent plus y jouer au football et gênent ainsi les calmes jeux des filles. Sur ces terres à nouveau arables les enfants planteront des carottes et des tomates, qui viendront à maturité lorsque les vacances commenceront.

Tous mes remerciements aussi à Grégory Doucet, qui impose le véganisme aux petits Lyonnais. Après tout, ce n’est pas parce que la ville s’ouvre sur le Charolais et la Bresse qu’il faut fournir en protéines animales des enfants initiés désormais à la co-responsabilité verte et aux joies du quinoa.

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Je m’en voudrais d’oublier Léonore Moncond’huy (littéralement : mon con d’aujourd’hui) qui vient de suspendre les subventions ordinairement allouées aux aéro-clubs de sa bonne ville de Poitiers, arguant qu’il était temps que « l’aérien ne fasse plus partie des rêves des enfants ». Icare est désormais interdit de séjour dans sa ville.

À propos de subventions, comment ne pas célébrer Jeanne Barseghian, qui oubliant ses ancêtres arméniens, offre 2,5 millions d’euros à une organisation islamiste turque pour qu’elle édifie dans sa ville une mosquée dont le minaret rivalisera avec les flèches de la cathédrale. Peu importe que le Concordat qui régit l’Alsace ignore l’islam, il est temps d’intégrer les Français d’origine turque dans le grand patchwork national. Et quelle importance si la Confédération islamique Millî Görüş, qui a par ailleurs refusé de signer la Charte des principes pour l’islam de France, est une officine de l’AKP, le parti d’Erdogan, l’homme qui ne veut que du bien à l’Europe.

Et j’en profite pour saluer le fait que lors de la même délibération municipale, Jeanne Barseghian ait fait rejeter la définition de l’antisémitisme que proposait l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, sous prétexte qu’elle interdisait, selon elle, de critiquer la politique d’Israël.

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Quitte à évoquer l’Alsace, je salue la fermeture de la centrale de Fessenheim, l’année dernière, qui fonctionnait parfaitement bien, ce qui nous a obligés à importer de l’électricité allemande issue de centrales au lignite, qui comme chacun sait ne sont absolument pas polluantes. Je déplore que le gouvernement n’en ait pas profité pour fermer toutes les centrales nucléaires, de façon à ce que la décroissance s’installe enfin et que nous utilisions une partie du temps que nous allouent les confinements présents et à venir à recharger nos portables en frottant deux silex l’un contre l’autre.

Pour tous ces exploits accomplis en moins d’un an, merci, merci, merci ! Si en quelques mois les Verts ont su obtenir des résultats si méritoires, que ne feront-ils pas en cinq ans, lorsque Yannick Jadot aura été élu à la magistrature suprême…

J’ai hâte — oh qu’est-ce que j’ai hâte !

La Bande des pédagogues de l’antiracisme

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Photo: Capture d'écran YouTube / Channel 4 "A British school helps its students uncover and eradicate hidden racial biases".

2e Partie. Où nous découvrons que de faux scientifiques, en faisant subir aux enfants un lavage de cerveau, les transforment en racistes…


Relire la première partie

Nous avons vu précédemment que les militants antiracistes, pour se justifier, ont besoin d’affirmer que nos sociétés occidentales sont ravagées par des discriminations à l’égard des minorités non-blanches, donnant lieu à des injustices flagrantes en termes de réussite scolaire, de rémunération et d’ascension sociale. Idéalement, pour eux, la tendance raciste irait grandissante. Or, la vraie tendance générale est plutôt vers moins de discrimination, comme le montre un rapport publié récemment au Royaume-Uni. Face à la déception que représente cette pénurie de racistes, la solution de nos militants est d’une simplicité des plus élégantes : quand les racistes se font rares, il faut en fabriquer.

Pour en fabriquer, il suffit de lancer une OPA sur tous les Blancs, en les déclarant tous, volontairement ou involontairement, racistes. Bien entendu, il faut étayer de telles assertions sur des bases scientifiques, ou mieux – puisque la science est incertaine – sur des bases pseudoscientifiques.

Que du gaz – à tous les étages

C’est ainsi que, vers le tournant du siècle, une nouvelle science raciale a été développée aux États-Unis, fondée sur le postulat qu’un Blanc est nécessairement raciste, même à son insu. Cette théorie des préjugés inconscients ou implicites (en anglais « unconscious » ou « implicit bias ») s’accompagne d’un test psychologique, dit d’« association implicite », spécialement conçu pour mettre à nu les impulsions discriminatoires qui grouillent au tréfonds de l’âme d’un Blanc. J’ai déjà parlé dans Causeur de cette imposture qui n’a jamais satisfait aux critères de la science objective.

A lire aussi, du même auteur: Parlez-vous woke?

Pourtant, ce test, malgré l’absence de preuves confirmatoires, continue à être utilisé dans les entreprises, les universités, les institutions politiques et, plus récemment, les écoles. Tout simplement parce que, sans lui, tout un pan central de l’édifice antiraciste s’effondrerait. Afin de convaincre les Blancs qu’ils sont profondément racistes (une technique qui s’appelle « Gaslighting » ou le « détournement cognitif »), il vaut mieux les prendre quand ils sont jeunes et impressionnables. A cette fin, les notions de préjugés inconscients, de privilège blanc et de racisme systémique commencent à être déployées dans les écoles outre-Atlantique et même outre-Manche. Pour illustrer le dévoiement pédagogique que représente cette méthode, il suffit de regarder le documentaire produit par la chaîne britannique, Channel 4, et diffusé en prime time au mois de juin dernier : « The School that Tried to End Racism » (L’école qui essaya de mettre fin au racisme).

Acclamé par tous les médias de la gauche et du centre, le film met en scène une vraie expérience conduite sur de jeunes élèves âgés d’environ 11 ans dans une école multiethnique à Londres. Aucune considération n’est accordée à la dimension éthique de l’exercice: peut-on conduire des expériences psychologiques sur des enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de consentement ? Les organisatrices, une professeure de pédagogie et une autre de psychologie, ont la prétention démiurgique de façonner les esprits des jeunes. Selon l’une d’entre elles: « Intervenir à cet âge-là est crucial afin de cibler les attitudes des enfants avant qu’elles ne se cristallisent à l’âge adulte. » La première étape de cette intervention consiste à faire passer à tous les élèves un test d’association implicite. A la fin du processus de rééducation, on leur fait repasser le test pour montrer – chose étonnante ! – que les petits racistes en herbe ont été métamorphosés en antiracistes bien dressés. Depuis la création de la psychologie expérimentale à la fin du XIXe siècle, on sait qu’il ne faut surtout pas que les expérimentateurs suggestionnent leurs sujets en leur indiquant par des gestes ou des paroles indirectes les « bonnes » réponses. Or, les dames qui contrôlent ces expériences ne font que ça. Le manque de respect des protocoles scientifiques de base est à l’image de cette pseudoscience. Ensuite, pour expliquer la notion de privilège blanc, on demande à des élèves, sur le terrain de sport, de prendre place sur une ligne de départ comme pour une course à pied. Selon leurs réponses à des questions portant directement ou indirectement sur leur ethnicité, on leur demande soit d’avancer d’un pas ou deux, soit de reculer. A la fin, ils se trouvent tous dispersés à des marques différentes. On leur annonce que cette différenciation est à l’image du statut plus ou moins privilégié de leur point de départ dans la vie. Sauf que, selon le rapport cité ci-dessus, la réussite professionnelle ou l’ascension sociale d’un individu, quelle que soit son ethnie, est très rarement entravée par des préjugés négatifs à son égard de la part de la majorité blanche des citoyens.

Pour comble, on sépare les enfants dans des groupes de discussion selon leur ethnie, afin qu’ils prennent bien conscience de ce qui les sépare de leurs collègues. Une fille métisse se demande dans quel groupe elle doit aller. Un garçon blanc se fond en larmes et quitte son groupe parce qu’on l’a séparé de certains de ses meilleurs copains qui, en l’occurrence, appartiennent à d’autres ethnies. Peu importe la violence qui est ainsi faite aux jeunes esprits. Tout cela sert les objectifs de l’exercice: il s’agit de diviser les gens, les ranger dans des camps opposés et, là où c’est nécessaire, les forcer à choisir le leur. Le but des antiracistes est clair: à partir d’innocents, créer d’un côté des coupables qui se mettent humblement sur le long chemin de la rédemption et, de l’autre, des victimes dont les griefs inventés, exagérés ou exacerbés préparent le renversement de l’actuel ordre social.

L’antiracisme enseigné à coups de trique

Quittons le Royaume Uni et le domaine expérimental pour les États-Unis et le domaine de la pratique quotidienne. Le système d’éducation de l’Etat de Virginie est très largement la proie de l’idéologie woke, sans doute en partie parce que son gouverneur démocrate, Ralph Northam, a besoin de faire oublier un scandale de blackface survenu en 2019 et auquel il a miraculeusement survécu. L’idéologie « tous racistes ! » domine dans les écoles et les centres de formation des enseignants. Derrière une façade – ô combien superficielle – d’instruction participative, les professeurs inculquent aux élèves la notion de racisme innée par la bonne vieille méthode autoritaire. Une vidéo chargée sur YouTube le 29 mars se présente comme l’enregistrement d’un échange entre un maître et un lycéen dans le comté de Loudoun, les deux participants masculins restant hors caméra.

Affichant sur un écran l’image de deux jeunes femmes, dont l’une est plutôt noire, l’autre blanche de cette blancheur des rousses, le maître interroge l’élève :

– Que voyez-vous ?
– Deux personnes.

Se faisant insistant :

– Rien d’autre ?
– Deux personnes côte à côte.

L’enseignant commence à fustiger l’élève :

– Je ne crois pas que vous croyez ça. Vous vous dérobez à la question délibérément.
– Je ne comprends pas ce que vous voulez que je dise.

Autoritaire :

– Je pense que vous comprenez très bien.
– Vous voulez que je dise qu’il y a deux races différentes dans cette image ?
– Oui !
– N’est-ce pas aggraver le problème au lieu de reconnaître qu’il y a juste deux personnes normales ?

A lire aussi: L’homosexualité en Afrique: encore un produit du colonialisme

Très autoritaire :

– Non ! Vous ne pouvez pas regarder ces personnes sans reconnaître qu’il y a des différences raciales.

Autrement dit, l’enseignant commence par inviter l’élève à s’exprimer avant de lui asséner l’interprétation correcte. Il s’agit d’une doctrine fondamentale: la race ne peut pas être « invisible » ; on ne peut pas être « colour blind » (littéralement, daltonien) ; on voit toujours la couleur de peau des autres et – par extension – on est toujours raciste. Toute personne qui oserait nier cette vérité fondamentale est particulièrement raciste et doit le reconnaître de gré ou de force. Paradoxe curieux : un internaute a fait remarquer sur YouTube que l’image utilisée est celle de jumelles. S’il y a deux races ici, elles sont « dans » chacune des deux sœurs ! Le programme des antiracistes militants se fonde sur ce mélange d’autoritarisme et d’absurdité qui, de tout temps, caractérise les dictatures.

pedagogie-antiracismeÀ suivre, la troisième et dernière partie : Les victimes au pouvoir. Où nous découvrirons comment les « groupes de paroles » sur le racisme font partie d’un programme destiné à diviser la société en deux camps : celui des victimes enragées et celui des coupables dociles. La France saura-t-elle y résister ?

Le prince est mort, vive le prince!

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La reine Elizabeth II et le prince Philip, novembre 2020 © GEORGE ROGERS/SIPA Numéro de reportage : 00991878_000001

Si les tabloïds d’outre Manche ont souvent la dent dure avec la monarchie britannique, en France c’est Le Monde qui s’est illustré avec un article peu amène le jour du décès du prince Philip.


La famille royale britannique a annoncé ce vendredi le décès de Philip Mountbatten Duc d’Edimbourgh, à l’âge de 99 ans, époux d’Elizabeth II depuis 73 ans. Il avait subi une intervention cardiaque en février. Le président français Emmanuel Macron a salué « une vie exemplaire définie par la bravoure, le sens du devoir et son engagement en faveur de la jeunesse et de l’environnement. »

À mon grand étonnement, les réseaux sociaux ont vu fleurir nombre d’hommages sincèrement émus de la part de nos compatriotes. Les guillotineurs de monarque que nous sommes ont en effet toujours eu une fascination certaine pour la famille royale d’Angleterre, ses frasques et ses malheurs. En témoigne l’énorme succès de la série The Crown sur Netflix où Philip est dépeint comme un homme de caractère, à la fois désabusé et impliqué dans le destin des Windsor.

Ce fut un début de réhabilitation pour cet homme, que nous Français, connaissons seulement dans son rôle de prince consort que le protocole obligeait à marcher deux pas derrière Sa Majesté.

En réalité sa vie, sa naissance, furent terriblement romanesques.

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Né le 10 juin 1921 en Grèce, il est le petit-fils de Georges 1er de Grèce, issu de la famille royale du Danemark. Suite à un coup d’État lorsqu’il avait l’âge de 18 mois, sa famille dut quitter précipitamment le pays. La légende veut qu’il fut caché dans un cageot d’oranges le temps de la traversée en bateau. Sans le sou, ils vécurent à Paris aux frais de Marie Bonaparte. Philip est envoyé dans une école anglaise en 1928.

Lorsque Elizabeth le rencontre en 1939, elle n’a que 13 ans, lui 18. On dit qu’elle tomba immédiatement amoureuse de ce beau gosse au physique d’acteur hollywoodien. Ils se marient en 1947, malgré la désapprobation des Windsor qui estime ce prince quelque peu déchu.

Picadilly Circus, hier soir © Alberto Pezzali/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22556658_000017
Picadilly Circus, hier soir © Alberto Pezzali/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22556658_000017

La vie de Philip ne fut faite que de renoncements. Il renonça à sa brillante carrière navale qu’il effectua sous la houlette de Lord Mountbatten, son mentor, à qui il emprunta le nom. Il abandonne également ses titres grecs et danois ainsi que la religion orthodoxe. Buckingham vaut bien une messe.

Elizabeth fut rapidement sacrée reine, et commença pour Philip sa longue carrière de prince consort. « Je suis votre obligé pour la vie », lui dit-il. Obligé qui fit preuve pendant la durée de son job de « monsieur Elizabeth II » d’un humour mi british mi douteux, que Le Monde (nous y reviendrons), a qualifié de « raciste et condescendant »… Ce sont des saillies finalement assez drôles et surtout d’un autre siècle, qui paraissent effectivement douteuses à l’aune du monde post colonial « wokiste » que nous connaissons. En effet, il lança au président du Nigeria qui recevait le couple royal en boubou: « On dirait que vous êtes prêt pour aller au lit ! », il demanda à un aborigène s’il se battait à coup de lances, et, ma préférée, à Elton John, adoubé chevalier par Sa Majesté: « Est-ce vous qui êtes venu dans cette voiture ridicule ? »

Bien que le couple qu’il forma avec Elizabeth fût souvent cité en exemple, on le disait coureur. On lui connaît une romance avec une danseuse qu’il ne rencontra que quelquefois mais avec qui il entretiendra, parait-il, une correspondance enflammée. Cela n’empêcha son épouse de le considérer comme son « roc » et même de l’appeler « mon chou » en privé. Les couples royaux sont comme tous les couples.

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Au milieu des hommages quasi unanimes, Le Monde s’est donc distingué en publiant un article, le corps du prince à peine tiède, que je qualifierais d’indigne. Le quotidien de référence, désormais thuriféraire de l’idéologie woke, y évoque la prétendue « condescendance et le racisme impérial » du prince. Racisme. Le mot est encore une fois lâché. Le péché capital de notre temps, selon la gauche qui le voit partout. Elle qui n’aime rien plus que de contextualiser, elle se garde bien de le faire dans certains cas. Car oui, Philip fut un homme de l’ancien monde, un vestige de l’empire britannique, et de la vieille Europe monarchiste, dont les valeurs étaient bien différentes des nôtres. Faut-il s’en offusquer ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus que sa mère, Alice Battenberg, sourde et schizophrène, fut reconnue juste parmi les justes pour avoir hébergé une famille juive pendant la guerre.

Mais déjà, comme souvent, les embrouilles familiales des Windsor commencent à agiter la presse.

L’intrigante Meghan, assistera-t-elle aux obsèques ? Les paris sont ouverts.

Quant aux sujets de Sa Majesté, fidèles à tout jamais à leurs « royals », ils sont allés déposer, malgré le covid, des gerbes de fleurs devant les grilles de Buckingham. Des images fort sympathiques. God save the Queen !