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Rwanda: partiel et partial, le rapport Duclert

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Après deux années d’analyses d’archives, le rapport de Vincent Duclert estime que la France porte des «responsabilités lourdes et accablantes» dans la tragédie de 1994. Une tribune libre de Jacques Hogard, ancien militaire et fondateur de l’association France-Turquoise, dont la raison d’être est la défense de la vérité sur l’action de la France au Rwanda à la suite des allégations concernant cette dernière.


Le rapport « Duclert », commandé par le président de la République pour tenter de faire la lumière sur la responsabilité supposée de la France dans le génocide rwandais de 1994, fait couler beaucoup d’encre depuis sa remise le 26 mars à Emmanuel Macron par le Pr Vincent Duclert, patron de la commission de 14 historiens réunis depuis deux ans à cette occasion. Ce rapport très fouillé et très volumineux est paradoxalement partiel, et partial.

Très sévère pour la France – qu’il exonère toutefois de « complicité de génocide » -, ce rapport accable le pouvoir en place à l’époque en soulignant ce qui selon lui caractérise sa politique: un « aveuglement continu » dans le soutien au « régime raciste, corrompu et violent » alors au pouvoir au Rwanda, une « lecture ethniciste alignée sur celle du pouvoir rwandais de l’époque héritée d’un schéma colonial ».

Nonobstant les prises de position, dans l’ensemble très favorables, à l’encontre de ce rapport de 1 000 pages, j’ai quant à moi une position dissonante: pour moi, en effet, ce rapport très fouillé et très volumineux est paradoxalement partiel, et partial.

Un manque d’histoire longue

Partiel, car il ne se penche sur les relations franco-rwandaises et sur l’histoire du Rwanda que pour la période de 1990 à 1994.

Partiel parce qu’il marginalise l’importance du contexte historique du début des années 1990: fin de la guerre froide et du monde bipolaire où les rapports de force sont redistribués. Pendant la guerre froide, la France était « le gendarme de l’Afrique » et nos alliés américains la soutenaient alors. La donne a par la suite subitement changé.

Et puis on ne peut faire abstraction de l’histoire contemporaine du Rwanda « moderne », de la chute de la monarchie, de l’avènement de la république en même temps que de l’indépendance (1959/61). De même pour ce qui concerne les relations franco-rwandaises qui se formalisent à partir de 1975 au travers de la signature des accords de coopération signés au nom de la France par Valéry Giscard d’Estaing. De même pour la période dramatique qui s’ouvre fin 1994 et qui dure encore, impliquant toute la région des Grands Lacs. Il me semble que l’on ne peut rien comprendre au génocide des Tutsis de 1994 si l’on occulte tout ce contexte et en particulier:
– les massacres des Tutsis par les Hutus en 1959/60,
– le génocide des Hutus du Burundi par les Tutsis en 1976,
– les massacres des Hutus par les Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) entre 1990 et 1994 qui provoquent l’afflux d’un million de réfugiés devant Kigali durant cette période (des « gueux » qui seront massacrés par la suite par le FPR dans leur fuite éperdue vers et à travers le Zaïre (1995/96/97…). Ces massacres durent encore.

Tout ceci figure dans le Rapport Mapping de l’ONU (du moins dans sa version d’origine, non édulcorée), gardé en réalité sous le coude pour ne pas offenser Kagamé. Partiel aussi, car il n’évoque pratiquement pas les graves responsabilités de l’ONU, des Etats-Unis et autres puissances impliquées (Grande-Bretagne, Israël…). Et pourtant ! Il y aurait tant à dire.

Tandis que là, cette présentation partielle focalise sur la France seule. Qui a peut-être commis des erreurs d’appréciation. Mais pas au point d’être ainsi accablée face à l’opinion publique mondiale, et notamment face au Rwanda de Kagamé, très largement responsable de la situation dramatique des Grands Lacs depuis 25 ans. Alors que la France est la seule puissance à avoir tenté quelque chose pour enrayer ce processus sanglant. Il n’y a qu’à en parler avec le Pr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix. Privilège qui m’a été donné une fois et que je n’oublierai pas, tant la lucidité, le courage et la haute stature morale de cet homme m’ont impressionné.

Le rapport Duclert est partial, car nonobstant l’abandon du chef de « complicité de génocide », ce qui me parait le minimum, ce rapport accable la France à travers son président de l’époque et certaines de ses personnalités politiques et militaires, soulignant en termes très durs leur cécité, leur aveuglement idéologique (complexe de Fachoda !) face à un régime raciste, totalitaire et in fine génocidaire. Tout n’est pas faux peut-être dans cette vision. Mais elle est aisée après coup quand tout s’éclaire avec le recul du temps.

Et puis surtout, cela procède – comme pour l’Algérie avec le rapport Stora – d’un esprit de repentance aussi obstiné que contre-productif, qui, je dois le dire, ne me fait pas vibrer. C’est la France qui est ainsi humiliée à la face du monde. Depuis quelques jours, beaucoup d’amis africains me demandent quelle mouche a piqué Macron pour s’auto-flageller ainsi ? « Vous êtes vraiment masos, vous les Français ! » me disent un certain nombre de mes correspondants ! Ils n’ont pas tort. Le pire est ce faisant que la France s’humilie devant un régime totalitaire et ethniciste auprès duquel son prédécesseur fait figure d’ « enfant de Marie ». Il faut s’attendre en conséquence à ce qu’un nouveau rapport, dans 20 ou 25 ans au plus tard (cela risque de venir beaucoup plus tôt), fustige à son tour en termes plus sévères encore la cécité, l’aveuglement coupables de ceux qui auront ainsi cherché à plaire et complaire au début des années 2020 au calamiteux régime totalitaire du général-président Kagamé !

Le rapport Duclert est partial, car il ne fait guère preuve de rigueur historique en laissant entendre, par exemple, que l’attentat du 6 avril 1994 a été commis par les extrémistes hutus, thèse à laquelle les gens sérieux ne croient pas, pas même les magistrats français qui ont conclu à un très diplomatique non-lieu, tout en écrivant que tout converge quand même pour imputer au FPR cet événement déclencheur du génocide ! … Et d’ailleurs, c’est intéressant de noter qu’aussitôt que sont évoqués l’attentat et ses responsables, le rapport Duclert dit alors que « de toute façon, ça n’a pas d’importance, le génocide aurait quand même eu lieu, avec ou sans attentat »!! Ce n’est évidemment ni l’avis de Carla Del Ponte l’ancienne procureure du TPIR, ni celui d’historiens ou de chercheurs éminents, mais politiquement incorrects c’est vrai, tels Lugan, Onana ou autres ! Et il y a bien d’autres exemples du même bois.

Un manquement méthodologique

On peut aussi regretter la méthode : si un doctorant avait réalisé sa thèse sur le sujet, son directeur de thèse l’aurait obligé à multiplier les…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<

Les larmes de l'honneur

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Éric Zemmour: « Quand la France était grande »


Admirateur de l’Empereur depuis l’enfance, Éric Zemmour voit dans son épopée la dernière chance pour la France de redevenir une puissance mondiale de premier rang. Depuis, elle a perdu sa vocation et son destin. Alors que les élites ont saccagé l’héritage napoléonien, nous ne pouvons avoir qu’un projet défensif : refaire des Français par l’assimilation.


Causeur. Dans les pages autobiographiques de Destin français vous racontez comment, très jeune, vous avez préféré une biographie de Napoléon aux BD et autres lectures des gamins de l’époque. Pourquoi étiez-vous séduit ?

Éric Zemmour. Difficile de se souvenir après tant d’années… Enfant, j’aimais les héros de Dumas, les trois mousquetaires, Monte-Cristo, les personnages de Balzac comme Lucien de Rubempré… Je me suis plongé dans le roman historique et l’histoire romancée. Ma mère m’a offert pour mes 11 ans, le Napoléon d’André Castelot. Je l’ai gardé depuis avec sa belle couverture verte. Pour moi, Napoléon était aux frontières de la fiction et de la réalité, c’était le personnage le plus extraordinaire de notre histoire, le héros par excellence, le mètre étalon de tous les autres héros, ceux qui sont venus après lui mais – ce qui est encore plus extraordinaire – également ceux qui l’ont précédé. Au-delà du personnage et de son épopée, le premier Empire est le moment où la France a été la plus grande dans l’histoire. Jeune, j’étais déjà fasciné à la fois par le petit Corse qui devient empereur et par le moment, celui où la France est au sommet. Pour moi, Napoléon est un empereur romain. J’aurais aimé vivre à cette époque, je ne rêvais pas de pays étrangers et de contrées exotiques, ni d’espace et de science-fiction futuriste, mais de voyager dans le temps.

Y a-t-il eu d’autres moments napoléoniens dans votre vie ?

Depuis ces premiers émois napoléoniens, je ne l’ai plus quitté. Je n’ai pas cessé d’approfondir ma connaissance de ce personnage. Je lis encore régulièrement des livres, des biographies de ses contemporains – notamment de Talleyrand, de Fouché et des maréchaux –, des ouvrages sur les batailles. Je relis régulièrement les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, car le livre allie l’élégance du style et le récit de nos grandeurs. Avec le xviie siècle, pour la grandeur littéraire, artistique, Molière, Racine, Versailles, qui constituent la quintessence de la France, le premier Empire est mon moment français préféré. C’est celui où les Français sont vraiment sur le toit du monde. D’ailleurs, Stendhal dit en substance que les Français étaient alors fiers d’eux-mêmes, se sentaient supérieurs au reste de l’humanité, comme les Espagnols au temps de Charles Quint ou les Romains au temps de l’Empire romain. Je souffre beaucoup du déclin, qui a commencé après 1815.

Qui sont pour vous les meilleurs – militaires, ministres, hauts fonctionnaires – dans les équipes mises en place par Napoléon ?

Davout est mon préféré. Il n’a jamais perdu une bataille. S’il avait été présent à Waterloo… Talleyrand est le pire, le vrai traître.

Napoléon veut que la France reste une puissance globale capable de tenir tête à l’Angleterre

Selon vous, nous sommes sur le déclin depuis 1815. Diriez-vous que nous avons atteint le nadir ?

L’échec de la guerre de Sept Ans (1756-1763) est une véritable catastrophe qui en réalité explique la suite : nous avons perdu l’Amérique, nous avons laissé le monde nous échapper. Cela explique les guerres de la Révolution et de l’Empire. Les Français tentent de prendre leur revanche sur les Anglais pour l’hégémonie mondiale.

On fait de Napoléon un belliqueux alors qu’il ne fait qu’essayer de corriger la défaite subie par Louis XV en 1763 et de rattraper le coup terrible porté à la France par l’Angleterre. Celle-ci nous a déclaré une guerre pour l’hégémonie mondiale, à la fin du règne de Louis XIV, une seconde guerre de cent ans, de 1680 à 1815. Les guerres napoléoniennes ne sont qu’un épisode de ce conflit séculaire. En 1815, nous étions si puissants que l’Europe entière devait se mobiliser pour nous battre. Moins de soixante ans plus tard, en 1870, un pays tout seul, la Prusse, nous bat à plate couture en quelques mois. Encore sept décennies et en 1940, on se fait écraser par les Allemands en trois semaines. Huit décennies sont encore passées et aujourd’hui nous ne pouvons maîtriser ni notre population ni nos frontières et notre pays subit une islamisation d’une partie de notre territoire. Et en plus, nous nous sommes piégés dans un système européen dirigé par l’Allemagne.

Eric Zemmour ©Soleil
Eric Zemmour © Soleil

Pourquoi situez-vous le point de départ de ce déclin en 1815 et non en 1808, le moment où l’Empire français est à son apogée ? Après trois ans de retraite quasi ininterrompue, Napoléon laisse après Waterloo un territoire plus petit que celui dont il a pris le contrôle fin 1799…

C’est l’argument de Bainville, mais malgré cette illustre origine intellectuelle, il est fallacieux, car l’important n’est pas là. Le problème de fond – et c’est le seul point de désaccord que j’ai avec Bainville –, c’est qu’au départ, à la fin du xviiie siècle, la France est un mastodonte, elle est surnommée la Chine de l’Europe ! En 1789, la France compte 28 millions d’habitants, c’est-à-dire autant que la Russie. La Grande-Bretagne : 8 millions.

Sauf que l’Europe se transforme à grande allure : déploiement de l’empire anglais, accès de la Russie aux mers chaudes, arrivée timide de l’Amérique dans le jeu, partage de la Pologne, sans oublier la Prusse qui commence à grossir. Le résultat, c’est que la France de Louis XV n’est plus le seul géant. Napoléon veut qu’elle redevienne un géant et donc qu’elle prenne l’Italie du Nord, la Belgique, les Pays-Bas et la rive gauche du Rhin. Autrement dit qu’elle conserve ce qu’on appelle aujourd’hui la taille critique d’une puissance globale capable de tenir tête à l’Angleterre et son empire maritime. Il veut aussi concurrencer l’Angleterre sur les mers, dans le monde entier. D’où le si critiqué rétablissement de l’esclavage à Saint-Domingue. Dans Le Grand Échiquier, Zbigniew Brzezinski, le conseiller de la sécurité nationale de Jimmy Carter, livre une analyse historique très intéressante : si la France de Napoléon avait gagné, la France serait une puissance globale de notre époque. À la sienne, Napoléon est le seul à l’avoir compris. Même Talleyrand, pourtant très intelligent et bien informé ne l’a pas vu. Et c’est seulement un siècle plus tard, après la Première Guerre mondiale, que Paul Valéry le comprend à son tour. Aujourd’hui, tout le monde le sait : la France n’est plus un géant à l’échelle du monde.

Chateaubriand, avec son admiration réservée pour Napoléon, constate que les guerres d’Ancien Régime changeaient les frontières de l’Europe au prix de quelques milliers de morts, souvent mercenaires. Les guerres napoléoniennes ont coûté 3 millions de vies pour les mêmes résultats. Ces millions de morts, militaires et civils, n’expliquent-ils pas que la dynamique démographique française se soit cassée entre 1789 et 1815 ?

Pas 3 millions de morts français, loin de là. Et je répète que ce n’est pas Napoléon qui déclare la guerre. Il aura quand même sept coalitions contre lui. Quant à la chute démographique, elle commence à la fin du xviiie siècle, et la déchristianisation en est, je pense, la raison fondamentale.

Parlons de notre rapport à Napoléon. Alors que le bicentenaire de sa naissance (1969) et le 150e anniversaire de sa mort (1971) ont été célébrés avec faste, aujourd’hui, on sent bien qu’il gêne. En 2004, on fête le bicentenaire du Code, mais un an plus tard, on passe totalement sous silence les deux cents ans de la victoire d’Austerlitz. Et il y a quelques semaines, Jean-Louis Debré déclarait : « Sur Napoléon, n’en faisons pas trop, car cela risque d’être perçu comme une provocation. » Alors, Napoléon, pourquoi tant de haine ?

Tout simplement parce qu’il incarne la quintessence de tout ce que notre époque déteste et veut abattre : un homme d’abord, un combattant ensuite et enfin la puissance de la France. Et pour l’abattre, il faut détruire tout ce qu’il avait fait. Tout ce qui a trait au Code civil, au mariage est systématiquement démantelé aujourd’hui avec le mariage homosexuel ; on a également supprimé tout ce qui concernait la nationalité, notamment la loi sur les prénoms ; son organisation administrative (État-département-commune) a été complexifiée avec le millefeuille territorial au point de perdre toute son efficacité. Et n’oublions pas la justice administrative avec le Conseil d’État qui, initialement chargé de protéger l’État, considère aujourd’hui qu’il doit protéger l’individu contre l’État. La liste est longue… Tout l’héritage napoléonien a été saccagé parce que notre époque ne veut plus de sa vision de la France comme organisation hiérarchique autour de son État. On veut la société des individus autonomes, pas l’unité et la grandeur de la France. L’État ne doit plus surplomber la société, il doit être son objet soumis, le serviteur des individus et de leurs caprices. Et ne parlons pas des idées de puissance, d’autorité et de domination, qui sont presque criminalisées. Napoléon, leur incarnation pure et unique, est donc l’icône à abattre.

À lire aussi: Quand Zemmour accuse l’État d’«anarcho-tyrannie»

À l’approche du bicentenaire de sa mort, la résistance au souvenir napoléonien vient surtout des associations et militants décoloniaux qui voient en lui l’homme du rétablissement de l’esclavage. Comment analysez-vous cette décision ?

Je crois avoir répondu : ces associations, au fond, détestent la France.

Pourquoi cette haine n’est-elle pas dirigée contre Louis XIV qui est l’initiateur du Code noir ?

Vous savez, Louis XIV n’est pas non plus particulièrement apprécié, il suffit de voir la chasse aux statues de Colbert… Au demeurant, Napoléon admire Louis XIV. Napoléon est simplement le Français le plus admiré à l’étranger, y compris par ses ennemis et adversaires. Qu’on lui rende hommage dans l’hymne national polonais, c’est compréhensible. Mais – c’est le grand paradoxe de cet homme d’exception ainsi qu’un indice de plus de son statut unique – qu’on l’admire en Russie, en Angleterre, en Allemagne et même en Chine, c’est tout de même extraordinaire ! Les Coréens se battent à coups de millions de dollars pour acheter ses bicornes aux enchères. Partout dans le monde on lui voue un véritable culte, sans parler des militaires, tous éduqués depuis deux siècles à la lumière de son génie.

Quelle est sa réalisation la plus importante et la plus durable ? Que reste-t-il de Napoléon aujourd’hui ?

Paul Valéry parlait des « édifices qui ne sont pas solides mais qui sont éternels ». Pour moi, les plus importantes réalisations de Napoléon sont ses victoires militaires. Paradoxalement – et Valéry l’avait parfaitement compris –, elles sont aussi les plus durables. Tout le monde pense au Code civil, mais pas moi. Souvent, les gens disent aimer Bonaparte davantage que Napoléon. Pour moi, c’est le contraire. Je préfère Napoléon à Bonaparte, pour le grand Empire de 1810. C’est cela qui aujourd’hui fascine et fait rêver les Chinois et les Russes. Il a laissé aussi un mode de direction du pays : un pouvoir centralisé, rapide, efficace. Bref, le bonapartisme.

Quelle est la possibilité d’un Empire aujourd’hui ? Est-ce qu’un État puissant et conquérant représente une option réelle pour la France du xxie siècle ?

Non. Nous avons perdu définitivement et depuis longtemps cette bataille-là. La dernière chance, c’était la stratégie gaullienne. L’Europe des Six, c’est la France de Napoléon. De Gaulle dit à Peyrefitte : « À six, on est capable de faire aussi bien que les USA et l’URSS, et comme la France va diriger les Six, on retrouvera notre Europe qu’on a perdue en 1815. » Je vous signale que de Gaulle dit bien « 1815 » et non pas « 1763 » ou « 1812 ». La stratégie gaullienne échoue très vite, car les Allemands refusent la tutelle française, lui préférant celle des États-Unis d’Amérique. Ce choix rend furieux le général et explique sa politique étrangère maurassienne ensuite (sortie de l’OTAN, discours de Mexico, « Vive le Québec libre ! », le discours de Phnom Penh). Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ceux qui dirigent la France croient retrouver la stratégie gaullienne du levier d’Archimède tandis qu’en réalité ils se soumettent à l’Allemagne. Avec l’Europe des Vingt-Sept, on est sorti de l’Europe napoléonienne pour entrer dans l’Europe du Saint-Empire romain germanique, que Napoléon a détruite en 1806 à Iéna.

Si la France n’a plus de rêve impérial, qu’en reste-t-il ?

C’est tout le problème. Il y a dix ans, j’ai écrit Mélancolie française pour expliquer que le projet secret, le destin de la France, était de refaire l’Empire romain, que Napoléon l’avait assumé, et qu’à partir du moment où ce rêve d’empire n’existe plus, la France se délite. Le problème français, c’est de retrouver un objectif, un destin, une vocation. Les élites françaises, imprégnées d’européisme, pensent qu’elles vont rétablir leur hégémonie sur l’Europe à travers l’UE. Et tant pis si, pour qu’elles se maintiennent, il faut sacrifier la France.

La Ve République est faite pour gouverner l’Europe et pas seulement la France

Franchement, vous nous voyez avec un empereur ?

Mais la Ve République, c’est ça ! Peter Sloterdijk dit très justement que la Ve République, c’est l’élection du président de la République au suffrage universel plus la bombe atomique. C’est, dit-il, l’équivalent de la Grande Armée de Napoléon et du sacre de Notre-Dame. Je trouve cette observation magnifique, et c’est pour cela que l’Europe nous pose un problème : la Ve République est faite pour gouverner l’Europe et pas seulement la France. C’est pour cela aussi que les institutions françaises sont autant détestées par les européistes, parce qu’elles placent le président de la République, élu directement au suffrage universel, au-dessus du chancelier allemand, et qu’il détient l’arme atomique – caractéristiques du président américain. Et ça fabrique de la légitimité. Si la France est écoutée encore en Europe, c’est grâce à cette légitimité-là. Je suis toujours frappé par l’aura du président de la République française en Europe six mois après son élection. Après, cela s’effiloche très vite, parce que la mécanique européenne est faite de telle manière qu’elle détruit la puissance française en la soumettant à des négociations sans fin et au droit européen. C’est tout simplement incompatible avec l’esprit et les institutions de la Ve République.

Rencontre entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle à Cologne (Allemagne), septembre 1962. "L'Europe des Six voulue par de Gaulle, c'est la France de Napoléon." ©DPA/Picture Alliance/Leemage
Rencontre entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle à Cologne (Allemagne), septembre 1962. « L’Europe des Six voulue par de Gaulle, c’est la France de Napoléon. » ©DPA/Picture Alliance/Leemage

On peut vous objecter que, bien avant le quinquennat, la Ve République n’arrivait plus à fabriquer de la légitimité même à l’intérieur du système politique français, à cause de son manque de représentativité du corps électoral.

Je ne trouve pas. Certes, il y avait des dérèglements avec la cohabitation, parce que le président Mitterrand n’a pas respecté l’esprit de la Ve République ; il aurait dû démissionner et refaire une campagne présidentielle. Mais c’est le quinquennat qui a vraiment abîmé, dénaturé même, la Ve République, permettant en conséquence le développement du droit européen. Il ne doit pas y avoir de droit au-dessus de celui du président de la République car, comme disait de Gaulle, « la cour suprême en France, c’est le peuple ». Et maintenant, tout cela est fini : la cour suprême en France, ce sont tout à la fois le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la CJUE et la CEDH. Résultat, il n’y a plus de pouvoir réel et les présidents sont élus sur des projets auxquels ils renoncent au bout de six mois ou un an à cause des contraintes européennes et mondiales.

 Si la réforme des retraites poussée par Macron a échoué, ce n’est pas à cause du droit européen.

Vous avez raison, mais si on a démantelé EDF, c’est à cause de l’UE. L’absence de légitimité du pouvoir français a pour cause l’Europe et la décentralisation.

Autrement dit, pour poursuivre votre logique, l’abandon de l’héritage napoléonien.

Exactement ! Son abandon et sa destruction.

À lire aussi: Exposition pour le bicentenaire de la disparition de Napoléon: aura-t-elle lieu?

De Gaulle et Napoléon sont issus de l’armée. La marginalisation de l’armée française a-t-elle abîmé notre génie particulier ?

Peut-être. Cependant, notre armée n’est pas marginale : nous sommes le dernier pays d’Europe à utiliser son armée pour des expéditions à l’étranger. C’est la spécificité française. L’aura, certes éphémère, du général de Villiers en témoigne. Il y a une nostalgie. Je continue de penser que c’est notre atout majeur.

Quel projet peut donc avoir la France à partir de votre conception de son histoire et de son génie particulier ?

Notre principal problème aujourd’hui est la désagrégation du pays et la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. En conséquence, tout projet pour la France doit d’abord être défensif : il s’agit de refaire des Français et de refaire la France. Cela passe par l’assimilation, par l’École, par notre indépendance et le retour de la puissance militaire et du régalien. Surtout, il faut régler cette question intérieure par un changement des lois, par une politique de blocage de l’immigration et, je le répète, par l’assimilation. C’est une position défensive, on retrouvera une position offensive après, car nous ne sommes plus crédibles aujourd’hui.

Vous n’avez pas évoqué l’économie, la richesse nationale. C’était aussi l’une des faiblesses du système continental de Napoléon.

Napoléon était très soucieux de développement économique et obsédé par celui de la marine. Il avait une vision économique et mondiale. Son blocus continental a permis l’émergence de l’industrie allemande, l’économiste List le reconnaît. Or aujourd’hui, on aurait justement besoin de cela : un protectionnisme continental, pour favoriser notre réindustrialisation.

Avouez-le, vous vous prenez un peu pour Napoléon. Rêvez-vous de poursuivre son projet ?

Je vous assure que je ne vais pas envahir l’Italie !

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Le confinement réveille les délateurs


La France n’est pas atteinte que du virus…


Si on veut bien regarder derrière les polémiques grotesques, les fausses informations, les mensonges et l’humour prétendu, derrière certains comportements, derrière des vigilances citoyennes, derrière tout ce qui, jour après jour, vient assombrir, indigner, tourner en dérision, flatter, provoquer, jeter du sel médiatique sur des plaies à vif, le tableau et l’état de la France ne sont pas brillants. Quelle déliquescence, quel délitement !

Avec quelle rage vengeresse, quelle immédiateté furieuse, quelle pulsion révolutionnaire on se jette contre la France du haut dès l’instant où on nous a offert l’opportunité, vraie ou fantasmée, de soutenir la France du bas ! L’envie, la jalousie, l’aigreur sont portées à leur comble et, avant même de s’interroger, de questionner ou de douter, on s’abandonne avec délice à ce que l’esprit partisan libère de pire !

Pas de précipitation!

Au sujet de cette ineptie hypertrophiée médiatiquement de ministres se gobergeant dans des restaurants clandestins et au lieu de mettre d’abord en suspens son jugement, j’entends encore une représentante de LFI dénoncer, sur-le-champ, les privilèges, l’irresponsabilité, l’injustice, les discriminations, le pouvoir coupable et plaindre le peuple brimé !

Il n’est pourtant pas fatal, même quand on a des convictions fortes, de présumer tout de suite le pire et de ne pas accepter une retenue, une attente sauf à considérer que le refus de la précipitation serait en lui-même réactionnaire.

La gestion de l’épidémie au petit malheur la chance a instillé le poison de la délation

Combien de Français, par ailleurs, se sentent une âme de justiciers au petit pied en photographiant leurs compatriotes qui ne respecteraient pas les règles et honteusement dérogeraient aux précautions sanitaires même les plus extrêmes, que cette inquisition concerne les fidèles d’une église et/ou les adeptes du divertissement et du loisir indifférents aux recommandations des autorités soit par un anarchisme basique soit par négligence ou incompréhension ! On peut qualifier ces citoyens, jeunes ou moins jeunes, d’irresponsables, mais il est troublant de constater à quel point l’épidémie et sa gestion au petit malheur la chance ont instillé un poison multiforme dans les veines de notre pays.

En poussant au paroxysme des tendances qui existaient déjà dans la tranquillité des temps ordinaires ou en faisant surgir, chez beaucoup, des appétences de dénonciation, des stigmatisations qui il y a longtemps, sur un registre historique, auraient eu de tragiques et d’odieux effets.

On ne résiste plus à la démagogie

Cette France qu’on nous avait promise unie, rassemblée en 2017 n’a jamais été plus éclatée, plus fracturée. Non seulement à cause du communautarisme qu’on pourfend trop par le verbe pour le réduire pratiquement, mais en raison de cette invasion au quotidien, face à un péril qu’on parvient trop difficilement à maîtriser, de tentations démagogiques auxquelles on ne résiste plus : l’autre est un ennemi, les politiques sont au-dessus des lois, je suis seul à respecter le règlement, je dois épier mon voisin, les envies sont légitimes puisqu’en haut il n’y a que de la turpitude et de l’injustice et que le bas doit être sanctifié au nom de la République, et ainsi de suite… L’humain se vide, se déverse, juge, condamne, trie, guillotine au figuré. La France est la proie d’une fièvre qu’aucun vaccin ne fera baisser. J’ai peur de l’avenir. Ce ne sont pas seulement les détresses économiques et sociales dont nous aurons à payer le prix longtemps, mais les blessures profondes et dangereuses d’une nation qui s’est essaimée en mille rancœurs, frustrations, malaises et revendications. On aspire à de l’impossible parce qu’on nous a désillusionné sur le possible. La future campagne présidentielle imposera le choix d’un médecin présidentiel de haute volée.

Avant d’agiter et de bouleverser, il faudra recoudre et guérir.

Tintin au pays des ayants droit


La société de Moulinsart, détentrice des droits de Tintin, est particulièrement pointilleuse. Un peintre breton qui a osé figurer le reporter à la houppette entouré de filles sexy vient d’en faire les frais…


La vie sexuelle de Tintin fait débat. En cause, un peintre breton, Xavier Marabout qui a voulu lui en imaginer une. La société de Moulinsart, qui détient les droits, lui intente un procès, non pour atteinte aux bonnes mœurs, mais pour contrefaçon. L’audience a eu lieu le 8 mars devant le tribunal de Rennes pour une décision attendue le 10 mai. Les 24 planches de sa série « Hergé Hopper » intègrent le personnage de BD dans l’univers du célèbre peintre américain en prenant beaucoup de libertés. Le jeune reporter y apparaît torse nu, parfois entouré de donzelles plantureuses ou en pleine opération séduction. Ces images trahissent-elles l’œuvre d’Hergé ?

Un jeune homme sans expérience, androgyne

Citée par Ouest-France, l’avocate des plaignants semble plaider la misogynie de l’auteur : « Hergé, interviewé de nombreuses fois, avait expliqué son choix de ne pas impliquer les femmes dans son œuvre, parce qu’elles sont rarement des éléments comiques. » Hergé, il est vrai, n’a jamais caché la réalité de ses sentiments, comme dans une interview en 1943 où il confiait : « Évidemment, j’aime bien voir les “belles madames”, mais pourquoi éprouvent-elles le besoin de parler ? » La seule femme rencontrée dans ses albums reste la peu flatteuse Castafiore. Matthew Parris, ancien député anglais conservateur et journaliste au Times, soutenait dans un article en 2009 la thèse de l’homosexualité de Tintin, solides arguments à l’appui : « Un jeune homme sans expérience, androgyne, avec une houppette blonde, des pantalons bizarres, qui emménage dans le château de son meilleur ami, un marin entre deux âges… »

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Ajoutons qu’avec l’anathème jeté sur Tintin au Congo, le seul album politiquement correct d’Hergé restera peut-être le Lotus bleu : résolument anticolonialiste, il fait apparaître une tension affective très forte entre Tintin et le jeune Tchang.

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Racisme au Royaume-Uni: le rapport infernal

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1ère Partie. Où nous découvrons que rien ne fait rager les militants antiracistes comme la découverte que la société devient moins raciste…


Pour les militants antiracistes autoproclamés, leur légitimité, leur existence même, est fondée sur une supposée omniprésence du racisme dans les sociétés occidentales. Leur machine à dénonciations, qui tourne à temps plein pour renverser l’ordre patriarcal et la suprématie blanche, doit être constamment approvisionnée en preuves et témoignages de racisme. Que faire quand cet approvisionnement devient inadéquat ? Ce dilemme a été mis en relief par un rapport officiel sur le racisme publié au Royaume Uni le 31 mars. 

Les cancres de la classe: les Blancs

C’est en juillet 2020, suite aux manifestations et émeutes Black Lives Matter, que Boris Johnson crée une Commission on Race and Ethnic Disparities chargée d’étudier la question de la race et des écarts économiques et autres entre les différents groupes ethniques (« ethnic disparities »). Des dix membres de cette commission – pédagogues, scientifiques, entrepreneurs… – neuf appartiennent à des minorités ethniques. Ou, pour le dire plus crument, il n’y a qu’un seul Blanc. Outre sa composition plus qu’inclusive, cette commission, afin de mener à bien son étude, a pu profiter d’une base de données exceptionnelle compilant un nombre impressionnant de statistiques ethniques catégorisées de toutes les façons possibles. C’est dire que les analyses apportées par la Commission ne sont pas fondées sur des appréciations subjectives. 

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Après plus de six mois de travail, les conclusions du rapport sont claires. Certes, le racisme existe dans la société britannique, et la Commission recommande 24 actions concrètes pour lutter contre les préjugés. Mais le terme de racisme « institutionnel », appelé aussi « systémique », ce racisme qui empêche des groupes spécifiques entiers de progresser sur le plan socioéconomique, ne peut plus décrire le Royaume Uni au niveau national. D’ailleurs, l’acronyme « BAME », qui veut dire « Black and minority ethnic », devrait être abandonné, car les différentes minorités ethniques – noirs caribéens, noirs africains, indiens, pakistanais, chinois, roms… – ne peuvent pas être regroupées dans une seule et même catégorie puisqu’elles connaissent des sorts très divergents. Si on les compare les unes aux autres, les résultats sont très variés et les Blancs sont loin d’être systématiquement favorisés. Par exemple, en moyenne, les Britanniques indiens ont des salaires 16% au-dessus de ceux des Blancs, tandis que les Britanniques pakistanais ont des salaires 16% au-dessous de ceux des Blancs. Les Britanniques chinois sont généralement les mieux payés de tout le monde. Le taux d’exclusion scolaire des enfants noirs d’origine caribéenne est plus élevé que celui des Blancs, mais celui des Noirs d’origine africaine est au même niveau. De telles variations démentent la notion d’un racisme systémique inhérente à la culture britannique. Le rapport montre que la majorité des problèmes d’écart scolaire ou économique ne peut pas être expliquée par la discrimination raciale, les inégalités relevant surtout de facteurs géographiques, culturels, religieux ou familiaux. Par conséquent, la solution ne consiste pas tout simplement à lutter contre une telle discrimination. 

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Sans surprise, le rapport a déclenché des réactions plus qu’indignées de la part des professionnels du militantisme anti-racial. Certains sont dans le déni pur et simple, de la syndicaliste qui qualifie le rapport d’« immoral » au leader de l’opposition travailliste, Sir Keir Starmer, qui le trouve « décevant. » Lui qui, l’année dernière, s’est fait photographier dans son bureau en position agenouillée, a basé sa stratégie politique sur la réalité d’un prétendu « racisme institutionnel. » Avec la publication du rapport, le sol se dérobe sous ses pieds. D’autres s’adonnent à des hyperboles indignées, de la porte-parole travailliste sur les questions d’égalité qui accuse les rapporteurs de « glorifier la traite des esclaves » à l’activiste qui se scandalise de la publication d’un tel document à l’heure où « nous nous trouvons au milieu d’une pandémie mondiale de Covid-19 et de racisme anti-noir, d’afriphobie. » La plupart des critiques se concentrent sur la question du racisme « institutionnel » en insistant qu’il existe bel et bien pour de vrai. Sauf qu’ils n’ont pas lu le rapport – ou pas très attentivement – puisque celui-ci ne nie pas l’existence du racisme institutionnel. Selon lui, certaines institutions font preuve de racisme, mais aucune discrimination systématique ne fonctionne au niveau national et n’explique les différents écarts au niveau de l’éducation ou de l’emploi. 

C’est vrai parce que je le crois

Voilà le grand problème pour ceux qui tablent depuis longtemps sur une forme de racisme généralisée comme explication unique de tous les maux de la société. La Commission est entrée dans la complexité des choses en faisant appel à la dure réalité des statistiques, approche que même de soi-disant spécialistes n’arrivent pas à accepter. Le professeur Kalwant Bhopal, directrice du Centre sur la race et l’éducation à l’université de Birmingham, a exprimé tout simplement son refus de voir des données montrant que, aujourd’hui, les minorités ethniques s’en sortent mieux dans le système d’éducation britannique que les Blancs. La catégorie la moins favorisée sur le plan scolaire est celle des garçons blancs de milieux modestes. Une des catégories qui réussit le mieux actuellement est celle des immigrés récents d’origine africaine. Dans la revue de tendance conservatrice, The Spectator, James Tooley, président de cette même université de Birmingham, pointe le fait que les mêmes statistiques utilisées par le rapport sont citées dans le livre récent de Mme Bhopal, dont le titre prévisible, White Privilege, est tout un programme[tooltips content= »https://www.spectator.co.uk/article/when-white-privilege-doesn-t-count »](1)[/tooltips]. C’est justement ce programme et ses ressorts idéologiques qui empêchent l’auteur de tirer les conclusions qui sautent aux yeux mais qui sont en contradiction avec son récit de discrimination systémique. Dans son livre, l’éminente universitaire fait grand cas du fait qu’elle est elle-même l’enfant d’immigrés indiens, sans voir apparemment que son propre parcours qui passe par Harvard et les collèges les plus prestigieux de l’université de Londres – King’s et University – est aux antipodes du tableau sombre qu’elle ne cesse de brosser. Quand les statistiques ne vont pas dans le sens de l’argument des antiracistes, il leur suffit de les ignorer. Il incombait peut-être inévitablement à un membre du clergé d’incarner cette volonté de ne croire que ce que l’on veut croire. L’évêque de Douvres, une femme noire née en Jamaïque – encore une preuve vivante que le Royaume Uni est plus raciste que jamais – insiste que « le vécu » des gens « raconte une autre histoire que celle proposée par ce rapport. » Le ressenti subjectif doit nécessairement primer sur l’objectivité des données. Le vieil adage, « credo quia absurdum » (je crois parce que c’est absurde), sort de son domaine propre, celui de la théologie, pour entrer dans celui des sciences sociales où il nourrit les délires idéologiques.  

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Depuis la publication du rapport, les médias traditionnels se sont montrés plus favorables à ses critiques, dont l’aveuglement n’a d’égal que l’acharnement, qu’à ses auteurs. Sur les médias dits « sociaux », ceux-ci se sont fait traiter des pires insultes, se trouvant comparés à Judas ou Joseph Goebbels. La grossièreté la plus fréquente est celle de « coon », l’équivalent du mot tabou en n****, qui a la particularité d’être réservée aux Noirs considérés par les antiracistes comme des traîtres. La violence de ces invectives – qui caractérise également les insultes des vrais racistes à l’égard des militants antiracistes – est finalement moins inquiétante que le refus obstiné d’accepter les réalités mises en lumière par le rapport. On pourrait être tenté de croire que la vérité finira par triompher, mais ce serait bien hâtif. Les militants en question ont des solutions bien rodées pour relever ce type de défis. Car il est possible, en temps de pénurie, de fabriquer des racistes à la demande, afin de continuer la lutte héroïque pour renverser l’ordre patriarcal et la suprématie blanche… 

À suivre – 2e Partie : La Bande des pédagogues. Où nous découvrirons que de faux scientifiques, en faisant subir aux enfants un lavage de cerveau, les transforment en racistes démoniaques…

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Mike Adams: quand la « cancel culture » pousse au suicide

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Le concept de « cancel culture », en plein essor dans nos contrées occidentales, s’infiltre un peu partout. Accusé de vouloir gommer, effacer, dissoudre nos cultures, il arrive aussi parfois que le procédé anéantisse des réputations, des carrières, voire des vies. Le triste cas du professeur Mike Adams en est la funeste illustration. Analyse


En ancien français, le verbe canceller indique l’annulation d’une écriture juridique, soit en la croisant par des traits de plume, soit en y donnant un coup de canif. Soulignons que le nom français cancel, signifiant barreaux, partage une racine commune avec le verbe anglais to cancel, les deux étant issus du latin cancellare voulant dire rayer, effacer, annuler… En Français moderne, les occurrences traduisant ce phénomène nouveau surabondent : « culture du bannissement », « de l’annulation », ou encore « de l’ostracisation », « de la négation », « de l’anéantissement », « de l’effacement », « de la suppression », « de la dénonciation »… Selon la définition donnée par le dictionnaire encyclopédique de Cambridge, la « cancel culture » est une « façon de se comporter dans une société ou un groupe, notamment sur les médias sociaux, dans laquelle il est courant de rejeter complètement et de cesser de soutenir quelqu’un parce qu’il a dit ou fait quelque chose qui vous offense. » Excroissance métastasée du politiquement correct, la cancel culture est en l’expression poussée à l’extrême. Dans la culture de l’annulation, il est avant tout question de dénoncer, pour ensuite réclamer la censure d’une personnalité ayant tenu des propos ou agi de manière « problématique. »

Par propos ou actions « problématiques », entendez qui vont à l’encontre de la morale ultra puritaine de l’idéologie progressiste. Quand bien-même il s’agirait d’une personnalité fictive ou disparue depuis des siècles. Quand bien-même cela reviendrait à juger un passé révolu en lui appliquant une grille de lecture actuelle, inflexible et absurde!

Un phénomène en plein essor

À l’instar de la majorité des concepts progressistes sévissant en France, sans grande suprise, nous avons désormais que le concept de « cancel culture » nous arrive d’outre Atlantique. Si l’Office Québecois de la Langue Française a officiellement indexé l’expression en juin 2020, celle-ci serait apparue au début des années 90, dans New Jack City, un film américain, où Nino Brown, le personnage d’un gangster, crie: « Cancel that bitch !»

En 2010, l’occurrence est reprise par le rappeur Lil Wayne dans sa chanson I’m Single. En 2014, suite à une émission de télé-réalité, l’expression commence à se répandre dans les milieux anglophones, et des hashtags « cancel untel » fleurissent alors sur les réseaux sociaux. L’avènement du mouvement Metoo en 2017 popularise davantage l’expression. La triste mort de George Floyd, le 25 mai 2020, suivie par le mouvement Black Lives Matter, impulsent un souffle nouveau au phénomène et le propulsent au-devant de la scène médiatique mondiale. Désormais, absolument tout et n’importe quoi peut ainsi se voir accuser de racisme et d’oppression.

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Le phénomène devient exponentiel et commence alors à inquiéter. Un mois après la mort de Floyd, une lettre ouverte publiée par Harpers Magazine, et signée par 150 personnalités internationales, dont Margaret Atwood, Salman Rushdie, J.K Rowling ou encore Noam Chomsky, évoque « une atmosphère étouffante qui va finir par nuire aux causes les plus vitales de notre époque ». La missive dénonce « la radicalisation fulgurante d’un progressisme devenu fou à force d’obsessions identitaires et d’intolérance viscérale au débat contradictoire. »

Qui sont les « cancellés » ordinaires?

Le spectre des personnalités dites « problématiques » ne cesse de s’élargir. Ainsi, à l’aune de cette nouvelle éthique, le dramaturge grec Eschyle, bien qu’ayant vécu cinq siècles avant notre ère, s’est rendu coupable de crime de « black face » ! Dans le même esprit, la joviale Annie Cordy est accusée, par plusieurs associations antiracistes, de « véhiculer des stéréotypes racistes » dans sa chanson « Chaud Cacao. » Cela même alors que le nom de la chanteuse belge avait été initialement sélectionné pour rebaptiser le tunnel Léopold II, roi des Belges, dont le passé colonial était devenu « problématique .»

Pour avoir ironisé dans un tweet sur le fait qu’un site d’information remplace le terme « femme » par « personnes concernées par les menstruations », J. K. Rowling, pourtant connue pour ses idées progressistes, fut taxée de transphobie, devenant ainsi la cible d’une campagne massive de dénigrement qui s’est soldée par un boycott, y compris au sein de la maison d’édition qui la publie.

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Certains fans, très déçus, avaient même réclamé qu’elle ne soit plus l’auteur de la série Harry Potter, comme si la réalité objective était modifiable.

La science, construction sociale et expression de la domination blanche!

Et à propos de réalité objective, la culture de l’effacement ne vise pas seulement des personnalités réelles ou fictives, elle cible également des périodes historiques comme l’Antiquité, coupable d’être « historiquement impliquée dans le fascisme et le colonialisme, et qui continue d’être liée à la suprématie blanche et à la misogynie » comme l’analyse Raphaël Doan.

D’autres disciplines scientifiques, comme les mathématiques, attirent l’attention de quelques chantres de la « justice sociale ». À l’été 2020, Laurie Rubel, professeur d’enseignement des mathématiques au Brooklyn College, avait soutenu sur Twitter que l’équation mathématique 2+2=4 « pue le patriarcat suprématiste blanc ». Ce tweet fut repris et promu par plusieurs universitaires défendant l’idée selon laquelle la« vérité objective » est une construction sociale et que les mathématiques devraient être réévaluées, parce qu’elles ont été principalement développées par des hommes blancs.

La machine est désormais tellement bien rodée, la pression telle, que nul besoin de dénonciations ou de tribunal populaire, certaines entreprises et institutions ont pris les devants. La presse anglophone a très récemment révélé qu’un théâtre du Minnesota avait dû annuler une production de Cendrillon, prévue depuis des mois, en raison d’une distribution trop blanche: trop d’acteurs blancs et pas assez issus de la diversité, dans une ville qui en compte justement relativement peu.

Alors qui sont ces « cancelleurs » ?

Il serait sans doute injuste et malhonnête de réduire les adeptes de cette cancel culture à la génération snow flake, ces « flocons de neige », s’estimant uniques au monde et singuliers, si émotifs et si impressionnables. Ces êtres, dont la fragilité exaltée n’a d’égale que leur susceptibilité exacerbée, si prompts à l’indignation sélective, adeptes des safe space et d’inclusivité, ne supportent aucune contradiction, y voyant là une forme de violence.

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Ce portait caricatural n’inclut pas les professionnels de la culture et de l’enseignement, tous ceux pour qui cela est plus simple d’être dans le « camp des gentils », ou tétanisés à l’idée de perdre leurs emplois. Ce portrait ne comprend pas non plus les spécialistes des fumeuses études décoloniales, ainsi que toutes les disciplines gravitant autour.

La cancel culture tue

La pratique de l’annulation peut faire penser aux caprices d’enfants gâtés, elle agace, fait sourire, provoque de la colère ou de la moquerie, mais c’est oublier les dégâts irréversibles qu’elle peut engendrer. Le 23 juillet 2020, Mike Adams, professeur de criminologie à l’Université de Caroline du Nord, se suicide à son domicile. La dernière campagne de menace et de harcèlement dont il était la cible l’avait fortement fragilisé. Ce polémiste à l’humour provocateur, ancien athée devenu catholique conservateur, connaissait des différends avec l’université au sujet de ses prises de positions depuis 2005. L’été dernier, dans un tweet visant à interpeller le gouverneur de Caroline du Nord, il compare le confinement à l’esclavage, et emploie la célèbre formule « Let my people go. »

Il n’en fallait pas plus pour que les âmes les plus sensibles se mettent à pousser des cris d’orfraie, qu’on l’accuse de racisme, et qu’on se mobilise pour demander son éviction. L’université où il officie est inondée de messages. Celle-ci abdique et annonce que Mike Adams part en retraite anticipée, contre une indemnité de 500 000 dollars.

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Pour le « joyeux guerrier », comme ses proches le surnommaient, cette dernière bataille perdue fut celle de trop. Le pire reste sans doute le traitement médiatique réservé à l’affaire, dénué de toute compassion à l’égard du suicidé. Le journal USA Today titre: « Un professeur de Caroline du Nord qui a démissionné au milieu d’une controverse sur ses tweets « ignobles » est retrouvé mort. » BuzzFeed évoque l’affaire en ces termes: « Un professeur connu pour ses tweets racistes et misogynes a été retrouvé mort à son domicile. » Des internautes sont même allés jusqu’à se réjouir de sa mort, arguant que c’était tout ce que « ce personnage intolérant méritait. »

Tel le fameux tableau de Goya où Chronos dévore un de ses enfants, échevelé, visage déformé, les yeux exorbités et fous, la cancel culture est un ogre cannibale et insatiable. Celle-ci n’anéantit pas seulement les cultures ou les vies, elle peut aussi annihiler notre part d’humanité.

Millï Gorüs, ce sont les Wikileaks qui en parlent le mieux

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Quelques uns des télégrammes diplomatiques révélés par Julien Assange dressent un portrait accablant de cette organisation turque, dont la ville de Strasbourg veut subventionner une mosquée.


27 mars 2004. Les électeurs turcs s’apprêtent à voter aux municipales. L’AKP devrait engranger les succès, pronostique un diplomate américain en poste à Ankara. Bien vu. Le parti de Recep Tayyip Erdogan confirme à cette occasion son statut de force politique dominante en Turquie. Revenant sur les racines politiques et idéologique de l’AKP, le diplomate livre son analyse du mouvement Millî Görüs (« vision nationale » ou « vision de la communauté », en turc). Celui-ci est en quelque sorte la matrice d’où l’AKP est sorti. C’est « le creuset de l’islam politique turc », écrivait l’enseignant chercheur Jean Marcou.

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Outre-Rhin, Millî Görüs est considéré comme un « archétype d’hypocrisie »

Dans la mesure où le télégramme (référencé 04ANKARA1842_a) était classé confidentiel, le diplomate s’exprime sans fard. Fondé par l’ancien premier ministre Necmettin Erbakan, Millî Görüs est selon lui « un cas classique de loge secrète turque à deux visages ». D’un côté, elle se présente comme « le vrai chemin vers l’islam », développant une « rhétorique pleine de références nostalgiques au califat et à la tolérance supposée de l’empire ottoman », tout en « baignant dans la paranoïa et les clichés anti-américains, anti-chrétiens ou anti-alévi », avec une touche de conspirationnisme et d’antisionisme. « D’un autre côté, poursuit le diplomate, son vrai moteur est plutôt un mélange « d’opportunisme exacerbé », de « ruse orientale », et « d’intérêt matériel bien compris ». Vu de l’ambassade américaine, ses actions sont « loin des normes spirituelles et ascétiques que sa rhétorique sur la charia évoque ». En deux mots, Millî Görüs est un « archétype d’hypocrisie ».

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Un autre télégramme américain, datant du 26 juillet 2010, analyse la manière dont le ministre de l’Intérieur allemand Thomas de Maizière (à cette fonction de 2009 à 2011, puis de 2013 à 2018) a tenté de liquider le mouvement en Allemagne. Des documents internes de l’Intérieur décrivent Millî Görüs comme une organisation tenue par des « fondamentalistes prétendant agir légalement », explique la note de l’ambassade. Le problème est que le gouvernement allemand ne peut pas le prouver et doit donc agir indirectement. « Tout comme les autorités américaines ont réussi à mettre Al Capone en prison pour fraude fiscale », l’idée est de faire tomber Milli Görüs pour « malversations financières ». Rusé, mais difficile: en septembre 2010, la justice allemande a mis fin aux poursuites pour fraudes engagées deux ans plus tôt contre Milli Görüs en Allemagne. Le diplomate américain l’avait anticipé. Il jugeait « improbable » que les accusations tous azimuts (blanchiment, détournement de fonds, fraudes, travail dissimulé, etc.) lancées par le gouvernement allemand puissent être étayées. Tout en soulignant la présence de « nombreuses personnalités très douteuses au sommet » de Millî Görüs, il rappelle que les experts allemands de l’islam ne classent plus ce mouvement de masse (près de 65 000 adhérents) parmi les organisations extrémistes. Traditionalistes toujours, bigots souvent, les sympathisants allemands de Millî Görüs ne sont pas pour autant des terroristes.

Une impression de déjà vu

Dix années ont passé et la France, à son tour, est confrontée au dilemme Millî Görüs. Créée en 1995, gérant désormais plus de 70 mosquées, la branche française du mouvement n’a jamais trempé dans quelque affaire de terrorisme que ce soit. Elle regroupe une immense majorité des binationaux pacifiques. Elle gère des mosquées, voire des écoles coraniques, à Poissy-Vernouillet, Epinay, Saint-Etienne, Vénissieux, Paris, Annecy, Vierzon, Ambérieux, Villefontaine, Poissy, Lille, Grigny, etc.

Elle apparait dans une association à qui la ville de Metz a concédé un terrain de 1,2 hectare en 2013 pour y construire une grande mosquée ! De nombreuses municipalités lui ont rendu de menus services, à l’image de la ville de Sevran, qui a mis un local de 45m2 à sa disposition en 2014, gracieusement. La même année à Roubaix (juste à côté de Tourcoing, ville de Gérald Darmanin), une mosquée Eyyub Sultan initiée par la Confédération Islamique Millî Görüş France (CIMG) a été mise en chantier. La municipalité n’avait pas versé de subvention, mais dans la Voix du Nord du 30 novembre, elle se flattait d’avoir « aidé les responsables de la mosquée à présenter un projet architectural susceptible d’être validé par l’architecte des bâtiments de France ».

Puis, le 22 mars 2021, la nouvelle équipe EELV en place à la mairie de Strasbourg a acté le principe d’une subvention de 2,5 millions d’euros au projet de mosquée Eyyub Sultan portée par la CIMG. Inadmissible, a tonné Gérald Darmanin.

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La mairie et l’organisation turque ne manquent pas d’arguments pour dénoncer un revirement total. Elles ont beau jeu de rappeler que la préfecture a été tenue au courant du projet depuis 2017. De partenaire discret, Millî Görüs serait devenu infréquentable en quelques mois seulement ? Oui. Son tort est évidemment d’afficher sa proximité avec le régime d’Erdogan et son islamisme rétrograde, dans un contexte de fortes tensions avec la France. Tensions qu’a aggravées en février dernier le rejet de la « charte des principes pour l’islam de France » par Millî Görüs.

La préfecture du Bas-Rhin a annoncé le 6 avril qu’elle attaquait devant le tribunal administratif la délibération de la ville de Strasbourg qui accepte le principe de la subvention à la mosquée Eyyub Sultan. Tout comme le dossier du ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière, celui-ci semble compliqué à étayer. Le 17 décembre 2020, Millî Görüs avait obtenu une subvention de 2500€…de la préfecture d’Alsace !

La restauration de Notre-Dame de Paris: un écocide?


Une pétition rassemble 40 000 signataires contre l’utilisation de chênes pour la charpente de Notre-Dame de Paris


L’abattage des chênes nécessaires à la nouvelle charpente de Notre-Dame a débuté. Une pétition a aussitôt été lancée pour s’y opposer. Plus de 40 000 signataires à ce jour y voient un « écocide ». Certes, il aurait été préférable d’utiliser d’autres matériaux pour éviter de futurs incendies. La charte de Venise l’aurait permis, l’important étant la fidélité artistique.

Cependant, parler d’écocide est tout simplement une grossière ânerie : s’il est un argument en faveur d’une charpente en bois, c’est justement l’écologie.

En effet, on peut imaginer que les signataires, de sensibilité écologique, sont les premiers à vouloir contenir la progression du taux de CO2 dans l’atmosphère. Or quelle est la façon principale de retirer du CO2 de l’air, la seule en pratique ? C’est la photosynthèse. Les végétaux absorbent du CO2, le débarrassent de l’oxygène (réduction) et en font de la matière organique. Une population végétale en croissance est donc une sorte de pompe à carbone. Le problème est que dès que l’équilibre est atteint, il n’y a plus de formation de matière organique supplémentaire et il se produit donc un arrêt de l’absorption nette de CO2. Aucune forêt en équilibre, pas même la forêt amazonienne, n’absorbe de CO2. Si on coupe des chênes pour la cathédrale ou pour n’importe quel autre usage dans le bâtiment ou l’ameublement, on séquestre du carbone. Dans le même temps, d’autres arbres ou d’autres végétaux vont recommencer, au même endroit, à pomper du carbone. En résumé, les écolos devraient applaudir. Autre question : manque-t-on de forêts en France ? Non, on en a trop (chose peu connue en ville) ! La forêt ne cesse de progresser depuis des décennies, asphyxiant le milieu rural et préparant des catastrophes (incendies géants, épizooties massives, etc.). Les chênes en question sont-ils « naturels » ? Non plus ! Du semis à l’abattage, ils ont été suivis, éclaircis et entretenus pour produire, non des formations branchues peu utilisables, mais de hauts fûts réguliers. Cela s’appelle la sylviculture.

L’homosexualité en Afrique: encore un produit du colonialisme

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Pour beaucoup de progressistes occidentaux, tous les maux de l’Afrique sont le résultat du colonialisme. Et en même temps, ils s’alarment du peu de tolérance rencontrée par les homosexuels en Afrique. Paradoxe: pour beaucoup de leaders africains, l’homosexualité est bien un mal. Un mal qui aurait été importé par les colons blancs…


En Afrique, il n’est pas toujours facile d’être homosexuel. Souhaitant offrir un « espace sûr et protégé », une association ghanéenne de défense des homosexuel(le)s ne s’attendait certainement pas à provoquer un tel tollé dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. En ouvrant un centre dans la banlieue d’Accra, le 31 janvier, la LGBT Rights Ghana a généré une vague d’homophobie sans précédent dans cette ex-colonie britannique, jusqu’au plus haut sommet de l’État et parmi l’épiscopat local. Lorsque la Conférence des évêques catholiques du Ghana a appris l’existence de ce refuge pour gays, bis et transsexuels, elle s’est empressée de rédiger un courrier afin de « condamner tous ceux qui soutiennent la pratique abominable de l’homosexualité (…) » et exiger du gouvernement que le local soit immédiatement fermé.

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Un vice importé par les Européens?

C’est donc manu militari que les membres de l’association ont été expulsés du bâtiment, pourchassés par les habitants du quartier. « Nous communiquons sur nos activités depuis longtemps, mais cela n’est jamais devenu une question d’intérêt national et encore moins à une si grande échelle » a déploré le directeur des communications de LGBT Rights Ghana Abdul-Wadud Mohammed. Être un africain gay est un sujet encore tabou et, pour beaucoup, un vice importé par les Européens lors de la colonisation.

Trente-deux des 63 pays qui constellent le continent originel de l’homme ont d’ailleurs introduit des lois pénales contre ce qu’ils considèrent comme une dérive sexuelle.

« Les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie » se défendait, encore récemment et devant des journalistes, le président sénégalais, Macky Sall, dont le pays punit d’un à cinq ans d’emprisonnement les actes homosexuels. D’autres se contentent de suivre la Sharia comme au Nigeria ou en Somalie, appliquant simplement la peine de mort pour les « crimes de sodomie. » Certains dirigeants ne cachent pas leur homophobie tel le président ougandais, Yoweri Museveni, qui a affirmé publiquement que « les Blancs venaient satisfaire leurs besoins en Afrique alors que les relations homosexuelles sont contre la volonté de Dieu ».

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L’ancien président putschiste de Gambie, Yahya Jammeh, évoquait, quant à lui, une « sexualité diabolique et inhumaine » à l’origine de toutes les maladies sexuellement transmissibles (dans le même temps, il affirmait avoir le pouvoir de guérir du Sida avec une concoction de son cru) et que son pays « lutterait contre ces vermines gays de la même manière qu’il combat les moustiques responsables du paludisme, sinon plus agressivement ». Pas mieux du côté du Zimbabwe où le défunt président Mugabe a utilisé les lois anti-sodomie pour se débarrasser de ses adversaires et n’avait pas hésité à marteler à la tribune de l’ONU en 2015, face à une assistance médusée, que « l’Afrique ne voulait pas de gays sur son sol » car l’homme noir se devait de « perpétuer sa race avec des femmes. » Au Cameroun, on a même publié les noms de 50 personnalités locales soupçonnées d’être des homosexuels. Dans le cas du Ghana, c’est 87% de la population qui rejette ce type de sexualité, dont le président de la république, Nana Akufo-Addo, qui a confirmé qu’il ne dépénaliserait pas l’homosexualité, une loi qui date de 1860. Dans la foulée, un ministre de son gouvernement a fait du zèle en proposant une législation plus stricte pour sanctionner ceux qui prônent et promeuvent les activités LGBT dans cette partie de l’Afrique, pourtant plus ouverte que l’Est ou le Nord du continent.

Mais qu’en est-il des réalités?

Loin d’avoir été importée par les « babtous », les Blancs, l’homosexualité existe évidemment depuis longtemps en Afrique, et remonte même à l’Antiquité sous les règnes des pharaons.

Ainsi chez les Quimbandas d’Angola tout comme les Wawihé, on pratique la sodomie à un tel point que les colons portugais avaient dû légiférer afin d’interdire « ce vice contre nature », en dépit de la coutume. Du temps du royaume du Dahomey (Bénin), les eunuques étaient considérés comme des « épouses royales », avec des pouvoirs importants et avec lesquels on jouait sexuellement. Le roi Mangwa II du Bouganda fut lui-même un homosexuel reconnu, avec un harem de jeunes hommes, au grand dam de l’Église dont il martyrisa les prélats qui avaient tenté de l’empêcher de s’adonner à ses plaisirs masculins. Et que dire des Ovambos namibiens à l’homosexualité proverbiale ou chez d’autres tribus comme les Kivaï de Zambie, où cela relève du rite initiatique afin de rendre les « jeunes hommes plus vigoureux » ? Seul pays où les droits des homosexuels sont pleinement reconnus, l’Afrique du Sud, qui fait figure de pionnier. Cette situation jette un froid parmi nos bien-pensants actuels d’Occident, qui veulent que l’Afrique soit un continent de victimes.

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Indignés par les récents événements en Gold Coast (ancien nom du Ghana), l’acteur Idris Elba, la mannequin Naomi Campbell ou encore le designer Virgil Abloh ont signé une lettre ouverte de soutien aux homosexuels africains, dans le but d’attirer l’attention. Ils y expriment leur « profonde inquiétude ». Une mauvaise publicité dont se serait bien passé le Ghana qui tente de persuader la diaspora africaine de venir s’installer dans le pays, vantant un « havre de paix, de tolérance et de démocratie », accessible à tous. À condition que vous soyez un hétérosexuel viril et doté d’une africanité libérée de toutes traces de « maux européens »…

Fin de vie, avortement: la crainte de la surenchère…


J’ai peur des avancées qui sont des reculs!


Avant d’aborder, je l’espère avec délicatesse, le fond de mon billet concernant la proposition de loi d’Olivier Falorni sur « le droit à une fin de vie libre et choisie » et la tribune de 343 femmes exigeant que le droit à l’avortement dépasse les douze semaines légales pour aller à quatorze, je voudrais rappeler d’où j’écris, ce qui impose un honnête préambule. Je n’ai jamais considéré, d’abord, que le fil du temps était naturellement et nécessairement progressiste. Il n’y a aucune fatalité dans le changement, mais on a le droit de le choisir lucidement.

On constate une manie française de s’appuyer sur ce qui a été légitimement obtenu pour pousser le bouleversement plus loin

Ensuite, pour être en désaccord avec telle ou telle orientation se qualifiant de progressiste, je ne serai jamais péremptoire sur ces matières humaines et personnelles infiniment sensibles. Je ne tournerai pas en dérision, comme il a pu m’arriver de le faire, ces pétitions d’artistes ou exclusivement de femmes, comme en l’occurrence, aspirant à une autorité indiscutable parce qu’elles sont femmes et connues ; ou mêlant à leur concert une Assa Traoré ayant vanté la polygamie en France.

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Enfin, dès lors qu’on adopte cette ligne de conduite précautionneuse, il me semble qu’on n’est pas illégitime à se mêler d’un débat n’ayant pas vocation à être exclusivement féminin. Pourquoi, alors, suis-je réservé à l’égard de cette volonté de maximalisme sur des sujets très douloureux dont on pourrait souhaiter que le consensus fragile les concernant ne soit pas battu en brèche par une surenchère préjudiciable? Précisément à cause de cette manie française de s’appuyer sur ce qui a été légitimement obtenu pour pousser le bouleversement plus loin. Comme s’il ne suffisait pas d’avoir combattu une fois, mais qu’il fallait forcément renouveler l’exercice.

Évolution des lois bioéthiques

La loi Veil avait fixé le délai pour pouvoir avorter à 12 semaines et en 2001 l’Assemblée nationale avait solennellement consacré le caractère intouchable de ce droit. Est-il vraiment opportun et urgent de rouvrir une problématique pour deux semaines de plus sans que nous soyons assurés des effets de cette prolongation? De la même manière, pour la fin de vie, la loi Claeys-Leonetti (alliance de la droite et de la gauche) avait permis une évolution et à la fois posé des limites. Dans ces conditions, la proposition de loi d’Olivier Falorni, qui sera débattue en séance publique le 8 avril – avec la bagatelle de 3 000 amendements dont 2 300 déposés par le groupe LR, ce qui devrait exclure une discussion sur une seule journée – ne devra pas être traitée comme si elle était scandaleuse en elle-même mais avec intelligence et sensibilité. Pas davantage avec une arrogance qui jugerait l’opposition à cette proposition comme passéiste et indigne! J’admets que sur la fin de vie 272 députés veuillent « débattre et voter », qu’un député LREM nous enjoigne: il faut humaniser l’agonie mais qu’un autre du même groupe réplique: appliquons d’abord la loi ! Cette dernière position rejoint celle du professeur Juvin, qui considère qu’il y a encore trop de femmes qui ne bénéficient pas de la loi Veil faute de moyens et que l’urgence se trouve plutôt dans la pleine effectivité de celle-ci. Si j’écarte de la discussion l’intuition intime qui m’incite toujours, par une manière de lâcheté respectueuse de la nature, à laisser faire le cours de ce qu’elle décrète pour la fin de vie, je peux cependant discuter un argument souvent utilisé et exprimer une crainte de plus en plus d’actualité.

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Argument souvent utilisé: tout serait permis puisqu’on aurait une absolue liberté sur soi et sur son corps. Il me semble que cette disposition, derrière son humanisme apparent, est contredite par un certain nombre d’exemples. Poussée à bout, elle légitimerait tout ce que la folie, le délire ou l’irresponsabilité seraient capables d’inventer au prétexte qu’il s’agirait d’une autarcie impérieuse et que le scandale serait d’oser la réduire. Il y a des libertés qui sont choquantes et dangereuses pour la société, même quand elles feignent de se donner l’élégance d’une bienveillance totale concédée à chacun.

Repousser le délai pour avorter n’est pas sans risque

Crainte: faire passer au-delà de 12 semaines le droit d’avorter serait un signal très périlleux, de même paradoxalement que cette mort qui serait « libre et choisie », au regard de l’évolution de notre société où de plus en plus on blesse et on tue comme on respire. Il est illusoire de croire qu’une cloison étanche existera toujours et par principe entre nos indépendances, même validés par le Parlement, et l’humus délétère d’un monde qui risque d’être gangrené par toute complaisance à l’égard de la disparition de soi ou de ce qu’on porte au-delà des douze semaines validées, et dans quelle tension et avec quel courage par la ministre d’alors!

Qu’on me comprenne bien. Ce n’est pas parce que j’ai peur d’avancées qui pour moi seraient des reculs que j’ai forcément raison. J’ai droit à la parole comme tant d’autres mais qu’on accepte au moins d’appréhender ces infinies, douloureuses et tragiques complexités avec un esprit et une main tremblants.

Rwanda: partiel et partial, le rapport Duclert

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Emmanuel Macron avec Vincent Duclert, pour la remise du rapport sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis, Palais de l'Elysee, mars 2021 © Eric TSCHAEN-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01011790_000008

Après deux années d’analyses d’archives, le rapport de Vincent Duclert estime que la France porte des «responsabilités lourdes et accablantes» dans la tragédie de 1994. Une tribune libre de Jacques Hogard, ancien militaire et fondateur de l’association France-Turquoise, dont la raison d’être est la défense de la vérité sur l’action de la France au Rwanda à la suite des allégations concernant cette dernière.


Le rapport « Duclert », commandé par le président de la République pour tenter de faire la lumière sur la responsabilité supposée de la France dans le génocide rwandais de 1994, fait couler beaucoup d’encre depuis sa remise le 26 mars à Emmanuel Macron par le Pr Vincent Duclert, patron de la commission de 14 historiens réunis depuis deux ans à cette occasion. Ce rapport très fouillé et très volumineux est paradoxalement partiel, et partial.

Très sévère pour la France – qu’il exonère toutefois de « complicité de génocide » -, ce rapport accable le pouvoir en place à l’époque en soulignant ce qui selon lui caractérise sa politique: un « aveuglement continu » dans le soutien au « régime raciste, corrompu et violent » alors au pouvoir au Rwanda, une « lecture ethniciste alignée sur celle du pouvoir rwandais de l’époque héritée d’un schéma colonial ».

Nonobstant les prises de position, dans l’ensemble très favorables, à l’encontre de ce rapport de 1 000 pages, j’ai quant à moi une position dissonante: pour moi, en effet, ce rapport très fouillé et très volumineux est paradoxalement partiel, et partial.

Un manque d’histoire longue

Partiel, car il ne se penche sur les relations franco-rwandaises et sur l’histoire du Rwanda que pour la période de 1990 à 1994.

Partiel parce qu’il marginalise l’importance du contexte historique du début des années 1990: fin de la guerre froide et du monde bipolaire où les rapports de force sont redistribués. Pendant la guerre froide, la France était « le gendarme de l’Afrique » et nos alliés américains la soutenaient alors. La donne a par la suite subitement changé.

Et puis on ne peut faire abstraction de l’histoire contemporaine du Rwanda « moderne », de la chute de la monarchie, de l’avènement de la république en même temps que de l’indépendance (1959/61). De même pour ce qui concerne les relations franco-rwandaises qui se formalisent à partir de 1975 au travers de la signature des accords de coopération signés au nom de la France par Valéry Giscard d’Estaing. De même pour la période dramatique qui s’ouvre fin 1994 et qui dure encore, impliquant toute la région des Grands Lacs. Il me semble que l’on ne peut rien comprendre au génocide des Tutsis de 1994 si l’on occulte tout ce contexte et en particulier:
– les massacres des Tutsis par les Hutus en 1959/60,
– le génocide des Hutus du Burundi par les Tutsis en 1976,
– les massacres des Hutus par les Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) entre 1990 et 1994 qui provoquent l’afflux d’un million de réfugiés devant Kigali durant cette période (des « gueux » qui seront massacrés par la suite par le FPR dans leur fuite éperdue vers et à travers le Zaïre (1995/96/97…). Ces massacres durent encore.

Tout ceci figure dans le Rapport Mapping de l’ONU (du moins dans sa version d’origine, non édulcorée), gardé en réalité sous le coude pour ne pas offenser Kagamé. Partiel aussi, car il n’évoque pratiquement pas les graves responsabilités de l’ONU, des Etats-Unis et autres puissances impliquées (Grande-Bretagne, Israël…). Et pourtant ! Il y aurait tant à dire.

Tandis que là, cette présentation partielle focalise sur la France seule. Qui a peut-être commis des erreurs d’appréciation. Mais pas au point d’être ainsi accablée face à l’opinion publique mondiale, et notamment face au Rwanda de Kagamé, très largement responsable de la situation dramatique des Grands Lacs depuis 25 ans. Alors que la France est la seule puissance à avoir tenté quelque chose pour enrayer ce processus sanglant. Il n’y a qu’à en parler avec le Pr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix. Privilège qui m’a été donné une fois et que je n’oublierai pas, tant la lucidité, le courage et la haute stature morale de cet homme m’ont impressionné.

Le rapport Duclert est partial, car nonobstant l’abandon du chef de « complicité de génocide », ce qui me parait le minimum, ce rapport accable la France à travers son président de l’époque et certaines de ses personnalités politiques et militaires, soulignant en termes très durs leur cécité, leur aveuglement idéologique (complexe de Fachoda !) face à un régime raciste, totalitaire et in fine génocidaire. Tout n’est pas faux peut-être dans cette vision. Mais elle est aisée après coup quand tout s’éclaire avec le recul du temps.

Et puis surtout, cela procède – comme pour l’Algérie avec le rapport Stora – d’un esprit de repentance aussi obstiné que contre-productif, qui, je dois le dire, ne me fait pas vibrer. C’est la France qui est ainsi humiliée à la face du monde. Depuis quelques jours, beaucoup d’amis africains me demandent quelle mouche a piqué Macron pour s’auto-flageller ainsi ? « Vous êtes vraiment masos, vous les Français ! » me disent un certain nombre de mes correspondants ! Ils n’ont pas tort. Le pire est ce faisant que la France s’humilie devant un régime totalitaire et ethniciste auprès duquel son prédécesseur fait figure d’ « enfant de Marie ». Il faut s’attendre en conséquence à ce qu’un nouveau rapport, dans 20 ou 25 ans au plus tard (cela risque de venir beaucoup plus tôt), fustige à son tour en termes plus sévères encore la cécité, l’aveuglement coupables de ceux qui auront ainsi cherché à plaire et complaire au début des années 2020 au calamiteux régime totalitaire du général-président Kagamé !

Le rapport Duclert est partial, car il ne fait guère preuve de rigueur historique en laissant entendre, par exemple, que l’attentat du 6 avril 1994 a été commis par les extrémistes hutus, thèse à laquelle les gens sérieux ne croient pas, pas même les magistrats français qui ont conclu à un très diplomatique non-lieu, tout en écrivant que tout converge quand même pour imputer au FPR cet événement déclencheur du génocide ! … Et d’ailleurs, c’est intéressant de noter qu’aussitôt que sont évoqués l’attentat et ses responsables, le rapport Duclert dit alors que « de toute façon, ça n’a pas d’importance, le génocide aurait quand même eu lieu, avec ou sans attentat »!! Ce n’est évidemment ni l’avis de Carla Del Ponte l’ancienne procureure du TPIR, ni celui d’historiens ou de chercheurs éminents, mais politiquement incorrects c’est vrai, tels Lugan, Onana ou autres ! Et il y a bien d’autres exemples du même bois.

Un manquement méthodologique

On peut aussi regretter la méthode : si un doctorant avait réalisé sa thèse sur le sujet, son directeur de thèse l’aurait obligé à multiplier les…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<

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Éric Zemmour: « Quand la France était grande »

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Eric Zemmour ©JOEL SAGET/AFP

Admirateur de l’Empereur depuis l’enfance, Éric Zemmour voit dans son épopée la dernière chance pour la France de redevenir une puissance mondiale de premier rang. Depuis, elle a perdu sa vocation et son destin. Alors que les élites ont saccagé l’héritage napoléonien, nous ne pouvons avoir qu’un projet défensif : refaire des Français par l’assimilation.


Causeur. Dans les pages autobiographiques de Destin français vous racontez comment, très jeune, vous avez préféré une biographie de Napoléon aux BD et autres lectures des gamins de l’époque. Pourquoi étiez-vous séduit ?

Éric Zemmour. Difficile de se souvenir après tant d’années… Enfant, j’aimais les héros de Dumas, les trois mousquetaires, Monte-Cristo, les personnages de Balzac comme Lucien de Rubempré… Je me suis plongé dans le roman historique et l’histoire romancée. Ma mère m’a offert pour mes 11 ans, le Napoléon d’André Castelot. Je l’ai gardé depuis avec sa belle couverture verte. Pour moi, Napoléon était aux frontières de la fiction et de la réalité, c’était le personnage le plus extraordinaire de notre histoire, le héros par excellence, le mètre étalon de tous les autres héros, ceux qui sont venus après lui mais – ce qui est encore plus extraordinaire – également ceux qui l’ont précédé. Au-delà du personnage et de son épopée, le premier Empire est le moment où la France a été la plus grande dans l’histoire. Jeune, j’étais déjà fasciné à la fois par le petit Corse qui devient empereur et par le moment, celui où la France est au sommet. Pour moi, Napoléon est un empereur romain. J’aurais aimé vivre à cette époque, je ne rêvais pas de pays étrangers et de contrées exotiques, ni d’espace et de science-fiction futuriste, mais de voyager dans le temps.

Y a-t-il eu d’autres moments napoléoniens dans votre vie ?

Depuis ces premiers émois napoléoniens, je ne l’ai plus quitté. Je n’ai pas cessé d’approfondir ma connaissance de ce personnage. Je lis encore régulièrement des livres, des biographies de ses contemporains – notamment de Talleyrand, de Fouché et des maréchaux –, des ouvrages sur les batailles. Je relis régulièrement les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, car le livre allie l’élégance du style et le récit de nos grandeurs. Avec le xviie siècle, pour la grandeur littéraire, artistique, Molière, Racine, Versailles, qui constituent la quintessence de la France, le premier Empire est mon moment français préféré. C’est celui où les Français sont vraiment sur le toit du monde. D’ailleurs, Stendhal dit en substance que les Français étaient alors fiers d’eux-mêmes, se sentaient supérieurs au reste de l’humanité, comme les Espagnols au temps de Charles Quint ou les Romains au temps de l’Empire romain. Je souffre beaucoup du déclin, qui a commencé après 1815.

Qui sont pour vous les meilleurs – militaires, ministres, hauts fonctionnaires – dans les équipes mises en place par Napoléon ?

Davout est mon préféré. Il n’a jamais perdu une bataille. S’il avait été présent à Waterloo… Talleyrand est le pire, le vrai traître.

Napoléon veut que la France reste une puissance globale capable de tenir tête à l’Angleterre

Selon vous, nous sommes sur le déclin depuis 1815. Diriez-vous que nous avons atteint le nadir ?

L’échec de la guerre de Sept Ans (1756-1763) est une véritable catastrophe qui en réalité explique la suite : nous avons perdu l’Amérique, nous avons laissé le monde nous échapper. Cela explique les guerres de la Révolution et de l’Empire. Les Français tentent de prendre leur revanche sur les Anglais pour l’hégémonie mondiale.

On fait de Napoléon un belliqueux alors qu’il ne fait qu’essayer de corriger la défaite subie par Louis XV en 1763 et de rattraper le coup terrible porté à la France par l’Angleterre. Celle-ci nous a déclaré une guerre pour l’hégémonie mondiale, à la fin du règne de Louis XIV, une seconde guerre de cent ans, de 1680 à 1815. Les guerres napoléoniennes ne sont qu’un épisode de ce conflit séculaire. En 1815, nous étions si puissants que l’Europe entière devait se mobiliser pour nous battre. Moins de soixante ans plus tard, en 1870, un pays tout seul, la Prusse, nous bat à plate couture en quelques mois. Encore sept décennies et en 1940, on se fait écraser par les Allemands en trois semaines. Huit décennies sont encore passées et aujourd’hui nous ne pouvons maîtriser ni notre population ni nos frontières et notre pays subit une islamisation d’une partie de notre territoire. Et en plus, nous nous sommes piégés dans un système européen dirigé par l’Allemagne.

Eric Zemmour ©Soleil
Eric Zemmour © Soleil

Pourquoi situez-vous le point de départ de ce déclin en 1815 et non en 1808, le moment où l’Empire français est à son apogée ? Après trois ans de retraite quasi ininterrompue, Napoléon laisse après Waterloo un territoire plus petit que celui dont il a pris le contrôle fin 1799…

C’est l’argument de Bainville, mais malgré cette illustre origine intellectuelle, il est fallacieux, car l’important n’est pas là. Le problème de fond – et c’est le seul point de désaccord que j’ai avec Bainville –, c’est qu’au départ, à la fin du xviiie siècle, la France est un mastodonte, elle est surnommée la Chine de l’Europe ! En 1789, la France compte 28 millions d’habitants, c’est-à-dire autant que la Russie. La Grande-Bretagne : 8 millions.

Sauf que l’Europe se transforme à grande allure : déploiement de l’empire anglais, accès de la Russie aux mers chaudes, arrivée timide de l’Amérique dans le jeu, partage de la Pologne, sans oublier la Prusse qui commence à grossir. Le résultat, c’est que la France de Louis XV n’est plus le seul géant. Napoléon veut qu’elle redevienne un géant et donc qu’elle prenne l’Italie du Nord, la Belgique, les Pays-Bas et la rive gauche du Rhin. Autrement dit qu’elle conserve ce qu’on appelle aujourd’hui la taille critique d’une puissance globale capable de tenir tête à l’Angleterre et son empire maritime. Il veut aussi concurrencer l’Angleterre sur les mers, dans le monde entier. D’où le si critiqué rétablissement de l’esclavage à Saint-Domingue. Dans Le Grand Échiquier, Zbigniew Brzezinski, le conseiller de la sécurité nationale de Jimmy Carter, livre une analyse historique très intéressante : si la France de Napoléon avait gagné, la France serait une puissance globale de notre époque. À la sienne, Napoléon est le seul à l’avoir compris. Même Talleyrand, pourtant très intelligent et bien informé ne l’a pas vu. Et c’est seulement un siècle plus tard, après la Première Guerre mondiale, que Paul Valéry le comprend à son tour. Aujourd’hui, tout le monde le sait : la France n’est plus un géant à l’échelle du monde.

Chateaubriand, avec son admiration réservée pour Napoléon, constate que les guerres d’Ancien Régime changeaient les frontières de l’Europe au prix de quelques milliers de morts, souvent mercenaires. Les guerres napoléoniennes ont coûté 3 millions de vies pour les mêmes résultats. Ces millions de morts, militaires et civils, n’expliquent-ils pas que la dynamique démographique française se soit cassée entre 1789 et 1815 ?

Pas 3 millions de morts français, loin de là. Et je répète que ce n’est pas Napoléon qui déclare la guerre. Il aura quand même sept coalitions contre lui. Quant à la chute démographique, elle commence à la fin du xviiie siècle, et la déchristianisation en est, je pense, la raison fondamentale.

Parlons de notre rapport à Napoléon. Alors que le bicentenaire de sa naissance (1969) et le 150e anniversaire de sa mort (1971) ont été célébrés avec faste, aujourd’hui, on sent bien qu’il gêne. En 2004, on fête le bicentenaire du Code, mais un an plus tard, on passe totalement sous silence les deux cents ans de la victoire d’Austerlitz. Et il y a quelques semaines, Jean-Louis Debré déclarait : « Sur Napoléon, n’en faisons pas trop, car cela risque d’être perçu comme une provocation. » Alors, Napoléon, pourquoi tant de haine ?

Tout simplement parce qu’il incarne la quintessence de tout ce que notre époque déteste et veut abattre : un homme d’abord, un combattant ensuite et enfin la puissance de la France. Et pour l’abattre, il faut détruire tout ce qu’il avait fait. Tout ce qui a trait au Code civil, au mariage est systématiquement démantelé aujourd’hui avec le mariage homosexuel ; on a également supprimé tout ce qui concernait la nationalité, notamment la loi sur les prénoms ; son organisation administrative (État-département-commune) a été complexifiée avec le millefeuille territorial au point de perdre toute son efficacité. Et n’oublions pas la justice administrative avec le Conseil d’État qui, initialement chargé de protéger l’État, considère aujourd’hui qu’il doit protéger l’individu contre l’État. La liste est longue… Tout l’héritage napoléonien a été saccagé parce que notre époque ne veut plus de sa vision de la France comme organisation hiérarchique autour de son État. On veut la société des individus autonomes, pas l’unité et la grandeur de la France. L’État ne doit plus surplomber la société, il doit être son objet soumis, le serviteur des individus et de leurs caprices. Et ne parlons pas des idées de puissance, d’autorité et de domination, qui sont presque criminalisées. Napoléon, leur incarnation pure et unique, est donc l’icône à abattre.

À lire aussi: Quand Zemmour accuse l’État d’«anarcho-tyrannie»

À l’approche du bicentenaire de sa mort, la résistance au souvenir napoléonien vient surtout des associations et militants décoloniaux qui voient en lui l’homme du rétablissement de l’esclavage. Comment analysez-vous cette décision ?

Je crois avoir répondu : ces associations, au fond, détestent la France.

Pourquoi cette haine n’est-elle pas dirigée contre Louis XIV qui est l’initiateur du Code noir ?

Vous savez, Louis XIV n’est pas non plus particulièrement apprécié, il suffit de voir la chasse aux statues de Colbert… Au demeurant, Napoléon admire Louis XIV. Napoléon est simplement le Français le plus admiré à l’étranger, y compris par ses ennemis et adversaires. Qu’on lui rende hommage dans l’hymne national polonais, c’est compréhensible. Mais – c’est le grand paradoxe de cet homme d’exception ainsi qu’un indice de plus de son statut unique – qu’on l’admire en Russie, en Angleterre, en Allemagne et même en Chine, c’est tout de même extraordinaire ! Les Coréens se battent à coups de millions de dollars pour acheter ses bicornes aux enchères. Partout dans le monde on lui voue un véritable culte, sans parler des militaires, tous éduqués depuis deux siècles à la lumière de son génie.

Quelle est sa réalisation la plus importante et la plus durable ? Que reste-t-il de Napoléon aujourd’hui ?

Paul Valéry parlait des « édifices qui ne sont pas solides mais qui sont éternels ». Pour moi, les plus importantes réalisations de Napoléon sont ses victoires militaires. Paradoxalement – et Valéry l’avait parfaitement compris –, elles sont aussi les plus durables. Tout le monde pense au Code civil, mais pas moi. Souvent, les gens disent aimer Bonaparte davantage que Napoléon. Pour moi, c’est le contraire. Je préfère Napoléon à Bonaparte, pour le grand Empire de 1810. C’est cela qui aujourd’hui fascine et fait rêver les Chinois et les Russes. Il a laissé aussi un mode de direction du pays : un pouvoir centralisé, rapide, efficace. Bref, le bonapartisme.

Quelle est la possibilité d’un Empire aujourd’hui ? Est-ce qu’un État puissant et conquérant représente une option réelle pour la France du xxie siècle ?

Non. Nous avons perdu définitivement et depuis longtemps cette bataille-là. La dernière chance, c’était la stratégie gaullienne. L’Europe des Six, c’est la France de Napoléon. De Gaulle dit à Peyrefitte : « À six, on est capable de faire aussi bien que les USA et l’URSS, et comme la France va diriger les Six, on retrouvera notre Europe qu’on a perdue en 1815. » Je vous signale que de Gaulle dit bien « 1815 » et non pas « 1763 » ou « 1812 ». La stratégie gaullienne échoue très vite, car les Allemands refusent la tutelle française, lui préférant celle des États-Unis d’Amérique. Ce choix rend furieux le général et explique sa politique étrangère maurassienne ensuite (sortie de l’OTAN, discours de Mexico, « Vive le Québec libre ! », le discours de Phnom Penh). Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ceux qui dirigent la France croient retrouver la stratégie gaullienne du levier d’Archimède tandis qu’en réalité ils se soumettent à l’Allemagne. Avec l’Europe des Vingt-Sept, on est sorti de l’Europe napoléonienne pour entrer dans l’Europe du Saint-Empire romain germanique, que Napoléon a détruite en 1806 à Iéna.

Si la France n’a plus de rêve impérial, qu’en reste-t-il ?

C’est tout le problème. Il y a dix ans, j’ai écrit Mélancolie française pour expliquer que le projet secret, le destin de la France, était de refaire l’Empire romain, que Napoléon l’avait assumé, et qu’à partir du moment où ce rêve d’empire n’existe plus, la France se délite. Le problème français, c’est de retrouver un objectif, un destin, une vocation. Les élites françaises, imprégnées d’européisme, pensent qu’elles vont rétablir leur hégémonie sur l’Europe à travers l’UE. Et tant pis si, pour qu’elles se maintiennent, il faut sacrifier la France.

La Ve République est faite pour gouverner l’Europe et pas seulement la France

Franchement, vous nous voyez avec un empereur ?

Mais la Ve République, c’est ça ! Peter Sloterdijk dit très justement que la Ve République, c’est l’élection du président de la République au suffrage universel plus la bombe atomique. C’est, dit-il, l’équivalent de la Grande Armée de Napoléon et du sacre de Notre-Dame. Je trouve cette observation magnifique, et c’est pour cela que l’Europe nous pose un problème : la Ve République est faite pour gouverner l’Europe et pas seulement la France. C’est pour cela aussi que les institutions françaises sont autant détestées par les européistes, parce qu’elles placent le président de la République, élu directement au suffrage universel, au-dessus du chancelier allemand, et qu’il détient l’arme atomique – caractéristiques du président américain. Et ça fabrique de la légitimité. Si la France est écoutée encore en Europe, c’est grâce à cette légitimité-là. Je suis toujours frappé par l’aura du président de la République française en Europe six mois après son élection. Après, cela s’effiloche très vite, parce que la mécanique européenne est faite de telle manière qu’elle détruit la puissance française en la soumettant à des négociations sans fin et au droit européen. C’est tout simplement incompatible avec l’esprit et les institutions de la Ve République.

Rencontre entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle à Cologne (Allemagne), septembre 1962. "L'Europe des Six voulue par de Gaulle, c'est la France de Napoléon." ©DPA/Picture Alliance/Leemage
Rencontre entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle à Cologne (Allemagne), septembre 1962. « L’Europe des Six voulue par de Gaulle, c’est la France de Napoléon. » ©DPA/Picture Alliance/Leemage

On peut vous objecter que, bien avant le quinquennat, la Ve République n’arrivait plus à fabriquer de la légitimité même à l’intérieur du système politique français, à cause de son manque de représentativité du corps électoral.

Je ne trouve pas. Certes, il y avait des dérèglements avec la cohabitation, parce que le président Mitterrand n’a pas respecté l’esprit de la Ve République ; il aurait dû démissionner et refaire une campagne présidentielle. Mais c’est le quinquennat qui a vraiment abîmé, dénaturé même, la Ve République, permettant en conséquence le développement du droit européen. Il ne doit pas y avoir de droit au-dessus de celui du président de la République car, comme disait de Gaulle, « la cour suprême en France, c’est le peuple ». Et maintenant, tout cela est fini : la cour suprême en France, ce sont tout à la fois le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la CJUE et la CEDH. Résultat, il n’y a plus de pouvoir réel et les présidents sont élus sur des projets auxquels ils renoncent au bout de six mois ou un an à cause des contraintes européennes et mondiales.

 Si la réforme des retraites poussée par Macron a échoué, ce n’est pas à cause du droit européen.

Vous avez raison, mais si on a démantelé EDF, c’est à cause de l’UE. L’absence de légitimité du pouvoir français a pour cause l’Europe et la décentralisation.

Autrement dit, pour poursuivre votre logique, l’abandon de l’héritage napoléonien.

Exactement ! Son abandon et sa destruction.

À lire aussi: Exposition pour le bicentenaire de la disparition de Napoléon: aura-t-elle lieu?

De Gaulle et Napoléon sont issus de l’armée. La marginalisation de l’armée française a-t-elle abîmé notre génie particulier ?

Peut-être. Cependant, notre armée n’est pas marginale : nous sommes le dernier pays d’Europe à utiliser son armée pour des expéditions à l’étranger. C’est la spécificité française. L’aura, certes éphémère, du général de Villiers en témoigne. Il y a une nostalgie. Je continue de penser que c’est notre atout majeur.

Quel projet peut donc avoir la France à partir de votre conception de son histoire et de son génie particulier ?

Notre principal problème aujourd’hui est la désagrégation du pays et la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. En conséquence, tout projet pour la France doit d’abord être défensif : il s’agit de refaire des Français et de refaire la France. Cela passe par l’assimilation, par l’École, par notre indépendance et le retour de la puissance militaire et du régalien. Surtout, il faut régler cette question intérieure par un changement des lois, par une politique de blocage de l’immigration et, je le répète, par l’assimilation. C’est une position défensive, on retrouvera une position offensive après, car nous ne sommes plus crédibles aujourd’hui.

Vous n’avez pas évoqué l’économie, la richesse nationale. C’était aussi l’une des faiblesses du système continental de Napoléon.

Napoléon était très soucieux de développement économique et obsédé par celui de la marine. Il avait une vision économique et mondiale. Son blocus continental a permis l’émergence de l’industrie allemande, l’économiste List le reconnaît. Or aujourd’hui, on aurait justement besoin de cela : un protectionnisme continental, pour favoriser notre réindustrialisation.

Avouez-le, vous vous prenez un peu pour Napoléon. Rêvez-vous de poursuivre son projet ?

Je vous assure que je ne vais pas envahir l’Italie !

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Le confinement réveille les délateurs

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Les forces de l’ordre se sont déployées pour empêcher un rassemblement non déclaré devant le Palais Vivienne, lieu où se seraient tenus des diners clandestins. Palais Vivienne de Pierre Jean Chalencon, Paris 2. Mardi 6 avril 2021. © JEANNE ACCORSINI/SIPA Numéro de reportage : 01013159_000021

La France n’est pas atteinte que du virus…


Si on veut bien regarder derrière les polémiques grotesques, les fausses informations, les mensonges et l’humour prétendu, derrière certains comportements, derrière des vigilances citoyennes, derrière tout ce qui, jour après jour, vient assombrir, indigner, tourner en dérision, flatter, provoquer, jeter du sel médiatique sur des plaies à vif, le tableau et l’état de la France ne sont pas brillants. Quelle déliquescence, quel délitement !

Avec quelle rage vengeresse, quelle immédiateté furieuse, quelle pulsion révolutionnaire on se jette contre la France du haut dès l’instant où on nous a offert l’opportunité, vraie ou fantasmée, de soutenir la France du bas ! L’envie, la jalousie, l’aigreur sont portées à leur comble et, avant même de s’interroger, de questionner ou de douter, on s’abandonne avec délice à ce que l’esprit partisan libère de pire !

Pas de précipitation!

Au sujet de cette ineptie hypertrophiée médiatiquement de ministres se gobergeant dans des restaurants clandestins et au lieu de mettre d’abord en suspens son jugement, j’entends encore une représentante de LFI dénoncer, sur-le-champ, les privilèges, l’irresponsabilité, l’injustice, les discriminations, le pouvoir coupable et plaindre le peuple brimé !

Il n’est pourtant pas fatal, même quand on a des convictions fortes, de présumer tout de suite le pire et de ne pas accepter une retenue, une attente sauf à considérer que le refus de la précipitation serait en lui-même réactionnaire.

La gestion de l’épidémie au petit malheur la chance a instillé le poison de la délation

Combien de Français, par ailleurs, se sentent une âme de justiciers au petit pied en photographiant leurs compatriotes qui ne respecteraient pas les règles et honteusement dérogeraient aux précautions sanitaires même les plus extrêmes, que cette inquisition concerne les fidèles d’une église et/ou les adeptes du divertissement et du loisir indifférents aux recommandations des autorités soit par un anarchisme basique soit par négligence ou incompréhension ! On peut qualifier ces citoyens, jeunes ou moins jeunes, d’irresponsables, mais il est troublant de constater à quel point l’épidémie et sa gestion au petit malheur la chance ont instillé un poison multiforme dans les veines de notre pays.

En poussant au paroxysme des tendances qui existaient déjà dans la tranquillité des temps ordinaires ou en faisant surgir, chez beaucoup, des appétences de dénonciation, des stigmatisations qui il y a longtemps, sur un registre historique, auraient eu de tragiques et d’odieux effets.

On ne résiste plus à la démagogie

Cette France qu’on nous avait promise unie, rassemblée en 2017 n’a jamais été plus éclatée, plus fracturée. Non seulement à cause du communautarisme qu’on pourfend trop par le verbe pour le réduire pratiquement, mais en raison de cette invasion au quotidien, face à un péril qu’on parvient trop difficilement à maîtriser, de tentations démagogiques auxquelles on ne résiste plus : l’autre est un ennemi, les politiques sont au-dessus des lois, je suis seul à respecter le règlement, je dois épier mon voisin, les envies sont légitimes puisqu’en haut il n’y a que de la turpitude et de l’injustice et que le bas doit être sanctifié au nom de la République, et ainsi de suite… L’humain se vide, se déverse, juge, condamne, trie, guillotine au figuré. La France est la proie d’une fièvre qu’aucun vaccin ne fera baisser. J’ai peur de l’avenir. Ce ne sont pas seulement les détresses économiques et sociales dont nous aurons à payer le prix longtemps, mais les blessures profondes et dangereuses d’une nation qui s’est essaimée en mille rancœurs, frustrations, malaises et revendications. On aspire à de l’impossible parce qu’on nous a désillusionné sur le possible. La future campagne présidentielle imposera le choix d’un médecin présidentiel de haute volée.

Avant d’agiter et de bouleverser, il faudra recoudre et guérir.

Tintin au pays des ayants droit

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© Xavier Marabout

La société de Moulinsart, détentrice des droits de Tintin, est particulièrement pointilleuse. Un peintre breton qui a osé figurer le reporter à la houppette entouré de filles sexy vient d’en faire les frais…


La vie sexuelle de Tintin fait débat. En cause, un peintre breton, Xavier Marabout qui a voulu lui en imaginer une. La société de Moulinsart, qui détient les droits, lui intente un procès, non pour atteinte aux bonnes mœurs, mais pour contrefaçon. L’audience a eu lieu le 8 mars devant le tribunal de Rennes pour une décision attendue le 10 mai. Les 24 planches de sa série « Hergé Hopper » intègrent le personnage de BD dans l’univers du célèbre peintre américain en prenant beaucoup de libertés. Le jeune reporter y apparaît torse nu, parfois entouré de donzelles plantureuses ou en pleine opération séduction. Ces images trahissent-elles l’œuvre d’Hergé ?

Un jeune homme sans expérience, androgyne

Citée par Ouest-France, l’avocate des plaignants semble plaider la misogynie de l’auteur : « Hergé, interviewé de nombreuses fois, avait expliqué son choix de ne pas impliquer les femmes dans son œuvre, parce qu’elles sont rarement des éléments comiques. » Hergé, il est vrai, n’a jamais caché la réalité de ses sentiments, comme dans une interview en 1943 où il confiait : « Évidemment, j’aime bien voir les “belles madames”, mais pourquoi éprouvent-elles le besoin de parler ? » La seule femme rencontrée dans ses albums reste la peu flatteuse Castafiore. Matthew Parris, ancien député anglais conservateur et journaliste au Times, soutenait dans un article en 2009 la thèse de l’homosexualité de Tintin, solides arguments à l’appui : « Un jeune homme sans expérience, androgyne, avec une houppette blonde, des pantalons bizarres, qui emménage dans le château de son meilleur ami, un marin entre deux âges… »

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Ajoutons qu’avec l’anathème jeté sur Tintin au Congo, le seul album politiquement correct d’Hergé restera peut-être le Lotus bleu : résolument anticolonialiste, il fait apparaître une tension affective très forte entre Tintin et le jeune Tchang.

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Racisme au Royaume-Uni: le rapport infernal

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Tony Sewell (photo) a été nommé président de la Commission sur les disparités raciales et ethniques, chargée d'examiner les disparités raciales au Royaume-Uni. © ITV/REX/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40771817_000015

 


1ère Partie. Où nous découvrons que rien ne fait rager les militants antiracistes comme la découverte que la société devient moins raciste…


Pour les militants antiracistes autoproclamés, leur légitimité, leur existence même, est fondée sur une supposée omniprésence du racisme dans les sociétés occidentales. Leur machine à dénonciations, qui tourne à temps plein pour renverser l’ordre patriarcal et la suprématie blanche, doit être constamment approvisionnée en preuves et témoignages de racisme. Que faire quand cet approvisionnement devient inadéquat ? Ce dilemme a été mis en relief par un rapport officiel sur le racisme publié au Royaume Uni le 31 mars. 

Les cancres de la classe: les Blancs

C’est en juillet 2020, suite aux manifestations et émeutes Black Lives Matter, que Boris Johnson crée une Commission on Race and Ethnic Disparities chargée d’étudier la question de la race et des écarts économiques et autres entre les différents groupes ethniques (« ethnic disparities »). Des dix membres de cette commission – pédagogues, scientifiques, entrepreneurs… – neuf appartiennent à des minorités ethniques. Ou, pour le dire plus crument, il n’y a qu’un seul Blanc. Outre sa composition plus qu’inclusive, cette commission, afin de mener à bien son étude, a pu profiter d’une base de données exceptionnelle compilant un nombre impressionnant de statistiques ethniques catégorisées de toutes les façons possibles. C’est dire que les analyses apportées par la Commission ne sont pas fondées sur des appréciations subjectives. 

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Après plus de six mois de travail, les conclusions du rapport sont claires. Certes, le racisme existe dans la société britannique, et la Commission recommande 24 actions concrètes pour lutter contre les préjugés. Mais le terme de racisme « institutionnel », appelé aussi « systémique », ce racisme qui empêche des groupes spécifiques entiers de progresser sur le plan socioéconomique, ne peut plus décrire le Royaume Uni au niveau national. D’ailleurs, l’acronyme « BAME », qui veut dire « Black and minority ethnic », devrait être abandonné, car les différentes minorités ethniques – noirs caribéens, noirs africains, indiens, pakistanais, chinois, roms… – ne peuvent pas être regroupées dans une seule et même catégorie puisqu’elles connaissent des sorts très divergents. Si on les compare les unes aux autres, les résultats sont très variés et les Blancs sont loin d’être systématiquement favorisés. Par exemple, en moyenne, les Britanniques indiens ont des salaires 16% au-dessus de ceux des Blancs, tandis que les Britanniques pakistanais ont des salaires 16% au-dessous de ceux des Blancs. Les Britanniques chinois sont généralement les mieux payés de tout le monde. Le taux d’exclusion scolaire des enfants noirs d’origine caribéenne est plus élevé que celui des Blancs, mais celui des Noirs d’origine africaine est au même niveau. De telles variations démentent la notion d’un racisme systémique inhérente à la culture britannique. Le rapport montre que la majorité des problèmes d’écart scolaire ou économique ne peut pas être expliquée par la discrimination raciale, les inégalités relevant surtout de facteurs géographiques, culturels, religieux ou familiaux. Par conséquent, la solution ne consiste pas tout simplement à lutter contre une telle discrimination. 

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Sans surprise, le rapport a déclenché des réactions plus qu’indignées de la part des professionnels du militantisme anti-racial. Certains sont dans le déni pur et simple, de la syndicaliste qui qualifie le rapport d’« immoral » au leader de l’opposition travailliste, Sir Keir Starmer, qui le trouve « décevant. » Lui qui, l’année dernière, s’est fait photographier dans son bureau en position agenouillée, a basé sa stratégie politique sur la réalité d’un prétendu « racisme institutionnel. » Avec la publication du rapport, le sol se dérobe sous ses pieds. D’autres s’adonnent à des hyperboles indignées, de la porte-parole travailliste sur les questions d’égalité qui accuse les rapporteurs de « glorifier la traite des esclaves » à l’activiste qui se scandalise de la publication d’un tel document à l’heure où « nous nous trouvons au milieu d’une pandémie mondiale de Covid-19 et de racisme anti-noir, d’afriphobie. » La plupart des critiques se concentrent sur la question du racisme « institutionnel » en insistant qu’il existe bel et bien pour de vrai. Sauf qu’ils n’ont pas lu le rapport – ou pas très attentivement – puisque celui-ci ne nie pas l’existence du racisme institutionnel. Selon lui, certaines institutions font preuve de racisme, mais aucune discrimination systématique ne fonctionne au niveau national et n’explique les différents écarts au niveau de l’éducation ou de l’emploi. 

C’est vrai parce que je le crois

Voilà le grand problème pour ceux qui tablent depuis longtemps sur une forme de racisme généralisée comme explication unique de tous les maux de la société. La Commission est entrée dans la complexité des choses en faisant appel à la dure réalité des statistiques, approche que même de soi-disant spécialistes n’arrivent pas à accepter. Le professeur Kalwant Bhopal, directrice du Centre sur la race et l’éducation à l’université de Birmingham, a exprimé tout simplement son refus de voir des données montrant que, aujourd’hui, les minorités ethniques s’en sortent mieux dans le système d’éducation britannique que les Blancs. La catégorie la moins favorisée sur le plan scolaire est celle des garçons blancs de milieux modestes. Une des catégories qui réussit le mieux actuellement est celle des immigrés récents d’origine africaine. Dans la revue de tendance conservatrice, The Spectator, James Tooley, président de cette même université de Birmingham, pointe le fait que les mêmes statistiques utilisées par le rapport sont citées dans le livre récent de Mme Bhopal, dont le titre prévisible, White Privilege, est tout un programme[tooltips content= »https://www.spectator.co.uk/article/when-white-privilege-doesn-t-count »](1)[/tooltips]. C’est justement ce programme et ses ressorts idéologiques qui empêchent l’auteur de tirer les conclusions qui sautent aux yeux mais qui sont en contradiction avec son récit de discrimination systémique. Dans son livre, l’éminente universitaire fait grand cas du fait qu’elle est elle-même l’enfant d’immigrés indiens, sans voir apparemment que son propre parcours qui passe par Harvard et les collèges les plus prestigieux de l’université de Londres – King’s et University – est aux antipodes du tableau sombre qu’elle ne cesse de brosser. Quand les statistiques ne vont pas dans le sens de l’argument des antiracistes, il leur suffit de les ignorer. Il incombait peut-être inévitablement à un membre du clergé d’incarner cette volonté de ne croire que ce que l’on veut croire. L’évêque de Douvres, une femme noire née en Jamaïque – encore une preuve vivante que le Royaume Uni est plus raciste que jamais – insiste que « le vécu » des gens « raconte une autre histoire que celle proposée par ce rapport. » Le ressenti subjectif doit nécessairement primer sur l’objectivité des données. Le vieil adage, « credo quia absurdum » (je crois parce que c’est absurde), sort de son domaine propre, celui de la théologie, pour entrer dans celui des sciences sociales où il nourrit les délires idéologiques.  

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Depuis la publication du rapport, les médias traditionnels se sont montrés plus favorables à ses critiques, dont l’aveuglement n’a d’égal que l’acharnement, qu’à ses auteurs. Sur les médias dits « sociaux », ceux-ci se sont fait traiter des pires insultes, se trouvant comparés à Judas ou Joseph Goebbels. La grossièreté la plus fréquente est celle de « coon », l’équivalent du mot tabou en n****, qui a la particularité d’être réservée aux Noirs considérés par les antiracistes comme des traîtres. La violence de ces invectives – qui caractérise également les insultes des vrais racistes à l’égard des militants antiracistes – est finalement moins inquiétante que le refus obstiné d’accepter les réalités mises en lumière par le rapport. On pourrait être tenté de croire que la vérité finira par triompher, mais ce serait bien hâtif. Les militants en question ont des solutions bien rodées pour relever ce type de défis. Car il est possible, en temps de pénurie, de fabriquer des racistes à la demande, afin de continuer la lutte héroïque pour renverser l’ordre patriarcal et la suprématie blanche… 

À suivre – 2e Partie : La Bande des pédagogues. Où nous découvrirons que de faux scientifiques, en faisant subir aux enfants un lavage de cerveau, les transforment en racistes démoniaques…

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Mike Adams: quand la « cancel culture » pousse au suicide

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Mike Adams. Image: capture d'écran YouTube.

Le concept de « cancel culture », en plein essor dans nos contrées occidentales, s’infiltre un peu partout. Accusé de vouloir gommer, effacer, dissoudre nos cultures, il arrive aussi parfois que le procédé anéantisse des réputations, des carrières, voire des vies. Le triste cas du professeur Mike Adams en est la funeste illustration. Analyse


En ancien français, le verbe canceller indique l’annulation d’une écriture juridique, soit en la croisant par des traits de plume, soit en y donnant un coup de canif. Soulignons que le nom français cancel, signifiant barreaux, partage une racine commune avec le verbe anglais to cancel, les deux étant issus du latin cancellare voulant dire rayer, effacer, annuler… En Français moderne, les occurrences traduisant ce phénomène nouveau surabondent : « culture du bannissement », « de l’annulation », ou encore « de l’ostracisation », « de la négation », « de l’anéantissement », « de l’effacement », « de la suppression », « de la dénonciation »… Selon la définition donnée par le dictionnaire encyclopédique de Cambridge, la « cancel culture » est une « façon de se comporter dans une société ou un groupe, notamment sur les médias sociaux, dans laquelle il est courant de rejeter complètement et de cesser de soutenir quelqu’un parce qu’il a dit ou fait quelque chose qui vous offense. » Excroissance métastasée du politiquement correct, la cancel culture est en l’expression poussée à l’extrême. Dans la culture de l’annulation, il est avant tout question de dénoncer, pour ensuite réclamer la censure d’une personnalité ayant tenu des propos ou agi de manière « problématique. »

Par propos ou actions « problématiques », entendez qui vont à l’encontre de la morale ultra puritaine de l’idéologie progressiste. Quand bien-même il s’agirait d’une personnalité fictive ou disparue depuis des siècles. Quand bien-même cela reviendrait à juger un passé révolu en lui appliquant une grille de lecture actuelle, inflexible et absurde!

Un phénomène en plein essor

À l’instar de la majorité des concepts progressistes sévissant en France, sans grande suprise, nous avons désormais que le concept de « cancel culture » nous arrive d’outre Atlantique. Si l’Office Québecois de la Langue Française a officiellement indexé l’expression en juin 2020, celle-ci serait apparue au début des années 90, dans New Jack City, un film américain, où Nino Brown, le personnage d’un gangster, crie: « Cancel that bitch !»

En 2010, l’occurrence est reprise par le rappeur Lil Wayne dans sa chanson I’m Single. En 2014, suite à une émission de télé-réalité, l’expression commence à se répandre dans les milieux anglophones, et des hashtags « cancel untel » fleurissent alors sur les réseaux sociaux. L’avènement du mouvement Metoo en 2017 popularise davantage l’expression. La triste mort de George Floyd, le 25 mai 2020, suivie par le mouvement Black Lives Matter, impulsent un souffle nouveau au phénomène et le propulsent au-devant de la scène médiatique mondiale. Désormais, absolument tout et n’importe quoi peut ainsi se voir accuser de racisme et d’oppression.

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Le phénomène devient exponentiel et commence alors à inquiéter. Un mois après la mort de Floyd, une lettre ouverte publiée par Harpers Magazine, et signée par 150 personnalités internationales, dont Margaret Atwood, Salman Rushdie, J.K Rowling ou encore Noam Chomsky, évoque « une atmosphère étouffante qui va finir par nuire aux causes les plus vitales de notre époque ». La missive dénonce « la radicalisation fulgurante d’un progressisme devenu fou à force d’obsessions identitaires et d’intolérance viscérale au débat contradictoire. »

Qui sont les « cancellés » ordinaires?

Le spectre des personnalités dites « problématiques » ne cesse de s’élargir. Ainsi, à l’aune de cette nouvelle éthique, le dramaturge grec Eschyle, bien qu’ayant vécu cinq siècles avant notre ère, s’est rendu coupable de crime de « black face » ! Dans le même esprit, la joviale Annie Cordy est accusée, par plusieurs associations antiracistes, de « véhiculer des stéréotypes racistes » dans sa chanson « Chaud Cacao. » Cela même alors que le nom de la chanteuse belge avait été initialement sélectionné pour rebaptiser le tunnel Léopold II, roi des Belges, dont le passé colonial était devenu « problématique .»

Pour avoir ironisé dans un tweet sur le fait qu’un site d’information remplace le terme « femme » par « personnes concernées par les menstruations », J. K. Rowling, pourtant connue pour ses idées progressistes, fut taxée de transphobie, devenant ainsi la cible d’une campagne massive de dénigrement qui s’est soldée par un boycott, y compris au sein de la maison d’édition qui la publie.

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Certains fans, très déçus, avaient même réclamé qu’elle ne soit plus l’auteur de la série Harry Potter, comme si la réalité objective était modifiable.

La science, construction sociale et expression de la domination blanche!

Et à propos de réalité objective, la culture de l’effacement ne vise pas seulement des personnalités réelles ou fictives, elle cible également des périodes historiques comme l’Antiquité, coupable d’être « historiquement impliquée dans le fascisme et le colonialisme, et qui continue d’être liée à la suprématie blanche et à la misogynie » comme l’analyse Raphaël Doan.

D’autres disciplines scientifiques, comme les mathématiques, attirent l’attention de quelques chantres de la « justice sociale ». À l’été 2020, Laurie Rubel, professeur d’enseignement des mathématiques au Brooklyn College, avait soutenu sur Twitter que l’équation mathématique 2+2=4 « pue le patriarcat suprématiste blanc ». Ce tweet fut repris et promu par plusieurs universitaires défendant l’idée selon laquelle la« vérité objective » est une construction sociale et que les mathématiques devraient être réévaluées, parce qu’elles ont été principalement développées par des hommes blancs.

La machine est désormais tellement bien rodée, la pression telle, que nul besoin de dénonciations ou de tribunal populaire, certaines entreprises et institutions ont pris les devants. La presse anglophone a très récemment révélé qu’un théâtre du Minnesota avait dû annuler une production de Cendrillon, prévue depuis des mois, en raison d’une distribution trop blanche: trop d’acteurs blancs et pas assez issus de la diversité, dans une ville qui en compte justement relativement peu.

Alors qui sont ces « cancelleurs » ?

Il serait sans doute injuste et malhonnête de réduire les adeptes de cette cancel culture à la génération snow flake, ces « flocons de neige », s’estimant uniques au monde et singuliers, si émotifs et si impressionnables. Ces êtres, dont la fragilité exaltée n’a d’égale que leur susceptibilité exacerbée, si prompts à l’indignation sélective, adeptes des safe space et d’inclusivité, ne supportent aucune contradiction, y voyant là une forme de violence.

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Ce portait caricatural n’inclut pas les professionnels de la culture et de l’enseignement, tous ceux pour qui cela est plus simple d’être dans le « camp des gentils », ou tétanisés à l’idée de perdre leurs emplois. Ce portrait ne comprend pas non plus les spécialistes des fumeuses études décoloniales, ainsi que toutes les disciplines gravitant autour.

La cancel culture tue

La pratique de l’annulation peut faire penser aux caprices d’enfants gâtés, elle agace, fait sourire, provoque de la colère ou de la moquerie, mais c’est oublier les dégâts irréversibles qu’elle peut engendrer. Le 23 juillet 2020, Mike Adams, professeur de criminologie à l’Université de Caroline du Nord, se suicide à son domicile. La dernière campagne de menace et de harcèlement dont il était la cible l’avait fortement fragilisé. Ce polémiste à l’humour provocateur, ancien athée devenu catholique conservateur, connaissait des différends avec l’université au sujet de ses prises de positions depuis 2005. L’été dernier, dans un tweet visant à interpeller le gouverneur de Caroline du Nord, il compare le confinement à l’esclavage, et emploie la célèbre formule « Let my people go. »

Il n’en fallait pas plus pour que les âmes les plus sensibles se mettent à pousser des cris d’orfraie, qu’on l’accuse de racisme, et qu’on se mobilise pour demander son éviction. L’université où il officie est inondée de messages. Celle-ci abdique et annonce que Mike Adams part en retraite anticipée, contre une indemnité de 500 000 dollars.

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Pour le « joyeux guerrier », comme ses proches le surnommaient, cette dernière bataille perdue fut celle de trop. Le pire reste sans doute le traitement médiatique réservé à l’affaire, dénué de toute compassion à l’égard du suicidé. Le journal USA Today titre: « Un professeur de Caroline du Nord qui a démissionné au milieu d’une controverse sur ses tweets « ignobles » est retrouvé mort. » BuzzFeed évoque l’affaire en ces termes: « Un professeur connu pour ses tweets racistes et misogynes a été retrouvé mort à son domicile. » Des internautes sont même allés jusqu’à se réjouir de sa mort, arguant que c’était tout ce que « ce personnage intolérant méritait. »

Tel le fameux tableau de Goya où Chronos dévore un de ses enfants, échevelé, visage déformé, les yeux exorbités et fous, la cancel culture est un ogre cannibale et insatiable. Celle-ci n’anéantit pas seulement les cultures ou les vies, elle peut aussi annihiler notre part d’humanité.

Millï Gorüs, ce sont les Wikileaks qui en parlent le mieux

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Quelques uns des télégrammes diplomatiques révélés par Julien Assange dressent un portrait accablant de cette organisation turque, dont la ville de Strasbourg veut subventionner une mosquée.


27 mars 2004. Les électeurs turcs s’apprêtent à voter aux municipales. L’AKP devrait engranger les succès, pronostique un diplomate américain en poste à Ankara. Bien vu. Le parti de Recep Tayyip Erdogan confirme à cette occasion son statut de force politique dominante en Turquie. Revenant sur les racines politiques et idéologique de l’AKP, le diplomate livre son analyse du mouvement Millî Görüs (« vision nationale » ou « vision de la communauté », en turc). Celui-ci est en quelque sorte la matrice d’où l’AKP est sorti. C’est « le creuset de l’islam politique turc », écrivait l’enseignant chercheur Jean Marcou.

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Outre-Rhin, Millî Görüs est considéré comme un « archétype d’hypocrisie »

Dans la mesure où le télégramme (référencé 04ANKARA1842_a) était classé confidentiel, le diplomate s’exprime sans fard. Fondé par l’ancien premier ministre Necmettin Erbakan, Millî Görüs est selon lui « un cas classique de loge secrète turque à deux visages ». D’un côté, elle se présente comme « le vrai chemin vers l’islam », développant une « rhétorique pleine de références nostalgiques au califat et à la tolérance supposée de l’empire ottoman », tout en « baignant dans la paranoïa et les clichés anti-américains, anti-chrétiens ou anti-alévi », avec une touche de conspirationnisme et d’antisionisme. « D’un autre côté, poursuit le diplomate, son vrai moteur est plutôt un mélange « d’opportunisme exacerbé », de « ruse orientale », et « d’intérêt matériel bien compris ». Vu de l’ambassade américaine, ses actions sont « loin des normes spirituelles et ascétiques que sa rhétorique sur la charia évoque ». En deux mots, Millî Görüs est un « archétype d’hypocrisie ».

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Un autre télégramme américain, datant du 26 juillet 2010, analyse la manière dont le ministre de l’Intérieur allemand Thomas de Maizière (à cette fonction de 2009 à 2011, puis de 2013 à 2018) a tenté de liquider le mouvement en Allemagne. Des documents internes de l’Intérieur décrivent Millî Görüs comme une organisation tenue par des « fondamentalistes prétendant agir légalement », explique la note de l’ambassade. Le problème est que le gouvernement allemand ne peut pas le prouver et doit donc agir indirectement. « Tout comme les autorités américaines ont réussi à mettre Al Capone en prison pour fraude fiscale », l’idée est de faire tomber Milli Görüs pour « malversations financières ». Rusé, mais difficile: en septembre 2010, la justice allemande a mis fin aux poursuites pour fraudes engagées deux ans plus tôt contre Milli Görüs en Allemagne. Le diplomate américain l’avait anticipé. Il jugeait « improbable » que les accusations tous azimuts (blanchiment, détournement de fonds, fraudes, travail dissimulé, etc.) lancées par le gouvernement allemand puissent être étayées. Tout en soulignant la présence de « nombreuses personnalités très douteuses au sommet » de Millî Görüs, il rappelle que les experts allemands de l’islam ne classent plus ce mouvement de masse (près de 65 000 adhérents) parmi les organisations extrémistes. Traditionalistes toujours, bigots souvent, les sympathisants allemands de Millî Görüs ne sont pas pour autant des terroristes.

Une impression de déjà vu

Dix années ont passé et la France, à son tour, est confrontée au dilemme Millî Görüs. Créée en 1995, gérant désormais plus de 70 mosquées, la branche française du mouvement n’a jamais trempé dans quelque affaire de terrorisme que ce soit. Elle regroupe une immense majorité des binationaux pacifiques. Elle gère des mosquées, voire des écoles coraniques, à Poissy-Vernouillet, Epinay, Saint-Etienne, Vénissieux, Paris, Annecy, Vierzon, Ambérieux, Villefontaine, Poissy, Lille, Grigny, etc.

Elle apparait dans une association à qui la ville de Metz a concédé un terrain de 1,2 hectare en 2013 pour y construire une grande mosquée ! De nombreuses municipalités lui ont rendu de menus services, à l’image de la ville de Sevran, qui a mis un local de 45m2 à sa disposition en 2014, gracieusement. La même année à Roubaix (juste à côté de Tourcoing, ville de Gérald Darmanin), une mosquée Eyyub Sultan initiée par la Confédération Islamique Millî Görüş France (CIMG) a été mise en chantier. La municipalité n’avait pas versé de subvention, mais dans la Voix du Nord du 30 novembre, elle se flattait d’avoir « aidé les responsables de la mosquée à présenter un projet architectural susceptible d’être validé par l’architecte des bâtiments de France ».

Puis, le 22 mars 2021, la nouvelle équipe EELV en place à la mairie de Strasbourg a acté le principe d’une subvention de 2,5 millions d’euros au projet de mosquée Eyyub Sultan portée par la CIMG. Inadmissible, a tonné Gérald Darmanin.

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La mairie et l’organisation turque ne manquent pas d’arguments pour dénoncer un revirement total. Elles ont beau jeu de rappeler que la préfecture a été tenue au courant du projet depuis 2017. De partenaire discret, Millî Görüs serait devenu infréquentable en quelques mois seulement ? Oui. Son tort est évidemment d’afficher sa proximité avec le régime d’Erdogan et son islamisme rétrograde, dans un contexte de fortes tensions avec la France. Tensions qu’a aggravées en février dernier le rejet de la « charte des principes pour l’islam de France » par Millî Görüs.

La préfecture du Bas-Rhin a annoncé le 6 avril qu’elle attaquait devant le tribunal administratif la délibération de la ville de Strasbourg qui accepte le principe de la subvention à la mosquée Eyyub Sultan. Tout comme le dossier du ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière, celui-ci semble compliqué à étayer. Le 17 décembre 2020, Millî Görüs avait obtenu une subvention de 2500€…de la préfecture d’Alsace !

La restauration de Notre-Dame de Paris: un écocide?

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©Pascal Lemaitre/Leemage

Une pétition rassemble 40 000 signataires contre l’utilisation de chênes pour la charpente de Notre-Dame de Paris


L’abattage des chênes nécessaires à la nouvelle charpente de Notre-Dame a débuté. Une pétition a aussitôt été lancée pour s’y opposer. Plus de 40 000 signataires à ce jour y voient un « écocide ». Certes, il aurait été préférable d’utiliser d’autres matériaux pour éviter de futurs incendies. La charte de Venise l’aurait permis, l’important étant la fidélité artistique.

Cependant, parler d’écocide est tout simplement une grossière ânerie : s’il est un argument en faveur d’une charpente en bois, c’est justement l’écologie.

En effet, on peut imaginer que les signataires, de sensibilité écologique, sont les premiers à vouloir contenir la progression du taux de CO2 dans l’atmosphère. Or quelle est la façon principale de retirer du CO2 de l’air, la seule en pratique ? C’est la photosynthèse. Les végétaux absorbent du CO2, le débarrassent de l’oxygène (réduction) et en font de la matière organique. Une population végétale en croissance est donc une sorte de pompe à carbone. Le problème est que dès que l’équilibre est atteint, il n’y a plus de formation de matière organique supplémentaire et il se produit donc un arrêt de l’absorption nette de CO2. Aucune forêt en équilibre, pas même la forêt amazonienne, n’absorbe de CO2. Si on coupe des chênes pour la cathédrale ou pour n’importe quel autre usage dans le bâtiment ou l’ameublement, on séquestre du carbone. Dans le même temps, d’autres arbres ou d’autres végétaux vont recommencer, au même endroit, à pomper du carbone. En résumé, les écolos devraient applaudir. Autre question : manque-t-on de forêts en France ? Non, on en a trop (chose peu connue en ville) ! La forêt ne cesse de progresser depuis des décennies, asphyxiant le milieu rural et préparant des catastrophes (incendies géants, épizooties massives, etc.). Les chênes en question sont-ils « naturels » ? Non plus ! Du semis à l’abattage, ils ont été suivis, éclaircis et entretenus pour produire, non des formations branchues peu utilisables, mais de hauts fûts réguliers. Cela s’appelle la sylviculture.

L’homosexualité en Afrique: encore un produit du colonialisme

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Robert Mugabe, devant l'ONU en 2015 Frank Franklin II/AP/SIPA AP21800246_000245

Pour beaucoup de progressistes occidentaux, tous les maux de l’Afrique sont le résultat du colonialisme. Et en même temps, ils s’alarment du peu de tolérance rencontrée par les homosexuels en Afrique. Paradoxe: pour beaucoup de leaders africains, l’homosexualité est bien un mal. Un mal qui aurait été importé par les colons blancs…


En Afrique, il n’est pas toujours facile d’être homosexuel. Souhaitant offrir un « espace sûr et protégé », une association ghanéenne de défense des homosexuel(le)s ne s’attendait certainement pas à provoquer un tel tollé dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. En ouvrant un centre dans la banlieue d’Accra, le 31 janvier, la LGBT Rights Ghana a généré une vague d’homophobie sans précédent dans cette ex-colonie britannique, jusqu’au plus haut sommet de l’État et parmi l’épiscopat local. Lorsque la Conférence des évêques catholiques du Ghana a appris l’existence de ce refuge pour gays, bis et transsexuels, elle s’est empressée de rédiger un courrier afin de « condamner tous ceux qui soutiennent la pratique abominable de l’homosexualité (…) » et exiger du gouvernement que le local soit immédiatement fermé.

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Un vice importé par les Européens?

C’est donc manu militari que les membres de l’association ont été expulsés du bâtiment, pourchassés par les habitants du quartier. « Nous communiquons sur nos activités depuis longtemps, mais cela n’est jamais devenu une question d’intérêt national et encore moins à une si grande échelle » a déploré le directeur des communications de LGBT Rights Ghana Abdul-Wadud Mohammed. Être un africain gay est un sujet encore tabou et, pour beaucoup, un vice importé par les Européens lors de la colonisation.

Trente-deux des 63 pays qui constellent le continent originel de l’homme ont d’ailleurs introduit des lois pénales contre ce qu’ils considèrent comme une dérive sexuelle.

« Les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie » se défendait, encore récemment et devant des journalistes, le président sénégalais, Macky Sall, dont le pays punit d’un à cinq ans d’emprisonnement les actes homosexuels. D’autres se contentent de suivre la Sharia comme au Nigeria ou en Somalie, appliquant simplement la peine de mort pour les « crimes de sodomie. » Certains dirigeants ne cachent pas leur homophobie tel le président ougandais, Yoweri Museveni, qui a affirmé publiquement que « les Blancs venaient satisfaire leurs besoins en Afrique alors que les relations homosexuelles sont contre la volonté de Dieu ».

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L’ancien président putschiste de Gambie, Yahya Jammeh, évoquait, quant à lui, une « sexualité diabolique et inhumaine » à l’origine de toutes les maladies sexuellement transmissibles (dans le même temps, il affirmait avoir le pouvoir de guérir du Sida avec une concoction de son cru) et que son pays « lutterait contre ces vermines gays de la même manière qu’il combat les moustiques responsables du paludisme, sinon plus agressivement ». Pas mieux du côté du Zimbabwe où le défunt président Mugabe a utilisé les lois anti-sodomie pour se débarrasser de ses adversaires et n’avait pas hésité à marteler à la tribune de l’ONU en 2015, face à une assistance médusée, que « l’Afrique ne voulait pas de gays sur son sol » car l’homme noir se devait de « perpétuer sa race avec des femmes. » Au Cameroun, on a même publié les noms de 50 personnalités locales soupçonnées d’être des homosexuels. Dans le cas du Ghana, c’est 87% de la population qui rejette ce type de sexualité, dont le président de la république, Nana Akufo-Addo, qui a confirmé qu’il ne dépénaliserait pas l’homosexualité, une loi qui date de 1860. Dans la foulée, un ministre de son gouvernement a fait du zèle en proposant une législation plus stricte pour sanctionner ceux qui prônent et promeuvent les activités LGBT dans cette partie de l’Afrique, pourtant plus ouverte que l’Est ou le Nord du continent.

Mais qu’en est-il des réalités?

Loin d’avoir été importée par les « babtous », les Blancs, l’homosexualité existe évidemment depuis longtemps en Afrique, et remonte même à l’Antiquité sous les règnes des pharaons.

Ainsi chez les Quimbandas d’Angola tout comme les Wawihé, on pratique la sodomie à un tel point que les colons portugais avaient dû légiférer afin d’interdire « ce vice contre nature », en dépit de la coutume. Du temps du royaume du Dahomey (Bénin), les eunuques étaient considérés comme des « épouses royales », avec des pouvoirs importants et avec lesquels on jouait sexuellement. Le roi Mangwa II du Bouganda fut lui-même un homosexuel reconnu, avec un harem de jeunes hommes, au grand dam de l’Église dont il martyrisa les prélats qui avaient tenté de l’empêcher de s’adonner à ses plaisirs masculins. Et que dire des Ovambos namibiens à l’homosexualité proverbiale ou chez d’autres tribus comme les Kivaï de Zambie, où cela relève du rite initiatique afin de rendre les « jeunes hommes plus vigoureux » ? Seul pays où les droits des homosexuels sont pleinement reconnus, l’Afrique du Sud, qui fait figure de pionnier. Cette situation jette un froid parmi nos bien-pensants actuels d’Occident, qui veulent que l’Afrique soit un continent de victimes.

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Indignés par les récents événements en Gold Coast (ancien nom du Ghana), l’acteur Idris Elba, la mannequin Naomi Campbell ou encore le designer Virgil Abloh ont signé une lettre ouverte de soutien aux homosexuels africains, dans le but d’attirer l’attention. Ils y expriment leur « profonde inquiétude ». Une mauvaise publicité dont se serait bien passé le Ghana qui tente de persuader la diaspora africaine de venir s’installer dans le pays, vantant un « havre de paix, de tolérance et de démocratie », accessible à tous. À condition que vous soyez un hétérosexuel viril et doté d’une africanité libérée de toutes traces de « maux européens »…

Fin de vie, avortement: la crainte de la surenchère…

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Couverture de L'Obs 31 mars 2021 © DR

J’ai peur des avancées qui sont des reculs!


Avant d’aborder, je l’espère avec délicatesse, le fond de mon billet concernant la proposition de loi d’Olivier Falorni sur « le droit à une fin de vie libre et choisie » et la tribune de 343 femmes exigeant que le droit à l’avortement dépasse les douze semaines légales pour aller à quatorze, je voudrais rappeler d’où j’écris, ce qui impose un honnête préambule. Je n’ai jamais considéré, d’abord, que le fil du temps était naturellement et nécessairement progressiste. Il n’y a aucune fatalité dans le changement, mais on a le droit de le choisir lucidement.

On constate une manie française de s’appuyer sur ce qui a été légitimement obtenu pour pousser le bouleversement plus loin

Ensuite, pour être en désaccord avec telle ou telle orientation se qualifiant de progressiste, je ne serai jamais péremptoire sur ces matières humaines et personnelles infiniment sensibles. Je ne tournerai pas en dérision, comme il a pu m’arriver de le faire, ces pétitions d’artistes ou exclusivement de femmes, comme en l’occurrence, aspirant à une autorité indiscutable parce qu’elles sont femmes et connues ; ou mêlant à leur concert une Assa Traoré ayant vanté la polygamie en France.

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Enfin, dès lors qu’on adopte cette ligne de conduite précautionneuse, il me semble qu’on n’est pas illégitime à se mêler d’un débat n’ayant pas vocation à être exclusivement féminin. Pourquoi, alors, suis-je réservé à l’égard de cette volonté de maximalisme sur des sujets très douloureux dont on pourrait souhaiter que le consensus fragile les concernant ne soit pas battu en brèche par une surenchère préjudiciable? Précisément à cause de cette manie française de s’appuyer sur ce qui a été légitimement obtenu pour pousser le bouleversement plus loin. Comme s’il ne suffisait pas d’avoir combattu une fois, mais qu’il fallait forcément renouveler l’exercice.

Évolution des lois bioéthiques

La loi Veil avait fixé le délai pour pouvoir avorter à 12 semaines et en 2001 l’Assemblée nationale avait solennellement consacré le caractère intouchable de ce droit. Est-il vraiment opportun et urgent de rouvrir une problématique pour deux semaines de plus sans que nous soyons assurés des effets de cette prolongation? De la même manière, pour la fin de vie, la loi Claeys-Leonetti (alliance de la droite et de la gauche) avait permis une évolution et à la fois posé des limites. Dans ces conditions, la proposition de loi d’Olivier Falorni, qui sera débattue en séance publique le 8 avril – avec la bagatelle de 3 000 amendements dont 2 300 déposés par le groupe LR, ce qui devrait exclure une discussion sur une seule journée – ne devra pas être traitée comme si elle était scandaleuse en elle-même mais avec intelligence et sensibilité. Pas davantage avec une arrogance qui jugerait l’opposition à cette proposition comme passéiste et indigne! J’admets que sur la fin de vie 272 députés veuillent « débattre et voter », qu’un député LREM nous enjoigne: il faut humaniser l’agonie mais qu’un autre du même groupe réplique: appliquons d’abord la loi ! Cette dernière position rejoint celle du professeur Juvin, qui considère qu’il y a encore trop de femmes qui ne bénéficient pas de la loi Veil faute de moyens et que l’urgence se trouve plutôt dans la pleine effectivité de celle-ci. Si j’écarte de la discussion l’intuition intime qui m’incite toujours, par une manière de lâcheté respectueuse de la nature, à laisser faire le cours de ce qu’elle décrète pour la fin de vie, je peux cependant discuter un argument souvent utilisé et exprimer une crainte de plus en plus d’actualité.

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Argument souvent utilisé: tout serait permis puisqu’on aurait une absolue liberté sur soi et sur son corps. Il me semble que cette disposition, derrière son humanisme apparent, est contredite par un certain nombre d’exemples. Poussée à bout, elle légitimerait tout ce que la folie, le délire ou l’irresponsabilité seraient capables d’inventer au prétexte qu’il s’agirait d’une autarcie impérieuse et que le scandale serait d’oser la réduire. Il y a des libertés qui sont choquantes et dangereuses pour la société, même quand elles feignent de se donner l’élégance d’une bienveillance totale concédée à chacun.

Repousser le délai pour avorter n’est pas sans risque

Crainte: faire passer au-delà de 12 semaines le droit d’avorter serait un signal très périlleux, de même paradoxalement que cette mort qui serait « libre et choisie », au regard de l’évolution de notre société où de plus en plus on blesse et on tue comme on respire. Il est illusoire de croire qu’une cloison étanche existera toujours et par principe entre nos indépendances, même validés par le Parlement, et l’humus délétère d’un monde qui risque d’être gangrené par toute complaisance à l’égard de la disparition de soi ou de ce qu’on porte au-delà des douze semaines validées, et dans quelle tension et avec quel courage par la ministre d’alors!

Qu’on me comprenne bien. Ce n’est pas parce que j’ai peur d’avancées qui pour moi seraient des reculs que j’ai forcément raison. J’ai droit à la parole comme tant d’autres mais qu’on accepte au moins d’appréhender ces infinies, douloureuses et tragiques complexités avec un esprit et une main tremblants.