Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier… Les temps ne sont plus à la rigolade, prévient notre professeur préféré Jean-Paul Brighelli. Il y a un risque mesuré que l’alliance baroque entre Julien Bayou des Verts, Audrey Pulvar du PS et des Insoumis l’emporte.
Jean-Paul Huchon, quand il présidait aux destinées de l’Île-de-France, avait la main légère avec les subventions de moins de 50 000 euros, dont il arrosait nombre d’associations parfois fantaisistes. Et Valérie Pécresse, alors dans l’opposition, le lui reprocha vertement. Il s’en souvient sans doute, mais il ne lui en veut pas : il vient de lui apporter son soutien face à la liste conjointe d’Audrey Pulvar / Julien Bayou / Clémentine Autain.
Manuel Valls a certainement des défauts, ses allers-retours entre Barcelone et Paris ont fait jaser, mais il est un laïcard convaincu, comme le soulignait jadis le Comité Laïcité République. Et il soutient Valérie Pécresse dans l’élection de dimanche prochain — parce qu’il a remarqué que LFI et Jean-Luc Mélenchon se sont soumis aux islamistes, sous prétexte de lutter contre les discriminations.
Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier. Elle n’a pourtant pas changé, elle ne s’est alliée ni à Macron, grand débaucheur de Républicains, ni à ses premiers ministres, issus pourtant de son propre parti.
Je sais deux ou trois choses sur Pécresse, pour avoir co-écrit un livre avec elle, du temps où elle était ministre de l’Enseignement Supérieur — avec un tout petit peu plus de classe que Frédérique Vidal… Je sais par exemple qu’elle n’est pas de gauche. Comment donc se fait-il que des hommes de gauche — Huchon a été la doublure de Rocard, Valls n’a jamais transigé avec les principes laïques, ce qui n’a pas été le cas de tous les élus de son parti — soutiennent une libérale pur jus ?
C’est que le monde a tourné, et que la gauche d’hier — une partie d’entre elle au moins — campe aujourd’hui sur les terres marécageuses du communautarisme, de l’intersectionnalité, de l’islamo-gauchisme et de l’idéologie verte, qui n’a rien à voir avec les réalités de l’environnement.
Sur le terrain de la laïcité, Pécresse n’a jamais dévié du principe républicain : la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte. Surtout ceux qui flinguent des journalistes, assassinent des prêtres, massacrent des foules, et égorgent des enseignants. Alors que la gauche, pour séduire ce nouveau prolétariat, après avoir sacrifié l’ancien, selon le plan mirobolant de Terra Nova, fait cause commune avec des organisations sectaires, et pour séduire des jeunes qu’elle a largement contribué à décerveler, se rapproche des écologistes déclinistes. Marx, reviens, ils sont devenus fous !
D’où les déclarations des plus sincères des ex-socialistes. Constatant le tournant mortifère que prend leur parti, ils préfèrent encore franchir le Rubicon que donner la main à des gens qui font des risettes aux complices des égorgeurs.
Ils ne sont pas les seuls. Raphaël Enthoven, évoquant l’hypothèse improbable d’un match final Mélenchon / Le Pen, a avoué qu’à la onzième heure, il irait furtivement voter pour la présidente du RN. Tollé chez les sociologues du Quartier Latin, les meilleurs de France, comme chacun sait. Ils n’ont pas compris que le philosophe avait vu avant eux le monde tourner dans le mauvais sens. Rester fidèle à ses convictions, ces temps-ci, revient à se faire rattraper sur sa droite. Tant pis. Je sais que Pécresse ne rouvrira jamais de goulags — elle a voyagé ado en URSS, elle sait ce que c’est que le paradis brejnévien.
Tout comme elle sait ce qu’est le monde dont rêve Clémentine Autain ou Julien Bayou (étant entendu qu’Audrey Pulvar n’est là que comme complément de boboïtude). Les municipalités dont des citoyens mal informés ont confié les clefs aux écolos voient déjà ce qu’il en est. J’en ai fait il y a deux mois un petit billet qui se voulait humoristique.
Mais les temps ne sont plus à la rigolade. Il y a un risque mesuré de révolution dans la région la plus peuplée de France. À vous de voir ce que vous voulez : des améliorations mesurées à la hauteur d’un budget raisonnable, ou des improvisations folles au gré d’alliances nauséeuses.
Une tribune libre de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur
Depuis 2017, nous assistons à l’agonie de la gauche républicaine. Abandonnée par le peuple, puis par ses militants, la gauche a vendu Solférino en même temps qu’elle a assisté, impuissante, à la déstructuration du « Parti » : plus de cartes, plus de congrès, plus de figure emblématique. Depuis, à chaque élection, elle se cache derrière l’étiquette « Divers gauche » et la rose s’est fanée. Abandonnant ses idéaux de progrès, de laïcité, d’égalité sociale, dont la seule évocation des noms suffisait à décliner son identité heureuse, c’est elle qui a déserté le peuple, lequel l’a vécu comme une trahison.
Certains de ses représentants appellent à un sursaut pour ne pas « basculer dans un autre monde » comme le déclare Carole Delga, Présidente sortante de la Région Occitanie à propos de Jean-Luc Mélenchon. En Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Ile-de-France, se nouent en effet de scandaleuses alliances pour ressusciter la gauche plurielle, faisant disparaître le cordon sanitaire qui tenait à distance l’extrême-gauche. Ensemble, elles imposent déjà depuis longtemps un climat de révolution permanente en absolutisant la race, la religion, le genre, l’ethnie. L’armée des Social Justice Warriors est sur tous les fronts des réunions en non-mixité, tour à tour interdites aux hommes, aux blancs et surtout aux hommes blancs ! « Cela nous mène tout droit au fascisme », affirmait le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. En réalité, cela n’est pas très éloigné d’un totalitarisme intrinsèque au communisme. Les « illusionnistes illusionnés qui ont bâti le mirage du communisme » et dont François Furet analyse la passion révolutionnaire ont pourtant du sang sur les mains : « Fils de la guerre, bolchevisme et fascisme tiennent d’elle ce qu’ils ont d’élémentaire. Ils transportent dans la politique l’apprentissage reçu dans les tranchées : l’habitude de la violence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l’individu au collectif, enfin l’amertume des sacrifices inutiles ou trahis ».
Qu’importe les 80 millions de morts des crimes commis par les régimes communistes ! Pour gagner une région, la gauche n’a pas les états d’âme de la droite face au Rassemblement National : la France Insoumise lui tend la faucille et les Verts plantent le drapeau de la bonne conscience écologiste, se recyclant ainsi à peu de frais. En Ile-de-France, ils font tout sauter et ils le disent – avec violence évidemment – en image, une image indécemment récupérée d’un attentat meurtrier en Syrie. Le poids des maux, le choc d’une photo.
Trois régions à conserver pour les protéger du saccage de l’extrême gauche
Durant ces semaines d’une campagne inhabituelle dans ses modalités, le Mouvement Conservateur, avec son organisation structurée, ses troupes et une indéniable constance dans ses positions, a fédéré la droite conservatrice pour soutenir activement les candidats qui ont su tenir à distance la majorité présidentielle et intégrer les dynamiques conservateurs de leur région.
Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de Loire, Ile-de-France, les contextes sont différents, les stratégies tout autant et la représentation des conservateurs également. Dans le match qui oppose aujourd’hui trois présidents sortants à de dangereuses alliances autour de l’extrême gauche, les abstentionnistes ont un rôle capital. Quand deux électeurs sur trois ne votent pas, ce n’est pas le fruit du hasard, la faute des beaux jours ou du cours d’aquaponey. L’abstention ne traduit pas un désintérêt mais une colère. Elle est devenue le vote sanction de ceux qui ne se sentent pas représentés et ne supportent pas le jeu trouble des accords de coulisses.
Dimanche, 31 millions d’abstentionnistes doivent revenir dans l’isoloir. Ils ont la capacité de tout changer. Parmi eux, des conservateurs responsables qui ne veulent pas voir leur pays sombrer dans le totalitarisme rouge et vert. Mais aussi, des conservateurs qui interrogent : de quoi la droite de demain voudra-t-elle être le nom ? Cette dernière question sonne comme un avertissement et un appel urgent au réveil d’une droite qui ne se contente pas d’être une non-gauche.
C’est l’une des premières mesures prises par Joe Biden : annuler l’interdiction édictée par Donald Trump de s’engager dans l’armée sous une « identité de genre », celle que les transgenres peuvent faire reconnaître à l’état-civil. Les soldats qui n’auraient pas passé le cap peuvent aussi, désormais, se faire opérer aux frais de l’institution.
À peine finie la cérémonie de son investiture, qui a nécessité le déploiement de 25 000 soldats de la garde nationale le 20 janvier 2021, Joe Biden, le nouveau président américain et commandant en chef des armées, a pris une décision : celle d’annuler l’interdiction pour les personnes transgenres de s’engager sous leur « identité de genre » (celle qu’ils ont choisie). Cet interdit édicté par Donald Trump dès 2017 avait été validé par la Cour suprême en 2019.
Joe Biden s’inscrit en cela dans la continuité de Barack Obama qui, en 2016, avait autorisé les personnes transgenres à servir ouvertement au sein des forces armées et à avoir accès à des traitements hormonaux combinés à un suivi psychologique pendant la durée de leur service. C’est ainsi qu’en 2016, selon un rapport de la RAND Corporation, les forces américaines comptaient quelque 2 450 militaires d’active transgenres (sur 1,3 million de soldats) et 1 510 réservistes transgenres (1), tandis que la célèbre animatrice de télé transgenre Caitlyn Jenner et la chanteuse Barbra Streisand avançaient, pour leur part, le chiffre de 15 000 personnes. Parmi les militaires transgenres figure Chelsea Manning (née Bradley Manning), qui a été à l’origine du scandale Assange-WikiLeaks en 2010.
Trump voulait purement et simplement bannir les transgenres des forces armées. Les difficultés logistiques qu’aurait impliquées cette mesure étaient telles qu’il a dû renoncer. Les soldats déjà sous contrat, diagnostiqués avec une « dysphorie de genre » – sentiment de détresse né de l’inadéquation entre le sexe assigné et leur « identité de genre » – ont pu continuer à servir sous les drapeaux sous l’identité sexuelle de leur choix. En prime, toujours contre l’avis du président, ils ont obtenu le droit d’être opérés aux frais de l’institution militaire. En novembre 2017, la Defense Health Agency a approuvé pour la première fois la prise en charge d’une opération de chirurgie de changement de sexe (sex reassignment surgery) pour un militaire américain en service actif (2).
En revanche, Donald Trump a gagné pour les nouvelles recrues : celles-ci étaient obligées de conserver leur identité sexuelle d’origine, excluant toute velléité de suivre un traitement hormonal pendant leurs années de service (3).
Les élus démocrates font pression sur les associations et sur le ministère chargé des vétérans pour que l’armée finance ces interventions dont le coût, avec celui des traitements associés, représenterait à peine quelques millions de dollars sur un budget de près de 50 milliards de dollars alloués aux dépenses de santé du département de la Défense (4). Mais ce sujet très sensible n’a pas manqué de soulever de vives polémiques sur l’utilisation des ressources de l’armée, attendu qu’un grand nombre de militaires blessés sur des théâtres de guerre attendent de subir des opérations chirurgicales. Pour rappel, 4 489 militaires américains ont été tués et 32 242 blessés en Irak. En Afghanistan, depuis 2001, on compte 2 357 tués et 20 068 blessés. Le suivi psychologique des soldats victimes de stress post-traumatique sur des théâtres de guerre nécessite également des ressources financières.
La décision de Biden est évidemment une bonne manière à ses soutiens démocrates, minoritaires dans l’armée. Sans surprise, les militaires d’active votent majoritairement pour les républicains, comme le reconnaît d’ailleurs le Washington Post.On peut donc s’attendre à ce que les droits des transgenres soient un sujet important du mandat, comme ceux des nombreuses minorités ethniques et sexuelles qui ont voté pour Biden. L’un de ses premiers coups d’éclat a été de nommer la pédiatre transgenre Rachel Levine (anciennement Richard Levine), au poste de ministre adjoint de la Santé, nomination confirmée par le Sénat le 25 mars (5). La nouvelle ministre est notamment spécialiste de médecine LGBT. Le président a par ailleurs récemment signé un décret permettant aux athlètes transgenres masculins de concourir chez les femmes. Le déploiement planétaire de la cause transgenre qui est à prévoir a déjà des allures de foire d’empoigne.
(1). « Assessing the Implications of Allowing Transgender Personnel to Serve Openly », RAND Corporation, 2016. (2).« Pentagon to Pay for Surgery for Transgender Soldier », nbcnews.com, 14 novembre 2017. (3). « Navy Allows Transgender Sailors to Dress According to Gender Identity While Off Duty », strips.com, 15 avril 2019. (4). « D’après Trump, les soldats transgenres représentent un “coût énorme” pour l’armée. C’est absolument faux », huffingtonpost.fr, 27 juillet 2017. (5). « LGBT History Month – October 22: Rachel Levine », goqnotes.com, 22 octobre 2018.
Fer de lance du wokisme américain, le New York Times s’est donné pour mission d’attaquer la France et son universalisme républicain. Article après article, ses journalistes nous présentent la République française et une grande partie de sa population comme colonialistes, anti-immigrés et antimusulmans. Autrement dit, d’affreux racistes de manière systémique ! Cerise sur le gâteau, certains de ces textes sont désormais disponibles en français. Alors, autant aller voir…
Au mois de juin, une nouvelle pierre a été ajoutée à cet édifice idéologique. Un article peu subtil de Norimitsu Onishi, pourtant journaliste d’une très grande expérience, aujourd’hui correspondant parisien du New York Times, revient sur l’affaire de Trappes, ou plutôt l’affaire la plus récente, déclenchée autour de Didier Lemaire au mois de février. L’article réduit cette histoire à un bras de fer entre deux hommes, presque deux archétypes, le « professeur » et le « maire », autrement dit, le professeur de philosophie Didier Lemaire, et l’édile de la ville, Ali Rabeh. Le plus grave est que le potentiel dramatique de cet affrontement est exploité de manière manichéenne pour créer deux oppositions. La première est celle entre un « méchant », le Blanc peu crédible, et un « gentil », le fils d’immigrés héroïque. La deuxième est celle entre deux Républiques : l’une, officielle, qui, sous couvert d’universalisme, opprime ses propres citoyens issus de l’immigration ; et l’autre celle qu’incarnent ces mêmes citoyens opprimés et qui œuvre à la création d’un paradis multiculturel dont Trappes est la préfiguration.
On apprend très tôt dans l’article que Didier Lemaire est quelqu’un de peu fiable car, peu de temps après ses premières déclarations en février, sa « version initiale de l’histoire a commencé à prendre l’eau. » Par conséquent, après une semaine d’affrontements médiatiques entre lui et M. Rabeh, « les choses […] semblent tourner en faveur du maire. » Qu’est-ce qui permet ainsi de déclarer le maire vainqueur face au professeur ? « La version de l’enseignant s’est mise à vaciller » quand le préfet a démenti qu’il avait été « placé sous protection policière. » Or, nous savons que, depuis la tribune publiée par Didier Lemaire dans l’Obs du 1 novembre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre, la police avait mis en place un dispositif préventif, sous forme de patrouilles devant la résidence de M. Lemaire et son lycée pour surveiller ses allées et venues. Cette forme de protection policière aurait été levée le 27 janvier, c’est vrai, mais le professeur a apparemment été informé par téléphone ce jour-là que finalement les patrouilles seraient maintenues, la raison en étant la diffusion le 22 janvier d’un documentaire néerlandais sur Trappes au cours duquel Didier Lemaire et Ali Rabeh sont interviewés. Conclusion : Didier Lemaire n’a rien d’un mythomane. La menace est considérée comme suffisamment crédible par les autorités pour que Gérald Darmanin, le 11 février, propose au professeur une protection rapprochée.
Didier Lemaire bénéficiait depuis plusieurs jours d’une protection des services de police des Yvelines. Je lui ai proposé cet après midi de bénéficier également d’une protection rapprochée. L’Etat est au rendez-vous de sa protection.
À part cette désinvolture vis-à-vis des faits, le New York Times utilise un autre procédé pour discréditer Didier Lemaire, la culpabilité par association, car les appuis qu’il a reçus ne sont pas les bons. D’abord, celui d’« une grande partie de la classe politique française », c’est-à-dire de la République officielle, la mauvaise, celle que le New York Times se complait à vilipender. Notamment, Valérie Pécresse qui a tweeté son soutien au professeur et à tous ses collègues. Dans l’article, elle ne mérite pas d’être nommée et est désignée comme « la présidente de droite de la région Île-de-France, qui a des vues sur l’Élysée. » On comprend : son soutien est orienté parce qu’elle est de droite et opportuniste. Celle qui mérite d’être nommé est Marine Le Pen, car son nom est en lui-même un épouvantail. Quand on a l’appui de « la figure de proue de l’extrême droite », on est forcément dans le mauvais camp. D’ailleurs, on apprend que c’est juste avant son débat télévisé avec Marine Le Pen que M. Darmanin a annoncé une protection rapprochée pour le professeur : encore un opportuniste qui veut montrer qu’il est aussi antimusulman que l’extrême droite, forcément. Une « grande partie de la classe politique française » ne serait-elle pas secrètement d’extrême droite ?
L’article aborde aussi le fameux épisode des tracts : le ministre de l’Éducation et l’Académie ont dénoncé le maire de Trappes pour être entré à l’intérieur de l’établissement, lors d’une distribution de tracts devant le lycée de Didier Lemaire. Le New York Times cite de manière inconditionnelle les dires de certains élus locaux niant que le maire ait distribué des tracts à l’intérieur de l’école. Or, les choses ne sont pas du tout aussi simples que le voudrait le journal américain : le maire lui-même admet qu’il est bien entré dans le lycée, selon lui pour discuter avec les élèves et apporter des croissants. Quoi de plus innocent que l’autopromotion par les viennoiseries ?
La République des gentils multi-culti
Se dressant devant le professeur peu fiable soutenu par des méchants, on trouve un maire héroïque appartenant à une génération qui, à la différence de ses parents qui auraient fait preuve d’une humilité excessive, « n’hésite pas à assumer ouvertement son identité et à pointer du doigt les manquements de la France. » Autrement dit, selon le New York Times, Ali Rabeh est quelqu’un qui a la bonne attitude dans la vie. Toutes les personnes citées dans l’article lui sont d’ailleurs favorables : de la fondatrice d’une association qui aide les familles ayant des enfants djihadistes partis en Syrie au président de l’Union des Musulmans de Trappes, en passant par le politologue et écrivain franco-maroccain Rachid Benzine. Selon un de ces témoins cités par le journal américain, le maire n’a raconté que la vérité, « mais c’est un Arabe, ça dérange. » La logique implicite est la suivante : c’est un Arabe (en réalité, Ali Rabeh est un citoyen français), on ne le croit pas ; on ne le croit pas, donc il dit la vérité ; il dit la vérité, donc le professeur raconte des mensonges. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres points de vue sur Trappes n’est pas pris en considération ici. Pourtant, ces points de vue existent, même si certaines personnes n’osent s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.
Le Times esquisse un véritable story-telling pour promouvoir M. Rabeh comme apôtre d’une autre République. Au début de sa carrière politique, il aurait joué le jeu, gobant naïvement le discours traditionnel de l’État français :« Il est devenu un fervent républicain, croyant en la promesse universaliste. » Maintenant, depuis les réprimandes gouvernementales dont il a été l’objet, il est désabusé : « Un instant pendant la crise, je me suis dit, bon, si c’est ça la République, j’abandonne la République, comme elle m’abandonne, confie-t-il. Mais la vérité, c’est que c’est pas eux la République. C’est les gamins de Trappes, la République. »Le sens de cette affirmation assez sotte est on ne peut plus clair : Trappes, présenté dans l’article comme un pays de cocagne multiculturel, est l’avenir de la France qui appartient au maire progressiste plutôt qu’au professeur réactionnaire ! Gardons-nous bien de réserver le même traitement biaisé pour M. Rabeh que celui du Times pour M. Lemaire. Si le journal américain, quatre mois après les affrontements de février, ressasse la même vision résolument manichéenne de l’affaire, c’est uniquement pour relancer sa campagne contre la France.
Kirchhoff est un physicien allemand de 19ème siècle qui a établi les lois qui régissent l’intensité du courant dans un réseau électrique. On raconte que, récemment, dans un grand pays occidental, un conseil gouvernemental de haut niveau discutait de je ne sais quelle mesure de régulation de l’électricité. « Pas possible, dit le conseiller scientifique, cela contredirait les lois de Kirchhoff ». « Objection ridicule, rétorqua le Président, ce qu’une loi a décidé, une autre loi peut l’annuler ; et je contrôle bien mon Congrès ». Cette anecdote – vraisemblable sinon véridique – éclaire le débat français actuel sur la préservation de l’environnement, et son éventuelle inscription dans le préambule de la Constitution.
Une formulation fautive
Le gouvernement a fait voter par l’Assemblée Nationale le texte suivant : « La France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Ce texte est destiné à être soumis à referendum. Il est lamentable. On notera tout d’abord que l’expression « dérèglement climatique » est doublement fautive. Grammaticalement, tout d’abord. Elle confond l’adjectif avec le complément de nom, à l’anglaise. Le législateur veut parler du dérèglement du climat, pas d’un dérèglement d’on ne sait quoi (des mœurs, par exemple) qui serait d’origine ou de caractère climatique. Le préambule de la Constitution française mérite mieux qu’un anglicisme ambigu. Conceptuellement, ensuite. « Dérèglement » fait référence à un « règlement » du climat qui n’a aucune existence réelle, et auquel le législateur serait bien embarrassé de donner un contenu précis. On observera aussi en passant que les objectifs vagues et implicites du texte (« préservation », « lutte contre le changement ») sont ingénument conservateurs, passéistes, pour ne pas dire réactionnaires. Mais c’est surtout l’idée que la France pourrait « garantir » quoi que ce soit dans ce domaine qui est une absurdité.
L’évolution de l’environnement et du climat est évidemment un phénomène global. Les causes de cette évolution sont complexes, et encore mal connues. En simplifiant beaucoup, on peut distinguer deux systèmes explicatifs : 1) un système planétaire qui considère que la température de notre globe est déterminée par l’évolution du soleil ou par l’alignement des planètes ; 2) un système anthropique qui fait dépendre la température de la terre du stock de CO2 de l’atmosphère, lui-même alimenté par les rejets de CO2 de l’activité des hommes. On ne cherchera pas ici à comparer les mérites de ces deux systèmes explicatifs, qui peuvent d’ailleurs coexister, et combiner leurs effets.
Ce qui est certain, et évident, c’est que dans les deux cas la capacité de la France à « agir » sur le climat est nulle ou insignifiante. Dans le premier cas, l’évolution dépend du soleil ; dans le second elle est (fort peu d’ailleurs) entre les mains de la Chine. Si Jupiter en son Olympe croit qu’il peut commander à ces gros acteurs, il se trompe.
La France est (de ce point de vue) insignifiante
Josue a bien (selon la Bible) arrêté le soleil, mais pour un jour seulement, sans effet sur la température. En ce qui concerne les rejets de CO2, les chiffres sont les suivants : la France rejette 0,3 (milliards de tonnes) annuellement, la Chine 9, le monde 33, et le stock mondial est de 3 200. Un doublement du stock entraine une augmentation de la température du globe d’environ 1,5° centigrade. La moitié des rejets annuels sont absorbés par les océans et la végétation. Ces données (proposées par le GIEC), et quelques règles de trois, suffisent pour calculer que les rejets annuels de la France augmentent la température du globe d’environ 0,00007 °C. Si, par on ne sait quel miracle au coût catastrophique, la France réduisait du jour au lendemain à zéro ses rejets de CO2, au bout de 30 ans la température du globe s’en trouverait réduite d’environ 0,002 °C, c’est-à-dire d’un imperceptible 2/1000ième de degré. Une minute de réflexion montre donc que la France ne peut pas modifier l’évolution du climat. Ce n’est pas une affaire de volonté politique, c’est une affaire de réalité physique. Faire à la France obligation de « garantir » quoi que ce soit dans un domaine où elle est totalement désarmée n’a aucun sens. C’est une posture, une invocation, une incantation, une procession pour la pluie. Placer ce déni de science et de raison dans un texte aussi sacré que le préambule de la Constitution est effrayant. Il est triste de penser qu’une écrasante majorité de l’Assemblée Nationale a commis un tel crime contre l’esprit. Nos gouvernants et nos parlementaires sont comme ce président qui se flattait de faire modifier par son Congrès les lois de Kirchhoff.
Une pétition, émanant de personnalités et de sympathisants « attachés aux valeurs authentiques de la droite », interpelle le président des LR pour que la droite redevienne une « vraie droite ». Prise entre le RN et Macron, elle peine à exister. L’un comme l’autre ne rêvent que de la détruite, même si le second le fait de manière plus insidieuse. Il est vital de refuser toute alliance avec LREM, pour la survie de la droite !
Pour une fois une pétition nécessaire quoique tardive ! Une pétition « Une vraie droite pour la France » (droitepourlafrance.fr) a été adressée au président des LR, Christian Jacob. Quand sa médiatisation a été décidée à partir du 17 juin grâce à Thomas Zlowodzki questionné à son sujet aux Vraies Voix sur Sud Radio, elle a attiré mon attention pour une triple raison. D’abord elle émane de « cadres, élus, militants et sympathisants » se disant « attachés aux valeurs authentiques de la droite ».
Ensuite, des personnalités s’y trouvent qui méritent le plus grand intérêt, en particulier François-Xavier Bellamy, Bruno Retailleau et David Lisnard qui n’ont jamais dévié de cette ligne intègre. Le deuxième est sans aucun doute celui qui est directement visé par les atermoiements tactiques de Christian Jacob et ses idées saugrenues sur les deux « enquêtes d’opinion » avant, je l’espère, l’inévitable primaire ou départage. Le président et son équipe proche nous jouent une mauvaise pièce : En attendant Baroin…
Enfin cette pétition ose rappeler cette évidence qu’Emmanuel Macron n’est pas de droite et que toute alliance qui se prétendrait justifiée par un sordide électoralisme serait une trahison, aussi soft qu’elle apparaisse.
La droite prise en étau entre RN et Macron
Il faut avoir à l’esprit que le RN et le président de la République ont le même but : détruire la droite républicaine. Mais les méthodes diffèrent. Jean Leonetti a raison, le RN a cet objectif et veut l’atteindre avec une brutalité qui ne cherche même pas à dissimuler son intention. On pourrait d’ailleurs s’interroger : pourquoi LR, faute d’affirmer clairement et intelligemment son identité, par pauvreté intrinsèque et mauvaise conscience instillée par les gauches socialiste et extrême qui seraient gardiennes de la morale démocratique, donne-t-il l’impression de valider sa propre disparition ? Le président est évidemment beaucoup plus subtil que Marine Le Pen. Il embrasse pour étouffer, il fait preuve d’une apparente empathie, il se penche avec une ostensible compréhension et presque une tendresse feutrée, compassionnelle, sur ce corps de la droite qui, n’en déplaise aux croque-morts, bouge encore.
La danger Macron
Mais dont Emmanuel Macron souhaite faire advenir le dernier soupir avec une délicatesse infinie et un dessein élégamment masqué, mal perçu par ceux aveuglés qui lui tendent leur cou. Ressasser que la droite est morte anticipe un effacement qu’heureusement Emmanuel Macron n’a pas encore pu pousser à son terme. Mais il ne faut pas être naïf: là où le RN tente d’étrangler, le président cherche à tuer à petit feu. Le texte de la pétition constitue un baume, une libération, l’irruption nette d’une volonté politique dans l’équivoque que depuis de trop longs mois on secrète par des supputations sur un Macron de droite ou de gauche. Ce n’est pas parce que la gauche le récuse qu’il n’appartient pas à cette famille.
Qu’on considère son désir cynique de nous faire croire que le régalien est devenu son sujet préféré au point de nous faire des analyses profondes sur le danger des réseaux sociaux ! Ce n’est certainement pas cette conversion de dernière minute, quand quatre ans l’ont laissé impuissant avec ses « en même temps », qui risque d’égarer les électeurs de droite. Il est vrai que la nomenklatura LR, quand elle s’opposait, le faisait à l’encontre de ce que le macronisme pouvait avoir de passable, au lieu de dénoncer ses considérables failles de sécurité, d’autorité et de justice avec, en outre, sa vision sociétale de gauche et son progressisme de privilégié.
Refuser alliances et compromissions
Cette pétition arrive, je l’ai dit, trop tardivement alors qu’elle aurait dû apposer sa lucidité et sa dénonciation depuis longtemps sur les manoeuvres – les magouilles ? – de la direction de LR dont le dernier exploit s’est déroulé en PACA et va peut-être engendrer la victoire de Thierry Mariani, ancien républicain passé au RN.
Ce n’est pas d’aujourd’hui non plus que je désespère face à cette droite se cachant sous la table démocratique, peu assurée, incertaine de son utilité, sans élan, persuadée que le RN était l’inventeur des idées et des concepts qui ont toujours constitué le terreau de la droite authentique, de la droite capable de gouverner. Qu’on veuille bien sur ce plan se reporter à mon billet du 30 mai 2020 : « François-Xavier Bellamy : refonder la droite, un travail d’Hercule ? » Cette pétition qui peut réveiller des esprits et des consciences assoupies devra mobiliser Christian Jacob. À un certain niveau, l’inaction d’un président de parti n’est plus de l’impuissance mais de la complicité.
« Une vraie droite pour la France » : un texte, au fond, pas si tardif que cela puisque les élections régionales et départementales se déroulent les 20 et 27 juin pour le second tour. Et l’échéance présidentielle est proche. Il suffit à LR d’exister et de refuser les OPD : offres publiques de destruction !
Le journaliste et essayiste Paul-François Paoli analyse les derniers résultats électoraux en Corse. Entretien.
Avec un taux d’abstention record de 66,7%, le premier tour des élections régionales 2021 devient le scrutin le plus boudé sous la cinquième République. Une région se distingue: la Corse où le taux d’abstention a été bien plus bas (42,92%).
L’essayiste Paul-François Paoli y voit la manifestation de la passion politique des Corses qui, à travers leur vote, expriment la défense de leur insularité. La collectivité territoriale corse n’est pas perçue comme une entité administrative abstraite, mais comme une instance destinée à préserver leur identité.
Causeur.Pourquoi la mobilisation électorale a-t-elle été au rendez-vous sur l’île de Beauté ?
Paul-François Paoli
Paul-François Paoli. Il y a sans doute plusieurs raisons. La première est que les Corses aiment depuis toujours la politique. Ils aiment débattre et discuter politique notamment en famille. En Corse, la politique y est très personnalisée. On vote parfois plus pour un homme que pour un parti. C’est un petit pays où chacun se juge et se jauge. La réputation personnelle d’un candidat, sa compétence et son intégrité jouent aussi parfois plus que son idéologie politique. Au-delà de cette attitude traditionnelle, si les Corses se sont massivement déplacés, c’est qu’ils se sentent concernés par des élections qui traitent de questions locales très concrètes. En primant leurs listes nationalistes, ils ont rappelé qu’ils ne s’identifient pas aux élites « hors-sols » de Paris. La Corse est l’expression même du clivage entre Anywhere et Somewhere mis en évidence par l’anglais David Goodhart. Les Corses sont attachés aux hommes politiques pour qui ils votent et qu’ils connaissent parfois personnellement – ou du moins croient connaître !
Les Corses ont l’impression que la France est à la dérive: dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay…
Si les Corses sont allés massivement voter dimanche (57%), n’est-ce pas surtout lié au statut particulier de la collectivité territoriale et aux pouvoirs élargis du président de l’exécutif, capable de peser plus sur le destin de l’île ?
Sûrement. S’il n’y a pas eu cette désaffection massive qui a marqué le premier tour sur le continent, c’est donc parce que le vote dans un sens ou dans un autre est censé avoir des conséquences concrètes dans la vie locale des Corses. Par ailleurs, la forte mobilisation en faveur de Gilles Simeoni n’est pas un hasard. Simeoni jouit d’une excellente réputation. Maîtrisant parfaitement l’art oratoire, c’est un tribun qui a du charisme. C’est très important en Corse où il faut savoir s’imposer par la parole. Enfin il est capable de rassembler des électeurs qui ne font pas partie de son camp politique grâce à son intégrité incontestable, une qualité précieuse sur une île où l’emprise de la mafia est importante, si l’on en croit les experts.
57,7% des électeurs corses ont voté pour une des listes du camp nationaliste (qui reste malgré tout divisé entre autonomistes et indépendantistes). La gauche et l’extrême droite, en dessous de la barre des 6%, sont rejetées. Comment l’explique-t-on ?
Les nationalistes cultivent l’art de l’ambiguïté. Contrairement aux nationalistes catalans ou écossais, les nationalistes corses n’ont pas concocté de projet de sécession avec le continent. Ils se maintiennent dans un entre deux qui ne satisfait pas leur base radicale et francophobe. Gilles Siméoni est un homme politique pragmatique. Il a pleinement conscience que si la Corse était privée de ses services publics, ce serait le chaos. Dans mon village du Cap corse, la Poste est un lien social à part entière : on ne peut à la fois pester contre « l’État français » et réclamer des services publics. C’est d’ailleurs tout le problème. Comment faire pour vivre sans le soutien d’un État que l’on n’aime pas mais dont on a besoin? On l’a vu d’ailleurs avec la crise sanitaire qui a été très bien gérée en Corse. Autrement dit, l’État n’a pas que des défauts. Pour combattre le milieu criminel, il faut des policiers, des gendarmes et des juges et il vaut mieux qu’ils ne soient pas corses, chacun sait pourquoi. N’en déplaise à certains.
Par ailleurs,si la droite dite « dure » est faible en Corse, c’est parce que les nationalistes occupent le terrain identitaire. Mais là aussi, ils cultivent l’ambivalence. Les nationalistes courtisent les voix des chasseurs, très nombreux en Corse, tout en copinant avec les écolos-gauchistes, ce n’est pas très cohérent. On ne peut être à la fois identitaire et libertaire, d’accord ici avec Eric Zemmour sur l’immigration et l’islam et là avec Yannick Jadot sur les questions sociétales, sans être en contradiction avec soi-même.
Au-delà de ces contradictions, les électeurs nationalistes manifestent leur souci de préservation du patrimoine naturel et culturel de l’île contre l’enlaidissement engendré par le développement touristique. Depuis toujours le nationalisme en Corse est fondé sur une tentative de synthèse entre des thématiques de droite où l’on cultive l’enracinement et l’identité et une rhétorique de gauche, écologiste et anti-libérale. Ce n’est pas forcément très cohérent, mais cela marche dans les urnes. En réalité le seul communautarisme qui est toléré dans l’île est le communautarisme corse parce que lui seul apparait capable de défendre « l’âme de la Corse ».
Dans votre dernier essai France-Corse, je t’aime moi non plus, vous postulez que le repli identitaire des insulaires résulte du renoncement à assumer notre identité française. Faut-il voir dans le scrutin de dimanche dernier une confirmation de vos analyses ?
En incluant la Corse et en lui faisant partager sa destinée à partir de la Révolution, la France a développé avec l’ile une relation en miroir qui est aujourd’hui brisée. Les Corses se sont longtemps identifiés à la France quand celle-ci était puissante et leur offrait une aventure qui les grandissait : la France impériale, la France coloniale, la France résistante et gaullienne. De Gaulle a été le dernier chef d’État à être aimé et considéré en Corse. Les Corses ne sont pas foncièrement républicains au sens où l’entendent des gens comme Valls ou Mélenchon… Ils ont adhéré à l’Empire français bien plus qu’à la France de 1792.
Sur un certain plan que l’on peut qualifier d’anthropologique, cette île est de droite depuis toujours ou conservatrice, si vous préférez. Aujourd’hui, les Corses consentent de moins en moins à être une communauté lambda dans une France banalisée par la mondialisation. En somme quand la France ne sait plus qui elle est ni ou elle va, les Corses préfèrent se contenter d’être corses. Ce décrochage a commencé dans les années 70. Les Corses ont commencé à se détourner de la France parce qu’ils se reconnaissaient de moins en moins dans un pays qui, comme l’a déclaré un jour Vladimir Poutine, était colonisé par ces anciennes colonies. « La France est à tout le monde » proclamait Danielle Mitterrand. Sauf qu’un pays qui est à tout le monde n’est plus le pays de personne !
Vous expliquez aussi que la Corse est une ile refuge qui sait se préserver des maux qui touchent le continent : l’islamisme politique, l’immigration massive et incontrôlée ou le néoféminisme identitaire. D’après tout ce que vous me dites, j’en conclus que la crise démocratique s’ajoute à votre liste…
C’est en tout cas ainsi que je le ressens et je ne crois pas être le seul. À mes yeux la Corse est une île refuge. Je constate très souvent que les Corses qui ont longtemps vécu sur l’ile ne supportent plus ce que sont devenues des villes comme Paris et Marseille. Ils ont l’impression que la France est à la dérive : dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay.
En Corse, où les animaux sont omniprésents dans les villages, nous ne sommes pas encore confrontés à la vague antispéciste et à la misanthropie des militants animalistes très bien analysée par le journaliste du Figaro Paul Sugy. La chasse est encore un rituel sacré et il est d’ailleurs aberrant de voir certains nationalistes flirter avec les écolo-gauchistes. Dans un de mes livres Malaise de l’Occident, j’ai évoqué l’idée d’un déclin anthropologique de l’homme occidental qui peut profiter à l’islam radical et à son modèle alternatif. Je crois, comme Patrick Buisson, que nous avons basculé dans un ailleurs sans limite et sans normes. Alors, oui je continue à penser qu’une île vous protège toujours un peu de la folie des hommes et de leur bêtise idéologique; surtout si elle a la réputation d’être archaïque.
Voilà un sacré caillou dans les godasses de l’alliance Pulvar – Bayou – Autain !
Cela fait longtemps qu’il nous avait prévenus. Pour Manuel Valls, ancien Premier ministre de Hollande et mauvais oracle officiel de la gauche, il existe désormais en France deux gauches “irréconciliables”. En abandonnant Mila, en prêtant une oreille attentive aux bigots qui considèrent que Charlie Hebdo est un journal “islamophobe” ou en défilant aux côtés du CCIF, une partie de son camp a renoncé aux valeurs républicaines. Le divorce officiel est désormais prononcé.
La déclaration fracassante de Jean-Paul Huchon
Le socialiste Jean-Paul Huchon, prédécesseur de Valérie Pécresse à la présidence de la région Île-de-France, déclare ce matin dans le journal Le Point qu’il votera « sans hésitation » pour elle ! Huchon n’est certes pas un gauchiste – il est rocardien – mais cette déclaration fait quand même un sacré potin à gauche. Celui qui a dirigé l’Île-de-France pendant 17 ans précise qu’il conserve des points de désaccord avec la femme de droite, sortie en première position lors du premier tour du scrutin régional dimanche (36%). Mais il reconnaît que « c’est la seule candidate à même d’assurer le sérieux, l’avenir et l’espérance pour la région ».
Voilà un sacré caillou dans les godasses de l’alliance baroque formée par Audrey Pulvar, Julien Bayou et Clémentine Autain ! Depuis son départ de la région en 2015, que la gauche n’avait su conserver, Huchon s’était un peu fait oublier et se consacrait à l’enseignement. On se souvient que dans son propre camp, son rival Claude Bartolone disait de Valérie Pécresse en 2015 que « c’est Versailles, Neuilly et la “race blanche” qu’elle défend en creux ». De tels propos préfiguraient déjà le malaise profond qu’entretient la gauche sur les questions identitaires.
Bayou pas assez ferme face à la menace islamiste
Car pourquoi Huchon ne votera-t-il pas pour la liste de la gauche unie au second tour ? « Les socialistes n’ont pas grand-chose en commun avec les outrances des Insoumis et les positions rétrogrades des Verts », avance-t-il. On se souvient effectivement des propos sulfureux tenus récemment par Jean-Luc Mélenchon sur Mohammed Merah, que Clémentine Autain n’a jamais condamnés. Chez nos confrères du Point, Huchon enfonce ensuite le clou et confirme le diagnostic établi il y a longtemps par Valls : « Voir les Insoumis et les Verts mettre en cause la laïcité, ne pas faire preuve de la fermeté nécessaire vis-à-vis de l’islamisme et de l’islamo-gauchisme m’inquiète au plus haut point. »
À la différence de Laurent Wauquiez en Rhône-Alpes ou de Xavier Bertrand dans le Nord, il existe en Île-de-France un réel danger pour la droite de ne pas l’emporter. Huchon prévient : « Valérie Pécresse ne se bat pas dans un univers facile. Je ne comprends pas bien ce que fait La République en marche en maintenant au second tour la liste conduite par Laurent Saint-Martin, qui ne peut espérer qu’un petit nombre d’élus. Pour Emmanuel Macron, il vaudrait mieux avoir une présidente de région sérieuse et responsable plutôt que des gens irresponsables, irréfléchis et beaucoup trop idéologues comme le sont Julien Bayou, Clémentine Autain et Audrey Pulvar. » C’est dit !
La faute politique et morale des socialistes
Sur Twitter, Valls affirme de son côté que « l’alliance des écolos et du PS avec LFI est une faute politique et morale». Face à Sonia Mabrouk, il a confirmé ce matin sur Europe 1 qu’il voterait également pour Valérie Pécresse, et qu’il mettait désormais sur le même plan la France Insoumise et le Rassemblement National. Alors que le journal Le Figaro demande désormais à ses lecteurs s’il faut envisager un “front républicain” face à Jean-Luc Mélenchon (!), un Alexis Corbière très remonté a tenté de renverser la vapeur et a répliqué aux attaques subies par son parti sur France 2, où il a même qualifié Manuel Valls de M. Carnaval ! « J’en ai assez que des gens se permettent de dire que nous serions des ennemis de la République », a-t-il pleurniché.
Depuis, le mot-clé #EnnemiDeLaRépublique est le plus utilisé sur Twitter où les compromissions de l’extrême gauche sont dénoncées par de très nombreux citoyens. S’il faut bien rappeler qu’il ne s’agit “que” d’une élection régionale, elle fait la démonstration que le climat politique n’est franchement pas apaisé en France. La gauche ne s’y affronte plus tellement sur l’économie entre collectivistes et démocrates sociaux. Avec les bisbilles identitaires, on ne risque pas de s’ennuyer dans les prochains mois.
Pour Michel Onfray, la corrida n’est qu’une mise scène de la maltraitance animale. Pour en finir avec la mythologie du combat à mort entre l’homme et la bête, il propose de regarder les choses en face et de voir, à travers ce spectacle, une pure démonstration de sadisme.
Une sidérante publicité a récemment fait son apparition sur les écrans de télévision. Le tout sur le rythme entraînant de la chanson bien connue C’est si bon, dont voici les paroles :
« C’est si bon, de partir n’importe où Bras dessus bras dessous, en chantant des chansons C’est si bon, de se dire des mots doux Des petits rien du tout, mais qui en disent long En voyant notre mine ravie Les passants dans la rue nous envient C’est si bon, de guetter dans ses yeux un Espoir merveilleux, qui me donne le frisson C’est si bon, ces petites sensations C’est inouï ce qu’elle a pour séduire Sans parler de c’que je n’peux pas dire C’est si bon, quand j’la tiens dans mes bras De me dire que tout ça, c’est à moi pour de bon C’est si bon, et si nous nous aimons Cherchez pas la raison, c’est parce que c’est si bon C’est parce que c’est si bon C’est parce que c’est si bon. »
Pas besoin d’être normalien pour comprendre que ce texte jadis chanté par Yves Montand, ici repris par un crooner à la tessiture semble-t-il non blanche, comme il faut dire désormais, est un éloge de l’amour passion.
Tuer c’est faire couler du sang et faire passer de la vie au trépas
Or cette publicité s’avère une propagande pour la chasse – assimilée à une passion amoureuse, comprenne qui pourra car si la chasse peut être présentée comme une passion amoureuse, la passion amoureuse peut également être entendue comme une chasse… Littré définit la chasse ainsi : « Action de chasser, de poursuivre les animaux pour les manger ou les détruire. » À l’entrée « chasser », on lit ceci : « Poursuivre le gibier, les bêtes fauves, pour les tuer ou les prendre. » Sans être agrégé de lexicographie, chacun comprend ce que dit Littré : la chasse consiste à « détruire », à « tuer » des animaux. Dont acte.
Or que voit-on dans cette publicité payée par la Fédération nationale des chasseurs ? Des images très raccord avec les paroles pour montrer que « la chasse est un bonheur grandeur nature », comme le dit le texte incrusté en fin de pub. Des plans se succèdent pour étayer la thèse : trois hommes marchent côte à côte et représentent trois générations rassemblées dans une même passion ; idem avec les sexes, l’homme, la femme et les enfants rassemblés dans une semblable jubilation ; un petit-fils qui pique les jumelles de son grand-père qui lui sourit ; des hommes en balade avec leurs chiens ; une femme qui sourit à un autre chien et vice versa ; une petite-fille qui indique du doigt une direction à son grand-père qui acquiesce ; des copains qui se congratulent ; des hommes en fraternité virile ; le cacabe d’une perdrix sur le texte « en chantant des chansons » ; un couple amoureux enlacé avec la femme plus petite que l’homme et qui, de ce fait, doit lever les yeux vers lui ; des chasseurs à courre en habit qui jouent du cor devant des badauds en rang d’oignons qui applaudissent sur les paroles « des passants dans la rue nous envient » ; un enfant qui caresse une belette ; un repas convivial où tout le monde sourit en passant les plats ; les images d’une harde de sangliers qui courent, associées au texte « un espoir merveilleux qui donne le frisson » – chacun comprendra que l’espoir merveilleux est celui d’arrêter la course de ces animaux magnifiques avec une cartouche.
Les chasseurs et leurs publicitaires ignorent donc la définition la plus élémentaire de la chasse qui est de tuer des animaux… Car, d’animaux morts, il n’y en a point : la perdrix, le coq de bruyère, le cerf, le bouquetin, la biche, le faisan, la belette, les canards, les sangliers sont tous bien vivants ! Certes, on voit des chasseurs à l’affût, d’autres qui soufflent dans des appeaux ou félicitent leur chien, mais aucun fusil et aucune cartouche ! Bien sûr, tuer c’est faire couler du sang et faire passer de la vie au trépas des animaux transformés en cadavre : mais là, pas de sang et pas de cadavres d’animaux.
De sorte que, pour les têtes pensantes de la chasse à l’origine de cette propagande, la chasse qui consiste à tuer des animaux avec un fusil est une activité qui ne nécessite ni fusil ni cartouche, et ce tout simplement parce que la chasse qui, je le répète, consiste à tuer des animaux, ne tue pas le gibier, elle le prélève pour réguler l’écosystème…
La corrida, simulacre viriloïde
Ce négationnisme cynégétique – la chasse qui invite à tuer des animaux ne tue pas d’animaux, elle régule l’écosystème et permet à des amis de faire une bonne balade dans la nature suivie d’une bonne bouffe… – dispose de son pendant avec le négationnisme tauromachique qui, lui aussi, déroule ses éléments de langage éculés depuis des lustres.
La tauromachie dispose d’idiots utiles sous forme de peintres, de littérateurs, d’essayistes, de philosophes aussi. Un professeur à l’École normale, Francis Wolff, a même publié une Philosophie de la corrida dans laquelle le chapitre consacré à définir la corrida est construit comme un dialogue de Platon. On sait que Socrate savait qu’il ne savait rien tout en faisant savoir la vérité de ce savoir non sans rhétorique et humour. Ce chapitre qui doit définir ne définit donc rien. Plus loin, on lit ce qui rend inutile la vingtaine de pages du dialogue qui précède : « Dans la corrida, des hommes affrontent et tuent un animal. » Voilà. C’est dit. Et clairement. Nul besoin de convoquer Socrate et ses copains : la corrida est donc l’activité qui consiste à tuer des taureaux.
Comme un boucher, dira un malin touché par l’esprit socratique ? Justement, non. Car il existe une dimension essentielle à la corrida qui s’avère indissociable de la mise à mort du taureau, c’est la jouissance du spectacle de sa mise à mort.
Je ne sache pas en effet qu’un boucher ait autre chose en tête quand il travaille à l’abattoir que de fabriquer du plat de côtes et de la hampe, du gîte à la noix et du faux-filet pour la ménagère – si je puis me permettre de parler comme dans les années 1950 ! Le tueur en abattoir dispose d’un marlin et d’un masque pour l’animal qui lui couvre les yeux afin de l’abattre sans qu’il souffre, sans qu’il sache, sans qu’il voie : autrement dit sans qu’il ait conscience qu’un homme va lui ôter la vie. Le tueur en abattoir a des égards à l’endroit de l’animal qu’il fait passer de vie à trépas.
L’idée qu’un boucher fasse souffrir l’animal, prenne du temps pour l’affaiblir, transforme sa mort en spectacle que des gogos applaudissent le temps de cette souffrance savamment dosée, verse le sang de l’animal avec des piques taillées comme des rasoirs afin de l’affaiblir en prenant le soin de ne pas trop l’abîmer, se fasse aider par des comparses juchés sur des chevaux caparaçonnés, ce qui les met hors d’atteinte du danger, voilà bien sûr une idée grotesque : dans l’abattoir, le tueur ne jouit pas de tuer, il ne raffine pas, il ne chichite pas habillé en costume à paillettes, il n’arbore pas un petit chignon, la coleta, qu’il se fait couper quand il part à la retraite, il ne porte pas la faja, une ceinture en soie colorée, encore moins des bas de soie rose, les media, ni une toque en astrakan, la montera, ni une cravate en soie, la pañoleta ; il n’entre pas au boulot sur le son d’une fanfare municipale, ses collègues ne sacrifient pas non plus à ce simulacre viriloïde, le tueur ne bombe pas le torse pour mieux sortir ses fesses moulées dans son pantalon ; il ne cite pas Goya et Leiris, il ne convoque pas Hemingway et Picasso, Georges Bataille et Jean Cocteau pour justifier le plaisir qu’il aurait à donner la mort sans risquer la sienne. Dans l’arène, le toréador jouit de tuer, il fait un spectacle de cet assassinat, il quête les bravos du public qui paie sa place, parfois fort cher, pour jouir de ce meurtre sous rituel qui conduit toujours au même résultat : la mort du taureau, sauf deux ou trois exceptions notables pour saluer la bravoure de l’animal, et le triomphe du toréador qui brandit les oreilles et la queue (quand on y pense, quel ridicule pompier !) et qui perd rarement la vie, sauf dans le cas de la maladresse qui lui vaut d’être encorné, c’est-à-dire envoyé au bloc opératoire à une poignée de minutes de l’arène où un chirurgien l’attend avec une bobine de fil et une aiguille. Rappelons qu’il n’y a pas de vétérinaire pour recoudre les plaies d’un taureau que de toute façon on n’épargnera pas puisqu’il est là pour souffrir et mourir. Qu’on arrête donc avec cette mythologie saint-sulpicienne du combat de l’homme et de la bête avec la mort en tiers, un lieu commun des penseurs de la tauromachie : la mort du toréador dans les arènes est dérisoire, de toute façon elle s’avère beaucoup moins fréquente que chez les couvreurs qui tombent du toit sur lequel ils travaillent.
La corrida, exposé spectaculaire sadique
Pour comprendre la tauromachie, ce ne sont pas les habituels thuriféraires de cette messe désuète qu’il faut solliciter, mais le marquis de Sade. Car lui seul entretient de ce qui se joue dans la corrida : le sadisme, autrement dit, le plaisir à faire souffrir, puis, un grade au-dessus, le plaisir de mettre à mort, de tuer, d’ôter la vie d’un vivant. La corrida nomme en effet l’activité qui consiste à prendre plaisir au fait d’ôter la vie d’un vivant. C’est le sentiment de toute-puissance de psychismes tordus.
Sauf chasse à courre, la chasse évite la souffrance de l’animal, elle se contente, si je puis dire, de jouir de la seule mort ! Seule la corrida a transformé en « art » cette passion triste s’il en est une : lacruauté. Unamuno, Leiris, Bataille, sinon Francis Wolff ou Fernando Savater avec son Tauroética : pour une éthique de la corrida n’y pourront rien. Seul Les 120 journées de Sodome permet d’analyser ce qui se passe dans la tête de l’aficionado et qui se nomme sadisme.
Jean Cocteau, La Corrida du 1er mai
« Le taureau doit donc être considéré comme un ambassadeur extraordinaire de la mort. Il devra conclure ou ne pas conclure les épousailles. C’est de la Dame Blanche que je parle lorsque je parle du taureau, puisqu’elle lui délègue ses pouvoirs et n’épousera que le torero que le taureau tue. »
Je connais l’élément de langage qui consiste à dire que cette cruauté théâtralisée, scénographiée, est une catharsis – merci Aristote… – qui, justement, comme c’est pratique, empêche l’exercice de la cruauté véritable ! Je n’ai pour ma part rien ressenti d’autre à la lecture de Sade que du dégoût et de l’écœurement, sûrement pas matière à ne pas être sadique là où se trouve bien plutôt l’une des modalités du sadisme : la jouissance prise à l’exposé sadique – et la corrida est un exposé spectaculaire sadique.
Cette fête macabre associée à la sexualité
Dans les mille pages du volume « Bouquins » La Tauromachie : histoire et dictionnaire, il n’existe aucune entrée : « plaisir », « jouissance », « jubilation », bien évidemment aucune à « sadisme » ou « sadique ». Rien non plus à « cruauté ». Ni même « olé » qui est pourtant l’apostrophe de la jouissance manifestée par l’aficionado. Méfions-nous de ce genre de silences, ils en disent plus que tous les mots.
On connaît les saillies, si je puis me permettre, de certains champions de la corrida : « Je caresse le taureau, la pique c’est la pénétration, ai-je besoin de faire un dessin ? » dit Marie Sara, la femme qui torée à cheval, possède un élevage de taureaux et organise des corridas ; « C’est à un coït qu’on assiste, un orgasme collectif » ou bien encore « Quand je vois un jeune torero triompher, je bande », affirme Simon Casas, qui fut le mari de la précédente ; de Jean-Pierre Formica, un artiste aficionado qui dessine les corridas depuis des années : « J’ai entendu dire que la tension sexuelle était telle que des toreros en arrivent à éjaculer au moment de la mise à mort. » Ce ne sont pas des propos polémiques, mais des assertions de partisans de cette fête macabre, qui soulignent la relation entre le fait de tuer un taureau dans l’arène et la relation sexuelle avec ses caresses, sa bandaison, sa pénétration, son éjaculation, son orgasme…
Que la corrida, où l’on jouit de mettre à mort un taureau, entretienne une relation intime avec la sexualité n’est donc pas propos polémique, mais constat empirique. Prendre un plaisir sexuel au spectacle de la souffrance et de la mise à mort d’un mammifère orchestrée par un homme qui porte bas et chignon, culotte à paillettes et ballerines, voilà matière à réflexion…
Jouir du spectacle de la souffrance et de la mort infligée relève donc sans conteste du sadisme. On lira Les 120 journées de Sodome pour comprendre le mécanisme mental des défenseurs de la corrida : le marquis associe la mort des animaux à la décharge, à l’éjaculation, à l’orgasme. L’homme qui invite à trancher le cou d’un dindon, à étrangler un cygne, à tuer un chien d’un coup de pistolet écrit dans La Nouvelle Justine : « Point de volupté sans crime » ; il est le maître à penser de tout aficionado. On a les plaisirs qu’on peut. Sade, qui dans La Nouvelle Justine parle de son « âme pourrie », avait ceux-là.
Selon les progressistes, apparemment, les homosexuels en Hongrie courent un grave danger. La décision de l’UEFA de ne pas autoriser l’illumination aux couleurs du drapeau LGBT du stade de Munich a renforcé leur inquiétude.
« La pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans ». Ceci est une loi hongroise. La présidente de la Commission Européenne déclare que c’est une honte, et 13 pays de l’Union, dont la France, déclarent condamner cette loi. Cette prétention insupportable de s’occuper de ce qui ne regarde que les Hongrois est assez scandaleuse. Je suis français et je ne veux pas que l’on parle ainsi en mon nom.
L’obsession victimaire de l’Occident dont les Hongrois veulent se prémunir
D’abord parce que la Hongrie est un pays souverain et jusqu’à preuve du contraire démocratique. Ensuite parce que ce texte n’enfreint en rien les droits de l’homme. Il s’agit de choix éthiques tout à fait respectables, même s’ils ne vont pas dans le sens de ce qui plaît à certains militants LGBTQI+. Toute cette obsession victimaire, toutes ces grandiloquentes et permanentes manifestations de soutien à une infinie variété de minorités finissent par être ridicules.
Il n’est même plus possible maintenant de voir un match de foot sans que la question d’une cérémonie d’expiation génuflectrice contre le racisme ne soit posée, sans que l’on impose des drapeaux ou des illuminations aux couleurs « gay ». Nos gouvernants exhibent constamment leurs (bons) sentiments sur le sujet. Même pour l’illumination du stade de Munich, il a fallu que notre président fasse entendre sa petite musique bien pensante : l’Élysée « regrette profondément la décision de l’UEFA” (l’organisation avait refusé un éclairage arc-en-ciel du stade lors de Allemagne-Hongrie, affirmant ne pas vouloir se mêler de politique ou de religion).
Réagissant à l’affaire devant les journalistes, le Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Clément Beaune a plaidé que « l’Europe n’est pas un marché ou un tiroir-caisse pour la Hongrie ou la Pologne, ce sont des valeurs”. Quand on sait que la prochaine Coupe du Monde de football sera organisée au Qatar, où l’homosexualité reste passible de la peine de mort, les instances du football mondial et nos progressistes risquent d’avoir d’autres mauvaises surprises.
Nos sociétés, nos responsables politiques ont sans doute des problèmes plus urgents à traiter, et bien d’autres malheurs à soigner.
D’ailleurs nombre des personnes qu’on qualifie de LGBTQI etc. n’en demandent certainement pas tant. Elles ont droit au respect, tout simplement, elles n’ont nul besoin de cette propagande diversitaire et progressiste permanente.
Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier… Les temps ne sont plus à la rigolade, prévient notre professeur préféré Jean-Paul Brighelli. Il y a un risque mesuré que l’alliance baroque entre Julien Bayou des Verts, Audrey Pulvar du PS et des Insoumis l’emporte.
Jean-Paul Huchon, quand il présidait aux destinées de l’Île-de-France, avait la main légère avec les subventions de moins de 50 000 euros, dont il arrosait nombre d’associations parfois fantaisistes. Et Valérie Pécresse, alors dans l’opposition, le lui reprocha vertement. Il s’en souvient sans doute, mais il ne lui en veut pas : il vient de lui apporter son soutien face à la liste conjointe d’Audrey Pulvar / Julien Bayou / Clémentine Autain.
Manuel Valls a certainement des défauts, ses allers-retours entre Barcelone et Paris ont fait jaser, mais il est un laïcard convaincu, comme le soulignait jadis le Comité Laïcité République. Et il soutient Valérie Pécresse dans l’élection de dimanche prochain — parce qu’il a remarqué que LFI et Jean-Luc Mélenchon se sont soumis aux islamistes, sous prétexte de lutter contre les discriminations.
Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier. Elle n’a pourtant pas changé, elle ne s’est alliée ni à Macron, grand débaucheur de Républicains, ni à ses premiers ministres, issus pourtant de son propre parti.
Je sais deux ou trois choses sur Pécresse, pour avoir co-écrit un livre avec elle, du temps où elle était ministre de l’Enseignement Supérieur — avec un tout petit peu plus de classe que Frédérique Vidal… Je sais par exemple qu’elle n’est pas de gauche. Comment donc se fait-il que des hommes de gauche — Huchon a été la doublure de Rocard, Valls n’a jamais transigé avec les principes laïques, ce qui n’a pas été le cas de tous les élus de son parti — soutiennent une libérale pur jus ?
C’est que le monde a tourné, et que la gauche d’hier — une partie d’entre elle au moins — campe aujourd’hui sur les terres marécageuses du communautarisme, de l’intersectionnalité, de l’islamo-gauchisme et de l’idéologie verte, qui n’a rien à voir avec les réalités de l’environnement.
Sur le terrain de la laïcité, Pécresse n’a jamais dévié du principe républicain : la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte. Surtout ceux qui flinguent des journalistes, assassinent des prêtres, massacrent des foules, et égorgent des enseignants. Alors que la gauche, pour séduire ce nouveau prolétariat, après avoir sacrifié l’ancien, selon le plan mirobolant de Terra Nova, fait cause commune avec des organisations sectaires, et pour séduire des jeunes qu’elle a largement contribué à décerveler, se rapproche des écologistes déclinistes. Marx, reviens, ils sont devenus fous !
D’où les déclarations des plus sincères des ex-socialistes. Constatant le tournant mortifère que prend leur parti, ils préfèrent encore franchir le Rubicon que donner la main à des gens qui font des risettes aux complices des égorgeurs.
Ils ne sont pas les seuls. Raphaël Enthoven, évoquant l’hypothèse improbable d’un match final Mélenchon / Le Pen, a avoué qu’à la onzième heure, il irait furtivement voter pour la présidente du RN. Tollé chez les sociologues du Quartier Latin, les meilleurs de France, comme chacun sait. Ils n’ont pas compris que le philosophe avait vu avant eux le monde tourner dans le mauvais sens. Rester fidèle à ses convictions, ces temps-ci, revient à se faire rattraper sur sa droite. Tant pis. Je sais que Pécresse ne rouvrira jamais de goulags — elle a voyagé ado en URSS, elle sait ce que c’est que le paradis brejnévien.
Tout comme elle sait ce qu’est le monde dont rêve Clémentine Autain ou Julien Bayou (étant entendu qu’Audrey Pulvar n’est là que comme complément de boboïtude). Les municipalités dont des citoyens mal informés ont confié les clefs aux écolos voient déjà ce qu’il en est. J’en ai fait il y a deux mois un petit billet qui se voulait humoristique.
Mais les temps ne sont plus à la rigolade. Il y a un risque mesuré de révolution dans la région la plus peuplée de France. À vous de voir ce que vous voulez : des améliorations mesurées à la hauteur d’un budget raisonnable, ou des improvisations folles au gré d’alliances nauséeuses.
Une tribune libre de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur
Depuis 2017, nous assistons à l’agonie de la gauche républicaine. Abandonnée par le peuple, puis par ses militants, la gauche a vendu Solférino en même temps qu’elle a assisté, impuissante, à la déstructuration du « Parti » : plus de cartes, plus de congrès, plus de figure emblématique. Depuis, à chaque élection, elle se cache derrière l’étiquette « Divers gauche » et la rose s’est fanée. Abandonnant ses idéaux de progrès, de laïcité, d’égalité sociale, dont la seule évocation des noms suffisait à décliner son identité heureuse, c’est elle qui a déserté le peuple, lequel l’a vécu comme une trahison.
Certains de ses représentants appellent à un sursaut pour ne pas « basculer dans un autre monde » comme le déclare Carole Delga, Présidente sortante de la Région Occitanie à propos de Jean-Luc Mélenchon. En Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Ile-de-France, se nouent en effet de scandaleuses alliances pour ressusciter la gauche plurielle, faisant disparaître le cordon sanitaire qui tenait à distance l’extrême-gauche. Ensemble, elles imposent déjà depuis longtemps un climat de révolution permanente en absolutisant la race, la religion, le genre, l’ethnie. L’armée des Social Justice Warriors est sur tous les fronts des réunions en non-mixité, tour à tour interdites aux hommes, aux blancs et surtout aux hommes blancs ! « Cela nous mène tout droit au fascisme », affirmait le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. En réalité, cela n’est pas très éloigné d’un totalitarisme intrinsèque au communisme. Les « illusionnistes illusionnés qui ont bâti le mirage du communisme » et dont François Furet analyse la passion révolutionnaire ont pourtant du sang sur les mains : « Fils de la guerre, bolchevisme et fascisme tiennent d’elle ce qu’ils ont d’élémentaire. Ils transportent dans la politique l’apprentissage reçu dans les tranchées : l’habitude de la violence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l’individu au collectif, enfin l’amertume des sacrifices inutiles ou trahis ».
Qu’importe les 80 millions de morts des crimes commis par les régimes communistes ! Pour gagner une région, la gauche n’a pas les états d’âme de la droite face au Rassemblement National : la France Insoumise lui tend la faucille et les Verts plantent le drapeau de la bonne conscience écologiste, se recyclant ainsi à peu de frais. En Ile-de-France, ils font tout sauter et ils le disent – avec violence évidemment – en image, une image indécemment récupérée d’un attentat meurtrier en Syrie. Le poids des maux, le choc d’une photo.
Trois régions à conserver pour les protéger du saccage de l’extrême gauche
Durant ces semaines d’une campagne inhabituelle dans ses modalités, le Mouvement Conservateur, avec son organisation structurée, ses troupes et une indéniable constance dans ses positions, a fédéré la droite conservatrice pour soutenir activement les candidats qui ont su tenir à distance la majorité présidentielle et intégrer les dynamiques conservateurs de leur région.
Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de Loire, Ile-de-France, les contextes sont différents, les stratégies tout autant et la représentation des conservateurs également. Dans le match qui oppose aujourd’hui trois présidents sortants à de dangereuses alliances autour de l’extrême gauche, les abstentionnistes ont un rôle capital. Quand deux électeurs sur trois ne votent pas, ce n’est pas le fruit du hasard, la faute des beaux jours ou du cours d’aquaponey. L’abstention ne traduit pas un désintérêt mais une colère. Elle est devenue le vote sanction de ceux qui ne se sentent pas représentés et ne supportent pas le jeu trouble des accords de coulisses.
Dimanche, 31 millions d’abstentionnistes doivent revenir dans l’isoloir. Ils ont la capacité de tout changer. Parmi eux, des conservateurs responsables qui ne veulent pas voir leur pays sombrer dans le totalitarisme rouge et vert. Mais aussi, des conservateurs qui interrogent : de quoi la droite de demain voudra-t-elle être le nom ? Cette dernière question sonne comme un avertissement et un appel urgent au réveil d’une droite qui ne se contente pas d’être une non-gauche.
C’est l’une des premières mesures prises par Joe Biden : annuler l’interdiction édictée par Donald Trump de s’engager dans l’armée sous une « identité de genre », celle que les transgenres peuvent faire reconnaître à l’état-civil. Les soldats qui n’auraient pas passé le cap peuvent aussi, désormais, se faire opérer aux frais de l’institution.
À peine finie la cérémonie de son investiture, qui a nécessité le déploiement de 25 000 soldats de la garde nationale le 20 janvier 2021, Joe Biden, le nouveau président américain et commandant en chef des armées, a pris une décision : celle d’annuler l’interdiction pour les personnes transgenres de s’engager sous leur « identité de genre » (celle qu’ils ont choisie). Cet interdit édicté par Donald Trump dès 2017 avait été validé par la Cour suprême en 2019.
Joe Biden s’inscrit en cela dans la continuité de Barack Obama qui, en 2016, avait autorisé les personnes transgenres à servir ouvertement au sein des forces armées et à avoir accès à des traitements hormonaux combinés à un suivi psychologique pendant la durée de leur service. C’est ainsi qu’en 2016, selon un rapport de la RAND Corporation, les forces américaines comptaient quelque 2 450 militaires d’active transgenres (sur 1,3 million de soldats) et 1 510 réservistes transgenres (1), tandis que la célèbre animatrice de télé transgenre Caitlyn Jenner et la chanteuse Barbra Streisand avançaient, pour leur part, le chiffre de 15 000 personnes. Parmi les militaires transgenres figure Chelsea Manning (née Bradley Manning), qui a été à l’origine du scandale Assange-WikiLeaks en 2010.
Trump voulait purement et simplement bannir les transgenres des forces armées. Les difficultés logistiques qu’aurait impliquées cette mesure étaient telles qu’il a dû renoncer. Les soldats déjà sous contrat, diagnostiqués avec une « dysphorie de genre » – sentiment de détresse né de l’inadéquation entre le sexe assigné et leur « identité de genre » – ont pu continuer à servir sous les drapeaux sous l’identité sexuelle de leur choix. En prime, toujours contre l’avis du président, ils ont obtenu le droit d’être opérés aux frais de l’institution militaire. En novembre 2017, la Defense Health Agency a approuvé pour la première fois la prise en charge d’une opération de chirurgie de changement de sexe (sex reassignment surgery) pour un militaire américain en service actif (2).
En revanche, Donald Trump a gagné pour les nouvelles recrues : celles-ci étaient obligées de conserver leur identité sexuelle d’origine, excluant toute velléité de suivre un traitement hormonal pendant leurs années de service (3).
Les élus démocrates font pression sur les associations et sur le ministère chargé des vétérans pour que l’armée finance ces interventions dont le coût, avec celui des traitements associés, représenterait à peine quelques millions de dollars sur un budget de près de 50 milliards de dollars alloués aux dépenses de santé du département de la Défense (4). Mais ce sujet très sensible n’a pas manqué de soulever de vives polémiques sur l’utilisation des ressources de l’armée, attendu qu’un grand nombre de militaires blessés sur des théâtres de guerre attendent de subir des opérations chirurgicales. Pour rappel, 4 489 militaires américains ont été tués et 32 242 blessés en Irak. En Afghanistan, depuis 2001, on compte 2 357 tués et 20 068 blessés. Le suivi psychologique des soldats victimes de stress post-traumatique sur des théâtres de guerre nécessite également des ressources financières.
La décision de Biden est évidemment une bonne manière à ses soutiens démocrates, minoritaires dans l’armée. Sans surprise, les militaires d’active votent majoritairement pour les républicains, comme le reconnaît d’ailleurs le Washington Post.On peut donc s’attendre à ce que les droits des transgenres soient un sujet important du mandat, comme ceux des nombreuses minorités ethniques et sexuelles qui ont voté pour Biden. L’un de ses premiers coups d’éclat a été de nommer la pédiatre transgenre Rachel Levine (anciennement Richard Levine), au poste de ministre adjoint de la Santé, nomination confirmée par le Sénat le 25 mars (5). La nouvelle ministre est notamment spécialiste de médecine LGBT. Le président a par ailleurs récemment signé un décret permettant aux athlètes transgenres masculins de concourir chez les femmes. Le déploiement planétaire de la cause transgenre qui est à prévoir a déjà des allures de foire d’empoigne.
(1). « Assessing the Implications of Allowing Transgender Personnel to Serve Openly », RAND Corporation, 2016. (2).« Pentagon to Pay for Surgery for Transgender Soldier », nbcnews.com, 14 novembre 2017. (3). « Navy Allows Transgender Sailors to Dress According to Gender Identity While Off Duty », strips.com, 15 avril 2019. (4). « D’après Trump, les soldats transgenres représentent un “coût énorme” pour l’armée. C’est absolument faux », huffingtonpost.fr, 27 juillet 2017. (5). « LGBT History Month – October 22: Rachel Levine », goqnotes.com, 22 octobre 2018.
Fer de lance du wokisme américain, le New York Times s’est donné pour mission d’attaquer la France et son universalisme républicain. Article après article, ses journalistes nous présentent la République française et une grande partie de sa population comme colonialistes, anti-immigrés et antimusulmans. Autrement dit, d’affreux racistes de manière systémique ! Cerise sur le gâteau, certains de ces textes sont désormais disponibles en français. Alors, autant aller voir…
Au mois de juin, une nouvelle pierre a été ajoutée à cet édifice idéologique. Un article peu subtil de Norimitsu Onishi, pourtant journaliste d’une très grande expérience, aujourd’hui correspondant parisien du New York Times, revient sur l’affaire de Trappes, ou plutôt l’affaire la plus récente, déclenchée autour de Didier Lemaire au mois de février. L’article réduit cette histoire à un bras de fer entre deux hommes, presque deux archétypes, le « professeur » et le « maire », autrement dit, le professeur de philosophie Didier Lemaire, et l’édile de la ville, Ali Rabeh. Le plus grave est que le potentiel dramatique de cet affrontement est exploité de manière manichéenne pour créer deux oppositions. La première est celle entre un « méchant », le Blanc peu crédible, et un « gentil », le fils d’immigrés héroïque. La deuxième est celle entre deux Républiques : l’une, officielle, qui, sous couvert d’universalisme, opprime ses propres citoyens issus de l’immigration ; et l’autre celle qu’incarnent ces mêmes citoyens opprimés et qui œuvre à la création d’un paradis multiculturel dont Trappes est la préfiguration.
On apprend très tôt dans l’article que Didier Lemaire est quelqu’un de peu fiable car, peu de temps après ses premières déclarations en février, sa « version initiale de l’histoire a commencé à prendre l’eau. » Par conséquent, après une semaine d’affrontements médiatiques entre lui et M. Rabeh, « les choses […] semblent tourner en faveur du maire. » Qu’est-ce qui permet ainsi de déclarer le maire vainqueur face au professeur ? « La version de l’enseignant s’est mise à vaciller » quand le préfet a démenti qu’il avait été « placé sous protection policière. » Or, nous savons que, depuis la tribune publiée par Didier Lemaire dans l’Obs du 1 novembre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre, la police avait mis en place un dispositif préventif, sous forme de patrouilles devant la résidence de M. Lemaire et son lycée pour surveiller ses allées et venues. Cette forme de protection policière aurait été levée le 27 janvier, c’est vrai, mais le professeur a apparemment été informé par téléphone ce jour-là que finalement les patrouilles seraient maintenues, la raison en étant la diffusion le 22 janvier d’un documentaire néerlandais sur Trappes au cours duquel Didier Lemaire et Ali Rabeh sont interviewés. Conclusion : Didier Lemaire n’a rien d’un mythomane. La menace est considérée comme suffisamment crédible par les autorités pour que Gérald Darmanin, le 11 février, propose au professeur une protection rapprochée.
Didier Lemaire bénéficiait depuis plusieurs jours d’une protection des services de police des Yvelines. Je lui ai proposé cet après midi de bénéficier également d’une protection rapprochée. L’Etat est au rendez-vous de sa protection.
À part cette désinvolture vis-à-vis des faits, le New York Times utilise un autre procédé pour discréditer Didier Lemaire, la culpabilité par association, car les appuis qu’il a reçus ne sont pas les bons. D’abord, celui d’« une grande partie de la classe politique française », c’est-à-dire de la République officielle, la mauvaise, celle que le New York Times se complait à vilipender. Notamment, Valérie Pécresse qui a tweeté son soutien au professeur et à tous ses collègues. Dans l’article, elle ne mérite pas d’être nommée et est désignée comme « la présidente de droite de la région Île-de-France, qui a des vues sur l’Élysée. » On comprend : son soutien est orienté parce qu’elle est de droite et opportuniste. Celle qui mérite d’être nommé est Marine Le Pen, car son nom est en lui-même un épouvantail. Quand on a l’appui de « la figure de proue de l’extrême droite », on est forcément dans le mauvais camp. D’ailleurs, on apprend que c’est juste avant son débat télévisé avec Marine Le Pen que M. Darmanin a annoncé une protection rapprochée pour le professeur : encore un opportuniste qui veut montrer qu’il est aussi antimusulman que l’extrême droite, forcément. Une « grande partie de la classe politique française » ne serait-elle pas secrètement d’extrême droite ?
L’article aborde aussi le fameux épisode des tracts : le ministre de l’Éducation et l’Académie ont dénoncé le maire de Trappes pour être entré à l’intérieur de l’établissement, lors d’une distribution de tracts devant le lycée de Didier Lemaire. Le New York Times cite de manière inconditionnelle les dires de certains élus locaux niant que le maire ait distribué des tracts à l’intérieur de l’école. Or, les choses ne sont pas du tout aussi simples que le voudrait le journal américain : le maire lui-même admet qu’il est bien entré dans le lycée, selon lui pour discuter avec les élèves et apporter des croissants. Quoi de plus innocent que l’autopromotion par les viennoiseries ?
La République des gentils multi-culti
Se dressant devant le professeur peu fiable soutenu par des méchants, on trouve un maire héroïque appartenant à une génération qui, à la différence de ses parents qui auraient fait preuve d’une humilité excessive, « n’hésite pas à assumer ouvertement son identité et à pointer du doigt les manquements de la France. » Autrement dit, selon le New York Times, Ali Rabeh est quelqu’un qui a la bonne attitude dans la vie. Toutes les personnes citées dans l’article lui sont d’ailleurs favorables : de la fondatrice d’une association qui aide les familles ayant des enfants djihadistes partis en Syrie au président de l’Union des Musulmans de Trappes, en passant par le politologue et écrivain franco-maroccain Rachid Benzine. Selon un de ces témoins cités par le journal américain, le maire n’a raconté que la vérité, « mais c’est un Arabe, ça dérange. » La logique implicite est la suivante : c’est un Arabe (en réalité, Ali Rabeh est un citoyen français), on ne le croit pas ; on ne le croit pas, donc il dit la vérité ; il dit la vérité, donc le professeur raconte des mensonges. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres points de vue sur Trappes n’est pas pris en considération ici. Pourtant, ces points de vue existent, même si certaines personnes n’osent s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.
Le Times esquisse un véritable story-telling pour promouvoir M. Rabeh comme apôtre d’une autre République. Au début de sa carrière politique, il aurait joué le jeu, gobant naïvement le discours traditionnel de l’État français :« Il est devenu un fervent républicain, croyant en la promesse universaliste. » Maintenant, depuis les réprimandes gouvernementales dont il a été l’objet, il est désabusé : « Un instant pendant la crise, je me suis dit, bon, si c’est ça la République, j’abandonne la République, comme elle m’abandonne, confie-t-il. Mais la vérité, c’est que c’est pas eux la République. C’est les gamins de Trappes, la République. »Le sens de cette affirmation assez sotte est on ne peut plus clair : Trappes, présenté dans l’article comme un pays de cocagne multiculturel, est l’avenir de la France qui appartient au maire progressiste plutôt qu’au professeur réactionnaire ! Gardons-nous bien de réserver le même traitement biaisé pour M. Rabeh que celui du Times pour M. Lemaire. Si le journal américain, quatre mois après les affrontements de février, ressasse la même vision résolument manichéenne de l’affaire, c’est uniquement pour relancer sa campagne contre la France.
Kirchhoff est un physicien allemand de 19ème siècle qui a établi les lois qui régissent l’intensité du courant dans un réseau électrique. On raconte que, récemment, dans un grand pays occidental, un conseil gouvernemental de haut niveau discutait de je ne sais quelle mesure de régulation de l’électricité. « Pas possible, dit le conseiller scientifique, cela contredirait les lois de Kirchhoff ». « Objection ridicule, rétorqua le Président, ce qu’une loi a décidé, une autre loi peut l’annuler ; et je contrôle bien mon Congrès ». Cette anecdote – vraisemblable sinon véridique – éclaire le débat français actuel sur la préservation de l’environnement, et son éventuelle inscription dans le préambule de la Constitution.
Une formulation fautive
Le gouvernement a fait voter par l’Assemblée Nationale le texte suivant : « La France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Ce texte est destiné à être soumis à referendum. Il est lamentable. On notera tout d’abord que l’expression « dérèglement climatique » est doublement fautive. Grammaticalement, tout d’abord. Elle confond l’adjectif avec le complément de nom, à l’anglaise. Le législateur veut parler du dérèglement du climat, pas d’un dérèglement d’on ne sait quoi (des mœurs, par exemple) qui serait d’origine ou de caractère climatique. Le préambule de la Constitution française mérite mieux qu’un anglicisme ambigu. Conceptuellement, ensuite. « Dérèglement » fait référence à un « règlement » du climat qui n’a aucune existence réelle, et auquel le législateur serait bien embarrassé de donner un contenu précis. On observera aussi en passant que les objectifs vagues et implicites du texte (« préservation », « lutte contre le changement ») sont ingénument conservateurs, passéistes, pour ne pas dire réactionnaires. Mais c’est surtout l’idée que la France pourrait « garantir » quoi que ce soit dans ce domaine qui est une absurdité.
L’évolution de l’environnement et du climat est évidemment un phénomène global. Les causes de cette évolution sont complexes, et encore mal connues. En simplifiant beaucoup, on peut distinguer deux systèmes explicatifs : 1) un système planétaire qui considère que la température de notre globe est déterminée par l’évolution du soleil ou par l’alignement des planètes ; 2) un système anthropique qui fait dépendre la température de la terre du stock de CO2 de l’atmosphère, lui-même alimenté par les rejets de CO2 de l’activité des hommes. On ne cherchera pas ici à comparer les mérites de ces deux systèmes explicatifs, qui peuvent d’ailleurs coexister, et combiner leurs effets.
Ce qui est certain, et évident, c’est que dans les deux cas la capacité de la France à « agir » sur le climat est nulle ou insignifiante. Dans le premier cas, l’évolution dépend du soleil ; dans le second elle est (fort peu d’ailleurs) entre les mains de la Chine. Si Jupiter en son Olympe croit qu’il peut commander à ces gros acteurs, il se trompe.
La France est (de ce point de vue) insignifiante
Josue a bien (selon la Bible) arrêté le soleil, mais pour un jour seulement, sans effet sur la température. En ce qui concerne les rejets de CO2, les chiffres sont les suivants : la France rejette 0,3 (milliards de tonnes) annuellement, la Chine 9, le monde 33, et le stock mondial est de 3 200. Un doublement du stock entraine une augmentation de la température du globe d’environ 1,5° centigrade. La moitié des rejets annuels sont absorbés par les océans et la végétation. Ces données (proposées par le GIEC), et quelques règles de trois, suffisent pour calculer que les rejets annuels de la France augmentent la température du globe d’environ 0,00007 °C. Si, par on ne sait quel miracle au coût catastrophique, la France réduisait du jour au lendemain à zéro ses rejets de CO2, au bout de 30 ans la température du globe s’en trouverait réduite d’environ 0,002 °C, c’est-à-dire d’un imperceptible 2/1000ième de degré. Une minute de réflexion montre donc que la France ne peut pas modifier l’évolution du climat. Ce n’est pas une affaire de volonté politique, c’est une affaire de réalité physique. Faire à la France obligation de « garantir » quoi que ce soit dans un domaine où elle est totalement désarmée n’a aucun sens. C’est une posture, une invocation, une incantation, une procession pour la pluie. Placer ce déni de science et de raison dans un texte aussi sacré que le préambule de la Constitution est effrayant. Il est triste de penser qu’une écrasante majorité de l’Assemblée Nationale a commis un tel crime contre l’esprit. Nos gouvernants et nos parlementaires sont comme ce président qui se flattait de faire modifier par son Congrès les lois de Kirchhoff.
Une pétition, émanant de personnalités et de sympathisants « attachés aux valeurs authentiques de la droite », interpelle le président des LR pour que la droite redevienne une « vraie droite ». Prise entre le RN et Macron, elle peine à exister. L’un comme l’autre ne rêvent que de la détruite, même si le second le fait de manière plus insidieuse. Il est vital de refuser toute alliance avec LREM, pour la survie de la droite !
Pour une fois une pétition nécessaire quoique tardive ! Une pétition « Une vraie droite pour la France » (droitepourlafrance.fr) a été adressée au président des LR, Christian Jacob. Quand sa médiatisation a été décidée à partir du 17 juin grâce à Thomas Zlowodzki questionné à son sujet aux Vraies Voix sur Sud Radio, elle a attiré mon attention pour une triple raison. D’abord elle émane de « cadres, élus, militants et sympathisants » se disant « attachés aux valeurs authentiques de la droite ».
Ensuite, des personnalités s’y trouvent qui méritent le plus grand intérêt, en particulier François-Xavier Bellamy, Bruno Retailleau et David Lisnard qui n’ont jamais dévié de cette ligne intègre. Le deuxième est sans aucun doute celui qui est directement visé par les atermoiements tactiques de Christian Jacob et ses idées saugrenues sur les deux « enquêtes d’opinion » avant, je l’espère, l’inévitable primaire ou départage. Le président et son équipe proche nous jouent une mauvaise pièce : En attendant Baroin…
Enfin cette pétition ose rappeler cette évidence qu’Emmanuel Macron n’est pas de droite et que toute alliance qui se prétendrait justifiée par un sordide électoralisme serait une trahison, aussi soft qu’elle apparaisse.
La droite prise en étau entre RN et Macron
Il faut avoir à l’esprit que le RN et le président de la République ont le même but : détruire la droite républicaine. Mais les méthodes diffèrent. Jean Leonetti a raison, le RN a cet objectif et veut l’atteindre avec une brutalité qui ne cherche même pas à dissimuler son intention. On pourrait d’ailleurs s’interroger : pourquoi LR, faute d’affirmer clairement et intelligemment son identité, par pauvreté intrinsèque et mauvaise conscience instillée par les gauches socialiste et extrême qui seraient gardiennes de la morale démocratique, donne-t-il l’impression de valider sa propre disparition ? Le président est évidemment beaucoup plus subtil que Marine Le Pen. Il embrasse pour étouffer, il fait preuve d’une apparente empathie, il se penche avec une ostensible compréhension et presque une tendresse feutrée, compassionnelle, sur ce corps de la droite qui, n’en déplaise aux croque-morts, bouge encore.
La danger Macron
Mais dont Emmanuel Macron souhaite faire advenir le dernier soupir avec une délicatesse infinie et un dessein élégamment masqué, mal perçu par ceux aveuglés qui lui tendent leur cou. Ressasser que la droite est morte anticipe un effacement qu’heureusement Emmanuel Macron n’a pas encore pu pousser à son terme. Mais il ne faut pas être naïf: là où le RN tente d’étrangler, le président cherche à tuer à petit feu. Le texte de la pétition constitue un baume, une libération, l’irruption nette d’une volonté politique dans l’équivoque que depuis de trop longs mois on secrète par des supputations sur un Macron de droite ou de gauche. Ce n’est pas parce que la gauche le récuse qu’il n’appartient pas à cette famille.
Qu’on considère son désir cynique de nous faire croire que le régalien est devenu son sujet préféré au point de nous faire des analyses profondes sur le danger des réseaux sociaux ! Ce n’est certainement pas cette conversion de dernière minute, quand quatre ans l’ont laissé impuissant avec ses « en même temps », qui risque d’égarer les électeurs de droite. Il est vrai que la nomenklatura LR, quand elle s’opposait, le faisait à l’encontre de ce que le macronisme pouvait avoir de passable, au lieu de dénoncer ses considérables failles de sécurité, d’autorité et de justice avec, en outre, sa vision sociétale de gauche et son progressisme de privilégié.
Refuser alliances et compromissions
Cette pétition arrive, je l’ai dit, trop tardivement alors qu’elle aurait dû apposer sa lucidité et sa dénonciation depuis longtemps sur les manoeuvres – les magouilles ? – de la direction de LR dont le dernier exploit s’est déroulé en PACA et va peut-être engendrer la victoire de Thierry Mariani, ancien républicain passé au RN.
Ce n’est pas d’aujourd’hui non plus que je désespère face à cette droite se cachant sous la table démocratique, peu assurée, incertaine de son utilité, sans élan, persuadée que le RN était l’inventeur des idées et des concepts qui ont toujours constitué le terreau de la droite authentique, de la droite capable de gouverner. Qu’on veuille bien sur ce plan se reporter à mon billet du 30 mai 2020 : « François-Xavier Bellamy : refonder la droite, un travail d’Hercule ? » Cette pétition qui peut réveiller des esprits et des consciences assoupies devra mobiliser Christian Jacob. À un certain niveau, l’inaction d’un président de parti n’est plus de l’impuissance mais de la complicité.
« Une vraie droite pour la France » : un texte, au fond, pas si tardif que cela puisque les élections régionales et départementales se déroulent les 20 et 27 juin pour le second tour. Et l’échéance présidentielle est proche. Il suffit à LR d’exister et de refuser les OPD : offres publiques de destruction !
Le journaliste et essayiste Paul-François Paoli analyse les derniers résultats électoraux en Corse. Entretien.
Avec un taux d’abstention record de 66,7%, le premier tour des élections régionales 2021 devient le scrutin le plus boudé sous la cinquième République. Une région se distingue: la Corse où le taux d’abstention a été bien plus bas (42,92%).
L’essayiste Paul-François Paoli y voit la manifestation de la passion politique des Corses qui, à travers leur vote, expriment la défense de leur insularité. La collectivité territoriale corse n’est pas perçue comme une entité administrative abstraite, mais comme une instance destinée à préserver leur identité.
Causeur.Pourquoi la mobilisation électorale a-t-elle été au rendez-vous sur l’île de Beauté ?
Paul-François Paoli
Paul-François Paoli. Il y a sans doute plusieurs raisons. La première est que les Corses aiment depuis toujours la politique. Ils aiment débattre et discuter politique notamment en famille. En Corse, la politique y est très personnalisée. On vote parfois plus pour un homme que pour un parti. C’est un petit pays où chacun se juge et se jauge. La réputation personnelle d’un candidat, sa compétence et son intégrité jouent aussi parfois plus que son idéologie politique. Au-delà de cette attitude traditionnelle, si les Corses se sont massivement déplacés, c’est qu’ils se sentent concernés par des élections qui traitent de questions locales très concrètes. En primant leurs listes nationalistes, ils ont rappelé qu’ils ne s’identifient pas aux élites « hors-sols » de Paris. La Corse est l’expression même du clivage entre Anywhere et Somewhere mis en évidence par l’anglais David Goodhart. Les Corses sont attachés aux hommes politiques pour qui ils votent et qu’ils connaissent parfois personnellement – ou du moins croient connaître !
Les Corses ont l’impression que la France est à la dérive: dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay…
Si les Corses sont allés massivement voter dimanche (57%), n’est-ce pas surtout lié au statut particulier de la collectivité territoriale et aux pouvoirs élargis du président de l’exécutif, capable de peser plus sur le destin de l’île ?
Sûrement. S’il n’y a pas eu cette désaffection massive qui a marqué le premier tour sur le continent, c’est donc parce que le vote dans un sens ou dans un autre est censé avoir des conséquences concrètes dans la vie locale des Corses. Par ailleurs, la forte mobilisation en faveur de Gilles Simeoni n’est pas un hasard. Simeoni jouit d’une excellente réputation. Maîtrisant parfaitement l’art oratoire, c’est un tribun qui a du charisme. C’est très important en Corse où il faut savoir s’imposer par la parole. Enfin il est capable de rassembler des électeurs qui ne font pas partie de son camp politique grâce à son intégrité incontestable, une qualité précieuse sur une île où l’emprise de la mafia est importante, si l’on en croit les experts.
57,7% des électeurs corses ont voté pour une des listes du camp nationaliste (qui reste malgré tout divisé entre autonomistes et indépendantistes). La gauche et l’extrême droite, en dessous de la barre des 6%, sont rejetées. Comment l’explique-t-on ?
Les nationalistes cultivent l’art de l’ambiguïté. Contrairement aux nationalistes catalans ou écossais, les nationalistes corses n’ont pas concocté de projet de sécession avec le continent. Ils se maintiennent dans un entre deux qui ne satisfait pas leur base radicale et francophobe. Gilles Siméoni est un homme politique pragmatique. Il a pleinement conscience que si la Corse était privée de ses services publics, ce serait le chaos. Dans mon village du Cap corse, la Poste est un lien social à part entière : on ne peut à la fois pester contre « l’État français » et réclamer des services publics. C’est d’ailleurs tout le problème. Comment faire pour vivre sans le soutien d’un État que l’on n’aime pas mais dont on a besoin? On l’a vu d’ailleurs avec la crise sanitaire qui a été très bien gérée en Corse. Autrement dit, l’État n’a pas que des défauts. Pour combattre le milieu criminel, il faut des policiers, des gendarmes et des juges et il vaut mieux qu’ils ne soient pas corses, chacun sait pourquoi. N’en déplaise à certains.
Par ailleurs,si la droite dite « dure » est faible en Corse, c’est parce que les nationalistes occupent le terrain identitaire. Mais là aussi, ils cultivent l’ambivalence. Les nationalistes courtisent les voix des chasseurs, très nombreux en Corse, tout en copinant avec les écolos-gauchistes, ce n’est pas très cohérent. On ne peut être à la fois identitaire et libertaire, d’accord ici avec Eric Zemmour sur l’immigration et l’islam et là avec Yannick Jadot sur les questions sociétales, sans être en contradiction avec soi-même.
Au-delà de ces contradictions, les électeurs nationalistes manifestent leur souci de préservation du patrimoine naturel et culturel de l’île contre l’enlaidissement engendré par le développement touristique. Depuis toujours le nationalisme en Corse est fondé sur une tentative de synthèse entre des thématiques de droite où l’on cultive l’enracinement et l’identité et une rhétorique de gauche, écologiste et anti-libérale. Ce n’est pas forcément très cohérent, mais cela marche dans les urnes. En réalité le seul communautarisme qui est toléré dans l’île est le communautarisme corse parce que lui seul apparait capable de défendre « l’âme de la Corse ».
Dans votre dernier essai France-Corse, je t’aime moi non plus, vous postulez que le repli identitaire des insulaires résulte du renoncement à assumer notre identité française. Faut-il voir dans le scrutin de dimanche dernier une confirmation de vos analyses ?
En incluant la Corse et en lui faisant partager sa destinée à partir de la Révolution, la France a développé avec l’ile une relation en miroir qui est aujourd’hui brisée. Les Corses se sont longtemps identifiés à la France quand celle-ci était puissante et leur offrait une aventure qui les grandissait : la France impériale, la France coloniale, la France résistante et gaullienne. De Gaulle a été le dernier chef d’État à être aimé et considéré en Corse. Les Corses ne sont pas foncièrement républicains au sens où l’entendent des gens comme Valls ou Mélenchon… Ils ont adhéré à l’Empire français bien plus qu’à la France de 1792.
Sur un certain plan que l’on peut qualifier d’anthropologique, cette île est de droite depuis toujours ou conservatrice, si vous préférez. Aujourd’hui, les Corses consentent de moins en moins à être une communauté lambda dans une France banalisée par la mondialisation. En somme quand la France ne sait plus qui elle est ni ou elle va, les Corses préfèrent se contenter d’être corses. Ce décrochage a commencé dans les années 70. Les Corses ont commencé à se détourner de la France parce qu’ils se reconnaissaient de moins en moins dans un pays qui, comme l’a déclaré un jour Vladimir Poutine, était colonisé par ces anciennes colonies. « La France est à tout le monde » proclamait Danielle Mitterrand. Sauf qu’un pays qui est à tout le monde n’est plus le pays de personne !
Vous expliquez aussi que la Corse est une ile refuge qui sait se préserver des maux qui touchent le continent : l’islamisme politique, l’immigration massive et incontrôlée ou le néoféminisme identitaire. D’après tout ce que vous me dites, j’en conclus que la crise démocratique s’ajoute à votre liste…
C’est en tout cas ainsi que je le ressens et je ne crois pas être le seul. À mes yeux la Corse est une île refuge. Je constate très souvent que les Corses qui ont longtemps vécu sur l’ile ne supportent plus ce que sont devenues des villes comme Paris et Marseille. Ils ont l’impression que la France est à la dérive : dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay.
En Corse, où les animaux sont omniprésents dans les villages, nous ne sommes pas encore confrontés à la vague antispéciste et à la misanthropie des militants animalistes très bien analysée par le journaliste du Figaro Paul Sugy. La chasse est encore un rituel sacré et il est d’ailleurs aberrant de voir certains nationalistes flirter avec les écolo-gauchistes. Dans un de mes livres Malaise de l’Occident, j’ai évoqué l’idée d’un déclin anthropologique de l’homme occidental qui peut profiter à l’islam radical et à son modèle alternatif. Je crois, comme Patrick Buisson, que nous avons basculé dans un ailleurs sans limite et sans normes. Alors, oui je continue à penser qu’une île vous protège toujours un peu de la folie des hommes et de leur bêtise idéologique; surtout si elle a la réputation d’être archaïque.
Voilà un sacré caillou dans les godasses de l’alliance Pulvar – Bayou – Autain !
Cela fait longtemps qu’il nous avait prévenus. Pour Manuel Valls, ancien Premier ministre de Hollande et mauvais oracle officiel de la gauche, il existe désormais en France deux gauches “irréconciliables”. En abandonnant Mila, en prêtant une oreille attentive aux bigots qui considèrent que Charlie Hebdo est un journal “islamophobe” ou en défilant aux côtés du CCIF, une partie de son camp a renoncé aux valeurs républicaines. Le divorce officiel est désormais prononcé.
La déclaration fracassante de Jean-Paul Huchon
Le socialiste Jean-Paul Huchon, prédécesseur de Valérie Pécresse à la présidence de la région Île-de-France, déclare ce matin dans le journal Le Point qu’il votera « sans hésitation » pour elle ! Huchon n’est certes pas un gauchiste – il est rocardien – mais cette déclaration fait quand même un sacré potin à gauche. Celui qui a dirigé l’Île-de-France pendant 17 ans précise qu’il conserve des points de désaccord avec la femme de droite, sortie en première position lors du premier tour du scrutin régional dimanche (36%). Mais il reconnaît que « c’est la seule candidate à même d’assurer le sérieux, l’avenir et l’espérance pour la région ».
Voilà un sacré caillou dans les godasses de l’alliance baroque formée par Audrey Pulvar, Julien Bayou et Clémentine Autain ! Depuis son départ de la région en 2015, que la gauche n’avait su conserver, Huchon s’était un peu fait oublier et se consacrait à l’enseignement. On se souvient que dans son propre camp, son rival Claude Bartolone disait de Valérie Pécresse en 2015 que « c’est Versailles, Neuilly et la “race blanche” qu’elle défend en creux ». De tels propos préfiguraient déjà le malaise profond qu’entretient la gauche sur les questions identitaires.
Bayou pas assez ferme face à la menace islamiste
Car pourquoi Huchon ne votera-t-il pas pour la liste de la gauche unie au second tour ? « Les socialistes n’ont pas grand-chose en commun avec les outrances des Insoumis et les positions rétrogrades des Verts », avance-t-il. On se souvient effectivement des propos sulfureux tenus récemment par Jean-Luc Mélenchon sur Mohammed Merah, que Clémentine Autain n’a jamais condamnés. Chez nos confrères du Point, Huchon enfonce ensuite le clou et confirme le diagnostic établi il y a longtemps par Valls : « Voir les Insoumis et les Verts mettre en cause la laïcité, ne pas faire preuve de la fermeté nécessaire vis-à-vis de l’islamisme et de l’islamo-gauchisme m’inquiète au plus haut point. »
À la différence de Laurent Wauquiez en Rhône-Alpes ou de Xavier Bertrand dans le Nord, il existe en Île-de-France un réel danger pour la droite de ne pas l’emporter. Huchon prévient : « Valérie Pécresse ne se bat pas dans un univers facile. Je ne comprends pas bien ce que fait La République en marche en maintenant au second tour la liste conduite par Laurent Saint-Martin, qui ne peut espérer qu’un petit nombre d’élus. Pour Emmanuel Macron, il vaudrait mieux avoir une présidente de région sérieuse et responsable plutôt que des gens irresponsables, irréfléchis et beaucoup trop idéologues comme le sont Julien Bayou, Clémentine Autain et Audrey Pulvar. » C’est dit !
La faute politique et morale des socialistes
Sur Twitter, Valls affirme de son côté que « l’alliance des écolos et du PS avec LFI est une faute politique et morale». Face à Sonia Mabrouk, il a confirmé ce matin sur Europe 1 qu’il voterait également pour Valérie Pécresse, et qu’il mettait désormais sur le même plan la France Insoumise et le Rassemblement National. Alors que le journal Le Figaro demande désormais à ses lecteurs s’il faut envisager un “front républicain” face à Jean-Luc Mélenchon (!), un Alexis Corbière très remonté a tenté de renverser la vapeur et a répliqué aux attaques subies par son parti sur France 2, où il a même qualifié Manuel Valls de M. Carnaval ! « J’en ai assez que des gens se permettent de dire que nous serions des ennemis de la République », a-t-il pleurniché.
Depuis, le mot-clé #EnnemiDeLaRépublique est le plus utilisé sur Twitter où les compromissions de l’extrême gauche sont dénoncées par de très nombreux citoyens. S’il faut bien rappeler qu’il ne s’agit “que” d’une élection régionale, elle fait la démonstration que le climat politique n’est franchement pas apaisé en France. La gauche ne s’y affronte plus tellement sur l’économie entre collectivistes et démocrates sociaux. Avec les bisbilles identitaires, on ne risque pas de s’ennuyer dans les prochains mois.
Pour Michel Onfray, la corrida n’est qu’une mise scène de la maltraitance animale. Pour en finir avec la mythologie du combat à mort entre l’homme et la bête, il propose de regarder les choses en face et de voir, à travers ce spectacle, une pure démonstration de sadisme.
Une sidérante publicité a récemment fait son apparition sur les écrans de télévision. Le tout sur le rythme entraînant de la chanson bien connue C’est si bon, dont voici les paroles :
« C’est si bon, de partir n’importe où Bras dessus bras dessous, en chantant des chansons C’est si bon, de se dire des mots doux Des petits rien du tout, mais qui en disent long En voyant notre mine ravie Les passants dans la rue nous envient C’est si bon, de guetter dans ses yeux un Espoir merveilleux, qui me donne le frisson C’est si bon, ces petites sensations C’est inouï ce qu’elle a pour séduire Sans parler de c’que je n’peux pas dire C’est si bon, quand j’la tiens dans mes bras De me dire que tout ça, c’est à moi pour de bon C’est si bon, et si nous nous aimons Cherchez pas la raison, c’est parce que c’est si bon C’est parce que c’est si bon C’est parce que c’est si bon. »
Pas besoin d’être normalien pour comprendre que ce texte jadis chanté par Yves Montand, ici repris par un crooner à la tessiture semble-t-il non blanche, comme il faut dire désormais, est un éloge de l’amour passion.
Tuer c’est faire couler du sang et faire passer de la vie au trépas
Or cette publicité s’avère une propagande pour la chasse – assimilée à une passion amoureuse, comprenne qui pourra car si la chasse peut être présentée comme une passion amoureuse, la passion amoureuse peut également être entendue comme une chasse… Littré définit la chasse ainsi : « Action de chasser, de poursuivre les animaux pour les manger ou les détruire. » À l’entrée « chasser », on lit ceci : « Poursuivre le gibier, les bêtes fauves, pour les tuer ou les prendre. » Sans être agrégé de lexicographie, chacun comprend ce que dit Littré : la chasse consiste à « détruire », à « tuer » des animaux. Dont acte.
Or que voit-on dans cette publicité payée par la Fédération nationale des chasseurs ? Des images très raccord avec les paroles pour montrer que « la chasse est un bonheur grandeur nature », comme le dit le texte incrusté en fin de pub. Des plans se succèdent pour étayer la thèse : trois hommes marchent côte à côte et représentent trois générations rassemblées dans une même passion ; idem avec les sexes, l’homme, la femme et les enfants rassemblés dans une semblable jubilation ; un petit-fils qui pique les jumelles de son grand-père qui lui sourit ; des hommes en balade avec leurs chiens ; une femme qui sourit à un autre chien et vice versa ; une petite-fille qui indique du doigt une direction à son grand-père qui acquiesce ; des copains qui se congratulent ; des hommes en fraternité virile ; le cacabe d’une perdrix sur le texte « en chantant des chansons » ; un couple amoureux enlacé avec la femme plus petite que l’homme et qui, de ce fait, doit lever les yeux vers lui ; des chasseurs à courre en habit qui jouent du cor devant des badauds en rang d’oignons qui applaudissent sur les paroles « des passants dans la rue nous envient » ; un enfant qui caresse une belette ; un repas convivial où tout le monde sourit en passant les plats ; les images d’une harde de sangliers qui courent, associées au texte « un espoir merveilleux qui donne le frisson » – chacun comprendra que l’espoir merveilleux est celui d’arrêter la course de ces animaux magnifiques avec une cartouche.
Les chasseurs et leurs publicitaires ignorent donc la définition la plus élémentaire de la chasse qui est de tuer des animaux… Car, d’animaux morts, il n’y en a point : la perdrix, le coq de bruyère, le cerf, le bouquetin, la biche, le faisan, la belette, les canards, les sangliers sont tous bien vivants ! Certes, on voit des chasseurs à l’affût, d’autres qui soufflent dans des appeaux ou félicitent leur chien, mais aucun fusil et aucune cartouche ! Bien sûr, tuer c’est faire couler du sang et faire passer de la vie au trépas des animaux transformés en cadavre : mais là, pas de sang et pas de cadavres d’animaux.
De sorte que, pour les têtes pensantes de la chasse à l’origine de cette propagande, la chasse qui consiste à tuer des animaux avec un fusil est une activité qui ne nécessite ni fusil ni cartouche, et ce tout simplement parce que la chasse qui, je le répète, consiste à tuer des animaux, ne tue pas le gibier, elle le prélève pour réguler l’écosystème…
La corrida, simulacre viriloïde
Ce négationnisme cynégétique – la chasse qui invite à tuer des animaux ne tue pas d’animaux, elle régule l’écosystème et permet à des amis de faire une bonne balade dans la nature suivie d’une bonne bouffe… – dispose de son pendant avec le négationnisme tauromachique qui, lui aussi, déroule ses éléments de langage éculés depuis des lustres.
La tauromachie dispose d’idiots utiles sous forme de peintres, de littérateurs, d’essayistes, de philosophes aussi. Un professeur à l’École normale, Francis Wolff, a même publié une Philosophie de la corrida dans laquelle le chapitre consacré à définir la corrida est construit comme un dialogue de Platon. On sait que Socrate savait qu’il ne savait rien tout en faisant savoir la vérité de ce savoir non sans rhétorique et humour. Ce chapitre qui doit définir ne définit donc rien. Plus loin, on lit ce qui rend inutile la vingtaine de pages du dialogue qui précède : « Dans la corrida, des hommes affrontent et tuent un animal. » Voilà. C’est dit. Et clairement. Nul besoin de convoquer Socrate et ses copains : la corrida est donc l’activité qui consiste à tuer des taureaux.
Comme un boucher, dira un malin touché par l’esprit socratique ? Justement, non. Car il existe une dimension essentielle à la corrida qui s’avère indissociable de la mise à mort du taureau, c’est la jouissance du spectacle de sa mise à mort.
Je ne sache pas en effet qu’un boucher ait autre chose en tête quand il travaille à l’abattoir que de fabriquer du plat de côtes et de la hampe, du gîte à la noix et du faux-filet pour la ménagère – si je puis me permettre de parler comme dans les années 1950 ! Le tueur en abattoir dispose d’un marlin et d’un masque pour l’animal qui lui couvre les yeux afin de l’abattre sans qu’il souffre, sans qu’il sache, sans qu’il voie : autrement dit sans qu’il ait conscience qu’un homme va lui ôter la vie. Le tueur en abattoir a des égards à l’endroit de l’animal qu’il fait passer de vie à trépas.
L’idée qu’un boucher fasse souffrir l’animal, prenne du temps pour l’affaiblir, transforme sa mort en spectacle que des gogos applaudissent le temps de cette souffrance savamment dosée, verse le sang de l’animal avec des piques taillées comme des rasoirs afin de l’affaiblir en prenant le soin de ne pas trop l’abîmer, se fasse aider par des comparses juchés sur des chevaux caparaçonnés, ce qui les met hors d’atteinte du danger, voilà bien sûr une idée grotesque : dans l’abattoir, le tueur ne jouit pas de tuer, il ne raffine pas, il ne chichite pas habillé en costume à paillettes, il n’arbore pas un petit chignon, la coleta, qu’il se fait couper quand il part à la retraite, il ne porte pas la faja, une ceinture en soie colorée, encore moins des bas de soie rose, les media, ni une toque en astrakan, la montera, ni une cravate en soie, la pañoleta ; il n’entre pas au boulot sur le son d’une fanfare municipale, ses collègues ne sacrifient pas non plus à ce simulacre viriloïde, le tueur ne bombe pas le torse pour mieux sortir ses fesses moulées dans son pantalon ; il ne cite pas Goya et Leiris, il ne convoque pas Hemingway et Picasso, Georges Bataille et Jean Cocteau pour justifier le plaisir qu’il aurait à donner la mort sans risquer la sienne. Dans l’arène, le toréador jouit de tuer, il fait un spectacle de cet assassinat, il quête les bravos du public qui paie sa place, parfois fort cher, pour jouir de ce meurtre sous rituel qui conduit toujours au même résultat : la mort du taureau, sauf deux ou trois exceptions notables pour saluer la bravoure de l’animal, et le triomphe du toréador qui brandit les oreilles et la queue (quand on y pense, quel ridicule pompier !) et qui perd rarement la vie, sauf dans le cas de la maladresse qui lui vaut d’être encorné, c’est-à-dire envoyé au bloc opératoire à une poignée de minutes de l’arène où un chirurgien l’attend avec une bobine de fil et une aiguille. Rappelons qu’il n’y a pas de vétérinaire pour recoudre les plaies d’un taureau que de toute façon on n’épargnera pas puisqu’il est là pour souffrir et mourir. Qu’on arrête donc avec cette mythologie saint-sulpicienne du combat de l’homme et de la bête avec la mort en tiers, un lieu commun des penseurs de la tauromachie : la mort du toréador dans les arènes est dérisoire, de toute façon elle s’avère beaucoup moins fréquente que chez les couvreurs qui tombent du toit sur lequel ils travaillent.
La corrida, exposé spectaculaire sadique
Pour comprendre la tauromachie, ce ne sont pas les habituels thuriféraires de cette messe désuète qu’il faut solliciter, mais le marquis de Sade. Car lui seul entretient de ce qui se joue dans la corrida : le sadisme, autrement dit, le plaisir à faire souffrir, puis, un grade au-dessus, le plaisir de mettre à mort, de tuer, d’ôter la vie d’un vivant. La corrida nomme en effet l’activité qui consiste à prendre plaisir au fait d’ôter la vie d’un vivant. C’est le sentiment de toute-puissance de psychismes tordus.
Sauf chasse à courre, la chasse évite la souffrance de l’animal, elle se contente, si je puis dire, de jouir de la seule mort ! Seule la corrida a transformé en « art » cette passion triste s’il en est une : lacruauté. Unamuno, Leiris, Bataille, sinon Francis Wolff ou Fernando Savater avec son Tauroética : pour une éthique de la corrida n’y pourront rien. Seul Les 120 journées de Sodome permet d’analyser ce qui se passe dans la tête de l’aficionado et qui se nomme sadisme.
Jean Cocteau, La Corrida du 1er mai
« Le taureau doit donc être considéré comme un ambassadeur extraordinaire de la mort. Il devra conclure ou ne pas conclure les épousailles. C’est de la Dame Blanche que je parle lorsque je parle du taureau, puisqu’elle lui délègue ses pouvoirs et n’épousera que le torero que le taureau tue. »
Je connais l’élément de langage qui consiste à dire que cette cruauté théâtralisée, scénographiée, est une catharsis – merci Aristote… – qui, justement, comme c’est pratique, empêche l’exercice de la cruauté véritable ! Je n’ai pour ma part rien ressenti d’autre à la lecture de Sade que du dégoût et de l’écœurement, sûrement pas matière à ne pas être sadique là où se trouve bien plutôt l’une des modalités du sadisme : la jouissance prise à l’exposé sadique – et la corrida est un exposé spectaculaire sadique.
Cette fête macabre associée à la sexualité
Dans les mille pages du volume « Bouquins » La Tauromachie : histoire et dictionnaire, il n’existe aucune entrée : « plaisir », « jouissance », « jubilation », bien évidemment aucune à « sadisme » ou « sadique ». Rien non plus à « cruauté ». Ni même « olé » qui est pourtant l’apostrophe de la jouissance manifestée par l’aficionado. Méfions-nous de ce genre de silences, ils en disent plus que tous les mots.
On connaît les saillies, si je puis me permettre, de certains champions de la corrida : « Je caresse le taureau, la pique c’est la pénétration, ai-je besoin de faire un dessin ? » dit Marie Sara, la femme qui torée à cheval, possède un élevage de taureaux et organise des corridas ; « C’est à un coït qu’on assiste, un orgasme collectif » ou bien encore « Quand je vois un jeune torero triompher, je bande », affirme Simon Casas, qui fut le mari de la précédente ; de Jean-Pierre Formica, un artiste aficionado qui dessine les corridas depuis des années : « J’ai entendu dire que la tension sexuelle était telle que des toreros en arrivent à éjaculer au moment de la mise à mort. » Ce ne sont pas des propos polémiques, mais des assertions de partisans de cette fête macabre, qui soulignent la relation entre le fait de tuer un taureau dans l’arène et la relation sexuelle avec ses caresses, sa bandaison, sa pénétration, son éjaculation, son orgasme…
Que la corrida, où l’on jouit de mettre à mort un taureau, entretienne une relation intime avec la sexualité n’est donc pas propos polémique, mais constat empirique. Prendre un plaisir sexuel au spectacle de la souffrance et de la mise à mort d’un mammifère orchestrée par un homme qui porte bas et chignon, culotte à paillettes et ballerines, voilà matière à réflexion…
Jouir du spectacle de la souffrance et de la mort infligée relève donc sans conteste du sadisme. On lira Les 120 journées de Sodome pour comprendre le mécanisme mental des défenseurs de la corrida : le marquis associe la mort des animaux à la décharge, à l’éjaculation, à l’orgasme. L’homme qui invite à trancher le cou d’un dindon, à étrangler un cygne, à tuer un chien d’un coup de pistolet écrit dans La Nouvelle Justine : « Point de volupté sans crime » ; il est le maître à penser de tout aficionado. On a les plaisirs qu’on peut. Sade, qui dans La Nouvelle Justine parle de son « âme pourrie », avait ceux-là.
Selon les progressistes, apparemment, les homosexuels en Hongrie courent un grave danger. La décision de l’UEFA de ne pas autoriser l’illumination aux couleurs du drapeau LGBT du stade de Munich a renforcé leur inquiétude.
« La pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans ». Ceci est une loi hongroise. La présidente de la Commission Européenne déclare que c’est une honte, et 13 pays de l’Union, dont la France, déclarent condamner cette loi. Cette prétention insupportable de s’occuper de ce qui ne regarde que les Hongrois est assez scandaleuse. Je suis français et je ne veux pas que l’on parle ainsi en mon nom.
L’obsession victimaire de l’Occident dont les Hongrois veulent se prémunir
D’abord parce que la Hongrie est un pays souverain et jusqu’à preuve du contraire démocratique. Ensuite parce que ce texte n’enfreint en rien les droits de l’homme. Il s’agit de choix éthiques tout à fait respectables, même s’ils ne vont pas dans le sens de ce qui plaît à certains militants LGBTQI+. Toute cette obsession victimaire, toutes ces grandiloquentes et permanentes manifestations de soutien à une infinie variété de minorités finissent par être ridicules.
Il n’est même plus possible maintenant de voir un match de foot sans que la question d’une cérémonie d’expiation génuflectrice contre le racisme ne soit posée, sans que l’on impose des drapeaux ou des illuminations aux couleurs « gay ». Nos gouvernants exhibent constamment leurs (bons) sentiments sur le sujet. Même pour l’illumination du stade de Munich, il a fallu que notre président fasse entendre sa petite musique bien pensante : l’Élysée « regrette profondément la décision de l’UEFA” (l’organisation avait refusé un éclairage arc-en-ciel du stade lors de Allemagne-Hongrie, affirmant ne pas vouloir se mêler de politique ou de religion).
Réagissant à l’affaire devant les journalistes, le Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Clément Beaune a plaidé que « l’Europe n’est pas un marché ou un tiroir-caisse pour la Hongrie ou la Pologne, ce sont des valeurs”. Quand on sait que la prochaine Coupe du Monde de football sera organisée au Qatar, où l’homosexualité reste passible de la peine de mort, les instances du football mondial et nos progressistes risquent d’avoir d’autres mauvaises surprises.
Nos sociétés, nos responsables politiques ont sans doute des problèmes plus urgents à traiter, et bien d’autres malheurs à soigner.
D’ailleurs nombre des personnes qu’on qualifie de LGBTQI etc. n’en demandent certainement pas tant. Elles ont droit au respect, tout simplement, elles n’ont nul besoin de cette propagande diversitaire et progressiste permanente.