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États-Unis: une armée d’un autre genre?

États-Unis : transidentité et forces armées


États-Unis: une armée d’un autre genre?
Patricia King, sergent-chef transgenre dans l'armée de terre américaine, auditionnée par le Sous-Comité des services armés de la Chambre des représentants sur le personnel militaire, Washington, 27 février 2019 © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA

C’est l’une des premières mesures prises par Joe Biden : annuler l’interdiction édictée par Donald Trump de s’engager dans l’armée sous une « identité de genre », celle que les transgenres peuvent faire reconnaître à l’état-civil. Les soldats qui n’auraient pas passé le cap peuvent aussi, désormais, se faire opérer aux frais de l’institution.


À peine finie la cérémonie de son investiture, qui a nécessité le déploiement de 25 000 soldats de la garde nationale le 20 janvier 2021, Joe Biden, le nouveau président américain et commandant en chef des armées, a pris une décision : celle d’annuler l’interdiction pour les personnes transgenres de s’engager sous leur « identité de genre » (celle qu’ils ont choisie). Cet interdit édicté par Donald Trump dès 2017 avait été validé par la Cour suprême en 2019.

Joe Biden s’inscrit en cela dans la continuité de Barack Obama qui, en 2016, avait autorisé les personnes transgenres à servir ouvertement au sein des forces armées et à avoir accès à des traitements hormonaux combinés à un suivi psychologique pendant la durée de leur service. C’est ainsi qu’en 2016, selon un rapport de la RAND Corporation, les forces américaines comptaient quelque 2 450 militaires d’active transgenres (sur 1,3 million de soldats) et 1 510 réservistes transgenres (1), tandis que la célèbre animatrice de télé transgenre Caitlyn Jenner et la chanteuse Barbra Streisand avançaient, pour leur part, le chiffre de 15 000 personnes. Parmi les militaires transgenres figure Chelsea Manning (née Bradley Manning), qui a été à l’origine du scandale Assange-WikiLeaks en 2010.

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Trump voulait purement et simplement bannir les transgenres des forces armées. Les difficultés logistiques qu’aurait impliquées cette mesure étaient telles qu’il a dû renoncer. Les soldats déjà sous contrat, diagnostiqués avec une « dysphorie de genre » – sentiment de détresse né de l’inadéquation entre le sexe assigné et leur « identité de genre » – ont pu continuer à servir sous les drapeaux sous l’identité sexuelle de leur choix. En prime, toujours contre l’avis du président, ils ont obtenu le droit d’être opérés aux frais de l’institution militaire. En novembre 2017, la Defense Health Agency a approuvé pour la première fois la prise en charge d’une opération de chirurgie de changement de sexe (sex reassignment surgery) pour un militaire américain en service actif (2).

En revanche, Donald Trump a gagné pour les nouvelles recrues : celles-ci étaient obligées de conserver leur identité sexuelle d’origine, excluant toute velléité de suivre un traitement hormonal pendant leurs années de service (3).

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Les élus démocrates font pression sur les associations et sur le ministère chargé des vétérans pour que l’armée finance ces interventions dont le coût, avec celui des traitements associés, représenterait à peine quelques millions de dollars sur un budget de près de 50 milliards de dollars alloués aux dépenses de santé du département de la Défense (4). Mais ce sujet très sensible n’a pas manqué de soulever de vives polémiques sur l’utilisation des ressources de l’armée, attendu qu’un grand nombre de militaires blessés sur des théâtres de guerre attendent de subir des opérations chirurgicales. Pour rappel, 4 489 militaires américains ont été tués et 32 242 blessés en Irak. En Afghanistan, depuis 2001, on compte 2 357 tués et 20 068 blessés. Le suivi psychologique des soldats victimes de stress post-traumatique sur des théâtres de guerre nécessite également des ressources financières.

La décision de Biden est évidemment une bonne manière à ses soutiens démocrates, minoritaires dans l’armée. Sans surprise, les militaires d’active votent majoritairement pour les républicains, comme le reconnaît d’ailleurs le Washington Post.On peut donc s’attendre à ce que les droits des transgenres soient un sujet important du mandat, comme ceux des nombreuses minorités ethniques et sexuelles qui ont voté pour Biden. L’un de ses premiers coups d’éclat a été de nommer la pédiatre transgenre Rachel Levine (anciennement Richard Levine), au poste de ministre adjoint de la Santé, nomination confirmée par le Sénat le 25 mars (5). La nouvelle ministre est notamment spécialiste de médecine LGBT. Le président a par ailleurs récemment signé un décret permettant aux athlètes transgenres masculins de concourir chez les femmes. Le déploiement planétaire de la cause transgenre qui est à prévoir a déjà des allures de foire d’empoigne.

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(1). « Assessing the Implications of Allowing Transgender Personnel to Serve Openly », RAND Corporation, 2016.
(2).« Pentagon to Pay for Surgery for Transgender Soldier », nbcnews.com, 14 novembre 2017.
(3). « Navy Allows Transgender Sailors to Dress According to Gender Identity While Off Duty », strips.com, 15 avril 2019.
(4). « D’après Trump, les soldats transgenres représentent un “coût énorme” pour l’armée. C’est absolument faux », huffingtonpost.fr, 27 juillet 2017.
(5). « LGBT History Month – October 22: Rachel Levine », goqnotes.com, 22 octobre 2018.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Analyste géopolitique (Russie, Turquie), auteur et spécialiste en relations internationales et en études stratégiques.

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