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Elle périra, car elle est espagnole

Outre-Pyrénées, les spectacles taurins sont sous le feu des critiques. La gauche radicale veut les interdire, les antispécistes veulent les éradiquer et les régions séparatistes qui voient en eux le symbole du pouvoir madrilène veulent les proscrire.


Des temps difficiles pour la tauromachie

Arènes de Las Ventas, Madrid, 2 mai 2021. À l’occasion de la fête régionale madrilène, qui commémore le soulèvement de la population locale contre la Grande Armée et le début de la « guerre d’indépendance » espagnole contre Napoléon Bonaparte, une corrida regroupant de grands noms de la lidia[1](El Juli, Paco Ureña, José Maria Manzanares) est organisée dans ce haut lieu des traditions taurines. Depuis plus d’un an, ces dernières souffrent, comme la quasi-totalité des manifestations publiques, de l’annulation partielle ou totale des spectacles, que ce soit dans des espaces clos ou à l’air libre. Même dans la Communauté de Madrid (où bars, restaurants, salles de sport, musées et autres établissements accueillant des visiteurs sont restés ouverts depuis juin 2020, grâce à la volonté de la présidente régionale, Isabel Díaz Ayuso), il s’agit d’un petit événement contraint par des restrictions particulières – notamment une jauge de remplissage.

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La pandémie a porté un coup économique rude à un secteur vaste, qui comporte non seulement les arènes mais aussi l’élevage de taureaux de combat et bien d’autres activités annexes. Il faut dire que le prix de vente des bêtes n’est pas le même selon que les professionnels les confient à l’abattoir (500 euros par tête) ou aux organisateurs de jeux tauromachiques (jusqu’à 10 000 euros par taureau lors des grandes représentations aux arènes de Las Ventas, les plus prestigieuses d’Espagne). Sur l’ensemble du pays, 94 % des recettes ont été perdues en 2020. En Andalousie, par exemple, on les estime à 31 millions d’euros dans le domaine de l’élevage (campo bravo).

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Au cours de la dernière année avant l’épidémie, près de 20 000 manifestations taurines (dont 8 % de corridas à proprement parler) avaient été organisées. Les communautés autonomes ayant accueilli le plus de combats de ce type en 2019 sont, dans l’ordre décroissant, la Communauté de Madrid, l’Andalousie, la Castille-La Manche et la Castille-et-León. Avec la Navarre et l’Estrémadure, il s’agit des régions où cette tradition est la plus ancrée. Les exécutifs régionaux de Madrid, Valladolid, Pampelune, Tolède et Murcie lui ont octroyé des protections légales spécifiques. Et, en la matière, les différences politiques s’effacent parfois puisque des présidents socialistes comme Emiliano García-Page (Castille-La Manche) et Guillermo Fernández Vara (Estrémadure), eux-mêmes aficionados, en sont d’ardents défenseurs. L’année 2021 s’annonce incertaine, avec des lidias prévues entre les mois de mai et octobre, principalement aux arènes de Vistalegre (Madrid) et dans la banlieue de la capitale, ainsi qu’en Andalousie et en Castille-La Manche.

Une critique pluriséculaire

L’opposition à la tauromachie est ancienne outre-Pyrénées, bien que les raisons alléguées aient évolué au fil du temps. C’est d’abord le catholicisme qui a voulu faire interdire le spectacle à la Renaissance, avant que les Lumières s’en mêlent. Les considérations sur le bien-être animal et le respect de la vie sauvage n’apparaissent que vers la fin du xixe siècle. À la même époque, certains membres des classes dirigeantes estiment que les arènes sont, comme les cafés-concerts de flamenco, des lieux de débauche où les malfrats et les petites gens viennent dilapider tout leur salaire.

Aujourd’hui, si le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est traversé par divers courants à ce sujet, la gauche « radicale » est favorable dans son ensemble à une interdiction (c’est le cas des postcommunistes de la Gauche unie) ou à de fortes limitations (comme Unidas Podemos). Bien qu’il n’existe pas de formation antispéciste vraiment forte en Espagne, la principale d’entre elles, à savoir le PACMA (Parti animaliste contre la maltraitance animale), organise des actions coup de poing aux abords des arènes : manifestations, mises en scène avec du faux sang pour interpeller les passants et l’opinion publique, etc.

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Des artistes, écrivains ou intellectuels espagnols s’y sont également opposés à de nombreuses reprises, à l’image de Francisco Umbral (1932-2007) ou Eduardo Punset (1936-2019). Néanmoins, le PACMA n’a encore jamais obtenu d’élus au niveau national et la mobilisation reste, pour l’essentiel, associative. L’on ne compte ainsi pas de grande figure individuelle et médiatique qui, comme en France, pourrait porter la voix du mouvement antitaurin.

Le roi d’Espagne Felipe VI préside la « Corrida de la Beneficencia » aux arènes de Las Ventas à Madrid, 16 juillet 2017 © Casa real

D’autre part, les exigences des militants sont diverses : prohibition pure et simple ; arrêt des subventions publiques (elles se montaient à 65 000 euros en 2019 pour le gouvernement central) ; interdiction de tuer le taureau devant les spectateurs, etc.

Un débat politique

En réalité, l’estocade vient surtout des mouvements séparatistes régionaux, moins concernés par le respect de l’animal que par une volonté de chasser de leur territoire toute manifestation jugée (à tort ou à raison) trop liée à l’image de l’Espagne. Il existe ainsi des réseaux de communes antitaurines en Galice et à Majorque. Certaines dispositions légales abolissant de fait la tauromachie ont été prises dans des régions où la tradition était quasi inexistante. C’est le cas depuis 1991 aux îles Canaries…qui maintiennent les combats de coqs.

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En Catalogne, le débat sur la souffrance des bêtes qui débute fin 2009 ne trompe personne, puisque la région continue d’organiser par ailleurs des fêtes taurines considérées typiquement catalanes. L’abolition de la corrida en 2010 visait essentiellement à marquer un rejet de la « chose espagnole » dans une région où les jeux taurins sont pourtant très anciens. Une loi a d’ailleurs été votée par le parlement de Barcelone en septembre 2010 pour protéger officiellement les correbous. Ces fêtes populaires ne s’achèvent certes pas sur la mort du taureau, mais supposent notamment de placer des matières inflammables sur ses cornes. Le PACMA a souligné, à juste titre, l’hypocrisie des élus régionalistes qui avaient célébré quelques mois auparavant la fermeture des arènes.

Six ans plus tard, la Cour constitutionnelle espagnole abroge les décisions régionales catalanes en matière de corrida, sans se prononcer sur le fond. Huit des douze membres du tribunal estiment en effet qu’une telle prohibition empiète sur les compétences dévolues au ministère espagnol de la Culture. Toutefois, depuis, aucune corrida n’a été organisée en Catalogne.


[1] Le combat taurin.

Paris, 1959

Film de La Patellière avec Gabin à la manœuvre et Audiard aux dialogues, Rue des Prairies est la chronique d’un monde disparu où un homme seul élève une famille dans un Paris populaire, loin des cartes postales.


« La nostalgie camarade », notre époque se shoote à la nostalgie. Les boomers ne veulent pas quitter le XXᵉ siècle et surtout les Trente Glorieuses. Quoi de plus normal, me direz-vous, il nous faut bien supporter nos temps déraisonnables. Il y a sur Facebook, un groupe dédié aux Trente Glorieuses, justement. Chacun y va de sa photo souvenir : le mariage des parents en 1953, la photo de classe des années 70 avec le fameux sous pull en acrylique orange, l’embouteillage de départ en vacances sur la Nationale 7, où l’on sent les internautes émus jusqu’aux larmes en évoquant le pique nique au bord de la route avec la glacière.  Moi même en l’écrivant, j’ai la larme à l’œil.

Rendez-vous Rue des Prairies

Comme souvent, rendez-vous sur Arte pour un shoot supplémentaire de « c’était mieux avant », et précipitez-vous sur Rue des Prairies unfilmde1959 de Denys de La Patellière, ce réalisateur  qui  symbolisait «  le cinéma de papa » honni par la Nouvelle Vague. Celui-ci confiait au Figaro en 2002 : « J’étais un metteur en scène commercial et ça n’est pas pour moi un mot péjoratif. Je n’avais pas l’ambition de faire une œuvre, mais de réaliser des spectacles et d’intéresser les spectateurs. » Voilà précisément ce qui manque cruellement au cinéma français depuis plusieurs années : des artisans du cinéma respectueux du public.

En 1959 est sorti également le merveilleux film de Truffaut : Les 400 coups. Le plan final, le regard défiant le monde de Jean-Pierre Léaud, est certainement un des plus beaux regards caméra du cinéma mondial. Rue des Prairies versus Les 400 coups : « Jean Gabin règle ses comptes à la Nouvelle Vague », telle était l’accroche commerciale de Rue des prairies à sa sortie, avec la formule bien connue d’Audiard, dialoguiste du film : « La Nouvelle Vague est plus vague que nouvelle ». Bon mot et merveilleuse mauvaise foi.

Le monde de 1959

Film considéré comme mineur dans la somptueuse filmographie de Gabin, Rue des Prairies, paraît, avec le recul, délicieux et rafraîchissant.

Henri Neveu, en rentrant de la guerre en 42, apprend que sa femme est morte en couche en mettant au monde un enfant qui n’est forcément pas de lui. Il l’accepte et le voilà seul avec trois enfants à charge. Nous retrouvons tout ce beau monde en 1959, dans un Paris pas encore saccagé, entre Ménilmontant, les beaux quartiers et L’Isle-Adam, qui ressemblait encore à un tableau de Renoir. Gabin est fier de ses deux aînés, dont l’un est coureur cycliste et l’autre cover girl (respectivement le jeune Claude Brasseur et la jeune Marie-José Nat). Et désarmé par son fils préféré, celui qui n’est pas de lui, qu’il ne sait comment aimer. Le tout est plaisant même si la réalisation est sans relief. Gabin fait son Gabin au risque d’éclipser les autres acteurs, et les dialogues d’Audiard sont « audiardesques » comme jamais. « Se laver le train dans un hôtel de passe tu appelles ça le progrès ! » dit-il à a fille lorsqu’il apprend qu’elle a un amant.

Un film « féministe » ?

Mais le plus intéressant dans ce film, le plus moderne aussi, c’est Gabin en « papa solo ». Sa figure diffère de celle habituelle des veufs au cinéma, qui en général se remarient. L’éducation de ses enfants semble être primordiale pour lui. Il est à la fois dépassé, forcément colérique mais aussi compréhensif et étonnamment moderne. En effet, il trouve normal que sa fille fasse des photos de mode et quitte la maison. Il est comme une âme en peine lorsqu’il se retrouve seul, et confie à son pote de bistrot, qu’entre les oreillons de l’un et la varicelle de l’autre, il n’a jamais eu le temps d’avoir de relation amoureuse.

On se croirait dans une chanson de Goldman : Il a fait un bébé tout seul. Le génie de Gabin fait que cela n’est jamais caricatural, on pourrait même affirmer que dans ce film Gabin est féministe. Le symbole du mâle blanc à l’ancienne se révèle finalement plus féministe que toutes les Caroline de Haas de la terre. La modernité est intemporelle, contrairement au progrès. Et puis, pour résister aux vérités progressistes, demeurons  avec Gabin, sa sagesse et ses doutes. « Maintenant je sais que l’on ne sait jamais ».

Rue des Prairies sur Arte.TV

A-t-on encore le droit d’être de droite aux LR?

Chez LR, alors que le second tour n’est même pas passé, Aurélien Pradié part à la chasse aux sorcières. Dans son viseur, les militants qui osent dire qu’ils ne veulent pas d’alliance avec les macronistes…


La Une outrancière de Libération sur Europe 1 et Cnews nous l’a rappelé cette semaine : pour les journalistes du microcosme parisien, un journaliste n’a pas le droit d’être de droite. Cet adage est-il en train de devenir également vrai aux Républicains ? A-t-on encore le droit d’être de droite aux LR ? 

La question se posait déjà avant ces régionales, les représentants de l’aile conservatrice des LR ayant été exclus des listes aux régionales et départementales en Île-de-France, dans les Pays de la Loire et dans de nombreuses régions. La question revient aujourd’hui, car la direction des Républicains, toute regonflée par les bons scores de la droite au premier tour des régionales (si on fait abstraction de l’abstention record), n’a pas attendu les résultats du second pour lancer la chasse aux sorcières contre ceux qui avaient osé contester la mollesse de la réaction de Christian Jacob face aux alliances en PACA de Renaud Muselier avec La République en Marche.

Une pétition qui fait jaser

Romain Bonnet, 34 ans, ancien président de la fédération LR de la Vienne, a ainsi reçu le 24 juin une demande d’exclusion émanant d’Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains. Le tort du conseiller communautaire et municipal de Loudun ? Avoir été l’un des premiers signataires de notre lettre ouverte adressée par le collectif « Droite pour la France » (www.droitepourlafrance.fr) à Christian Jacob pour dénoncer ces alliances avec LREM en PACA. Lettre ouverte qui a recueilli plus de 6000 signataires parmi les adhérents et sympathisants LR, uniquement par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. Dans cette lettre, le collectif se disait « attaché aux valeurs authentiques de la droite » qui « ne sont pas solubles dans le macronisme », assumait « ne pas se reconnaître dans la ligne confuse actuelle [du] parti » et assurait qu’« un soutien à Emmanuel Macron n’est pas une option pour 2022 ». En résumé : en tant que militants LR nous souhaitions tout simplement… être de droite.

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N’écoutant que son courage, la direction des LR ne s’en prend évidemment pas aux figures nationales qui ont dénoncé ces alliances, comme François-Xavier Bellamy ou Nadine Morano qui ont voté contre l’investiture de Muselier en CNI. Elle préfère attaquer le cadre local, pour tenter de faire taire la révolte qui gronde à la base. La lettre d’exclusion envoyée par Aurélien Pradié à Romain Bonnet avance que « lors des élections régionales, [ce dernier] n’aurait cessé d’agir contre les cadres et les élus [du] mouvement » et « déplore de tels comportements, alors que la ligne du parti a toujours été de refuser la moindre alliance ». La réaction de Romain Bonnet ne s’est toutefois pas fait attendre, l’élu dénonçant dans un communiqué de presse « le mépris » d’Aurélien Pradié pour « la demande légitime d’écoute de la part de nos militants. » L’ancien président des Républicains de la Vienne affirme que si son exclusion était prononcée, il faudrait de facto exclure tout élu ou adhérent qui refuse publiquement toute alliance avec LREM et le président Macron !

L’instransigence de Pradié fait le lit du RN

L’élu LR anti-macroniste s’interroge « sur le timing politique du lancement de cette procédure, alors que notre famille politique des Républicains devrait être toute entière mobilisée pour le succès au second tour de nos candidats qui battent la campagne dans toute la France, y compris en Occitanie où Aurélien Pradié est candidat dans un combat difficile. » Avec seulement 12% des voix, le plus faible score de notre famille politique sur toute la France, Aurélien Pradié a effectivement du pain sur la planche en Occitanie. Sans doute trop occupé par sa campagne, Aurélien Pradié faisait la sourde oreille aux demandes d’explication du signataire de notre lettre ouverte.

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Malheureusement, ceci n’a pas échappé à l’un de ses concurrents aux régionales, Jean-Paul Garraud, tête de liste RN face à Aurélien Pradié, qui reprenait hier soir sur Twitter le communiqué de Romain Bonnet.

Pourtant, à la veille du second tour, nous avons besoin d’unir toutes les composantes des Républicains pour battre la gauche. Pour paraphraser la célèbre phrase du regretté Patrick Devedjian : « nous sommes pour une droite ouverte, y compris jusqu’aux anti-macronistes, c’est dire !».

Pécresse contre les Khmers

Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier… Les temps ne sont plus à la rigolade, prévient notre professeur préféré Jean-Paul Brighelli. Il y a un risque mesuré que l’alliance baroque entre Julien Bayou des Verts, Audrey Pulvar du PS et des Insoumis l’emporte.


Jean-Paul Huchon, quand il présidait aux destinées de l’Île-de-France, avait la main légère avec les subventions de moins de 50 000 euros, dont il arrosait nombre d’associations parfois fantaisistes. Et Valérie Pécresse, alors dans l’opposition, le lui reprocha vertement. Il s’en souvient sans doute, mais il ne lui en veut pas : il vient de lui apporter son soutien face à la liste conjointe d’Audrey Pulvar / Julien Bayou / Clémentine Autain.

Manuel Valls a certainement des défauts, ses allers-retours entre Barcelone et Paris ont fait jaser, mais il est un laïcard convaincu, comme le soulignait jadis le Comité Laïcité République. Et il soutient Valérie Pécresse dans l’élection de dimanche prochain — parce qu’il a remarqué que LFI et Jean-Luc Mélenchon se sont soumis aux islamistes, sous prétexte de lutter contre les discriminations.

Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier. Elle n’a pourtant pas changé, elle ne s’est alliée ni à Macron, grand débaucheur de Républicains, ni à ses premiers ministres, issus pourtant de son propre parti.

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Je sais deux ou trois choses sur Pécresse, pour avoir co-écrit un livre avec elle, du temps où elle était ministre de l’Enseignement Supérieur — avec un tout petit peu plus de classe que Frédérique Vidal… Je sais par exemple qu’elle n’est pas de gauche. Comment donc se fait-il que des hommes de gauche — Huchon a été la doublure de Rocard, Valls n’a jamais transigé avec les principes laïques, ce qui n’a pas été le cas de tous les élus de son parti — soutiennent une libérale pur jus ?

C’est que le monde a tourné, et que la gauche d’hier — une partie d’entre elle au moins — campe aujourd’hui sur les terres marécageuses du communautarisme, de l’intersectionnalité, de l’islamo-gauchisme et de l’idéologie verte, qui n’a rien à voir avec les réalités de l’environnement.

Sur le terrain de la laïcité, Pécresse n’a jamais dévié du principe républicain : la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte. Surtout ceux qui flinguent des journalistes, assassinent des prêtres, massacrent des foules, et égorgent des enseignants. Alors que la gauche, pour séduire ce nouveau prolétariat, après avoir sacrifié l’ancien, selon le plan mirobolant de Terra Nova, fait cause commune avec des organisations sectaires, et pour séduire des jeunes qu’elle a largement contribué à décerveler, se rapproche des écologistes déclinistes. Marx, reviens, ils sont devenus fous !

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D’où les déclarations des plus sincères des ex-socialistes. Constatant le tournant mortifère que prend leur parti, ils préfèrent encore franchir le Rubicon que donner la main à des gens qui font des risettes aux complices des égorgeurs.

Ils ne sont pas les seuls. Raphaël Enthoven, évoquant l’hypothèse improbable d’un match final Mélenchon / Le Pen, a avoué qu’à la onzième heure, il irait furtivement voter pour la présidente du RN. Tollé chez les sociologues du Quartier Latin, les meilleurs de France, comme chacun sait. Ils n’ont pas compris que le philosophe avait vu avant eux le monde tourner dans le mauvais sens. Rester fidèle à ses convictions, ces temps-ci, revient à se faire rattraper sur sa droite. Tant pis. Je sais que Pécresse ne rouvrira jamais de goulags — elle a voyagé ado en URSS, elle sait ce que c’est que le paradis brejnévien.

Tout comme elle sait ce qu’est le monde dont rêve Clémentine Autain ou Julien Bayou (étant entendu qu’Audrey Pulvar n’est là que comme complément de boboïtude). Les municipalités dont des citoyens mal informés ont confié les clefs aux écolos voient déjà ce qu’il en est. J’en ai fait il y a deux mois un petit billet qui se voulait humoristique.

Mais les temps ne sont plus à la rigolade. Il y a un risque mesuré de révolution dans la région la plus peuplée de France. À vous de voir ce que vous voulez : des améliorations mesurées à la hauteur d’un budget raisonnable, ou des improvisations folles au gré d’alliances nauséeuses.

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Élections régionales: le marteau et la faucille recyclés

Une tribune libre de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur


Depuis 2017, nous assistons à l’agonie de la gauche républicaine. Abandonnée par le peuple, puis par ses militants, la gauche a vendu Solférino en même temps qu’elle a assisté, impuissante, à la déstructuration du « Parti » : plus de cartes, plus de congrès, plus de figure emblématique. Depuis, à chaque élection, elle se cache derrière l’étiquette « Divers gauche » et la rose s’est fanée. Abandonnant ses idéaux de progrès, de laïcité, d’égalité sociale, dont la seule évocation des noms suffisait à décliner son identité heureuse, c’est elle qui a déserté le peuple, lequel l’a vécu comme une trahison.

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Certains de ses représentants appellent à un sursaut pour ne pas « basculer dans un autre monde » comme le déclare Carole Delga, Présidente sortante de la Région Occitanie à propos de Jean-Luc Mélenchon. En Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Ile-de-France, se nouent en effet de scandaleuses alliances pour ressusciter la gauche plurielle, faisant disparaître le cordon sanitaire qui tenait à distance l’extrême-gauche. Ensemble, elles imposent déjà depuis longtemps un climat de révolution permanente en absolutisant la race, la religion, le genre, l’ethnie. L’armée des Social Justice Warriors est sur tous les fronts des réunions en non-mixité, tour à tour interdites aux hommes, aux blancs et surtout aux hommes blancs ! « Cela nous mène tout droit au fascisme », affirmait le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. En réalité, cela n’est pas très éloigné d’un totalitarisme intrinsèque au communisme. Les « illusionnistes illusionnés qui ont bâti le mirage du communisme » et dont François Furet analyse la passion révolutionnaire ont pourtant du sang sur les mains : « Fils de la guerre, bolchevisme et fascisme tiennent d’elle ce qu’ils ont d’élémentaire. Ils transportent dans la politique l’apprentissage reçu dans les tranchées : l’habitude de la violence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l’individu au collectif, enfin l’amertume des sacrifices inutiles ou trahis ».

Qu’importe les 80 millions de morts des crimes commis par les régimes communistes ! Pour gagner une région, la gauche n’a pas les états d’âme de la droite face au Rassemblement National : la France Insoumise lui tend la faucille et les Verts plantent le drapeau de la bonne conscience écologiste, se recyclant ainsi à peu de frais. En Ile-de-France, ils font tout sauter et ils le disent – avec violence évidemment – en image, une image indécemment récupérée d’un attentat meurtrier en Syrie. Le poids des maux, le choc d’une photo.

Trois régions à conserver pour les protéger du saccage de l’extrême gauche 

Durant ces semaines d’une campagne inhabituelle dans ses modalités, le Mouvement Conservateur, avec son organisation structurée, ses troupes et une indéniable constance dans ses positions, a fédéré la droite conservatrice pour soutenir activement les candidats qui ont su tenir à distance la majorité présidentielle et intégrer les dynamiques conservateurs de leur région. 

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Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de Loire, Ile-de-France, les contextes sont différents, les stratégies tout autant et la représentation des conservateurs également. Dans le match qui oppose aujourd’hui trois présidents sortants à de dangereuses alliances autour de l’extrême gauche, les abstentionnistes ont un rôle capital. Quand deux électeurs sur trois ne votent pas, ce n’est pas le fruit du hasard, la faute des beaux jours ou du cours d’aquaponey. L’abstention ne traduit pas un désintérêt mais une colère. Elle est devenue le vote sanction de ceux qui ne se sentent pas représentés et ne supportent pas le jeu trouble des accords de coulisses.  

Dimanche, 31 millions d’abstentionnistes doivent revenir dans l’isoloir. Ils ont la capacité de tout changer. Parmi eux, des conservateurs responsables qui ne veulent pas voir leur pays sombrer dans le totalitarisme rouge et vert. Mais aussi, des conservateurs qui interrogent : de quoi la droite de demain voudra-t-elle être le nom ? Cette dernière question sonne comme un avertissement et un appel urgent au réveil d’une droite qui ne se contente pas d’être une non-gauche.  

États-Unis: une armée d’un autre genre?

C’est l’une des premières mesures prises par Joe Biden : annuler l’interdiction édictée par Donald Trump de s’engager dans l’armée sous une « identité de genre », celle que les transgenres peuvent faire reconnaître à l’état-civil. Les soldats qui n’auraient pas passé le cap peuvent aussi, désormais, se faire opérer aux frais de l’institution.


À peine finie la cérémonie de son investiture, qui a nécessité le déploiement de 25 000 soldats de la garde nationale le 20 janvier 2021, Joe Biden, le nouveau président américain et commandant en chef des armées, a pris une décision : celle d’annuler l’interdiction pour les personnes transgenres de s’engager sous leur « identité de genre » (celle qu’ils ont choisie). Cet interdit édicté par Donald Trump dès 2017 avait été validé par la Cour suprême en 2019.

Joe Biden s’inscrit en cela dans la continuité de Barack Obama qui, en 2016, avait autorisé les personnes transgenres à servir ouvertement au sein des forces armées et à avoir accès à des traitements hormonaux combinés à un suivi psychologique pendant la durée de leur service. C’est ainsi qu’en 2016, selon un rapport de la RAND Corporation, les forces américaines comptaient quelque 2 450 militaires d’active transgenres (sur 1,3 million de soldats) et 1 510 réservistes transgenres (1), tandis que la célèbre animatrice de télé transgenre Caitlyn Jenner et la chanteuse Barbra Streisand avançaient, pour leur part, le chiffre de 15 000 personnes. Parmi les militaires transgenres figure Chelsea Manning (née Bradley Manning), qui a été à l’origine du scandale Assange-WikiLeaks en 2010.

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Trump voulait purement et simplement bannir les transgenres des forces armées. Les difficultés logistiques qu’aurait impliquées cette mesure étaient telles qu’il a dû renoncer. Les soldats déjà sous contrat, diagnostiqués avec une « dysphorie de genre » – sentiment de détresse né de l’inadéquation entre le sexe assigné et leur « identité de genre » – ont pu continuer à servir sous les drapeaux sous l’identité sexuelle de leur choix. En prime, toujours contre l’avis du président, ils ont obtenu le droit d’être opérés aux frais de l’institution militaire. En novembre 2017, la Defense Health Agency a approuvé pour la première fois la prise en charge d’une opération de chirurgie de changement de sexe (sex reassignment surgery) pour un militaire américain en service actif (2).

En revanche, Donald Trump a gagné pour les nouvelles recrues : celles-ci étaient obligées de conserver leur identité sexuelle d’origine, excluant toute velléité de suivre un traitement hormonal pendant leurs années de service (3).

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Les élus démocrates font pression sur les associations et sur le ministère chargé des vétérans pour que l’armée finance ces interventions dont le coût, avec celui des traitements associés, représenterait à peine quelques millions de dollars sur un budget de près de 50 milliards de dollars alloués aux dépenses de santé du département de la Défense (4). Mais ce sujet très sensible n’a pas manqué de soulever de vives polémiques sur l’utilisation des ressources de l’armée, attendu qu’un grand nombre de militaires blessés sur des théâtres de guerre attendent de subir des opérations chirurgicales. Pour rappel, 4 489 militaires américains ont été tués et 32 242 blessés en Irak. En Afghanistan, depuis 2001, on compte 2 357 tués et 20 068 blessés. Le suivi psychologique des soldats victimes de stress post-traumatique sur des théâtres de guerre nécessite également des ressources financières.

La décision de Biden est évidemment une bonne manière à ses soutiens démocrates, minoritaires dans l’armée. Sans surprise, les militaires d’active votent majoritairement pour les républicains, comme le reconnaît d’ailleurs le Washington Post.On peut donc s’attendre à ce que les droits des transgenres soient un sujet important du mandat, comme ceux des nombreuses minorités ethniques et sexuelles qui ont voté pour Biden. L’un de ses premiers coups d’éclat a été de nommer la pédiatre transgenre Rachel Levine (anciennement Richard Levine), au poste de ministre adjoint de la Santé, nomination confirmée par le Sénat le 25 mars (5). La nouvelle ministre est notamment spécialiste de médecine LGBT. Le président a par ailleurs récemment signé un décret permettant aux athlètes transgenres masculins de concourir chez les femmes. Le déploiement planétaire de la cause transgenre qui est à prévoir a déjà des allures de foire d’empoigne.

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(1). « Assessing the Implications of Allowing Transgender Personnel to Serve Openly », RAND Corporation, 2016.
(2).« Pentagon to Pay for Surgery for Transgender Soldier », nbcnews.com, 14 novembre 2017.
(3). « Navy Allows Transgender Sailors to Dress According to Gender Identity While Off Duty », strips.com, 15 avril 2019.
(4). « D’après Trump, les soldats transgenres représentent un “coût énorme” pour l’armée. C’est absolument faux », huffingtonpost.fr, 27 juillet 2017.
(5). « LGBT History Month – October 22: Rachel Levine », goqnotes.com, 22 octobre 2018.

Le système légion : un modèle d'intégration des jeunes étrangers

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Dans l’affaire de Trappes, le “New York Times” a choisi son camp

Fer de lance du wokisme américain, le New York Times s’est donné pour mission d’attaquer la France et son universalisme républicain. Article après article, ses journalistes nous présentent la République française et une grande partie de sa population comme colonialistes, anti-immigrés et antimusulmans. Autrement dit, d’affreux racistes de manière systémique ! Cerise sur le gâteau, certains de ces textes sont désormais disponibles en français. Alors, autant aller voir…


Au mois de juin, une nouvelle pierre a été ajoutée à cet édifice idéologique. Un article peu subtil de Norimitsu Onishi, pourtant journaliste d’une très grande expérience, aujourd’hui correspondant parisien du New York Times, revient sur l’affaire de Trappes, ou plutôt l’affaire la plus récente, déclenchée autour de Didier Lemaire au mois de février. L’article réduit cette histoire à un bras de fer entre deux hommes, presque deux archétypes, le « professeur » et le « maire », autrement dit, le professeur de philosophie Didier Lemaire, et l’édile de la ville, Ali Rabeh. Le plus grave est que le potentiel dramatique de cet affrontement est exploité de manière manichéenne pour créer deux oppositions. La première est celle entre un « méchant », le Blanc peu crédible, et un « gentil », le fils d’immigrés héroïque. La deuxième est celle entre deux Républiques : l’une, officielle, qui, sous couvert d’universalisme, opprime ses propres citoyens issus de l’immigration ; et l’autre celle qu’incarnent ces mêmes citoyens opprimés et qui œuvre à la création d’un paradis multiculturel dont Trappes est la préfiguration.    

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La République des méchants

On apprend très tôt dans l’article que Didier Lemaire est quelqu’un de peu fiable car, peu de temps après ses premières déclarations en février, sa « version initiale de l’histoire a commencé à prendre l’eau. » Par conséquent, après une semaine d’affrontements médiatiques entre lui et M. Rabeh, « les choses […] semblent tourner en faveur du maire. » Qu’est-ce qui permet ainsi de déclarer le maire vainqueur face au professeur ? « La version de l’enseignant s’est mise à vaciller » quand le préfet a démenti qu’il avait été « placé sous protection policière. » Or, nous savons que, depuis la tribune publiée par Didier Lemaire dans l’Obs du 1 novembre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre, la police avait mis en place un dispositif préventif, sous forme de patrouilles devant la résidence de M. Lemaire et son lycée pour surveiller ses allées et venues. Cette forme de protection policière aurait été levée le 27 janvier, c’est vrai, mais le professeur a apparemment été informé par téléphone ce jour-là que finalement les patrouilles seraient maintenues, la raison en étant la diffusion le 22 janvier d’un documentaire néerlandais sur Trappes au cours duquel Didier Lemaire et Ali Rabeh sont interviewés. Conclusion : Didier Lemaire n’a rien d’un mythomane. La menace est considérée comme suffisamment crédible par les autorités pour que Gérald Darmanin, le 11 février, propose au professeur une protection rapprochée.

À part cette désinvolture vis-à-vis des faits, le New York Times utilise un autre procédé pour discréditer Didier Lemaire, la culpabilité par association, car les appuis qu’il a reçus ne sont pas les bons. D’abord, celui d’« une grande partie de la classe politique française », c’est-à-dire de la République officielle, la mauvaise, celle que le New York Times se complait à vilipender. Notamment, Valérie Pécresse qui a tweeté son soutien au professeur et à tous ses collègues. Dans l’article, elle ne mérite pas d’être nommée et est désignée comme « la présidente de droite de la région Île-de-France, qui a des vues sur l’Élysée. » On comprend : son soutien est orienté parce qu’elle est de droite et opportuniste. Celle qui mérite d’être nommé est Marine Le Pen, car son nom est en lui-même un épouvantail. Quand on a l’appui de « la figure de proue de l’extrême droite », on est forcément dans le mauvais camp. D’ailleurs, on apprend que c’est juste avant son débat télévisé avec Marine Le Pen que M. Darmanin a annoncé une protection rapprochée pour le professeur : encore un opportuniste qui veut montrer qu’il est aussi antimusulman que l’extrême droite, forcément. Une « grande partie de la classe politique française » ne serait-elle pas secrètement d’extrême droite ?

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L’article aborde aussi le fameux épisode des tracts : le ministre de l’Éducation et l’Académie ont dénoncé le maire de Trappes pour être entré à l’intérieur de l’établissement, lors d’une distribution de tracts devant le lycée de Didier Lemaire. Le New York Times cite de manière inconditionnelle les dires de certains élus locaux niant que le maire ait distribué des tracts à l’intérieur de l’école. Or, les choses ne sont pas du tout aussi simples que le voudrait le journal américain : le maire lui-même admet qu’il est bien entré dans le lycée, selon lui pour discuter avec les élèves et apporter des croissants. Quoi de plus innocent que l’autopromotion par les viennoiseries ? 

La République des gentils multi-culti

Se dressant devant le professeur peu fiable soutenu par des méchants, on trouve un maire héroïque appartenant à une génération qui, à la différence de ses parents qui auraient fait preuve d’une humilité excessive, « n’hésite pas à assumer ouvertement son identité et à pointer du doigt les manquements de la France. » Autrement dit, selon le New York Times, Ali Rabeh est quelqu’un qui a la bonne attitude dans la vie. Toutes les personnes citées dans l’article lui sont d’ailleurs favorables : de la fondatrice d’une association qui aide les familles ayant des enfants djihadistes partis en Syrie au président de l’Union des Musulmans de Trappes, en passant par le politologue et écrivain franco-maroccain Rachid Benzine. Selon un de ces témoins cités par le journal américain, le maire n’a raconté que la vérité, « mais c’est un Arabe, ça dérange. » La logique implicite est la suivante : c’est un Arabe (en réalité, Ali Rabeh est un citoyen français), on ne le croit pas ; on ne le croit pas, donc il dit la vérité ; il dit la vérité, donc le professeur raconte des mensonges. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres points de vue sur Trappes n’est pas pris en considération ici. Pourtant, ces points de vue existent, même si certaines personnes n’osent s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.

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Le Times esquisse un véritable story-telling pour promouvoir M. Rabeh comme apôtre d’une autre République. Au début de sa carrière politique, il aurait joué le jeu, gobant naïvement le discours traditionnel de l’État français : « Il est devenu un fervent républicain, croyant en la promesse universaliste. » Maintenant, depuis les réprimandes gouvernementales dont il a été l’objet, il est désabusé : « Un instant pendant la crise, je me suis dit, bon, si c’est ça la République, j’abandonne la République, comme elle m’abandonne, confie-t-il. Mais la vérité, c’est que c’est pas eux la République. C’est les gamins de Trappes, la République. » Le sens de cette affirmation assez sotte est on ne peut plus clair : Trappes, présenté dans l’article comme un pays de cocagne multiculturel, est l’avenir de la France qui appartient au maire progressiste plutôt qu’au professeur réactionnaire ! Gardons-nous bien de réserver le même traitement biaisé pour M. Rabeh que celui du Times pour M. Lemaire. Si le journal américain, quatre mois après les affrontements de février, ressasse la même vision résolument manichéenne de l’affaire, c’est uniquement pour relancer sa campagne contre la France.  

Des lois de Kirchhoff à la révision de la Constitution


Kirchhoff est un physicien allemand de 19ème siècle qui a établi les lois qui régissent l’intensité du courant dans un réseau électrique. On raconte que, récemment, dans un grand pays occidental, un conseil gouvernemental de haut niveau discutait de je ne sais quelle mesure de régulation de l’électricité. « Pas possible, dit le conseiller scientifique, cela contredirait les lois de Kirchhoff ». « Objection ridicule, rétorqua le Président, ce qu’une loi a décidé, une autre loi peut l’annuler ; et je contrôle bien mon Congrès ». Cette anecdote – vraisemblable sinon véridique – éclaire le débat français actuel sur la préservation de l’environnement, et son éventuelle inscription dans le préambule de la Constitution.

Une formulation fautive

Le gouvernement a fait voter par l’Assemblée Nationale le texte suivant : « La France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Ce texte est destiné à être soumis à referendum. Il est lamentable. On notera tout d’abord que l’expression « dérèglement climatique » est doublement fautive. Grammaticalement, tout d’abord. Elle confond l’adjectif avec le complément de nom, à l’anglaise. Le législateur veut parler du dérèglement du climat, pas d’un dérèglement d’on ne sait quoi (des mœurs, par exemple) qui serait d’origine ou de caractère climatique. Le préambule de la Constitution française mérite mieux qu’un anglicisme ambigu. Conceptuellement, ensuite. « Dérèglement » fait référence à un « règlement » du climat qui n’a aucune existence réelle, et auquel le législateur serait bien embarrassé de donner un contenu précis. On observera aussi en passant que les objectifs vagues et implicites du texte (« préservation », « lutte contre le changement ») sont ingénument conservateurs, passéistes, pour ne pas dire  réactionnaires. Mais c’est surtout l’idée que la France pourrait « garantir » quoi que ce soit dans ce domaine qui est une absurdité.

L’évolution de l’environnement et du climat est évidemment un phénomène global. Les causes de cette évolution sont complexes, et encore mal connues. En simplifiant beaucoup, on peut distinguer deux systèmes explicatifs : 1) un système planétaire qui considère que la température de notre globe est déterminée par l’évolution du soleil ou par l’alignement des planètes ; 2) un système anthropique qui fait dépendre la température de la terre du stock de CO2 de l’atmosphère, lui-même alimenté par les rejets de CO2 de l’activité des hommes. On ne cherchera pas ici à comparer les mérites de ces deux systèmes explicatifs, qui peuvent d’ailleurs coexister, et combiner leurs effets.

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Ce qui est certain, et évident, c’est que dans les deux cas la capacité de la France à « agir » sur le climat est nulle ou insignifiante. Dans le premier cas, l’évolution dépend du soleil ; dans le second elle est (fort peu d’ailleurs) entre les mains de la Chine. Si Jupiter en son Olympe croit qu’il peut commander à ces gros acteurs, il se trompe. 

La France est (de ce point de vue) insignifiante

Josue a bien (selon la Bible) arrêté le soleil, mais pour un jour seulement, sans effet sur la température. En ce qui concerne les rejets de CO2, les chiffres sont les suivants : la France rejette 0,3 (milliards de tonnes) annuellement, la Chine 9, le monde 33, et le stock mondial est de 3 200. Un doublement du stock entraine une augmentation de la température du globe d’environ 1,5° centigrade. La moitié des rejets annuels sont absorbés par les océans et la végétation. Ces données (proposées par le GIEC), et quelques règles de trois, suffisent pour calculer que les rejets annuels de la France augmentent la température du globe d’environ 0,00007 °C. Si, par on ne sait quel miracle au coût catastrophique, la France réduisait du jour au lendemain à zéro ses rejets de CO2, au bout de 30 ans la température du globe s’en trouverait réduite d’environ 0,002 °C, c’est-à-dire d’un imperceptible 2/1000ième de degré.
Une minute de réflexion montre donc que la France ne peut pas modifier l’évolution du climat. Ce n’est pas une affaire de volonté politique, c’est une affaire de réalité physique. Faire à la France obligation de « garantir » quoi que ce soit dans un domaine où elle est totalement désarmée n’a aucun sens. C’est une posture, une invocation, une incantation, une procession pour la pluie. Placer ce déni de science et de raison dans un texte aussi sacré que le préambule de la Constitution est effrayant. Il est triste de penser qu’une écrasante majorité de l’Assemblée Nationale a commis un tel crime contre l’esprit. Nos gouvernants et nos parlementaires sont comme ce président qui se flattait de faire modifier par son Congrès les lois de Kirchhoff.

LR: ils veulent une vraie droite pour la France

Une pétition, émanant de personnalités et de sympathisants « attachés aux valeurs authentiques de la droite », interpelle le président des LR pour que la droite redevienne une « vraie droite ». Prise entre le RN et Macron, elle peine à exister. L’un comme l’autre ne rêvent que de la détruite, même si le second le fait de manière plus insidieuse. Il est vital de refuser toute alliance avec LREM, pour la survie de la droite !


Pour une fois une pétition nécessaire quoique tardive ! Une pétition « Une vraie droite pour la France » (droitepourlafrance.fr) a été adressée au président des LR, Christian Jacob. Quand sa médiatisation a été décidée à partir du 17 juin grâce à Thomas Zlowodzki questionné à son sujet aux Vraies Voix sur Sud Radio, elle a attiré mon attention pour une triple raison. D’abord elle émane de « cadres, élus, militants et sympathisants » se disant « attachés aux valeurs authentiques de la droite ».

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Ensuite, des personnalités s’y trouvent qui méritent le plus grand intérêt, en particulier François-Xavier Bellamy, Bruno Retailleau et David Lisnard qui n’ont jamais dévié de cette ligne intègre. Le deuxième est sans aucun doute celui qui est directement visé par les atermoiements tactiques de Christian Jacob et ses idées saugrenues sur les deux « enquêtes d’opinion » avant, je l’espère, l’inévitable primaire ou départage. Le président et son équipe proche nous jouent une mauvaise pièce : En attendant Baroin

Enfin cette pétition ose rappeler cette évidence qu’Emmanuel Macron n’est pas de droite et que toute alliance qui se prétendrait justifiée par un sordide électoralisme serait une trahison, aussi soft qu’elle apparaisse.

La droite prise en étau entre RN et Macron

Il faut avoir à l’esprit que le RN et le président de la République ont le même but : détruire la droite républicaine. Mais les méthodes diffèrent. Jean Leonetti a raison, le RN a cet objectif et veut l’atteindre avec une brutalité qui ne cherche même pas à dissimuler son intention. On pourrait d’ailleurs s’interroger : pourquoi LR, faute d’affirmer clairement et intelligemment son identité, par pauvreté intrinsèque et mauvaise conscience instillée par les gauches socialiste et extrême qui seraient gardiennes de la morale démocratique, donne-t-il l’impression de valider sa propre disparition ? Le président est évidemment beaucoup plus subtil que Marine Le Pen. Il embrasse pour étouffer, il fait preuve d’une apparente empathie, il se penche avec une ostensible compréhension et presque une tendresse feutrée, compassionnelle, sur ce corps de la droite qui, n’en déplaise aux croque-morts, bouge encore.

La danger Macron

Mais dont Emmanuel Macron souhaite faire advenir le dernier soupir avec une délicatesse infinie et un dessein élégamment masqué, mal perçu par ceux aveuglés qui lui tendent leur cou. Ressasser que la droite est morte anticipe un effacement qu’heureusement Emmanuel Macron n’a pas encore pu pousser à son terme. Mais il ne faut pas être naïf: là où le RN tente d’étrangler, le président cherche à tuer à petit feu. Le texte de la pétition constitue un baume, une libération, l’irruption nette d’une volonté politique dans l’équivoque que depuis de trop longs mois on secrète par des supputations sur un Macron de droite ou de gauche. Ce n’est pas parce que la gauche le récuse qu’il n’appartient pas à cette famille.

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Qu’on considère son désir cynique de nous faire croire que le régalien est devenu son sujet préféré au point de nous faire des analyses profondes sur le danger des réseaux sociaux ! Ce n’est certainement pas cette conversion de dernière minute, quand quatre ans l’ont laissé impuissant avec ses « en même temps », qui risque d’égarer les électeurs de droite. Il est vrai que la nomenklatura LR, quand elle s’opposait, le faisait à l’encontre de ce que le macronisme pouvait avoir de passable, au lieu de dénoncer ses considérables failles de sécurité, d’autorité et de justice avec, en outre, sa vision sociétale de gauche et son progressisme de privilégié.

Refuser alliances et compromissions

Cette pétition arrive, je l’ai dit, trop tardivement alors qu’elle aurait dû apposer sa lucidité et sa dénonciation depuis longtemps sur les manoeuvres – les magouilles ? – de la direction de LR dont le dernier exploit s’est déroulé en PACA et va peut-être engendrer la victoire de Thierry Mariani, ancien républicain passé au RN.

Ce n’est pas d’aujourd’hui non plus que je désespère face à cette droite se cachant sous la table démocratique, peu assurée, incertaine de son utilité, sans élan, persuadée que le RN était l’inventeur des idées et des concepts qui ont toujours constitué le terreau de la droite authentique, de la droite capable de gouverner. Qu’on veuille bien sur ce plan se reporter à mon billet du 30 mai 2020 : « François-Xavier Bellamy : refonder la droite, un travail d’Hercule ? » Cette pétition qui peut réveiller des esprits et des consciences assoupies devra mobiliser Christian Jacob. À un certain niveau, l’inaction d’un président de parti n’est plus de l’impuissance mais de la complicité.

« Une vraie droite pour la France » : un texte, au fond, pas si tardif que cela puisque les élections régionales et départementales se déroulent les 20 et 27 juin pour le second tour. Et l’échéance présidentielle est proche. Il suffit à LR d’exister et de refuser les OPD : offres publiques de destruction !

Pourquoi la Corse ne s’est pas abstenue?

Le journaliste et essayiste Paul-François Paoli analyse les derniers résultats électoraux en Corse. Entretien.


Avec un taux d’abstention record de 66,7%, le premier tour des élections régionales 2021 devient le scrutin le plus boudé sous la cinquième République. Une région se distingue: la Corse où le taux d’abstention a été bien plus bas (42,92%). 

L’essayiste Paul-François Paoli y voit la manifestation de la passion politique des Corses qui, à travers leur vote, expriment la défense de leur insularité. La collectivité territoriale corse n’est pas perçue comme une entité administrative abstraite, mais comme une instance destinée à préserver leur identité.


Causeur. Pourquoi la mobilisation électorale a-t-elle été au rendez-vous sur l’île de Beauté ?

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli. Il y a sans doute plusieurs raisons. La première est que les Corses aiment depuis toujours la politique. Ils aiment débattre et discuter politique notamment en famille. En Corse, la politique y est très personnalisée. On vote parfois plus pour un homme que pour un parti. C’est un petit pays où chacun se juge et se jauge. La réputation personnelle d’un candidat, sa compétence et son intégrité jouent aussi parfois plus que son idéologie politique. Au-delà de cette attitude traditionnelle, si les Corses se sont massivement déplacés, c’est qu’ils se sentent concernés par des élections qui traitent de questions locales très concrètes. En primant leurs listes nationalistes, ils ont rappelé qu’ils ne s’identifient pas aux élites « hors-sols » de Paris. La Corse est l’expression même du clivage entre Anywhere et Somewhere mis en évidence par l’anglais David Goodhart. Les Corses sont attachés aux hommes politiques pour qui ils votent et qu’ils connaissent parfois personnellement – ou du moins croient connaître !

Les Corses ont l’impression que la France est à la dérive: dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay…

Si les Corses sont allés massivement voter dimanche (57%), n’est-ce pas surtout lié au statut particulier de la collectivité territoriale et aux pouvoirs élargis du président de l’exécutif, capable de peser plus sur le destin de l’île ?

Sûrement. S’il n’y a pas eu cette désaffection massive qui a marqué le premier tour sur le continent, c’est donc parce que le vote dans un sens ou dans un autre est censé avoir des conséquences concrètes dans la vie locale des Corses. Par ailleurs, la forte mobilisation en faveur de Gilles Simeoni n’est pas un hasard. Simeoni jouit d’une excellente réputation. Maîtrisant parfaitement l’art oratoire, c’est un tribun qui a du charisme. C’est très important en Corse où il faut savoir s’imposer par la parole. Enfin il est capable de rassembler des électeurs qui ne font pas partie de son camp politique grâce à son intégrité incontestable, une qualité précieuse sur une île où l’emprise de la mafia est importante, si l’on en croit les experts. 

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57,7% des électeurs corses ont voté pour une des listes du camp nationaliste (qui reste malgré tout divisé entre autonomistes et indépendantistes). La gauche et l’extrême droite, en dessous de la barre des 6%, sont rejetées. Comment l’explique-t-on ?

Les nationalistes cultivent l’art de l’ambiguïté. Contrairement aux nationalistes catalans ou écossais, les nationalistes corses n’ont pas concocté de projet de sécession avec le continent. Ils se maintiennent dans un entre deux qui ne satisfait pas leur base radicale et francophobe. Gilles Siméoni est un homme politique pragmatique. Il a pleinement conscience que si la Corse était privée de ses services publics, ce serait le chaos. Dans mon village du Cap corse, la Poste est un lien social à part entière : on ne peut à la fois pester contre « l’État français » et réclamer des services publics. C’est d’ailleurs tout le problème. Comment faire pour vivre sans le soutien d’un État que l’on n’aime pas mais dont on a besoin? On l’a vu d’ailleurs avec la crise sanitaire qui a été très bien gérée en Corse. Autrement dit, l’État n’a pas que des défauts. Pour combattre le milieu criminel, il faut des policiers, des gendarmes et des juges et il vaut mieux qu’ils ne soient pas corses, chacun sait pourquoi. N’en déplaise à certains. 

Par ailleurs, si la droite dite « dure » est faible en Corse, c’est parce que les nationalistes occupent le terrain identitaire. Mais là aussi, ils cultivent l’ambivalence. Les nationalistes courtisent les voix des chasseurs, très nombreux en Corse, tout en copinant avec les écolos-gauchistes, ce n’est pas très cohérent. On ne peut être à la fois identitaire et libertaire, d’accord ici avec Eric Zemmour sur l’immigration et l’islam et là avec Yannick Jadot sur les questions sociétales, sans être en contradiction avec soi-même. 

Au-delà de ces contradictions, les électeurs nationalistes manifestent leur souci de préservation du patrimoine naturel et culturel de l’île contre l’enlaidissement engendré par le développement touristique. Depuis toujours le nationalisme en Corse est fondé sur une tentative de synthèse entre des thématiques de droite où l’on cultive l’enracinement et l’identité et une rhétorique de gauche, écologiste et anti-libérale. Ce n’est pas forcément très cohérent, mais cela marche dans les urnes. En réalité le seul communautarisme qui est toléré dans l’île est le communautarisme corse parce que lui seul apparait capable de défendre « l’âme de la Corse ».

Dans votre dernier essai France-Corse, je t’aime moi non plus, vous postulez que le repli identitaire des insulaires résulte du renoncement à assumer notre identité française. Faut-il voir dans le scrutin de dimanche dernier une confirmation de vos analyses ?

En incluant la Corse et en lui faisant partager sa destinée à partir de la Révolution, la France a développé avec l’ile une relation en miroir qui est aujourd’hui brisée. Les Corses se sont longtemps identifiés à la France quand celle-ci était puissante et leur offrait une aventure qui les grandissait : la France impériale, la France coloniale, la France résistante et gaullienne. De Gaulle a été le dernier chef d’État à être aimé et considéré en Corse. Les Corses ne sont pas foncièrement républicains au sens où l’entendent des gens comme Valls ou Mélenchon… Ils ont adhéré à l’Empire français bien plus qu’à la France de 1792.

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Sur un certain plan que l’on peut qualifier d’anthropologique, cette île est de droite depuis toujours ou conservatrice, si vous préférez. Aujourd’hui, les Corses consentent de moins en moins à être une communauté lambda dans une France banalisée par la mondialisation. En somme quand la France ne sait plus qui elle est ni ou elle va, les Corses préfèrent se contenter d’être corses. Ce décrochage a commencé dans les années 70. Les Corses ont commencé à se détourner de la France parce qu’ils se reconnaissaient de moins en moins dans un pays qui, comme l’a déclaré un jour Vladimir Poutine, était colonisé par ces anciennes colonies. « La France est à tout le monde » proclamait Danielle Mitterrand. Sauf qu’un pays qui est à tout le monde n’est plus le pays de personne ! 

Vous expliquez aussi que la Corse est une ile refuge qui sait se préserver des maux qui touchent le continent : l’islamisme politique, l’immigration massive et incontrôlée ou le néoféminisme identitaire. D’après tout ce que vous me dites, j’en conclus que la crise démocratique s’ajoute à votre liste… 

C’est en tout cas ainsi que je le ressens et je ne crois pas être le seul. À mes yeux la Corse est une île refuge. Je constate très souvent que les Corses qui ont longtemps vécu sur l’ile ne supportent plus ce que sont devenues des villes comme Paris et Marseille. Ils ont l’impression que la France est à la dérive : dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay. 

En Corse, où les animaux sont omniprésents dans les villages, nous ne sommes pas encore confrontés à la vague antispéciste et à la misanthropie des militants animalistes très bien analysée par le journaliste du Figaro Paul Sugy. La chasse est encore un rituel sacré et il est d’ailleurs aberrant de voir certains nationalistes flirter avec les écolo-gauchistes. Dans un de mes livres Malaise de l’Occident, j’ai évoqué l’idée d’un déclin anthropologique de l’homme occidental qui peut profiter à l’islam radical et à son modèle alternatif. Je crois, comme Patrick Buisson, que nous avons basculé dans un ailleurs sans limite et sans normes. Alors, oui je continue à penser qu’une île vous protège toujours un peu de la folie des hommes et de leur bêtise idéologique; surtout si elle a la réputation d’être archaïque.

Elle périra, car elle est espagnole

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Le roi d'Espagne Felipe VI préside la "Corrida de la Beneficencia" aux arènes de Las Ventas à Madrid, 16 juillet 2017 © Casa real

Outre-Pyrénées, les spectacles taurins sont sous le feu des critiques. La gauche radicale veut les interdire, les antispécistes veulent les éradiquer et les régions séparatistes qui voient en eux le symbole du pouvoir madrilène veulent les proscrire.


Des temps difficiles pour la tauromachie

Arènes de Las Ventas, Madrid, 2 mai 2021. À l’occasion de la fête régionale madrilène, qui commémore le soulèvement de la population locale contre la Grande Armée et le début de la « guerre d’indépendance » espagnole contre Napoléon Bonaparte, une corrida regroupant de grands noms de la lidia[1](El Juli, Paco Ureña, José Maria Manzanares) est organisée dans ce haut lieu des traditions taurines. Depuis plus d’un an, ces dernières souffrent, comme la quasi-totalité des manifestations publiques, de l’annulation partielle ou totale des spectacles, que ce soit dans des espaces clos ou à l’air libre. Même dans la Communauté de Madrid (où bars, restaurants, salles de sport, musées et autres établissements accueillant des visiteurs sont restés ouverts depuis juin 2020, grâce à la volonté de la présidente régionale, Isabel Díaz Ayuso), il s’agit d’un petit événement contraint par des restrictions particulières – notamment une jauge de remplissage.

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La pandémie a porté un coup économique rude à un secteur vaste, qui comporte non seulement les arènes mais aussi l’élevage de taureaux de combat et bien d’autres activités annexes. Il faut dire que le prix de vente des bêtes n’est pas le même selon que les professionnels les confient à l’abattoir (500 euros par tête) ou aux organisateurs de jeux tauromachiques (jusqu’à 10 000 euros par taureau lors des grandes représentations aux arènes de Las Ventas, les plus prestigieuses d’Espagne). Sur l’ensemble du pays, 94 % des recettes ont été perdues en 2020. En Andalousie, par exemple, on les estime à 31 millions d’euros dans le domaine de l’élevage (campo bravo).

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Au cours de la dernière année avant l’épidémie, près de 20 000 manifestations taurines (dont 8 % de corridas à proprement parler) avaient été organisées. Les communautés autonomes ayant accueilli le plus de combats de ce type en 2019 sont, dans l’ordre décroissant, la Communauté de Madrid, l’Andalousie, la Castille-La Manche et la Castille-et-León. Avec la Navarre et l’Estrémadure, il s’agit des régions où cette tradition est la plus ancrée. Les exécutifs régionaux de Madrid, Valladolid, Pampelune, Tolède et Murcie lui ont octroyé des protections légales spécifiques. Et, en la matière, les différences politiques s’effacent parfois puisque des présidents socialistes comme Emiliano García-Page (Castille-La Manche) et Guillermo Fernández Vara (Estrémadure), eux-mêmes aficionados, en sont d’ardents défenseurs. L’année 2021 s’annonce incertaine, avec des lidias prévues entre les mois de mai et octobre, principalement aux arènes de Vistalegre (Madrid) et dans la banlieue de la capitale, ainsi qu’en Andalousie et en Castille-La Manche.

Une critique pluriséculaire

L’opposition à la tauromachie est ancienne outre-Pyrénées, bien que les raisons alléguées aient évolué au fil du temps. C’est d’abord le catholicisme qui a voulu faire interdire le spectacle à la Renaissance, avant que les Lumières s’en mêlent. Les considérations sur le bien-être animal et le respect de la vie sauvage n’apparaissent que vers la fin du xixe siècle. À la même époque, certains membres des classes dirigeantes estiment que les arènes sont, comme les cafés-concerts de flamenco, des lieux de débauche où les malfrats et les petites gens viennent dilapider tout leur salaire.

Aujourd’hui, si le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est traversé par divers courants à ce sujet, la gauche « radicale » est favorable dans son ensemble à une interdiction (c’est le cas des postcommunistes de la Gauche unie) ou à de fortes limitations (comme Unidas Podemos). Bien qu’il n’existe pas de formation antispéciste vraiment forte en Espagne, la principale d’entre elles, à savoir le PACMA (Parti animaliste contre la maltraitance animale), organise des actions coup de poing aux abords des arènes : manifestations, mises en scène avec du faux sang pour interpeller les passants et l’opinion publique, etc.

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Des artistes, écrivains ou intellectuels espagnols s’y sont également opposés à de nombreuses reprises, à l’image de Francisco Umbral (1932-2007) ou Eduardo Punset (1936-2019). Néanmoins, le PACMA n’a encore jamais obtenu d’élus au niveau national et la mobilisation reste, pour l’essentiel, associative. L’on ne compte ainsi pas de grande figure individuelle et médiatique qui, comme en France, pourrait porter la voix du mouvement antitaurin.

Le roi d’Espagne Felipe VI préside la « Corrida de la Beneficencia » aux arènes de Las Ventas à Madrid, 16 juillet 2017 © Casa real

D’autre part, les exigences des militants sont diverses : prohibition pure et simple ; arrêt des subventions publiques (elles se montaient à 65 000 euros en 2019 pour le gouvernement central) ; interdiction de tuer le taureau devant les spectateurs, etc.

Un débat politique

En réalité, l’estocade vient surtout des mouvements séparatistes régionaux, moins concernés par le respect de l’animal que par une volonté de chasser de leur territoire toute manifestation jugée (à tort ou à raison) trop liée à l’image de l’Espagne. Il existe ainsi des réseaux de communes antitaurines en Galice et à Majorque. Certaines dispositions légales abolissant de fait la tauromachie ont été prises dans des régions où la tradition était quasi inexistante. C’est le cas depuis 1991 aux îles Canaries…qui maintiennent les combats de coqs.

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En Catalogne, le débat sur la souffrance des bêtes qui débute fin 2009 ne trompe personne, puisque la région continue d’organiser par ailleurs des fêtes taurines considérées typiquement catalanes. L’abolition de la corrida en 2010 visait essentiellement à marquer un rejet de la « chose espagnole » dans une région où les jeux taurins sont pourtant très anciens. Une loi a d’ailleurs été votée par le parlement de Barcelone en septembre 2010 pour protéger officiellement les correbous. Ces fêtes populaires ne s’achèvent certes pas sur la mort du taureau, mais supposent notamment de placer des matières inflammables sur ses cornes. Le PACMA a souligné, à juste titre, l’hypocrisie des élus régionalistes qui avaient célébré quelques mois auparavant la fermeture des arènes.

Six ans plus tard, la Cour constitutionnelle espagnole abroge les décisions régionales catalanes en matière de corrida, sans se prononcer sur le fond. Huit des douze membres du tribunal estiment en effet qu’une telle prohibition empiète sur les compétences dévolues au ministère espagnol de la Culture. Toutefois, depuis, aucune corrida n’a été organisée en Catalogne.


[1] Le combat taurin.

Paris, 1959

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Film de La Patellière avec Gabin à la manœuvre et Audiard aux dialogues, Rue des Prairies est la chronique d’un monde disparu où un homme seul élève une famille dans un Paris populaire, loin des cartes postales.


« La nostalgie camarade », notre époque se shoote à la nostalgie. Les boomers ne veulent pas quitter le XXᵉ siècle et surtout les Trente Glorieuses. Quoi de plus normal, me direz-vous, il nous faut bien supporter nos temps déraisonnables. Il y a sur Facebook, un groupe dédié aux Trente Glorieuses, justement. Chacun y va de sa photo souvenir : le mariage des parents en 1953, la photo de classe des années 70 avec le fameux sous pull en acrylique orange, l’embouteillage de départ en vacances sur la Nationale 7, où l’on sent les internautes émus jusqu’aux larmes en évoquant le pique nique au bord de la route avec la glacière.  Moi même en l’écrivant, j’ai la larme à l’œil.

Rendez-vous Rue des Prairies

Comme souvent, rendez-vous sur Arte pour un shoot supplémentaire de « c’était mieux avant », et précipitez-vous sur Rue des Prairies unfilmde1959 de Denys de La Patellière, ce réalisateur  qui  symbolisait «  le cinéma de papa » honni par la Nouvelle Vague. Celui-ci confiait au Figaro en 2002 : « J’étais un metteur en scène commercial et ça n’est pas pour moi un mot péjoratif. Je n’avais pas l’ambition de faire une œuvre, mais de réaliser des spectacles et d’intéresser les spectateurs. » Voilà précisément ce qui manque cruellement au cinéma français depuis plusieurs années : des artisans du cinéma respectueux du public.

En 1959 est sorti également le merveilleux film de Truffaut : Les 400 coups. Le plan final, le regard défiant le monde de Jean-Pierre Léaud, est certainement un des plus beaux regards caméra du cinéma mondial. Rue des Prairies versus Les 400 coups : « Jean Gabin règle ses comptes à la Nouvelle Vague », telle était l’accroche commerciale de Rue des prairies à sa sortie, avec la formule bien connue d’Audiard, dialoguiste du film : « La Nouvelle Vague est plus vague que nouvelle ». Bon mot et merveilleuse mauvaise foi.

Le monde de 1959

Film considéré comme mineur dans la somptueuse filmographie de Gabin, Rue des Prairies, paraît, avec le recul, délicieux et rafraîchissant.

Henri Neveu, en rentrant de la guerre en 42, apprend que sa femme est morte en couche en mettant au monde un enfant qui n’est forcément pas de lui. Il l’accepte et le voilà seul avec trois enfants à charge. Nous retrouvons tout ce beau monde en 1959, dans un Paris pas encore saccagé, entre Ménilmontant, les beaux quartiers et L’Isle-Adam, qui ressemblait encore à un tableau de Renoir. Gabin est fier de ses deux aînés, dont l’un est coureur cycliste et l’autre cover girl (respectivement le jeune Claude Brasseur et la jeune Marie-José Nat). Et désarmé par son fils préféré, celui qui n’est pas de lui, qu’il ne sait comment aimer. Le tout est plaisant même si la réalisation est sans relief. Gabin fait son Gabin au risque d’éclipser les autres acteurs, et les dialogues d’Audiard sont « audiardesques » comme jamais. « Se laver le train dans un hôtel de passe tu appelles ça le progrès ! » dit-il à a fille lorsqu’il apprend qu’elle a un amant.

Un film « féministe » ?

Mais le plus intéressant dans ce film, le plus moderne aussi, c’est Gabin en « papa solo ». Sa figure diffère de celle habituelle des veufs au cinéma, qui en général se remarient. L’éducation de ses enfants semble être primordiale pour lui. Il est à la fois dépassé, forcément colérique mais aussi compréhensif et étonnamment moderne. En effet, il trouve normal que sa fille fasse des photos de mode et quitte la maison. Il est comme une âme en peine lorsqu’il se retrouve seul, et confie à son pote de bistrot, qu’entre les oreillons de l’un et la varicelle de l’autre, il n’a jamais eu le temps d’avoir de relation amoureuse.

On se croirait dans une chanson de Goldman : Il a fait un bébé tout seul. Le génie de Gabin fait que cela n’est jamais caricatural, on pourrait même affirmer que dans ce film Gabin est féministe. Le symbole du mâle blanc à l’ancienne se révèle finalement plus féministe que toutes les Caroline de Haas de la terre. La modernité est intemporelle, contrairement au progrès. Et puis, pour résister aux vérités progressistes, demeurons  avec Gabin, sa sagesse et ses doutes. « Maintenant je sais que l’on ne sait jamais ».

Rue des Prairies sur Arte.TV

A-t-on encore le droit d’être de droite aux LR?

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Aurélien Pradié (LR) en campagne à Toulouse, le 10 juin 2021 © FRED SCHEIBER/SIPA Numéro de reportage : 01023447_000005

Chez LR, alors que le second tour n’est même pas passé, Aurélien Pradié part à la chasse aux sorcières. Dans son viseur, les militants qui osent dire qu’ils ne veulent pas d’alliance avec les macronistes…


La Une outrancière de Libération sur Europe 1 et Cnews nous l’a rappelé cette semaine : pour les journalistes du microcosme parisien, un journaliste n’a pas le droit d’être de droite. Cet adage est-il en train de devenir également vrai aux Républicains ? A-t-on encore le droit d’être de droite aux LR ? 

La question se posait déjà avant ces régionales, les représentants de l’aile conservatrice des LR ayant été exclus des listes aux régionales et départementales en Île-de-France, dans les Pays de la Loire et dans de nombreuses régions. La question revient aujourd’hui, car la direction des Républicains, toute regonflée par les bons scores de la droite au premier tour des régionales (si on fait abstraction de l’abstention record), n’a pas attendu les résultats du second pour lancer la chasse aux sorcières contre ceux qui avaient osé contester la mollesse de la réaction de Christian Jacob face aux alliances en PACA de Renaud Muselier avec La République en Marche.

Une pétition qui fait jaser

Romain Bonnet, 34 ans, ancien président de la fédération LR de la Vienne, a ainsi reçu le 24 juin une demande d’exclusion émanant d’Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains. Le tort du conseiller communautaire et municipal de Loudun ? Avoir été l’un des premiers signataires de notre lettre ouverte adressée par le collectif « Droite pour la France » (www.droitepourlafrance.fr) à Christian Jacob pour dénoncer ces alliances avec LREM en PACA. Lettre ouverte qui a recueilli plus de 6000 signataires parmi les adhérents et sympathisants LR, uniquement par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. Dans cette lettre, le collectif se disait « attaché aux valeurs authentiques de la droite » qui « ne sont pas solubles dans le macronisme », assumait « ne pas se reconnaître dans la ligne confuse actuelle [du] parti » et assurait qu’« un soutien à Emmanuel Macron n’est pas une option pour 2022 ». En résumé : en tant que militants LR nous souhaitions tout simplement… être de droite.

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N’écoutant que son courage, la direction des LR ne s’en prend évidemment pas aux figures nationales qui ont dénoncé ces alliances, comme François-Xavier Bellamy ou Nadine Morano qui ont voté contre l’investiture de Muselier en CNI. Elle préfère attaquer le cadre local, pour tenter de faire taire la révolte qui gronde à la base. La lettre d’exclusion envoyée par Aurélien Pradié à Romain Bonnet avance que « lors des élections régionales, [ce dernier] n’aurait cessé d’agir contre les cadres et les élus [du] mouvement » et « déplore de tels comportements, alors que la ligne du parti a toujours été de refuser la moindre alliance ». La réaction de Romain Bonnet ne s’est toutefois pas fait attendre, l’élu dénonçant dans un communiqué de presse « le mépris » d’Aurélien Pradié pour « la demande légitime d’écoute de la part de nos militants. » L’ancien président des Républicains de la Vienne affirme que si son exclusion était prononcée, il faudrait de facto exclure tout élu ou adhérent qui refuse publiquement toute alliance avec LREM et le président Macron !

L’instransigence de Pradié fait le lit du RN

L’élu LR anti-macroniste s’interroge « sur le timing politique du lancement de cette procédure, alors que notre famille politique des Républicains devrait être toute entière mobilisée pour le succès au second tour de nos candidats qui battent la campagne dans toute la France, y compris en Occitanie où Aurélien Pradié est candidat dans un combat difficile. » Avec seulement 12% des voix, le plus faible score de notre famille politique sur toute la France, Aurélien Pradié a effectivement du pain sur la planche en Occitanie. Sans doute trop occupé par sa campagne, Aurélien Pradié faisait la sourde oreille aux demandes d’explication du signataire de notre lettre ouverte.

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Malheureusement, ceci n’a pas échappé à l’un de ses concurrents aux régionales, Jean-Paul Garraud, tête de liste RN face à Aurélien Pradié, qui reprenait hier soir sur Twitter le communiqué de Romain Bonnet.

Pourtant, à la veille du second tour, nous avons besoin d’unir toutes les composantes des Républicains pour battre la gauche. Pour paraphraser la célèbre phrase du regretté Patrick Devedjian : « nous sommes pour une droite ouverte, y compris jusqu’aux anti-macronistes, c’est dire !».

Pécresse contre les Khmers

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Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier… Les temps ne sont plus à la rigolade, prévient notre professeur préféré Jean-Paul Brighelli. Il y a un risque mesuré que l’alliance baroque entre Julien Bayou des Verts, Audrey Pulvar du PS et des Insoumis l’emporte.


Jean-Paul Huchon, quand il présidait aux destinées de l’Île-de-France, avait la main légère avec les subventions de moins de 50 000 euros, dont il arrosait nombre d’associations parfois fantaisistes. Et Valérie Pécresse, alors dans l’opposition, le lui reprocha vertement. Il s’en souvient sans doute, mais il ne lui en veut pas : il vient de lui apporter son soutien face à la liste conjointe d’Audrey Pulvar / Julien Bayou / Clémentine Autain.

Manuel Valls a certainement des défauts, ses allers-retours entre Barcelone et Paris ont fait jaser, mais il est un laïcard convaincu, comme le soulignait jadis le Comité Laïcité République. Et il soutient Valérie Pécresse dans l’élection de dimanche prochain — parce qu’il a remarqué que LFI et Jean-Luc Mélenchon se sont soumis aux islamistes, sous prétexte de lutter contre les discriminations.

Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier. Elle n’a pourtant pas changé, elle ne s’est alliée ni à Macron, grand débaucheur de Républicains, ni à ses premiers ministres, issus pourtant de son propre parti.

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Je sais deux ou trois choses sur Pécresse, pour avoir co-écrit un livre avec elle, du temps où elle était ministre de l’Enseignement Supérieur — avec un tout petit peu plus de classe que Frédérique Vidal… Je sais par exemple qu’elle n’est pas de gauche. Comment donc se fait-il que des hommes de gauche — Huchon a été la doublure de Rocard, Valls n’a jamais transigé avec les principes laïques, ce qui n’a pas été le cas de tous les élus de son parti — soutiennent une libérale pur jus ?

C’est que le monde a tourné, et que la gauche d’hier — une partie d’entre elle au moins — campe aujourd’hui sur les terres marécageuses du communautarisme, de l’intersectionnalité, de l’islamo-gauchisme et de l’idéologie verte, qui n’a rien à voir avec les réalités de l’environnement.

Sur le terrain de la laïcité, Pécresse n’a jamais dévié du principe républicain : la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte. Surtout ceux qui flinguent des journalistes, assassinent des prêtres, massacrent des foules, et égorgent des enseignants. Alors que la gauche, pour séduire ce nouveau prolétariat, après avoir sacrifié l’ancien, selon le plan mirobolant de Terra Nova, fait cause commune avec des organisations sectaires, et pour séduire des jeunes qu’elle a largement contribué à décerveler, se rapproche des écologistes déclinistes. Marx, reviens, ils sont devenus fous !

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D’où les déclarations des plus sincères des ex-socialistes. Constatant le tournant mortifère que prend leur parti, ils préfèrent encore franchir le Rubicon que donner la main à des gens qui font des risettes aux complices des égorgeurs.

Ils ne sont pas les seuls. Raphaël Enthoven, évoquant l’hypothèse improbable d’un match final Mélenchon / Le Pen, a avoué qu’à la onzième heure, il irait furtivement voter pour la présidente du RN. Tollé chez les sociologues du Quartier Latin, les meilleurs de France, comme chacun sait. Ils n’ont pas compris que le philosophe avait vu avant eux le monde tourner dans le mauvais sens. Rester fidèle à ses convictions, ces temps-ci, revient à se faire rattraper sur sa droite. Tant pis. Je sais que Pécresse ne rouvrira jamais de goulags — elle a voyagé ado en URSS, elle sait ce que c’est que le paradis brejnévien.

Tout comme elle sait ce qu’est le monde dont rêve Clémentine Autain ou Julien Bayou (étant entendu qu’Audrey Pulvar n’est là que comme complément de boboïtude). Les municipalités dont des citoyens mal informés ont confié les clefs aux écolos voient déjà ce qu’il en est. J’en ai fait il y a deux mois un petit billet qui se voulait humoristique.

Mais les temps ne sont plus à la rigolade. Il y a un risque mesuré de révolution dans la région la plus peuplée de France. À vous de voir ce que vous voulez : des améliorations mesurées à la hauteur d’un budget raisonnable, ou des improvisations folles au gré d’alliances nauséeuses.

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Élections régionales: le marteau et la faucille recyclés

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Une tribune libre de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur


Depuis 2017, nous assistons à l’agonie de la gauche républicaine. Abandonnée par le peuple, puis par ses militants, la gauche a vendu Solférino en même temps qu’elle a assisté, impuissante, à la déstructuration du « Parti » : plus de cartes, plus de congrès, plus de figure emblématique. Depuis, à chaque élection, elle se cache derrière l’étiquette « Divers gauche » et la rose s’est fanée. Abandonnant ses idéaux de progrès, de laïcité, d’égalité sociale, dont la seule évocation des noms suffisait à décliner son identité heureuse, c’est elle qui a déserté le peuple, lequel l’a vécu comme une trahison.

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Certains de ses représentants appellent à un sursaut pour ne pas « basculer dans un autre monde » comme le déclare Carole Delga, Présidente sortante de la Région Occitanie à propos de Jean-Luc Mélenchon. En Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Ile-de-France, se nouent en effet de scandaleuses alliances pour ressusciter la gauche plurielle, faisant disparaître le cordon sanitaire qui tenait à distance l’extrême-gauche. Ensemble, elles imposent déjà depuis longtemps un climat de révolution permanente en absolutisant la race, la religion, le genre, l’ethnie. L’armée des Social Justice Warriors est sur tous les fronts des réunions en non-mixité, tour à tour interdites aux hommes, aux blancs et surtout aux hommes blancs ! « Cela nous mène tout droit au fascisme », affirmait le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. En réalité, cela n’est pas très éloigné d’un totalitarisme intrinsèque au communisme. Les « illusionnistes illusionnés qui ont bâti le mirage du communisme » et dont François Furet analyse la passion révolutionnaire ont pourtant du sang sur les mains : « Fils de la guerre, bolchevisme et fascisme tiennent d’elle ce qu’ils ont d’élémentaire. Ils transportent dans la politique l’apprentissage reçu dans les tranchées : l’habitude de la violence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l’individu au collectif, enfin l’amertume des sacrifices inutiles ou trahis ».

Qu’importe les 80 millions de morts des crimes commis par les régimes communistes ! Pour gagner une région, la gauche n’a pas les états d’âme de la droite face au Rassemblement National : la France Insoumise lui tend la faucille et les Verts plantent le drapeau de la bonne conscience écologiste, se recyclant ainsi à peu de frais. En Ile-de-France, ils font tout sauter et ils le disent – avec violence évidemment – en image, une image indécemment récupérée d’un attentat meurtrier en Syrie. Le poids des maux, le choc d’une photo.

Trois régions à conserver pour les protéger du saccage de l’extrême gauche 

Durant ces semaines d’une campagne inhabituelle dans ses modalités, le Mouvement Conservateur, avec son organisation structurée, ses troupes et une indéniable constance dans ses positions, a fédéré la droite conservatrice pour soutenir activement les candidats qui ont su tenir à distance la majorité présidentielle et intégrer les dynamiques conservateurs de leur région. 

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Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de Loire, Ile-de-France, les contextes sont différents, les stratégies tout autant et la représentation des conservateurs également. Dans le match qui oppose aujourd’hui trois présidents sortants à de dangereuses alliances autour de l’extrême gauche, les abstentionnistes ont un rôle capital. Quand deux électeurs sur trois ne votent pas, ce n’est pas le fruit du hasard, la faute des beaux jours ou du cours d’aquaponey. L’abstention ne traduit pas un désintérêt mais une colère. Elle est devenue le vote sanction de ceux qui ne se sentent pas représentés et ne supportent pas le jeu trouble des accords de coulisses.  

Dimanche, 31 millions d’abstentionnistes doivent revenir dans l’isoloir. Ils ont la capacité de tout changer. Parmi eux, des conservateurs responsables qui ne veulent pas voir leur pays sombrer dans le totalitarisme rouge et vert. Mais aussi, des conservateurs qui interrogent : de quoi la droite de demain voudra-t-elle être le nom ? Cette dernière question sonne comme un avertissement et un appel urgent au réveil d’une droite qui ne se contente pas d’être une non-gauche.  

États-Unis: une armée d’un autre genre?

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Patricia King, sergent-chef transgenre dans l'armée de terre américaine, auditionnée par le Sous-Comité des services armés de la Chambre des représentants sur le personnel militaire, Washington, 27 février 2019 © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA

C’est l’une des premières mesures prises par Joe Biden : annuler l’interdiction édictée par Donald Trump de s’engager dans l’armée sous une « identité de genre », celle que les transgenres peuvent faire reconnaître à l’état-civil. Les soldats qui n’auraient pas passé le cap peuvent aussi, désormais, se faire opérer aux frais de l’institution.


À peine finie la cérémonie de son investiture, qui a nécessité le déploiement de 25 000 soldats de la garde nationale le 20 janvier 2021, Joe Biden, le nouveau président américain et commandant en chef des armées, a pris une décision : celle d’annuler l’interdiction pour les personnes transgenres de s’engager sous leur « identité de genre » (celle qu’ils ont choisie). Cet interdit édicté par Donald Trump dès 2017 avait été validé par la Cour suprême en 2019.

Joe Biden s’inscrit en cela dans la continuité de Barack Obama qui, en 2016, avait autorisé les personnes transgenres à servir ouvertement au sein des forces armées et à avoir accès à des traitements hormonaux combinés à un suivi psychologique pendant la durée de leur service. C’est ainsi qu’en 2016, selon un rapport de la RAND Corporation, les forces américaines comptaient quelque 2 450 militaires d’active transgenres (sur 1,3 million de soldats) et 1 510 réservistes transgenres (1), tandis que la célèbre animatrice de télé transgenre Caitlyn Jenner et la chanteuse Barbra Streisand avançaient, pour leur part, le chiffre de 15 000 personnes. Parmi les militaires transgenres figure Chelsea Manning (née Bradley Manning), qui a été à l’origine du scandale Assange-WikiLeaks en 2010.

À lire aussi: États-Unis: les femmes transgenres vont-elles être autorisées à concourir dans les compétitions féminines?

Trump voulait purement et simplement bannir les transgenres des forces armées. Les difficultés logistiques qu’aurait impliquées cette mesure étaient telles qu’il a dû renoncer. Les soldats déjà sous contrat, diagnostiqués avec une « dysphorie de genre » – sentiment de détresse né de l’inadéquation entre le sexe assigné et leur « identité de genre » – ont pu continuer à servir sous les drapeaux sous l’identité sexuelle de leur choix. En prime, toujours contre l’avis du président, ils ont obtenu le droit d’être opérés aux frais de l’institution militaire. En novembre 2017, la Defense Health Agency a approuvé pour la première fois la prise en charge d’une opération de chirurgie de changement de sexe (sex reassignment surgery) pour un militaire américain en service actif (2).

En revanche, Donald Trump a gagné pour les nouvelles recrues : celles-ci étaient obligées de conserver leur identité sexuelle d’origine, excluant toute velléité de suivre un traitement hormonal pendant leurs années de service (3).

À lire aussi: Debbie Hayton: trans d’un autre genre

Les élus démocrates font pression sur les associations et sur le ministère chargé des vétérans pour que l’armée finance ces interventions dont le coût, avec celui des traitements associés, représenterait à peine quelques millions de dollars sur un budget de près de 50 milliards de dollars alloués aux dépenses de santé du département de la Défense (4). Mais ce sujet très sensible n’a pas manqué de soulever de vives polémiques sur l’utilisation des ressources de l’armée, attendu qu’un grand nombre de militaires blessés sur des théâtres de guerre attendent de subir des opérations chirurgicales. Pour rappel, 4 489 militaires américains ont été tués et 32 242 blessés en Irak. En Afghanistan, depuis 2001, on compte 2 357 tués et 20 068 blessés. Le suivi psychologique des soldats victimes de stress post-traumatique sur des théâtres de guerre nécessite également des ressources financières.

La décision de Biden est évidemment une bonne manière à ses soutiens démocrates, minoritaires dans l’armée. Sans surprise, les militaires d’active votent majoritairement pour les républicains, comme le reconnaît d’ailleurs le Washington Post.On peut donc s’attendre à ce que les droits des transgenres soient un sujet important du mandat, comme ceux des nombreuses minorités ethniques et sexuelles qui ont voté pour Biden. L’un de ses premiers coups d’éclat a été de nommer la pédiatre transgenre Rachel Levine (anciennement Richard Levine), au poste de ministre adjoint de la Santé, nomination confirmée par le Sénat le 25 mars (5). La nouvelle ministre est notamment spécialiste de médecine LGBT. Le président a par ailleurs récemment signé un décret permettant aux athlètes transgenres masculins de concourir chez les femmes. Le déploiement planétaire de la cause transgenre qui est à prévoir a déjà des allures de foire d’empoigne.

À lire aussi: Comment l’Amérique se suicide


(1). « Assessing the Implications of Allowing Transgender Personnel to Serve Openly », RAND Corporation, 2016.
(2).« Pentagon to Pay for Surgery for Transgender Soldier », nbcnews.com, 14 novembre 2017.
(3). « Navy Allows Transgender Sailors to Dress According to Gender Identity While Off Duty », strips.com, 15 avril 2019.
(4). « D’après Trump, les soldats transgenres représentent un “coût énorme” pour l’armée. C’est absolument faux », huffingtonpost.fr, 27 juillet 2017.
(5). « LGBT History Month – October 22: Rachel Levine », goqnotes.com, 22 octobre 2018.

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Dans l’affaire de Trappes, le “New York Times” a choisi son camp

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Fer de lance du wokisme américain, le New York Times s’est donné pour mission d’attaquer la France et son universalisme républicain. Article après article, ses journalistes nous présentent la République française et une grande partie de sa population comme colonialistes, anti-immigrés et antimusulmans. Autrement dit, d’affreux racistes de manière systémique ! Cerise sur le gâteau, certains de ces textes sont désormais disponibles en français. Alors, autant aller voir…


Au mois de juin, une nouvelle pierre a été ajoutée à cet édifice idéologique. Un article peu subtil de Norimitsu Onishi, pourtant journaliste d’une très grande expérience, aujourd’hui correspondant parisien du New York Times, revient sur l’affaire de Trappes, ou plutôt l’affaire la plus récente, déclenchée autour de Didier Lemaire au mois de février. L’article réduit cette histoire à un bras de fer entre deux hommes, presque deux archétypes, le « professeur » et le « maire », autrement dit, le professeur de philosophie Didier Lemaire, et l’édile de la ville, Ali Rabeh. Le plus grave est que le potentiel dramatique de cet affrontement est exploité de manière manichéenne pour créer deux oppositions. La première est celle entre un « méchant », le Blanc peu crédible, et un « gentil », le fils d’immigrés héroïque. La deuxième est celle entre deux Républiques : l’une, officielle, qui, sous couvert d’universalisme, opprime ses propres citoyens issus de l’immigration ; et l’autre celle qu’incarnent ces mêmes citoyens opprimés et qui œuvre à la création d’un paradis multiculturel dont Trappes est la préfiguration.    

A lire aussi, Martin Pimentel: A Trappes nigaud

La République des méchants

On apprend très tôt dans l’article que Didier Lemaire est quelqu’un de peu fiable car, peu de temps après ses premières déclarations en février, sa « version initiale de l’histoire a commencé à prendre l’eau. » Par conséquent, après une semaine d’affrontements médiatiques entre lui et M. Rabeh, « les choses […] semblent tourner en faveur du maire. » Qu’est-ce qui permet ainsi de déclarer le maire vainqueur face au professeur ? « La version de l’enseignant s’est mise à vaciller » quand le préfet a démenti qu’il avait été « placé sous protection policière. » Or, nous savons que, depuis la tribune publiée par Didier Lemaire dans l’Obs du 1 novembre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre, la police avait mis en place un dispositif préventif, sous forme de patrouilles devant la résidence de M. Lemaire et son lycée pour surveiller ses allées et venues. Cette forme de protection policière aurait été levée le 27 janvier, c’est vrai, mais le professeur a apparemment été informé par téléphone ce jour-là que finalement les patrouilles seraient maintenues, la raison en étant la diffusion le 22 janvier d’un documentaire néerlandais sur Trappes au cours duquel Didier Lemaire et Ali Rabeh sont interviewés. Conclusion : Didier Lemaire n’a rien d’un mythomane. La menace est considérée comme suffisamment crédible par les autorités pour que Gérald Darmanin, le 11 février, propose au professeur une protection rapprochée.

À part cette désinvolture vis-à-vis des faits, le New York Times utilise un autre procédé pour discréditer Didier Lemaire, la culpabilité par association, car les appuis qu’il a reçus ne sont pas les bons. D’abord, celui d’« une grande partie de la classe politique française », c’est-à-dire de la République officielle, la mauvaise, celle que le New York Times se complait à vilipender. Notamment, Valérie Pécresse qui a tweeté son soutien au professeur et à tous ses collègues. Dans l’article, elle ne mérite pas d’être nommée et est désignée comme « la présidente de droite de la région Île-de-France, qui a des vues sur l’Élysée. » On comprend : son soutien est orienté parce qu’elle est de droite et opportuniste. Celle qui mérite d’être nommé est Marine Le Pen, car son nom est en lui-même un épouvantail. Quand on a l’appui de « la figure de proue de l’extrême droite », on est forcément dans le mauvais camp. D’ailleurs, on apprend que c’est juste avant son débat télévisé avec Marine Le Pen que M. Darmanin a annoncé une protection rapprochée pour le professeur : encore un opportuniste qui veut montrer qu’il est aussi antimusulman que l’extrême droite, forcément. Une « grande partie de la classe politique française » ne serait-elle pas secrètement d’extrême droite ?

A lire aussi, Paul Godefrood: Pour “Libération”, une chaîne de droite c’est déjà trop!

L’article aborde aussi le fameux épisode des tracts : le ministre de l’Éducation et l’Académie ont dénoncé le maire de Trappes pour être entré à l’intérieur de l’établissement, lors d’une distribution de tracts devant le lycée de Didier Lemaire. Le New York Times cite de manière inconditionnelle les dires de certains élus locaux niant que le maire ait distribué des tracts à l’intérieur de l’école. Or, les choses ne sont pas du tout aussi simples que le voudrait le journal américain : le maire lui-même admet qu’il est bien entré dans le lycée, selon lui pour discuter avec les élèves et apporter des croissants. Quoi de plus innocent que l’autopromotion par les viennoiseries ? 

La République des gentils multi-culti

Se dressant devant le professeur peu fiable soutenu par des méchants, on trouve un maire héroïque appartenant à une génération qui, à la différence de ses parents qui auraient fait preuve d’une humilité excessive, « n’hésite pas à assumer ouvertement son identité et à pointer du doigt les manquements de la France. » Autrement dit, selon le New York Times, Ali Rabeh est quelqu’un qui a la bonne attitude dans la vie. Toutes les personnes citées dans l’article lui sont d’ailleurs favorables : de la fondatrice d’une association qui aide les familles ayant des enfants djihadistes partis en Syrie au président de l’Union des Musulmans de Trappes, en passant par le politologue et écrivain franco-maroccain Rachid Benzine. Selon un de ces témoins cités par le journal américain, le maire n’a raconté que la vérité, « mais c’est un Arabe, ça dérange. » La logique implicite est la suivante : c’est un Arabe (en réalité, Ali Rabeh est un citoyen français), on ne le croit pas ; on ne le croit pas, donc il dit la vérité ; il dit la vérité, donc le professeur raconte des mensonges. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres points de vue sur Trappes n’est pas pris en considération ici. Pourtant, ces points de vue existent, même si certaines personnes n’osent s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.

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Le Times esquisse un véritable story-telling pour promouvoir M. Rabeh comme apôtre d’une autre République. Au début de sa carrière politique, il aurait joué le jeu, gobant naïvement le discours traditionnel de l’État français : « Il est devenu un fervent républicain, croyant en la promesse universaliste. » Maintenant, depuis les réprimandes gouvernementales dont il a été l’objet, il est désabusé : « Un instant pendant la crise, je me suis dit, bon, si c’est ça la République, j’abandonne la République, comme elle m’abandonne, confie-t-il. Mais la vérité, c’est que c’est pas eux la République. C’est les gamins de Trappes, la République. » Le sens de cette affirmation assez sotte est on ne peut plus clair : Trappes, présenté dans l’article comme un pays de cocagne multiculturel, est l’avenir de la France qui appartient au maire progressiste plutôt qu’au professeur réactionnaire ! Gardons-nous bien de réserver le même traitement biaisé pour M. Rabeh que celui du Times pour M. Lemaire. Si le journal américain, quatre mois après les affrontements de février, ressasse la même vision résolument manichéenne de l’affaire, c’est uniquement pour relancer sa campagne contre la France.  

Des lois de Kirchhoff à la révision de la Constitution

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Emmanuel Macron à Saint Gervais le 13 février 2020 © ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage: 00944985_000063

Kirchhoff est un physicien allemand de 19ème siècle qui a établi les lois qui régissent l’intensité du courant dans un réseau électrique. On raconte que, récemment, dans un grand pays occidental, un conseil gouvernemental de haut niveau discutait de je ne sais quelle mesure de régulation de l’électricité. « Pas possible, dit le conseiller scientifique, cela contredirait les lois de Kirchhoff ». « Objection ridicule, rétorqua le Président, ce qu’une loi a décidé, une autre loi peut l’annuler ; et je contrôle bien mon Congrès ». Cette anecdote – vraisemblable sinon véridique – éclaire le débat français actuel sur la préservation de l’environnement, et son éventuelle inscription dans le préambule de la Constitution.

Une formulation fautive

Le gouvernement a fait voter par l’Assemblée Nationale le texte suivant : « La France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Ce texte est destiné à être soumis à referendum. Il est lamentable. On notera tout d’abord que l’expression « dérèglement climatique » est doublement fautive. Grammaticalement, tout d’abord. Elle confond l’adjectif avec le complément de nom, à l’anglaise. Le législateur veut parler du dérèglement du climat, pas d’un dérèglement d’on ne sait quoi (des mœurs, par exemple) qui serait d’origine ou de caractère climatique. Le préambule de la Constitution française mérite mieux qu’un anglicisme ambigu. Conceptuellement, ensuite. « Dérèglement » fait référence à un « règlement » du climat qui n’a aucune existence réelle, et auquel le législateur serait bien embarrassé de donner un contenu précis. On observera aussi en passant que les objectifs vagues et implicites du texte (« préservation », « lutte contre le changement ») sont ingénument conservateurs, passéistes, pour ne pas dire  réactionnaires. Mais c’est surtout l’idée que la France pourrait « garantir » quoi que ce soit dans ce domaine qui est une absurdité.

L’évolution de l’environnement et du climat est évidemment un phénomène global. Les causes de cette évolution sont complexes, et encore mal connues. En simplifiant beaucoup, on peut distinguer deux systèmes explicatifs : 1) un système planétaire qui considère que la température de notre globe est déterminée par l’évolution du soleil ou par l’alignement des planètes ; 2) un système anthropique qui fait dépendre la température de la terre du stock de CO2 de l’atmosphère, lui-même alimenté par les rejets de CO2 de l’activité des hommes. On ne cherchera pas ici à comparer les mérites de ces deux systèmes explicatifs, qui peuvent d’ailleurs coexister, et combiner leurs effets.

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Ce qui est certain, et évident, c’est que dans les deux cas la capacité de la France à « agir » sur le climat est nulle ou insignifiante. Dans le premier cas, l’évolution dépend du soleil ; dans le second elle est (fort peu d’ailleurs) entre les mains de la Chine. Si Jupiter en son Olympe croit qu’il peut commander à ces gros acteurs, il se trompe. 

La France est (de ce point de vue) insignifiante

Josue a bien (selon la Bible) arrêté le soleil, mais pour un jour seulement, sans effet sur la température. En ce qui concerne les rejets de CO2, les chiffres sont les suivants : la France rejette 0,3 (milliards de tonnes) annuellement, la Chine 9, le monde 33, et le stock mondial est de 3 200. Un doublement du stock entraine une augmentation de la température du globe d’environ 1,5° centigrade. La moitié des rejets annuels sont absorbés par les océans et la végétation. Ces données (proposées par le GIEC), et quelques règles de trois, suffisent pour calculer que les rejets annuels de la France augmentent la température du globe d’environ 0,00007 °C. Si, par on ne sait quel miracle au coût catastrophique, la France réduisait du jour au lendemain à zéro ses rejets de CO2, au bout de 30 ans la température du globe s’en trouverait réduite d’environ 0,002 °C, c’est-à-dire d’un imperceptible 2/1000ième de degré.
Une minute de réflexion montre donc que la France ne peut pas modifier l’évolution du climat. Ce n’est pas une affaire de volonté politique, c’est une affaire de réalité physique. Faire à la France obligation de « garantir » quoi que ce soit dans un domaine où elle est totalement désarmée n’a aucun sens. C’est une posture, une invocation, une incantation, une procession pour la pluie. Placer ce déni de science et de raison dans un texte aussi sacré que le préambule de la Constitution est effrayant. Il est triste de penser qu’une écrasante majorité de l’Assemblée Nationale a commis un tel crime contre l’esprit. Nos gouvernants et nos parlementaires sont comme ce président qui se flattait de faire modifier par son Congrès les lois de Kirchhoff.

LR: ils veulent une vraie droite pour la France

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Une pétition, émanant de personnalités et de sympathisants « attachés aux valeurs authentiques de la droite », interpelle le président des LR pour que la droite redevienne une « vraie droite ». Prise entre le RN et Macron, elle peine à exister. L’un comme l’autre ne rêvent que de la détruite, même si le second le fait de manière plus insidieuse. Il est vital de refuser toute alliance avec LREM, pour la survie de la droite !


Pour une fois une pétition nécessaire quoique tardive ! Une pétition « Une vraie droite pour la France » (droitepourlafrance.fr) a été adressée au président des LR, Christian Jacob. Quand sa médiatisation a été décidée à partir du 17 juin grâce à Thomas Zlowodzki questionné à son sujet aux Vraies Voix sur Sud Radio, elle a attiré mon attention pour une triple raison. D’abord elle émane de « cadres, élus, militants et sympathisants » se disant « attachés aux valeurs authentiques de la droite ».

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Ensuite, des personnalités s’y trouvent qui méritent le plus grand intérêt, en particulier François-Xavier Bellamy, Bruno Retailleau et David Lisnard qui n’ont jamais dévié de cette ligne intègre. Le deuxième est sans aucun doute celui qui est directement visé par les atermoiements tactiques de Christian Jacob et ses idées saugrenues sur les deux « enquêtes d’opinion » avant, je l’espère, l’inévitable primaire ou départage. Le président et son équipe proche nous jouent une mauvaise pièce : En attendant Baroin

Enfin cette pétition ose rappeler cette évidence qu’Emmanuel Macron n’est pas de droite et que toute alliance qui se prétendrait justifiée par un sordide électoralisme serait une trahison, aussi soft qu’elle apparaisse.

La droite prise en étau entre RN et Macron

Il faut avoir à l’esprit que le RN et le président de la République ont le même but : détruire la droite républicaine. Mais les méthodes diffèrent. Jean Leonetti a raison, le RN a cet objectif et veut l’atteindre avec une brutalité qui ne cherche même pas à dissimuler son intention. On pourrait d’ailleurs s’interroger : pourquoi LR, faute d’affirmer clairement et intelligemment son identité, par pauvreté intrinsèque et mauvaise conscience instillée par les gauches socialiste et extrême qui seraient gardiennes de la morale démocratique, donne-t-il l’impression de valider sa propre disparition ? Le président est évidemment beaucoup plus subtil que Marine Le Pen. Il embrasse pour étouffer, il fait preuve d’une apparente empathie, il se penche avec une ostensible compréhension et presque une tendresse feutrée, compassionnelle, sur ce corps de la droite qui, n’en déplaise aux croque-morts, bouge encore.

La danger Macron

Mais dont Emmanuel Macron souhaite faire advenir le dernier soupir avec une délicatesse infinie et un dessein élégamment masqué, mal perçu par ceux aveuglés qui lui tendent leur cou. Ressasser que la droite est morte anticipe un effacement qu’heureusement Emmanuel Macron n’a pas encore pu pousser à son terme. Mais il ne faut pas être naïf: là où le RN tente d’étrangler, le président cherche à tuer à petit feu. Le texte de la pétition constitue un baume, une libération, l’irruption nette d’une volonté politique dans l’équivoque que depuis de trop longs mois on secrète par des supputations sur un Macron de droite ou de gauche. Ce n’est pas parce que la gauche le récuse qu’il n’appartient pas à cette famille.

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Qu’on considère son désir cynique de nous faire croire que le régalien est devenu son sujet préféré au point de nous faire des analyses profondes sur le danger des réseaux sociaux ! Ce n’est certainement pas cette conversion de dernière minute, quand quatre ans l’ont laissé impuissant avec ses « en même temps », qui risque d’égarer les électeurs de droite. Il est vrai que la nomenklatura LR, quand elle s’opposait, le faisait à l’encontre de ce que le macronisme pouvait avoir de passable, au lieu de dénoncer ses considérables failles de sécurité, d’autorité et de justice avec, en outre, sa vision sociétale de gauche et son progressisme de privilégié.

Refuser alliances et compromissions

Cette pétition arrive, je l’ai dit, trop tardivement alors qu’elle aurait dû apposer sa lucidité et sa dénonciation depuis longtemps sur les manoeuvres – les magouilles ? – de la direction de LR dont le dernier exploit s’est déroulé en PACA et va peut-être engendrer la victoire de Thierry Mariani, ancien républicain passé au RN.

Ce n’est pas d’aujourd’hui non plus que je désespère face à cette droite se cachant sous la table démocratique, peu assurée, incertaine de son utilité, sans élan, persuadée que le RN était l’inventeur des idées et des concepts qui ont toujours constitué le terreau de la droite authentique, de la droite capable de gouverner. Qu’on veuille bien sur ce plan se reporter à mon billet du 30 mai 2020 : « François-Xavier Bellamy : refonder la droite, un travail d’Hercule ? » Cette pétition qui peut réveiller des esprits et des consciences assoupies devra mobiliser Christian Jacob. À un certain niveau, l’inaction d’un président de parti n’est plus de l’impuissance mais de la complicité.

« Une vraie droite pour la France » : un texte, au fond, pas si tardif que cela puisque les élections régionales et départementales se déroulent les 20 et 27 juin pour le second tour. Et l’échéance présidentielle est proche. Il suffit à LR d’exister et de refuser les OPD : offres publiques de destruction !

Pourquoi la Corse ne s’est pas abstenue?

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Le journaliste et essayiste Paul-François Paoli analyse les derniers résultats électoraux en Corse. Entretien.


Avec un taux d’abstention record de 66,7%, le premier tour des élections régionales 2021 devient le scrutin le plus boudé sous la cinquième République. Une région se distingue: la Corse où le taux d’abstention a été bien plus bas (42,92%). 

L’essayiste Paul-François Paoli y voit la manifestation de la passion politique des Corses qui, à travers leur vote, expriment la défense de leur insularité. La collectivité territoriale corse n’est pas perçue comme une entité administrative abstraite, mais comme une instance destinée à préserver leur identité.


Causeur. Pourquoi la mobilisation électorale a-t-elle été au rendez-vous sur l’île de Beauté ?

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli. Il y a sans doute plusieurs raisons. La première est que les Corses aiment depuis toujours la politique. Ils aiment débattre et discuter politique notamment en famille. En Corse, la politique y est très personnalisée. On vote parfois plus pour un homme que pour un parti. C’est un petit pays où chacun se juge et se jauge. La réputation personnelle d’un candidat, sa compétence et son intégrité jouent aussi parfois plus que son idéologie politique. Au-delà de cette attitude traditionnelle, si les Corses se sont massivement déplacés, c’est qu’ils se sentent concernés par des élections qui traitent de questions locales très concrètes. En primant leurs listes nationalistes, ils ont rappelé qu’ils ne s’identifient pas aux élites « hors-sols » de Paris. La Corse est l’expression même du clivage entre Anywhere et Somewhere mis en évidence par l’anglais David Goodhart. Les Corses sont attachés aux hommes politiques pour qui ils votent et qu’ils connaissent parfois personnellement – ou du moins croient connaître !

Les Corses ont l’impression que la France est à la dérive: dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay…

Si les Corses sont allés massivement voter dimanche (57%), n’est-ce pas surtout lié au statut particulier de la collectivité territoriale et aux pouvoirs élargis du président de l’exécutif, capable de peser plus sur le destin de l’île ?

Sûrement. S’il n’y a pas eu cette désaffection massive qui a marqué le premier tour sur le continent, c’est donc parce que le vote dans un sens ou dans un autre est censé avoir des conséquences concrètes dans la vie locale des Corses. Par ailleurs, la forte mobilisation en faveur de Gilles Simeoni n’est pas un hasard. Simeoni jouit d’une excellente réputation. Maîtrisant parfaitement l’art oratoire, c’est un tribun qui a du charisme. C’est très important en Corse où il faut savoir s’imposer par la parole. Enfin il est capable de rassembler des électeurs qui ne font pas partie de son camp politique grâce à son intégrité incontestable, une qualité précieuse sur une île où l’emprise de la mafia est importante, si l’on en croit les experts. 

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57,7% des électeurs corses ont voté pour une des listes du camp nationaliste (qui reste malgré tout divisé entre autonomistes et indépendantistes). La gauche et l’extrême droite, en dessous de la barre des 6%, sont rejetées. Comment l’explique-t-on ?

Les nationalistes cultivent l’art de l’ambiguïté. Contrairement aux nationalistes catalans ou écossais, les nationalistes corses n’ont pas concocté de projet de sécession avec le continent. Ils se maintiennent dans un entre deux qui ne satisfait pas leur base radicale et francophobe. Gilles Siméoni est un homme politique pragmatique. Il a pleinement conscience que si la Corse était privée de ses services publics, ce serait le chaos. Dans mon village du Cap corse, la Poste est un lien social à part entière : on ne peut à la fois pester contre « l’État français » et réclamer des services publics. C’est d’ailleurs tout le problème. Comment faire pour vivre sans le soutien d’un État que l’on n’aime pas mais dont on a besoin? On l’a vu d’ailleurs avec la crise sanitaire qui a été très bien gérée en Corse. Autrement dit, l’État n’a pas que des défauts. Pour combattre le milieu criminel, il faut des policiers, des gendarmes et des juges et il vaut mieux qu’ils ne soient pas corses, chacun sait pourquoi. N’en déplaise à certains. 

Par ailleurs, si la droite dite « dure » est faible en Corse, c’est parce que les nationalistes occupent le terrain identitaire. Mais là aussi, ils cultivent l’ambivalence. Les nationalistes courtisent les voix des chasseurs, très nombreux en Corse, tout en copinant avec les écolos-gauchistes, ce n’est pas très cohérent. On ne peut être à la fois identitaire et libertaire, d’accord ici avec Eric Zemmour sur l’immigration et l’islam et là avec Yannick Jadot sur les questions sociétales, sans être en contradiction avec soi-même. 

Au-delà de ces contradictions, les électeurs nationalistes manifestent leur souci de préservation du patrimoine naturel et culturel de l’île contre l’enlaidissement engendré par le développement touristique. Depuis toujours le nationalisme en Corse est fondé sur une tentative de synthèse entre des thématiques de droite où l’on cultive l’enracinement et l’identité et une rhétorique de gauche, écologiste et anti-libérale. Ce n’est pas forcément très cohérent, mais cela marche dans les urnes. En réalité le seul communautarisme qui est toléré dans l’île est le communautarisme corse parce que lui seul apparait capable de défendre « l’âme de la Corse ».

Dans votre dernier essai France-Corse, je t’aime moi non plus, vous postulez que le repli identitaire des insulaires résulte du renoncement à assumer notre identité française. Faut-il voir dans le scrutin de dimanche dernier une confirmation de vos analyses ?

En incluant la Corse et en lui faisant partager sa destinée à partir de la Révolution, la France a développé avec l’ile une relation en miroir qui est aujourd’hui brisée. Les Corses se sont longtemps identifiés à la France quand celle-ci était puissante et leur offrait une aventure qui les grandissait : la France impériale, la France coloniale, la France résistante et gaullienne. De Gaulle a été le dernier chef d’État à être aimé et considéré en Corse. Les Corses ne sont pas foncièrement républicains au sens où l’entendent des gens comme Valls ou Mélenchon… Ils ont adhéré à l’Empire français bien plus qu’à la France de 1792.

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Sur un certain plan que l’on peut qualifier d’anthropologique, cette île est de droite depuis toujours ou conservatrice, si vous préférez. Aujourd’hui, les Corses consentent de moins en moins à être une communauté lambda dans une France banalisée par la mondialisation. En somme quand la France ne sait plus qui elle est ni ou elle va, les Corses préfèrent se contenter d’être corses. Ce décrochage a commencé dans les années 70. Les Corses ont commencé à se détourner de la France parce qu’ils se reconnaissaient de moins en moins dans un pays qui, comme l’a déclaré un jour Vladimir Poutine, était colonisé par ces anciennes colonies. « La France est à tout le monde » proclamait Danielle Mitterrand. Sauf qu’un pays qui est à tout le monde n’est plus le pays de personne ! 

Vous expliquez aussi que la Corse est une ile refuge qui sait se préserver des maux qui touchent le continent : l’islamisme politique, l’immigration massive et incontrôlée ou le néoféminisme identitaire. D’après tout ce que vous me dites, j’en conclus que la crise démocratique s’ajoute à votre liste… 

C’est en tout cas ainsi que je le ressens et je ne crois pas être le seul. À mes yeux la Corse est une île refuge. Je constate très souvent que les Corses qui ont longtemps vécu sur l’ile ne supportent plus ce que sont devenues des villes comme Paris et Marseille. Ils ont l’impression que la France est à la dérive : dérive migratoire, dérive des mœurs avec la vague de l’antispécisme, du féminisme radical ou de l’arrogance du lobby gay. 

En Corse, où les animaux sont omniprésents dans les villages, nous ne sommes pas encore confrontés à la vague antispéciste et à la misanthropie des militants animalistes très bien analysée par le journaliste du Figaro Paul Sugy. La chasse est encore un rituel sacré et il est d’ailleurs aberrant de voir certains nationalistes flirter avec les écolo-gauchistes. Dans un de mes livres Malaise de l’Occident, j’ai évoqué l’idée d’un déclin anthropologique de l’homme occidental qui peut profiter à l’islam radical et à son modèle alternatif. Je crois, comme Patrick Buisson, que nous avons basculé dans un ailleurs sans limite et sans normes. Alors, oui je continue à penser qu’une île vous protège toujours un peu de la folie des hommes et de leur bêtise idéologique; surtout si elle a la réputation d’être archaïque.