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Le Z et l’hologramme

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Le débat télévisé opposant Eric Zemmour à Jean-Luc Mélenchon a permis aux téléspectateurs de prendre connaissance de deux projets pour la France antinomiques. Malgré un fact-checking journalistique douteux, l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot a enchaîné les démonstrations convaincantes. S’il se présente à l’élection présidentielle, il sera un candidat redoutable.


Difficile de résumer fidèlement en quelques lignes deux heures d’affrontement verbal. Plutôt qu’une liste à la Prévert de sujets abordés et de citations plus ou moins percutantes, voici donc une vision d’ensemble de ce qui est, d’une manière ou d’une autre, le premier véritable débat de la campagne présidentielle.

Une opposition claire, frontale, assumée

Les deux hommes ont en commun d’avoir identifié un problème à leurs yeux majeur, une menace existentielle pesant sur la France, et d’organiser tout leur projet politique autour d’un impératif absolu : faire face à cette menace. La submersion migratoire et islamique pour Eric Zemmour, la submersion par la montée des eaux pour Jean-Luc Mélenchon.

Ils ont aussi en commun d’avoir chacun « une certaine idée de la France » qui ne se réduit pas à une approche gestionnaire et comptable, quoi que ces idées soient radicalement différentes. La France éternelle pour Zemmour, la République née en 1789 pour Mélenchon. En découlent l’éloge de l’assimilation par Zemmour, et celui de la créolisation par Mélenchon.

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Tous deux assument leurs positions passées, mais là encore de manière diamétralement opposée : Eric Zemmour se flatte de sa cohérence, Jean-Luc Mélenchon se vante de savoir changer d’avis. Ils ont enfin en commun d’avoir été confrontés à un « fact-checking » d’une nullité crasse, BFM TV ayant accumulé des erreurs si grossières qu’il est difficile de ne pas y voir des mensonges éhontés et orientés.

Hervé Le Bras, un très curieux fact-checkeur!

Commençons par BFM. Un parti-pris manifeste, contre Zemmour plutôt que pour Mélenchon, affiché sans aucune pudeur dans les discussions navrantes qui précédèrent le débat – il faut bien mettre le téléspectateur en condition.

Sur l’immigration, le « fact-checking » reprend tels quels les éléments de langage d’Hervé Le Bras, dont Michèle Tribalat et l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie ont pourtant méthodiquement démontré et démonté la fourberie.

Quand Jean-Luc Mélenchon évoque – et il a raison – les personnes qui renoncent à s’éclairer ou se chauffer l’hiver en raison du coût de l’électricité, on lui rétorque : « trêve hivernale », pas de coupures d’électricité en hiver. Il fallait être profondément malhonnête ou totalement stupide pour ne pas comprendre que Mélenchon parlait de gens qui renoncent d’eux-mêmes à s’éclairer ou se chauffer correctement pour ne pas se retrouver en incapacité de payer, et non de personnes à qui on couperait l’électricité. Eh oui, il y a aujourd’hui en France, et notamment dans les zones rurales, des personnes qui en hiver ne chauffent qu’une seule pièce de leur maison – ce qui provoque parfois des ruptures de canalisations en cas de gel – et réduisent leur consommation d’énergie à moins que ce que la plupart appelleraient « le strict minimum ».

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Bataille de chiffres

Quand Eric Zemmour cite les chiffres de Charles Prats sur la fraude sociale – 50 milliards d’euros par an – BFM prétend s’appuyer sur un rapport de la Cour des comptes pour affirmer qu’il ne s’agirait en réalité que d’1 milliard d’euros, insistant soigneusement pour dire que ça fait « 50 fois moins ». Fact-checkons les soi-disant fact-checkers : ce milliard correspond uniquement à la fraude clairement identifiée, et la Cour des comptes elle-même estime que la fraude non détectée se chiffre entre 14 et 45 milliards d’euros.

Manque d’objectivité flagrant et accumulation de contre-vérités : une chose au moins est certaine, BFMTV n’était pas totalement à la hauteur des enjeux d’un tel face-à-face.

Marche contre « l’islamophobie ». De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, Farida Amrani et Danièle Simonnet de la France Insoumise © NICOLAS CLEUET / HANS LUCAS / AFP

Du débat lui-même, l’essentiel se réduit à ceci : Jean-Luc Mélenchon, au mépris de l’évidence et des faits, nie toutes les problématiques dont la prise en compte l’obligerait à remettre en cause ses présupposés idéologiques – et sans doute clientélistes, la manif de la honte du 10 novembre n’est pas loin…. À l’inverse, Eric Zemmour assume ses priorités, mais hiérarchise les autres problématiques sans jamais les nier ni les perdre de vue : avoir une vision d’ensemble ne l’empêche pas de trancher et de décider. Aveuglement d’un côté, courage de l’autre.

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Déni mélenchonien : il n’y aurait pas de sexisme dans les banlieues, les causes de la délinquance seraient uniquement sociales et non culturelles (il gagnerait à lire Maurice Berger au lieu d’insulter les vrais pauvres), ou encore « en France, la religion républicaine est respectée par tout le monde. » Manifestement pas par les auteurs des plus de 40 000 menaces de viol et de mort reçues par Mila, ni par les juges puisqu’un tribunal vient de considérer qu’appeler publiquement à la haine des Juifs est parfaitement légal si c’est fait au moyen de citations d’un texte religieux (présentées sans la moindre distance critique). Dommage (mais pas surprenant) que les « fact-checkers » ne l’aient pas relevé…

Les idées de Zemmour en progression

En outre, Eric Zemmour est cohérent, alors que Jean-Luc Mélenchon s’emmêle dans ses contradictions. Trois cas pour l’illustrer : Mélenchon affirme vouloir lutter contre le rejet de CO2 dans l’atmosphère et pourtant veut « sortir du nucléaire » (alors que la situation catastrophique de l’Allemagne en termes de rejets de carbone suffit à démontrer l’absurdité d’une telle posture, ce que Zemmour a parfaitement compris). Il prétend que la France doit s’appuyer sur une autorité « morale, scientifique, culturelle » tout en appelant à la disparition de sa culture par la fameuse créolisation, qu’il illustre par l’exemple gallo-romain, dont la Guerre des Gaules nous apprend pourtant qu’il ne fut pas à proprement parler pacifique : répéter Alésia est-il le projet de Mélenchon pour le peuple français ? Et enfin : quelques secondes avant de faire l’éloge des mutazilites (en « oubliant » qu’ils ont tous été massacrés par les hanbalites il y a plus de mille ans) Jean-Luc Mélenchon déclare « ne dites pas qu’il y aurait des religions bienveillantes ! » Voici la non-violence du jaïnisme ramenée au niveau des sacrifices humains aztèques, on appréciera la pertinence de l’analyse.

Zemmour n’est toujours pas officiellement candidat. Pourtant, que l’on partage ou non ses convictions il faut bien admettre que ce sont ses thématiques qui se sont imposées dans le débat, comme elles s’imposent de plus en plus largement dans le débat public. Et ça, c’est déjà une première victoire pour lui.


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Oregon: l’Etat Castor est-il au bord de la sécession?

Aux Etats-unis, le projet étonnant d’une nouvelle « République du Pacifique »…


« L’état Castor » est-il au bord de la sécession ?

Une récente enquête publiée par l’institut de sondage YouGov a montré que de nombreux habitants de l’Oregon ne seraient pas opposés à une séparation totale d’avec le reste des États-Unis afin de former, avec d’autres États, une nation indépendante. Cette « République du Pacifique » intégrerait les États de Washington, de Californie, d’Hawaï et de l’Alaska. Sur un panel de 2 750 Américains interrogés, 39 % soutiendraient cette néo-sécession. Cette tendance se répand sur tout le continent depuis l’accession à la Maison-Blanche du démocrate Joe Biden. Ce projet apparemment anachronique rassemble au-delà des clivages politiques. Parmi les sondés favorables à cette partition, on trouve en effet 47 % d’Américains se réclamant du Parti démocrate et 27 % du Parti républicain. Pourtant, d’après la presse locale, cette idée émane essentiellement de « Stop the Steal » (« Arrêtez le vol » [de l’élection]), un mouvement pro-Donald Trump qui a fait le buzz sur Facebook en novembre 2020. Déjouant tous les paramètres de sécurité du célèbre réseau social, il a recueilli presque 400 000 abonnés en 24 heures avant d’être définitivement fermé par Mark Zuckerberg. On peut aussi citer l’influence du roman d’Ernest Callenbach, Écotopia (1975), très prisé des milieux écolos.

Inquiet de cette montée du séparatisme, le think tank Bright Line Watch, qui étudie les menaces pesant sur les institutions démocratiques, estime que cette « fièvre » sécessionniste est « très alarmante » bien que « fondée sur l’émotion du moment ».


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Recruter les profs sur profil, mais encore?

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Pour que le recrutement sur profil des professeurs dans les REP soit une expérimentation réussie, il faut impérativement respecter trois conditions.


C’est aussi ça, l’école du futur. Donner le choix aux directeurs d’écoles primaires, de collèges et de lycées de recruter leurs enseignants sur profil. Aujourd’hui c’est l’atout-maître envié des écoles privées hors contrat et des lycées français à l’étranger ou relevant de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur ! Dans son discours de Marseille, le président Macron vient de proposer d’expérimenter ce type de recrutement dans les REP. Cela remplacerait le mécanisme actuel d’affectation automatisée fondée sur les points d’ancienneté. Honnie des syndicats, cette idée n’est pas spécialement nouvelle. Sortie de l’hémisphère droit du cerveau macronien,  elle coupe – et c’est peut-être son but – l’herbe sous le pied des Républicains en quête d’idées disruptives… mais pas trop pour leur programme présidentiel. 

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Une idée qui va dans le bon sens

Proposée dès le rapport Legrand, déjà expérimentée sous le président Sarkozy sous la forme des programmes CLAIR et ECLAIR à partir de 2010, abandonnée sans même avoir été expertisée en 2012 par le président Hollande sous la pression des syndicats, cette idée va dans le bon sens. Aujourd’hui, un établissement de l’Éducation nationale est en effet semblable à un navire piloté par un capitaine qui n’a pas le droit de donner un cap à son équipage, lequel est composé d’hommes et de femmes qui cherchent à quitter un navire sur lequel ils n’ont jamais demandé à s’embarquer.  Chacun tire les vergues et les drisses à sa guise, sans aucune discipline collective, ni vision commune de la nature du voyage à effectuer. Conséquence de ce management absurde, le service rendu aux familles est terriblement inégal d’un établissement à l’autre, et le bateau du service public d’éducation tangue dangereusement. Selon l’OCDE, notre système scolaire est le plus inégalitaire de l’OCDE. La gestion des affectations telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ne garantit ni la réussite des élèves, ni l’épanouissement des professeurs, encore moins celui des directeurs. A contrario, les demandes de détachement pour rejoindre la Légion d’honneur ou les lycées français à l’étranger, ainsi que des demandes de disponibilité pour enseigner dans le hors-contrat se multiplient.

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Mais pour que l’idée du président Macron ne soit pas qu’un coup politique et revête une réelle utilité pratique, il faudra que trois conditions soient réunies :

  • Premièrement, tous les enseignants doivent être recrutés sur profil dans un établissement donné, et non une partie seulement, comme ce fut le cas sous le président Sarkozy. Sans quoi le mélange des volontaires et des malgré-nous cassera la dynamique psychologique positive et, pire, alimentera les corporatismes et dissensions internes ! 
  • Ensuite, le recrutement doit se faire sur la base d’un projet éducatif d’établissement clair et stable défini par le directeur, ce qui suppose qu’il ne soit pas un administratif mais une personne dont la légitimité pédagogique est reconnue par les enseignants et les parents. Ce changement de profil du directeur est déterminant si l’on ne veut pas que le remède soit pire que le mal.  Le détail de la mise en œuvre du projet doit être laissé au libre choix des enseignants, qui, pour être motivés, ne doivent pas être considérés comme des exécutants mais avant tout comme des êtres responsables de leur action éducative et des progrès de leurs élèves, qui doivent être objectivement évalués. 
  • Enfin, il convient d’unifier le vivier des enseignants du public et du privé recrutés sur concours, pour que ces derniers puissent servir aussi bien dans des établissements publics que privés. La pénurie de professeurs de qualité est si grave, en particulier pour certaines matières (mathématiques, allemand…) ou certaines régions (le 93, ou la ruralité profonde), qu’il est urgent de dépasser les corporatismes pour attirer plus de candidats de qualité, de même que sont urgents une revalorisation significative de leur rémunération et un meilleur respect de leurs libertés professionnelles. 

À ces conditions, le recrutement sur profil peut transformer puissamment et positivement notre école pour le bien de tous.

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Rouen, cette statue qu’on veut abattre!

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Et vous, vous êtes plutôt pour Napoléon ou pour Gisèle Halimi ?

Le maire de Rouen, lui, a fait son choix. 

Il y a, ou plutôt il y avait, à Rouen une statue de Napoléon coulée dans le bronze des canons d’Austerlitz. Elle avait besoin d’être restaurée. Donc l’empereur a été descendu de son cheval pour des travaux de réfection.

Reviendra-t-il  ? C’est improbable car le maire de Rouen, à la tête d’une coalition rouge- verte, veut le remplacer par une statue de Gisèle Halimi. Cette dernière est toujours présentée comme une militante féministe. C’est oublier qu’elle a commencé sa carrière en étant avocate des chefs du FLN. Pas sûr que ça ait fait avancer la cause des femmes algériennes…

A lire aussi: Gisèle Halimi, avocate au procès de la tuerie d’El Halia, mérite-t-elle un hommage national?

Le maire de Rouen explique son choix par un souci de « féminiser ». Il a déjà beaucoup fait dans ce domaine en instaurant les « journées de patrimoine-matrimoine ». Pour « féminiser »,  il aurait pu prévoir peut-être de mettre à la place de l’empereur une statue de Joséphine de Beauharnais ou de Marie-Louise non ? 

En attendant que Gisèle Halimi prenne la place de Napoléon, une œuvre d’un sculpteur local bien-pensant a été installée [Mieszko Bavencoffe NDLR]. Maintenant sur le cheval on voit l’empereur déguisé en livreur Deliveroo. Voilà qui est progressiste et qui ajoute de la goujaterie à l’indécence. 


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Covid: l’exception bretonne

Si le Covid est présent en Bretagne comme ailleurs, les formes graves y sont rares. À Paris, on semble peu se soucier de comprendre pourquoi, et les autorités peinent de plus en plus à faire accepter des restrictions de libertés en décalage avec la réalité locale.


Le Covid, en Bretagne, c’est l’Insee qui en parle le mieux : la région est « la seule de France métropolitaine où l’espérance de vie ne diminue pas » en 2020. Le nombre de décès a augmenté de 1,3 %, mais la pandémie n’y est pour rien. C’était déjà le cas les années précédentes, en raison du vieillissement de la population.

Au pire moment de la première vague de l’épidémie, du 2 mars au 19 avril 2020, alors que la mortalité en France flambait de 26 %, elle montait seulement de 2 % en Bretagne. Au premier semestre 2021, par rapport à 2019, la hausse était de 3 %. 

Bien entendu, il y a eu des morts. Entre le 15 mars 2020 et le 20 août 2021,1 687 décès ont été recensés. Pour 3,3 millions d’habitants, c’est peu. Et sans surprise, ces personnes souffraient souvent de facteurs de comorbidité : âge, obésité, insuffisance respiratoire… Au sein des classes d’âge les plus jeunes, c’est calme. Très calme. Le Sars-Cov-2 a tué 24 personnes chez les 50-59 ans durant toute l’année 2020, cinq chez les 40-49 ans et deux chez les 30-39 ans.

Les courbes de mortalité bretonne 2019, 2020 et 2021 se superposent au point de n’en former qu’une, alors qu’elles divergent énormément en Ile-de-France

L’Agence régionale de santé (ARS) et les préfectures bretonnes ne cachent pas ces chiffres, mais elles ne les mettent pas en avant. Contraints de justifier les restrictions de liberté, les services de l’État dramatisent une situation locale objectivement rassurante. Leur point de vue se défendait jusqu’à présent : il ne fallait pas se réjouir trop vite car le Covid pouvait frapper l’Ouest. Le problème est qu’il ne le frappe toujours pas.

Le 12 juillet dernier, quand Emmanuel Macron a annoncé l’instauration du passe sanitaire, c’était l’explosion dans le Sud et la décrue en Bretagne. Ce mois-là, le nombre d’hospitalisations dans les quatre départements bretons a reculé de 20 %, avant de se stabiliser à un niveau bas. L’été se termine comme il a commencé, avec quelque 380 patients à l’hôpital dont moins de quarante en réanimation [1], certains venant d’ailleurs d’autres régions ! Les hôpitaux bretons les accueillent d’autant plus facilement que depuis le début de la pandémie, ils n’ont jamais été saturés. Interrogé, un infirmier de l’hôpital Laënnec, à Quimper, garde un souvenir paisible de la première vague de Covid. « Toutes les opérations non urgentes avaient été suspendues afin de faire de la place pour accueillir des malades qui ne sont jamais venus, raconte Ronan. Je faisais des nuits de huit heures pendant mes gardes. Si on me demande de le refaire, je resignetout de suite. C’est la période la plus tranquille que j’ai jamais connue, et on m’applaudissait tous les soirs à la télé ! »

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Comment expliquer cette situation ? « Les Bretons ont été observants par rapport aux mesures barrières », avançait Stéphane Mulliez, directeur de l’ARS Bretagne, dans Le Télégramme,le 31 mai 2021. Doués « d’un sens civique développé »,ils auraient été « responsables durant la crise ». Venant de ce fonctionnaire, c’est une manière de se jeter des fleurs. Faites ce que l’Agence régionale de santé vous dit et tout ira bien… La réalité est moins flatteuse, aussi bien pour l’ARS que pour les locaux. De fêtes de famille en raveparties, en passant par les apéros à peine clandestins, les Bretons ont dérogé comme tout le monde au confinement et aux gestes barrières. Quant aux mesures mises en musique par l’ARS, elles n’ont eu aucun effet visible sur la mortalité. Confinement, déconfinement, sortie autorisée dans un rayon de 1 km, de 10 km, couvre-feu jusqu’à 18 h, 19 h, 23 h : l’impact n’est mesurable que dans l’épaisseur d’un trait. Les courbes de mortalité bretonne 2019, 2020 et 2021 se superposent au point de n’en former qu’une, alors qu’elles divergent énormément dans le GrandEst ou en Île-de-France.

Et pourtant, il est là

Pourtant, le virus est là. Un des premiers clusters repérés dans l’Hexagone, en mars 2020, se trouvait dans le Morbihan, à Auray. Par la suite, il y a eu plusieurs départs de feu laissant craindre le pire. Fin décembre 2020, 27 patients et 18 membres du personnel ont été testés positifs à l’hôpital d’Auray. Au même moment, à l’hôpital de Quimper, une centaine de soignants étaient détectés positifs. Scénario catastrophe, résultat nul. Aucune flambée de Covid mortel n’a été constatée dans les secteurs concernés.

Interrogé par l’AFP en janvier dernier, Pascal Crépey, épidémiologiste à l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP),estimait que le Covid ne vient pas en Bretagne parce que…c’est trop loin ! L’Armorique « est moins un carrefour que d’autres régions de l’est de la France. Et, qui dit moins de flux de populations dit moins de brassages. »Un clic sur le site de l’Observatoire régional du tourisme confirme, au contraire, que la Bretagne brasse énormément : elle a accueilli 12,8 millions de visiteurs en 2020. Plus urbanisé et plus touristique que la Haute-Marne, le département des Côtes-d’Armor enregistre cinq fois moins de morts du Covid par habitant depuis le début de l’épidémie.

Surtout, ne pas chercher à comprendre

Contactée, l’ARS Bretagne n’annonce pas d’investigations en cours sur l’anticluster breton. La priorité du moment, manifestement, est de marteler un discours mobilisateur, taillé à la maille nationale, sans entrer dans des distinguos embarrassants. « Mes interlocuteurs à la préfecture seraient soulagés que le Covid flambe dans le Finistère, pour justifier des mesures qui collent mal à la réalité locale », résume un fonctionnaire du conseil départemental en charge de la prévention et de la santé.

Suprême paradoxe, les Bretons sont en tête dans la course à la vaccination. Fin août, le Nord-Finistère frôlait les 100 % de vaccinés chez les plus de 80 ans. Le chantage au passe sanitaire n’y est pour rien. Avant les annonces du 12 juillet, le taux de vaccination augmentait déjà de dix points tous les mois dans le département.

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Augmente aussi, inexorablement, la colère. Les surfeurs et kayakistes verbalisés au nom du risque sanitaire ont noté avec intérêt la suggestion d’Olivier Véran, le 21 mars 2021, de« s’aérer pour souffler ». Deux semaines plus tard, le gouvernement reconfinait tout le pays. Fixée à 10 km, la limite de sortie autorisée semblait large vue de Paris, mais elle privait de mer des centaines de milliers de Bretons. « Cela fait des mois que je propose d’être un laboratoire du déconfinement », déclarait au même moment le président PS de la région, LoïgChesnais-Girard. « Pas pour faire les malins, mais parce que nous avons la chance d’être dans une situation un peu meilleure. »Personne, au gouvernement, ne l’a écouté.

« Si la Bretagne était la France, aurions-nous été reconfinés ? » titrait Le Télégramme,le 5 avril dernier.

Début août, sur ordre, les préfets bretons ont publié des arrêtés rendant le masque obligatoire dans les périmètres fréquentés des stations touristiques. Certains de ces périmètres, larges de 30 m à peine, se limitaient à un parking en bord de plage. La loi y était fort mal respectée, mais les forces de l’ordre sont restées en retrait. Des gendarmes du Finistère ont fait savoir à des élus locaux que le contrôle des masques ne serait pas leur priorité. À Mellionnec, un village des Côtes-d’Armor, les trois cafés ont décidé collectivement de fermer, plutôt que de contrôler les passes des clients. De samedi en samedi, les manifestations ont pris de l’ampleur à Brest, Lorient, Quimper, Vannes. Dans ces deux dernières villes, ils étaient 2 200 et 3 200, le 14 août. En plein été, c’est inédit. Parmi eux, des anti-vaccins, des complotistes, certes, mais aussi beaucoup de vaccinés, de commerçants exaspérés et de professionnels du tourisme. Jusqu’à présent, ils ont joué le jeu des restrictions. Si le Covid ne frappe pas vite et fort en Bretagne, beaucoup ne le joueront probablement plus très longtemps.


La piste de la sensibilité génétique
L’Insee a enregistré un différentiel considérable de surmortalité en 2020 entre les Français en fonction de leur origine : + 9 % pour ceux qui sont nés en France, + 21 % pour ceux qui sont nés au Maghreb, + 36 % pour ceux qui sont nés en Afrique subsaharienne. Personne, dans notre pays, ne semble pressé de comprendre pourquoi. Ce n’est pourtant pas anodin. Il est possible que les conditions de vie des immigrés les rendent plus vulnérables. Il est possible, aussi, qu’existe une sensibilité génétique aux formes graves du Covid. L’hypothèse est étudiée par un consortium de 3 500 chercheurs et médecins travaillant sur 19 pays (dont la France), la « Covid-19 Host Genetics Initiative », coordonnée par l’université d’Helsinki, le MIT et Harvard. Sont étudiés, pour le moment, des groupes très larges : Asie du Sud-Est, Europe de l’Ouest, Afrique, Océanie, etc. L’hypothèse est que certains de ces groupes puissent présenter une vulnérabilité ou, au contraire, une résistance accrue au Covid. En 2009 déjà, une équipe de l’Institut Pasteur a montré qu’une mutation génétique intervenue il y a 1 500 ans avait renforcé la résistance au paludisme des populations de Thaïlande et des pays voisins. Dans le cas du Covid, Public HealthEngland a tiré la sonnette d’alarme dès juin 2020 : les citoyens britanniques originaires du Bangladesh avaient deux fois plus de risque de mourir que la moyenne. À l’inverse, le Pays de Galles et la Cornouaille, contrées d’origine de la majorité des habitants actuels des Côtes-d’Armor et du Finistère, font partie des secteurs les moins touchés par les formes graves de Covid. Les deux rives de la Manche ont tellement de points communs en dehors de la génétique (climat, mode de vie, etc.) qu’il faut se garder de conclusions hâtives. Qu’un groupe aussi peu différencié génétiquement des autres Européens que les Bretons et les Gallois puisse présenter une particularité médicale quelconque serait vraiment surprenant. Toutefois, ce ne serait pas inédit. L’hématochromatose, un trouble génétique du métabolisme qui empêche d’éliminer le fer, les touche quatre à cinq fois plus que leurs compatriotes. L’explication : une mutation intervenue il y a fort longtemps chez leurs ancêtres communs.

[1] Très exactement : le 18 juin, 383 hospitalisations dont 38 en réanimation ; le 20 août, 372 hospitalisations dont 30 en réanimation.

Le minaret qui cache la forêt

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La publication d’une photo du convoi funéraire de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika occultant le minaret de la Grande Mosquée d’Alger fait scandale en Algérie. Analyse.


Comme il est facile d’enflammer l’opinion publique algérienne ! Il suffit de prononcer des mots « magiques » comme harkis ou bienfaits de la colonisation pour crisper les uns et énerver les autres. Et pour être sûr de faire l’unanimité contre soi, il suffit de s’attaquer à l’Islam ou de donner l’impression de s’attaquer à l’Islam, pilier de l’identité algérienne ! 

Le journal El Watan vient d’en faire les frais bien malgré lui. Sa une du lundi 20 septembre a illustré les obsèques du président Bouteflika avec une photo de laquelle a été retiré le minaret de la Grande Mosquée d’Alger. Simple erreur technique selon la rédaction du journal. Émoi au sein du gouvernement qui évoque une « atteinte flagrante à la mémoire du peuple algérien » et promet des poursuites judiciaires.  Le minaret, en effet, est une prouesse technique puisqu’il est le plus haut au monde, totalisant plus de 265 mètres de hauteur ! Le complexe de la mosquée occupe, lui, presque 28 hectares. L’ensemble a été voulu par l’ancien président Bouteflika comme une sorte de témoignage de son règne, à l’image de ce qu’a fait Mitterrand avec la Grande Pyramide du Louvre.

Ne ricanez pas

Sur le fond, les deux parties ont raison. Le journal n’a pas effacé le minaret pour le plaisir de provoquer ses lecteurs. Le gouvernement a parfaitement le droit d’exiger que la presse rende compte du réel sans en effacer ce qui la gêne ou lui déplaît. Après tout, est-ce que vous accepteriez que le journal Libération retire la silhouette de la Tour Eiffel d’une photo panoramique de la capitale française ? Ou que Le Monde efface le Sacré Cœur d’un cliché de Montmartre par réflexe anticatholique ? 

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En tant que Marocain, mon réflexe premier a été de ricaner devant cette polémique algéro-algérienne qui ne manque pas de piquant. En effet, la Grande Mosquée a coûté plus de 750 millions d’euros et a été construite par une entreprise chinoise qui a employé des ouvriers chinois en majorité. Donner une fortune à une puissance étrangère qui ne daigne même pas employer la main d’œuvre locale, n’est-ce pas un renoncement à la souveraineté ? N’est-ce pas une insulte aux héros de la révolution algérienne ?

Wikimedia Commons

Mais, se moquer des Algériens serait malvenu de la part d’un Marocain puisque le Maroc lui-même a succombé à la tentation de construire des minarets gigantesques. Casablanca a bien sa grande mosquée, érigée sur l’eau, et dont l’édification a été en grande partie assurée par le Groupe Bouygues, une société étrangère. Inauguré en 1993, son minaret pointe à plus de 200 mètres !

Dubaï et le Qatar, des modèles ?

Algériens et Marocains ont en commun une fascination commune pour les mosquées gigantesques. Au-delà du culte religieux, il y a peut-être un amour inavouable pour le ciment, le marbre et le verre. Le Maroc est en train de construire la plus haute tour d’Afrique : pourquoi faire ? Que veut-il prouver au monde ? Qu’il sait installer des ascenseurs et des climatiseurs en altitude ? L’humanité est déjà rassasiée de grands travaux : l’homme a déjà mis les pieds sur la Lune. Il est assoiffé de réponses simples et innovantes aux questions existentielles qui le taraudent : comment concilier la foi et le tout-technologique ? Comment préserver l’éthique dans un monde où la technologie peut tout dont manipuler le vivant ? Comment lutter contre la pandémie mondiale du stress et de la dépression nerveuse qui ravage les cœurs et les esprits ? Quel avenir pour la famille, ultime territoire interdit à la marchandisation?  Est-ce que la radicalité est la seule manière de provoquer le changement ?

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Ces questions sont universelles, le premier à y répondre aura l’attention des peuples où qu’ils soient. Le Maghreb devrait apporter sa pierre à l’édifice et participer à la marche du monde en formulant des réponses uniques et originales. Pour l’instant, il se tait, car il n’a rien à dire. Ses élites préfèrent mimer Dubaï et le Qatar dans une sorte de « guerre froide » du BTP et des éléphants blancs.

Jeunesse désespérée

Le Maroc et l’Algérie, pour ne citer que ces deux pays, auront quelque chose à dire au monde, le jour où ils s’occuperont de leur matière humaine. Or, les deux ignorent superbement l’être humain, lui préférant les gadgets et les matériaux composites. L’éducation, publique et privée, est en crise. L’hôpital est une antithèse du soin et de l’empathie. La culture va mal. La langue est en décrépitude, étant devenue un mélimélo de termes et de bouts de phrase importés du français afin de combler les insuffisances de l’arabe. La misère est partout. Le désespoir de la jeunesse crève le cœur. Année après année, les jeunes se jettent à l’eau (littéralement), préférant devenir des MNA en Europe que de vivre dans des pays mal-gouvernés.

Et pourtant, rien ne change. Et parce que rien ne change, l’on s’obstine à trouer le sol et à en faire sortir des monstres d’acier, un moyen comme un autre de cacher l’impuissance d’une civilisation à aimer ses enfants et à les élever au-dessus d’eux-mêmes. Au sud de la Méditerranée, on se méfie de l’humain, on le craint et on le confine dans l’ignorance et la médiocrité. Au nord de la Méditerranée, on fait confiance à l’humain et on voit en lui la solution et non le problème. Mais je devrais peut-être conjuguer au passé cette dernière phrase à la lumière du saccage en cours de l’école et de la culture en France…

De grâce, laissez-nous parler de politique!

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Oublions les boules puantes de la presse people et regardons plutôt le débat Zemmour / Mélenchon ce soir sur BFM TV!


Un goût amer de déjà-vu : dès qu’un candidat parle vraiment de politique, comme s’il s’avisait d’ouvrir la boîte de Pandore, il faut trouver à toute vitesse moyen de changer de sujet. En 2017, la candidature de François Fillon, seule à créer les conditions du choix, et donc du débat, se perdait dans les sables d’une affaire aux confins du médiatique et du judiciaire, à la frontière décidément poreuse entre morale et opportunisme politique.

En 2022, à peine Eric Zemmour a-t-il troublé le ronronnement d’une pré-campagne qui s’annonçait comme un nouveau navet – mauvais acteurs jouant un scénario déjà connu, à écouter, s’il le faut vraiment, en fond sonore – que l’on jette entre ses pieds une polémique douteuse et, pour le dire crûment, en-dessous de la ceinture. Faut-il y voir la main du Pouvoir, comme le candidat putatif ? C’est une possibilité, après tout, les liens opaques et mutuellement bénéfiques entre « presse people » et politique ayant déjà nourri les soupçons de l’institution judiciaire. Mais enfin, si l’on se demande, comme Cicéron, Cui bono ? – à qui profite le crime ? – je vois sans peine d’autres suspects.

La jalousie, d’abord : jalousie des autres candidats, face à un intrus qui ne vient ni du sérail, ni du cursus honorum, face à un candidat qui n’est même pas candidat mais s’impose déjà comme la principale attraction des élections présidentielles, face à des sondages qui sont aussi flatteurs pour lui qu’inquiétants, voire humiliants pour les autres ; jalousie de ses futurs-anciens confrères, qui ne manquaient déjà aucune occasion d’accompagner ses succès d’audience par des règlements de compte au sein des rédactions ; et jalousie peut-être, après tout, si l’on continue dans la veine du vaudeville, d’un soupirant éconduit par la « radieuse directrice de campagne (…) indispensable et solaire » que décrit Paris-Match.

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La paresse, aussi, est un suspect prometteur : à voir le décalage entre les questions posées à l’écrivain lors de récentes interviews et ses réponses, ou, pour être plus exact au risque d’être plus cruel, à voir le contraste entre les ressassements de bonnes consciences au mieux engourdies, au pire confites, et la paradoxale fraîcheur de positions pourtant largement répandues dans la société française, on peut imaginer que certains veuillent remettre à plus tard une douloureuse et laborieuse mise-à-jour du logiciel.

Je ne continuerai pas la liste des sept péchés capitaux (avis aux amateurs d’orthographe) : l’orgueil encore, la colère, la cupidité sont peut-être le coupable, la luxure, ma foi… a déjà joué sa part. Pour ma part, je revendiquerai, avant, bien sûr, de faire contrition, la gourmandise : car, après des années, non, des décennies de jeûne, j’ai un appétit féroce pour un véritable débat politique et la confrontation des idées !

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Trappes: Jean Messiha ne fait pas dans la dentelle

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Le chroniqueur Jean Messiha est poursuivi pour injure


Le 11 février, Jean Messiha, ex-RN, débatteur redoutable connu des téléspectateurs de CNews et de la patronne (il fait profiter occasionnellement nos lecteurs de ses contributions), se fendait d’un message polémique sur Twitter. Bien mal lui en a pris. 

À la suite de sa publication, il a été auditionné pendant toute une matinée au commissariat, les policiers n’avaient sûrement rien de plus urgent à faire. Et il a finalement comparu lundi devant le tribunal de Versailles, suite à une plainte pour injure publique du préfet des Yvelines Jean-Jacques Biot.

Messiha abîme la belle dentelle du préfet

Messiha, dont le compte Twitter est suspendu, réagissait en février à des propos concernant l’affaire Didier Lemaire, propos tenus par le préfet et rapportés par le journal Le Monde : “Trappes est un terrain difficile et délicat, nous faisons dans la dentelle et voilà que M. Lemaire arrive avec un bulddozer et saccage nos efforts”

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Didier Lemaire est ce professeur de philosophie lanceur d’alerte qui avait dénoncé l’islamisation de la ville de Trappes, et avait été placé sous protection policière par le ministère de l’Intérieur. Il a depuis arrêté d’enseigner et publie ces jours-ci son témoignage chez Robert Laffont [1]. Quant au maire d’extrème gauche de la ville Ali Rabeh qui l’avait pris en grippe, son élection a été invalidée entre temps.

En désaccord et agacé par les propos du préfet qui ne soutenait donc pas franchement le prof, Messiha indiquait sur Twitter que l’islamisme avait désormais “un ami dans les Yvelines” qui n’était “pas content” que la “réalité de l’occupation islamique de la ville de Trappes” soit révélée. Il finissait son analyse de la situation par cette phrase au cœur des débats du tribunal : “La collaboration des préfets, un triste retour des heures les plus sombres”

Messiha est-il allé trop loin ? Le procureur de la République estime que oui. Il a requis pas moins de 12 000 euros d’amende contre le chroniqueur. La liberté d’expression, ça peut coûter cher !

L’accusé parle à Causeur

Au lendemain de l’audience, Messiha se confie à Causeur, impartial juge de paix. 

Est-il confiant quant à l’issue du procès ? Raisonnablement, oui. Messiha nous dit : “Toute la partie adverse a argumenté autour de l’idée que j’aurais injurié le préfet. En appui de cette assertion, elle affirme que j’aurai traité le préfet de “collabo”. Or, je ne l’ai pas traité de collabo, j’ai parlé de la “collaboration des préfets”, sans le mettre lui directement en cause. Le dossier est assez vide. Le procureur de la République a fait d’entrée de jeu de la politique et a voulu me ridiculiser, me prenant de très haut, disant que je ne valais guère mieux que les racailles qu’il voit défiler chaque jour dans le tribunal. Alors que cela fait quatre ans que je suis dans les médias et tiens des propos publics, et que je n’ai jamais été condamné. Il réclame le maximum, 12 000 euros, alors qu’il n’était requis que 5000 € contre le rappeur Nick Conrad qui appelait à tuer les Blancs, par exemple”. 

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Regrette-t-il ses propos ? Reconnait-il une certaine outrance ? Oui… mais non. “Il y a sans doute des propos un peu hardis, mais il n’y a pas de haine ni de violence dans mes propos contre le préfet. Dans cette affaire, j’ai présenté mes excuses d’entrée de jeu, non pas pour ce que j’ai dit, mais des excuses si le préfet considère comme des insultes contre sa personne ce que j’avais dit, s’il faisait une telle interprétation, alors que ce n’était pas dans mon intention initiale” nous explique Jean Messiha. “Je rappelle que nous étions dans un contexte incandescent suite à la mort de Samuel Paty, et qu’un autre professeur, Didier Lemaire, venait de faire un descriptif de la ville de Trappes qu’il présentait comme tombée aux mains des islamistes. C’est d’abord le préfet qui avait chargé le professeur Didier Lemaire en l’accusant de jeter de l’huile sur le feu”. 

Dans cette affaire, effectivement, c’est rétrospectivement le préfet Biot qui le premier entre dans l’arène politique avec ses propos repris par le journal Le Monde. Ce n’est qu’ensuite que Messiha embraie avec le message aujourd’hui incriminé. “Je n’ai pas attaqué le représentant de l’État. C’est le représentant de l’État, soumis à un devoir de réserve, qui était sorti de cette réserve et a voulu prendre part au débat public et au débat politique. Or dans le débat politique, il faut accepter de prendre des coups si on y prend part !” se défend Messiha. Originaire d’un pays – l’Égypte – où sa famille a assisté au tournant des années 70 à la montée terrible de l’islamisme, Messiha estime être le mieux placé pour savoir les menaces qui montent dans certains territoires de la République française. 

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Si les propos de Messiha sont outranciers, il est cocasse de noter que lui-même reçoit de ses détracteurs une pluie d’autres termes historiques dédaigneux utilisés dans le débat public (“extrême-droite”, “facho”). Mais lui ne moufte pas et ne va jamais porter plainte. Le tribunal rendra son verdict le 18 octobre. En attendant, ses avocats viennent de déposer un référé pour qu’il puisse récupérer son compte Twitter. De leur côté, Nick Conrad ou les Talibans peuvent librement publier sur le réseau social…


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Peter Boghossian: le mouvement woke empêche les gens de penser… voire de travailler

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La récente démission de Peter Boghossian, professeur de philosophie à l’Université de Portland, située dans l’Oregon, à la suite du harcèlement commis par des activistes et militants d’extrême gauche à son encontre, n’est qu’un arrêt banal rendu par le tribunal wokien. Récit.


Dans une déconcertante lettre de démission relatée par le Times, M. Boghossian constate que l’Université dans laquelle il travaillait depuis une décennie n’est plus un lieu d’enseignement ouvert et tolérant, mais une véritable «usine de justice sociale».

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Au gré des journées d’enseignement, relatent le professeur et certains de ses confrères, des sacs de déjection étaient déposés devant la porte de son bureau, et des croix gammées juxtaposées à son prénom dans les cabinets. Sa personne a également été la cible d’agissements hostiles. Regards menaçants dans les couloirs… interruptions de cours magistraux… Et, suprême degré de l’ignominie, crachats vers lui dirigés ! Mais pourquoi un tel état de fait, et de défaite de la concorde universitaire ? Cela s’explique notamment parce que Boghossian était l’auteur d’études volontairement ubuesques parues dans des revues scientifiques en 2018, dans le but de mettre en exergue les abus de certaines disciplines académiques. Aussi, peut-on lire, parce qu’il aurait osé questionner la pertinence de l’instauration de «safe spaces», ou d’une notion foisonnante telle que celle de l’«appropriation culturelle». C’en est assez pour devenir un démon, aux yeux de certains anges ne connaissant ni pêché ni pardon. En résultent des conditions de travail humainement lamentables, causées par la couardise de certains collègues délateurs espérant s’octroyer une immunité professorale, et la horde agglutinée de wokes voulant tout raturer, même l’enseignement. L’intolérance idéologique muée en harcèlement moral l’a conduit vers la démission, ne pouvant plus oeuvrer librement, ce qu’il s’astreint à expliquer dans sa lettre intégralement publiée le 8 septembre.

Evergreen: la contagion woke s’étend

Assurément, la liberté académique, pourtant érigée par la Cour Suprême des Etats-Unis comme un principe fondamental corrélé à la liberté d’expression, est bel et bien mise à rude épreuve, que ce soit à Portland ou à Evergreen. 

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Qu’est-ce que cela reflète sur le wokisme, si l’on s’éloigne de ce cas précis ?

D’abord, qu’il est bel et bien un mouvement d’éveil. Mais un mouvement d’éveil des absurdités de l’esprit individualiste, incapable de résoudre ses antinomies entre convictions «humanistes» et éducation décousue et irréfléchie fournie par le numérique. Ensuite, qu’il est le réceptacle des tares de l’individu moderne ; qui refoule autorité et verticalité, et n’importe quel ordre, fût-il moral, social, ou culturel. Enfin, que les chantres de la «gauche progressiste», croyant savoir manier le langage et la doctrine juridique des droits de l’Homme, sont les premiers à les bafouer.

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Une redoutable censure

Ils brandissent dans leurs mains des pancartes revendiquant leurs droits à la liberté d’expression, d’association, de conscience, mais de leurs bouches jaillit un torrent destructeur qui sape ces mêmes prétentions. Écrire, parler et imprimer ne devrait être toléré que si le discours en question sied à ces redoutables censeurs, juges et procureurs.

Est-il bien étonnant que l’Université, jadis si prestigieuse, soit prise en otage par les zélateurs de ce fatras idéologique ? Nous répondrons que c’est absolument logique. L’Université transmet un savoir, et par définition, toute connaissance dépasse, par sa longévité et sa préexistence, l’élève qui la découvre. Cependant, le «wokisme» n’entend composer qu’avec ce qui est néo-compatible, autrement dit en adéquation presque mathématique avec la matrice de ses convictions : la maladroite réforme des idées révolutionnaires et marxistes.

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On comprend alors que la figure du professeur, élevé par l’accumulation de savoirs et de réflexion, accrédité par son diplôme d’excellence, enseignant depuis sa chaire l’héritage des Anciens, suscite l’aversion des plus immodérés.

De la jeunesse mondialisée aurait pu surgir un élan proprement humaniste et acceptant les règles de la démocratie moderne, représentative et participative, jouant le jeu du sain pluralisme requis par toute société où chacun n’est pas un loup pour l’autre. Mais voilà, l’œcuménisme censément caractéristique du monde universitaire, le bouillonnement créateur et la liberté d’enseignement ne peuvent plus voguer sur l’océan de la connaissance, car les pirates éveillés, illuminés par leur pénombre, voient dans toute trace du passé un ennemi dangereux, qu’on ne peut combattre qu’en lui sabrant la langue. «Le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout». Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe.

Touche pas à ma pute

Le réglementarisme de l’État a toujours échoué à protéger les travailleurs et travailleuses du sexe


Depuis qu’elle est « ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes », Élisabeth Moreno défend bec et ongles la loi d’avril 2016 visant à « renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » à travers la pénalisation des clients et la « création d’un parcours de sortie de la prostitution ». Cinq ans plus tard, elle souhaite mener plus loin cette croisade en développant sa mission de reconversion professionnelle. Cette immixtion de l’État nounou dans les affaires des filles de joie n’est pas du goût de tous.

Fausse bonne idée

Le 2 juin, le Syndicat du travail sexuel en France (Strass) a fait publier sur la toile un « Manifeste féministe pro-droits des travailleurs et travailleuses du sexe ». Signé par une pléthore d’associations, de travailleurs sexuels et de personnes engagées aux côtés de ces derniers, ce long texte ne mâche pas ses mots. « Fausse bonne idée, la pénalisation des clients pousse les travailleur.se.s du sexe à exercer dans des lieux encore plus isolés et reculés », tonnent les militants, avant de fustiger « le réglementarisme » de l’État qui, soulignent-ils, « a toujours échoué à protéger les travailleur.se.s du sexe ».

« L’arsenal législatif de droit commun visant la traite, l’exploitation, le travail forcé, l’esclavagisme et les violences existe déjà et doit pouvoir être mobilisé », rappellent-ils, estimant que « les politiques publiques restrictives actuelles dirigées ou conditionnées à la sortie de la prostitution mettent de côté la vaste majorité des personnes pour lesquelles ces dispositifs ne sont pas adéquats ». Enfin, les militants lancent que « le féminisme pute n’est pas un oxymore », ajoutant que « le travail du sexe s’inscrit dans le combat pour la reconnaissance du travail des femmes ».

Un message lapidaire qui risque de donner de l’urticaire aux féministes autoproclamés. Quant aux velléités purificatrices de la ministre, elles pourraient finir par provoquer une grève générale de ces « travailleur.se.s du sexe ».

Le Z et l’hologramme

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De gauche à droite: Jean-Luc Mélenchon, Maxime Switek, Aurélie Casse et Eric Zemmour, le 23 septembre 2021 © Bertrand Guay/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22608460_000001

Le débat télévisé opposant Eric Zemmour à Jean-Luc Mélenchon a permis aux téléspectateurs de prendre connaissance de deux projets pour la France antinomiques. Malgré un fact-checking journalistique douteux, l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot a enchaîné les démonstrations convaincantes. S’il se présente à l’élection présidentielle, il sera un candidat redoutable.


Difficile de résumer fidèlement en quelques lignes deux heures d’affrontement verbal. Plutôt qu’une liste à la Prévert de sujets abordés et de citations plus ou moins percutantes, voici donc une vision d’ensemble de ce qui est, d’une manière ou d’une autre, le premier véritable débat de la campagne présidentielle.

Une opposition claire, frontale, assumée

Les deux hommes ont en commun d’avoir identifié un problème à leurs yeux majeur, une menace existentielle pesant sur la France, et d’organiser tout leur projet politique autour d’un impératif absolu : faire face à cette menace. La submersion migratoire et islamique pour Eric Zemmour, la submersion par la montée des eaux pour Jean-Luc Mélenchon.

Ils ont aussi en commun d’avoir chacun « une certaine idée de la France » qui ne se réduit pas à une approche gestionnaire et comptable, quoi que ces idées soient radicalement différentes. La France éternelle pour Zemmour, la République née en 1789 pour Mélenchon. En découlent l’éloge de l’assimilation par Zemmour, et celui de la créolisation par Mélenchon.

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Tous deux assument leurs positions passées, mais là encore de manière diamétralement opposée : Eric Zemmour se flatte de sa cohérence, Jean-Luc Mélenchon se vante de savoir changer d’avis. Ils ont enfin en commun d’avoir été confrontés à un « fact-checking » d’une nullité crasse, BFM TV ayant accumulé des erreurs si grossières qu’il est difficile de ne pas y voir des mensonges éhontés et orientés.

Hervé Le Bras, un très curieux fact-checkeur!

Commençons par BFM. Un parti-pris manifeste, contre Zemmour plutôt que pour Mélenchon, affiché sans aucune pudeur dans les discussions navrantes qui précédèrent le débat – il faut bien mettre le téléspectateur en condition.

Sur l’immigration, le « fact-checking » reprend tels quels les éléments de langage d’Hervé Le Bras, dont Michèle Tribalat et l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie ont pourtant méthodiquement démontré et démonté la fourberie.

Quand Jean-Luc Mélenchon évoque – et il a raison – les personnes qui renoncent à s’éclairer ou se chauffer l’hiver en raison du coût de l’électricité, on lui rétorque : « trêve hivernale », pas de coupures d’électricité en hiver. Il fallait être profondément malhonnête ou totalement stupide pour ne pas comprendre que Mélenchon parlait de gens qui renoncent d’eux-mêmes à s’éclairer ou se chauffer correctement pour ne pas se retrouver en incapacité de payer, et non de personnes à qui on couperait l’électricité. Eh oui, il y a aujourd’hui en France, et notamment dans les zones rurales, des personnes qui en hiver ne chauffent qu’une seule pièce de leur maison – ce qui provoque parfois des ruptures de canalisations en cas de gel – et réduisent leur consommation d’énergie à moins que ce que la plupart appelleraient « le strict minimum ».

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Bataille de chiffres

Quand Eric Zemmour cite les chiffres de Charles Prats sur la fraude sociale – 50 milliards d’euros par an – BFM prétend s’appuyer sur un rapport de la Cour des comptes pour affirmer qu’il ne s’agirait en réalité que d’1 milliard d’euros, insistant soigneusement pour dire que ça fait « 50 fois moins ». Fact-checkons les soi-disant fact-checkers : ce milliard correspond uniquement à la fraude clairement identifiée, et la Cour des comptes elle-même estime que la fraude non détectée se chiffre entre 14 et 45 milliards d’euros.

Manque d’objectivité flagrant et accumulation de contre-vérités : une chose au moins est certaine, BFMTV n’était pas totalement à la hauteur des enjeux d’un tel face-à-face.

Marche contre « l’islamophobie ». De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, Farida Amrani et Danièle Simonnet de la France Insoumise © NICOLAS CLEUET / HANS LUCAS / AFP

Du débat lui-même, l’essentiel se réduit à ceci : Jean-Luc Mélenchon, au mépris de l’évidence et des faits, nie toutes les problématiques dont la prise en compte l’obligerait à remettre en cause ses présupposés idéologiques – et sans doute clientélistes, la manif de la honte du 10 novembre n’est pas loin…. À l’inverse, Eric Zemmour assume ses priorités, mais hiérarchise les autres problématiques sans jamais les nier ni les perdre de vue : avoir une vision d’ensemble ne l’empêche pas de trancher et de décider. Aveuglement d’un côté, courage de l’autre.

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Déni mélenchonien : il n’y aurait pas de sexisme dans les banlieues, les causes de la délinquance seraient uniquement sociales et non culturelles (il gagnerait à lire Maurice Berger au lieu d’insulter les vrais pauvres), ou encore « en France, la religion républicaine est respectée par tout le monde. » Manifestement pas par les auteurs des plus de 40 000 menaces de viol et de mort reçues par Mila, ni par les juges puisqu’un tribunal vient de considérer qu’appeler publiquement à la haine des Juifs est parfaitement légal si c’est fait au moyen de citations d’un texte religieux (présentées sans la moindre distance critique). Dommage (mais pas surprenant) que les « fact-checkers » ne l’aient pas relevé…

Les idées de Zemmour en progression

En outre, Eric Zemmour est cohérent, alors que Jean-Luc Mélenchon s’emmêle dans ses contradictions. Trois cas pour l’illustrer : Mélenchon affirme vouloir lutter contre le rejet de CO2 dans l’atmosphère et pourtant veut « sortir du nucléaire » (alors que la situation catastrophique de l’Allemagne en termes de rejets de carbone suffit à démontrer l’absurdité d’une telle posture, ce que Zemmour a parfaitement compris). Il prétend que la France doit s’appuyer sur une autorité « morale, scientifique, culturelle » tout en appelant à la disparition de sa culture par la fameuse créolisation, qu’il illustre par l’exemple gallo-romain, dont la Guerre des Gaules nous apprend pourtant qu’il ne fut pas à proprement parler pacifique : répéter Alésia est-il le projet de Mélenchon pour le peuple français ? Et enfin : quelques secondes avant de faire l’éloge des mutazilites (en « oubliant » qu’ils ont tous été massacrés par les hanbalites il y a plus de mille ans) Jean-Luc Mélenchon déclare « ne dites pas qu’il y aurait des religions bienveillantes ! » Voici la non-violence du jaïnisme ramenée au niveau des sacrifices humains aztèques, on appréciera la pertinence de l’analyse.

Zemmour n’est toujours pas officiellement candidat. Pourtant, que l’on partage ou non ses convictions il faut bien admettre que ce sont ses thématiques qui se sont imposées dans le débat, comme elles s’imposent de plus en plus largement dans le débat public. Et ça, c’est déjà une première victoire pour lui.


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Oregon: l’Etat Castor est-il au bord de la sécession?

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© AP Photo/Paula Bronstein/AFP

Aux Etats-unis, le projet étonnant d’une nouvelle « République du Pacifique »…


« L’état Castor » est-il au bord de la sécession ?

Une récente enquête publiée par l’institut de sondage YouGov a montré que de nombreux habitants de l’Oregon ne seraient pas opposés à une séparation totale d’avec le reste des États-Unis afin de former, avec d’autres États, une nation indépendante. Cette « République du Pacifique » intégrerait les États de Washington, de Californie, d’Hawaï et de l’Alaska. Sur un panel de 2 750 Américains interrogés, 39 % soutiendraient cette néo-sécession. Cette tendance se répand sur tout le continent depuis l’accession à la Maison-Blanche du démocrate Joe Biden. Ce projet apparemment anachronique rassemble au-delà des clivages politiques. Parmi les sondés favorables à cette partition, on trouve en effet 47 % d’Américains se réclamant du Parti démocrate et 27 % du Parti républicain. Pourtant, d’après la presse locale, cette idée émane essentiellement de « Stop the Steal » (« Arrêtez le vol » [de l’élection]), un mouvement pro-Donald Trump qui a fait le buzz sur Facebook en novembre 2020. Déjouant tous les paramètres de sécurité du célèbre réseau social, il a recueilli presque 400 000 abonnés en 24 heures avant d’être définitivement fermé par Mark Zuckerberg. On peut aussi citer l’influence du roman d’Ernest Callenbach, Écotopia (1975), très prisé des milieux écolos.

Inquiet de cette montée du séparatisme, le think tank Bright Line Watch, qui étudie les menaces pesant sur les institutions démocratiques, estime que cette « fièvre » sécessionniste est « très alarmante » bien que « fondée sur l’émotion du moment ».


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Recruter les profs sur profil, mais encore?

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Marseille, 2 septembre 2021 © Daniel Cole/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22601680_000005

Pour que le recrutement sur profil des professeurs dans les REP soit une expérimentation réussie, il faut impérativement respecter trois conditions.


C’est aussi ça, l’école du futur. Donner le choix aux directeurs d’écoles primaires, de collèges et de lycées de recruter leurs enseignants sur profil. Aujourd’hui c’est l’atout-maître envié des écoles privées hors contrat et des lycées français à l’étranger ou relevant de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur ! Dans son discours de Marseille, le président Macron vient de proposer d’expérimenter ce type de recrutement dans les REP. Cela remplacerait le mécanisme actuel d’affectation automatisée fondée sur les points d’ancienneté. Honnie des syndicats, cette idée n’est pas spécialement nouvelle. Sortie de l’hémisphère droit du cerveau macronien,  elle coupe – et c’est peut-être son but – l’herbe sous le pied des Républicains en quête d’idées disruptives… mais pas trop pour leur programme présidentiel. 

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Une idée qui va dans le bon sens

Proposée dès le rapport Legrand, déjà expérimentée sous le président Sarkozy sous la forme des programmes CLAIR et ECLAIR à partir de 2010, abandonnée sans même avoir été expertisée en 2012 par le président Hollande sous la pression des syndicats, cette idée va dans le bon sens. Aujourd’hui, un établissement de l’Éducation nationale est en effet semblable à un navire piloté par un capitaine qui n’a pas le droit de donner un cap à son équipage, lequel est composé d’hommes et de femmes qui cherchent à quitter un navire sur lequel ils n’ont jamais demandé à s’embarquer.  Chacun tire les vergues et les drisses à sa guise, sans aucune discipline collective, ni vision commune de la nature du voyage à effectuer. Conséquence de ce management absurde, le service rendu aux familles est terriblement inégal d’un établissement à l’autre, et le bateau du service public d’éducation tangue dangereusement. Selon l’OCDE, notre système scolaire est le plus inégalitaire de l’OCDE. La gestion des affectations telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ne garantit ni la réussite des élèves, ni l’épanouissement des professeurs, encore moins celui des directeurs. A contrario, les demandes de détachement pour rejoindre la Légion d’honneur ou les lycées français à l’étranger, ainsi que des demandes de disponibilité pour enseigner dans le hors-contrat se multiplient.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Qui a eu cette idée folle, un jour de fermer l’école?

Mais pour que l’idée du président Macron ne soit pas qu’un coup politique et revête une réelle utilité pratique, il faudra que trois conditions soient réunies :

  • Premièrement, tous les enseignants doivent être recrutés sur profil dans un établissement donné, et non une partie seulement, comme ce fut le cas sous le président Sarkozy. Sans quoi le mélange des volontaires et des malgré-nous cassera la dynamique psychologique positive et, pire, alimentera les corporatismes et dissensions internes ! 
  • Ensuite, le recrutement doit se faire sur la base d’un projet éducatif d’établissement clair et stable défini par le directeur, ce qui suppose qu’il ne soit pas un administratif mais une personne dont la légitimité pédagogique est reconnue par les enseignants et les parents. Ce changement de profil du directeur est déterminant si l’on ne veut pas que le remède soit pire que le mal.  Le détail de la mise en œuvre du projet doit être laissé au libre choix des enseignants, qui, pour être motivés, ne doivent pas être considérés comme des exécutants mais avant tout comme des êtres responsables de leur action éducative et des progrès de leurs élèves, qui doivent être objectivement évalués. 
  • Enfin, il convient d’unifier le vivier des enseignants du public et du privé recrutés sur concours, pour que ces derniers puissent servir aussi bien dans des établissements publics que privés. La pénurie de professeurs de qualité est si grave, en particulier pour certaines matières (mathématiques, allemand…) ou certaines régions (le 93, ou la ruralité profonde), qu’il est urgent de dépasser les corporatismes pour attirer plus de candidats de qualité, de même que sont urgents une revalorisation significative de leur rémunération et un meilleur respect de leurs libertés professionnelles. 

À ces conditions, le recrutement sur profil peut transformer puissamment et positivement notre école pour le bien de tous.

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Rouen, cette statue qu’on veut abattre!

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Capture d'écran YouTube

Et vous, vous êtes plutôt pour Napoléon ou pour Gisèle Halimi ?

Le maire de Rouen, lui, a fait son choix. 

Il y a, ou plutôt il y avait, à Rouen une statue de Napoléon coulée dans le bronze des canons d’Austerlitz. Elle avait besoin d’être restaurée. Donc l’empereur a été descendu de son cheval pour des travaux de réfection.

Reviendra-t-il  ? C’est improbable car le maire de Rouen, à la tête d’une coalition rouge- verte, veut le remplacer par une statue de Gisèle Halimi. Cette dernière est toujours présentée comme une militante féministe. C’est oublier qu’elle a commencé sa carrière en étant avocate des chefs du FLN. Pas sûr que ça ait fait avancer la cause des femmes algériennes…

A lire aussi: Gisèle Halimi, avocate au procès de la tuerie d’El Halia, mérite-t-elle un hommage national?

Le maire de Rouen explique son choix par un souci de « féminiser ». Il a déjà beaucoup fait dans ce domaine en instaurant les « journées de patrimoine-matrimoine ». Pour « féminiser »,  il aurait pu prévoir peut-être de mettre à la place de l’empereur une statue de Joséphine de Beauharnais ou de Marie-Louise non ? 

En attendant que Gisèle Halimi prenne la place de Napoléon, une œuvre d’un sculpteur local bien-pensant a été installée [Mieszko Bavencoffe NDLR]. Maintenant sur le cheval on voit l’empereur déguisé en livreur Deliveroo. Voilà qui est progressiste et qui ajoute de la goujaterie à l’indécence. 


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Covid: l’exception bretonne

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La police contrôle le respect du port du masque et des gestes barrières dans un parc de Rennes, 3 avril 2021. © MATHIEU PATTIER/SIPA

Si le Covid est présent en Bretagne comme ailleurs, les formes graves y sont rares. À Paris, on semble peu se soucier de comprendre pourquoi, et les autorités peinent de plus en plus à faire accepter des restrictions de libertés en décalage avec la réalité locale.


Le Covid, en Bretagne, c’est l’Insee qui en parle le mieux : la région est « la seule de France métropolitaine où l’espérance de vie ne diminue pas » en 2020. Le nombre de décès a augmenté de 1,3 %, mais la pandémie n’y est pour rien. C’était déjà le cas les années précédentes, en raison du vieillissement de la population.

Au pire moment de la première vague de l’épidémie, du 2 mars au 19 avril 2020, alors que la mortalité en France flambait de 26 %, elle montait seulement de 2 % en Bretagne. Au premier semestre 2021, par rapport à 2019, la hausse était de 3 %. 

Bien entendu, il y a eu des morts. Entre le 15 mars 2020 et le 20 août 2021,1 687 décès ont été recensés. Pour 3,3 millions d’habitants, c’est peu. Et sans surprise, ces personnes souffraient souvent de facteurs de comorbidité : âge, obésité, insuffisance respiratoire… Au sein des classes d’âge les plus jeunes, c’est calme. Très calme. Le Sars-Cov-2 a tué 24 personnes chez les 50-59 ans durant toute l’année 2020, cinq chez les 40-49 ans et deux chez les 30-39 ans.

Les courbes de mortalité bretonne 2019, 2020 et 2021 se superposent au point de n’en former qu’une, alors qu’elles divergent énormément en Ile-de-France

L’Agence régionale de santé (ARS) et les préfectures bretonnes ne cachent pas ces chiffres, mais elles ne les mettent pas en avant. Contraints de justifier les restrictions de liberté, les services de l’État dramatisent une situation locale objectivement rassurante. Leur point de vue se défendait jusqu’à présent : il ne fallait pas se réjouir trop vite car le Covid pouvait frapper l’Ouest. Le problème est qu’il ne le frappe toujours pas.

Le 12 juillet dernier, quand Emmanuel Macron a annoncé l’instauration du passe sanitaire, c’était l’explosion dans le Sud et la décrue en Bretagne. Ce mois-là, le nombre d’hospitalisations dans les quatre départements bretons a reculé de 20 %, avant de se stabiliser à un niveau bas. L’été se termine comme il a commencé, avec quelque 380 patients à l’hôpital dont moins de quarante en réanimation [1], certains venant d’ailleurs d’autres régions ! Les hôpitaux bretons les accueillent d’autant plus facilement que depuis le début de la pandémie, ils n’ont jamais été saturés. Interrogé, un infirmier de l’hôpital Laënnec, à Quimper, garde un souvenir paisible de la première vague de Covid. « Toutes les opérations non urgentes avaient été suspendues afin de faire de la place pour accueillir des malades qui ne sont jamais venus, raconte Ronan. Je faisais des nuits de huit heures pendant mes gardes. Si on me demande de le refaire, je resignetout de suite. C’est la période la plus tranquille que j’ai jamais connue, et on m’applaudissait tous les soirs à la télé ! »

A lire aussi: Enquête: Covid-19, le mystère des origines

Comment expliquer cette situation ? « Les Bretons ont été observants par rapport aux mesures barrières », avançait Stéphane Mulliez, directeur de l’ARS Bretagne, dans Le Télégramme,le 31 mai 2021. Doués « d’un sens civique développé »,ils auraient été « responsables durant la crise ». Venant de ce fonctionnaire, c’est une manière de se jeter des fleurs. Faites ce que l’Agence régionale de santé vous dit et tout ira bien… La réalité est moins flatteuse, aussi bien pour l’ARS que pour les locaux. De fêtes de famille en raveparties, en passant par les apéros à peine clandestins, les Bretons ont dérogé comme tout le monde au confinement et aux gestes barrières. Quant aux mesures mises en musique par l’ARS, elles n’ont eu aucun effet visible sur la mortalité. Confinement, déconfinement, sortie autorisée dans un rayon de 1 km, de 10 km, couvre-feu jusqu’à 18 h, 19 h, 23 h : l’impact n’est mesurable que dans l’épaisseur d’un trait. Les courbes de mortalité bretonne 2019, 2020 et 2021 se superposent au point de n’en former qu’une, alors qu’elles divergent énormément dans le GrandEst ou en Île-de-France.

Et pourtant, il est là

Pourtant, le virus est là. Un des premiers clusters repérés dans l’Hexagone, en mars 2020, se trouvait dans le Morbihan, à Auray. Par la suite, il y a eu plusieurs départs de feu laissant craindre le pire. Fin décembre 2020, 27 patients et 18 membres du personnel ont été testés positifs à l’hôpital d’Auray. Au même moment, à l’hôpital de Quimper, une centaine de soignants étaient détectés positifs. Scénario catastrophe, résultat nul. Aucune flambée de Covid mortel n’a été constatée dans les secteurs concernés.

Interrogé par l’AFP en janvier dernier, Pascal Crépey, épidémiologiste à l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP),estimait que le Covid ne vient pas en Bretagne parce que…c’est trop loin ! L’Armorique « est moins un carrefour que d’autres régions de l’est de la France. Et, qui dit moins de flux de populations dit moins de brassages. »Un clic sur le site de l’Observatoire régional du tourisme confirme, au contraire, que la Bretagne brasse énormément : elle a accueilli 12,8 millions de visiteurs en 2020. Plus urbanisé et plus touristique que la Haute-Marne, le département des Côtes-d’Armor enregistre cinq fois moins de morts du Covid par habitant depuis le début de l’épidémie.

Surtout, ne pas chercher à comprendre

Contactée, l’ARS Bretagne n’annonce pas d’investigations en cours sur l’anticluster breton. La priorité du moment, manifestement, est de marteler un discours mobilisateur, taillé à la maille nationale, sans entrer dans des distinguos embarrassants. « Mes interlocuteurs à la préfecture seraient soulagés que le Covid flambe dans le Finistère, pour justifier des mesures qui collent mal à la réalité locale », résume un fonctionnaire du conseil départemental en charge de la prévention et de la santé.

Suprême paradoxe, les Bretons sont en tête dans la course à la vaccination. Fin août, le Nord-Finistère frôlait les 100 % de vaccinés chez les plus de 80 ans. Le chantage au passe sanitaire n’y est pour rien. Avant les annonces du 12 juillet, le taux de vaccination augmentait déjà de dix points tous les mois dans le département.

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Augmente aussi, inexorablement, la colère. Les surfeurs et kayakistes verbalisés au nom du risque sanitaire ont noté avec intérêt la suggestion d’Olivier Véran, le 21 mars 2021, de« s’aérer pour souffler ». Deux semaines plus tard, le gouvernement reconfinait tout le pays. Fixée à 10 km, la limite de sortie autorisée semblait large vue de Paris, mais elle privait de mer des centaines de milliers de Bretons. « Cela fait des mois que je propose d’être un laboratoire du déconfinement », déclarait au même moment le président PS de la région, LoïgChesnais-Girard. « Pas pour faire les malins, mais parce que nous avons la chance d’être dans une situation un peu meilleure. »Personne, au gouvernement, ne l’a écouté.

« Si la Bretagne était la France, aurions-nous été reconfinés ? » titrait Le Télégramme,le 5 avril dernier.

Début août, sur ordre, les préfets bretons ont publié des arrêtés rendant le masque obligatoire dans les périmètres fréquentés des stations touristiques. Certains de ces périmètres, larges de 30 m à peine, se limitaient à un parking en bord de plage. La loi y était fort mal respectée, mais les forces de l’ordre sont restées en retrait. Des gendarmes du Finistère ont fait savoir à des élus locaux que le contrôle des masques ne serait pas leur priorité. À Mellionnec, un village des Côtes-d’Armor, les trois cafés ont décidé collectivement de fermer, plutôt que de contrôler les passes des clients. De samedi en samedi, les manifestations ont pris de l’ampleur à Brest, Lorient, Quimper, Vannes. Dans ces deux dernières villes, ils étaient 2 200 et 3 200, le 14 août. En plein été, c’est inédit. Parmi eux, des anti-vaccins, des complotistes, certes, mais aussi beaucoup de vaccinés, de commerçants exaspérés et de professionnels du tourisme. Jusqu’à présent, ils ont joué le jeu des restrictions. Si le Covid ne frappe pas vite et fort en Bretagne, beaucoup ne le joueront probablement plus très longtemps.


La piste de la sensibilité génétique
L’Insee a enregistré un différentiel considérable de surmortalité en 2020 entre les Français en fonction de leur origine : + 9 % pour ceux qui sont nés en France, + 21 % pour ceux qui sont nés au Maghreb, + 36 % pour ceux qui sont nés en Afrique subsaharienne. Personne, dans notre pays, ne semble pressé de comprendre pourquoi. Ce n’est pourtant pas anodin. Il est possible que les conditions de vie des immigrés les rendent plus vulnérables. Il est possible, aussi, qu’existe une sensibilité génétique aux formes graves du Covid. L’hypothèse est étudiée par un consortium de 3 500 chercheurs et médecins travaillant sur 19 pays (dont la France), la « Covid-19 Host Genetics Initiative », coordonnée par l’université d’Helsinki, le MIT et Harvard. Sont étudiés, pour le moment, des groupes très larges : Asie du Sud-Est, Europe de l’Ouest, Afrique, Océanie, etc. L’hypothèse est que certains de ces groupes puissent présenter une vulnérabilité ou, au contraire, une résistance accrue au Covid. En 2009 déjà, une équipe de l’Institut Pasteur a montré qu’une mutation génétique intervenue il y a 1 500 ans avait renforcé la résistance au paludisme des populations de Thaïlande et des pays voisins. Dans le cas du Covid, Public HealthEngland a tiré la sonnette d’alarme dès juin 2020 : les citoyens britanniques originaires du Bangladesh avaient deux fois plus de risque de mourir que la moyenne. À l’inverse, le Pays de Galles et la Cornouaille, contrées d’origine de la majorité des habitants actuels des Côtes-d’Armor et du Finistère, font partie des secteurs les moins touchés par les formes graves de Covid. Les deux rives de la Manche ont tellement de points communs en dehors de la génétique (climat, mode de vie, etc.) qu’il faut se garder de conclusions hâtives. Qu’un groupe aussi peu différencié génétiquement des autres Européens que les Bretons et les Gallois puisse présenter une particularité médicale quelconque serait vraiment surprenant. Toutefois, ce ne serait pas inédit. L’hématochromatose, un trouble génétique du métabolisme qui empêche d’éliminer le fer, les touche quatre à cinq fois plus que leurs compatriotes. L’explication : une mutation intervenue il y a fort longtemps chez leurs ancêtres communs.

[1] Très exactement : le 18 juin, 383 hospitalisations dont 38 en réanimation ; le 20 août, 372 hospitalisations dont 30 en réanimation.

Le minaret qui cache la forêt

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Kiosque à journaux à Alger, 19 septembre 2021 © Fateh Guidoum/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22607053_000003

La publication d’une photo du convoi funéraire de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika occultant le minaret de la Grande Mosquée d’Alger fait scandale en Algérie. Analyse.


Comme il est facile d’enflammer l’opinion publique algérienne ! Il suffit de prononcer des mots « magiques » comme harkis ou bienfaits de la colonisation pour crisper les uns et énerver les autres. Et pour être sûr de faire l’unanimité contre soi, il suffit de s’attaquer à l’Islam ou de donner l’impression de s’attaquer à l’Islam, pilier de l’identité algérienne ! 

Le journal El Watan vient d’en faire les frais bien malgré lui. Sa une du lundi 20 septembre a illustré les obsèques du président Bouteflika avec une photo de laquelle a été retiré le minaret de la Grande Mosquée d’Alger. Simple erreur technique selon la rédaction du journal. Émoi au sein du gouvernement qui évoque une « atteinte flagrante à la mémoire du peuple algérien » et promet des poursuites judiciaires.  Le minaret, en effet, est une prouesse technique puisqu’il est le plus haut au monde, totalisant plus de 265 mètres de hauteur ! Le complexe de la mosquée occupe, lui, presque 28 hectares. L’ensemble a été voulu par l’ancien président Bouteflika comme une sorte de témoignage de son règne, à l’image de ce qu’a fait Mitterrand avec la Grande Pyramide du Louvre.

Ne ricanez pas

Sur le fond, les deux parties ont raison. Le journal n’a pas effacé le minaret pour le plaisir de provoquer ses lecteurs. Le gouvernement a parfaitement le droit d’exiger que la presse rende compte du réel sans en effacer ce qui la gêne ou lui déplaît. Après tout, est-ce que vous accepteriez que le journal Libération retire la silhouette de la Tour Eiffel d’une photo panoramique de la capitale française ? Ou que Le Monde efface le Sacré Cœur d’un cliché de Montmartre par réflexe anticatholique ? 

A lire aussi, Erwan Seznec: Algérie: les aventuriers de l’autoroute perdue

En tant que Marocain, mon réflexe premier a été de ricaner devant cette polémique algéro-algérienne qui ne manque pas de piquant. En effet, la Grande Mosquée a coûté plus de 750 millions d’euros et a été construite par une entreprise chinoise qui a employé des ouvriers chinois en majorité. Donner une fortune à une puissance étrangère qui ne daigne même pas employer la main d’œuvre locale, n’est-ce pas un renoncement à la souveraineté ? N’est-ce pas une insulte aux héros de la révolution algérienne ?

Wikimedia Commons

Mais, se moquer des Algériens serait malvenu de la part d’un Marocain puisque le Maroc lui-même a succombé à la tentation de construire des minarets gigantesques. Casablanca a bien sa grande mosquée, érigée sur l’eau, et dont l’édification a été en grande partie assurée par le Groupe Bouygues, une société étrangère. Inauguré en 1993, son minaret pointe à plus de 200 mètres !

Dubaï et le Qatar, des modèles ?

Algériens et Marocains ont en commun une fascination commune pour les mosquées gigantesques. Au-delà du culte religieux, il y a peut-être un amour inavouable pour le ciment, le marbre et le verre. Le Maroc est en train de construire la plus haute tour d’Afrique : pourquoi faire ? Que veut-il prouver au monde ? Qu’il sait installer des ascenseurs et des climatiseurs en altitude ? L’humanité est déjà rassasiée de grands travaux : l’homme a déjà mis les pieds sur la Lune. Il est assoiffé de réponses simples et innovantes aux questions existentielles qui le taraudent : comment concilier la foi et le tout-technologique ? Comment préserver l’éthique dans un monde où la technologie peut tout dont manipuler le vivant ? Comment lutter contre la pandémie mondiale du stress et de la dépression nerveuse qui ravage les cœurs et les esprits ? Quel avenir pour la famille, ultime territoire interdit à la marchandisation?  Est-ce que la radicalité est la seule manière de provoquer le changement ?

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Ces questions sont universelles, le premier à y répondre aura l’attention des peuples où qu’ils soient. Le Maghreb devrait apporter sa pierre à l’édifice et participer à la marche du monde en formulant des réponses uniques et originales. Pour l’instant, il se tait, car il n’a rien à dire. Ses élites préfèrent mimer Dubaï et le Qatar dans une sorte de « guerre froide » du BTP et des éléphants blancs.

Jeunesse désespérée

Le Maroc et l’Algérie, pour ne citer que ces deux pays, auront quelque chose à dire au monde, le jour où ils s’occuperont de leur matière humaine. Or, les deux ignorent superbement l’être humain, lui préférant les gadgets et les matériaux composites. L’éducation, publique et privée, est en crise. L’hôpital est une antithèse du soin et de l’empathie. La culture va mal. La langue est en décrépitude, étant devenue un mélimélo de termes et de bouts de phrase importés du français afin de combler les insuffisances de l’arabe. La misère est partout. Le désespoir de la jeunesse crève le cœur. Année après année, les jeunes se jettent à l’eau (littéralement), préférant devenir des MNA en Europe que de vivre dans des pays mal-gouvernés.

Et pourtant, rien ne change. Et parce que rien ne change, l’on s’obstine à trouer le sol et à en faire sortir des monstres d’acier, un moyen comme un autre de cacher l’impuissance d’une civilisation à aimer ses enfants et à les élever au-dessus d’eux-mêmes. Au sud de la Méditerranée, on se méfie de l’humain, on le craint et on le confine dans l’ignorance et la médiocrité. Au nord de la Méditerranée, on fait confiance à l’humain et on voit en lui la solution et non le problème. Mais je devrais peut-être conjuguer au passé cette dernière phrase à la lumière du saccage en cours de l’école et de la culture en France…

De grâce, laissez-nous parler de politique!

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Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon débat avec Eric Zemmour ce soir à 20h45 sur BFMTV

Oublions les boules puantes de la presse people et regardons plutôt le débat Zemmour / Mélenchon ce soir sur BFM TV!


Un goût amer de déjà-vu : dès qu’un candidat parle vraiment de politique, comme s’il s’avisait d’ouvrir la boîte de Pandore, il faut trouver à toute vitesse moyen de changer de sujet. En 2017, la candidature de François Fillon, seule à créer les conditions du choix, et donc du débat, se perdait dans les sables d’une affaire aux confins du médiatique et du judiciaire, à la frontière décidément poreuse entre morale et opportunisme politique.

En 2022, à peine Eric Zemmour a-t-il troublé le ronronnement d’une pré-campagne qui s’annonçait comme un nouveau navet – mauvais acteurs jouant un scénario déjà connu, à écouter, s’il le faut vraiment, en fond sonore – que l’on jette entre ses pieds une polémique douteuse et, pour le dire crûment, en-dessous de la ceinture. Faut-il y voir la main du Pouvoir, comme le candidat putatif ? C’est une possibilité, après tout, les liens opaques et mutuellement bénéfiques entre « presse people » et politique ayant déjà nourri les soupçons de l’institution judiciaire. Mais enfin, si l’on se demande, comme Cicéron, Cui bono ? – à qui profite le crime ? – je vois sans peine d’autres suspects.

La jalousie, d’abord : jalousie des autres candidats, face à un intrus qui ne vient ni du sérail, ni du cursus honorum, face à un candidat qui n’est même pas candidat mais s’impose déjà comme la principale attraction des élections présidentielles, face à des sondages qui sont aussi flatteurs pour lui qu’inquiétants, voire humiliants pour les autres ; jalousie de ses futurs-anciens confrères, qui ne manquaient déjà aucune occasion d’accompagner ses succès d’audience par des règlements de compte au sein des rédactions ; et jalousie peut-être, après tout, si l’on continue dans la veine du vaudeville, d’un soupirant éconduit par la « radieuse directrice de campagne (…) indispensable et solaire » que décrit Paris-Match.

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La paresse, aussi, est un suspect prometteur : à voir le décalage entre les questions posées à l’écrivain lors de récentes interviews et ses réponses, ou, pour être plus exact au risque d’être plus cruel, à voir le contraste entre les ressassements de bonnes consciences au mieux engourdies, au pire confites, et la paradoxale fraîcheur de positions pourtant largement répandues dans la société française, on peut imaginer que certains veuillent remettre à plus tard une douloureuse et laborieuse mise-à-jour du logiciel.

Je ne continuerai pas la liste des sept péchés capitaux (avis aux amateurs d’orthographe) : l’orgueil encore, la colère, la cupidité sont peut-être le coupable, la luxure, ma foi… a déjà joué sa part. Pour ma part, je revendiquerai, avant, bien sûr, de faire contrition, la gourmandise : car, après des années, non, des décennies de jeûne, j’ai un appétit féroce pour un véritable débat politique et la confrontation des idées !

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Trappes: Jean Messiha ne fait pas dans la dentelle

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Jean Messiha © JP PARIENTE/SIPA Numéro de reportage : 01020040_000002

Le chroniqueur Jean Messiha est poursuivi pour injure


Le 11 février, Jean Messiha, ex-RN, débatteur redoutable connu des téléspectateurs de CNews et de la patronne (il fait profiter occasionnellement nos lecteurs de ses contributions), se fendait d’un message polémique sur Twitter. Bien mal lui en a pris. 

À la suite de sa publication, il a été auditionné pendant toute une matinée au commissariat, les policiers n’avaient sûrement rien de plus urgent à faire. Et il a finalement comparu lundi devant le tribunal de Versailles, suite à une plainte pour injure publique du préfet des Yvelines Jean-Jacques Biot.

Messiha abîme la belle dentelle du préfet

Messiha, dont le compte Twitter est suspendu, réagissait en février à des propos concernant l’affaire Didier Lemaire, propos tenus par le préfet et rapportés par le journal Le Monde : “Trappes est un terrain difficile et délicat, nous faisons dans la dentelle et voilà que M. Lemaire arrive avec un bulddozer et saccage nos efforts”

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Didier Lemaire est ce professeur de philosophie lanceur d’alerte qui avait dénoncé l’islamisation de la ville de Trappes, et avait été placé sous protection policière par le ministère de l’Intérieur. Il a depuis arrêté d’enseigner et publie ces jours-ci son témoignage chez Robert Laffont [1]. Quant au maire d’extrème gauche de la ville Ali Rabeh qui l’avait pris en grippe, son élection a été invalidée entre temps.

En désaccord et agacé par les propos du préfet qui ne soutenait donc pas franchement le prof, Messiha indiquait sur Twitter que l’islamisme avait désormais “un ami dans les Yvelines” qui n’était “pas content” que la “réalité de l’occupation islamique de la ville de Trappes” soit révélée. Il finissait son analyse de la situation par cette phrase au cœur des débats du tribunal : “La collaboration des préfets, un triste retour des heures les plus sombres”

Messiha est-il allé trop loin ? Le procureur de la République estime que oui. Il a requis pas moins de 12 000 euros d’amende contre le chroniqueur. La liberté d’expression, ça peut coûter cher !

L’accusé parle à Causeur

Au lendemain de l’audience, Messiha se confie à Causeur, impartial juge de paix. 

Est-il confiant quant à l’issue du procès ? Raisonnablement, oui. Messiha nous dit : “Toute la partie adverse a argumenté autour de l’idée que j’aurais injurié le préfet. En appui de cette assertion, elle affirme que j’aurai traité le préfet de “collabo”. Or, je ne l’ai pas traité de collabo, j’ai parlé de la “collaboration des préfets”, sans le mettre lui directement en cause. Le dossier est assez vide. Le procureur de la République a fait d’entrée de jeu de la politique et a voulu me ridiculiser, me prenant de très haut, disant que je ne valais guère mieux que les racailles qu’il voit défiler chaque jour dans le tribunal. Alors que cela fait quatre ans que je suis dans les médias et tiens des propos publics, et que je n’ai jamais été condamné. Il réclame le maximum, 12 000 euros, alors qu’il n’était requis que 5000 € contre le rappeur Nick Conrad qui appelait à tuer les Blancs, par exemple”. 

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Regrette-t-il ses propos ? Reconnait-il une certaine outrance ? Oui… mais non. “Il y a sans doute des propos un peu hardis, mais il n’y a pas de haine ni de violence dans mes propos contre le préfet. Dans cette affaire, j’ai présenté mes excuses d’entrée de jeu, non pas pour ce que j’ai dit, mais des excuses si le préfet considère comme des insultes contre sa personne ce que j’avais dit, s’il faisait une telle interprétation, alors que ce n’était pas dans mon intention initiale” nous explique Jean Messiha. “Je rappelle que nous étions dans un contexte incandescent suite à la mort de Samuel Paty, et qu’un autre professeur, Didier Lemaire, venait de faire un descriptif de la ville de Trappes qu’il présentait comme tombée aux mains des islamistes. C’est d’abord le préfet qui avait chargé le professeur Didier Lemaire en l’accusant de jeter de l’huile sur le feu”. 

Dans cette affaire, effectivement, c’est rétrospectivement le préfet Biot qui le premier entre dans l’arène politique avec ses propos repris par le journal Le Monde. Ce n’est qu’ensuite que Messiha embraie avec le message aujourd’hui incriminé. “Je n’ai pas attaqué le représentant de l’État. C’est le représentant de l’État, soumis à un devoir de réserve, qui était sorti de cette réserve et a voulu prendre part au débat public et au débat politique. Or dans le débat politique, il faut accepter de prendre des coups si on y prend part !” se défend Messiha. Originaire d’un pays – l’Égypte – où sa famille a assisté au tournant des années 70 à la montée terrible de l’islamisme, Messiha estime être le mieux placé pour savoir les menaces qui montent dans certains territoires de la République française. 

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Si les propos de Messiha sont outranciers, il est cocasse de noter que lui-même reçoit de ses détracteurs une pluie d’autres termes historiques dédaigneux utilisés dans le débat public (“extrême-droite”, “facho”). Mais lui ne moufte pas et ne va jamais porter plainte. Le tribunal rendra son verdict le 18 octobre. En attendant, ses avocats viennent de déposer un référé pour qu’il puisse récupérer son compte Twitter. De leur côté, Nick Conrad ou les Talibans peuvent librement publier sur le réseau social…


[1] Lettre d’un hussard de la République

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Peter Boghossian: le mouvement woke empêche les gens de penser… voire de travailler

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Peter Boghossian, 2020 © John Rudoff/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30199133_000008

La récente démission de Peter Boghossian, professeur de philosophie à l’Université de Portland, située dans l’Oregon, à la suite du harcèlement commis par des activistes et militants d’extrême gauche à son encontre, n’est qu’un arrêt banal rendu par le tribunal wokien. Récit.


Dans une déconcertante lettre de démission relatée par le Times, M. Boghossian constate que l’Université dans laquelle il travaillait depuis une décennie n’est plus un lieu d’enseignement ouvert et tolérant, mais une véritable «usine de justice sociale».

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Au gré des journées d’enseignement, relatent le professeur et certains de ses confrères, des sacs de déjection étaient déposés devant la porte de son bureau, et des croix gammées juxtaposées à son prénom dans les cabinets. Sa personne a également été la cible d’agissements hostiles. Regards menaçants dans les couloirs… interruptions de cours magistraux… Et, suprême degré de l’ignominie, crachats vers lui dirigés ! Mais pourquoi un tel état de fait, et de défaite de la concorde universitaire ? Cela s’explique notamment parce que Boghossian était l’auteur d’études volontairement ubuesques parues dans des revues scientifiques en 2018, dans le but de mettre en exergue les abus de certaines disciplines académiques. Aussi, peut-on lire, parce qu’il aurait osé questionner la pertinence de l’instauration de «safe spaces», ou d’une notion foisonnante telle que celle de l’«appropriation culturelle». C’en est assez pour devenir un démon, aux yeux de certains anges ne connaissant ni pêché ni pardon. En résultent des conditions de travail humainement lamentables, causées par la couardise de certains collègues délateurs espérant s’octroyer une immunité professorale, et la horde agglutinée de wokes voulant tout raturer, même l’enseignement. L’intolérance idéologique muée en harcèlement moral l’a conduit vers la démission, ne pouvant plus oeuvrer librement, ce qu’il s’astreint à expliquer dans sa lettre intégralement publiée le 8 septembre.

Evergreen: la contagion woke s’étend

Assurément, la liberté académique, pourtant érigée par la Cour Suprême des Etats-Unis comme un principe fondamental corrélé à la liberté d’expression, est bel et bien mise à rude épreuve, que ce soit à Portland ou à Evergreen. 

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Qu’est-ce que cela reflète sur le wokisme, si l’on s’éloigne de ce cas précis ?

D’abord, qu’il est bel et bien un mouvement d’éveil. Mais un mouvement d’éveil des absurdités de l’esprit individualiste, incapable de résoudre ses antinomies entre convictions «humanistes» et éducation décousue et irréfléchie fournie par le numérique. Ensuite, qu’il est le réceptacle des tares de l’individu moderne ; qui refoule autorité et verticalité, et n’importe quel ordre, fût-il moral, social, ou culturel. Enfin, que les chantres de la «gauche progressiste», croyant savoir manier le langage et la doctrine juridique des droits de l’Homme, sont les premiers à les bafouer.

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Une redoutable censure

Ils brandissent dans leurs mains des pancartes revendiquant leurs droits à la liberté d’expression, d’association, de conscience, mais de leurs bouches jaillit un torrent destructeur qui sape ces mêmes prétentions. Écrire, parler et imprimer ne devrait être toléré que si le discours en question sied à ces redoutables censeurs, juges et procureurs.

Est-il bien étonnant que l’Université, jadis si prestigieuse, soit prise en otage par les zélateurs de ce fatras idéologique ? Nous répondrons que c’est absolument logique. L’Université transmet un savoir, et par définition, toute connaissance dépasse, par sa longévité et sa préexistence, l’élève qui la découvre. Cependant, le «wokisme» n’entend composer qu’avec ce qui est néo-compatible, autrement dit en adéquation presque mathématique avec la matrice de ses convictions : la maladroite réforme des idées révolutionnaires et marxistes.

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On comprend alors que la figure du professeur, élevé par l’accumulation de savoirs et de réflexion, accrédité par son diplôme d’excellence, enseignant depuis sa chaire l’héritage des Anciens, suscite l’aversion des plus immodérés.

De la jeunesse mondialisée aurait pu surgir un élan proprement humaniste et acceptant les règles de la démocratie moderne, représentative et participative, jouant le jeu du sain pluralisme requis par toute société où chacun n’est pas un loup pour l’autre. Mais voilà, l’œcuménisme censément caractéristique du monde universitaire, le bouillonnement créateur et la liberté d’enseignement ne peuvent plus voguer sur l’océan de la connaissance, car les pirates éveillés, illuminés par leur pénombre, voient dans toute trace du passé un ennemi dangereux, qu’on ne peut combattre qu’en lui sabrant la langue. «Le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout». Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe.

Touche pas à ma pute

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© Thomas SAMSON / AFP

Le réglementarisme de l’État a toujours échoué à protéger les travailleurs et travailleuses du sexe


Depuis qu’elle est « ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes », Élisabeth Moreno défend bec et ongles la loi d’avril 2016 visant à « renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » à travers la pénalisation des clients et la « création d’un parcours de sortie de la prostitution ». Cinq ans plus tard, elle souhaite mener plus loin cette croisade en développant sa mission de reconversion professionnelle. Cette immixtion de l’État nounou dans les affaires des filles de joie n’est pas du goût de tous.

Fausse bonne idée

Le 2 juin, le Syndicat du travail sexuel en France (Strass) a fait publier sur la toile un « Manifeste féministe pro-droits des travailleurs et travailleuses du sexe ». Signé par une pléthore d’associations, de travailleurs sexuels et de personnes engagées aux côtés de ces derniers, ce long texte ne mâche pas ses mots. « Fausse bonne idée, la pénalisation des clients pousse les travailleur.se.s du sexe à exercer dans des lieux encore plus isolés et reculés », tonnent les militants, avant de fustiger « le réglementarisme » de l’État qui, soulignent-ils, « a toujours échoué à protéger les travailleur.se.s du sexe ».

« L’arsenal législatif de droit commun visant la traite, l’exploitation, le travail forcé, l’esclavagisme et les violences existe déjà et doit pouvoir être mobilisé », rappellent-ils, estimant que « les politiques publiques restrictives actuelles dirigées ou conditionnées à la sortie de la prostitution mettent de côté la vaste majorité des personnes pour lesquelles ces dispositifs ne sont pas adéquats ». Enfin, les militants lancent que « le féminisme pute n’est pas un oxymore », ajoutant que « le travail du sexe s’inscrit dans le combat pour la reconnaissance du travail des femmes ».

Un message lapidaire qui risque de donner de l’urticaire aux féministes autoproclamés. Quant aux velléités purificatrices de la ministre, elles pourraient finir par provoquer une grève générale de ces « travailleur.se.s du sexe ».