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Peter Boghossian: le mouvement woke empêche les gens de penser… voire de travailler

Démission et frilosité à l’Université. Ou comment l’obscurantisme de la gauche juvénile chasse le débat d’idées...


Peter Boghossian: le mouvement woke empêche les gens de penser… voire de travailler
Peter Boghossian, 2020 © John Rudoff/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30199133_000008

La récente démission de Peter Boghossian, professeur de philosophie à l’Université de Portland, située dans l’Oregon, à la suite du harcèlement commis par des activistes et militants d’extrême gauche à son encontre, n’est qu’un arrêt banal rendu par le tribunal wokien. Récit.


Dans une déconcertante lettre de démission relatée par le Times, M. Boghossian constate que l’Université dans laquelle il travaillait depuis une décennie n’est plus un lieu d’enseignement ouvert et tolérant, mais une véritable «usine de justice sociale».

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Au gré des journées d’enseignement, relatent le professeur et certains de ses confrères, des sacs de déjection étaient déposés devant la porte de son bureau, et des croix gammées juxtaposées à son prénom dans les cabinets. Sa personne a également été la cible d’agissements hostiles. Regards menaçants dans les couloirs… interruptions de cours magistraux… Et, suprême degré de l’ignominie, crachats vers lui dirigés ! Mais pourquoi un tel état de fait, et de défaite de la concorde universitaire ? Cela s’explique notamment parce que Boghossian était l’auteur d’études volontairement ubuesques parues dans des revues scientifiques en 2018, dans le but de mettre en exergue les abus de certaines disciplines académiques. Aussi, peut-on lire, parce qu’il aurait osé questionner la pertinence de l’instauration de «safe spaces», ou d’une notion foisonnante telle que celle de l’«appropriation culturelle». C’en est assez pour devenir un démon, aux yeux de certains anges ne connaissant ni pêché ni pardon. En résultent des conditions de travail humainement lamentables, causées par la couardise de certains collègues délateurs espérant s’octroyer une immunité professorale, et la horde agglutinée de wokes voulant tout raturer, même l’enseignement. L’intolérance idéologique muée en harcèlement moral l’a conduit vers la démission, ne pouvant plus oeuvrer librement, ce qu’il s’astreint à expliquer dans sa lettre intégralement publiée le 8 septembre.

Evergreen: la contagion woke s’étend

Assurément, la liberté académique, pourtant érigée par la Cour Suprême des Etats-Unis comme un principe fondamental corrélé à la liberté d’expression, est bel et bien mise à rude épreuve, que ce soit à Portland ou à Evergreen. 

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Qu’est-ce que cela reflète sur le wokisme, si l’on s’éloigne de ce cas précis ?

D’abord, qu’il est bel et bien un mouvement d’éveil. Mais un mouvement d’éveil des absurdités de l’esprit individualiste, incapable de résoudre ses antinomies entre convictions «humanistes» et éducation décousue et irréfléchie fournie par le numérique. Ensuite, qu’il est le réceptacle des tares de l’individu moderne ; qui refoule autorité et verticalité, et n’importe quel ordre, fût-il moral, social, ou culturel. Enfin, que les chantres de la «gauche progressiste», croyant savoir manier le langage et la doctrine juridique des droits de l’Homme, sont les premiers à les bafouer.

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Une redoutable censure

Ils brandissent dans leurs mains des pancartes revendiquant leurs droits à la liberté d’expression, d’association, de conscience, mais de leurs bouches jaillit un torrent destructeur qui sape ces mêmes prétentions. Écrire, parler et imprimer ne devrait être toléré que si le discours en question sied à ces redoutables censeurs, juges et procureurs.

Est-il bien étonnant que l’Université, jadis si prestigieuse, soit prise en otage par les zélateurs de ce fatras idéologique ? Nous répondrons que c’est absolument logique. L’Université transmet un savoir, et par définition, toute connaissance dépasse, par sa longévité et sa préexistence, l’élève qui la découvre. Cependant, le «wokisme» n’entend composer qu’avec ce qui est néo-compatible, autrement dit en adéquation presque mathématique avec la matrice de ses convictions : la maladroite réforme des idées révolutionnaires et marxistes.

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On comprend alors que la figure du professeur, élevé par l’accumulation de savoirs et de réflexion, accrédité par son diplôme d’excellence, enseignant depuis sa chaire l’héritage des Anciens, suscite l’aversion des plus immodérés.

De la jeunesse mondialisée aurait pu surgir un élan proprement humaniste et acceptant les règles de la démocratie moderne, représentative et participative, jouant le jeu du sain pluralisme requis par toute société où chacun n’est pas un loup pour l’autre. Mais voilà, l’œcuménisme censément caractéristique du monde universitaire, le bouillonnement créateur et la liberté d’enseignement ne peuvent plus voguer sur l’océan de la connaissance, car les pirates éveillés, illuminés par leur pénombre, voient dans toute trace du passé un ennemi dangereux, qu’on ne peut combattre qu’en lui sabrant la langue. «Le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout». Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe.



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