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Passe vaccinal: jusqu’à la gauche…

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L’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen affirme que “nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas.” La Déclaration ayant été intégrée au bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, ce passe vaccinal, qui devrait entrer en vigueur en fin de semaine, et dont les promoteurs ont reconnu qu’il était une « obligation vaccinale déguisée », ne devrait-il pas être inconstitutionnel ?


Cette affaire de passe vaccinal, qui devrait entrer en vigueur le 20 janvier, alors même que tous les paramètres de l’épidémie reculent, est incompréhensible, pour ne pas dire scandaleuse. On mène aujourd’hui la guerre contre l’ennemi d’hier, et avec les connaissances d’hier. 

Le passe sanitaire pouvait se comprendre quand les variants précédents emplissaient les réanimations, et qu’on pensait que le vaccin réduisait drastiquement la contagiosité, donc que seuls les non-vaccinés transmettaient un virus très dangereux. 

Un bazooka pour tuer une mouche

On sait désormais que le vaccin nous protège des formes graves, mais ne protège pas les autres. Certes, les vaccinés sont légèrement moins contagieux, mais la différence est trop peu significative pour que l’on puisse imputer la circulation du virus aux non-vaccinés. Du reste, Olivier Véran a admis que rien n’arrêterait Omicron. Qui, heureusement, ressemble dans la grande majorité des cas à un gros rhume. Alors que des millions de Français ont été contaminés en quelques semaines, le gouvernement déclare pourtant que, si l’épidémie recule, c’est grâce aux mesures prises à la fin de l’année dernière. Si je comprends bien, on ne peut pas l’arrêter mais c’est grâce à la grande sagesse de nos gouvernants qu’on l’a arrêté. Logique. Il est très probable en effet que l’interdiction de boire et de manger dans les TGV (interdiction ramenée à une autorisation de se sustenter « brièvement ») ait fortement impressionné le virus qui, justement, était tapi dans l’ombre, attendant qu’on ouvre la bouche pour s’y jeter. Faudra songer à nous interdire de parler, sinon brièvement. 

Au final, ce passe voté à contretemps s’apparente à un bazooka pour tuer une mouche. Et en prime il la rate. 

A lire aussi, du même auteur: Moreno, drame de la parité

Toutefois, s’il était seulement inutile, ce ne serait pas grave. Mais il est aussi dangereux pour la vie de la Cité, dès lors qu’il instaure, sans souci de proportionnalité, un nouveau régime de liberté surveillée. Des contraintes souvent absurdes et toujours excessives pèsent sur tous les Français, non-vaccinés et vaccinés, ces derniers étant priés de montrer patte blanche sanitaire à tout bout de champ. Ainsi, alors que l’arrêté imposant le port du masque à l’extérieur en Ile-de-France ayant été retoqué par le Tribunal administratif, on nous en annonce un nouveau, plus précis. Alors que moins de 1% des contaminations ont lieu à l’extérieur, il s’agit, paraît-il, pour le gouvernement, de ne pas perdre la face. En nous obligeant à cacher la nôtre, merci bien ! 

Institutionnalisation de la peur

L’Assemblée nationale a également rétabli la possibilité, pour les restaurateurs et organisateurs de spectacles, de contrôler les identités. Les chefs d’entreprise sont également sommés de devenir les garde-chiourmes de l’ordre sanitaire en vérifiant que chacun a sa dose de télétravail. Qui nous dit que demain, une autre loi n’étendra pas l’obligation du passe à d’autres circonstances ou d’autres tranches d’âge? Et que fera-t-on si un virus beaucoup plus létal nous tombe dessus ? On demandera à l’armée de nous livrer nos repas comme en Chine ? 

Nous assistons à l’institutionnalisation de la peur. Pour ses ardents défenseurs, le passe vaccinal est justifié par l’éventuelle survenue de nouveaux variants plus redoutables. Il y aura peut-être une guerre nucléaire dans dix ans, devons-nous vivre dans des abris ? Nous prémunir contre une invasion de sauterelles géantes ? On voit que le principe de précaution n’est pas seulement inscrit dans la Constitution, il s’est insinué dans nos âmes, nous rendant incapables d’affronter le risque et plus encore l’incertitude.  

Notre numéro en kiosques: Causeur #97: Sarkozy présumé coupable

Enfin, le passe désigne les non-vaccinés comme de mauvais citoyens, qui seront donc mis au pain sec et à l’eau, alors même qu’aucune loi n’impose la vaccination. L’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen affirme : “Nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas.” CQFD. La Déclaration ayant été intégrée au bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel himself, ce passe, dont les promoteurs ont reconnu qu’il était une « obligation vaccinale déguisée » devrait être inconstitutionnel. 

Le gouvernement est trop trouillard pour imposer la vaccination à ceux qui risquent des formes graves, disons les plus de 55 ans et les patients souffrant de « co-morbidités ». Il invente donc une nouvelle modalité d’interdit entre le légal et l’illégal, qui n’est pas la loi, mais la loi de l’emmerdement maximum.

Propos de Zemmour sur les enfants handicapés: le revers de la polémique

Depuis vendredi, toute la classe politico-médiatique tombe à bras raccourcis sur Eric Zemmour, suite à des propos sur les enfants handicapés, en réalité largement déformés.


Le philosophe Julien Freund avait été profondément marqué par les conséquences d’une torsion de la vérité à laquelle il refusa de prendre part. Pendant la résistance, le chef du groupe auquel il appartenait avait accusé son ancienne maîtresse de collaborer avec la gestapo, après qu’elle eut rompu avec lui ; un procès expéditif fut suivi d’une nuit durant laquelle l’innocente fut violée par les résistants communistes avant d’être exécutée au petit matin. Toute proportion gardée, la méthode du procès expéditif vient encore de faire les preuves de sa praticité, l’écho étant démultiplié dans les médias.

À l’affût d’une faute d’Éric Zemmour, des journalistes et la classe politique se sont précipités sur les mots du candidat quant à l’inclusion de certains enfants handicapés pour se dire choqués en commentant des propos manipulés par leurs soins, chacun des accusateurs trouvant son intérêt dans son indignation feinte. Franchissant ainsi la ligne rouge séparant la décence de l’instrumentalisation d’une cause grave. Libération a même modifié un titre qui pouvait laisser penser que Zemmour avait raison (voir plus bas).

Discutant vendredi avec des professeurs à Honnecourt-sur-Escaut dans l’Aisne, Éric Zemmour avait été interpellé par une enseignante confrontée à la souffrance des enfants handicapés dans ses classes. L’ancien chroniqueur lui avait répondu « qu’il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment », avant d’ajouter : « pour le reste, oui, je pense que l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là, qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu’il faut des enseignants spécialisés qui s’en occupent. » Il a depuis précisé qu’il ne parlait pas du handicap physique et craindre que « l’obsession égalitariste soit le paravent de l’abandon des écoles spécialisées ».

Une instrumentalisation politique malvenue et incohérente

De l’extrême gauche à Marine Le Pen, en passant par Valérie Pécresse qui décida en 2018 de piocher 730 000 euros dans le budget handicap de sa région pour financer une consultation sur les autoroutes, tous pratiquent l’indignation ostentatoire. Emmanuel Macron, qui avait récemment parlé d’emmerder les non-vaccinés, a pu tenter de faire oublier ses mots pour l’instant peu rentables en accusant Zemmour de stigmatiser et diviser. L’appui de parents d’enfants handicapés et de personnalités, y compris comme Céline Pina ou Zohra Bitan, aux propos d’Éric Zemmour, est globalement passé sous silence. Idem concernant celui de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées de 2004 à 2005, que revendique le candidat et qui n’est pas démenti.

Les deux rivales de droite d’Éric Zemmour s’en sont donné à cœur joie, alors que leurs propositions pourraient être comprises comme allant quelque peu dans son sens. Valérie Pécresse déclare dans son programme qu’il faut « mettre en œuvre la scolarisation en milieu ordinaire jusqu’à la fin du collège à chaque fois que c’est possible ». Marine Le Pen affirmait début décembre que « tous les enfants qui peuvent être scolarisés doivent l’être que ce soit en milieu ordinaire ou en ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) ! » Zemmour ne dit pas autre chose, mais avec une formulation renversée : ceux qui ne le peuvent pas seraient plus épanouis dans des établissements adaptés qu’il faut renforcer.

C’est surtout sa critique de l’idéologie de l’inclusion primant le réel qui sert à tenter de faire croire qu’il veut rejeter les enfants handicapés.

Des critiques opportunistes négligeant la réalité

Nul pour rappeler la situation mise en avant par l’enseignante qui faisait part à Zemmour des difficultés. Nul pour se soucier des parents d’enfants atteints de handicaps mentaux contraints de scolariser leurs enfants en Belgique, faute d’écoles spécialisées en France, conséquence de la loi sur l’inclusion. Un reportage de France 2 datant de 2014 [1] témoigne de ces difficultés : des enfants doivent faire des trajets en taxi – y compris depuis Paris – pour rejoindre leurs écoles belges, les frais étant pris en charge par la Sécurité sociale. 3 000 enfants étaient alors concernés. Une situation rappelée ce week-end par le candidat sur France 3 dans l’émission « Dimanche en politique ».

Sur Facebook, l’essayiste de gauche Céline Pina a abondé dans le sens du candidat : « Avant d’enfourcher tout de suite le thème de la dénonciation du 3eme Reich, suite à la proposition d’Éric Zemmour sur le handicap, on peut aussi respirer un coup et ouvrir les yeux sur le fait que tous les handicaps ne peuvent être accueillis à l’école. Notamment les autismes lourds ou les handicaps mentaux. » Mentionnant la souffrance des parents et des enfants confrontés à cette inadaptation, Céline Pina affirme que le discours sur l’inclusion « a été un attrape-gogo et a servi à tous les gouvernements à se donner bonne conscience tout en laissant tomber la problématique du handicap. » Une hypocrisie qui a permis de réaliser de « substantielles économies », relève-t-elle.

Un biais médiatique relevant du parti pris

Si les témoignages de parents d’enfants atteints de handicaps affluent en faveur d’Éric Zemmour sur Twitter ou Youtube, les médias ont choisi de ne retenir que les critiques de certains représentants associatifs. Ont été mises en avant la colère de Jean-Louis Garcia, président national de l’Association pour adultes et jeunes handicapés, parlant de « ségrégation », ainsi que celle de la journaliste Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France – et un temps pressentie pour être candidate sous l’étiquette La France insoumise aux législatives de 2017 – dénonçant des propos « discriminatoires » et une « méconnaissance » du candidat sur le sujet.

Ces deux responsables objectent à Zemmour la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce renvoi à la loi n’est cependant pas argument d’expérience qui contredirait Zemmour, mais un argument d’autorité alors que c’est cette norme qui engendre le problème.

La présentation biaisée par des médias militants

Les propos ont généralement été restitués par la presse écrite, les autres médias les ont résumés, mais tous ont insisté sur la polémique, souvent en présentant d’emblée Zemmour comme le candidat non pas de Reconquête mais « d’extrême droite », une façon d’indiquer par quel prisme entendre ses dires.

Du côté de Libération, on a carrément remplacé le premier intitulé d’un billet « Scolarisation des élèves handicapés : Et si Zemmour avait raison ? » par « Scolarisation des enfants handicapés : si l’école déraille, Zemmour défaille ». Il ne faudrait pas que des lecteurs survolant les titres pensent mal…

Dans Challenges, Maurice Szafran a signé un éditorial intitulé « Zemmour ou la définition du salaud en politique ». Après avoir assuré que le candidat s’en prenait aux immigrés et aux Juifs, afin de bien convaincre de la nocivité de ses propos sur les enfants handicapés, Szafran a poursuivi sa tentative de convaincre en cherchant à discréditer ses objections par la reductio ad hitlerum et l’émotion : « »Faux procès », clame le candidat raciste, « mots détournés », insiste-t-il. Ses explications a posteriori ne lui servent à rien car cette sortie sur les enfants handicapés a provoqué émotion, chagrin, et colère dans les tréfonds de la société française. » Ainsi présentée, la charge est censée ne pas pouvoir être réfutée.

Que Szafran ait été accusé en mars 2017 par la Société des Journalistes de Challenges de rouler pour Macron et de manquer d’équilibre dans ses papiers ne doit, bien entendu, pas laisser penser qu’une telle attaque est militante…


Lévy sans interdit

Dans cette affaire, notre directrice de la rédaction a surtout vu des indignations à gogo et peu d’arguments…

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=3AY7_PQq1t0

[Vidéo] Bien sûr, la cancel culture n’existe pas

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La cancel culture n’existe pas ! ce n’est qu’une illusion. Voilà ce qu’une certaine gauche veut nous faire croire.


Il s’agit d’un procédé qu’on appelle le « gaslighting » – ou en français canadien, « le détournement cognitif » – procédé qui consiste à faire accepter à quelqu’un un faux récit pour le convaincre qu’il est un coupable et non une victime.

Ainsi, si vous croyez que la cancel culture existe – que, par exemple, dans les universités, des cours sont suspendus, des invitations à des conférenciers extérieurs annulées, des personnes chassées de leur poste uniquement pour des raisons idéologiques – c’est parce que vous êtes un méchant d’extrême droite qui n’acceptez pas la critique de la part des minorités privées de voix.

C’est Laure Murat qui le dit

En France, le fer de lance de ce gas lighting est Laure Murat, professeurE à l’université de Californie à Los Angeles, qui mène une croisade contre l’existence de la cancel culture.

Déjà, le 1er août 2020, elle a soutenu dans Le Monde qu’il s’agit simplement d’une forme de contestation politique prônée par des minorités « excédées par l’impunité du pouvoir et la passivité des institutions face au racisme, à l’injustice sociale, au sexisme » etc. (J’adore les litanies, mais pas aujourd’hui). Le 1er octobre, dans une interview avec Mediapart, elle maintient que c’est une réponse légitime à l’impunité des dirigeants des pouvoirs publics et de nos institutions qui nient l’existence des rapports de domination entre eux et les minorités.

Maintenant, elle récidive et va plus loin dans un petit livre qui vient de paraître dans une nouvelle collection – sinistre – aux Éditions du Seuil qui nous promet des textes de Thomas Piketty et Clémentine Autain. Le brûlot de Laure Murat s’intitule Qui annule quoi ?, et son message fondamental est que personne n’est annulé – « cancelled ». Au cours de la semaine qui a suivi le colloque anti-woke à la Sorbonne, elle a fait le tour des radios habituelles pour répandre la bonne parole. Lundi 10 janvier, sur France Inter, elle affirme que la cancel culture est une pure invention de l’extrême droite pour dénoncer ce qui est en réalité une « culture de la protestation. » Selon elle, « le concept de cancel culture n’est pas si clair parce qu’il n’existe pas, tout simplement. »

Donc, en 2019, l’université de Cambridge n’a pas annulé le poste de professeur invité qu’elle avait proposé au Canadien Jordan Peterson, coupable de donner des arguments contre l’usage de pronoms « non-binaires » ? En 2020, l’historien Bruce Gilley n’a pas vu annuler par son éditeur un contrat pour la publication de sa biographie d’un fonctionnaire et apologue de l’Empire britannique ? En 2021, l’American Humanist Association n’a pas retiré le titre d’« humaniste de l’année » qu’elle avait décerné, en 1996, au chercheur Richard Dawkins, coupable d’émettre des doutes quant au sexe des personnes transgenres ? Et Klaus Kinzler, professeur à Sciences Po Grenoble, n’a pas été suspendu pour avoir critiqué l’emprise du wokisme sur les programmes de cette institution ?

Dans son petit livre, Laure Murat esquive toute cette question en se focalisant uniquement sur celle des statues déboulonnées par des foules de manifestants. Elle y voit un rejet légitime d’une histoire officielle qui efface les injustices infligées aux minorités par les nations occidentales au cours des siècles.

Premier problème : peut-on vraiment prétendre aujourd’hui qu’il n’y a pas d’études, de publications, de cours qui parlent de ces injustices ? Notre difficulté aujourd’hui consiste en réalité à ne plus pouvoir débattre de ces questions : ceux qui, comme Bruce Gilley, contestent la réduction de l’histoire à une série d’injustices font l’objet de tentatives pour les exclure du débat.

Deuxième problème : peut-on laisser l’écriture de l’histoire à des émeutes de gens en colère dont les connaissances historiques laissent à désirer ? Laure Murat, elle-même historienne, répète comme monnaie courante des assertions qui ne vont pas de soi. En 2020, la statue de Winston Churchill à Londres a été taguée deux fois par des manifestants qui l’ont accusé d’être raciste. Laure Murat approuve, citant sa prétendue responsabilité personnelle dans la famine du Bengale en 1943. Sauf que là il s’agit véritablement d’un mythe, promu d’abord dans un livre complotiste publié en 2010 par une journaliste bengali-américaine dont les données ont été contestées par Amartya Sen, économiste et lauréat du prix Nobel. Si les historiens jugent mal les faits historiques, comment se fier à des foules en colère ?

Troisième problème qui s’applique à tous les cas de cancel culture : nous vivons à une époque où justement il est inacceptable d’avoir un comportement raciste, sexiste ou intolérant. Dans ce contexte, être accusé, même faussement, de racisme, de sexisme ou d’intolérance est comme être traité de pédocriminel : même un innocent voit sa réputation salie de manière permanente. C’est ça, l’injustice profonde de la cancel culture !

On fait tout un fromage des propos du candidat coco à la présidentielle

Nous en avons vu un exemple récent avec Fabien Roussel, candidat du PCF à la présidentielle. Il me semblait déjà le candidat le plus sérieux de toute la gauche – doué de bon sens, clair, humble, sincèrement engagé dans la lutte pour défendre les classes ouvrières. Il a eu le tort de défendre la gastronomie française sous la forme d’ « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage. » Son objectif a été de réclamer l’accès de tous les Français à la bonne bouffe. L’extrême gauche islamogauchiste lui est tombée dessus, l’accusant d’être un islamophobe et un nationaliste blanc. Apparemment, s’il vante les mérites de la viande, il ne peut penser qu’au porc, ce qui fait de lui un ennemi de l’islam – mais pas un antisémite, bizarrement. Si jamais il pensait à un steak frites traditionnel et pas au couscous cher à son rival M. Mélenchon, il doit être un nationaliste.

Je dirais même que son statut évident de carnivore constitue non seulement un affront pour tous les végans à la gauche de la gauche, mais un refus implicite de toute la gamme des doctrines du wokisme qui intéressent si peu les classes ouvrières.

Dans son nouveau livre, dont vous trouverez un compte-rendu par Céline Pina dans le numéro actuel de Causeur, Gilles-William Goldnadel pointe la récente perte d’influence du gauchisme culturel sur le peuple. Voilà l’explication : cette gauche culturelle a perdu tout contact avec la réalité de la vie quotidienne des citoyens modestes. La culture dominante à gauche est la « cancel culture » avec ses calomnies et ses affirmations mal étayées.

Mais, bien sûr, la cancel culture n’existe pas !


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Voilà la citation de la semaine :

« On peut discuter avec celui qui sait, on peut discuter avec celui qui ne sait pas, mais le Bouddha lui-même ne saurait discuter avec celui qui croit savoir. » (proposez votre réponse dans les commentaires sous la vidéo, sur Youtube).

Causons ! à la prochaine fois.

Dix ans et toujours rien

À force de chercher, on trouve. À la recherche de l’hypothétique « argent libyen de Sarkozy », les magistrats ont espionné ses conversations. Et découvert qu’il avait envisagé de pistonner un magistrat. Peu importe qu’il ne l’ait jamais fait: pour cette intention supposée, l’ancien président a été condamné en première instance à trois ans de prison, dont un ferme.


12 mars et 28 avril 2012. Juste avant chacun des tours de la présidentielle, Mediapart publie deux documents qui décrivent le financement par la Libye de la campagne de Nicolas Sarkozy cinq ans plus tôt, à hauteur de 50 millions d’euros. L’auteur du premier document, Jean-Charles Brisard, dénonce une « manipulation », dès le 16 mars. Brisard est « sous pression », interprète Mediapart. Son domicile suisse est perquisitionné en mars 2015. Les saisies sont tellement inintéressantes que la justice suisse ne les transmet même à la partie française. Brisard sort du jeu en avril 2016, définitivement hors de cause. Reste le second document, signé de Moussa Koussa, chef du renseignement extérieur libyen. Il démentira ultérieurement avoir écrit cette note.

30 avril 2012. Nicolas Sarkozy porte plainte pour faux contre Mediapart. Sa plainte débouche sur un non-lieu en 2016, confirmé en cassation en 2019. Les expertises ne permettent pas de conclure que la « note libyenne » est « un support fabriqué par montage » ou « altéré par des falsifications ». Elles ne prouvent pas davantage qu’elle est le reflet de la vérité, ni même authentique. Comme les juges le rappellent, on ne leur demandait pas de se prononcer « sur la réalité ou la fausseté des faits dont ce document était censé établir l’existence ». Ils ont prononcé le non-lieu « indépendamment de son contenu ». Reste à savoir pourquoi la justice a accepté que soit expertisé un fichier numérique, et pas un original.

19 décembre 2012. L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine affirme devant la justice détenir des preuves du financement libyen de la campagne de Sarkozy. Le Libanais est alors mis en examen dans l’enquête conduite par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, relative à des rétrocommissions sur des ventes de sous-marins au Pakistan, ayant financé la campagne d’Édouard Balladur en 1995 (affaire dite « Karachi »). Renaud Van Ruymbeke transfère les procès-verbaux au parquet, après avoir mis Nicolas Sarkozy hors de cause dans l’affaire Karachi, où son nom avait été cité.

Avril 2013. C’est seulement un an après la publication par Mediapart du document censé prouver le pacte de corruption qu’une information judiciaire contre X pour corruption est ouverte. Elle est confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman. Incarnation supposée de la neutralité, censé instruire « à charge et à décharge », selon l’article 81 du Code de procédure pénale, le juge Tournaire incarne imparfaitement la fonction. Son collègue du pôle financier, Renaud Van Ruymbeke, unanimement respecté, le trouve un peu trop cow-boy et ne parvient pas à travailler avec lui. En 2016, Serge Tournaire a été le seul des trois juges chargés de l’affaire Bygmalion à souhaiter mettre Nicolas Sarkozy en examen dans ce dossier, ce qu’il a fait en vertu d’une règle qui donne une voix prépondérante au premier juge désigné.

Juillet 2013. Boris Boillon, ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, est arrêté gare du Nord avec 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Il est condamné en 2017 pour blanchiment de fraude fiscale. La piste de l’argent libyen, un moment évoqué, n’a rien donné.

A lire aussi: Causeur #97: Sarkozy présumé coupable

Juillet 2014. Début de l’affaire dite « des écoutes ». Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sont mis en examen, soupçonnés d’avoir tenté de corrompre un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, dans l’espoir d’en savoir davantage sur les enquêtes concernant Nicolas Sarkozy. Les éléments à charge proviennent d’écoutes téléphoniques mises en place dans le cadre des investigations sur les présumés financements libyens. La ligne au nom de « Paul Bismuth », ouverte par Nicolas Sarkozy pour brouiller les pistes était, elle aussi, sur écoute. Le procès des écoutes, en mars 2021, met en lumière la démesure des moyens mis en œuvre pour coincer l’ancien président : 3 700 conversations privées écoutées, avec son épouse, ses enfants, ses amis, son avocat, deux commissions rogatoires internationales lancées, la Cour de cassation perquisitionnée pour la première fois de son histoire séculaire…

Sarkozy, Herzog et Azibert sont condamnés en correctionnelle à trois ans de prison dont deux avec sursis pour corruption, trafic d’influence et, pour le magistrat, violation du secret professionnel : dans une conversation enregistrée en 2014, donc, alors que Nicolas Sarkozy avait quitté l’Elysée, il a dit à Thierry Herzog qu’il pourrait pistonner Azibert pour un poste à Monaco, ce qu’il n’a d’ailleurs pas fait. Ils ont fait appel. Cette condamnation, bien entendu, ne dit rien sur la réalité des versements libyens. Au contraire. Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, discutant sur une ligne qu’ils croient à l’abri des oreilles indiscrètes, n’ont rien raconté de compromettant en rapport avec la Libye. Peut-être parce qu’ils n’ont rien à dire ?

Novembre 2015. Claude Guéant, proche de Nicolas Sarkozy (il a été son directeur de cabinet à l’Intérieur, puis son secrétaire général à l’Élysée), est condamné par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans de prison avec sursis et 75 000 euros d’amende pour complicité de détournement de fonds publics. La justice lui reproche de s’être versé des primes en liquide lorsqu’il était à l’Intérieur. Là encore, pas de trace d’argent libyen : les fonds provenaient du ministère. Les perquisitions visant Claude Guéant ont néanmoins mis en évidence de multiples anomalies dans ses comptes personnels, avec de fortes sommes non déclarées de provenance inexpliquée. Une partie pourrait provenir de Libye, par l’intermédiaire de l’homme d’affaires Alexandre Djouhri. En revanche, rien à ce stade n’indique que Nicolas Sarkozy était au courant des malversations de son collaborateur, ni qu’il en a été le bénéficiaire.

Février 2016. Nicolas Sarkozy est mis en examen dans l’affaire Bygmalion, portant sur le financement de sa campagne électorale de 2012. Il est condamné à un an ferme en septembre 2021 (il a fait appel). Toujours pas de trace d’argent libyen, les faits reprochés ne concernent pas la présidentielle 2007.

15 novembre 2016. Mediapart diffuse une vidéo de Ziad Takieddine qui déclare avoir remis « trois valises d’argent libyen » à Nicolas Sarkozy, dont une en main propre, au ministère de l’Intérieur. C’est le début d’un feuilleton dans le feuilleton avec comme personnage principal Ziad Takieddine. Il est mis en examen le 7 décembre 2016 pour complicité de trafic d’influence et de corruption. Il est alors en fuite au Liban, suite à une précédente condamnation à cinq ans ferme par la justice française, dans le cadre de l’affaire Karachi.

D’entretien en audition, de face-à-face en volte-face, Takieddine confirme son absence totale de fiabilité. Dans une instruction ordinaire, il aurait été laissé à la marge

Mars 2018. C’est seulement six ans après les premiers articles de Mediapart que Nicolas Sarkozy est mis en examen par le juge Tournaire pour « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics libyens » et « financement illégal de campagne électorale ».

Janvier 2020. Devant les successeurs du juge Tournaire, Aude Buresi et Marc Sommerer, Ziad Takieddine maintient ses déclarations.

Février 2020. Claude Guéant fait condamner Ziad Takieddine pour diffamation, suite à des propos tenus dans l’entretien vidéo diffusé par Mediapart en 2016, où il était question de 5 millions d’euros de pots-de-vin.

12 octobre 2020. Nicolas Sarkozy est mis en examen pour association de malfaiteurs dans l’affaire libyenne, plus de sept ans après l’ouverture de l’enquête. 

11 novembre 2020. Coup de théâtre, Ziad Takieddine fait marche arrière sur BFM-TV et dans Paris Match. Le juge Tournaire lui a, affirme-t-il, prêté « des propos qui sont totalement contraires » à la vérité, « il n’y a pas eu de financement de campagne présidentielle de Sarkozy ». Le 17 novembre, l’intermédiaire déchu envoie au Parquet national financier (PNF) une « sommation interpellative », autrement dit un long mémo, dans lequel il accuse le juge Tournaire de l’avoir manipulé : « Il m’a fait comprendre que si je pouvais accuser M. Sarkozy et sa garde rapprochée, je m’en sortirais la tête haute dans le dossier Karachi et que mes biens me seraient restitués. » Si Takieddine dit vrai, c’est énorme, mais comment faire confiance à un témoin qui dit tout et son contraire ?

14 avril 2021. Ça se complique encore. Interrogé à Beyrouth par les juges d’instruction Aude Buresi et Marc Sommerer, Ziad Takieddine dément le démenti qu’il a fait dans Paris Match… Ses propos « ont été mal tournés par le journaliste », il y a bien eu versement. À cette époque, il est permis de se demander comment les juges peuvent encore accorder du crédit à Ziad Takieddine. En effet, le 14 janvier 2021, à Beyrouth, il a fait devant la juge Buresi une déclaration lunaire, consignée sur un PV que nous avons consulté : « Avec mes relations en Libye, j’ai la possibilité de pouvoir vous amener des originaux de documents compromettant l’équipe Sarkozy dans sa totalité. » Le lot de documents « à lui seul, en original, vaut le succès de votre instruction », ajoute-t-il (ce qui revient à souligner que le succès en question n’est pas encore garanti). Le tout, promet Takieddine,  « sera livré dans les 15 jours ». Le 4 février, le commissaire divisionnaire F. G., de l’ambassade de France à Beyrouth, écrit à la juge Buresi ; la justice libanaise n’a « eu aucune nouvelle de Ziad Takieddine », elle n’a « reçu aucun document ou objet de sa part depuis son audition ».

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Coupable, forcément coupable…

D’entretien en audition, de face-à-face en volte-face, Takieddine confirme son absence totale de fiabilité. Dans une instruction ordinaire, il aurait sans doute été laissé à la marge. Le problème est que sans lui, une grande partie des accusations contre Nicolas Sarkozy s’effondre. Par ailleurs, Takieddine peut peut-être sauver les juges de l’échec, en faisant plonger l’ex-président pour subornation de témoin…

Faire tomber Sarkozy pour subornation de témoin

La subornation de témoin, c’est le nouveau feuilleton dans le feuilleton. En novembre 2020, Paris Match a donc publié l’entretien où Ziad Takieddine opérait un de ces revirements dont il a le secret, démentant avoir versé de l’argent libyen à Nicolas Sarkozy, virage consigné dans sa « sommation interpellative ». La ligne constante de la justice, dans ce dossier, semble être de ne surtout pas creuser lorsque l’intermédiaire libanais accable l’ancien président. Dans le cas contraire, il faut chercher. En l’occurrence, les conditions dans lesquelles a été réalisée l’interview de Match au Liban offrent aux magistrats des possibilités de nuire à leur mis en examen favori. Elle a été visée par Hervé Gattegno, alors directeur des rédactions du Journal du dimanche et de Paris Match, réputé pro-Sarkozy et anti-Mediapart.

Elle a été montée par un étrange attelage : une connaissance de Takieddine nommée Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie ; Michèle Marchand, patronne de l’agence Bestimage, pilier de la presse people et amie de Carla Bruni-Sarkozy ; Arnaud de la Villesbrune, ancien directeur de Publicis ayant travaillé pour la campagne 2012 de Sarkozy, plus un homme d’affaires nommé Pierre Reynaud. Ils sont tous déjà mis en examen pour subornation de témoin, de même qu’une interprète franco-algérienne de 26 ans, Lisa H., qui les accompagnait.

Nicolas Sarkozy sur le plateau du « 20 heures » de TF1, au lendemain de sa mise en examen dans l’affaire du financement libyen de sa campagne, 22 mars 2018.

Noël Dubus avait plusieurs projets plus ou moins réalistes en rapport avec le Liban, où il s’est rendu quatre fois en un peu plus d’un an. Il était question de récupérer des tableaux volés, d’introduire des investisseurs philippins au Liban, et d’acheter des officiels libanais pour obtenir la libération d’un des fils Kadhafi, Hannibal, incarcéré à Beyrouth. Difficile de savoir si ce dernier projet était sérieux ou s’il cachait une tentative d’escroquerie. Les enquêteurs français, d’ailleurs, s’en désintéressent. Ils se concentrent sur les pistes qui pourraient mener à Nicolas Sarkozy, en deux temps. D’abord, il faut prouver que Ziad Takieddine a touché de l’argent pour donner son entretien à Paris Match et pour sa sommation interpellative. Ensuite, il faudrait établir un lien entre Sarkozy et le voyage des Pieds nickelés intermédiaires de Match  au Liban. Pourquoi Nicolas Sarkozy tenterait-il de retourner une girouette comme Takieddine, mystère (et avec des intermédiaires aussi folkloriques, mystère encore plus profond). En lisant les PV d’audition de Lisa H., l’interprète, amie de Noël Dubus, on apprend que Hervé Gattegno avait déjà interrogé Ziad Takieddine en juin 2020 par visioconférence, depuis le Liban. Lisa H., qui y avait assisté, n’était pas là pour traduire, Takieddine parlant couramment le français, mais pour l’apaiser, sur proposition de Noël Dubus. « S’il s’énervait, je devais me mettre derrière [Hervé Gattegno, ndlr], et le fait de voir une femme, il allait se calmer. Ça n’a pas raté. » L’entretien lui-même, souligne Lisa H., « c’était du vent, c’était inutile, il a dû changer au moins trois fois de version ! »

L’objectif, en définitive, est de bloquer la girouette Takieddine dans la direction qui pointe Nicolas Sarkozy. Pour y arriver, il faut absolument se débarrasser de la sommation interpellative qu’il a rédigée le 14 décembre 2020. Elle est catastrophique pour les juges, comme pour Mediapart. Il y déclare entre autres : « J’ai été contacté à cette époque [en 2013, ndlr] après avoir vu le juge Tournaire en off quelques jours avant. Le juge Tournaire m’avait vivement conseillé d’accepter la proposition de Mediapart […]. Lorsque Mediapart est venu pour m’interviewer, j’ai donc arrangé l’histoire afin que cela puisse coller aux désirs du juge mais également de Mediapart, qui insistait beaucoup. »

Ce n’est pas le seul endroit où les pièces versées au dossier montrent une intéressante partie de courte-échelle, les enquêteurs s’appuyant sur Mediapart, qui s’appuie sur les enquêteurs. Par exemple, le 3 juin 2021, un officier de la police judiciaire tente de faire réagir Lisa H. à un article de Mediapart intitulé « Rétractation de Takieddine : la piste de l’argent », publié le 6 avril 2021. Michèle Marchand était du voyage au Liban. Qu’en pense la jeune femme ? Réponse : « Vous êtes, après Karl Laske [de Mediapart, ndlr], la deuxième personne à me poser la question. » Le même Karl Laske, précise Lisa H., a menacé de la signaler au Parquet national financier si elle ne répondait pas à ses questions. Du travail d’équipe pour un objectif commun. S’ils veulent sauver dix ans de travail, Mediapart et les enquêteurs savent ce qu’il leur reste à faire : établir que Takieddine a été payé par Sarkozy pour retourner sa veste. Faute de pouvoir le condamner pour recel d’argent libyen, il faut le faire tomber pour trafic d’influence (Azibert) et subornation de témoin (Takieddine). Affaire à suivre.

Les jeux dangereux d’Elisabeth Moreno

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De la gastronomie identitaire au Monopoly des inégalités… ou comment passer du coq (français) à l’âne (idéologue)


Si nous nous en tenons aux critères de plus en plus « inclusifs » de l’extrême-gauche insoumise et écologiste, l’extrême-droite s’élargit jour après jour et sera bientôt archi-majoritaire dans ce pays. Michel Barnier avait failli être marqué au fer rouge de l’infamie après avoir évoqué la nécessité d’un moratoire sur l’immigration. Malgré lui, Fabien Roussel vient d’entraîner toute une partie de la population vers le côté obscur d’un pétainisme culinaire. Insouciant, le secrétaire général du PCF a en effet twitté « qu’un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. » (cf. l’article d’Alexis Brunet dans ces colonnes).

Les wokes français aimeraient qu’on n’oublie pas le couscous

Fabien Roussel n’avait pas encore très bien saisi ce que voulait dire le mot « woke ». Il apprend à ses dépens que les wokistes d’extrême-gauche existent : certains l’accusent de faire la promotion d’une alimentation incompatible avec le réchauffement climatique ; d’autres d’avoir une vision identitaire de la gastronomie française et d’être un suprémaciste blanc ; d’autres encore lui demandent de cesser de promouvoir l’alcoolisme. Quelques internautes ont vu dans l’allusion au vin et à la viande (que certains ont immédiatement traduit “viande de porc”) un propos islamophobe. La décolonialiste Françoise Vergès twitte : « Le “C” du parti de Roussel signifie compromission. Aux membres de se désolidariser. » Je connais un autre mot qui commence par “C” et dont les membres, bientôt solidairement mis sur orbite, ne sont pas prêts de s’arrêter de tourner.

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Sandrine Rousseau, par exemple, toujours parfaite quand il s’agit de lâcher les plus belles bourdes, a déclaré sur LCI que Fabien Roussel excluait une partie de la gastronomie et qu’on peut « être français et adorer le couscous ». Comme tous les accusateurs publics de tous les tribunaux révolutionnaires, Mme Rousseau projette ses obsessions sur une phrase qui ne dit absolument pas ce qu’elle croit (ou aimerait) entendre. Elle sous-entend par conséquent que Fabien Roussel a intentionnellement et racistement omis de décliner tous les plats dans lesquels il y de la viande afin de stigmatiser le couscous, le tajine, la pizza, les tagliatelles à la carbonara et autres spécialités culinaires faisant le bonheur de tous les Français qui restent toutefois attachés à la blanquette de veau, au cassoulet et au coq au vin.

Elisabeth Moreno : Je pense que l’initiative du Monopoly des Inégalités est juste fantastique (…) C’est super, franchement bravo!

Je passe du coq à l’âne : un nouveau jeu vient de faire son apparition. Ce jeu, le Monopoly des Inégalités, a été créé par L’Observatoire des inégalités. Elisabeth Moreno, notre orwellienne ministre à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, le trouve « fantastique ». Règles : les joueurs tirent une carte qui va déterminer leur personnage rangé dans une catégorie, A, B ou C. Et c’est là que ça devient intéressant : la catégorie A étant « très favorisée », le personnage de cette catégorie est un homme blanc de 55 ans se prénommant Aurel ; il a un salaire de 300 euros et un patrimoine de 2000 euros ; en début de partie il possède deux maisons et a deux dés pour jouer. À l’extrême opposé, en catégorie C, le personnage « défavorisé » s’appelle Mohamed, a un salaire de 100 euros et un patrimoine de 600 euros ; la vie étant décidément trop injuste, il n’a qu’un dé pour avancer. En catégorie B, Meriem est un peu mieux lotie que Mohamed mais porte un très seyant et très couvrant voile bleu sur la carte la représentant. Les concepteurs de ce jeu grotesque mais idéologiquement impeccable précisent : « On a fait une quarantaine d’ateliers et Mohamed n’a jamais gagné la partie. » Comme dans le Monopoly de notre enfance il y a des cartes « événements », mais ici elles servent surtout aux joueurs à « expérimenter l’homophobie, le racisme, les inégalités de revenus. » Exemples : « Vous refusez d’embaucher une femme transgenre. Elle porte plainte pour discrimination. Allez directement en prison et payez cent euros à la banque. » Ou : « Si vous êtes noir ou maghrébin, vous ne pouvez plus acheter de maison jusqu’à ce que vous repassiez par la case Départ. Si vous êtes blanc, rien ne se passe. » Une carte “grève générale” permet une “avancée sociale” et une augmentation de revenus pour Mohamed. La case “redistribution” punit, elle, le joueur « très favorisé » de catégorie A qui tombe dessus en le forçant à donner 100 euros à Mohamed, « pour montrer l’importance des impôts dans la réduction des inégalités ».

La ministre des Sports Roxana Maracineanu et la Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances (ouf!) Elisabeth Moreno inaugurent une fédération sportive réservée aux homosexuels à Paris, le 13 septembre 2020 © SIPA / Numéro de reportage : 00981107_000028

Mme Moreno est sous le charme de ce jeu débile : « Je pense que l’initiative du Monopoly des Inégalités est juste fantastique pour la simple raison qu’on peut aborder des sujets extrêmement graves et importants de manière ludique et de manière à donner envie aux jeunes de s’intéresser à la question. C’est super, franchement bravo. » La propagande battant son plein dans une Éducation nationale bien décidée à continuer de fabriquer des crétins, ce jeu est destiné aux professeurs qui éprouveront l’envie de « débattre avec leurs élèves des inégalités ». Constance Monnier, “cheffe” de projet à L’Observatoire des inégalités, confirme l’engouement de certains professeurs : « Nous avons eu énormément de demandes d’acquisition du jeu de la part d’enseignants […] qui cherchaient des outils ludiques pour aborder la question des inégalités ou des discriminations. »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Moreno, drame de la parité

Quel est le rapport entre ce jeu imbécile et les critiques stupides essuyées par Fabien Roussel ? À priori, aucun. Disons simplement que ces deux actualités confirment le constat suivant : nous vivons dans la plus méprisable en même temps que la plus risible des époques de notre histoire. Le coq français, la crête défraichie, se fait déplumer par des ânes idéologues qui alimentent la bêtise dogmatique d’une partie de la classe politique. L’abrutissement semble général. On hésite souvent entre pleurer de rire et pleurer tout court. Et même Fabien Roussel est obligé finalement de le reconnaitre : « C’est hallucinant ! »

La Révolution racialiste, et autres virus idéologiques

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Jeu, set et vax

Non vacciné contre le Covid-19, le numéro un mondial serbe a été expulsé d’Australie dimanche 16 janvier, à la veille du début du Grand Chelem, dont il est tenant du titre.


Cher Novak Djokovic,

Tu as été à l’origine de la première grosse polémique internationale en te présentant non-vacciné le 5 janvier à Melbourne pour participer à l’Open d’Australie qui commence ce lundi 17, et qui va commencer sans toi. Tu t’es dit : « Je suis numéro 1 du tennis mondial, je ne vais pas me laisser ennuyer par un pays où l’on ne trouve que des kangourous et des canicules qui dépassent les 50°. »

Mais voilà, rien ne s’est passé comme prévu. On t’a expliqué que ça n’allait pas être possible, comme des videurs l’expliquent à l’entrée d’une boite à des clients qui la ramènent un peu trop. Tu as très mal pris la chose. Heureusement que l’Australie et la Serbie n’ont pas de frontières communes, on était à la limite d’une situation russo-ukrainienne. 

L’idole des antivax

Au passage, tu es devenu l’idole des antivax, martyr confronté à un pays qui a pratiqué un confinement drastique et qui estime que même un champion comme toi n’échappe pas à la règle commune. Et te voilà en centre de rétention, malgré ton bataillon d’avocats. Tu as cru avoir gagné le truc le 10 janvier quand un juge a bloqué ton expulsion mais le dimanche 16, les trois juges de la cour fédérale t’ont indiqué définitivement la porte de sortie. Même l’ATP qui regrette « cette perte pour le tennis » a bien été obligée d’admettre que «les décisions de justice concernant des questions de santé publique doivent être respectées.»

Jeu, set et vax… Vois-tu, il est juste et bon que tu comprennes que courir vite avec une raquette en gagnant par mois la masse salariale annuelle de tout le personnel d’une bonne dizaine de CHU, ne fait pas de toi quelqu’un d’une essence supérieure. Il est juste et bon que tu comprennes qu’un pays qui a des règles d’entrée sur son territoire n’a pas à transiger, même pour une star comme toi qui n’a par ailleurs jamais cessé de faire connaître tes positions sur la question du Covid et qui est connu comme adepte de divers gourous indiens ou japonais qui parlent de « méditation dynamique » ou de « tunnels énergétiques. »

Calembredaines new-age

Tu n’es pas, Novak, loin de là, le seul à t’exprimer hors de ton domaine de compétence, mais tu le fais comme un certain nombre de sportifs de haut niveau, d’artistes ou même de prix Nobel (ce pauvre Luc Montagnier devenu complotiste sur le tard) en excipant d’une légitimité que tu n’as pas.  Tu comprends, battre Nadal en trois set ne rend pas particulièrement compétent sur le vaccin, tes calembredaines new-age ne sont pas paroles d’évangile, et tout ton pognon ne changera rien à l’affaire. Tu as trouvé en face de toi, pas de chance, c’est de plus en plus rare, un Etat de droit décidé à le faire respecter, son droit.

Une dernière remarque, camarade: tu as une circonstance atténuante. Tu n’as pas eu la chance d’être élevé dans la Yougoslavie de Tito où tu aurais rencontré de gentils instituteurs marxistes-autogestionnaires qui t’auraient enseigné les sciences et tout ce qu’elles apportent d’émancipation à l’homme.

Allez, va soigner ton orgueil. Il a un gros tennis-elbow.

Et permets-moi, en matière de personnalités traquées par le nouvel ordre mondial de garder ma compassion pour, par exemple, Julian Assange…

Qu’est-ce que les Américains blancs doivent aux noirs?

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Dans un livre publié en 2021 [1], Jason D. Hill, professeur de philosophie à Chicago, s’interroge sur les réparations qui seraient dues aux Noirs depuis l’esclavage jusqu’à aujourd’hui, alors même qu’une commission du Congrès américain a été mandatée pour étudier la question et proposer ce que pourraient être des excuses et des réparations.


Jason D. Hill revient sur la question de l’esclavage, trop souvent ramenée, de façon anachronique, à une affaire de racisme. Pour lui, l’esclavage pratiqué par l’homme européen, comme la colonisation, s’explique avant tout par sa philosophie qui le séparait alors de l’homme africain. L’homme européen se perçoit comme un sujet moral qui a une destinée manifeste et doit domestiquer la nature. Au contraire, l’indigène qu’il découvre en Afrique est encore partie prenante de cette nature, dont rien ne le sépare et vit dans un monde créé par des forces malveillantes qu’il lui faut en permanence apaiser. Ce que l’homme européen voit alors dans l’indigène africain c’est le représentant d’un monde primordial qu’il a su dépasser. C’est lui fossilisé dans le temps, une sorte de monstruosité qu’il faut dominer et mettre au travail pour le faire progresser. Tâche qui lui fut facilitée par les Africains eux-mêmes qui pratiquaient l’esclavage et lui ont vendu des Africains. L’animisme local conduisait à un agnosticisme moral facilitant ces transactions. Pour Jason D. Hill, le problème central de l’Afrique a été, et reste, l’échec de ses habitants à domestiquer la nature et, surtout, de s’en abstraire.

Un peu d’histoire américaine

Dans son livre, il revient ensuite longuement sur les trois moments fondateurs de la république américaine :

La Déclaration d’Indépendance de 1776, posa les fondements moraux et l’architecture politique qui permettra ensuite aux Noirs de formuler et de combattre l’injustice dont ils souffrent. La non abolition de l’esclavage plongea l’Amérique dans une contradiction morale à laquelle Abraham Lincoln s’attaqua dans son discours de Gettysburg en 1863, deuxième moment fondateur de la république américaine. Les pères fondateurs, s’ils étaient conscients de cette contradiction, craignaient les conséquences politiques d’une abolition, notamment pour la sécurité des Noirs eux-mêmes, dans une société qui n’était pas prête à l’accepter. Le troisième moment fondateur fut celui des lois sur les droits civiques des années 1960 et de l’Equal Employment Opportunity Act de 1972.

Ces lois abolirent les discriminations et les exigences différentielles pour avoir le droit de voter. La loi de 1972 s’est focalisée sur la discrimination dans l’emploi des Noirs et autres minorités et a créé une commission [2] autorisée à mener des actions en justice en cas de violation.

Nouvel eugénisme moral 

L’État chercha ainsi à réparer la terrible injustice qu’il avait encouragée en promouvant un racisme systémique du temps de la ségrégation, époque pendant laquelle aucun écart par rapport aux normes racistes n’était autorisé. Le racisme qui avait été une marque de l’identité américaine devint ainsi une marque d’infamie. Accorder des droits égaux aux Noirs, c’était bien, mais c’est aussi l’imaginaire blanc qu’il fallait transformer. Pour cela l’État s’engagea dans ce que Jason D. Hill appelle un nouvel eugénisme moral  consistant à refaçonner les sensibilités morales des Blancs. Il lui fallut faire primer les droits humains sur les droits de propriété pourtant au fondement de tous les autres droits dans la république, notamment en revenant sur l’autonomie des chefs d’entreprise. Ce fut donc à l’État de réécrire le statu quo, lequel s’était apparenté trop longtemps à une forme d’Affirmative Action au profit des Blancs. Ce nouvel eugénisme moral fut, pour l’État, le moyen de défaire ce qu’il avait lui-même institué et de réparer ainsi les torts causés aux Noirs.

A lire aussi: Rokhaya Diallo: “Cher.e.s lectrices et lecteurs de Causeur…”

Mais avec The Great Society, Lyndon Johnson [3] lança une guerre contre la pauvreté par des programmes d’aides sociales qui furent l’habillage d’une politique de réparations. En arrosant de prestations sociales les familles noires, ces programmes les  déstructurèrent et les privèrent de leurs propres initiatives. Ils socialisèrent les Noirs dans la croyance que les Blancs devaient payer pour un bien-être qu’ils seraient incapables d’atteindre par eux-mêmes. D’où une crise de sens qui se manifesta par un mélange de dépendance et de désir d’autonomie radicale, notamment sur les campus avec les Black Studies. La culpabilité blanche a donné des ailes à un noyau de militants consumés par le ressentiment et inspirés par l’Afrocentrisme et le Black Power. Ces militants n’eurent guère de mal à arnaquer les administrateurs blancs les campus, terrorisés par les grèves et les émeutes des années 1960, pour mener une carrière lucrative, tout en politisant les salles de cours à l’extrême, y compris les départements d’anglais.

L’Amérique prise au piège des cauchemardesques Black Studies

Avec les Black Studies, les Noirs installés à l’université ont réclamé l’exclusivité de la parole sur les Noirs, se sont inventés un passé africain paradisiaque et ont vu chez l’homme blanc celui qui cherchait à leur voler ce passé, manière de ressusciter une forme de suprématie blanche. L’Amérique blanche, en participant à cette imposture, a cru ainsi payer la dette qu’elle pensait devoir aux Noirs.

Alors que du temps de Martin Luther King l’aspiration à une réconciliation et à une solidarité indifférente à la race semblait pouvoir l’emporter, c’est un nationalisme culturel semant la discorde jusqu’à aujourd’hui qui a triomphé. Les administrateurs et enseignants ont préféré canaliser la rage. En consentant à faire de la critique du « Black English » un racisme, ils ont été les complices de la destruction de l’intelligence de leurs étudiants noirs.

La radicalisation croissante a conduit certains à voir dans l’extinction de la race blanche une condition à l’existence d’un peuple noir. Ibram X. Kendi et d’autres s’en prennent à toutes les institutions qu’ils associent à l’identité blanche (capitalisme, individualisme, raison, logique, responsabilité…), quitte à entraîner les Noirs dans la chute. Et l’on assiste ainsi à une danse étrange entre ces avocats de l’annihilation des Blancs et ces Blancs qui plaident eux-mêmes pour leur propre destruction. Cette complicité blanche va de ceux qui craignent une guerre raciale et veulent se retrouver du bon côté aux cyniques qui attendent que cela se gâte pour les nihilistes noirs auprès desquels ils pourront jouer les protecteurs…

A lire aussi: L’Oncle Sam, champion de l’islam?

Pour Jason D. Hill, après les lois sur les droits civiques, les Noirs auraient dû accepter de se dire Noirs afin d’empêcher les discriminations, tout en se déprenant de l’identité raciale sur laquelle s’est fondée leur persécution pendant des siècles. Cette identité raciale est une forme tribalisme dont la manifestation concrète est le racisme.

Mais la solution qu’il propose paraît peu attractive. Si l’on peut comprendre sa répulsion pour l’enfermement identitaire racial ou ethnique, son projet de refondation d’un nouveau type d’humanité à « l’éthique planétaire » laisse sceptique. Sa conception  de l’homme nouveau, cosmopolite transracial détaché de tout lien qu’il n’aurait pas choisi en conscience, paraît un peu effrayante. Qui a envie d’être cet orphelin, sans attachement particulier pour ce qui l’a précédé ni pour ses proches, cet homme sans passé entièrement tourné vers le monde qui vient ?

>> Cet article est disponible en version longue sur le blog de la démographe Michèle Tribalat <<

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[1] WHAT DO WHITE AMERICANS OWE BLACK PEOPLE ? RACIAL JUSTICE IN THE AGE OF POST-OPPRESSION, Jason D. Hill, Emancipation Books, 12 octobre 2021.

[2] L’EEOC, Equal Employment Opportunity Commission

[3] 36e président des États-Unis, entre 1963 et 1969 NDLR

Ma pandémie de prof: deux ans de grandes vacances

Les vacances sont terminées, le virus reprend, et il va falloir vivre avec!


Je vais encourir bien des reproches. Mais qu’y puis-je ? Que ceux qui déjà m’en veulent se représentent ce que fut la pandémie pour le professeur que je suis: deux ans de grandes vacances [1].

Ce jeudi 13 janvier 2022, j’apprends d’un même coup que l’agence européenne du médicament sonne le glas de l’épidémie, que je suis positive au Covid et que les professeurs qui battent le pavé alors que je coconfine sont « positifs au mépris ». Le mépris de Blanquer évidemment: « Blanquer, le virus c’est toi !» ; enfin, toi et Zemmour. Les parents d’élèves renchérissent : trop, c’est trop ! Que les intérêts des uns et des autres divergent (« protéger » les enseignants du virus, c’est garder les petits chéris, tous les micro-virus sur pattes à la maison), c’est un détail dont ils ne s’embarrassent guère.

Quand mes collègues, ceux qui luttent pour une école équitable et solidaire sous la houlette des différents syndicats, sont épuisés après-deux-années-sur-le-front-de-la-covid, je suis dans une forme olympique, à l’isolement. Je n’ai toujours pas compris si je devais aux trois piqûres (les trois T.V. !) ces vacances inespérées: Olivier Véran a certainement un avis sur la question. Quoi qu’il en soit, malgré ou grâce à lui (Véran, le vaccin) me voilà en arrêt-maladie sans être malade. Et interdite de travailler. Il y a quelques semaines, me trouvant dans une situation analogue, j’avais demandé à mon chef d’établissement son concours pour organiser l’enseignement à distance. Et je m’étais attiré ses foudres : « Madame Saint-Laurent, vous n’y pensez pas ! Vous êtes en arrêt-maladie : nous ne sommes pas dans le privé. Si vous faites cela, je vais avoir tous les parents sur le dos qui exigeront que vos collègues en fassent autant. Je vous l’interdis. » Alors, après avoir en catimini envoyé quelques exercices à mes élèves, avant de commander le dernier ouvrage de Houellebecq (dont le titre m’échappe : décomposition, putréfaction, anéantissement ?), j’ai tout le loisir de penser aux inégalités entre les profs. 

À lire aussi, entretien avec Martin Blachier: «Vaccinez les vieux, laissez vivre les jeunes!» 

Mes camarades ont vécu l’enfer : ils se sont tués à la tâche dix-huit heures par semaine, ils ont inhalé un air vicié (même les Poilus étaient équipés contre les gaz toxiques), ils ont fait face à des élèves qui avaient le masque sous le nez, je dis bien sous le nez. Qu’on les leur donne leurs cinq millions de masques FFP2 ! 

Quant à moi, j’ai trouvé cette période plutôt tranquille. Pas trop de pression. Des progrès au ping-pong. Je me souviens de cette sensation pas désagréable procurée par les annonces de M. Blanquer au début du premier confinement : pour l’oral du baccalauréat de français, on passerait de 21 textes à 15 textes. Autrement dit le programme était bouclé avant même de l’avoir commencé (le confinement, pas le programme). Puis j’ai touché des primes substantielles pour des oraux blancs que j’ai fait passer en visioconférence, douillettement installée dans mon fauteuil. J’ai bouquiné, j’ai fait l’école à mes enfants (on n’est jamais mieux servi que par soi-même, foi de prof). L’année suivante, avec les collégiens, c’était un peu moins confortable mais faisable, en s’organisant. L’avantage des cours à distance, c’est qu’on peut couper le micro de ses élèves et parler tout seul, et Dieu sait qu’on aime ça dans la profession.  

Alors d’accord pour les masques FFP2 (pour ceux qui souhaitent vraiment ressembler à des pingouins) mais non au report des épreuves du baccalauréat. D’ailleurs pourquoi le report des épreuves du baccalauréat ? Pour châtier l’enseignement privé parisien qui maintient son niveau d’exigence et qui n’interdit pas (c’est un euphémisme) à ses professeurs de pratiquer l’enseignement à distance ? Pour masquer les insuffisances des professionnels de la contestation? Pour arrêter le recul de la banquise ?

Maintenant que le virus fait des siennes, que de pandémique, il se révèle endémique, il va nous falloir vivre avec, comme ils disent,  et vivre avec nos élèves. Finies les vacances !

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[1] Librement inspiré de l’incipit du Diable au corps de Radiguet.

Le marché des préservatifs se dégonfle

On aurait pu penser que le confinement entraînerait une augmentation de l’activité sexuelle. En réalité, la distanciation sociale a été telle que l’industriel leader du préservatif, le malaisien Karex, a perdu 50% en bourse.


Malgré le froid hivernal, les queues s’allongent devant les pharmacies. Mais ce n’est pas pour acheter des préservatifs. Leur utilisation aurait même baissé de 40% en deux ans selon Goh Miah Kiat, le patron de la société malaisienne Karex, le plus grand fabricant de préservatifs au monde avec plus de 5 milliards d’unités vendues chaque année dans 140 pays.

Les conséquences de la crise sanitaire n’ont pas fini de nous surprendre. En raison de l’allongement du temps passé à la maison dans (ou à proximité de) la chambre à coucher, on aurait pu s’attendre à une augmentation de l’activité sexuelle. C’est en tout cas ce qu’anticipait Karex au début de la pandémie, au point de craindre même une pénurie de préservatifs. Que nenni, c’est l’inverse qui s’est produit. Selon le patron du groupe, la fermeture des motels et hôtels aurait empêché de nombreux couples de se retrouver pour partager des moments d’intimité (difficiles à trouver dans des appartements ou maisons surpeuplés). Eh oui, le sexe se pratique aussi hors domicile. Mais sortir, c’est s’exposer au virus. Alors, il faut choisir.

Le patron accuse également les gouvernements qui se concentrent exclusivement sur la gestion de l’épidémie. Il est vrai que ces derniers préfèrent distribuer des masques que des préservatifs, et cherchent par tous les moyens à limiter les interactions sociales, augmentant l’anxiété et le repli sur soi, favorisant les dépressions et la baisse de libido. On a tendance à l’oublier, mais le manque d’activité sexuelle est un problème de santé, puisqu’elle a un effet sur le bien-être mental, mais pas seulement.

À lire aussi, du même auteur: Vers une pénurie mondiale de préservatifs?

Ainsi l’autre reproche adressé aux gouvernements concerne le relâchement de la lutte contre le VIH. Rappelons quelques chiffres : selon l’OMS, il y a eu plus de 5,5 millions de morts du covid dans le monde pour 318 millions d’infections (1,7 % de décès) contre 36 millions de morts du VIH pour 79 millions d’infections (45 % de décès). D’après le Bulletin de Santé publique France, il y a eu une diminution importante du recours au dépistage en France avec 5,2 millions de sérologies au VIH réalisées en 2020 (-14% par rapport à 2019). L’utilisation d’un préservatif reste le meilleur moyen de protection contre le VIH. Mais dans la hiérarchisation gouvernementale, les comportements à risques consistent à prendre son café debout dans un bar ou manger dans un train. Il y a les malades du covid et les autres.

Karex l’a bien compris. C’est pourquoi l’entreprise se lance désormais dans la diversification avec les gants en latex car, ne l’oublions pas, il faut continuer à respecter les gestes barrières. De quoi éviter à Karex une autre débandade en bourse, après avoir perdu 50% en un an. L’usine de production de gants devrait démarrer en Thaïlande d’ici à mi-2022. Espérons que ce ne soit pas un projet qui capote.

Et si le Diable était français !

Avec Molière, on croit être au théâtre… Non, voici un homme qui s’avance vers nous et qui nous regarde. Il ne nous juge pas, il nous attrape, nous jette dans la balance et nous pèse.


À l’âge de 10 ans, à la mort de sa mère, à jamais inconsolable, il a connu un long chagrin, un effroi qui ne l’a pas quitté. Il avait la tête pleine de cris. Il n’a jamais pardonné aux médecins.

Il aurait pu être riche, tapissier du roi comme son père, il préféra endosser le costume de Sganarelle, jouer les valets mais pour rire, et tirer le diable par la queue ; il choisit le théâtre : le succès, le faste et la frime, l’errance, la compagnie des gueux, ce qui n’était pas convenable, sauf à amuser Monsieur et à plaire au roi, ce qui ne dure qu’un temps.

Il osait s’étonner, il s’étonnait d’oser.

Il a provoqué les doctes et les académiciens. Il a été précieux sans être ridicule, et parfois ridicule comme sont les maris. Il a aimé la mère, puis épousé la fille et payé son audace au prix fort.

Il a puisé dans l’eau noire de sa mélancolie les ressorts de la farce. À moins qu’il n’ait extrait de la farce une terreur intime – une sombre et austère folie. Et dans les sévices que son Pourceaugnac s’inflige une risible métaphysique.

S’il écrit La Jalousie du Barbouillé, s’il s’accoutre gaiement du masque de Scaramouche, c’est parce que les recettes de sa troupe sont au plus bas, et que le public veut des grimaces ! Jean-Baptiste adore faire le pitre, mais il préférerait jouer La Mort de Pompée avec des lauriers sur le front.

On dirait que Molière s’ignore étrangement comme écrivain, c’est sa force. Contrairement à Pascal ou Montaigne, peu enclins à se déguiser en Mascarille, il n’a pas de vision du monde à faire partager, il ne sait que regarder les hommes. Il ne nous condamne pas, il nous attrape, nous jette dans la balance et nous pèse.

Nous sommes des jouets, nos passions mènent le bal.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Les 400 ans de Molière, ou comment on devient immortel

Dans une société de cour, le ridicule est un sujet, Molière en fait la matière de son art. Et il plaide avec éloquence en faveur de la comédie : « Il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, accuser les Destins et dire des injures aux Dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes… C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. »

Quoi qu’il écrive, quand on croit qu’il s’abaisse, il se hisse.

Molière n’est pas sans devanciers ni maîtres, mais il s’accroît de ce qu’il emprunte. Il a su tirer le meilleur de Corneille, l’inventeur de la comédie à la française. Il ne se croit ni novateur ni précurseur, mais il pressent que tôt ou tard les Modernes vont supplanter les Anciens.

Il a suscité la haine des dévots et l’amitié des princes. Et la jalousie de Racine. Et la rage de Lully, aussi ambitieux et plus roué que lui. Et l’aigreur de Boileau, qui feint de s’indigner :

Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe 

Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.

Sans blague ! 

Grâce à Molière, on sait qu’en matière de religion, le pire danger, ce n’est pas Tartuffe, un imposteur, c’est Orgon parce qu’il est sincère – donc fanatique.

Molière a su hurler, murmurer, dire et supplier – et même se taire.

Il y a d’un côté les passions, et de l’autre les coutumes, qui ne sont pas moins tragiques. Que la vie soit comique pour celui qui pense et une douleur pour celui qui sent, ça il le savait.

Molière fait tinter le vieil or qui roule dans le français quand on le parle : la galanterie et la satire, les soupirs de la pastorale et la crudité des fabliaux, la langue poudrée des salons et le parler des ruelles. Et le patois des belles paysannes. Rien de plus théâtral, morgué !, que cette langue-là, si dure, qui n’a rien de maternel, et qui répudie l’idée même d’une douceur qui viendrait de la mère. Il a écrit la pièce la plus féroce de tout le répertoire : L’Avare – un abîme.

Il a pris le parti des fils contre les pères, et défendu les amants juvéniles contre les vieux chameaux, les soubrettes contre les barbons.

Il a été irascible envers les cuistres et les sots qui ont fait de lui un ennemi mortel.

Il a su très tôt que la politique, la philosophie et la religion ne sont pas les seules à dire la vérité sur les hommes. Quand son grand-père maternel, qui est fou de théâtre, emmène Jean-Baptiste à l’Hôtel de Bourgogne, l’enfant devine, au-delà des facéties de Gros-Guillaume et de Gaultier-Garguille, que le rire est plus mystérieux et parfois plus amer que les larmes. 

Il a été critiqué, aimé, applaudi, attaqué, calomnié, trahi.

Un démiurge – et un dramaturge. Un détecteur de fumée. Un artiste. 

À lire aussi, du même auteur: Dr Véran et Mr Covid

Un élan, un pur instinct, le pousse à défier la mort en mimant sans fin les hoquets d’une naissance. Il a réalisé le rêve secret de tous les comédiens : mourir sur scène – tout en faisant s’esclaffer l’auditoire. Et eux d’applaudir, dupés par ses mimiques, et lui de cracher du sang, et eux de rire de plus belle en se disant : quel acteur, crénom !

Ce fut un solide contempteur du sacré – le théâtre étant ce lieu obscur où l’on vérifie jusqu’où et comment l’art résiste au sacrilège. Tout advient au détour de la farce sous un ciel vide, si méchant et si fatal qu’on le croirait grec.

Il ne sépare pas la pensée et les mœurs – si français en cela et pourtant universel, aimé et compris dans toutes les langues, de Rio à Pékin, de Moscou à Oulan-Bator. La recette est perdue. 

Il n’est jamais savant ni nébuleux. Sa morale est affaire de tact et d’instinct – de goût. Il ne juge pas les hommes, il a juste créé des monstres qui nous ressemblent : Orgon, Argan, Alceste. Sans Molière, les Français seraient plus seuls – et encore plus bêtes.

Il a aimé les femmes et il a aimé l’amour. Faut-il chérir ce qui nous blesse, ce tourment que la raison craint et que le bon sens condamne ? Il nous laisse libres de répondre.

Depuis son enfance, son animal favori était le singe.

Passe vaccinal: jusqu’à la gauche…

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Vaccination à Villeneuve les Bouloc (31), janvier 2022 © FRED SCHEIBER/SIPA

L’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen affirme que “nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas.” La Déclaration ayant été intégrée au bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, ce passe vaccinal, qui devrait entrer en vigueur en fin de semaine, et dont les promoteurs ont reconnu qu’il était une « obligation vaccinale déguisée », ne devrait-il pas être inconstitutionnel ?


Cette affaire de passe vaccinal, qui devrait entrer en vigueur le 20 janvier, alors même que tous les paramètres de l’épidémie reculent, est incompréhensible, pour ne pas dire scandaleuse. On mène aujourd’hui la guerre contre l’ennemi d’hier, et avec les connaissances d’hier. 

Le passe sanitaire pouvait se comprendre quand les variants précédents emplissaient les réanimations, et qu’on pensait que le vaccin réduisait drastiquement la contagiosité, donc que seuls les non-vaccinés transmettaient un virus très dangereux. 

Un bazooka pour tuer une mouche

On sait désormais que le vaccin nous protège des formes graves, mais ne protège pas les autres. Certes, les vaccinés sont légèrement moins contagieux, mais la différence est trop peu significative pour que l’on puisse imputer la circulation du virus aux non-vaccinés. Du reste, Olivier Véran a admis que rien n’arrêterait Omicron. Qui, heureusement, ressemble dans la grande majorité des cas à un gros rhume. Alors que des millions de Français ont été contaminés en quelques semaines, le gouvernement déclare pourtant que, si l’épidémie recule, c’est grâce aux mesures prises à la fin de l’année dernière. Si je comprends bien, on ne peut pas l’arrêter mais c’est grâce à la grande sagesse de nos gouvernants qu’on l’a arrêté. Logique. Il est très probable en effet que l’interdiction de boire et de manger dans les TGV (interdiction ramenée à une autorisation de se sustenter « brièvement ») ait fortement impressionné le virus qui, justement, était tapi dans l’ombre, attendant qu’on ouvre la bouche pour s’y jeter. Faudra songer à nous interdire de parler, sinon brièvement. 

Au final, ce passe voté à contretemps s’apparente à un bazooka pour tuer une mouche. Et en prime il la rate. 

A lire aussi, du même auteur: Moreno, drame de la parité

Toutefois, s’il était seulement inutile, ce ne serait pas grave. Mais il est aussi dangereux pour la vie de la Cité, dès lors qu’il instaure, sans souci de proportionnalité, un nouveau régime de liberté surveillée. Des contraintes souvent absurdes et toujours excessives pèsent sur tous les Français, non-vaccinés et vaccinés, ces derniers étant priés de montrer patte blanche sanitaire à tout bout de champ. Ainsi, alors que l’arrêté imposant le port du masque à l’extérieur en Ile-de-France ayant été retoqué par le Tribunal administratif, on nous en annonce un nouveau, plus précis. Alors que moins de 1% des contaminations ont lieu à l’extérieur, il s’agit, paraît-il, pour le gouvernement, de ne pas perdre la face. En nous obligeant à cacher la nôtre, merci bien ! 

Institutionnalisation de la peur

L’Assemblée nationale a également rétabli la possibilité, pour les restaurateurs et organisateurs de spectacles, de contrôler les identités. Les chefs d’entreprise sont également sommés de devenir les garde-chiourmes de l’ordre sanitaire en vérifiant que chacun a sa dose de télétravail. Qui nous dit que demain, une autre loi n’étendra pas l’obligation du passe à d’autres circonstances ou d’autres tranches d’âge? Et que fera-t-on si un virus beaucoup plus létal nous tombe dessus ? On demandera à l’armée de nous livrer nos repas comme en Chine ? 

Nous assistons à l’institutionnalisation de la peur. Pour ses ardents défenseurs, le passe vaccinal est justifié par l’éventuelle survenue de nouveaux variants plus redoutables. Il y aura peut-être une guerre nucléaire dans dix ans, devons-nous vivre dans des abris ? Nous prémunir contre une invasion de sauterelles géantes ? On voit que le principe de précaution n’est pas seulement inscrit dans la Constitution, il s’est insinué dans nos âmes, nous rendant incapables d’affronter le risque et plus encore l’incertitude.  

Notre numéro en kiosques: Causeur #97: Sarkozy présumé coupable

Enfin, le passe désigne les non-vaccinés comme de mauvais citoyens, qui seront donc mis au pain sec et à l’eau, alors même qu’aucune loi n’impose la vaccination. L’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen affirme : “Nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas.” CQFD. La Déclaration ayant été intégrée au bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel himself, ce passe, dont les promoteurs ont reconnu qu’il était une « obligation vaccinale déguisée » devrait être inconstitutionnel. 

Le gouvernement est trop trouillard pour imposer la vaccination à ceux qui risquent des formes graves, disons les plus de 55 ans et les patients souffrant de « co-morbidités ». Il invente donc une nouvelle modalité d’interdit entre le légal et l’illégal, qui n’est pas la loi, mais la loi de l’emmerdement maximum.

Propos de Zemmour sur les enfants handicapés: le revers de la polémique

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Eric Zemmour en déplacement à Honnecourt-sur-Escaut dans le Nord, où il a présenté son projet pour l'école, 14 janvier 2022 © Christophe Forestier/SIPA

Depuis vendredi, toute la classe politico-médiatique tombe à bras raccourcis sur Eric Zemmour, suite à des propos sur les enfants handicapés, en réalité largement déformés.


Le philosophe Julien Freund avait été profondément marqué par les conséquences d’une torsion de la vérité à laquelle il refusa de prendre part. Pendant la résistance, le chef du groupe auquel il appartenait avait accusé son ancienne maîtresse de collaborer avec la gestapo, après qu’elle eut rompu avec lui ; un procès expéditif fut suivi d’une nuit durant laquelle l’innocente fut violée par les résistants communistes avant d’être exécutée au petit matin. Toute proportion gardée, la méthode du procès expéditif vient encore de faire les preuves de sa praticité, l’écho étant démultiplié dans les médias.

À l’affût d’une faute d’Éric Zemmour, des journalistes et la classe politique se sont précipités sur les mots du candidat quant à l’inclusion de certains enfants handicapés pour se dire choqués en commentant des propos manipulés par leurs soins, chacun des accusateurs trouvant son intérêt dans son indignation feinte. Franchissant ainsi la ligne rouge séparant la décence de l’instrumentalisation d’une cause grave. Libération a même modifié un titre qui pouvait laisser penser que Zemmour avait raison (voir plus bas).

Discutant vendredi avec des professeurs à Honnecourt-sur-Escaut dans l’Aisne, Éric Zemmour avait été interpellé par une enseignante confrontée à la souffrance des enfants handicapés dans ses classes. L’ancien chroniqueur lui avait répondu « qu’il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment », avant d’ajouter : « pour le reste, oui, je pense que l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là, qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu’il faut des enseignants spécialisés qui s’en occupent. » Il a depuis précisé qu’il ne parlait pas du handicap physique et craindre que « l’obsession égalitariste soit le paravent de l’abandon des écoles spécialisées ».

Une instrumentalisation politique malvenue et incohérente

De l’extrême gauche à Marine Le Pen, en passant par Valérie Pécresse qui décida en 2018 de piocher 730 000 euros dans le budget handicap de sa région pour financer une consultation sur les autoroutes, tous pratiquent l’indignation ostentatoire. Emmanuel Macron, qui avait récemment parlé d’emmerder les non-vaccinés, a pu tenter de faire oublier ses mots pour l’instant peu rentables en accusant Zemmour de stigmatiser et diviser. L’appui de parents d’enfants handicapés et de personnalités, y compris comme Céline Pina ou Zohra Bitan, aux propos d’Éric Zemmour, est globalement passé sous silence. Idem concernant celui de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées de 2004 à 2005, que revendique le candidat et qui n’est pas démenti.

Les deux rivales de droite d’Éric Zemmour s’en sont donné à cœur joie, alors que leurs propositions pourraient être comprises comme allant quelque peu dans son sens. Valérie Pécresse déclare dans son programme qu’il faut « mettre en œuvre la scolarisation en milieu ordinaire jusqu’à la fin du collège à chaque fois que c’est possible ». Marine Le Pen affirmait début décembre que « tous les enfants qui peuvent être scolarisés doivent l’être que ce soit en milieu ordinaire ou en ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) ! » Zemmour ne dit pas autre chose, mais avec une formulation renversée : ceux qui ne le peuvent pas seraient plus épanouis dans des établissements adaptés qu’il faut renforcer.

C’est surtout sa critique de l’idéologie de l’inclusion primant le réel qui sert à tenter de faire croire qu’il veut rejeter les enfants handicapés.

Des critiques opportunistes négligeant la réalité

Nul pour rappeler la situation mise en avant par l’enseignante qui faisait part à Zemmour des difficultés. Nul pour se soucier des parents d’enfants atteints de handicaps mentaux contraints de scolariser leurs enfants en Belgique, faute d’écoles spécialisées en France, conséquence de la loi sur l’inclusion. Un reportage de France 2 datant de 2014 [1] témoigne de ces difficultés : des enfants doivent faire des trajets en taxi – y compris depuis Paris – pour rejoindre leurs écoles belges, les frais étant pris en charge par la Sécurité sociale. 3 000 enfants étaient alors concernés. Une situation rappelée ce week-end par le candidat sur France 3 dans l’émission « Dimanche en politique ».

Sur Facebook, l’essayiste de gauche Céline Pina a abondé dans le sens du candidat : « Avant d’enfourcher tout de suite le thème de la dénonciation du 3eme Reich, suite à la proposition d’Éric Zemmour sur le handicap, on peut aussi respirer un coup et ouvrir les yeux sur le fait que tous les handicaps ne peuvent être accueillis à l’école. Notamment les autismes lourds ou les handicaps mentaux. » Mentionnant la souffrance des parents et des enfants confrontés à cette inadaptation, Céline Pina affirme que le discours sur l’inclusion « a été un attrape-gogo et a servi à tous les gouvernements à se donner bonne conscience tout en laissant tomber la problématique du handicap. » Une hypocrisie qui a permis de réaliser de « substantielles économies », relève-t-elle.

Un biais médiatique relevant du parti pris

Si les témoignages de parents d’enfants atteints de handicaps affluent en faveur d’Éric Zemmour sur Twitter ou Youtube, les médias ont choisi de ne retenir que les critiques de certains représentants associatifs. Ont été mises en avant la colère de Jean-Louis Garcia, président national de l’Association pour adultes et jeunes handicapés, parlant de « ségrégation », ainsi que celle de la journaliste Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France – et un temps pressentie pour être candidate sous l’étiquette La France insoumise aux législatives de 2017 – dénonçant des propos « discriminatoires » et une « méconnaissance » du candidat sur le sujet.

Ces deux responsables objectent à Zemmour la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce renvoi à la loi n’est cependant pas argument d’expérience qui contredirait Zemmour, mais un argument d’autorité alors que c’est cette norme qui engendre le problème.

La présentation biaisée par des médias militants

Les propos ont généralement été restitués par la presse écrite, les autres médias les ont résumés, mais tous ont insisté sur la polémique, souvent en présentant d’emblée Zemmour comme le candidat non pas de Reconquête mais « d’extrême droite », une façon d’indiquer par quel prisme entendre ses dires.

Du côté de Libération, on a carrément remplacé le premier intitulé d’un billet « Scolarisation des élèves handicapés : Et si Zemmour avait raison ? » par « Scolarisation des enfants handicapés : si l’école déraille, Zemmour défaille ». Il ne faudrait pas que des lecteurs survolant les titres pensent mal…

Dans Challenges, Maurice Szafran a signé un éditorial intitulé « Zemmour ou la définition du salaud en politique ». Après avoir assuré que le candidat s’en prenait aux immigrés et aux Juifs, afin de bien convaincre de la nocivité de ses propos sur les enfants handicapés, Szafran a poursuivi sa tentative de convaincre en cherchant à discréditer ses objections par la reductio ad hitlerum et l’émotion : « »Faux procès », clame le candidat raciste, « mots détournés », insiste-t-il. Ses explications a posteriori ne lui servent à rien car cette sortie sur les enfants handicapés a provoqué émotion, chagrin, et colère dans les tréfonds de la société française. » Ainsi présentée, la charge est censée ne pas pouvoir être réfutée.

Que Szafran ait été accusé en mars 2017 par la Société des Journalistes de Challenges de rouler pour Macron et de manquer d’équilibre dans ses papiers ne doit, bien entendu, pas laisser penser qu’une telle attaque est militante…


Lévy sans interdit

Dans cette affaire, notre directrice de la rédaction a surtout vu des indignations à gogo et peu d’arguments…

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=3AY7_PQq1t0

[Vidéo] Bien sûr, la cancel culture n’existe pas

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La cancel culture n’existe pas ! ce n’est qu’une illusion. Voilà ce qu’une certaine gauche veut nous faire croire.


Il s’agit d’un procédé qu’on appelle le « gaslighting » – ou en français canadien, « le détournement cognitif » – procédé qui consiste à faire accepter à quelqu’un un faux récit pour le convaincre qu’il est un coupable et non une victime.

Ainsi, si vous croyez que la cancel culture existe – que, par exemple, dans les universités, des cours sont suspendus, des invitations à des conférenciers extérieurs annulées, des personnes chassées de leur poste uniquement pour des raisons idéologiques – c’est parce que vous êtes un méchant d’extrême droite qui n’acceptez pas la critique de la part des minorités privées de voix.

C’est Laure Murat qui le dit

En France, le fer de lance de ce gas lighting est Laure Murat, professeurE à l’université de Californie à Los Angeles, qui mène une croisade contre l’existence de la cancel culture.

Déjà, le 1er août 2020, elle a soutenu dans Le Monde qu’il s’agit simplement d’une forme de contestation politique prônée par des minorités « excédées par l’impunité du pouvoir et la passivité des institutions face au racisme, à l’injustice sociale, au sexisme » etc. (J’adore les litanies, mais pas aujourd’hui). Le 1er octobre, dans une interview avec Mediapart, elle maintient que c’est une réponse légitime à l’impunité des dirigeants des pouvoirs publics et de nos institutions qui nient l’existence des rapports de domination entre eux et les minorités.

Maintenant, elle récidive et va plus loin dans un petit livre qui vient de paraître dans une nouvelle collection – sinistre – aux Éditions du Seuil qui nous promet des textes de Thomas Piketty et Clémentine Autain. Le brûlot de Laure Murat s’intitule Qui annule quoi ?, et son message fondamental est que personne n’est annulé – « cancelled ». Au cours de la semaine qui a suivi le colloque anti-woke à la Sorbonne, elle a fait le tour des radios habituelles pour répandre la bonne parole. Lundi 10 janvier, sur France Inter, elle affirme que la cancel culture est une pure invention de l’extrême droite pour dénoncer ce qui est en réalité une « culture de la protestation. » Selon elle, « le concept de cancel culture n’est pas si clair parce qu’il n’existe pas, tout simplement. »

Donc, en 2019, l’université de Cambridge n’a pas annulé le poste de professeur invité qu’elle avait proposé au Canadien Jordan Peterson, coupable de donner des arguments contre l’usage de pronoms « non-binaires » ? En 2020, l’historien Bruce Gilley n’a pas vu annuler par son éditeur un contrat pour la publication de sa biographie d’un fonctionnaire et apologue de l’Empire britannique ? En 2021, l’American Humanist Association n’a pas retiré le titre d’« humaniste de l’année » qu’elle avait décerné, en 1996, au chercheur Richard Dawkins, coupable d’émettre des doutes quant au sexe des personnes transgenres ? Et Klaus Kinzler, professeur à Sciences Po Grenoble, n’a pas été suspendu pour avoir critiqué l’emprise du wokisme sur les programmes de cette institution ?

Dans son petit livre, Laure Murat esquive toute cette question en se focalisant uniquement sur celle des statues déboulonnées par des foules de manifestants. Elle y voit un rejet légitime d’une histoire officielle qui efface les injustices infligées aux minorités par les nations occidentales au cours des siècles.

Premier problème : peut-on vraiment prétendre aujourd’hui qu’il n’y a pas d’études, de publications, de cours qui parlent de ces injustices ? Notre difficulté aujourd’hui consiste en réalité à ne plus pouvoir débattre de ces questions : ceux qui, comme Bruce Gilley, contestent la réduction de l’histoire à une série d’injustices font l’objet de tentatives pour les exclure du débat.

Deuxième problème : peut-on laisser l’écriture de l’histoire à des émeutes de gens en colère dont les connaissances historiques laissent à désirer ? Laure Murat, elle-même historienne, répète comme monnaie courante des assertions qui ne vont pas de soi. En 2020, la statue de Winston Churchill à Londres a été taguée deux fois par des manifestants qui l’ont accusé d’être raciste. Laure Murat approuve, citant sa prétendue responsabilité personnelle dans la famine du Bengale en 1943. Sauf que là il s’agit véritablement d’un mythe, promu d’abord dans un livre complotiste publié en 2010 par une journaliste bengali-américaine dont les données ont été contestées par Amartya Sen, économiste et lauréat du prix Nobel. Si les historiens jugent mal les faits historiques, comment se fier à des foules en colère ?

Troisième problème qui s’applique à tous les cas de cancel culture : nous vivons à une époque où justement il est inacceptable d’avoir un comportement raciste, sexiste ou intolérant. Dans ce contexte, être accusé, même faussement, de racisme, de sexisme ou d’intolérance est comme être traité de pédocriminel : même un innocent voit sa réputation salie de manière permanente. C’est ça, l’injustice profonde de la cancel culture !

On fait tout un fromage des propos du candidat coco à la présidentielle

Nous en avons vu un exemple récent avec Fabien Roussel, candidat du PCF à la présidentielle. Il me semblait déjà le candidat le plus sérieux de toute la gauche – doué de bon sens, clair, humble, sincèrement engagé dans la lutte pour défendre les classes ouvrières. Il a eu le tort de défendre la gastronomie française sous la forme d’ « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage. » Son objectif a été de réclamer l’accès de tous les Français à la bonne bouffe. L’extrême gauche islamogauchiste lui est tombée dessus, l’accusant d’être un islamophobe et un nationaliste blanc. Apparemment, s’il vante les mérites de la viande, il ne peut penser qu’au porc, ce qui fait de lui un ennemi de l’islam – mais pas un antisémite, bizarrement. Si jamais il pensait à un steak frites traditionnel et pas au couscous cher à son rival M. Mélenchon, il doit être un nationaliste.

Je dirais même que son statut évident de carnivore constitue non seulement un affront pour tous les végans à la gauche de la gauche, mais un refus implicite de toute la gamme des doctrines du wokisme qui intéressent si peu les classes ouvrières.

Dans son nouveau livre, dont vous trouverez un compte-rendu par Céline Pina dans le numéro actuel de Causeur, Gilles-William Goldnadel pointe la récente perte d’influence du gauchisme culturel sur le peuple. Voilà l’explication : cette gauche culturelle a perdu tout contact avec la réalité de la vie quotidienne des citoyens modestes. La culture dominante à gauche est la « cancel culture » avec ses calomnies et ses affirmations mal étayées.

Mais, bien sûr, la cancel culture n’existe pas !


Qui annule quoi ?: Sur la cancel culture

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Voilà la citation de la semaine :

« On peut discuter avec celui qui sait, on peut discuter avec celui qui ne sait pas, mais le Bouddha lui-même ne saurait discuter avec celui qui croit savoir. » (proposez votre réponse dans les commentaires sous la vidéo, sur Youtube).

Causons ! à la prochaine fois.

Dix ans et toujours rien

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Ziad Takieddine © Hannah Assouline

À force de chercher, on trouve. À la recherche de l’hypothétique « argent libyen de Sarkozy », les magistrats ont espionné ses conversations. Et découvert qu’il avait envisagé de pistonner un magistrat. Peu importe qu’il ne l’ait jamais fait: pour cette intention supposée, l’ancien président a été condamné en première instance à trois ans de prison, dont un ferme.


12 mars et 28 avril 2012. Juste avant chacun des tours de la présidentielle, Mediapart publie deux documents qui décrivent le financement par la Libye de la campagne de Nicolas Sarkozy cinq ans plus tôt, à hauteur de 50 millions d’euros. L’auteur du premier document, Jean-Charles Brisard, dénonce une « manipulation », dès le 16 mars. Brisard est « sous pression », interprète Mediapart. Son domicile suisse est perquisitionné en mars 2015. Les saisies sont tellement inintéressantes que la justice suisse ne les transmet même à la partie française. Brisard sort du jeu en avril 2016, définitivement hors de cause. Reste le second document, signé de Moussa Koussa, chef du renseignement extérieur libyen. Il démentira ultérieurement avoir écrit cette note.

30 avril 2012. Nicolas Sarkozy porte plainte pour faux contre Mediapart. Sa plainte débouche sur un non-lieu en 2016, confirmé en cassation en 2019. Les expertises ne permettent pas de conclure que la « note libyenne » est « un support fabriqué par montage » ou « altéré par des falsifications ». Elles ne prouvent pas davantage qu’elle est le reflet de la vérité, ni même authentique. Comme les juges le rappellent, on ne leur demandait pas de se prononcer « sur la réalité ou la fausseté des faits dont ce document était censé établir l’existence ». Ils ont prononcé le non-lieu « indépendamment de son contenu ». Reste à savoir pourquoi la justice a accepté que soit expertisé un fichier numérique, et pas un original.

19 décembre 2012. L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine affirme devant la justice détenir des preuves du financement libyen de la campagne de Sarkozy. Le Libanais est alors mis en examen dans l’enquête conduite par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, relative à des rétrocommissions sur des ventes de sous-marins au Pakistan, ayant financé la campagne d’Édouard Balladur en 1995 (affaire dite « Karachi »). Renaud Van Ruymbeke transfère les procès-verbaux au parquet, après avoir mis Nicolas Sarkozy hors de cause dans l’affaire Karachi, où son nom avait été cité.

Avril 2013. C’est seulement un an après la publication par Mediapart du document censé prouver le pacte de corruption qu’une information judiciaire contre X pour corruption est ouverte. Elle est confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman. Incarnation supposée de la neutralité, censé instruire « à charge et à décharge », selon l’article 81 du Code de procédure pénale, le juge Tournaire incarne imparfaitement la fonction. Son collègue du pôle financier, Renaud Van Ruymbeke, unanimement respecté, le trouve un peu trop cow-boy et ne parvient pas à travailler avec lui. En 2016, Serge Tournaire a été le seul des trois juges chargés de l’affaire Bygmalion à souhaiter mettre Nicolas Sarkozy en examen dans ce dossier, ce qu’il a fait en vertu d’une règle qui donne une voix prépondérante au premier juge désigné.

Juillet 2013. Boris Boillon, ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, est arrêté gare du Nord avec 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Il est condamné en 2017 pour blanchiment de fraude fiscale. La piste de l’argent libyen, un moment évoqué, n’a rien donné.

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Juillet 2014. Début de l’affaire dite « des écoutes ». Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sont mis en examen, soupçonnés d’avoir tenté de corrompre un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, dans l’espoir d’en savoir davantage sur les enquêtes concernant Nicolas Sarkozy. Les éléments à charge proviennent d’écoutes téléphoniques mises en place dans le cadre des investigations sur les présumés financements libyens. La ligne au nom de « Paul Bismuth », ouverte par Nicolas Sarkozy pour brouiller les pistes était, elle aussi, sur écoute. Le procès des écoutes, en mars 2021, met en lumière la démesure des moyens mis en œuvre pour coincer l’ancien président : 3 700 conversations privées écoutées, avec son épouse, ses enfants, ses amis, son avocat, deux commissions rogatoires internationales lancées, la Cour de cassation perquisitionnée pour la première fois de son histoire séculaire…

Sarkozy, Herzog et Azibert sont condamnés en correctionnelle à trois ans de prison dont deux avec sursis pour corruption, trafic d’influence et, pour le magistrat, violation du secret professionnel : dans une conversation enregistrée en 2014, donc, alors que Nicolas Sarkozy avait quitté l’Elysée, il a dit à Thierry Herzog qu’il pourrait pistonner Azibert pour un poste à Monaco, ce qu’il n’a d’ailleurs pas fait. Ils ont fait appel. Cette condamnation, bien entendu, ne dit rien sur la réalité des versements libyens. Au contraire. Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, discutant sur une ligne qu’ils croient à l’abri des oreilles indiscrètes, n’ont rien raconté de compromettant en rapport avec la Libye. Peut-être parce qu’ils n’ont rien à dire ?

Novembre 2015. Claude Guéant, proche de Nicolas Sarkozy (il a été son directeur de cabinet à l’Intérieur, puis son secrétaire général à l’Élysée), est condamné par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans de prison avec sursis et 75 000 euros d’amende pour complicité de détournement de fonds publics. La justice lui reproche de s’être versé des primes en liquide lorsqu’il était à l’Intérieur. Là encore, pas de trace d’argent libyen : les fonds provenaient du ministère. Les perquisitions visant Claude Guéant ont néanmoins mis en évidence de multiples anomalies dans ses comptes personnels, avec de fortes sommes non déclarées de provenance inexpliquée. Une partie pourrait provenir de Libye, par l’intermédiaire de l’homme d’affaires Alexandre Djouhri. En revanche, rien à ce stade n’indique que Nicolas Sarkozy était au courant des malversations de son collaborateur, ni qu’il en a été le bénéficiaire.

Février 2016. Nicolas Sarkozy est mis en examen dans l’affaire Bygmalion, portant sur le financement de sa campagne électorale de 2012. Il est condamné à un an ferme en septembre 2021 (il a fait appel). Toujours pas de trace d’argent libyen, les faits reprochés ne concernent pas la présidentielle 2007.

15 novembre 2016. Mediapart diffuse une vidéo de Ziad Takieddine qui déclare avoir remis « trois valises d’argent libyen » à Nicolas Sarkozy, dont une en main propre, au ministère de l’Intérieur. C’est le début d’un feuilleton dans le feuilleton avec comme personnage principal Ziad Takieddine. Il est mis en examen le 7 décembre 2016 pour complicité de trafic d’influence et de corruption. Il est alors en fuite au Liban, suite à une précédente condamnation à cinq ans ferme par la justice française, dans le cadre de l’affaire Karachi.

D’entretien en audition, de face-à-face en volte-face, Takieddine confirme son absence totale de fiabilité. Dans une instruction ordinaire, il aurait été laissé à la marge

Mars 2018. C’est seulement six ans après les premiers articles de Mediapart que Nicolas Sarkozy est mis en examen par le juge Tournaire pour « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics libyens » et « financement illégal de campagne électorale ».

Janvier 2020. Devant les successeurs du juge Tournaire, Aude Buresi et Marc Sommerer, Ziad Takieddine maintient ses déclarations.

Février 2020. Claude Guéant fait condamner Ziad Takieddine pour diffamation, suite à des propos tenus dans l’entretien vidéo diffusé par Mediapart en 2016, où il était question de 5 millions d’euros de pots-de-vin.

12 octobre 2020. Nicolas Sarkozy est mis en examen pour association de malfaiteurs dans l’affaire libyenne, plus de sept ans après l’ouverture de l’enquête. 

11 novembre 2020. Coup de théâtre, Ziad Takieddine fait marche arrière sur BFM-TV et dans Paris Match. Le juge Tournaire lui a, affirme-t-il, prêté « des propos qui sont totalement contraires » à la vérité, « il n’y a pas eu de financement de campagne présidentielle de Sarkozy ». Le 17 novembre, l’intermédiaire déchu envoie au Parquet national financier (PNF) une « sommation interpellative », autrement dit un long mémo, dans lequel il accuse le juge Tournaire de l’avoir manipulé : « Il m’a fait comprendre que si je pouvais accuser M. Sarkozy et sa garde rapprochée, je m’en sortirais la tête haute dans le dossier Karachi et que mes biens me seraient restitués. » Si Takieddine dit vrai, c’est énorme, mais comment faire confiance à un témoin qui dit tout et son contraire ?

14 avril 2021. Ça se complique encore. Interrogé à Beyrouth par les juges d’instruction Aude Buresi et Marc Sommerer, Ziad Takieddine dément le démenti qu’il a fait dans Paris Match… Ses propos « ont été mal tournés par le journaliste », il y a bien eu versement. À cette époque, il est permis de se demander comment les juges peuvent encore accorder du crédit à Ziad Takieddine. En effet, le 14 janvier 2021, à Beyrouth, il a fait devant la juge Buresi une déclaration lunaire, consignée sur un PV que nous avons consulté : « Avec mes relations en Libye, j’ai la possibilité de pouvoir vous amener des originaux de documents compromettant l’équipe Sarkozy dans sa totalité. » Le lot de documents « à lui seul, en original, vaut le succès de votre instruction », ajoute-t-il (ce qui revient à souligner que le succès en question n’est pas encore garanti). Le tout, promet Takieddine,  « sera livré dans les 15 jours ». Le 4 février, le commissaire divisionnaire F. G., de l’ambassade de France à Beyrouth, écrit à la juge Buresi ; la justice libanaise n’a « eu aucune nouvelle de Ziad Takieddine », elle n’a « reçu aucun document ou objet de sa part depuis son audition ».

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D’entretien en audition, de face-à-face en volte-face, Takieddine confirme son absence totale de fiabilité. Dans une instruction ordinaire, il aurait sans doute été laissé à la marge. Le problème est que sans lui, une grande partie des accusations contre Nicolas Sarkozy s’effondre. Par ailleurs, Takieddine peut peut-être sauver les juges de l’échec, en faisant plonger l’ex-président pour subornation de témoin…

Faire tomber Sarkozy pour subornation de témoin

La subornation de témoin, c’est le nouveau feuilleton dans le feuilleton. En novembre 2020, Paris Match a donc publié l’entretien où Ziad Takieddine opérait un de ces revirements dont il a le secret, démentant avoir versé de l’argent libyen à Nicolas Sarkozy, virage consigné dans sa « sommation interpellative ». La ligne constante de la justice, dans ce dossier, semble être de ne surtout pas creuser lorsque l’intermédiaire libanais accable l’ancien président. Dans le cas contraire, il faut chercher. En l’occurrence, les conditions dans lesquelles a été réalisée l’interview de Match au Liban offrent aux magistrats des possibilités de nuire à leur mis en examen favori. Elle a été visée par Hervé Gattegno, alors directeur des rédactions du Journal du dimanche et de Paris Match, réputé pro-Sarkozy et anti-Mediapart.

Elle a été montée par un étrange attelage : une connaissance de Takieddine nommée Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie ; Michèle Marchand, patronne de l’agence Bestimage, pilier de la presse people et amie de Carla Bruni-Sarkozy ; Arnaud de la Villesbrune, ancien directeur de Publicis ayant travaillé pour la campagne 2012 de Sarkozy, plus un homme d’affaires nommé Pierre Reynaud. Ils sont tous déjà mis en examen pour subornation de témoin, de même qu’une interprète franco-algérienne de 26 ans, Lisa H., qui les accompagnait.

Nicolas Sarkozy sur le plateau du « 20 heures » de TF1, au lendemain de sa mise en examen dans l’affaire du financement libyen de sa campagne, 22 mars 2018.

Noël Dubus avait plusieurs projets plus ou moins réalistes en rapport avec le Liban, où il s’est rendu quatre fois en un peu plus d’un an. Il était question de récupérer des tableaux volés, d’introduire des investisseurs philippins au Liban, et d’acheter des officiels libanais pour obtenir la libération d’un des fils Kadhafi, Hannibal, incarcéré à Beyrouth. Difficile de savoir si ce dernier projet était sérieux ou s’il cachait une tentative d’escroquerie. Les enquêteurs français, d’ailleurs, s’en désintéressent. Ils se concentrent sur les pistes qui pourraient mener à Nicolas Sarkozy, en deux temps. D’abord, il faut prouver que Ziad Takieddine a touché de l’argent pour donner son entretien à Paris Match et pour sa sommation interpellative. Ensuite, il faudrait établir un lien entre Sarkozy et le voyage des Pieds nickelés intermédiaires de Match  au Liban. Pourquoi Nicolas Sarkozy tenterait-il de retourner une girouette comme Takieddine, mystère (et avec des intermédiaires aussi folkloriques, mystère encore plus profond). En lisant les PV d’audition de Lisa H., l’interprète, amie de Noël Dubus, on apprend que Hervé Gattegno avait déjà interrogé Ziad Takieddine en juin 2020 par visioconférence, depuis le Liban. Lisa H., qui y avait assisté, n’était pas là pour traduire, Takieddine parlant couramment le français, mais pour l’apaiser, sur proposition de Noël Dubus. « S’il s’énervait, je devais me mettre derrière [Hervé Gattegno, ndlr], et le fait de voir une femme, il allait se calmer. Ça n’a pas raté. » L’entretien lui-même, souligne Lisa H., « c’était du vent, c’était inutile, il a dû changer au moins trois fois de version ! »

L’objectif, en définitive, est de bloquer la girouette Takieddine dans la direction qui pointe Nicolas Sarkozy. Pour y arriver, il faut absolument se débarrasser de la sommation interpellative qu’il a rédigée le 14 décembre 2020. Elle est catastrophique pour les juges, comme pour Mediapart. Il y déclare entre autres : « J’ai été contacté à cette époque [en 2013, ndlr] après avoir vu le juge Tournaire en off quelques jours avant. Le juge Tournaire m’avait vivement conseillé d’accepter la proposition de Mediapart […]. Lorsque Mediapart est venu pour m’interviewer, j’ai donc arrangé l’histoire afin que cela puisse coller aux désirs du juge mais également de Mediapart, qui insistait beaucoup. »

Ce n’est pas le seul endroit où les pièces versées au dossier montrent une intéressante partie de courte-échelle, les enquêteurs s’appuyant sur Mediapart, qui s’appuie sur les enquêteurs. Par exemple, le 3 juin 2021, un officier de la police judiciaire tente de faire réagir Lisa H. à un article de Mediapart intitulé « Rétractation de Takieddine : la piste de l’argent », publié le 6 avril 2021. Michèle Marchand était du voyage au Liban. Qu’en pense la jeune femme ? Réponse : « Vous êtes, après Karl Laske [de Mediapart, ndlr], la deuxième personne à me poser la question. » Le même Karl Laske, précise Lisa H., a menacé de la signaler au Parquet national financier si elle ne répondait pas à ses questions. Du travail d’équipe pour un objectif commun. S’ils veulent sauver dix ans de travail, Mediapart et les enquêteurs savent ce qu’il leur reste à faire : établir que Takieddine a été payé par Sarkozy pour retourner sa veste. Faute de pouvoir le condamner pour recel d’argent libyen, il faut le faire tomber pour trafic d’influence (Azibert) et subornation de témoin (Takieddine). Affaire à suivre.

Les jeux dangereux d’Elisabeth Moreno

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D.R.

De la gastronomie identitaire au Monopoly des inégalités… ou comment passer du coq (français) à l’âne (idéologue)


Si nous nous en tenons aux critères de plus en plus « inclusifs » de l’extrême-gauche insoumise et écologiste, l’extrême-droite s’élargit jour après jour et sera bientôt archi-majoritaire dans ce pays. Michel Barnier avait failli être marqué au fer rouge de l’infamie après avoir évoqué la nécessité d’un moratoire sur l’immigration. Malgré lui, Fabien Roussel vient d’entraîner toute une partie de la population vers le côté obscur d’un pétainisme culinaire. Insouciant, le secrétaire général du PCF a en effet twitté « qu’un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. » (cf. l’article d’Alexis Brunet dans ces colonnes).

Les wokes français aimeraient qu’on n’oublie pas le couscous

Fabien Roussel n’avait pas encore très bien saisi ce que voulait dire le mot « woke ». Il apprend à ses dépens que les wokistes d’extrême-gauche existent : certains l’accusent de faire la promotion d’une alimentation incompatible avec le réchauffement climatique ; d’autres d’avoir une vision identitaire de la gastronomie française et d’être un suprémaciste blanc ; d’autres encore lui demandent de cesser de promouvoir l’alcoolisme. Quelques internautes ont vu dans l’allusion au vin et à la viande (que certains ont immédiatement traduit “viande de porc”) un propos islamophobe. La décolonialiste Françoise Vergès twitte : « Le “C” du parti de Roussel signifie compromission. Aux membres de se désolidariser. » Je connais un autre mot qui commence par “C” et dont les membres, bientôt solidairement mis sur orbite, ne sont pas prêts de s’arrêter de tourner.

A lire aussi, Laurence Simon: Rousseau ou la victoire de la féminité toxique

Sandrine Rousseau, par exemple, toujours parfaite quand il s’agit de lâcher les plus belles bourdes, a déclaré sur LCI que Fabien Roussel excluait une partie de la gastronomie et qu’on peut « être français et adorer le couscous ». Comme tous les accusateurs publics de tous les tribunaux révolutionnaires, Mme Rousseau projette ses obsessions sur une phrase qui ne dit absolument pas ce qu’elle croit (ou aimerait) entendre. Elle sous-entend par conséquent que Fabien Roussel a intentionnellement et racistement omis de décliner tous les plats dans lesquels il y de la viande afin de stigmatiser le couscous, le tajine, la pizza, les tagliatelles à la carbonara et autres spécialités culinaires faisant le bonheur de tous les Français qui restent toutefois attachés à la blanquette de veau, au cassoulet et au coq au vin.

Elisabeth Moreno : Je pense que l’initiative du Monopoly des Inégalités est juste fantastique (…) C’est super, franchement bravo!

Je passe du coq à l’âne : un nouveau jeu vient de faire son apparition. Ce jeu, le Monopoly des Inégalités, a été créé par L’Observatoire des inégalités. Elisabeth Moreno, notre orwellienne ministre à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, le trouve « fantastique ». Règles : les joueurs tirent une carte qui va déterminer leur personnage rangé dans une catégorie, A, B ou C. Et c’est là que ça devient intéressant : la catégorie A étant « très favorisée », le personnage de cette catégorie est un homme blanc de 55 ans se prénommant Aurel ; il a un salaire de 300 euros et un patrimoine de 2000 euros ; en début de partie il possède deux maisons et a deux dés pour jouer. À l’extrême opposé, en catégorie C, le personnage « défavorisé » s’appelle Mohamed, a un salaire de 100 euros et un patrimoine de 600 euros ; la vie étant décidément trop injuste, il n’a qu’un dé pour avancer. En catégorie B, Meriem est un peu mieux lotie que Mohamed mais porte un très seyant et très couvrant voile bleu sur la carte la représentant. Les concepteurs de ce jeu grotesque mais idéologiquement impeccable précisent : « On a fait une quarantaine d’ateliers et Mohamed n’a jamais gagné la partie. » Comme dans le Monopoly de notre enfance il y a des cartes « événements », mais ici elles servent surtout aux joueurs à « expérimenter l’homophobie, le racisme, les inégalités de revenus. » Exemples : « Vous refusez d’embaucher une femme transgenre. Elle porte plainte pour discrimination. Allez directement en prison et payez cent euros à la banque. » Ou : « Si vous êtes noir ou maghrébin, vous ne pouvez plus acheter de maison jusqu’à ce que vous repassiez par la case Départ. Si vous êtes blanc, rien ne se passe. » Une carte “grève générale” permet une “avancée sociale” et une augmentation de revenus pour Mohamed. La case “redistribution” punit, elle, le joueur « très favorisé » de catégorie A qui tombe dessus en le forçant à donner 100 euros à Mohamed, « pour montrer l’importance des impôts dans la réduction des inégalités ».

La ministre des Sports Roxana Maracineanu et la Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances (ouf!) Elisabeth Moreno inaugurent une fédération sportive réservée aux homosexuels à Paris, le 13 septembre 2020 © SIPA / Numéro de reportage : 00981107_000028

Mme Moreno est sous le charme de ce jeu débile : « Je pense que l’initiative du Monopoly des Inégalités est juste fantastique pour la simple raison qu’on peut aborder des sujets extrêmement graves et importants de manière ludique et de manière à donner envie aux jeunes de s’intéresser à la question. C’est super, franchement bravo. » La propagande battant son plein dans une Éducation nationale bien décidée à continuer de fabriquer des crétins, ce jeu est destiné aux professeurs qui éprouveront l’envie de « débattre avec leurs élèves des inégalités ». Constance Monnier, “cheffe” de projet à L’Observatoire des inégalités, confirme l’engouement de certains professeurs : « Nous avons eu énormément de demandes d’acquisition du jeu de la part d’enseignants […] qui cherchaient des outils ludiques pour aborder la question des inégalités ou des discriminations. »

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Quel est le rapport entre ce jeu imbécile et les critiques stupides essuyées par Fabien Roussel ? À priori, aucun. Disons simplement que ces deux actualités confirment le constat suivant : nous vivons dans la plus méprisable en même temps que la plus risible des époques de notre histoire. Le coq français, la crête défraichie, se fait déplumer par des ânes idéologues qui alimentent la bêtise dogmatique d’une partie de la classe politique. L’abrutissement semble général. On hésite souvent entre pleurer de rire et pleurer tout court. Et même Fabien Roussel est obligé finalement de le reconnaitre : « C’est hallucinant ! »

La Révolution racialiste, et autres virus idéologiques

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Jeu, set et vax

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Non vacciné contre le Covid-19, le numéro un mondial serbe a été expulsé d’Australie dimanche 16 janvier, à la veille du début du Grand Chelem, dont il est tenant du titre.


Cher Novak Djokovic,

Tu as été à l’origine de la première grosse polémique internationale en te présentant non-vacciné le 5 janvier à Melbourne pour participer à l’Open d’Australie qui commence ce lundi 17, et qui va commencer sans toi. Tu t’es dit : « Je suis numéro 1 du tennis mondial, je ne vais pas me laisser ennuyer par un pays où l’on ne trouve que des kangourous et des canicules qui dépassent les 50°. »

Mais voilà, rien ne s’est passé comme prévu. On t’a expliqué que ça n’allait pas être possible, comme des videurs l’expliquent à l’entrée d’une boite à des clients qui la ramènent un peu trop. Tu as très mal pris la chose. Heureusement que l’Australie et la Serbie n’ont pas de frontières communes, on était à la limite d’une situation russo-ukrainienne. 

L’idole des antivax

Au passage, tu es devenu l’idole des antivax, martyr confronté à un pays qui a pratiqué un confinement drastique et qui estime que même un champion comme toi n’échappe pas à la règle commune. Et te voilà en centre de rétention, malgré ton bataillon d’avocats. Tu as cru avoir gagné le truc le 10 janvier quand un juge a bloqué ton expulsion mais le dimanche 16, les trois juges de la cour fédérale t’ont indiqué définitivement la porte de sortie. Même l’ATP qui regrette « cette perte pour le tennis » a bien été obligée d’admettre que «les décisions de justice concernant des questions de santé publique doivent être respectées.»

Jeu, set et vax… Vois-tu, il est juste et bon que tu comprennes que courir vite avec une raquette en gagnant par mois la masse salariale annuelle de tout le personnel d’une bonne dizaine de CHU, ne fait pas de toi quelqu’un d’une essence supérieure. Il est juste et bon que tu comprennes qu’un pays qui a des règles d’entrée sur son territoire n’a pas à transiger, même pour une star comme toi qui n’a par ailleurs jamais cessé de faire connaître tes positions sur la question du Covid et qui est connu comme adepte de divers gourous indiens ou japonais qui parlent de « méditation dynamique » ou de « tunnels énergétiques. »

Calembredaines new-age

Tu n’es pas, Novak, loin de là, le seul à t’exprimer hors de ton domaine de compétence, mais tu le fais comme un certain nombre de sportifs de haut niveau, d’artistes ou même de prix Nobel (ce pauvre Luc Montagnier devenu complotiste sur le tard) en excipant d’une légitimité que tu n’as pas.  Tu comprends, battre Nadal en trois set ne rend pas particulièrement compétent sur le vaccin, tes calembredaines new-age ne sont pas paroles d’évangile, et tout ton pognon ne changera rien à l’affaire. Tu as trouvé en face de toi, pas de chance, c’est de plus en plus rare, un Etat de droit décidé à le faire respecter, son droit.

Une dernière remarque, camarade: tu as une circonstance atténuante. Tu n’as pas eu la chance d’être élevé dans la Yougoslavie de Tito où tu aurais rencontré de gentils instituteurs marxistes-autogestionnaires qui t’auraient enseigné les sciences et tout ce qu’elles apportent d’émancipation à l’homme.

Allez, va soigner ton orgueil. Il a un gros tennis-elbow.

Et permets-moi, en matière de personnalités traquées par le nouvel ordre mondial de garder ma compassion pour, par exemple, Julian Assange…

Qu’est-ce que les Américains blancs doivent aux noirs?

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Washington, juin 2021 © Bryan Dozier/Shutterstock/ SIPA

Dans un livre publié en 2021 [1], Jason D. Hill, professeur de philosophie à Chicago, s’interroge sur les réparations qui seraient dues aux Noirs depuis l’esclavage jusqu’à aujourd’hui, alors même qu’une commission du Congrès américain a été mandatée pour étudier la question et proposer ce que pourraient être des excuses et des réparations.


Jason D. Hill revient sur la question de l’esclavage, trop souvent ramenée, de façon anachronique, à une affaire de racisme. Pour lui, l’esclavage pratiqué par l’homme européen, comme la colonisation, s’explique avant tout par sa philosophie qui le séparait alors de l’homme africain. L’homme européen se perçoit comme un sujet moral qui a une destinée manifeste et doit domestiquer la nature. Au contraire, l’indigène qu’il découvre en Afrique est encore partie prenante de cette nature, dont rien ne le sépare et vit dans un monde créé par des forces malveillantes qu’il lui faut en permanence apaiser. Ce que l’homme européen voit alors dans l’indigène africain c’est le représentant d’un monde primordial qu’il a su dépasser. C’est lui fossilisé dans le temps, une sorte de monstruosité qu’il faut dominer et mettre au travail pour le faire progresser. Tâche qui lui fut facilitée par les Africains eux-mêmes qui pratiquaient l’esclavage et lui ont vendu des Africains. L’animisme local conduisait à un agnosticisme moral facilitant ces transactions. Pour Jason D. Hill, le problème central de l’Afrique a été, et reste, l’échec de ses habitants à domestiquer la nature et, surtout, de s’en abstraire.

Un peu d’histoire américaine

Dans son livre, il revient ensuite longuement sur les trois moments fondateurs de la république américaine :

La Déclaration d’Indépendance de 1776, posa les fondements moraux et l’architecture politique qui permettra ensuite aux Noirs de formuler et de combattre l’injustice dont ils souffrent. La non abolition de l’esclavage plongea l’Amérique dans une contradiction morale à laquelle Abraham Lincoln s’attaqua dans son discours de Gettysburg en 1863, deuxième moment fondateur de la république américaine. Les pères fondateurs, s’ils étaient conscients de cette contradiction, craignaient les conséquences politiques d’une abolition, notamment pour la sécurité des Noirs eux-mêmes, dans une société qui n’était pas prête à l’accepter. Le troisième moment fondateur fut celui des lois sur les droits civiques des années 1960 et de l’Equal Employment Opportunity Act de 1972.

Ces lois abolirent les discriminations et les exigences différentielles pour avoir le droit de voter. La loi de 1972 s’est focalisée sur la discrimination dans l’emploi des Noirs et autres minorités et a créé une commission [2] autorisée à mener des actions en justice en cas de violation.

Nouvel eugénisme moral 

L’État chercha ainsi à réparer la terrible injustice qu’il avait encouragée en promouvant un racisme systémique du temps de la ségrégation, époque pendant laquelle aucun écart par rapport aux normes racistes n’était autorisé. Le racisme qui avait été une marque de l’identité américaine devint ainsi une marque d’infamie. Accorder des droits égaux aux Noirs, c’était bien, mais c’est aussi l’imaginaire blanc qu’il fallait transformer. Pour cela l’État s’engagea dans ce que Jason D. Hill appelle un nouvel eugénisme moral  consistant à refaçonner les sensibilités morales des Blancs. Il lui fallut faire primer les droits humains sur les droits de propriété pourtant au fondement de tous les autres droits dans la république, notamment en revenant sur l’autonomie des chefs d’entreprise. Ce fut donc à l’État de réécrire le statu quo, lequel s’était apparenté trop longtemps à une forme d’Affirmative Action au profit des Blancs. Ce nouvel eugénisme moral fut, pour l’État, le moyen de défaire ce qu’il avait lui-même institué et de réparer ainsi les torts causés aux Noirs.

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Mais avec The Great Society, Lyndon Johnson [3] lança une guerre contre la pauvreté par des programmes d’aides sociales qui furent l’habillage d’une politique de réparations. En arrosant de prestations sociales les familles noires, ces programmes les  déstructurèrent et les privèrent de leurs propres initiatives. Ils socialisèrent les Noirs dans la croyance que les Blancs devaient payer pour un bien-être qu’ils seraient incapables d’atteindre par eux-mêmes. D’où une crise de sens qui se manifesta par un mélange de dépendance et de désir d’autonomie radicale, notamment sur les campus avec les Black Studies. La culpabilité blanche a donné des ailes à un noyau de militants consumés par le ressentiment et inspirés par l’Afrocentrisme et le Black Power. Ces militants n’eurent guère de mal à arnaquer les administrateurs blancs les campus, terrorisés par les grèves et les émeutes des années 1960, pour mener une carrière lucrative, tout en politisant les salles de cours à l’extrême, y compris les départements d’anglais.

L’Amérique prise au piège des cauchemardesques Black Studies

Avec les Black Studies, les Noirs installés à l’université ont réclamé l’exclusivité de la parole sur les Noirs, se sont inventés un passé africain paradisiaque et ont vu chez l’homme blanc celui qui cherchait à leur voler ce passé, manière de ressusciter une forme de suprématie blanche. L’Amérique blanche, en participant à cette imposture, a cru ainsi payer la dette qu’elle pensait devoir aux Noirs.

Alors que du temps de Martin Luther King l’aspiration à une réconciliation et à une solidarité indifférente à la race semblait pouvoir l’emporter, c’est un nationalisme culturel semant la discorde jusqu’à aujourd’hui qui a triomphé. Les administrateurs et enseignants ont préféré canaliser la rage. En consentant à faire de la critique du « Black English » un racisme, ils ont été les complices de la destruction de l’intelligence de leurs étudiants noirs.

La radicalisation croissante a conduit certains à voir dans l’extinction de la race blanche une condition à l’existence d’un peuple noir. Ibram X. Kendi et d’autres s’en prennent à toutes les institutions qu’ils associent à l’identité blanche (capitalisme, individualisme, raison, logique, responsabilité…), quitte à entraîner les Noirs dans la chute. Et l’on assiste ainsi à une danse étrange entre ces avocats de l’annihilation des Blancs et ces Blancs qui plaident eux-mêmes pour leur propre destruction. Cette complicité blanche va de ceux qui craignent une guerre raciale et veulent se retrouver du bon côté aux cyniques qui attendent que cela se gâte pour les nihilistes noirs auprès desquels ils pourront jouer les protecteurs…

A lire aussi: L’Oncle Sam, champion de l’islam?

Pour Jason D. Hill, après les lois sur les droits civiques, les Noirs auraient dû accepter de se dire Noirs afin d’empêcher les discriminations, tout en se déprenant de l’identité raciale sur laquelle s’est fondée leur persécution pendant des siècles. Cette identité raciale est une forme tribalisme dont la manifestation concrète est le racisme.

Mais la solution qu’il propose paraît peu attractive. Si l’on peut comprendre sa répulsion pour l’enfermement identitaire racial ou ethnique, son projet de refondation d’un nouveau type d’humanité à « l’éthique planétaire » laisse sceptique. Sa conception  de l’homme nouveau, cosmopolite transracial détaché de tout lien qu’il n’aurait pas choisi en conscience, paraît un peu effrayante. Qui a envie d’être cet orphelin, sans attachement particulier pour ce qui l’a précédé ni pour ses proches, cet homme sans passé entièrement tourné vers le monde qui vient ?

>> Cet article est disponible en version longue sur le blog de la démographe Michèle Tribalat <<

What Do White Americans Owe Black People: Racial Justice in the Age of Post-Oppression

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[1] WHAT DO WHITE AMERICANS OWE BLACK PEOPLE ? RACIAL JUSTICE IN THE AGE OF POST-OPPRESSION, Jason D. Hill, Emancipation Books, 12 octobre 2021.

[2] L’EEOC, Equal Employment Opportunity Commission

[3] 36e président des États-Unis, entre 1963 et 1969 NDLR

Ma pandémie de prof: deux ans de grandes vacances

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Jean Castex et Olivier Véran en visite dans une école le 2 novembre 2021 © ERIC TSCHAEN-POOL / SIPA

Les vacances sont terminées, le virus reprend, et il va falloir vivre avec!


Je vais encourir bien des reproches. Mais qu’y puis-je ? Que ceux qui déjà m’en veulent se représentent ce que fut la pandémie pour le professeur que je suis: deux ans de grandes vacances [1].

Ce jeudi 13 janvier 2022, j’apprends d’un même coup que l’agence européenne du médicament sonne le glas de l’épidémie, que je suis positive au Covid et que les professeurs qui battent le pavé alors que je coconfine sont « positifs au mépris ». Le mépris de Blanquer évidemment: « Blanquer, le virus c’est toi !» ; enfin, toi et Zemmour. Les parents d’élèves renchérissent : trop, c’est trop ! Que les intérêts des uns et des autres divergent (« protéger » les enseignants du virus, c’est garder les petits chéris, tous les micro-virus sur pattes à la maison), c’est un détail dont ils ne s’embarrassent guère.

Quand mes collègues, ceux qui luttent pour une école équitable et solidaire sous la houlette des différents syndicats, sont épuisés après-deux-années-sur-le-front-de-la-covid, je suis dans une forme olympique, à l’isolement. Je n’ai toujours pas compris si je devais aux trois piqûres (les trois T.V. !) ces vacances inespérées: Olivier Véran a certainement un avis sur la question. Quoi qu’il en soit, malgré ou grâce à lui (Véran, le vaccin) me voilà en arrêt-maladie sans être malade. Et interdite de travailler. Il y a quelques semaines, me trouvant dans une situation analogue, j’avais demandé à mon chef d’établissement son concours pour organiser l’enseignement à distance. Et je m’étais attiré ses foudres : « Madame Saint-Laurent, vous n’y pensez pas ! Vous êtes en arrêt-maladie : nous ne sommes pas dans le privé. Si vous faites cela, je vais avoir tous les parents sur le dos qui exigeront que vos collègues en fassent autant. Je vous l’interdis. » Alors, après avoir en catimini envoyé quelques exercices à mes élèves, avant de commander le dernier ouvrage de Houellebecq (dont le titre m’échappe : décomposition, putréfaction, anéantissement ?), j’ai tout le loisir de penser aux inégalités entre les profs. 

À lire aussi, entretien avec Martin Blachier: «Vaccinez les vieux, laissez vivre les jeunes!» 

Mes camarades ont vécu l’enfer : ils se sont tués à la tâche dix-huit heures par semaine, ils ont inhalé un air vicié (même les Poilus étaient équipés contre les gaz toxiques), ils ont fait face à des élèves qui avaient le masque sous le nez, je dis bien sous le nez. Qu’on les leur donne leurs cinq millions de masques FFP2 ! 

Quant à moi, j’ai trouvé cette période plutôt tranquille. Pas trop de pression. Des progrès au ping-pong. Je me souviens de cette sensation pas désagréable procurée par les annonces de M. Blanquer au début du premier confinement : pour l’oral du baccalauréat de français, on passerait de 21 textes à 15 textes. Autrement dit le programme était bouclé avant même de l’avoir commencé (le confinement, pas le programme). Puis j’ai touché des primes substantielles pour des oraux blancs que j’ai fait passer en visioconférence, douillettement installée dans mon fauteuil. J’ai bouquiné, j’ai fait l’école à mes enfants (on n’est jamais mieux servi que par soi-même, foi de prof). L’année suivante, avec les collégiens, c’était un peu moins confortable mais faisable, en s’organisant. L’avantage des cours à distance, c’est qu’on peut couper le micro de ses élèves et parler tout seul, et Dieu sait qu’on aime ça dans la profession.  

Alors d’accord pour les masques FFP2 (pour ceux qui souhaitent vraiment ressembler à des pingouins) mais non au report des épreuves du baccalauréat. D’ailleurs pourquoi le report des épreuves du baccalauréat ? Pour châtier l’enseignement privé parisien qui maintient son niveau d’exigence et qui n’interdit pas (c’est un euphémisme) à ses professeurs de pratiquer l’enseignement à distance ? Pour masquer les insuffisances des professionnels de la contestation? Pour arrêter le recul de la banquise ?

Maintenant que le virus fait des siennes, que de pandémique, il se révèle endémique, il va nous falloir vivre avec, comme ils disent,  et vivre avec nos élèves. Finies les vacances !

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[1] Librement inspiré de l’incipit du Diable au corps de Radiguet.

Le marché des préservatifs se dégonfle

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Les usines de Goh Miah Kiat (notre photo), magnat de la capote et dirigeant du géant Karex, sont à l'arrêt © SAEED KHAN / AFP

On aurait pu penser que le confinement entraînerait une augmentation de l’activité sexuelle. En réalité, la distanciation sociale a été telle que l’industriel leader du préservatif, le malaisien Karex, a perdu 50% en bourse.


Malgré le froid hivernal, les queues s’allongent devant les pharmacies. Mais ce n’est pas pour acheter des préservatifs. Leur utilisation aurait même baissé de 40% en deux ans selon Goh Miah Kiat, le patron de la société malaisienne Karex, le plus grand fabricant de préservatifs au monde avec plus de 5 milliards d’unités vendues chaque année dans 140 pays.

Les conséquences de la crise sanitaire n’ont pas fini de nous surprendre. En raison de l’allongement du temps passé à la maison dans (ou à proximité de) la chambre à coucher, on aurait pu s’attendre à une augmentation de l’activité sexuelle. C’est en tout cas ce qu’anticipait Karex au début de la pandémie, au point de craindre même une pénurie de préservatifs. Que nenni, c’est l’inverse qui s’est produit. Selon le patron du groupe, la fermeture des motels et hôtels aurait empêché de nombreux couples de se retrouver pour partager des moments d’intimité (difficiles à trouver dans des appartements ou maisons surpeuplés). Eh oui, le sexe se pratique aussi hors domicile. Mais sortir, c’est s’exposer au virus. Alors, il faut choisir.

Le patron accuse également les gouvernements qui se concentrent exclusivement sur la gestion de l’épidémie. Il est vrai que ces derniers préfèrent distribuer des masques que des préservatifs, et cherchent par tous les moyens à limiter les interactions sociales, augmentant l’anxiété et le repli sur soi, favorisant les dépressions et la baisse de libido. On a tendance à l’oublier, mais le manque d’activité sexuelle est un problème de santé, puisqu’elle a un effet sur le bien-être mental, mais pas seulement.

À lire aussi, du même auteur: Vers une pénurie mondiale de préservatifs?

Ainsi l’autre reproche adressé aux gouvernements concerne le relâchement de la lutte contre le VIH. Rappelons quelques chiffres : selon l’OMS, il y a eu plus de 5,5 millions de morts du covid dans le monde pour 318 millions d’infections (1,7 % de décès) contre 36 millions de morts du VIH pour 79 millions d’infections (45 % de décès). D’après le Bulletin de Santé publique France, il y a eu une diminution importante du recours au dépistage en France avec 5,2 millions de sérologies au VIH réalisées en 2020 (-14% par rapport à 2019). L’utilisation d’un préservatif reste le meilleur moyen de protection contre le VIH. Mais dans la hiérarchisation gouvernementale, les comportements à risques consistent à prendre son café debout dans un bar ou manger dans un train. Il y a les malades du covid et les autres.

Karex l’a bien compris. C’est pourquoi l’entreprise se lance désormais dans la diversification avec les gants en latex car, ne l’oublions pas, il faut continuer à respecter les gestes barrières. De quoi éviter à Karex une autre débandade en bourse, après avoir perdu 50% en un an. L’usine de production de gants devrait démarrer en Thaïlande d’ici à mi-2022. Espérons que ce ne soit pas un projet qui capote.

Et si le Diable était français !

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Molière dans le rôle de César, dans "La Mort de Pompée", portrait attribué à Nicolas Mignard, 1658. ©Wikipedia Commons

Avec Molière, on croit être au théâtre… Non, voici un homme qui s’avance vers nous et qui nous regarde. Il ne nous juge pas, il nous attrape, nous jette dans la balance et nous pèse.


À l’âge de 10 ans, à la mort de sa mère, à jamais inconsolable, il a connu un long chagrin, un effroi qui ne l’a pas quitté. Il avait la tête pleine de cris. Il n’a jamais pardonné aux médecins.

Il aurait pu être riche, tapissier du roi comme son père, il préféra endosser le costume de Sganarelle, jouer les valets mais pour rire, et tirer le diable par la queue ; il choisit le théâtre : le succès, le faste et la frime, l’errance, la compagnie des gueux, ce qui n’était pas convenable, sauf à amuser Monsieur et à plaire au roi, ce qui ne dure qu’un temps.

Il osait s’étonner, il s’étonnait d’oser.

Il a provoqué les doctes et les académiciens. Il a été précieux sans être ridicule, et parfois ridicule comme sont les maris. Il a aimé la mère, puis épousé la fille et payé son audace au prix fort.

Il a puisé dans l’eau noire de sa mélancolie les ressorts de la farce. À moins qu’il n’ait extrait de la farce une terreur intime – une sombre et austère folie. Et dans les sévices que son Pourceaugnac s’inflige une risible métaphysique.

S’il écrit La Jalousie du Barbouillé, s’il s’accoutre gaiement du masque de Scaramouche, c’est parce que les recettes de sa troupe sont au plus bas, et que le public veut des grimaces ! Jean-Baptiste adore faire le pitre, mais il préférerait jouer La Mort de Pompée avec des lauriers sur le front.

On dirait que Molière s’ignore étrangement comme écrivain, c’est sa force. Contrairement à Pascal ou Montaigne, peu enclins à se déguiser en Mascarille, il n’a pas de vision du monde à faire partager, il ne sait que regarder les hommes. Il ne nous condamne pas, il nous attrape, nous jette dans la balance et nous pèse.

Nous sommes des jouets, nos passions mènent le bal.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Les 400 ans de Molière, ou comment on devient immortel

Dans une société de cour, le ridicule est un sujet, Molière en fait la matière de son art. Et il plaide avec éloquence en faveur de la comédie : « Il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, accuser les Destins et dire des injures aux Dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes… C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. »

Quoi qu’il écrive, quand on croit qu’il s’abaisse, il se hisse.

Molière n’est pas sans devanciers ni maîtres, mais il s’accroît de ce qu’il emprunte. Il a su tirer le meilleur de Corneille, l’inventeur de la comédie à la française. Il ne se croit ni novateur ni précurseur, mais il pressent que tôt ou tard les Modernes vont supplanter les Anciens.

Il a suscité la haine des dévots et l’amitié des princes. Et la jalousie de Racine. Et la rage de Lully, aussi ambitieux et plus roué que lui. Et l’aigreur de Boileau, qui feint de s’indigner :

Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe 

Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.

Sans blague ! 

Grâce à Molière, on sait qu’en matière de religion, le pire danger, ce n’est pas Tartuffe, un imposteur, c’est Orgon parce qu’il est sincère – donc fanatique.

Molière a su hurler, murmurer, dire et supplier – et même se taire.

Il y a d’un côté les passions, et de l’autre les coutumes, qui ne sont pas moins tragiques. Que la vie soit comique pour celui qui pense et une douleur pour celui qui sent, ça il le savait.

Molière fait tinter le vieil or qui roule dans le français quand on le parle : la galanterie et la satire, les soupirs de la pastorale et la crudité des fabliaux, la langue poudrée des salons et le parler des ruelles. Et le patois des belles paysannes. Rien de plus théâtral, morgué !, que cette langue-là, si dure, qui n’a rien de maternel, et qui répudie l’idée même d’une douceur qui viendrait de la mère. Il a écrit la pièce la plus féroce de tout le répertoire : L’Avare – un abîme.

Il a pris le parti des fils contre les pères, et défendu les amants juvéniles contre les vieux chameaux, les soubrettes contre les barbons.

Il a été irascible envers les cuistres et les sots qui ont fait de lui un ennemi mortel.

Il a su très tôt que la politique, la philosophie et la religion ne sont pas les seules à dire la vérité sur les hommes. Quand son grand-père maternel, qui est fou de théâtre, emmène Jean-Baptiste à l’Hôtel de Bourgogne, l’enfant devine, au-delà des facéties de Gros-Guillaume et de Gaultier-Garguille, que le rire est plus mystérieux et parfois plus amer que les larmes. 

Il a été critiqué, aimé, applaudi, attaqué, calomnié, trahi.

Un démiurge – et un dramaturge. Un détecteur de fumée. Un artiste. 

À lire aussi, du même auteur: Dr Véran et Mr Covid

Un élan, un pur instinct, le pousse à défier la mort en mimant sans fin les hoquets d’une naissance. Il a réalisé le rêve secret de tous les comédiens : mourir sur scène – tout en faisant s’esclaffer l’auditoire. Et eux d’applaudir, dupés par ses mimiques, et lui de cracher du sang, et eux de rire de plus belle en se disant : quel acteur, crénom !

Ce fut un solide contempteur du sacré – le théâtre étant ce lieu obscur où l’on vérifie jusqu’où et comment l’art résiste au sacrilège. Tout advient au détour de la farce sous un ciel vide, si méchant et si fatal qu’on le croirait grec.

Il ne sépare pas la pensée et les mœurs – si français en cela et pourtant universel, aimé et compris dans toutes les langues, de Rio à Pékin, de Moscou à Oulan-Bator. La recette est perdue. 

Il n’est jamais savant ni nébuleux. Sa morale est affaire de tact et d’instinct – de goût. Il ne juge pas les hommes, il a juste créé des monstres qui nous ressemblent : Orgon, Argan, Alceste. Sans Molière, les Français seraient plus seuls – et encore plus bêtes.

Il a aimé les femmes et il a aimé l’amour. Faut-il chérir ce qui nous blesse, ce tourment que la raison craint et que le bon sens condamne ? Il nous laisse libres de répondre.

Depuis son enfance, son animal favori était le singe.