La cancel culture n’existe pas ! ce n’est qu’une illusion. Voilà ce qu’une certaine gauche veut nous faire croire.


Il s’agit d’un procédé qu’on appelle le « gaslighting » – ou en français canadien, « le détournement cognitif » – procédé qui consiste à faire accepter à quelqu’un un faux récit pour le convaincre qu’il est un coupable et non une victime.

Ainsi, si vous croyez que la cancel culture existe – que, par exemple, dans les universités, des cours sont suspendus, des invitations à des conférenciers extérieurs annulées, des personnes chassées de leur poste uniquement pour des raisons idéologiques – c’est parce que vous êtes un méchant d’extrême droite qui n’acceptez pas la critique de la part des minorités privées de voix.

C’est Laure Murat qui le dit

En France, le fer de lance de ce gas lighting est Laure Murat, professeurE à l’université de Californie à Los Angeles, qui mène une croisade contre l’existence de la cancel culture.

Déjà, le 1er août 2020, elle a soutenu dans Le Monde qu’il s’agit simplement d’une forme de contestation politique prônée par des minorités « excédées par l’impunité du pouvoir et la passivité des institutions face au racisme, à l’injustice sociale, au sexisme » etc. (J’adore les litanies, mais pas aujourd’hui). Le 1er octobre, dans une interview avec Mediapart, elle maintient que c’est une réponse légitime à l’impunité des dirigeants des pouvoirs publics et de nos institutions qui nient l’existence des rapports de domination entre eux et les minorités.

Maintenant, elle récidive et va plus loin dans un petit livre qui vient de paraître dans une nouvelle collection – sinistre – aux Éditions du Seuil qui nous promet des textes de Thomas Piketty et Clémentine Autain. Le brûlot de Laure Murat s’intitule Qui annule quoi ?, et son message fondamental est que personne n’est annulé – « cancelled ». Au cours de la semaine qui a suivi le colloque anti-woke à la Sorbonne, elle a fait le tour des radios habituelles pour répandre la bonne parole. Lundi 10 janvier, sur France Inter, elle affirme que la cancel culture est une pure invention de l’extrême droite pour dénoncer ce qui est en réalité une « culture de la protestation. » Selon elle, « le concept de cancel culture n’est pas si clair parce qu’il n’existe pas, tout simplement. »

Donc, en 2019, l’université de Cambridge n’a pas annulé le poste de professeur invité qu’elle avait proposé au Canadien Jordan Peterson, coupable de donner des arguments contre l’usage de pronoms « non-binaires » ? En 2020, l’historien Bruce Gilley n’a pas vu annuler par son éditeur un contrat pour la publication de sa biographie d’un fonctionnaire et apologue de l’Empire britannique ? En 2021, l’American Humanist Association n’a pas retiré le titre d’« humaniste de l’année » qu’elle avait décerné, en 1996, au chercheur Richard Dawkins, coupable d’émettre des doutes quant au sexe des personnes transgenres ? Et Klaus Kinzler, professeur à Sciences Po Grenoble, n’a pas été suspendu pour avoir critiqué l’emprise du wokisme sur les programmes de cette institution ?

Dans son petit livre, Laure Murat esquive toute cette question en se focalisant uniquement sur celle des statues déboulonnées par des foules de manifestants. Elle y voit un rejet légitime d’une histoire officielle qui efface les injustices infligées aux minorités par les nations occidentales au cours des siècles.

Premier problème : peut-on vraiment prétendre aujourd’hui qu’il n’y a pas d’études, de publications, de cours qui parlent de ces injustices ? Notre difficulté aujourd’hui consiste en réalité à ne plus pouvoir débattre de ces questions : ceux qui, comme Bruce Gilley, contestent la réduction de l’histoire à une série d’injustices font l’objet de tentatives pour les exclure du débat.

Deuxième problème : peut-on laisser l’écriture de l’histoire à des émeutes de gens en colère dont les connaissances historiques laissent à désirer ? Laure Murat, elle-même historienne, répète comme monnaie courante des assertions qui ne vont pas de soi. En 2020, la statue de Winston Churchill à Londres a été taguée deux fois par des manifestants qui l’ont accusé d’être raciste. Laure Murat approuve, citant sa prétendue responsabilité personnelle dans la famine du Bengale en 1943. Sauf que là il s’agit véritablement d’un mythe, promu d’abord dans un livre complotiste publié en 2010 par une journaliste bengali-américaine dont les données ont été contestées par Amartya Sen, économiste et lauréat du prix Nobel. Si les historiens jugent mal les faits historiques, comment se fier à des foules en colère ?

Troisième problème qui s’applique à tous les cas de cancel culture : nous vivons à une époque où justement il est inacceptable d’avoir un comportement raciste, sexiste ou intolérant. Dans ce contexte, être accusé, même faussement, de racisme, de sexisme ou d’intolérance est comme être traité de pédocriminel : même un innocent voit sa réputation salie de manière permanente. C’est ça, l’injustice profonde de la cancel culture !

On fait tout un fromage des propos du candidat coco à la présidentielle

Nous en avons vu un exemple récent avec Fabien Roussel, candidat du PCF à la présidentielle. Il me semblait déjà le candidat le plus sérieux de toute la gauche – doué de bon sens, clair, humble, sincèrement engagé dans la lutte pour défendre les classes ouvrières. Il a eu le tort de défendre la gastronomie française sous la forme d’ « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage. » Son objectif a été de réclamer l’accès de tous les Français à la bonne bouffe. L’extrême gauche islamogauchiste lui est tombée dessus, l’accusant d’être un islamophobe et un nationaliste blanc. Apparemment, s’il vante les mérites de la viande, il ne peut penser qu’au porc, ce qui fait de lui un ennemi de l’islam – mais pas un antisémite, bizarrement. Si jamais il pensait à un steak frites traditionnel et pas au couscous cher à son rival M. Mélenchon, il doit être un nationaliste.

Je dirais même que son statut évident de carnivore constitue non seulement un affront pour tous les végans à la gauche de la gauche, mais un refus implicite de toute la gamme des doctrines du wokisme qui intéressent si peu les classes ouvrières.

Dans son nouveau livre, dont vous trouverez un compte-rendu par Céline Pina dans le numéro actuel de Causeur, Gilles-William Goldnadel pointe la récente perte d’influence du gauchisme culturel sur le peuple. Voilà l’explication : cette gauche culturelle a perdu tout contact avec la réalité de la vie quotidienne des citoyens modestes. La culture dominante à gauche est la « cancel culture » avec ses calomnies et ses affirmations mal étayées.

Mais, bien sûr, la cancel culture n’existe pas !


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Voilà la citation de la semaine :

« On peut discuter avec celui qui sait, on peut discuter avec celui qui ne sait pas, mais le Bouddha lui-même ne saurait discuter avec celui qui croit savoir. » (proposez votre réponse dans les commentaires sous la vidéo, sur Youtube).

Causons ! à la prochaine fois.