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Mickey et la transidentité

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En Floride, le gouverneur républicain de l’État interdit aux professeurs de relayer la propagande sur la théorie du genre à partir du mois de juillet. Le géant du divertissement Disney est contraint de prendre position.


Signée officiellement le 28 mars par Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, la « House Bill 1557 » interdit désormais aux enseignants du primaire comme du secondaire d’évoquer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre devant leurs élèves. 

Le texte de loi, surnommé Don’t Say Gay (« ne dites pas gay »), a provoqué une vague de protestations aux États-Unis jusque dans le Bureau ovale. Le président Joe Biden s’est dit consterné par ce vote, réaffirmant que son « administration continuerait à se battre pour la dignité de chaque élève, en Floride et dans tout le pays », rappelant que les « jeunes LGBTQI+ méritent d’être acceptés tels qu’ils sont ».

Un jour mon prince viendra…

Parmi les opposants à ce projet de loi, la voix de Charlee Corra, arrière-petit-fils de Walt Disney, fondateur des studios du même nom, se fait remarquer. Le jeune homme de 30 ans a récemment fait son coming-out transgenre. Héritier du créateur de la souris bien connue Mickey, il a vertement critiqué la « House Bill 1557 », soutenu par ses parents qui ont fait don d’un montant de 500 000 dollars à une association de défense des droits LGBTQI + en guise de protestation. C’est d’une même voix qu’ils ont déclaré « avoir le cœur brisé » depuis la signature du texte de loi. D’autant qu’en tant que professeur de biologie et des sciences de l’environnement, Charlee Corra, qui utilise le pronom « Iels » pour se définir, est le premier concerné par la « House Bill 1557 » ! 

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« J’avais très peu de modèles ouvertement homosexuels [à l’école-ndlr] » a confessé Charlee Corra, au Los Angeles Times et, si « sa condition sociale lui a offert de nombreux privilèges, une grande partie de son adolescence et de sa vie de jeune adulte a été jalonnée par la difficulté d’assumer sa transidentité » a-t-il expliqué à nos confrères, craignant que cette loi ne fasse reculer les droits des homosexuels en Amérique du Nord.

La conversion de la Walt Disney Company

Un coming-out qui a reçu un soutien appuyé mais contraint de la Walt Disney Company, acteur économique de poids dans cet État du Sud-Est. 

Fustigée par certains fans et ses propres employés « déçus, blessés, effrayés et en colère » pour ne pas avoir dénoncé ce texte de loi, la société a dû faire amende honorable. Après s’être excusée, elle a annoncé qu’elle ferait tout pour faire annuler la « House Bill 1557 » aux côtés des associations militantes gays et lesbiennes. Bob Chapek, Directeur général de The Walt Disney Company, a même confirmé dans un email adressé au personnel que l’entreprise cessait de faire des dons aux partis politiques. Une décision qui a fait réagir le Parti Démocrate, très amer. Ce dernier a regretté de telles conséquences, générées selon lui par une loi qui « prend le parti de la haine et de la discrimination et utilise la souffrance des enfants et des familles pour marquer des points auprès de sa base électorale ». Depuis plusieurs mois, différents gouverneurs républicains ont effectivement fait voter des lois du même genre ou limitant l’accès à l’avortement, laissant entrevoir derrière cette série de décisions la main et l’influence de l’ancien président Donald Trump…

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Rien qui ne saurait ébranler le gouverneur de Floride, étoile montante de son parti et potentiel candidat à la prochaine élection présidentielle. « Je me fiche de ce que disent les grands médias ! Je me fiche de ce que dit Hollywood. Je me fiche de ce que disent les grandes sociétés. Je fais face. Je ne reculerai pas » a déclaré Ron DeSantis en brandissant le bouclier de l’ordre moral. La loi entrera en vigueur dès juillet 2022. Tout parent qui estimera qu’un enseignant contrevient à la « House Bill 1557 » pourra le dénoncer à sa direction d’établissement.

Dans une vidéo interne évoquant le projet “Reimagine tomorrow”, ayant fuité dans la presse en mars (voir plus bas), Karey Burke, en charge du contenu chez Disney, promettait que 50 % des personnages principaux des productions Disney seraient dorénavant issus de la communauté LGBT et des minorités raciales. « En tant que mère de deux enfants queer, un transgenre et un pansexuel, je me sens responsable de parler pour eux » précisait-elle alors. 

Rendez-nous de Gaulle sur les marchés de France!

À la télévision, les images de nos dirigeants en campagne vilipendés par des badauds derrière des barrières, ont quelque chose d’avilissant.


Dans la foire d’empoigne qui secoue les derniers jours d’une campagne aphasique, j’ai senti un profond malaise m’envahir. Une vague de dégoût pour notre classe politique si prompte à nous faire la leçon, à nous cornaquer, à nous déposséder, peu à peu, de notre liberté déjà largement écornée. J’avais d’autres ambitions intimes pour mon pays. Par naïveté et nostalgie, j’ai toujours pensé que la France méritait mieux que ces échanges infertiles sur les marchés, à la volée, entre le vendeur de poulets rôtis et la maraîchère. Dans ce Clochemerle qui vire au pugilat verbal, cette chasse aux voix qui précède les moissons pascales, j’ai vu des images indécentes qui heurtent notre citoyenneté. Nous en sommes donc arrivés, là. Á un tel point de non-retour. Une République sur cales qui attend sa révision générale. Hébétés et furieux. Fragmentés et réfractaires. Tristes et, à bout de souffle. Sans vision nationale et sans élan salutaire.

De chaque côté des barrières de sécurité, recroquevillés sur nos certitudes, nous sommes incapables de nous contrôler, d’échanger dignement et de faire passer la moindre once de vérité dans notre regard. La fureur nous submerge quand la raison d’un seul isole. Nos faiblesses collectives crèvent alors l’écran. Nous sommes nus devant les caméras avides de nos déballages. Personne ne sortira vainqueur de ces duels dysfonctionnels et infantiles. Comme si le rendez-vous entre un Homme et un peuple était devenu une mission impossible. Comme si la verticalité du pouvoir, au lieu de nous élever et de nous entraîner, laissait le champ libre à nos instincts les plus honteux. Osons sortir des cours de récréation chahuteuses, il en va de notre santé mentale et démocratique.

Aujourd’hui, nous peinons à refreiner nos pulsions destructrices et nos dirigeants ne parviennent plus à se reconnecter à la Patrie. De part et d’autre, les délices de l’émotion guident nos pas. Et puis cette colère venue de très loin, forcément éruptive et foutraque, amère et incontrôlable face à ce candidat-président à la manœuvre, descendant dans l’arène pour montrer sa combativité et son ardent désir d’expliquer son bilan a quelque chose de malsain. Bannissons ces accrochages improductifs, ils n’apporteront que du désarroi et de la rancœur à la confrontation des idées. Ils laisseront des plaies inguérissables à l’avenir.

Quand les filtres de la bienséance et du respect mutuel disparaissent, le chaos est en marche. Tout le monde y perd, le président qui surplombe tentant de garder son sang-froid et l’anonyme dans la foule qui se défoule. Le spectateur devant son poste se sent sali par ces débordements médiatiques. Dans ces altercations qui font le miel des chaînes info jusqu’à l’ivresse, j’y ai vu la dégradation de la fonction, une soumission aux images, aux vieilles ficelles de la communication spectacle et une mise en scène de nos séparatismes intérieurs. Notre pays n’a pas besoin de pédagogie, de chiffrages, de scories technocratiques, de coups de menton ou d’un autoritarisme de façade dans sa relation avec son futur dirigeant, seulement d’y croire. Juste y croire, un peu. Qu’une sincérité naturelle et une puissance de conviction éclatent enfin au grand jour. La foi dans un message dépend beaucoup de la manière dont le personnel politique se comporte au quotidien. Dans le monde frelaté du virtuel et de la fausse promiscuité, le présidentiable est un VRP qui promène sa mallette programmatique au gré des modes et du vent changeant. Il n’a qu’une obsession fatale : séduire à tout prix. Le charisme ne se commande pas sur Internet. Il est inéquitablement réparti dans les ministères, les hémicycles ou les vestiaires. Pourquoi nos anciens présidents jusqu’au début des années 1980 réussissaient, malgré leurs compromissions et leurs « petites » combines, à inspirer la confiance ? Assurément, nous les craignions un peu, leur parcours cabossé était le signe des êtres à part qui ont lutté et chuté tant de fois avant d’accéder à la tête de l’État. Ils étaient secrets et distants, impressionnants et porteurs d’une mission civilisatrice qui les dépassait. Ils emportaient nos rêves et ne bataillaient pas avec l’homme de la rue.

Imaginez-vous le Général ou Pompidou s’avilir aux discussions de bistrot. Ce n’était pas par morgue, plutôt par incarnation absolue de la fonction. Ils se trouvaient juste à bonne distance. Nous n’attendions rien d’autre de leur part. Leur hauteur de vue n’était pas incompatible avec une justesse de ton. En ce temps-là, nous ne voulions pas faire « copain-copain » avec eux. Ceux qui se sont invités à dîner chez les Français l’ont payé chèrement dans les urnes. Jadis, le magistère intellectuel de nos présidents imposait une forme de retenue et d’admiration. Une certaine confiance également, du moins une autorité morale qui ne s’apprend pas sur les bancs des grandes écoles. Je me souviens que Charles Pasqua avait déclaré, un jour, que les politiques actuels, qui n’avaient pas été frappés personnellement et fort heureusement par les tragédies de l’Histoire, n’auraient plus jamais la même ampleur et la même densité. Nous devons nous satisfaire d’une génération qui ne peut s’extraire du jeu télévisuel, par peur de ne plus exister. Un peu d’allure et de hauteur ne nuisent pas à la qualité des débats. Il faut un certain courage pour refuser la démagogie du « Fight Club ».

La colonisation française, une drôle d’idée

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Il y a quelque temps, je me suis mis dans la tête qu’il me fallait écrire une contre-histoire de la colonisation française. Je fonctionne ainsi : toujours à contre-courant de la pensée dominante, d’où mon insuccès ici-bas et mes nombreuses amitiés au sein des milieux les plus divers et qui se détestent parfois les uns les autres. L’adversité est une école de la vie, elle m’a appris qu’il y a des gens valables et admirables à l’extrême-gauche comme à l’extrême-droite, et que les gens qui se détestent au nom d’une idéologie partagent souvent des points de départs communs : la quête de la justice et de la dignité.

Mon manuscrit est prêt. Il attend un éditeur. Je lui promets d’avance que cette publication suscitera l’ire de Mesdames Taubira, Obono et Diallo. Étant de confession musulmane, je suis habitué aux fatwas et elles ne me font pas peur ! 

Terrain miné

Mon livre n’est ni une ode aux pieds noirs ni un réquisitoire contre le FLN, c’est un voyage au bout de la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. C’est donc un périple en un territoire inconnu, un cheminement en terrain miné. 

Pour me documenter, j’ai navigué au milieu d’une cinquantaine d’ouvrages. Parmi les plus marquants, je cite volontiers Trente-deux ans à travers l’Islam de Léon Roches, une histoire vraie qui raconte la désertion d’un Français d’Algérie, tombé fou amoureux d’une jeune musulmane nommée Khadija (belle et mystérieuse, forcément). Cette désertion le conduira à rejoindre les rangs de l’émir Abdelkader, dont il sera un des proches conseillers. Le livre, au-delà de l’aspect lyrique de l’aventure amoureuse, décrit l’état réel de l’Algérie avant la conquête : une terre fracturée entre plusieurs tribus qui n’ont rien en commun à part la religion musulmane et l’habitude d’obéir aux Turcs.

A lire aussi, Jean Sévillia: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

J’ai également été ravi par Auguste Pavie et sa Conquête des cœurs où l’on apprend que la France a évité le grand remplacement du peuple khmer. Que BHL et Léa Salamé me pardonnent le jour du Jugement Dernier ! Je jure que j’ai caché le livre d’Auguste Pavie au fond du tiroir où je garde ma collection de revues érotiques brésiliennes (il fut un temps où je m’intéressais au tropicalisme dans la photo érotique, mais là c’est une autre histoire… d’appropriation culturelle). Juste pour terminer mon propos : les Khmers se sont littéralement donnés aux Français autour des années 1860-1870, car ils étaient sur le point de se faire engloutir par les Vietnamiens (à l’est) et par les Thais (à l’ouest). La colonisation française a donc été une libération au Cambodge et au Laos.

Mais, une question n’a cessé de me tarauder. Pourquoi est-ce que les Français ont colonisé ? La question est valide car il n’y avait aucune richesse vraiment exceptionnelle dans les pays qu’ils ont conquis. L’Afrique du Nord, à commencer par l’Algérie, est une terre sèche et stérile. L’Indochine n’a rien à offrir à part un peu de charbon (en abondance à Roubaix et à Tourcoing) et son hévéa (une commodity banale sur le marché international). Et les colonies françaises en Afrique ont eu le « mauvais goût » de ne pas offrir de diamants et d’or, contrairement aux dominions britanniques en Afrique du Sud, au Botswana et en Rhodésie.

Les réponses de l’historien Raoul Girardet

Une chose est de s’amuser en plantant son drapeau sur la kasbah d’Alger ou à Tombouctou, une autre est de conquérir systématiquement douze millions de km2 avec l’assurance de n’y trouver aucune ressource de choix à part des moustiques et des coups de sagaies.

C’est dans le livre de Raoul Girardet (1917-2013) que j’ai trouvé la réponse. Intitulé L’idée coloniale, 1871-1962, ce livre retrace la genèse d’une idée folle dont nous ne cessons de payer les conséquences, à commencer par l’invasion migratoire et la honte ressentie par nos enfants sur les bancs de l’école à chaque fois que le mot France est prononcé. Raoul Girardet restitue la naissance de l’idée coloniale dans les esprits des Français et ce qu’il raconte est fascinant. Par souci de synthèse, je n’en restituerai que quelques traits saillants : (1) Tout s’est joué après la défaite de Sedan en 1870 où la France a été amputée de l’Alsace et de la Lorraine, (2) la gauche républicaine a proposé alors d’effacer l’humiliation en se lançant à la conquête de « l’Afrique ténébreuse » et de « l’Asie silencieuse ». Au passage, il s’agissait de détourner l’armée de toute tentative de revanche contre les Allemands et de donner un surcroît de légitimé à un régime né dans la douleur et la peine : la Troisième République. (3) L’opinion publique n’a pas marché dans le coup, les Français se désintéressant totalement des colonies jusqu’au lendemain de la Première Guerre Mondiale. En réalité, ils ont manifesté une réelle hostilité à l’expansion coloniale à ses débuts, comme lors de la prise du Tonkin en 1883-85, (4) nonobstant l’indifférence de l’opinion publique, le lobby colonial a placé ses pions et a tiré les ficelles pour réaliser son agenda, s’emparant en quelques années de la Tunisie, du Congo, de l’Indochine et d’une partie de Madagascar. Placée devant le fait accompli, la classe politique a dû se résigner et rallier l’idée coloniale. La droite, pourtant hostile à la colonisation à ses débuts, s’est couchée autour de 1905.

A lire ensuite, du même auteur: Le grand remplacement tuera la diversité du monde!

Et maintenant, le ressac !

Ça ne vous rappelle rien tout ça ? On dirait l’histoire de l’invasion migratoire des dernières années où VGE et les socialistes ont fait venir les immigrés avant que le RPR ne finisse par se convertir, lui aussi, au credo de « l’immigration, chance pour la France ». D’ailleurs, le lobby colonial, comme le décrit si bien Raoul Girardet, a présenté la colonisation comme une « chance » pour la France sur les plans économiques, géopolitiques et culturels. Une occasion unique en son genre d’éviter « le repli sur soi ».

L’Histoire se répète donc ! Quoi de plus normal lorsqu’on sait que la nature humaine n’a pas changé et que le citoyen n’a toujours pas appris à se défendre contre la manipulation, l’influence et la propagande. Lisez le livre de Raoul Girardet pour accéder à la véritable pensée française, une pensée d’élite, sophistiquée et accessible au grand public. Girardet a eu la vie que j’aurais aimé avoir, se consacrant à ce qu’il y a de plus beau dans les sciences sociales à mon avis : cartographier les émotions et écrire l’histoire de la sensibilité. En effet, ce sont les sentiments qui mènent le monde, les idées n’étant que des cagoules que nous posons à la va-vite sur nos passions et nos aspirations par excès de pudeur.

L'idée coloniale en France 1871-1962

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[Vos années Causeur] « Causeur », mon docteur

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A l’occasion de notre centième numéro, Serge vous parle de ses années Causeur…


Pour ce qui me concerne, il ne s’agit pas spécifiquement de tel ou tel article qui aurait été un médicament ou un révélateur même si beaucoup l’ont été à leur manière, il s’agit d’un ensemble, d’un état d’esprit, et surtout d’une ligne éditoriale qui, si elle est ouverte aux opinions les plus diverses, met en priorité la sincérité avant la séduction ! Et quand je parle de séduction, si elle n’est pas recherchée pour les lecteurs, plus important encore, elle n’est pas recherchée pour plaire à la doxa !

Pendant de très longues années ante-Causeur, j’avais l’impression d’une berlue chronique. Peu voyaient ce que je voyais et leur nombre était si infime qu’ils étaient forcément atteints de la même pathologie que moi. Le malade en chef pendant des lustres fut Finkielkraut. Je m’accrochai à lui comme à un radeau pour ne pas succomber aux antidépresseurs. Du reste, les grands détenteurs de la bonne santé mentale ne tardèrent pas à le clouer au pilori. Même pour une majorité de son « camp », il était passé dans la « force obscure ». Pire ! Ceux comme lui étaient devenus des salauds.

A lire ensuite, Alain Finkielkraut: Du rire doit naître une réflexion profonde

Je naviguais donc avec une canne de la pensée. Je l’entendais se heurter sans arrêt aux murs de la bonne conscience. Et puis un jour par hasard, je tombai sur une page du net, sans doute en braille de navigateur, et je fus surpris, mieux, je fus soigné. Je vis que je voyais. Je pris comme pseudo « L’Ours » car je m’étais peu à peu enfermé et Causeur me fit sortir de ma caverne !

C’est fou comme on se sent mieux quand on vous montre que ce que vous voyez existe, même si le spectacle est laid et détestable ! Le constat est le seul début du remède. Voilà pourquoi, de Leroy à Bennasar en passant par la patronne Elisabeth et tous les autres je reste fidèle à Causeur, mon docteur.

Qui obtiendra le vote de la France “d’en bas”?

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Énergie, salaires ou retraites… À l’approche du second tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont des arguments très différents pour convaincre les citoyens de gauche et les abstentionnistes.


Intéressante lecture que celle du livre de la journaliste Anne Nivat La France de face, en cette période de l’entre-deux tours du scrutin présidentiel. Pour les besoins d’un précédent ouvrage intitulé Un continent derrière Poutine ?, paru à la veille de la réélection de Vladimir Poutine, en mars 2018, l’auteure était partie à la rencontre d’électeurs russes de toutes catégories sociales. Une constante transparaissait de cette galerie des portraits : celui du manque chronique d’argent, de moyens et de perspectives. Au fin fond de la province russe, retraités, enseignants, employés ou petits entrepreneurs étaient désabusés et impécunieux, mais globalement résignés à leur sort. Loin de la vie trépidante des couches aisées et des élites au pouvoir à Moscou et à Saint-Pétersbourg – deux métropoles-vitrines de la Russie, qui concentrent toutes les richesses – en province, le petit peuple vivotait, survivait et tentait au jour le jour de se débrouiller par des expédients. Les Français vont-ils privilégier « la verticale du pouvoir » à l’instar des Russes lors de la réélection de Poutine en 2018 ?

Marine Le Pen obtient 41% des voix à Denain

Les aspirations profondes du peuple russe, ses angoisses et ses fragiles espoirs l’avaient conduit à adhérer à la « verticale du pouvoir ». Cette expression utilisée pour la première fois par Poutine dans son premier discours sur l’état de la nation russe en juillet 2000, désignait avant tout la consolidation du pouvoir entre les mains du Kremlin en dépit des nombreuses divergences existantes au sein de cette société post-soviétique. Les citoyens de la Fédération de Russie avaient fini par plébisciter le maintien au pouvoir de Poutine. « L’élection présidentielle de 2018 est un non-événement pour la plupart des Russes rencontrés » commentait alors Anne Nivat. « Ce qui leur importe le plus : vivre en paix. Les changements incessants des quatre dernières décennies ont marqué ce peuple qui rêve avant tout de stabilité et ils l’ont cette stabilité, depuis le début du nouveau siècle, sous Poutine. Des Russes qui savent que leur Président n’est pas irréprochable mais qui n’étaient pas prêts cette fois-ci à plonger dans l’inconnu»

A lire aussi: Causeur n°100: Et si ce n’était pas lui?

Pour écrire La France de face, la journaliste a tenté la même démarche sociologique en s’immergeant dans la France profonde, en se tenant résolument à bonne distance des feux de la rampe parisiens. À commencer par Denain dans le Nord, l’une des villes les plus pauvres de France. Au premier tour du scrutin, le 10 avril, Marine Le Pen y a recueilli plus de 41% des voix, contre seulement 14% pour Emmanuel Macron. Le 11 avril, ce dernier a décidé de s’y rendre en personne pour tenter d’y défendre son bilan et son projet. Interpellé par des gilets jaunes et par des citoyens témoins directs du déclassement vertigineux des Français, de l’inflation galopante, de l’insécurité, de l’implantation implacable de l’islamisme et des perspectives moroses offertes à une jeunesse française désenchantée, le président sortant a conclu sa visite-éclair par une formule-choc, qui en surprit plus d’un : « Je suis comme vous, je ne suis pas Mimie Mathy », qui rappelle sa réponse sur l’absence d’ « argent magique » lors d’un autre bain de foule bien avant les élections. À ces oubliés de la mondialisation – que l’on avait cru un temps heureuse – Emmanuel Macron propose désormais des chèques alimentaires « pour acheter bio ou local ». Dans le domaine de l’énergie, Emmanuel Macron est favorable aux sanctions contre la Russie. Pour faire face aux hausses de prix, le bouclier tarifaire sur le prix du gaz sera maintenu jusqu’à la fin de l’année. Le président consent jusqu’au 31 juillet, un rabais de 18 centimes par litre d’essence pour les particuliers (si tant est que les Français puissent encore se permettre de posséder un véhicule car, pour certains, entre manger ou rouler, il faut désormais choisir). Pour les professionnels tels que les pêcheurs, il a consenti une aide de 35 centimes par litre de gazole. À noter cependant que le Parlement européen a voté le 7 avril dernier, en faveur d’un embargo total et immédiat sur le pétrole, le gaz, le charbon et le combustible nucléaire russes. Par ailleurs, selon le New York Times, l’Union européenne s’apprêterait à décréter un embargo sur le pétrole russe après le second tour des élections présidentielles françaises, de manière à ne pas entraver la réélection d’Emmanuel Macron.

Incertitudes sur l’âge de la retraite et jeunesse oubliée

Ont été également annoncées la suppression de la redevance sur l’audiovisuel et la rénovation de 700 000 logements par an. En revanche, le pouvoir en place s’entête de manière incompréhensible à ne pas réintégrer les 15 000 soignants suspendus en raison de leur refus de l’obligation vaccinale pour leur profession, et ce, en dépit de la pénurie alarmante de personnels médicaux. L’âge de la retraite sera porté à 64 ou 65 ans, ce qui selon le président, devrait financer le minimum retraite à 1100 €. La réduction de l’indemnisation du chômage continue de poser problème et le RSA (575 € par mois pour une personne seule), conditionné à un minimum d’activité de quinze à vingt heures par semaine, est certainement rédhibitoire pour un électorat en grande difficulté. La baisse des allocations logement a laissé un goût d’amertume. Nulle annonce, par ailleurs, sur la demi-part fiscale dont pouvaient encore bénéficier les veuves et les veufs de France il y a quelques années, avant que celle-ci ne soit supprimée par François Hollande. 

A lire ensuite: Macron favori, mais pour quoi faire?

Concernant la misère estudiantine, l’impossibilité, pendant la crise sanitaire, pour les étudiants en grande précarité dont le passe vaccinal n’était pas à jour, de bénéficier de l’aide alimentaire distribuée par des bénévoles, a marqué les esprits. Le fait que les chambres de certaines cités universitaires du CROUS soient infestées de punaises et que l’hygiène y laisse à désirer, ne manque pas d’entacher les promesses électorales faites à la jeunesse. Dans un tel contexte, certains étudiants français s’interrogent, en outre, sur la pertinence du projet d’Emmanuel Macron annoncé en 2018, qui consiste à augmenter le nombre d’étudiants étrangers à 500 000 personnes d’ici 2027. Ces derniers bénéficient des aides de l’État et les frais de scolarité qui leur sont appliqués sont loin de ceux pratiqués dans tous les autres pays de la planète. Depuis 2018, ce chiffre a augmenté de 40 000 personnes. Actuellement, sur 1,65 millions d’inscrits dans les universités françaises, 367 000 sont des étudiants étrangers. Parmi eux, se trouvent 47 500 étudiants chinois, alors que la Chine n’accueille en contrepartie que 10 000 étudiants français…

Le programme économique surprenant de Marine Le Pen

En matière économique et sociale, Marine Le Pen est opposée aux sanctions contre la Russie dans le domaine de l’énergie. Elle propose, pour sa part, une baisse de la TVA sur les produits énergétiques de 20 % à 5,5 %. Une TVA à 0% pour tous les consommateurs sur les produits de première nécessité augmenterait le pouvoir d’achat sans distinction. Elle souhaite réintégrer les soignants suspendus qui se sont retrouvés aux abois. Avec elle, il y aurait un statu quo sur les retraites avec un système progressif de départ à la retraite en fonction de la date d’entrée dans la vie active et du nombre d’annuités cotisées. Le minimum retraite serait porté à 1 000 euros. Elle a promis de construire chaque année 100 000 logements sociaux et 100 000 logements étudiants pendant son quinquennat. Les moins de 30 ans seraient exonérés d’impôt sur le revenu et les cotisations patronales également pour toute revalorisation salariale de 10 % (pour les salaires jusqu’à trois fois le Smic). La redevance audiovisuelle serait supprimée. Dans une optique nataliste, les familles bénéficieraient d’une part fiscale pleine dès le deuxième enfant. La création d’un impôt sur la fortune financière viserait à réduire les inégalités. Elle n’a pas abandonné le concept de préférence nationale, qui épouvante la gauche depuis plusieurs années et espère financer son programme social par des restrictions visant les allocations sociales perçues par les étrangers. Pour réduire le gouffre qui s’est creusé entre les élites et le peuple, elle défend l’idée du référendum d’initiative citoyenne (RIC), une revendication émanant des gilets jaunes. Car, comme l’a observé Anne Nivat, lors de ce qu’elle appelle son « road-movie » sociologique à travers la France, loin de Paris et au fond de la province oubliée, les gens paraissent de plus en plus liés par un sentiment commun : la défiance. Elle en a conclu que « plus que le traditionnel vote de classe ou le clivage gauche-droite, le niveau de confiance est l‘élément qui éclaire avec le plus de justesse ce que sera le face-à-face du second tour de l’élection présidentielle de 2022 »

A lire aussi: Partis, c’est fini

Dans ces conditions, si l’électorat âgé issu des classes privilégiées s’estime rassuré par le positionnement économique et social du président sortant soutenu par deux anciens présidents de la République (Nicolas Sarkozy et François Hollande), par la droite européiste et par la gauche bobo et écologiste, rien n’est moins sûr en ce qui concerne « l’autre France » farouche et imprévisible. Cette dernière n’a jamais tiré les marrons du feu de la mondialisation et elle est en train de s’enfoncer inexorablement dans un marasme à la fois social et psychologique. Poussée dans ses derniers retranchements, cette « France d’en bas », selon l’expression de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, semble, à l’évidence, de moins en moins susceptible de souscrire à toute idée de « verticale du pouvoir »  à la française, laissant ainsi la porte ouverte à toutes les éventualités, lors de ce 2ème tour fatidique, le 24 avril prochain… et d’autres surprises électorales dans les mois qui vont suivre, à commencer par les législatives. 

En effet, sans majorité pour LREM à l’Assemblée, il serait difficile pour Emmanuel Macron, s’il est réélu, de mener la politique qu’il souhaite comme ce fut le cas lors de ce quinquennat.

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[Nos années Causeur] Sur ma tablette d’écolière, j’écris ton nom, « Causeur »!

Nos années Causeur par Marie-Hélène Verdier


Pendant longtemps, j’achetai en kiosque Causeur pour entendre la blague rituelle de mon marchand, le temps qu’il farfouille derrière des magazines. Causette, vous avez dit ? Non, Causeur ! Un jour, j’envoyai un article au seul journal en ligne éveillé qui avait le souci de la langue française, dans la guerre qu’on lui menait. Alors commença ma Vita Nuova. C’est à Causeur que je dois mon coming-out — j’étais de droite ultra— et ma plume de polémiste. C’est grave, docteur ? L’âge, répondit-il. Le mal ne fit qu’empirer : je m’abonnai. Formule intégrale.

Je préfère le dire tout de suite. Causeur ne me fait pas des amis. Mais pas de confidences. Causeur, c’est le professionnalisme d’un magazine « intellectuel de droite », stimulant, drôle, pas mondain comme… j’allais dire un nom ! C’est l’humour et l’ironie qui évitent l’écueil de l’insignifiance et de la dérision. Ce sont ses plumes. C’est un esprit français, vif, provocateur, mûr, qui rend le lecteur, forcément, plus intelligent.

A ne pas manquer, notre numéro 100: Causeur n°100: Et si ce n’était pas lui?

Sans parler des unes souvent formidables, petits bijoux de réflexion à eux seuls, le lecteur trouve en tête des rubriques attendues du magazine, la surprise stimulante des titres. Les articles écrits par des gens costauds donnent aussi la parole à ceux qui ne sont pas d’accord. Quant aux interviews avec Jean-Michel, Marlène, Z., Jean-François, Marcel, Alain, Eugénie, et les autres, ils valent désormais au magazine sa respectabilité. Le tout dans une mise en page soignée —que l’on aime humer et toucher — moins sophistiquée que… j’allais encore écrire un nom ! Avec de très belles photos de paysages et de visages.

Causeur, c’est aussi, pour celle qui brette sans arrêt, le repos de la guerrière, dans son journal en ligne. Moi qui n’aime rien tant que les Provinciales de Pascal, je ne me sens jamais censurée. Alors, liberté et qualité d’expression, que demander de plus à un magazine ? La fraternité ? Elle y est ! Si donc j’avais à résumer, j’écrirais en lettres d’or : « Sur ma tablette écolière, j’écris ton nom Causeur ! » (J’allais écrire… Causette !) Et surtout : Abonnez-vous !

Des messies pour des lanternes

Un président de la République légitime, c’est un président élu, non ? En Russie peut-être mais pas en France ! Faut-il recruter Braudel, Baudrillard et Mitterrand pour comprendre ?…


Est légitime ce qui est juste, fondé en droit, en équité. Une femme légitime, c’est une épouse. Un enfant légitime, c’est le vôtre. Un président légitime, c’est un président élu. D’accord ?… Non, pas chez nous.

Pour le parti légitimiste, favorable au retour des Bourbons, Louis-Philippe n’était pas le souverain légitime bien qu’il ait été élu roi des Français, en 1830. Sous De Gaulle, élu en 1958, réélu en 1965, son principal opposant, François Mitterrand, publia un ouvrage intitulé Le Coup d’État permanent – un brûlot. On sait déjà que pour beaucoup, le 24 avril, le président Macron sera d’autant moins légitime qu’il est majoritaire.

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Pas de débat, pas de mandat ! Macron, voleur ! Macron dégage ! Élections, piège à cons ! À bas la Ve République ! On connaît l’antienne. Depuis la Révolution, les Français s’efforcent de combler un abîme – le vide symbolique ouvert par la mort d’un roi ? On a beau être républicain, on est devenu minoritaire – un comble ! On n’y peut que dalle – celle d’un tombeau peut-être.

Car la France est ce pays où tout conflit s’éternise avant de requérir les institutions les plus hautes à la fois pour les contester et réclamer leur arbitrage. En gros, on accepte du chef élu qu’il règne – « un chef, c’est fait pour cheffer » (Jacques Chirac) – mais on ne lui permet pas de gouverner. Notre idée du pouvoir : absolu – mais faible ! Ce qu’on a retenu de Voltaire et Jean-Jacques : ils étaient contre – ce qui nous donne le droit permanent de proférer des insanités dans la rue.

Ce qui nous a quittés ? L’idée même d’un bien commun qui, au-delà de leurs intérêts particuliers, fédère tous les citoyens. Ce qui en reste ? Le parfum rance. La radicalité« un privilège de fin de carrière », disait Baudrillard. Et la rage – celle des candidats qui ne seront pas choisis. Mélenchon, Zemmour, Le Pen… on les entend déjà protester et solder leurs ambitions déçues : « On a perdu ? Chérie, ma pipe et mon gilet jaune ! » Variante : « Retenez-moi ou je fais un malheur ! »

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On a le droit d’être déçu – c’est même essentiellement ça, la démocratie. Une démocratie peut être libérale (ou pas), autoritaire, participative, délibérative, etc. On en doit la définition la plus belle (et la plus obscure) à Abraham Lincoln : « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » Et après ?… « Comment gouverner ? » Pas simple. « Qui est le peuple ? » Pas clair. Car dèmos (le peuple) et cratos (le pouvoir) alias Mytho et Mégalo forment un étrange attelage.

Quand on parle de la France au risque de sombrer dans la déploration et dans le ridicule – mais après tout, le ridicule est une forme de courage –, on oscille avec emphase entre deux postures, deux discours : l’un amoureux, l’autre acerbe. Plus que jamais, on est tiraillé. On voudrait servir mais on refuse d’obéir. On voudrait hurler mais avec le temps, on devient ici plus raide, et là plus mou – la France est un si vieux pays ! Le jeu moisit. On se lasse de l’esclandre. Les bravades perdent de leur attrait. On est fatigué des mensonges, des promesses, des fake news – on s’indigne puis on s’endort devant la télé.

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La fin de l’Histoire, ha ! ha !… tandis que la guerre en Ukraine nous arrache à nos vertueuses somnolences en contrariant le business plan programmé de l’Europe, on feint de découvrir que la patrie n’existe qu’à travers le combat et les sacrifices qu’elle exige. Français, encore un effort !… Il va falloir choisir entre la famine ou Gazprom, les moulins à vent ou le nucléaire, « Erasmus » ou la Grande Muraille ! « Ah les cons ! », comme disait Daladier de retour de Munich en 1938.

Et la France dans tout ça ?

« La France, je la vis. J’ai une conscience instinctive, profonde de la France… J’ai la passion de sa géographie », se vantait François Mitterrand dans L’Abeille et l’Architecte (1978). On n’exige plus de notre président qu’il soit un peu druide et qu’il parle aux arbres. Pour fêter sa réélection, Macron songe-t-il à se recueillir sur le mont Beuvray avec ses ministres et à célébrer l’union sacrée des tribus gauloises en souvenir de Vercingétorix ? Ça m’étonnerait.

« Je le dis une fois pour toutes : j’aime la France avec la même passion, exigeante et compliquée, que Jules Michelet », avouait Braudel à l’orée de son livre-testament L’Identité de la France (1986), mais il s’efforçait subtilement, en historien, d’en parler « comme d’un autre pays ».

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Regarder la France comme si on n’en était pas, sans s’émouvoir, sans se morfondre, est-ce possible ? Il faudrait pour cela, à rebours des dévotions qu’on nous inflige, convoquer une subjectivité de haut rang. Ce qui nous manque, c’est un vieux chameau transcendantal qui nous sonnerait les cloches. Un Péguy. Un Bernanos. Un Philippe Muray pestant contre les mutins de Panurge que nous sommes et endossant sa robe de Grand Inquisiteur devant nos absurdes doléances.

Comment rompre avec ces simagrées ? Que faire quand l’exercice de l’intelligence – est-ce le bon mot ? – se traduit par une montée aux extrêmes, quand le rêve d’égalité devient une fureur de repentance, quand l’idéal de justice devient un système de persécution, quand le ressentiment des minorités adopte le langage de la libération, quand la haine devient virale, et le mensonge plus convaincant que la vérité ? Se battre mais contre qui ? contre quoi ?

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Pendant ce temps-là, dans leur petit coin d’Europe, chut ! les Français votent. Pas tous, pas assez, je sais, on ne vote plus en France comme jadis on allait à la messe le dimanche ! Avez-vous regardé les clips de la « campagne officielle » ? Tous les candidats se targuent de nous rendre plus heureux – de quoi je me mêle ! Tous providentiels, tous prêts à se damner pour sauver la France. Des messies pour des lanternes !

Poutine avec sa face de carême est infiniment plus crédible quand il promet : adieu Grozny ! bonjour Marioupol ! lui il ne rase pas gratis.

« C’est prodigieux tout ce que ne peuvent pas ceux qui peuvent tout », ironisait Talleyrand. Une alliance bancale entre le possible et le réel, c’est ça, la politique. Vous avez mieux ? Non, il faut faire avec.

« … A voté ! »

Punaises de lit: une guerre, une vraie

Les punaises de lit sont des espèces d’insectes hétéroptères de la famille des Cimicidae. L’espèce la plus répandue n’est autre que la Cimex lectularius. Elles viennent jusque dans vos draps pour mordre vos fils et vos compagnes…


Le gouvernement part en guerre. Le 10 mars, le ministère de la Transition écologique a dévoilé sur son site internet son « plan d’action interministériel de lutte contre les punaises de lit ». Un accord a été signé avec le Syndicat des experts en détection canine des punaises de lit (SEDCPL). Tandis que médecins, infirmières et pharmaciens seront réquisitionnés pour « diagnostiquer la présence de punaises de lit à domicile », nos enseignants auront à cœur de « relayer la campagne d’information grand public » durant leurs heures de classe et sur l’application de gestion de la vie scolaire, Pronote.

Hébergement, hôtellerie, transport, santé, mais aussi salles de spectacle ou cinéma, tous debout face à l’assaillant ! Chacun de ces secteurs est appelé à « élaborer des outils spécifiques de sensibilisation et d’information sur les moyens de détection et de lutte » contre les punaises de lit. Bientôt renforcées, les formations des professionnels de cette lutte vont être listées sur le site stop-punaises.gouv.fr. Les caisses d’allocations familiales seront sollicitées pour alléger les coûts de désinfection des ménages les plus modestes, et les baux de location vont devoir intégrer la responsabilité des bailleurs en cas d’offensive de punaises de lit.

La petite bête va être « installée dans le droit sanitaire et celui du logement au titre de la décence et de l’indignité ». Enfin, la « recherche sur la détection » de la punaise va être développée. Dès la fin de l’année, un « état des connaissances sur la punaise de lit » va être publié. Afin de coordonner cette grande union nationale, un « comité directeur de la lutte contre les punaises de lit » va bientôt voir le jour.

D’ici là, ouvrez l’œil, patrouillez et surveillez vos matelas. À l’heure actuelle, le chef de l’État parle sur un ton martial, mais la seule mobilisation générale en cours est celle qui vise les punaises.

Résurrection de Blaise Cendrars

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Le poème du dimanche


Cendrars est de retour dans « Le poème du dimanche ». Et pour cause, comment ne pas penser à lui en cette période pascale. Il est en effet l’auteur des Pâques à New-York, écrit en 1912, grand et long poème d’une errance en pleine semaine sainte dans la ville gigantesque qui devient à la même époque le symbole de la modernité.

La quête spirituelle se confond avec la dérive géographique et une immense compassion pour l’humanité souffrante. Ce texte est considéré comme un des moments fondateurs de cette poésie du vingtième siècle qui va amener au surréalisme mais va surtout être capable d’intégrer au discours poétique tous les éléments d’une vie quotidienne en train de changer sous les effets de la technique.

Assez étrangement, on trouvera la même synthèse mystique entre la ville, la foi catholique et l’errance urbaine dans un autre poème fondateur, le Zone de Guillaume Apollinaire, sensiblement écrit à la même époque. Pas de plagiat, ici, mais plutôt une certaine sensibilité nouvelle qui flotte dans l’air et que les poètes, ces radars subtils, savent capter mieux que personne.


Pâques à New-York (extrait)

Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des recéleurs.

Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

Seigneur, l’un voudrait une corde avec un noeud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.

Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.

Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,

À la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.

Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.

Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce que l’on vit derrière, personne ne l’a dit.

La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.

Ceux que vous aviez chassés du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.

La cité Frugès, une utopie à valoriser?

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Une exposition intitulée « Ouvrage » se tient en ce moment à Pessac dans la Cité Frugès-Le Corbusier. Un nouvel hommage au célèbre architecte, malgré son fascisme militant et son antisémitisme notoire. Pourquoi une telle mansuétude ?


Alors que tout le monde connaît aujourd’hui l’antisémitisme d’un Louis-Ferdinand Céline, au point qu’il n’est plus guère évoqué dans les médias qu’à travers ce prisme, celui de Le Corbusier, bien que fréquemment pointé du doigt, ne semble pas émouvoir outre mesure. Il ne fait pourtant aucun doute que le célèbre architecte a été compromis en son temps avec le fascisme et Vichy, comme le soulignait, en 2019, une tribune parue dans Le Monde, où était citée une phrase extraite de l’un de ses livres, datant de 1941 : « Une lueur de bien : Hitler. » À l’heure où les déboulonnages de statues se multiplient, il apparaît quelque peu étonnant que l’inscription en 2016 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco de l’œuvre architecturale de Le Corbusier, n’ait pas suscité davantage d’élans de réprobation.

Utopie ou dressage ?

Les manifestations culturelles vont d’ailleurs bon train à la cité Frugès de Pessac, l’une des « utopies urbaines réalisées les plus emblématiques au monde », comme la présente le service culturel de la ville, ajoutant que Le Corbusier propose là « une nouvelle approche sociétale en permettant l’accès à la propriété des habitants les plus modestes, ainsi qu’au confort le plus innovant en matière d’équipement et d’aménagement de l’espace de vie à l’échelle de la maison comme à celui du quartier », sans oublier l’apport d’une « nouvelle esthétique qui marquera l’histoire de l’architecture par un nouveau langage artistique de formes et de couleurs libéré de tout décor ».

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Autant dire qu’il s’agit là du portrait d’un révolutionnaire humaniste… Pourtant, nombre de spécialistes contestent cette appréciation régulièrement mise en avant par les sectateurs de l’architecte, voyant au contraire dans ses thèses « une organisation carcérale qui […] crée un corps unique saisi par la technologie du bâtiment moderne, un corps machine dans une vaste machine à habiter », comme l’analysait le professeur d’esthétique Marc Perelman dans Le Monde en 2015. Un avis partagé par le philosophe allemand Ernst Bloch, considérant qu’il y a dans son œuvre une volonté de réduire les hommes « à l’état de termites standardisés », ainsi que par l’historien de l’art Pierre Francastel, parlant à son sujet de « dressage » et de « servitude ».

Panégyrique sans nuances

L’exposition « Ouvrage », mise en place à Pessac depuis le 6 janvier, invite pourtant trois artistes à investir la Maison Frugès pour un hommage, voire un panégyrique destiné à valider l’apport incontestablement positif de Le Corbusier à notre monde moderne. La dimension critique, elle, n’est à l’évidence pas de mise. Chacun faisant référence à ses réalisations iconiques au travers d’allusions au mobilier qu’il a créé, à ses expérimentations constructives et, « bien sûr, à son principal dessein : placer l’humain au cœur de ses projets »…

Pour le sculpteur et plasticien Pierre Labat, Le Corbusier était ainsi avant tout « un grand mécène avec un rêve gigantesque », tandis que la peintre et sculptrice Alice Raymond vante « sa relation à l’environnement », quand bien même ce n’est pas l’espace naturel qui est valorisé dans le projet architectural de Le Corbusier, mais le culte de l’activité physique au moyen d’immenses terrains de sport géométrisés. De son côté, le peintre muraliste Matth Velvet assure que « la cité Frugès semble intemporelle », alors qu’il est communément admis que ses constructions ont subi les outrages du temps et paraissent aujourd’hui bien défraîchies, voire datées.

Avec 8 000 visiteurs par an au sein de la maison Frugès-Le Corbusier, la ville de Pessac entend bien poursuivre la valorisation de cette bâtisse de type gratte-ciel, qu’elle a acquise pour en faire principalement un lieu de médiation architecturale et urbanistique, tout en mettant en place une programmation d’expositions didactiques et artistiques toujours en lien avec le design, l’architecture, l’urbanisme ou l’art contemporain.

Moderne, forcément moderne

Mais la question demeure ? Pourquoi une telle mansuétude à l’égard de celui qui est couramment défini comme le fondateur de l’architecture moderne ? Peut-être, précisément, parce qu’il est « moderne » et que le moderne fait l’objet d’une survalorisation positive conduisant à sa sacralisation. En décidant qu’il coïncidait avec le « Bien », ses promoteurs préfèrent sans doute balayer d’un revers de main tout ce qu’il y aurait de fâcheux à dire sur ses représentants les plus douteux.

Mickey et la transidentité

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En Floride, le gouverneur républicain de l’État interdit aux professeurs de relayer la propagande sur la théorie du genre à partir du mois de juillet. Le géant du divertissement Disney est contraint de prendre position.


Signée officiellement le 28 mars par Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, la « House Bill 1557 » interdit désormais aux enseignants du primaire comme du secondaire d’évoquer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre devant leurs élèves. 

Le texte de loi, surnommé Don’t Say Gay (« ne dites pas gay »), a provoqué une vague de protestations aux États-Unis jusque dans le Bureau ovale. Le président Joe Biden s’est dit consterné par ce vote, réaffirmant que son « administration continuerait à se battre pour la dignité de chaque élève, en Floride et dans tout le pays », rappelant que les « jeunes LGBTQI+ méritent d’être acceptés tels qu’ils sont ».

Un jour mon prince viendra…

Parmi les opposants à ce projet de loi, la voix de Charlee Corra, arrière-petit-fils de Walt Disney, fondateur des studios du même nom, se fait remarquer. Le jeune homme de 30 ans a récemment fait son coming-out transgenre. Héritier du créateur de la souris bien connue Mickey, il a vertement critiqué la « House Bill 1557 », soutenu par ses parents qui ont fait don d’un montant de 500 000 dollars à une association de défense des droits LGBTQI + en guise de protestation. C’est d’une même voix qu’ils ont déclaré « avoir le cœur brisé » depuis la signature du texte de loi. D’autant qu’en tant que professeur de biologie et des sciences de l’environnement, Charlee Corra, qui utilise le pronom « Iels » pour se définir, est le premier concerné par la « House Bill 1557 » ! 

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« J’avais très peu de modèles ouvertement homosexuels [à l’école-ndlr] » a confessé Charlee Corra, au Los Angeles Times et, si « sa condition sociale lui a offert de nombreux privilèges, une grande partie de son adolescence et de sa vie de jeune adulte a été jalonnée par la difficulté d’assumer sa transidentité » a-t-il expliqué à nos confrères, craignant que cette loi ne fasse reculer les droits des homosexuels en Amérique du Nord.

La conversion de la Walt Disney Company

Un coming-out qui a reçu un soutien appuyé mais contraint de la Walt Disney Company, acteur économique de poids dans cet État du Sud-Est. 

Fustigée par certains fans et ses propres employés « déçus, blessés, effrayés et en colère » pour ne pas avoir dénoncé ce texte de loi, la société a dû faire amende honorable. Après s’être excusée, elle a annoncé qu’elle ferait tout pour faire annuler la « House Bill 1557 » aux côtés des associations militantes gays et lesbiennes. Bob Chapek, Directeur général de The Walt Disney Company, a même confirmé dans un email adressé au personnel que l’entreprise cessait de faire des dons aux partis politiques. Une décision qui a fait réagir le Parti Démocrate, très amer. Ce dernier a regretté de telles conséquences, générées selon lui par une loi qui « prend le parti de la haine et de la discrimination et utilise la souffrance des enfants et des familles pour marquer des points auprès de sa base électorale ». Depuis plusieurs mois, différents gouverneurs républicains ont effectivement fait voter des lois du même genre ou limitant l’accès à l’avortement, laissant entrevoir derrière cette série de décisions la main et l’influence de l’ancien président Donald Trump…

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Rien qui ne saurait ébranler le gouverneur de Floride, étoile montante de son parti et potentiel candidat à la prochaine élection présidentielle. « Je me fiche de ce que disent les grands médias ! Je me fiche de ce que dit Hollywood. Je me fiche de ce que disent les grandes sociétés. Je fais face. Je ne reculerai pas » a déclaré Ron DeSantis en brandissant le bouclier de l’ordre moral. La loi entrera en vigueur dès juillet 2022. Tout parent qui estimera qu’un enseignant contrevient à la « House Bill 1557 » pourra le dénoncer à sa direction d’établissement.

Dans une vidéo interne évoquant le projet “Reimagine tomorrow”, ayant fuité dans la presse en mars (voir plus bas), Karey Burke, en charge du contenu chez Disney, promettait que 50 % des personnages principaux des productions Disney seraient dorénavant issus de la communauté LGBT et des minorités raciales. « En tant que mère de deux enfants queer, un transgenre et un pansexuel, je me sens responsable de parler pour eux » précisait-elle alors. 

Rendez-nous de Gaulle sur les marchés de France!

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Macron pris à partie par un citoyen à Châtenois en Alsace, 12 avril 2022 Capture d'écran Twitter.

À la télévision, les images de nos dirigeants en campagne vilipendés par des badauds derrière des barrières, ont quelque chose d’avilissant.


Dans la foire d’empoigne qui secoue les derniers jours d’une campagne aphasique, j’ai senti un profond malaise m’envahir. Une vague de dégoût pour notre classe politique si prompte à nous faire la leçon, à nous cornaquer, à nous déposséder, peu à peu, de notre liberté déjà largement écornée. J’avais d’autres ambitions intimes pour mon pays. Par naïveté et nostalgie, j’ai toujours pensé que la France méritait mieux que ces échanges infertiles sur les marchés, à la volée, entre le vendeur de poulets rôtis et la maraîchère. Dans ce Clochemerle qui vire au pugilat verbal, cette chasse aux voix qui précède les moissons pascales, j’ai vu des images indécentes qui heurtent notre citoyenneté. Nous en sommes donc arrivés, là. Á un tel point de non-retour. Une République sur cales qui attend sa révision générale. Hébétés et furieux. Fragmentés et réfractaires. Tristes et, à bout de souffle. Sans vision nationale et sans élan salutaire.

De chaque côté des barrières de sécurité, recroquevillés sur nos certitudes, nous sommes incapables de nous contrôler, d’échanger dignement et de faire passer la moindre once de vérité dans notre regard. La fureur nous submerge quand la raison d’un seul isole. Nos faiblesses collectives crèvent alors l’écran. Nous sommes nus devant les caméras avides de nos déballages. Personne ne sortira vainqueur de ces duels dysfonctionnels et infantiles. Comme si le rendez-vous entre un Homme et un peuple était devenu une mission impossible. Comme si la verticalité du pouvoir, au lieu de nous élever et de nous entraîner, laissait le champ libre à nos instincts les plus honteux. Osons sortir des cours de récréation chahuteuses, il en va de notre santé mentale et démocratique.

Aujourd’hui, nous peinons à refreiner nos pulsions destructrices et nos dirigeants ne parviennent plus à se reconnecter à la Patrie. De part et d’autre, les délices de l’émotion guident nos pas. Et puis cette colère venue de très loin, forcément éruptive et foutraque, amère et incontrôlable face à ce candidat-président à la manœuvre, descendant dans l’arène pour montrer sa combativité et son ardent désir d’expliquer son bilan a quelque chose de malsain. Bannissons ces accrochages improductifs, ils n’apporteront que du désarroi et de la rancœur à la confrontation des idées. Ils laisseront des plaies inguérissables à l’avenir.

Quand les filtres de la bienséance et du respect mutuel disparaissent, le chaos est en marche. Tout le monde y perd, le président qui surplombe tentant de garder son sang-froid et l’anonyme dans la foule qui se défoule. Le spectateur devant son poste se sent sali par ces débordements médiatiques. Dans ces altercations qui font le miel des chaînes info jusqu’à l’ivresse, j’y ai vu la dégradation de la fonction, une soumission aux images, aux vieilles ficelles de la communication spectacle et une mise en scène de nos séparatismes intérieurs. Notre pays n’a pas besoin de pédagogie, de chiffrages, de scories technocratiques, de coups de menton ou d’un autoritarisme de façade dans sa relation avec son futur dirigeant, seulement d’y croire. Juste y croire, un peu. Qu’une sincérité naturelle et une puissance de conviction éclatent enfin au grand jour. La foi dans un message dépend beaucoup de la manière dont le personnel politique se comporte au quotidien. Dans le monde frelaté du virtuel et de la fausse promiscuité, le présidentiable est un VRP qui promène sa mallette programmatique au gré des modes et du vent changeant. Il n’a qu’une obsession fatale : séduire à tout prix. Le charisme ne se commande pas sur Internet. Il est inéquitablement réparti dans les ministères, les hémicycles ou les vestiaires. Pourquoi nos anciens présidents jusqu’au début des années 1980 réussissaient, malgré leurs compromissions et leurs « petites » combines, à inspirer la confiance ? Assurément, nous les craignions un peu, leur parcours cabossé était le signe des êtres à part qui ont lutté et chuté tant de fois avant d’accéder à la tête de l’État. Ils étaient secrets et distants, impressionnants et porteurs d’une mission civilisatrice qui les dépassait. Ils emportaient nos rêves et ne bataillaient pas avec l’homme de la rue.

Imaginez-vous le Général ou Pompidou s’avilir aux discussions de bistrot. Ce n’était pas par morgue, plutôt par incarnation absolue de la fonction. Ils se trouvaient juste à bonne distance. Nous n’attendions rien d’autre de leur part. Leur hauteur de vue n’était pas incompatible avec une justesse de ton. En ce temps-là, nous ne voulions pas faire « copain-copain » avec eux. Ceux qui se sont invités à dîner chez les Français l’ont payé chèrement dans les urnes. Jadis, le magistère intellectuel de nos présidents imposait une forme de retenue et d’admiration. Une certaine confiance également, du moins une autorité morale qui ne s’apprend pas sur les bancs des grandes écoles. Je me souviens que Charles Pasqua avait déclaré, un jour, que les politiques actuels, qui n’avaient pas été frappés personnellement et fort heureusement par les tragédies de l’Histoire, n’auraient plus jamais la même ampleur et la même densité. Nous devons nous satisfaire d’une génération qui ne peut s’extraire du jeu télévisuel, par peur de ne plus exister. Un peu d’allure et de hauteur ne nuisent pas à la qualité des débats. Il faut un certain courage pour refuser la démagogie du « Fight Club ».

La colonisation française, une drôle d’idée

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La rue Paul-Bert à Hanoï avec le théâtre municipal, vers 1905. Wikimedia Commons.

Il y a quelque temps, je me suis mis dans la tête qu’il me fallait écrire une contre-histoire de la colonisation française. Je fonctionne ainsi : toujours à contre-courant de la pensée dominante, d’où mon insuccès ici-bas et mes nombreuses amitiés au sein des milieux les plus divers et qui se détestent parfois les uns les autres. L’adversité est une école de la vie, elle m’a appris qu’il y a des gens valables et admirables à l’extrême-gauche comme à l’extrême-droite, et que les gens qui se détestent au nom d’une idéologie partagent souvent des points de départs communs : la quête de la justice et de la dignité.

Mon manuscrit est prêt. Il attend un éditeur. Je lui promets d’avance que cette publication suscitera l’ire de Mesdames Taubira, Obono et Diallo. Étant de confession musulmane, je suis habitué aux fatwas et elles ne me font pas peur ! 

Terrain miné

Mon livre n’est ni une ode aux pieds noirs ni un réquisitoire contre le FLN, c’est un voyage au bout de la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. C’est donc un périple en un territoire inconnu, un cheminement en terrain miné. 

Pour me documenter, j’ai navigué au milieu d’une cinquantaine d’ouvrages. Parmi les plus marquants, je cite volontiers Trente-deux ans à travers l’Islam de Léon Roches, une histoire vraie qui raconte la désertion d’un Français d’Algérie, tombé fou amoureux d’une jeune musulmane nommée Khadija (belle et mystérieuse, forcément). Cette désertion le conduira à rejoindre les rangs de l’émir Abdelkader, dont il sera un des proches conseillers. Le livre, au-delà de l’aspect lyrique de l’aventure amoureuse, décrit l’état réel de l’Algérie avant la conquête : une terre fracturée entre plusieurs tribus qui n’ont rien en commun à part la religion musulmane et l’habitude d’obéir aux Turcs.

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J’ai également été ravi par Auguste Pavie et sa Conquête des cœurs où l’on apprend que la France a évité le grand remplacement du peuple khmer. Que BHL et Léa Salamé me pardonnent le jour du Jugement Dernier ! Je jure que j’ai caché le livre d’Auguste Pavie au fond du tiroir où je garde ma collection de revues érotiques brésiliennes (il fut un temps où je m’intéressais au tropicalisme dans la photo érotique, mais là c’est une autre histoire… d’appropriation culturelle). Juste pour terminer mon propos : les Khmers se sont littéralement donnés aux Français autour des années 1860-1870, car ils étaient sur le point de se faire engloutir par les Vietnamiens (à l’est) et par les Thais (à l’ouest). La colonisation française a donc été une libération au Cambodge et au Laos.

Mais, une question n’a cessé de me tarauder. Pourquoi est-ce que les Français ont colonisé ? La question est valide car il n’y avait aucune richesse vraiment exceptionnelle dans les pays qu’ils ont conquis. L’Afrique du Nord, à commencer par l’Algérie, est une terre sèche et stérile. L’Indochine n’a rien à offrir à part un peu de charbon (en abondance à Roubaix et à Tourcoing) et son hévéa (une commodity banale sur le marché international). Et les colonies françaises en Afrique ont eu le « mauvais goût » de ne pas offrir de diamants et d’or, contrairement aux dominions britanniques en Afrique du Sud, au Botswana et en Rhodésie.

Les réponses de l’historien Raoul Girardet

Une chose est de s’amuser en plantant son drapeau sur la kasbah d’Alger ou à Tombouctou, une autre est de conquérir systématiquement douze millions de km2 avec l’assurance de n’y trouver aucune ressource de choix à part des moustiques et des coups de sagaies.

C’est dans le livre de Raoul Girardet (1917-2013) que j’ai trouvé la réponse. Intitulé L’idée coloniale, 1871-1962, ce livre retrace la genèse d’une idée folle dont nous ne cessons de payer les conséquences, à commencer par l’invasion migratoire et la honte ressentie par nos enfants sur les bancs de l’école à chaque fois que le mot France est prononcé. Raoul Girardet restitue la naissance de l’idée coloniale dans les esprits des Français et ce qu’il raconte est fascinant. Par souci de synthèse, je n’en restituerai que quelques traits saillants : (1) Tout s’est joué après la défaite de Sedan en 1870 où la France a été amputée de l’Alsace et de la Lorraine, (2) la gauche républicaine a proposé alors d’effacer l’humiliation en se lançant à la conquête de « l’Afrique ténébreuse » et de « l’Asie silencieuse ». Au passage, il s’agissait de détourner l’armée de toute tentative de revanche contre les Allemands et de donner un surcroît de légitimé à un régime né dans la douleur et la peine : la Troisième République. (3) L’opinion publique n’a pas marché dans le coup, les Français se désintéressant totalement des colonies jusqu’au lendemain de la Première Guerre Mondiale. En réalité, ils ont manifesté une réelle hostilité à l’expansion coloniale à ses débuts, comme lors de la prise du Tonkin en 1883-85, (4) nonobstant l’indifférence de l’opinion publique, le lobby colonial a placé ses pions et a tiré les ficelles pour réaliser son agenda, s’emparant en quelques années de la Tunisie, du Congo, de l’Indochine et d’une partie de Madagascar. Placée devant le fait accompli, la classe politique a dû se résigner et rallier l’idée coloniale. La droite, pourtant hostile à la colonisation à ses débuts, s’est couchée autour de 1905.

A lire ensuite, du même auteur: Le grand remplacement tuera la diversité du monde!

Et maintenant, le ressac !

Ça ne vous rappelle rien tout ça ? On dirait l’histoire de l’invasion migratoire des dernières années où VGE et les socialistes ont fait venir les immigrés avant que le RPR ne finisse par se convertir, lui aussi, au credo de « l’immigration, chance pour la France ». D’ailleurs, le lobby colonial, comme le décrit si bien Raoul Girardet, a présenté la colonisation comme une « chance » pour la France sur les plans économiques, géopolitiques et culturels. Une occasion unique en son genre d’éviter « le repli sur soi ».

L’Histoire se répète donc ! Quoi de plus normal lorsqu’on sait que la nature humaine n’a pas changé et que le citoyen n’a toujours pas appris à se défendre contre la manipulation, l’influence et la propagande. Lisez le livre de Raoul Girardet pour accéder à la véritable pensée française, une pensée d’élite, sophistiquée et accessible au grand public. Girardet a eu la vie que j’aurais aimé avoir, se consacrant à ce qu’il y a de plus beau dans les sciences sociales à mon avis : cartographier les émotions et écrire l’histoire de la sensibilité. En effet, ce sont les sentiments qui mènent le monde, les idées n’étant que des cagoules que nous posons à la va-vite sur nos passions et nos aspirations par excès de pudeur.

L'idée coloniale en France 1871-1962

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[Vos années Causeur] « Causeur », mon docteur

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© Causeur

A l’occasion de notre centième numéro, Serge vous parle de ses années Causeur…


Pour ce qui me concerne, il ne s’agit pas spécifiquement de tel ou tel article qui aurait été un médicament ou un révélateur même si beaucoup l’ont été à leur manière, il s’agit d’un ensemble, d’un état d’esprit, et surtout d’une ligne éditoriale qui, si elle est ouverte aux opinions les plus diverses, met en priorité la sincérité avant la séduction ! Et quand je parle de séduction, si elle n’est pas recherchée pour les lecteurs, plus important encore, elle n’est pas recherchée pour plaire à la doxa !

Pendant de très longues années ante-Causeur, j’avais l’impression d’une berlue chronique. Peu voyaient ce que je voyais et leur nombre était si infime qu’ils étaient forcément atteints de la même pathologie que moi. Le malade en chef pendant des lustres fut Finkielkraut. Je m’accrochai à lui comme à un radeau pour ne pas succomber aux antidépresseurs. Du reste, les grands détenteurs de la bonne santé mentale ne tardèrent pas à le clouer au pilori. Même pour une majorité de son « camp », il était passé dans la « force obscure ». Pire ! Ceux comme lui étaient devenus des salauds.

A lire ensuite, Alain Finkielkraut: Du rire doit naître une réflexion profonde

Je naviguais donc avec une canne de la pensée. Je l’entendais se heurter sans arrêt aux murs de la bonne conscience. Et puis un jour par hasard, je tombai sur une page du net, sans doute en braille de navigateur, et je fus surpris, mieux, je fus soigné. Je vis que je voyais. Je pris comme pseudo « L’Ours » car je m’étais peu à peu enfermé et Causeur me fit sortir de ma caverne !

C’est fou comme on se sent mieux quand on vous montre que ce que vous voyez existe, même si le spectacle est laid et détestable ! Le constat est le seul début du remède. Voilà pourquoi, de Leroy à Bennasar en passant par la patronne Elisabeth et tous les autres je reste fidèle à Causeur, mon docteur.

Qui obtiendra le vote de la France “d’en bas”?

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Marine Le Pen en campagne à Denain (59), 5 mars 2022 © Alain ROBERT/SIPA

Énergie, salaires ou retraites… À l’approche du second tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont des arguments très différents pour convaincre les citoyens de gauche et les abstentionnistes.


Intéressante lecture que celle du livre de la journaliste Anne Nivat La France de face, en cette période de l’entre-deux tours du scrutin présidentiel. Pour les besoins d’un précédent ouvrage intitulé Un continent derrière Poutine ?, paru à la veille de la réélection de Vladimir Poutine, en mars 2018, l’auteure était partie à la rencontre d’électeurs russes de toutes catégories sociales. Une constante transparaissait de cette galerie des portraits : celui du manque chronique d’argent, de moyens et de perspectives. Au fin fond de la province russe, retraités, enseignants, employés ou petits entrepreneurs étaient désabusés et impécunieux, mais globalement résignés à leur sort. Loin de la vie trépidante des couches aisées et des élites au pouvoir à Moscou et à Saint-Pétersbourg – deux métropoles-vitrines de la Russie, qui concentrent toutes les richesses – en province, le petit peuple vivotait, survivait et tentait au jour le jour de se débrouiller par des expédients. Les Français vont-ils privilégier « la verticale du pouvoir » à l’instar des Russes lors de la réélection de Poutine en 2018 ?

Marine Le Pen obtient 41% des voix à Denain

Les aspirations profondes du peuple russe, ses angoisses et ses fragiles espoirs l’avaient conduit à adhérer à la « verticale du pouvoir ». Cette expression utilisée pour la première fois par Poutine dans son premier discours sur l’état de la nation russe en juillet 2000, désignait avant tout la consolidation du pouvoir entre les mains du Kremlin en dépit des nombreuses divergences existantes au sein de cette société post-soviétique. Les citoyens de la Fédération de Russie avaient fini par plébisciter le maintien au pouvoir de Poutine. « L’élection présidentielle de 2018 est un non-événement pour la plupart des Russes rencontrés » commentait alors Anne Nivat. « Ce qui leur importe le plus : vivre en paix. Les changements incessants des quatre dernières décennies ont marqué ce peuple qui rêve avant tout de stabilité et ils l’ont cette stabilité, depuis le début du nouveau siècle, sous Poutine. Des Russes qui savent que leur Président n’est pas irréprochable mais qui n’étaient pas prêts cette fois-ci à plonger dans l’inconnu»

A lire aussi: Causeur n°100: Et si ce n’était pas lui?

Pour écrire La France de face, la journaliste a tenté la même démarche sociologique en s’immergeant dans la France profonde, en se tenant résolument à bonne distance des feux de la rampe parisiens. À commencer par Denain dans le Nord, l’une des villes les plus pauvres de France. Au premier tour du scrutin, le 10 avril, Marine Le Pen y a recueilli plus de 41% des voix, contre seulement 14% pour Emmanuel Macron. Le 11 avril, ce dernier a décidé de s’y rendre en personne pour tenter d’y défendre son bilan et son projet. Interpellé par des gilets jaunes et par des citoyens témoins directs du déclassement vertigineux des Français, de l’inflation galopante, de l’insécurité, de l’implantation implacable de l’islamisme et des perspectives moroses offertes à une jeunesse française désenchantée, le président sortant a conclu sa visite-éclair par une formule-choc, qui en surprit plus d’un : « Je suis comme vous, je ne suis pas Mimie Mathy », qui rappelle sa réponse sur l’absence d’ « argent magique » lors d’un autre bain de foule bien avant les élections. À ces oubliés de la mondialisation – que l’on avait cru un temps heureuse – Emmanuel Macron propose désormais des chèques alimentaires « pour acheter bio ou local ». Dans le domaine de l’énergie, Emmanuel Macron est favorable aux sanctions contre la Russie. Pour faire face aux hausses de prix, le bouclier tarifaire sur le prix du gaz sera maintenu jusqu’à la fin de l’année. Le président consent jusqu’au 31 juillet, un rabais de 18 centimes par litre d’essence pour les particuliers (si tant est que les Français puissent encore se permettre de posséder un véhicule car, pour certains, entre manger ou rouler, il faut désormais choisir). Pour les professionnels tels que les pêcheurs, il a consenti une aide de 35 centimes par litre de gazole. À noter cependant que le Parlement européen a voté le 7 avril dernier, en faveur d’un embargo total et immédiat sur le pétrole, le gaz, le charbon et le combustible nucléaire russes. Par ailleurs, selon le New York Times, l’Union européenne s’apprêterait à décréter un embargo sur le pétrole russe après le second tour des élections présidentielles françaises, de manière à ne pas entraver la réélection d’Emmanuel Macron.

Incertitudes sur l’âge de la retraite et jeunesse oubliée

Ont été également annoncées la suppression de la redevance sur l’audiovisuel et la rénovation de 700 000 logements par an. En revanche, le pouvoir en place s’entête de manière incompréhensible à ne pas réintégrer les 15 000 soignants suspendus en raison de leur refus de l’obligation vaccinale pour leur profession, et ce, en dépit de la pénurie alarmante de personnels médicaux. L’âge de la retraite sera porté à 64 ou 65 ans, ce qui selon le président, devrait financer le minimum retraite à 1100 €. La réduction de l’indemnisation du chômage continue de poser problème et le RSA (575 € par mois pour une personne seule), conditionné à un minimum d’activité de quinze à vingt heures par semaine, est certainement rédhibitoire pour un électorat en grande difficulté. La baisse des allocations logement a laissé un goût d’amertume. Nulle annonce, par ailleurs, sur la demi-part fiscale dont pouvaient encore bénéficier les veuves et les veufs de France il y a quelques années, avant que celle-ci ne soit supprimée par François Hollande. 

A lire ensuite: Macron favori, mais pour quoi faire?

Concernant la misère estudiantine, l’impossibilité, pendant la crise sanitaire, pour les étudiants en grande précarité dont le passe vaccinal n’était pas à jour, de bénéficier de l’aide alimentaire distribuée par des bénévoles, a marqué les esprits. Le fait que les chambres de certaines cités universitaires du CROUS soient infestées de punaises et que l’hygiène y laisse à désirer, ne manque pas d’entacher les promesses électorales faites à la jeunesse. Dans un tel contexte, certains étudiants français s’interrogent, en outre, sur la pertinence du projet d’Emmanuel Macron annoncé en 2018, qui consiste à augmenter le nombre d’étudiants étrangers à 500 000 personnes d’ici 2027. Ces derniers bénéficient des aides de l’État et les frais de scolarité qui leur sont appliqués sont loin de ceux pratiqués dans tous les autres pays de la planète. Depuis 2018, ce chiffre a augmenté de 40 000 personnes. Actuellement, sur 1,65 millions d’inscrits dans les universités françaises, 367 000 sont des étudiants étrangers. Parmi eux, se trouvent 47 500 étudiants chinois, alors que la Chine n’accueille en contrepartie que 10 000 étudiants français…

Le programme économique surprenant de Marine Le Pen

En matière économique et sociale, Marine Le Pen est opposée aux sanctions contre la Russie dans le domaine de l’énergie. Elle propose, pour sa part, une baisse de la TVA sur les produits énergétiques de 20 % à 5,5 %. Une TVA à 0% pour tous les consommateurs sur les produits de première nécessité augmenterait le pouvoir d’achat sans distinction. Elle souhaite réintégrer les soignants suspendus qui se sont retrouvés aux abois. Avec elle, il y aurait un statu quo sur les retraites avec un système progressif de départ à la retraite en fonction de la date d’entrée dans la vie active et du nombre d’annuités cotisées. Le minimum retraite serait porté à 1 000 euros. Elle a promis de construire chaque année 100 000 logements sociaux et 100 000 logements étudiants pendant son quinquennat. Les moins de 30 ans seraient exonérés d’impôt sur le revenu et les cotisations patronales également pour toute revalorisation salariale de 10 % (pour les salaires jusqu’à trois fois le Smic). La redevance audiovisuelle serait supprimée. Dans une optique nataliste, les familles bénéficieraient d’une part fiscale pleine dès le deuxième enfant. La création d’un impôt sur la fortune financière viserait à réduire les inégalités. Elle n’a pas abandonné le concept de préférence nationale, qui épouvante la gauche depuis plusieurs années et espère financer son programme social par des restrictions visant les allocations sociales perçues par les étrangers. Pour réduire le gouffre qui s’est creusé entre les élites et le peuple, elle défend l’idée du référendum d’initiative citoyenne (RIC), une revendication émanant des gilets jaunes. Car, comme l’a observé Anne Nivat, lors de ce qu’elle appelle son « road-movie » sociologique à travers la France, loin de Paris et au fond de la province oubliée, les gens paraissent de plus en plus liés par un sentiment commun : la défiance. Elle en a conclu que « plus que le traditionnel vote de classe ou le clivage gauche-droite, le niveau de confiance est l‘élément qui éclaire avec le plus de justesse ce que sera le face-à-face du second tour de l’élection présidentielle de 2022 »

A lire aussi: Partis, c’est fini

Dans ces conditions, si l’électorat âgé issu des classes privilégiées s’estime rassuré par le positionnement économique et social du président sortant soutenu par deux anciens présidents de la République (Nicolas Sarkozy et François Hollande), par la droite européiste et par la gauche bobo et écologiste, rien n’est moins sûr en ce qui concerne « l’autre France » farouche et imprévisible. Cette dernière n’a jamais tiré les marrons du feu de la mondialisation et elle est en train de s’enfoncer inexorablement dans un marasme à la fois social et psychologique. Poussée dans ses derniers retranchements, cette « France d’en bas », selon l’expression de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, semble, à l’évidence, de moins en moins susceptible de souscrire à toute idée de « verticale du pouvoir »  à la française, laissant ainsi la porte ouverte à toutes les éventualités, lors de ce 2ème tour fatidique, le 24 avril prochain… et d’autres surprises électorales dans les mois qui vont suivre, à commencer par les législatives. 

En effet, sans majorité pour LREM à l’Assemblée, il serait difficile pour Emmanuel Macron, s’il est réélu, de mener la politique qu’il souhaite comme ce fut le cas lors de ce quinquennat.

La France de face

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[Nos années Causeur] Sur ma tablette d’écolière, j’écris ton nom, « Causeur »!

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Marie-Hélène Verdier D.R.

Nos années Causeur par Marie-Hélène Verdier


Pendant longtemps, j’achetai en kiosque Causeur pour entendre la blague rituelle de mon marchand, le temps qu’il farfouille derrière des magazines. Causette, vous avez dit ? Non, Causeur ! Un jour, j’envoyai un article au seul journal en ligne éveillé qui avait le souci de la langue française, dans la guerre qu’on lui menait. Alors commença ma Vita Nuova. C’est à Causeur que je dois mon coming-out — j’étais de droite ultra— et ma plume de polémiste. C’est grave, docteur ? L’âge, répondit-il. Le mal ne fit qu’empirer : je m’abonnai. Formule intégrale.

Je préfère le dire tout de suite. Causeur ne me fait pas des amis. Mais pas de confidences. Causeur, c’est le professionnalisme d’un magazine « intellectuel de droite », stimulant, drôle, pas mondain comme… j’allais dire un nom ! C’est l’humour et l’ironie qui évitent l’écueil de l’insignifiance et de la dérision. Ce sont ses plumes. C’est un esprit français, vif, provocateur, mûr, qui rend le lecteur, forcément, plus intelligent.

A ne pas manquer, notre numéro 100: Causeur n°100: Et si ce n’était pas lui?

Sans parler des unes souvent formidables, petits bijoux de réflexion à eux seuls, le lecteur trouve en tête des rubriques attendues du magazine, la surprise stimulante des titres. Les articles écrits par des gens costauds donnent aussi la parole à ceux qui ne sont pas d’accord. Quant aux interviews avec Jean-Michel, Marlène, Z., Jean-François, Marcel, Alain, Eugénie, et les autres, ils valent désormais au magazine sa respectabilité. Le tout dans une mise en page soignée —que l’on aime humer et toucher — moins sophistiquée que… j’allais encore écrire un nom ! Avec de très belles photos de paysages et de visages.

Causeur, c’est aussi, pour celle qui brette sans arrêt, le repos de la guerrière, dans son journal en ligne. Moi qui n’aime rien tant que les Provinciales de Pascal, je ne me sens jamais censurée. Alors, liberté et qualité d’expression, que demander de plus à un magazine ? La fraternité ? Elle y est ! Si donc j’avais à résumer, j’écrirais en lettres d’or : « Sur ma tablette écolière, j’écris ton nom Causeur ! » (J’allais écrire… Causette !) Et surtout : Abonnez-vous !

Des messies pour des lanternes

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Soleil

Un président de la République légitime, c’est un président élu, non ? En Russie peut-être mais pas en France ! Faut-il recruter Braudel, Baudrillard et Mitterrand pour comprendre ?…


Est légitime ce qui est juste, fondé en droit, en équité. Une femme légitime, c’est une épouse. Un enfant légitime, c’est le vôtre. Un président légitime, c’est un président élu. D’accord ?… Non, pas chez nous.

Pour le parti légitimiste, favorable au retour des Bourbons, Louis-Philippe n’était pas le souverain légitime bien qu’il ait été élu roi des Français, en 1830. Sous De Gaulle, élu en 1958, réélu en 1965, son principal opposant, François Mitterrand, publia un ouvrage intitulé Le Coup d’État permanent – un brûlot. On sait déjà que pour beaucoup, le 24 avril, le président Macron sera d’autant moins légitime qu’il est majoritaire.

A lire aussi : Emmanuel Macron: pas de débat, pas de mandat?

Pas de débat, pas de mandat ! Macron, voleur ! Macron dégage ! Élections, piège à cons ! À bas la Ve République ! On connaît l’antienne. Depuis la Révolution, les Français s’efforcent de combler un abîme – le vide symbolique ouvert par la mort d’un roi ? On a beau être républicain, on est devenu minoritaire – un comble ! On n’y peut que dalle – celle d’un tombeau peut-être.

Car la France est ce pays où tout conflit s’éternise avant de requérir les institutions les plus hautes à la fois pour les contester et réclamer leur arbitrage. En gros, on accepte du chef élu qu’il règne – « un chef, c’est fait pour cheffer » (Jacques Chirac) – mais on ne lui permet pas de gouverner. Notre idée du pouvoir : absolu – mais faible ! Ce qu’on a retenu de Voltaire et Jean-Jacques : ils étaient contre – ce qui nous donne le droit permanent de proférer des insanités dans la rue.

Ce qui nous a quittés ? L’idée même d’un bien commun qui, au-delà de leurs intérêts particuliers, fédère tous les citoyens. Ce qui en reste ? Le parfum rance. La radicalité« un privilège de fin de carrière », disait Baudrillard. Et la rage – celle des candidats qui ne seront pas choisis. Mélenchon, Zemmour, Le Pen… on les entend déjà protester et solder leurs ambitions déçues : « On a perdu ? Chérie, ma pipe et mon gilet jaune ! » Variante : « Retenez-moi ou je fais un malheur ! »

A lire aussi : Chez Zemmour, hier soir: “cela ne va pas assez mal pour que ça aille mieux”

On a le droit d’être déçu – c’est même essentiellement ça, la démocratie. Une démocratie peut être libérale (ou pas), autoritaire, participative, délibérative, etc. On en doit la définition la plus belle (et la plus obscure) à Abraham Lincoln : « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » Et après ?… « Comment gouverner ? » Pas simple. « Qui est le peuple ? » Pas clair. Car dèmos (le peuple) et cratos (le pouvoir) alias Mytho et Mégalo forment un étrange attelage.

Quand on parle de la France au risque de sombrer dans la déploration et dans le ridicule – mais après tout, le ridicule est une forme de courage –, on oscille avec emphase entre deux postures, deux discours : l’un amoureux, l’autre acerbe. Plus que jamais, on est tiraillé. On voudrait servir mais on refuse d’obéir. On voudrait hurler mais avec le temps, on devient ici plus raide, et là plus mou – la France est un si vieux pays ! Le jeu moisit. On se lasse de l’esclandre. Les bravades perdent de leur attrait. On est fatigué des mensonges, des promesses, des fake news – on s’indigne puis on s’endort devant la télé.

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La fin de l’Histoire, ha ! ha !… tandis que la guerre en Ukraine nous arrache à nos vertueuses somnolences en contrariant le business plan programmé de l’Europe, on feint de découvrir que la patrie n’existe qu’à travers le combat et les sacrifices qu’elle exige. Français, encore un effort !… Il va falloir choisir entre la famine ou Gazprom, les moulins à vent ou le nucléaire, « Erasmus » ou la Grande Muraille ! « Ah les cons ! », comme disait Daladier de retour de Munich en 1938.

Et la France dans tout ça ?

« La France, je la vis. J’ai une conscience instinctive, profonde de la France… J’ai la passion de sa géographie », se vantait François Mitterrand dans L’Abeille et l’Architecte (1978). On n’exige plus de notre président qu’il soit un peu druide et qu’il parle aux arbres. Pour fêter sa réélection, Macron songe-t-il à se recueillir sur le mont Beuvray avec ses ministres et à célébrer l’union sacrée des tribus gauloises en souvenir de Vercingétorix ? Ça m’étonnerait.

« Je le dis une fois pour toutes : j’aime la France avec la même passion, exigeante et compliquée, que Jules Michelet », avouait Braudel à l’orée de son livre-testament L’Identité de la France (1986), mais il s’efforçait subtilement, en historien, d’en parler « comme d’un autre pays ».

A lire aussi : Campagne présidentielle 2022: l’interminable lever de rideau

Regarder la France comme si on n’en était pas, sans s’émouvoir, sans se morfondre, est-ce possible ? Il faudrait pour cela, à rebours des dévotions qu’on nous inflige, convoquer une subjectivité de haut rang. Ce qui nous manque, c’est un vieux chameau transcendantal qui nous sonnerait les cloches. Un Péguy. Un Bernanos. Un Philippe Muray pestant contre les mutins de Panurge que nous sommes et endossant sa robe de Grand Inquisiteur devant nos absurdes doléances.

Comment rompre avec ces simagrées ? Que faire quand l’exercice de l’intelligence – est-ce le bon mot ? – se traduit par une montée aux extrêmes, quand le rêve d’égalité devient une fureur de repentance, quand l’idéal de justice devient un système de persécution, quand le ressentiment des minorités adopte le langage de la libération, quand la haine devient virale, et le mensonge plus convaincant que la vérité ? Se battre mais contre qui ? contre quoi ?

A lire aussi : Le marché de l’élection présidentielle

Pendant ce temps-là, dans leur petit coin d’Europe, chut ! les Français votent. Pas tous, pas assez, je sais, on ne vote plus en France comme jadis on allait à la messe le dimanche ! Avez-vous regardé les clips de la « campagne officielle » ? Tous les candidats se targuent de nous rendre plus heureux – de quoi je me mêle ! Tous providentiels, tous prêts à se damner pour sauver la France. Des messies pour des lanternes !

Poutine avec sa face de carême est infiniment plus crédible quand il promet : adieu Grozny ! bonjour Marioupol ! lui il ne rase pas gratis.

« C’est prodigieux tout ce que ne peuvent pas ceux qui peuvent tout », ironisait Talleyrand. Une alliance bancale entre le possible et le réel, c’est ça, la politique. Vous avez mieux ? Non, il faut faire avec.

« … A voté ! »

Punaises de lit: une guerre, une vraie

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D.R.

Les punaises de lit sont des espèces d’insectes hétéroptères de la famille des Cimicidae. L’espèce la plus répandue n’est autre que la Cimex lectularius. Elles viennent jusque dans vos draps pour mordre vos fils et vos compagnes…


Le gouvernement part en guerre. Le 10 mars, le ministère de la Transition écologique a dévoilé sur son site internet son « plan d’action interministériel de lutte contre les punaises de lit ». Un accord a été signé avec le Syndicat des experts en détection canine des punaises de lit (SEDCPL). Tandis que médecins, infirmières et pharmaciens seront réquisitionnés pour « diagnostiquer la présence de punaises de lit à domicile », nos enseignants auront à cœur de « relayer la campagne d’information grand public » durant leurs heures de classe et sur l’application de gestion de la vie scolaire, Pronote.

Hébergement, hôtellerie, transport, santé, mais aussi salles de spectacle ou cinéma, tous debout face à l’assaillant ! Chacun de ces secteurs est appelé à « élaborer des outils spécifiques de sensibilisation et d’information sur les moyens de détection et de lutte » contre les punaises de lit. Bientôt renforcées, les formations des professionnels de cette lutte vont être listées sur le site stop-punaises.gouv.fr. Les caisses d’allocations familiales seront sollicitées pour alléger les coûts de désinfection des ménages les plus modestes, et les baux de location vont devoir intégrer la responsabilité des bailleurs en cas d’offensive de punaises de lit.

La petite bête va être « installée dans le droit sanitaire et celui du logement au titre de la décence et de l’indignité ». Enfin, la « recherche sur la détection » de la punaise va être développée. Dès la fin de l’année, un « état des connaissances sur la punaise de lit » va être publié. Afin de coordonner cette grande union nationale, un « comité directeur de la lutte contre les punaises de lit » va bientôt voir le jour.

D’ici là, ouvrez l’œil, patrouillez et surveillez vos matelas. À l’heure actuelle, le chef de l’État parle sur un ton martial, mais la seule mobilisation générale en cours est celle qui vise les punaises.

Résurrection de Blaise Cendrars

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D.R.

Le poème du dimanche


Cendrars est de retour dans « Le poème du dimanche ». Et pour cause, comment ne pas penser à lui en cette période pascale. Il est en effet l’auteur des Pâques à New-York, écrit en 1912, grand et long poème d’une errance en pleine semaine sainte dans la ville gigantesque qui devient à la même époque le symbole de la modernité.

La quête spirituelle se confond avec la dérive géographique et une immense compassion pour l’humanité souffrante. Ce texte est considéré comme un des moments fondateurs de cette poésie du vingtième siècle qui va amener au surréalisme mais va surtout être capable d’intégrer au discours poétique tous les éléments d’une vie quotidienne en train de changer sous les effets de la technique.

Assez étrangement, on trouvera la même synthèse mystique entre la ville, la foi catholique et l’errance urbaine dans un autre poème fondateur, le Zone de Guillaume Apollinaire, sensiblement écrit à la même époque. Pas de plagiat, ici, mais plutôt une certaine sensibilité nouvelle qui flotte dans l’air et que les poètes, ces radars subtils, savent capter mieux que personne.


Pâques à New-York (extrait)

Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des recéleurs.

Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

Seigneur, l’un voudrait une corde avec un noeud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.

Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.

Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,

À la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.

Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.

Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce que l’on vit derrière, personne ne l’a dit.

La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.

Ceux que vous aviez chassés du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.

La cité Frugès, une utopie à valoriser?

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Une exposition intitulée « Ouvrage » se tient en ce moment à Pessac dans la Cité Frugès-Le Corbusier. Un nouvel hommage au célèbre architecte, malgré son fascisme militant et son antisémitisme notoire. Pourquoi une telle mansuétude ?


Alors que tout le monde connaît aujourd’hui l’antisémitisme d’un Louis-Ferdinand Céline, au point qu’il n’est plus guère évoqué dans les médias qu’à travers ce prisme, celui de Le Corbusier, bien que fréquemment pointé du doigt, ne semble pas émouvoir outre mesure. Il ne fait pourtant aucun doute que le célèbre architecte a été compromis en son temps avec le fascisme et Vichy, comme le soulignait, en 2019, une tribune parue dans Le Monde, où était citée une phrase extraite de l’un de ses livres, datant de 1941 : « Une lueur de bien : Hitler. » À l’heure où les déboulonnages de statues se multiplient, il apparaît quelque peu étonnant que l’inscription en 2016 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco de l’œuvre architecturale de Le Corbusier, n’ait pas suscité davantage d’élans de réprobation.

Utopie ou dressage ?

Les manifestations culturelles vont d’ailleurs bon train à la cité Frugès de Pessac, l’une des « utopies urbaines réalisées les plus emblématiques au monde », comme la présente le service culturel de la ville, ajoutant que Le Corbusier propose là « une nouvelle approche sociétale en permettant l’accès à la propriété des habitants les plus modestes, ainsi qu’au confort le plus innovant en matière d’équipement et d’aménagement de l’espace de vie à l’échelle de la maison comme à celui du quartier », sans oublier l’apport d’une « nouvelle esthétique qui marquera l’histoire de l’architecture par un nouveau langage artistique de formes et de couleurs libéré de tout décor ».

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Autant dire qu’il s’agit là du portrait d’un révolutionnaire humaniste… Pourtant, nombre de spécialistes contestent cette appréciation régulièrement mise en avant par les sectateurs de l’architecte, voyant au contraire dans ses thèses « une organisation carcérale qui […] crée un corps unique saisi par la technologie du bâtiment moderne, un corps machine dans une vaste machine à habiter », comme l’analysait le professeur d’esthétique Marc Perelman dans Le Monde en 2015. Un avis partagé par le philosophe allemand Ernst Bloch, considérant qu’il y a dans son œuvre une volonté de réduire les hommes « à l’état de termites standardisés », ainsi que par l’historien de l’art Pierre Francastel, parlant à son sujet de « dressage » et de « servitude ».

Panégyrique sans nuances

L’exposition « Ouvrage », mise en place à Pessac depuis le 6 janvier, invite pourtant trois artistes à investir la Maison Frugès pour un hommage, voire un panégyrique destiné à valider l’apport incontestablement positif de Le Corbusier à notre monde moderne. La dimension critique, elle, n’est à l’évidence pas de mise. Chacun faisant référence à ses réalisations iconiques au travers d’allusions au mobilier qu’il a créé, à ses expérimentations constructives et, « bien sûr, à son principal dessein : placer l’humain au cœur de ses projets »…

Pour le sculpteur et plasticien Pierre Labat, Le Corbusier était ainsi avant tout « un grand mécène avec un rêve gigantesque », tandis que la peintre et sculptrice Alice Raymond vante « sa relation à l’environnement », quand bien même ce n’est pas l’espace naturel qui est valorisé dans le projet architectural de Le Corbusier, mais le culte de l’activité physique au moyen d’immenses terrains de sport géométrisés. De son côté, le peintre muraliste Matth Velvet assure que « la cité Frugès semble intemporelle », alors qu’il est communément admis que ses constructions ont subi les outrages du temps et paraissent aujourd’hui bien défraîchies, voire datées.

Avec 8 000 visiteurs par an au sein de la maison Frugès-Le Corbusier, la ville de Pessac entend bien poursuivre la valorisation de cette bâtisse de type gratte-ciel, qu’elle a acquise pour en faire principalement un lieu de médiation architecturale et urbanistique, tout en mettant en place une programmation d’expositions didactiques et artistiques toujours en lien avec le design, l’architecture, l’urbanisme ou l’art contemporain.

Moderne, forcément moderne

Mais la question demeure ? Pourquoi une telle mansuétude à l’égard de celui qui est couramment défini comme le fondateur de l’architecture moderne ? Peut-être, précisément, parce qu’il est « moderne » et que le moderne fait l’objet d’une survalorisation positive conduisant à sa sacralisation. En décidant qu’il coïncidait avec le « Bien », ses promoteurs préfèrent sans doute balayer d’un revers de main tout ce qu’il y aurait de fâcheux à dire sur ses représentants les plus douteux.

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