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Résurrection de Blaise Cendrars

Le poème du dimanche


Résurrection de Blaise Cendrars
D.R.

Le poème du dimanche


Cendrars est de retour dans « Le poème du dimanche ». Et pour cause, comment ne pas penser à lui en cette période pascale. Il est en effet l’auteur des Pâques à New-York, écrit en 1912, grand et long poème d’une errance en pleine semaine sainte dans la ville gigantesque qui devient à la même époque le symbole de la modernité.

La quête spirituelle se confond avec la dérive géographique et une immense compassion pour l’humanité souffrante. Ce texte est considéré comme un des moments fondateurs de cette poésie du vingtième siècle qui va amener au surréalisme mais va surtout être capable d’intégrer au discours poétique tous les éléments d’une vie quotidienne en train de changer sous les effets de la technique.

Assez étrangement, on trouvera la même synthèse mystique entre la ville, la foi catholique et l’errance urbaine dans un autre poème fondateur, le Zone de Guillaume Apollinaire, sensiblement écrit à la même époque. Pas de plagiat, ici, mais plutôt une certaine sensibilité nouvelle qui flotte dans l’air et que les poètes, ces radars subtils, savent capter mieux que personne.


Pâques à New-York (extrait)

Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des recéleurs.

Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

Seigneur, l’un voudrait une corde avec un noeud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.

Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.

Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,

À la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.

Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.

Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce que l’on vit derrière, personne ne l’a dit.

La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.

Ceux que vous aviez chassés du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.



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