On dit souvent que la France serait une terre d’antisémitisme. Le mot roule de tribune en éditorial comme une sentence définitive, une condamnation sans appel. Mais ma vie dément ce récit fabriqué. Elle en est la réfutation charnelle. Car je dois ma survie non pas aux institutions, non pas aux élites dont la langue est celle de la compromission, mais à un policier qui refusa d’obéir, et à des paysans catholiques du Dauphiné, les Danthon, qui m’ouvrirent leur maison comme on entrouvre une arche pleine de blé et de prières.
Ma mère fut sauvée d’une rafle par un simple fonctionnaire de police. Dans ce geste, rien du spectaculaire. Il n’y eut ni trompette ni panache. Mais la nudité d’un refus, la lumière d’une conscience. Quand tout autour n’était que papier signé, ordres secs, encre qui scellait la persécution, cet homme choisit de ne pas être complice. Sa grandeur fut sans uniforme, sans parole. Elle fut d’un silence d’autant plus éclatant.
Et moi, enfant, je fus recueilli par les Danthon. Leur maison, lourde de pierres, aux poutres noircies, respirait une abondance simple. Le pain sortait du four, les seaux tintaient dans la cour, les chevaux tiraient la charrue comme au temps d’avant l’Histoire. C’était une maison pleine : pleine de voix, de rires d’enfants, de gestes sûrs. À l’intérieur, la chaleur d’un poêle, l’odeur des soupes épaisses, les prières récitées à voix basse. Rien ne manquait, tout y était don.
Chaque soir, Madame Danthon me faisait réciter d’abord le Notre Père, puis le Shema Israël. Deux fidélités, deux prières, qui ne se contredisaient pas dans ma bouche d’enfant. La croix et l’étoile veillaient ensemble sur mon sommeil. Ainsi se révélait la France : non pas la France des tampons et des signatures, mais celle d’une coexistence silencieuse, naturelle, enracinée dans la terre.
Voilà pourquoi je l’affirme : le peuple français n’est pas antisémite. Il ne l’a jamais été dans ses fibres profondes. Ce sont ses élites qui ont trahi. Hier, celles de Vichy, qui signaient, calculaient, collaboraient, offrant la persécution juive sous la forme d’un registre administratif. Aujourd’hui, celles qui trahissent à nouveau, non plus en livrant les Juifs, mais en livrant Israël à la haine, en donnant une onction idéologique à l’antisionisme.
La lâcheté des élites est restée la même : incapacité à nommer l’ennemi, posture du Bien qui recouvre leur reniement. Hier, l’occupant allemand ; aujourd’hui, l’islamisme conquérant. Toujours la même froideur d’encre et de papier, toujours les mêmes mains trempées dans la complicité.
Mais la vérité est ailleurs. Elle est dans les maisons de pierre et de bois, dans la chaleur des foyers, dans la fidélité silencieuse de ceux qui accueillirent sans trembler. Ceux que l’on traite de « réactionnaires » furent alors les vrais résistants : non par discours, mais par chair, par geste, par fidélité.
De cette enfance, il me reste l’image de la brique chauffée sous mes draps, de la soupe partagée, de deux prières s’unissant dans la nuit. Cette image, plus qu’un souvenir, est une leçon : elle dit que la fidélité est plus forte que la haine, que le peuple simple porte la vérité que les élites, hier comme aujourd’hui, ont abandonnée.
C’est pour cela que j’écris. Pour rappeler à la France que son honneur ne fut jamais dans les proclamations de ses élites, mais dans la chaleur obscure de ses maisons paysannes. Hier, ce furent un policier anonyme et la maison des Danthon qui sauvèrent une mère et son enfant. Aujourd’hui encore, ce sont les voix modestes, étouffées, qui pressentent le danger que les élites refusent de voir.
Car l’histoire revient, avec d’autres masques. Hier, la collaboration au nom du réalisme ; aujourd’hui, la compromission au nom de l’antiracisme. La même peur, le même calcul, la même lâcheté sous d’autres habits.
Je veux que la mémoire des Justes juge nos contemporains. Que le visage des Danthon, la main tendue du policier, apparaissent comme un reproche vivant à ceux qui défilent aujourd’hui derrière les drapeaux palestiniens. Qu’on se souvienne : la vraie France n’était pas dans les salons de Vichy, mais dans la cuisine des Danthon, au bord du feu, dans la densité d’une maison pleine. De même, aujourd’hui, elle n’est pas dans les tribunes du progressisme mondain, mais dans le cœur lucide de ceux qui refusent le mensonge.
Voilà le sens de ce témoignage : défendre l’honneur du peuple français contre la lâcheté de ses élites. Rappeler que la fidélité, la vraie, se tient dans une soupe partagée, dans une prière chuchotée, dans la chaleur d’un poêle. Se tient là où la France, la seule France, continue de vivre.
On est en droit de reprocher à certains polars de proposer des intrigues abracadabrantes, alambiquées, dans lesquelles on commence par patauger et où l’on finit par se noyer. Ici, ce n’est point le cas. Né en 1963 à Château-Thierry dans le plus beau département le France, l’Aisne, Philippe Robin, responsable de l’édition axonaise Nord du journal L’Union, propose, avec son roman La dernière fable, une histoire à la fois simple et singulière.
De quoi s’agit-il ? L’adjudant-chef Frédéric Bordeaux, spécialiste des enquêtes judiciaires, procède à des investigations à la suite d’un cambriolage – lesté d’une course poursuite – perpétré à Chézy-sur-Marne. L’auteur du casse, un banal fumeur de shit, est bien vite arrêté : Pascal Seclasse, 22 ans, de Charly-sur-Marne, trois cambriolages à son actif. Lors de la perquisition diligentée chez le jeune malfaiteur, Bordeaux découvre une jolie boîte en fer pastel « 1670 – Marquise de Sablée – » qui renferme un vieux manuscrit intitulé La chèvre et le bouc. Seclasse l’a dérobée dans la maison de campagne d’Azy-sur-Marne, de Jean Pastenoble, 70 ans, un vénérable universitaire de haut vol, ex-enseignant à La Sorbonne, spécialiste de Jean de La Fontaine. Une manière de vieux daim antipathique. Tout de suite, l’adjudant-chef se demande s’il ne s’agirait pas d’une fable inconnue du célèbre poète castelthéodoricien ? Sa dernière fable ? Il mènera l’enquête jusqu’à son terme et le lecteur ira de surprise en surprise. Bien joué, Philippe Robin !
Le journaliste et romancier Philippe Robin, septembre 2025. Photo : Philippe Lacoche.
« Un homme à fable »
Ce petit livre tout simple, très vif et sans prétention, nous tient en haleine. De plus, il est bien écrit, et l’on sent que son auteur, localier de terrain rompu aux faits divers et aux audiences du Tribunal de grande instance, connaît les rouages des affaires judiciaires. L’ouvrage est également parsemé de bons mots et d’un humour pince sans rire. Quand le major Dansac confie l’enquête à Bordeaux, adorateur de La Fontaine, il lui glisse : « (…) occupez-vous de ce dossier puisque vous êtes un homme à fables ! » Par ailleurs, le procureur, Clothilde Ridoux, ne se sépare jamais de son chat surnommé Dalloz, comme la maison d’édition spécialisée en droit, ce qui fait dire à l’auteur que « la proc’ a toujours rêvé d’avoir un greffier à ses pieds ».
L’auteur nous surprend aussi quand il révèle que la séduisante Apolline Bayard, conservatrice du musée Jean de La Fontaine (Frédéric Bordeaux en est secrètement amoureux) est lesbienne et en couple avec Cécile. « Aussi brune que l’autre est blonde, la jeune femme pose un tendre baiser au coin des lèvres d’Apolline et s’assoit auprès d’elle, en lui prenant la main. » C’est trop mignon ! Champagne, svp, mais du Pannier, un cru du sud de l’Aisne ; délicieux !
La dernière fable, Philippe Robin ; à contresens éditions ; 156 p.
Le socialiste Olivier Faure veut voir flotter le drapeau palestinien sur toutes nos mairies. En Espagne, son alter ego félicite les casseurs propalestiniens. Jean-Luc Mélenchon fait passer la subversion islamiste en cours pour une « créolisation » réjouissante. L’humeur d’Ivan Rioufol.
Qui arrêtera l’infiltration islamiste en France ? L’invitation d’Olivier Faure à « faire flotter le drapeau palestinien sur nos mairies » le 22 septembre, date de la reconnaissance d’un État palestinien par la France, est une illustration parmi d’autres de la haute trahison des clercs. Le premier secrétaire du PS ne peut ignorer que cet étendard est devenu l’emblème du Hamas terroriste, qui a juré de rayer Israël et les Juifs de la carte. Le drapeau s’est imposé également comme signe de ralliement de la judéophobie qui parcourt l’Europe. Il était aussi arboré le 10 septembre par le mouvement « Bloquons tout ! » cornaqué par LFI.
Jean-Luc Mélenchon est d’ailleurs le premier des soutiens à la subversion islamiste en cours, maquillée sous le dessein d’une « créolisation » de la nouvelle France issue du repeuplement. Mais la gauche perdue a également trouvé, auprès du chef de l’État, un allié dans sa débandade intellectuelle et morale. La décision précipitée de reconnaitre un État palestinien, alors que le Hamas détient encore 50 otages et qu’il ne reconnait pas Israël en retour, est venue de la volonté présidentielle. Son choix a été salué par l’organisation djihadiste, qui y a vu la consécration politique de son pogrom du 7 octobre 2023. La communauté musulmane française saura apprécier le geste du chef de l’État. Le soutien qu’Alain Finkielkraut a apporté à Macron dans cette initiative, non dénuée d’électoralisme communautaire, n’a pu que satisfaire l’Élysée. Ce sont les « populistes », engeance exécrée par Macron, qui alertent contre les renoncements à résister au totalitarisme coranique et à son antisémitisme.
La libanisation de la société française ne rencontre aucun obstacle. Le Monde a révélé, lundi, que le Qatar, généreux parrain de l’islamisme colonisateur, possédait notamment 20% des Champs-Élysées, grâce aux avantages fiscaux accordés à l’émirat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’idéologie islamiste s’est installée dans de nombreuses cités, avec son rituel d’enfants-soldats et d’affrontements contre les symboles de la France, à commencer par les forces de l’ordre. D’autres villes d’Europe, comme Bruxelles ou Londres, ont atteint un basculement démographique qui permet à la charia de régenter certains quartiers. En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a déjà reconnu la Palestine il y a un an. Il ne cache rien de son antisionisme quand il sanctionne Israël pour « mettre un terme au génocide à Gaza », ou quand il avalise l’annulation, dimanche, de la dernière étape de la course cycliste de la Vuelta, perturbée par des pro-palestiniens soutenus par le pouvoir, au prétexte de la présence d’une équipe israélienne.
L’Europe, qui veut guerroyer contre la Russie, se laisse envahir par l’islam anti-occidental. Les Juifs y sont partout des cibles. Seuls les peuples s’inquiètent de l’endormissement des dirigeants. La grande mobilisation de samedi Londres a illustré la vitalité intacte de la société civile. En France, les ingrédients d’une guerre civile sont là. Les répétions s’accélèrent. Qui osera dire aux islamistes : « ça suffit ! » ?
Le climat social fortement dégradé de l’arrière-saison, par miracle, n’atteint pas aux hauteurs sidérales où l’inspiration d’un Claus Guth hisse depuis pas loin d’une décennie les protagonistes de La Bohème, opéra mythique s’il en est, must absolu du répertoire lyrique : retranchées les représentations annulées en 2020 pour cause de Covid, on en est à la 3ème reprise de cette mise en scène dans le vaisseau spatial de l’Opéra-Bastille, avec plus de deux-cent représentations au compteur depuis 2017 ! La régie qui faisait scandale il y a huit ans est accueillie avec un franc succès par le public de 2025. Après la translation, en mars dernier au Palais Garnier, du spectacle créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 Il Viaggio, Dante, du grand compositeur contemporain Pascal Dusapin, reparaît donc à Paris l’iconoclaste scénographe allemand sous les auspices de Puccini, dans la célébrissime adaptation, par le compositeur transalpin, des Scènes de la vie de bohème, de Henry Murger, opéra millésimé 1896, donc entre Manon Lescaut (1893) et Tosca (1900), pour situer. Chez Guth, exit donc l’atmosphère fiévreuse du « café Momus », la jeunesse insouciante et fauchée se chauffant autour du poêle d’une mansarde au quartier latin. À distance de toute littéralité, Rodolfo et Mimi, Musetta, Marcello, Shaunard et Colline sont ici en perdition à bord d’une navette spatiale, astronautes épuisés, en manque d’oxygène, revivant nostalgiquement leur jeunesse enfuie, dans une odyssée terminale en apesanteur et dans le compte à rebours d’une fin inexorable. Défile le ruban du journal de bord de la capsule spatiale en détresse, qui finira par s’échouer, atterrissage forcé, au troisième tableau, au cœur d’un paysage lunaire sur lequel tombe continument une bruine neigeuse de minuscules flocons. Le passé revécu sous une forme hallucinée où perdure, hanté par la mort, le souvenir des jours heureux… Au pupitre, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan succède à Michele Mariotti pour cette reprise, direction musclée, aux coloris chatoyants, soutenue par un Orchestre de l’opéra de Paris à son meilleur. Si Mimi, la maîtresse tuberculeuse du jaloux Rodolfo, faisait merveille au soir de la première sous les traits de la soprano australienne Nicole Car (rôle repris par la chilienne Yaritza Véliz à partir du 2 octobre, pour ses débuts sur le plateau de la Bastille), l’Américano-austro-guatémaltèque Andrea Carroll se découvrait en Musetta dans une performance amoindrie par des aigus quelque peu stridents. Charles Castronovo, superbe Adorno l’an passé sur cette même scène dans Simon Boccanegra, campe encore Rodolfo comme il y a deux ans, rôle repris à partir du 2 octobre par le ténor américain Joshua Guerrero, irremplaçable dans le répertoire italien. Une distribution de belle tenue globalement, en somme, mais dans laquelle domine, divine surprise, le bronze galbé de la basse grecque Alexandros Stavrakakis, au phrasé d’une rondeur, d’une générosité qui donnent le frisson, dans le rôle du poète philosophe Colline, dont l’air final sublime du dernier tableau – « ora che i giorni lieti fuggir, ti dico : addio, fedele amico moi. Addio, addio » (maintenant que les beaux jours se sont enfuis, je te dis adieu, mon fidèle ami. Adieu, adieu) – vaudra d’ailleurs au chanteur, le soir de la première, une ovation émue de la salle, tétanisée.
La Bohème. Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini. Avec Nicole Car/Varitza Véliz, Andrea Caroll, Charles Castronovo/Joshua Guerrero, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stravrakakis… Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris. Maîtrise populaire de l’Opéra Comique. Opéra Bastille les 19, 23, 27, 30 septembre, 2, 8, 11, 14 octobre 2025 à 19h30, le 5 octobre à 14h30. Durée : 2h30
« Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » On n’imagine guère François-Xavier Bellamy tenir pareil propos lors d’un meeting de son parti. François-Xavier Bellamy est très bien élevé, respectueux, pacifique, et nul ne songe évidemment à le lui reprocher. Il incarne parfaitement la droite traditionnelle, passée par les meilleurs lycées, ayant lu les meilleurs livres, s’étant agenouillée devant les plus beaux prie-dieu. Il fait honneur à ce qui nous distingue de la gauche.
Tax the rich !
Seulement, quelque chose est cassé dans le mécanisme de la droite française, comme si le socialisme avait fini par la dompter. Économiquement, elle ne se différencie plus du centre. Elle parvient encore à faire les louanges de l’entrepreneuriat et de la croissance, mais c’est toujours du bout des lèvres, pour esquiver la mortelle accusation d’être du côté des riches. Elle défend à peu près la culture classique et chrétienne, mais avec de faux airs grandioses qui sonnent creux comme des tombeaux. Jeanne d’Arc, de Gaulle, qui d’autre ? On a vite fait le tour de ses références sans substance. Une prudence d’écolière la pousse à préférer les citations convenues, glanées sur Google, au vrai charisme surgissant de l’improvisation. Elle ne dégoûte ni ne jouit. Elle barbe.
Elle tient ce caractère trop policé, ou ce manque de caractère, à plusieurs éléments constitutifs de sa nature profonde. Elle est aristocrate par naissance. Grandie dans la très-sainte horreur de la guillotine, elle est plus douée pour le menuet que pour la sensualité. Ses excellentes manières ne sont jamais tirées à suffisamment d’épingles pour son public le plus tradi, obsédé par la perfection raide des rites dominicaux. Son savoir-vivre tout en lodens et en barbours ne laisse jamais voir une courbe. Ses jeunes s’autorisent jeans et t-shirts, mais, sitôt trentenaires, ils rentrent dans le rang de l’entre-soi. Exemple éloquent : la droite française est un monde où, si l’on a le malheur de prononcer un mot d’anglais, langue honnie entre toutes, on se voit illico coller une amende par Radio Courtoisie. Désolé, mais ces gens sont chiants.
Snobinards
Son âme aristocratique – qui n’a d’aristocratique que l’adjectif, car les seigneurs d’antan tenaient certainement davantage de la gaudriole que de l’académisme – fait pencher notre droite du côté du snobisme. Faire peuple est vulgaire. Le paysan est bien sympathique, pourvu qu’il soit tenu à distance. Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. Être de droite peut vous amener à flatter le postérieur des bovidés lors des Salons, toutefois, le geste sera appuyé avec une telle ostentation que personne n’y croira. Dans la vraie vie, le paysan ne met pas de mains aux fesses de la Noiraude. Il la fait paître, la trait et la mange. Finalement, les vaches de Chirac sont plutôt à ses yeux d’amusantes métaphores de la gent féminine. Ce n’est pas que la droite n’aime pas la populace ni les pauvres, mais, comprenez-vous, le sans-culotte est de gauche et nous n’avons rien à faire avec cet olibrius. Sachons en toutes circonstances faire preuve de l’éloignement qui sied au bourgeois.
Pourtant, dit le proverbe, « les idées sont de gauche et le style de droite ». Mais cela était vrai jadis, lorsque Jean Dutourd écrivait au Figaro, lançant des formules aussi gratuites que définitives, se moquant bien de ce qu’allaient en penser les patrons ou les dames pipi. “L’exactitude est la politesse des montres”, souriait-il derrière sa moustache. La formule aurait pu être de Michel Audiard, autre genre d’impertinent de droite. Je vous parle là du temps où un chat était un chat, un con un con, et la liberté de ton chose guère négociable. De son style et de son insouciance, que reste-t-il à la droite aujourd’hui ? Autant l’admettre : rien. Je ne citerai pas de noms, puisqu’il faudrait tous les pointer du doigt. Que l’on me montre simplement un seul politicien de droite, un seul chroniqueur, un seul influenceur – comme ils se décrivent eux-mêmes, oubliant qu’ils sont admirés d’esprits infantiles, affreusement influençables -, une seule plume contemporaine de droite dont la forme égale celles des années soixante, sans même parler de celles des années quarante, et dont on conserve les meilleurs aphorismes tels des trésors. Philippe Muray nous a quittés et son cimetière est peuplé d’éléphanteaux dispensables, qui l’imitent mal en barrissant. Sans doute l’auteur de ces lignes n’est-il pas le dernier, du reste. Nul ne vaut mieux que son époque.
Peuple de droite
L’électorat n’est guère plus brillant. On n’apprendra à personne que la foule de droite est timide, angoissante à force d’être angoissée, quand elle n’est pas carrément couarde.
Il n’y pas loin du tiède au pisse-froid, et la prudence peut faire aisément passer pour stupide. Alain Besançon : « En France, le catholique rase les murs ». Il les rase si bien qu’il rase tout le monde. Un interview d’électeur de droite donne souvent des envies de cordes et de tabourets. « Je crois en la France qui est le plus beau pays du monde de mes ancêtres qui ont donné leurs vies pour que je sois libre de défendre mon identité et la transmettre à mes quatre enfants, Thérèse-Marie, Marie-Thérèse, Clovis et Charlemagne ». Allez-vous étonner, avec cela, que la droite n’ait plus accédé au second tour depuis maintenant treize ans, bientôt quinze. Les bénitiers, combien de divisions de grenouilles, quand il s’agit d’affronter le monstre le plus parfait de toute l’histoire de la politique, le socialisme ?
On ne vainc pas le socialisme avec des gants beurre frais. On n’étripe pas vivante l’idéologie qui a accouché de Bakounine, Lénine, Staline, Trotsky, Mao, Castro, Guevara, Pol Pot, la dynastie Kim, Xi Jinping, et ses produits dérivés français, Thorez, Doriot, Mitterrand, Mauroy, Marchais, Hollande, Mélenchon, et on est très loin d’en voir le bout, si l’on s’interdit tout écart de langage : on ne casse pas la gueule à un alligator avec un fleuret moucheté.
De tous les socialismes apparus à la surface de la Terre, le français est un des plus coriaces. Menteur professionnel à l’instar de ses aînés, mais plus souple que la plupart, plus habile, patient, extraordinairement hypocrite, virus mutant autant de fois que nécessaire pour survivre, se reproduisant sous mille formes apparemment contradictoires, il doit être agressé au visage, directement, de face, jusqu’au sang de ses slogans, jusqu’à la moelle de ses croyances, et en l’appelant par son nom, socialisme, et non sous des appellations inventées à la hâte et qui se mordent la queue, tel le social-étatisme de Lisnard (où a-t-il vu qu’il existait un socialisme sans étatisme ?) ou le socialisme mental de Marion Maréchal (à quoi bon préciser, petite effrontée, puisque le socialisme est, fondamentalement, un trouble de l’intelligence !) L’idéologie socialiste est intégralement mauvaise et doit être dénoncée avec une détestation sans mélange, que l’on pimentera si l’on veut d’un soupçon de haine pamphlétaire, car on a le droit de torturer des idées et de les tuer plusieurs fois par jour, et d’y prendre un plaisir visible : il n’y a là jamais mort d’homme. Si l’assassin de Kirk s’était contenté de tirer sur ses idéaux à la mitrailleuse lourde, Kirk serait toujours en vie. Donc, bombardez le socialisme français, et qu’il n’en reste pas pierre sur pierre. Broyez-le. Insultez-le, injuriez-le, salissez-le, couvrez-le de toute la boue qu’il est, du moment que vous dites sur lui la vérité la plus pure. Une eau intarissable coulera sous les ponts avant que vous n’ayez dévoilé l’étendue de ses vices et de ses crimes. Lâchez-vous, que le sac des accusations soit enfin renversé sur sa tête de bureaucrate. Soyez irrespectueux par tous les nerfs de votre revanche.
Et, pour finir, venons-y : dites des gros mots. Guevara est-il une belle saloperie ? Oui. La science historique est formelle. Affirmez donc sans hésiter que le Che est une belle saloperie, criez-le s’il le faut, chantez-le et dansez, et ne laissez personne baisser le volume. Le mezza-voce de la droite française n’est plus tolérable. Notre galanterie a assez duré et elle explique trop de nos échecs. Vous défendez cent millions de morts, que diable ! Ils vous regardent. Ils comptent sur vous. Ils ont besoin d’une revanche verbale. C’est bien le moins que nous leur devons. Tant pis pour le bruit. Nous avons un droit imprescriptible au tapage : c’est notre tour. Et mettez-y de l’humour. Beaucoup. Trop ! Nous avons tant de retard. Effaçons un siècle de têtes d’enterrement.
Ce que veulent l’électeur de droite, le lecteur de droite, le quidam silencieux et propre sur lui – plus pour très longtemps -, c’est être épaulés, protégés, défendus et précédés par des gens grossiers et vulgaires qui leur ouvrent la voie. Je ressens le besoin que plus célèbre que moi dise à Sandrine Rousseau d’aller se faire voir. Finkielkraut se lance de temps en temps et c’est très agréable à observer, et il donne l’exemple. Quand Zemmour ose « C’est du foutage de gueule », cela fait du bien à la nation. Ça ouvre les fenêtres. On respire. La France sent moins le renfermé – et les intellectuels de gauche sont indisposés, ce qui est un excellent début. Piquez Piketty au vif. Mettez le camarade Jean-Luc en pétard : il n’est jamais mieux dénoncé que par ses hurlements. « Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » Merci, Milei. Voilà comment nous aurions dû et devons apprendre à nous exprimer. Il est temps de nous munir d’un nouveau dictionnaire.
Le Christ nous ordonne de tendre la joue gauche. Tout honneur et toute gloire lui reviennent, et malheur à celui qui malmène un ami ou un frère. Cependant, nous avons des ennemis, ils veulent nous faire taire, nous ne méritons pas d’être ainsi réduits au silence, le réel nous appelle au secours, la plupart d’entre nous ne feraient pas de mal à une mouche, et certains emmerdeurs méritent de sérieux coups de pompe où je pense.
La justice et l’État doivent rétablir sans faiblesse l’autorité policière, car la violence des voyous a inversé le rapport de force ces dernières années et menace la société française, analyse Philippe Bilger
Ce qui me surprend, c’est l’étonnement qui saisit la plupart des citoyens, ainsi que le retentissement médiatique qui l’accompagne, à chaque agression de policiers par ceux qu’on peut qualifier de voyous.
La peur doit changer de camp
Comme si, depuis quelques années, la police n’avait pas peu à peu perdu la main et l’initiative, face à des groupes malfaisants qui ont littéralement pris le pouvoir. À la force légitime de l’État, ils opposent désormais la violence illégitime, parfois jusqu’au crime, sans l’ombre d’un scrupule ni la moindre mauvaise conscience.
Un exemple récent : à Reims, en plein centre-ville, sept policiers ont subi « un véritable lynchage » de la part de plusieurs hommes[1].
Si l’on se contente de déplorer la multitude de résistances, de désobéissances et de violences dont les policiers sont chaque jour les victimes, avec ce constat accablant qu’ils ne peuvent jamais aller jusqu’au bout de ce que la loi les autorise à faire pour se défendre eux-mêmes ou protéger autrui, on passe à côté de l’essentiel : la profondeur du changement qui a bouleversé leurs rapports avec les citoyens qu’ils doivent contrôler ou interpeller[2].
Certes, j’admets que ce n’est pas d’aujourd’hui que le civisme est défaillant. Ceux qui ont quelque chose à se reprocher cherchent depuis toujours à échapper à l’action policière. Mais, longtemps, cette attitude n’a été que la conséquence des initiatives prises par les fonctionnaires de police eux-mêmes. Ils n’étaient perçus comme des ennemis par les malfaisants que lorsqu’ils s’en prenaient à eux de leur propre autorité.
Ce qui a changé, avec une intensité accrue depuis quelque temps, c’est que les voyous, dans le rapport de force, sont dorénavant en position de dominants. Ils n’attendent plus d’être interpellés, ils prennent les devants, organisent des agressions, préparent leurs mauvais coups, mettent en place des pièges, de prétendus appels au secours. Forts de leur nombre et de l’impossibilité d’établir la preuve individuelle, ils peuvent attaquer – parfois massacrer – les policiers envoyés sur place, souvent en toute impunité.
Une société française à feu et à sang
Si les autorités n’appréhendent pas lucidement cette véritable révolution de la lutte contre la délinquance, avec le devoir d’assurer, bien davantage qu’hier, la sauvegarde des fonctionnaires de police, en service comme dans leur vie privée, notre société continuera d’être à feu et à sang. Avec, pour les transgresseurs, ce sentiment pervers de pouvoir tout se permettre, puisqu’aucune réponse ne viendra démontrer l’efficacité et le volontarisme de l’État et de ses relais.
Qu’on songe à l’accroissement des refus d’obtempérer et aux conséquences souvent dramatiques qui en résultent pour les policiers. Je laisse de côté ici mon opinion judiciaire sur la mort de Nahel, en espérant que la future cour d’assises saura recouvrer la raison et opérer un partage équitable entre les donneurs de leçons en chambre et les contraintes implacables auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées.
Ce seul exemple suffit à mesurer combien il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de protéger la police, d’instaurer une responsabilité collective afin que le groupe violent ne puisse plus échapper à sa culpabilité globale, et de refuser, avec l’énergie la plus extrême, la présomption de culpabilité qui confond les rôles, les fonctions et les légitimités.
Cette prise de conscience, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau l’a faite depuis longtemps, et sa résolution paraît entière pour remédier à cette inversion des culpabilités. J’attire toutefois son attention sur l’absurdité des doubles enquêtes, judiciaire et disciplinaire. Cette dernière vient comme un procédé mécanique laisser croire à une possible faute policière, alors que, la plupart du temps, la réalité suffirait à dissiper ce soupçon et justifierait un classement rapide.
L’est une entreprise de longue haleine qui devra être menée, bien au-delà de la seule question des moyens réclamés par la police. C’est la psychologie collective et politique qu’il faut changer. La police n’est pas l’ennemie. Les ennemis, ce sont les voyous.
Les fichés S d’extrême gauche sont dans la rue ! 80 000 policiers et gendarmes sont de nouveau mobilisés en ce jour de manifestations pour tenter de maitriser les débordements…
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que, en ce jour du 18 septembre 2025, la chose la mieux partagée par les populations, chez nous en France, n’est autre que la galère.
Grève et manif’ à tous les étages, pour ainsi dire. Si l’on se réfère aux préavis syndicaux et aux prévisions médiatiques, il n’est pratiquement pas un seul secteur de la vie du pays qui ne risque de se trouver, sinon bloqué, du moins, fort perturbé. Comme à l’accoutumée, environ 99% des personnes affectées – emmerdées serait plus proche de la réalité des choses, mais je tiens à rester correct – sont dans l’incapacité totale de faire quoi que ce soit pour résoudre les difficultés incriminées et adoucir le sort des récriminants. C’est ainsi. La sacro-sainte règle du jeu en la matière.
Mais il y a ceux, bien sûr, qui défilent et manifestent. C’est leur droit. Un droit inscrit dans le marbre constitutionnel. Il y a aussi ceux qui cassent, brûlent, saccagent, vandalisent, agressent le policier, le gendarme. « Black bloc » est la dénomination dont on les gratifie depuis quelque temps déjà. J’y vois quant à moi une affligeante résurgence des milices fascistes d’avant-guerre. Pour quel Duce roulent-elles au fond (Peut-être même à l’insu de leur plein gré) ? Poser la question en ces termes revient en gros à y répondre. Interrogation purement rhétorique, donc.
Et puis il y a M. Retailleau, le ministre de l’Intérieur. L’homme en charge de faire en sorte que le bordel XXL demeure dans des limites républicainement acceptables. Tâche délicate. Responsabilité énorme. Ses services envisagent la grande marée. 800 000 personnes. Un presque tsunami en comparaison des 200 000 du tour de chauffe du 10 de ce mois. Parmi cette foule, ces mêmes services redoutent les sauvageonneries de quelque 8000 durs de durs. Dont 2500 étudiants, ces derniers en plus grand nombre, donc, que l’autre fois, puisque les cours dans le supérieur ont repris. Cette hausse s’explique par le fait que l’étudiant en vacances a mille autres choses à foutre que de battre le pavé en beuglant des slogans. Cela est bon pour le temps de l’étude, mais certainement pas en dehors. Il ferait beau voir…
Face à ces perspectives fort peu engageantes, le ministre a procédé à la même mobilisation que la semaine dernière en matière de forces de l’ordre : 80 000 policiers et gendarmes. Pour eux, ce jour est jour de peine. Pis que galère. Insultes, crachats, caillasses, barres de fers, boulons, cocktails machins, poubelles à la volée. Toute la panoplie. Malgré cela, un impératif : rester maître de soi, garder son sang-froid, ne pas offrir au Duce évoqué plus haut et à ses sbires la bavure sanglante qu’ils espèrent tant. Et qui embraserait tout. Cette fois, vraiment tout. On ne le dira jamais assez : ces policiers, ces gendarmes méritent infiniment mieux que le sort, le traitement, la considération que la nation consent du bout des lèvres à leur accorder. À bon entendeur…
M. Retailleau, disais-je.
Eh bien, en sa qualité de gardien-chef de l’ordre républicain, il joue gros. Très gros. Pour tout dire, ce pourrait être son instant, quelque chose comme son heure de gloire. Si lui-même et ses troupes parviennent à maintenir cet ordre républicain, à limiter les dégâts, à éviter les drames, alors il aura été l’homme de la situation, celui qui mérite la reconnaissance des populations. Ce qui ne serait pas d’un mince intérêt s’il venait, lui aussi, à se voir partant pour la lutte finale. Je veux dire, 2027, la quête élyséenne.
L’ironie de l’histoire est que, en poussant à la révolte, à la subversion, en lâchant leurs meutes, M. Mélenchon et ses séides n’auraient fait au bout du compte que dégager encore un peu plus la voix qui pourrait bien le conduire, le ministre du jour, à la magistrature suprême. Ce serait rigolo, non ?… Cela, on l’aura compris, à la condition que les choses se passent relativement bien. Et c’est évidemment ce qu’on peut souhaiter, certes à M. Retailleau, mais avant tout et surtout au pays qui, vraiment, est à des années lumières de pouvoir s’offrir ce genre de chamboule-tout stérile autant que ruineux.
Cela dit, je ne voudrais pas rester sur une note pessimiste. En marge de l’article du Parisien d’hier qui détaillait le programme des douteuses festivités et les mesures arrêtées par le ministère, figurait une réclame de l’enseigne E. Leclerc annonçant le sachet d’endives catégorie 1 de 1kg au prix de 1,89 euros. Voilà, me dit-on, qui va très exactement dans le sens de la mère des revendications du jour, le pouvoir d’achat. Que voulez-vous, par les temps qui courent, le positif, le revigorant, on le déniche où on peut…
Plus de la moitié des Français soutiendraient la journée d’action, selon un sondage Elabe/BFMTV. Pour Elisabeth Lévy, les gens vont dans la rue pour de mauvaises raisons.
56 % des Français soutiennent ou ont de la sympathie pour le mouvement social du 18 septembre, 25 % le désapprouvent. Si on interrogeait les commerçants, les indépendants ou tous ces gens dont beaucoup se sont levés à 4 heures du matin pour travailler, le résultat serait certainement très différent. Leur problème, ce ne sont pas des jours fériés qui pour eux sont souvent travaillés, mais les journées de chiffre d’affaires perdues, les pillards et les casseurs. En tout cas, il n’est pas sûr que l’adhésion soit aussi élevée ce soir si les Black bloc et des militants chauffés par toutes sortes de discours cassent, agressent des policiers et offrent des images de guérilla urbaine – cela dit, on ne sait pas comment cela va se passer, espérons que cela soit calme.
J'appelle solennellement à la plus grande discipline demain dans la participation massive aux manifestations avec les syndicats.
Refusez tout débordement car c'est cela qu’espère et attend le ministre de l'Intérieur pour justifier sa propre violence habituelle contre le peuple.…
Cependant, ce succès demeure très étonnant. On proteste contre un budget qui n’est plus sur la table et contre un gouvernement démissionnaire. Essentiellement, il s’agit d’une grève des fonctionnaires et assimilés, mobilisés par leurs syndicats. Ces derniers parlent du budget comme d’un « musée des horreurs », d’une brutalité « sans précédent » à propos du projet de suppression de 3000 postes de fonctionnaires et du non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois. Si ça, c’est l’Angleterre de Dickens, on n’est pas rendus… Enfin, l’outrance de l’extrême gauche devrait être un repoussoir.
Comment expliquer cette popularité ?
Plutôt par de mauvaises raisons. La haine du président Macron est devenue délirante. Je n’ai aucune excuse à trouver à sa politique, mais stop aux caprices : vous l’avez élu, alors vous en avez pris pour cinq ans – en démocratie, on assume son vote ! La grève par procuration me semble toutefois moins massive qu’en 1995 quand les cheminots avaient réussi à faire avaler à tout le monde (dont votre servante) que les cheminots ne se battaient pas pour leur retraite mais pour la République… Aujourd’hui, les citoyens convaincus sont vraisemblablement solidaires des policiers, des infirmières ou des profs. Mais, aucune économie ne sera possible sans diminuer notre ultra-pléthorique fonction publique d’une façon ou d’une autre. Sinon, on ne va jamais s’en sortir.
Il y a ensuite toujours ce consensus suicidaire contre la réforme des retraites, ce refus de tout réalisme qui revient à écraser les jeunes actifs sous les cotisations. C’est désolant. Mais non : que les Français vivent plus longtemps n’y change rien, leur retraite est un droit sacré !
Enfin, la croyance qu’on s’en sortira en faisant payer les riches est massivement partagée. Pourtant, nous ne nous appauvrissons pas parce qu’il y a des milliardaires mais parce que nous produisons moins de richesses. Certes, ce n’est pas juste, parce que l’effort pèse sur ceux qui travaillent mais on a déjà le système le plus redistributif du monde développé. La France va encore se lancer dans un débat absurde et on finira par taxer l’outil de travail.
J’enrage de découvrir que les syndicats de lycéens ont appelé à des blocages. Et je rêve d’un pays où les jeunes manifesteraient pour leur droit d’apprendre la littérature. En attendant, tant que chaque Français pensera que c’est aux autres de faire un effort, il n’y aucune chance d’enrayer la spirale du déclin.
Connue pour ses analyses critiques des grandes fortunes françaises, la sociologue Monique Pinçon-Charlot utilise désormais la situation climatique pour faire passer ses idées d’extrême gauche. Mais, à trop rendre responsables les riches de tous les maux de la Terre, elle sombre dans une vision complotiste et perd tout contact avec la réalité.
Les capitalistes voudraient exterminer plusieurs milliards de pauvres avec le réchauffement climatique ! C’est la thèse que défend la sociologue Monique Pinçon-Charlot. Par exemple, avec son mari Michel Pinçon, elle déclarait, dans le quotidien L’Humanité, en décembre 2019 : « Le dérèglement climatique dont les capitalistes, qui ont pillé les ressources naturelles pour s’enrichir, sont les seuls responsables, constitue leur ultime arme pour éliminer la partie la plus pauvre de l’humanité devenue inutile à l’heure des robots et de l’automatisation généralisée. »
Puis, quelques mois plus tard, elle récidivait en déclarant, dans le documentaire Hold-Up sur la pandémie de Covid-19, que « l’on est dans une guerre de classes que les plus riches mènent contre les pauvres de la planète et […], comme les nazis allemands l’ont fait pendant la Deuxième, il y a un holocauste qui va éliminer certainement la partie la plus pauvre de l’humanité, c’est-à-dire trois milliards cinq cents millions d’êtres humains, dont les riches n’ont plus besoin pour assurer leur survie ». Même si, par la suite, elle a dit regretter sa comparaison avec le régime nazi, elle n’est jamais revenue sur le fond de sa pensée. De quoi surprendre, pour une sociologue à la retraite, ancienne directrice de recherche au CNRS !
Des riches qui exploiteraient les pauvres !
Avant d’en arriver à ces prises de position détonantes, Monique Pinçon-Charlot s’était imposée, avec son mari Michel Pinçon, comme une figure de la sociologie des élites. Ensemble, ils ont consacré plusieurs décennies à explorer le monde de la grande bourgeoisie française : ses fortunes, ses stratégies de reproduction sociale, ses mariages endogamiques, ses quartiers préservés et ses clubs fermés. Dans des ouvrages devenus des classiques, tels que Dans les beaux quartiers (1989), Grandes fortunes (1996) ou Sociologie de la bourgeoisie (2000), ils ont tenté de montrer comment cette classe dominante, soudée et consciente de ses intérêts, cherchait à consolider son pouvoir au détriment des plus pauvres.
Mais, cette grille de lecture en termes de lutte des classes, déjà problématique au sein de la sphère sociale et économique, a fini par devenir la clé unique par laquelle Monique Pinçon-Charlot appréhende tous les problèmes du monde. C’est pourquoi, même quand elle aborde la question du climat, elle n’arrive pas à sortir de sa vision complotiste anti-riches, comme en témoigne son dernier ouvrage, Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique (2025).
Déjà, dans ce livre, page après page, elle accuse de nouveau les riches et les capitalistes – sans que l’on sache à qui elle fait référence exactement – de vouloir exploiter le reste de la population. Elle estime ainsi que le « système capitaliste » permet aux premiers de « s’enrichir sans limite et oblige » les seconds « à se serrer toujours plus la ceinture ! » (p. 17). De même, elle estime que « les membres des dynasties familiales fortunées de la noblesse et de la grande bourgeoisie […] portent la responsabilité de nos difficultés à vivre dans la plénitude » (p. 15). Ou encore, elle accuse le capitalisme d’être « un ennemi commun à tous les peuples de la planète » (p. 71).
Mais confondant diatribe et analyse, jamais elle n’explique ce qu’elle entend par capitalisme. Puis, jamais elle ne reconnaît que les conditions de vie de l’humanité se sont considérablement améliorées depuis environ deux siècles, c’est-à-dire depuis l’avènement de ce que l’on a coutume d’appeler l’économie capitaliste. Aveuglée par sa haine des riches, elle oublie aussi de mentionner que cette amélioration est loin de n’avoir profité qu’à ces derniers. C’est dans toutes les couches de la société que la mortalité infantile a considérablement baissé et que l’alphabétisation, l’espérance de vie et le confort matériel ont fortement progressé. En outre, la proportion de gens très pauvres, loin d’avoir augmenté sous les coups de butoirs des classes dominantes, est celle qui s’est le plus réduite, notamment depuis la « mondialisation néolibérale » que Pinçon-Charlot honnit.
Des riches qui réchaufferaient la planète !
Poussée par sa vision manichéenne de la société, Pinçon-Charlot en vient alors à avancer que c’est « la classe dominante qui, depuis le sommet de l’État, continue à favoriser l’extraction des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz » (p. 10). Puis, au-delà des individus, elle soutient que c’est le « système capitaliste » qui porte la responsabilité du « chaos climatique » (p. 30). Elle va même jusqu’à considérer que « [l]’avenir de l’humanité est incompatible avec la logique du profit » (p. 70), c’est-à-dire, selon elle, avec le capitalisme. Aussi en vient-elle à déclarer que « le terme de capitalocène est le mot approprié pour désigner ce pillage généralisé de la planète, plus encore que celui d’anthropocène » (p. 12).
Cette accusation, même si Pinçon-Charlot n’est pas la première à la formuler, est – pour être charitable – étonnante, car il suffit de se tourner vers les régimes communistes du XXe siècle pour se rendre compte que les émissions de gaz à effet de serre et l’exploitation des ressources de la planète sont loin de caractériser uniquement les pays capitalistes. Quant à l’accusation que c’est la classe dominante qui est responsable du réchauffement climatique, elle oublie que c’est l’ensemble de la société qui profite du recours à des énergies fossiles, pour se chauffer, pour se déplacer, pour faire tourner ses machines, pour vivre mieux, etc. D’ailleurs, si demain un gouvernement décidait d’arrêter d’y recourir, le peuple descendrait très certainement dans la rue pour protester. Même augmenter les taxes sur ces énergies n’est pas facile à mettre en œuvre, comme l’épisode de gilets jaunes nous le rappelle.
Manifestation des gilets jaunes dans Paris, 8 décembre 2018. SIPA. 00887468_000005
Certes, en moyenne, les plus riches sont davantage responsables des émissions des gaz à effet de serre que les plus pauvres, que ce soit à l’échelle des individus ou des pays. Mais, contrairement à ce qu’avance Pinçon-Charlot, ce n’est pas par une indifférence plus grande à la situation climatique. Si les moins riches émettent moins, c’est juste par incapacité à consommer autant que les plus riches et nullement en raison d’une conscience plus aiguë du réchauffement climatique. Surtout, à travers leur consommation, ces derniers ne mènent pas une guerre de classe contre les premiers. Ils consomment juste à la hauteur de leurs moyens.
Quant à l’idée que le réchauffement climatique serait vu comme un moyen d’éliminer les plus pauvres, elle relève de la pure fabulation, dans la mesure où non seulement aucune information précise ne vient la corroborer, mais, en plus, elle est contredite par le fait que le nombre de victimes des aléas climatiques n’a cessé de diminuer depuis un siècle, au fur et à mesure que les sociétés s’enrichissaient, grâce aux énergies fossiles, et pouvaient donc mieux protéger leurs citoyens. Ces bienfaits des énergies fossiles ne signifient pas pour autant que l’on peut se permettre de continuer à les consommer de manière inconsidérée. Il faut savoir être raisonnable. Mais ils rappellent l’absurdité d’une croisade contre un enrichissement fondé sur les énergies fossiles, dans la mesure où, à ce jour, il a sauvé plus de vies qu’il n’en a détruites.
Des riches qui détruiraient le vivant !
Sur sa lancée, Pinçon-Charlot accuse aussi les plus riches de s’en prendre au vivant : « Cette oligarchie, aujourd’hui mondialisée, met à mal toutes les formes du vivant » (p. 12). Nous vivrions dans un monde où le vivant serait même en train de mourir ; qui plus est, ce serait une mort planifiée en cachette : « La mort du vivant est donc devenue notre pain quotidien. L’invisibilité d’une telle monstruosité est organisée à partir du secret, mais aussi de la diversité institutionnelle des intervenants afin d’ajouter des couches d’opacité pour que le quidam n’y comprenne rien et pire que ça, se sente analphabète, nul et incompétent devant la puissance des puissants ! » (p. 54). Aussi Pinçon-Charlot avance-t-elle que le « capitalisme est devenu incompatible avec le futur pour tous sur la planète » (p. 108).
Or cette idée que les riches, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, s’en prennent au vivant est absurde. Littéralement, elle signifierait qu’ils sont suicidaires ! Mais, même l’idée qu’ils seraient simplement responsables de la destruction de nombreuses formes vivantes ne tient pas la route. De fait, la plus grande cause de la baisse de la biodiversité est l’expansion des terres agricoles et l’étalement urbain. Or ce processus n’a rien à voir avec le mode de vie des riches. Il résulte tout simplement du développement d’une forme de vie particulière, à savoir l’humanité, permis – comme on l’a déjà dit – par le capitalisme et le recours aux énergies fossiles.
En tout cas, toute à sa haine des riches et, par association, de tout ce qui relève de l’industrie, Pinçon-Charlot s’en prend aussi aux pesticides et à l’agriculture industrielle (p. 12), et même aux OGM, qui « sous couvert de technologies modernes et de promesses d’un avenir radieux pour tous, [sont] aux mains d’“experts” au service des actionnaires de ces entreprises qui mettent en danger les humains et la nature avec des effets indirects sur le dérèglement climatique, puisque tout se tient et s’enchevêtre ! » (p. 48). Or ce fourre-tout accusatoire n’a, encore une fois, aucun sens.
Il est bien sûr légitime de s’inquiéter d’un trop grand usage de pesticides et de se méfier de promesses exagérées quant à la productivité agricole. Mais comment peut-on oublier que c’est la révolution verte au XXe siècle, fondée sur l’usage des pesticides, des engrais de synthèse et la sélection génétique, qui a permis de nourrir comme jamais auparavant la population humaine ? Si cette agriculture industrielle a, sans conteste, permis à certains investisseurs de s’enrichir, elle a surtout permis aux plus pauvres de ce monde de ne plus mourir de faim et, donc, à la population humaine de croître. Voir dans le développement de l’agrochimie un complot des riches contre les pauvres est donc absurde.
Enfin, après toutes ces accusations, on aurait pu penser que Pinçon-Charlot fasse l’effort d’offrir au moins une proposition concrète pour améliorer la situation du monde. Ce n’est pas le cas. Elle se contente de fustiger le « capitalisme vert » qui, selon elle, permet « aux dominants d’engranger toujours plus de dividendes au détriment de la vie sur Terre » (p. 35) et d’accuser « le développement durable » et « la neutralité carbone » d’être des « oxymores » (p. 137). Ce manque de proposition s’explique très probablement par l’idée que, si tous les problèmes viennent des riches, il suffit de leur faire la peau pour que tout aille bien dans ce monde. Inutile de dire que c’est le degré zéro de la réflexion politique.
Si l’emprise de la grille de lecture en termes de lutte des classes explique donc les dérives de Pinçon-Charlot, il reste toutefois à comprendre comment le CNRS, censé être le pinacle de la recherche française, a pu pendant des décennies laisser se développer, en son sein, ce genre de construction intellectuelle vide et potentiellement dangereuse. Mais cela est une autre histoire…
« Paris est la seule ville du monde où coule un fleuve encadré par deux rangées de livres », dixit Blaise Cendrars. Causeur peut y dénicher quelques pépites…
On écrit sur Paris avec ses jambes autant qu’avec sa plume. L’écrivain de Paris est un marcheur, un arpenteur de rues, de buttes, de plaines et de boulevards ; un fouineur de caves et de mansardes ; un client de bistrots et de restos ; un chat de salon et un rat de bibliothèque… car un écrivain de Paris est aussi un lecteur. Il sait qu’à force de tourner en rond dans cette ville depuis mille ans, les auteurs qui le précèdent y ont rédigé les plus belles pages, qu’en sortant de chez soi on ne peut que mettre ses pas dans ceux d’autrui et emprunter les mots des autres – parfois sans le savoir. Cet enrichissement successif, ce millefeuille de phrases et d’impressions, cette accumulation de choses vues qui se refile de génération en génération explique peut-être l’éternelle réinvention de cette littérature parisienne. Et il arrive qu’un miracle advienne.
Trajets parisiens, de Jean Plumyène (1932-1986), est un bijou sans préciosités, une démonstration d’élégance sans maniérisme. Le ton est juste, le regard est franc, les mots sont simples : Plumyène est au sommet de son art. Que cherche-t-il ? Reconstituer la géographie parisienne de quelques auteurs, retracer leurs déambulations citadines, leurs habitudes, leurs promenades, leurs appartements et leurs déménagements. « C’est un sujet de rêverie, en attendant de devenir un objet de science, que les migrations, d’un quartier à l’autre de la capitale, de ses artistes et de ses écrivains. » En six chapitres, on découvre donc à ses côtés « les Goncourt dans leur paysage », le « trajet de Léautaud », les « domiciles de Fargue », le « Paris surréel » de Breton, l’« Aragon parisien » et le « Paris-centre » de quelques autres, Céline, notamment. Pourquoi eux ? Parce que « tous les écrivains sont parisiens, mais certains le sont plus que d’autres ».
Il observe la façade de l’immeuble de l’un, les commerces de la rue d’un autre, gravit les escaliers qui mènent à la porte d’un troisième… Jean Plumyène consigne ses pérégrinations au début des années 1980, quand il était encore possible d’avoir sous les yeux les vestiges vivants du Paris du xixe siècle et des années 1930. Il se fait ouvrir la chambre de bonne de Léautaud, retrouve le dernier appartement de Fargue, s’attable au Cyrano, le QG des surréalistes à Pigalle, qu’il voit cependant, plus tard, dépecé de son décor historique pour devenir un fast-food. Mais Plumyène estime que « rien de parisien ne disparaît jamais vraiment. Les grandes villes, il faut le savoir, ont meilleure mémoire que les campagnes, par nature plus exposées qu’elles, toujours à la merci des grandes invasions, des végétations destructrices ». Il n’a pas complètement tort, mais aujourd’hui, le Paris préservé se cache derrière des digicodes et l’acharnement de quelques édiles à ratiboiser ce qui dépasse du passé annonce la disparition des ultimes survivances de ce Paris du quotidien des siècles anciens. Nul doute que la promenade, qu’il compare à la conversation (« le causeur change de sujet, le promeneur de trottoir »), sera toujours possible à l’avenir. Reste à savoir quel sera l’avenir du piéton de Paris condamné à arpenter des « rues piétonnes ».
On dit souvent que la France serait une terre d’antisémitisme. Le mot roule de tribune en éditorial comme une sentence définitive, une condamnation sans appel. Mais ma vie dément ce récit fabriqué. Elle en est la réfutation charnelle. Car je dois ma survie non pas aux institutions, non pas aux élites dont la langue est celle de la compromission, mais à un policier qui refusa d’obéir, et à des paysans catholiques du Dauphiné, les Danthon, qui m’ouvrirent leur maison comme on entrouvre une arche pleine de blé et de prières.
Ma mère fut sauvée d’une rafle par un simple fonctionnaire de police. Dans ce geste, rien du spectaculaire. Il n’y eut ni trompette ni panache. Mais la nudité d’un refus, la lumière d’une conscience. Quand tout autour n’était que papier signé, ordres secs, encre qui scellait la persécution, cet homme choisit de ne pas être complice. Sa grandeur fut sans uniforme, sans parole. Elle fut d’un silence d’autant plus éclatant.
Et moi, enfant, je fus recueilli par les Danthon. Leur maison, lourde de pierres, aux poutres noircies, respirait une abondance simple. Le pain sortait du four, les seaux tintaient dans la cour, les chevaux tiraient la charrue comme au temps d’avant l’Histoire. C’était une maison pleine : pleine de voix, de rires d’enfants, de gestes sûrs. À l’intérieur, la chaleur d’un poêle, l’odeur des soupes épaisses, les prières récitées à voix basse. Rien ne manquait, tout y était don.
Chaque soir, Madame Danthon me faisait réciter d’abord le Notre Père, puis le Shema Israël. Deux fidélités, deux prières, qui ne se contredisaient pas dans ma bouche d’enfant. La croix et l’étoile veillaient ensemble sur mon sommeil. Ainsi se révélait la France : non pas la France des tampons et des signatures, mais celle d’une coexistence silencieuse, naturelle, enracinée dans la terre.
Voilà pourquoi je l’affirme : le peuple français n’est pas antisémite. Il ne l’a jamais été dans ses fibres profondes. Ce sont ses élites qui ont trahi. Hier, celles de Vichy, qui signaient, calculaient, collaboraient, offrant la persécution juive sous la forme d’un registre administratif. Aujourd’hui, celles qui trahissent à nouveau, non plus en livrant les Juifs, mais en livrant Israël à la haine, en donnant une onction idéologique à l’antisionisme.
La lâcheté des élites est restée la même : incapacité à nommer l’ennemi, posture du Bien qui recouvre leur reniement. Hier, l’occupant allemand ; aujourd’hui, l’islamisme conquérant. Toujours la même froideur d’encre et de papier, toujours les mêmes mains trempées dans la complicité.
Mais la vérité est ailleurs. Elle est dans les maisons de pierre et de bois, dans la chaleur des foyers, dans la fidélité silencieuse de ceux qui accueillirent sans trembler. Ceux que l’on traite de « réactionnaires » furent alors les vrais résistants : non par discours, mais par chair, par geste, par fidélité.
De cette enfance, il me reste l’image de la brique chauffée sous mes draps, de la soupe partagée, de deux prières s’unissant dans la nuit. Cette image, plus qu’un souvenir, est une leçon : elle dit que la fidélité est plus forte que la haine, que le peuple simple porte la vérité que les élites, hier comme aujourd’hui, ont abandonnée.
C’est pour cela que j’écris. Pour rappeler à la France que son honneur ne fut jamais dans les proclamations de ses élites, mais dans la chaleur obscure de ses maisons paysannes. Hier, ce furent un policier anonyme et la maison des Danthon qui sauvèrent une mère et son enfant. Aujourd’hui encore, ce sont les voix modestes, étouffées, qui pressentent le danger que les élites refusent de voir.
Car l’histoire revient, avec d’autres masques. Hier, la collaboration au nom du réalisme ; aujourd’hui, la compromission au nom de l’antiracisme. La même peur, le même calcul, la même lâcheté sous d’autres habits.
Je veux que la mémoire des Justes juge nos contemporains. Que le visage des Danthon, la main tendue du policier, apparaissent comme un reproche vivant à ceux qui défilent aujourd’hui derrière les drapeaux palestiniens. Qu’on se souvienne : la vraie France n’était pas dans les salons de Vichy, mais dans la cuisine des Danthon, au bord du feu, dans la densité d’une maison pleine. De même, aujourd’hui, elle n’est pas dans les tribunes du progressisme mondain, mais dans le cœur lucide de ceux qui refusent le mensonge.
Voilà le sens de ce témoignage : défendre l’honneur du peuple français contre la lâcheté de ses élites. Rappeler que la fidélité, la vraie, se tient dans une soupe partagée, dans une prière chuchotée, dans la chaleur d’un poêle. Se tient là où la France, la seule France, continue de vivre.
On est en droit de reprocher à certains polars de proposer des intrigues abracadabrantes, alambiquées, dans lesquelles on commence par patauger et où l’on finit par se noyer. Ici, ce n’est point le cas. Né en 1963 à Château-Thierry dans le plus beau département le France, l’Aisne, Philippe Robin, responsable de l’édition axonaise Nord du journal L’Union, propose, avec son roman La dernière fable, une histoire à la fois simple et singulière.
De quoi s’agit-il ? L’adjudant-chef Frédéric Bordeaux, spécialiste des enquêtes judiciaires, procède à des investigations à la suite d’un cambriolage – lesté d’une course poursuite – perpétré à Chézy-sur-Marne. L’auteur du casse, un banal fumeur de shit, est bien vite arrêté : Pascal Seclasse, 22 ans, de Charly-sur-Marne, trois cambriolages à son actif. Lors de la perquisition diligentée chez le jeune malfaiteur, Bordeaux découvre une jolie boîte en fer pastel « 1670 – Marquise de Sablée – » qui renferme un vieux manuscrit intitulé La chèvre et le bouc. Seclasse l’a dérobée dans la maison de campagne d’Azy-sur-Marne, de Jean Pastenoble, 70 ans, un vénérable universitaire de haut vol, ex-enseignant à La Sorbonne, spécialiste de Jean de La Fontaine. Une manière de vieux daim antipathique. Tout de suite, l’adjudant-chef se demande s’il ne s’agirait pas d’une fable inconnue du célèbre poète castelthéodoricien ? Sa dernière fable ? Il mènera l’enquête jusqu’à son terme et le lecteur ira de surprise en surprise. Bien joué, Philippe Robin !
Le journaliste et romancier Philippe Robin, septembre 2025. Photo : Philippe Lacoche.
« Un homme à fable »
Ce petit livre tout simple, très vif et sans prétention, nous tient en haleine. De plus, il est bien écrit, et l’on sent que son auteur, localier de terrain rompu aux faits divers et aux audiences du Tribunal de grande instance, connaît les rouages des affaires judiciaires. L’ouvrage est également parsemé de bons mots et d’un humour pince sans rire. Quand le major Dansac confie l’enquête à Bordeaux, adorateur de La Fontaine, il lui glisse : « (…) occupez-vous de ce dossier puisque vous êtes un homme à fables ! » Par ailleurs, le procureur, Clothilde Ridoux, ne se sépare jamais de son chat surnommé Dalloz, comme la maison d’édition spécialisée en droit, ce qui fait dire à l’auteur que « la proc’ a toujours rêvé d’avoir un greffier à ses pieds ».
L’auteur nous surprend aussi quand il révèle que la séduisante Apolline Bayard, conservatrice du musée Jean de La Fontaine (Frédéric Bordeaux en est secrètement amoureux) est lesbienne et en couple avec Cécile. « Aussi brune que l’autre est blonde, la jeune femme pose un tendre baiser au coin des lèvres d’Apolline et s’assoit auprès d’elle, en lui prenant la main. » C’est trop mignon ! Champagne, svp, mais du Pannier, un cru du sud de l’Aisne ; délicieux !
La dernière fable, Philippe Robin ; à contresens éditions ; 156 p.
Le socialiste Olivier Faure veut voir flotter le drapeau palestinien sur toutes nos mairies. En Espagne, son alter ego félicite les casseurs propalestiniens. Jean-Luc Mélenchon fait passer la subversion islamiste en cours pour une « créolisation » réjouissante. L’humeur d’Ivan Rioufol.
Qui arrêtera l’infiltration islamiste en France ? L’invitation d’Olivier Faure à « faire flotter le drapeau palestinien sur nos mairies » le 22 septembre, date de la reconnaissance d’un État palestinien par la France, est une illustration parmi d’autres de la haute trahison des clercs. Le premier secrétaire du PS ne peut ignorer que cet étendard est devenu l’emblème du Hamas terroriste, qui a juré de rayer Israël et les Juifs de la carte. Le drapeau s’est imposé également comme signe de ralliement de la judéophobie qui parcourt l’Europe. Il était aussi arboré le 10 septembre par le mouvement « Bloquons tout ! » cornaqué par LFI.
Jean-Luc Mélenchon est d’ailleurs le premier des soutiens à la subversion islamiste en cours, maquillée sous le dessein d’une « créolisation » de la nouvelle France issue du repeuplement. Mais la gauche perdue a également trouvé, auprès du chef de l’État, un allié dans sa débandade intellectuelle et morale. La décision précipitée de reconnaitre un État palestinien, alors que le Hamas détient encore 50 otages et qu’il ne reconnait pas Israël en retour, est venue de la volonté présidentielle. Son choix a été salué par l’organisation djihadiste, qui y a vu la consécration politique de son pogrom du 7 octobre 2023. La communauté musulmane française saura apprécier le geste du chef de l’État. Le soutien qu’Alain Finkielkraut a apporté à Macron dans cette initiative, non dénuée d’électoralisme communautaire, n’a pu que satisfaire l’Élysée. Ce sont les « populistes », engeance exécrée par Macron, qui alertent contre les renoncements à résister au totalitarisme coranique et à son antisémitisme.
La libanisation de la société française ne rencontre aucun obstacle. Le Monde a révélé, lundi, que le Qatar, généreux parrain de l’islamisme colonisateur, possédait notamment 20% des Champs-Élysées, grâce aux avantages fiscaux accordés à l’émirat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’idéologie islamiste s’est installée dans de nombreuses cités, avec son rituel d’enfants-soldats et d’affrontements contre les symboles de la France, à commencer par les forces de l’ordre. D’autres villes d’Europe, comme Bruxelles ou Londres, ont atteint un basculement démographique qui permet à la charia de régenter certains quartiers. En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a déjà reconnu la Palestine il y a un an. Il ne cache rien de son antisionisme quand il sanctionne Israël pour « mettre un terme au génocide à Gaza », ou quand il avalise l’annulation, dimanche, de la dernière étape de la course cycliste de la Vuelta, perturbée par des pro-palestiniens soutenus par le pouvoir, au prétexte de la présence d’une équipe israélienne.
L’Europe, qui veut guerroyer contre la Russie, se laisse envahir par l’islam anti-occidental. Les Juifs y sont partout des cibles. Seuls les peuples s’inquiètent de l’endormissement des dirigeants. La grande mobilisation de samedi Londres a illustré la vitalité intacte de la société civile. En France, les ingrédients d’une guerre civile sont là. Les répétions s’accélèrent. Qui osera dire aux islamistes : « ça suffit ! » ?
Le climat social fortement dégradé de l’arrière-saison, par miracle, n’atteint pas aux hauteurs sidérales où l’inspiration d’un Claus Guth hisse depuis pas loin d’une décennie les protagonistes de La Bohème, opéra mythique s’il en est, must absolu du répertoire lyrique : retranchées les représentations annulées en 2020 pour cause de Covid, on en est à la 3ème reprise de cette mise en scène dans le vaisseau spatial de l’Opéra-Bastille, avec plus de deux-cent représentations au compteur depuis 2017 ! La régie qui faisait scandale il y a huit ans est accueillie avec un franc succès par le public de 2025. Après la translation, en mars dernier au Palais Garnier, du spectacle créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 Il Viaggio, Dante, du grand compositeur contemporain Pascal Dusapin, reparaît donc à Paris l’iconoclaste scénographe allemand sous les auspices de Puccini, dans la célébrissime adaptation, par le compositeur transalpin, des Scènes de la vie de bohème, de Henry Murger, opéra millésimé 1896, donc entre Manon Lescaut (1893) et Tosca (1900), pour situer. Chez Guth, exit donc l’atmosphère fiévreuse du « café Momus », la jeunesse insouciante et fauchée se chauffant autour du poêle d’une mansarde au quartier latin. À distance de toute littéralité, Rodolfo et Mimi, Musetta, Marcello, Shaunard et Colline sont ici en perdition à bord d’une navette spatiale, astronautes épuisés, en manque d’oxygène, revivant nostalgiquement leur jeunesse enfuie, dans une odyssée terminale en apesanteur et dans le compte à rebours d’une fin inexorable. Défile le ruban du journal de bord de la capsule spatiale en détresse, qui finira par s’échouer, atterrissage forcé, au troisième tableau, au cœur d’un paysage lunaire sur lequel tombe continument une bruine neigeuse de minuscules flocons. Le passé revécu sous une forme hallucinée où perdure, hanté par la mort, le souvenir des jours heureux… Au pupitre, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan succède à Michele Mariotti pour cette reprise, direction musclée, aux coloris chatoyants, soutenue par un Orchestre de l’opéra de Paris à son meilleur. Si Mimi, la maîtresse tuberculeuse du jaloux Rodolfo, faisait merveille au soir de la première sous les traits de la soprano australienne Nicole Car (rôle repris par la chilienne Yaritza Véliz à partir du 2 octobre, pour ses débuts sur le plateau de la Bastille), l’Américano-austro-guatémaltèque Andrea Carroll se découvrait en Musetta dans une performance amoindrie par des aigus quelque peu stridents. Charles Castronovo, superbe Adorno l’an passé sur cette même scène dans Simon Boccanegra, campe encore Rodolfo comme il y a deux ans, rôle repris à partir du 2 octobre par le ténor américain Joshua Guerrero, irremplaçable dans le répertoire italien. Une distribution de belle tenue globalement, en somme, mais dans laquelle domine, divine surprise, le bronze galbé de la basse grecque Alexandros Stavrakakis, au phrasé d’une rondeur, d’une générosité qui donnent le frisson, dans le rôle du poète philosophe Colline, dont l’air final sublime du dernier tableau – « ora che i giorni lieti fuggir, ti dico : addio, fedele amico moi. Addio, addio » (maintenant que les beaux jours se sont enfuis, je te dis adieu, mon fidèle ami. Adieu, adieu) – vaudra d’ailleurs au chanteur, le soir de la première, une ovation émue de la salle, tétanisée.
La Bohème. Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini. Avec Nicole Car/Varitza Véliz, Andrea Caroll, Charles Castronovo/Joshua Guerrero, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stravrakakis… Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris. Maîtrise populaire de l’Opéra Comique. Opéra Bastille les 19, 23, 27, 30 septembre, 2, 8, 11, 14 octobre 2025 à 19h30, le 5 octobre à 14h30. Durée : 2h30
« Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » On n’imagine guère François-Xavier Bellamy tenir pareil propos lors d’un meeting de son parti. François-Xavier Bellamy est très bien élevé, respectueux, pacifique, et nul ne songe évidemment à le lui reprocher. Il incarne parfaitement la droite traditionnelle, passée par les meilleurs lycées, ayant lu les meilleurs livres, s’étant agenouillée devant les plus beaux prie-dieu. Il fait honneur à ce qui nous distingue de la gauche.
Tax the rich !
Seulement, quelque chose est cassé dans le mécanisme de la droite française, comme si le socialisme avait fini par la dompter. Économiquement, elle ne se différencie plus du centre. Elle parvient encore à faire les louanges de l’entrepreneuriat et de la croissance, mais c’est toujours du bout des lèvres, pour esquiver la mortelle accusation d’être du côté des riches. Elle défend à peu près la culture classique et chrétienne, mais avec de faux airs grandioses qui sonnent creux comme des tombeaux. Jeanne d’Arc, de Gaulle, qui d’autre ? On a vite fait le tour de ses références sans substance. Une prudence d’écolière la pousse à préférer les citations convenues, glanées sur Google, au vrai charisme surgissant de l’improvisation. Elle ne dégoûte ni ne jouit. Elle barbe.
Elle tient ce caractère trop policé, ou ce manque de caractère, à plusieurs éléments constitutifs de sa nature profonde. Elle est aristocrate par naissance. Grandie dans la très-sainte horreur de la guillotine, elle est plus douée pour le menuet que pour la sensualité. Ses excellentes manières ne sont jamais tirées à suffisamment d’épingles pour son public le plus tradi, obsédé par la perfection raide des rites dominicaux. Son savoir-vivre tout en lodens et en barbours ne laisse jamais voir une courbe. Ses jeunes s’autorisent jeans et t-shirts, mais, sitôt trentenaires, ils rentrent dans le rang de l’entre-soi. Exemple éloquent : la droite française est un monde où, si l’on a le malheur de prononcer un mot d’anglais, langue honnie entre toutes, on se voit illico coller une amende par Radio Courtoisie. Désolé, mais ces gens sont chiants.
Snobinards
Son âme aristocratique – qui n’a d’aristocratique que l’adjectif, car les seigneurs d’antan tenaient certainement davantage de la gaudriole que de l’académisme – fait pencher notre droite du côté du snobisme. Faire peuple est vulgaire. Le paysan est bien sympathique, pourvu qu’il soit tenu à distance. Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. Être de droite peut vous amener à flatter le postérieur des bovidés lors des Salons, toutefois, le geste sera appuyé avec une telle ostentation que personne n’y croira. Dans la vraie vie, le paysan ne met pas de mains aux fesses de la Noiraude. Il la fait paître, la trait et la mange. Finalement, les vaches de Chirac sont plutôt à ses yeux d’amusantes métaphores de la gent féminine. Ce n’est pas que la droite n’aime pas la populace ni les pauvres, mais, comprenez-vous, le sans-culotte est de gauche et nous n’avons rien à faire avec cet olibrius. Sachons en toutes circonstances faire preuve de l’éloignement qui sied au bourgeois.
Pourtant, dit le proverbe, « les idées sont de gauche et le style de droite ». Mais cela était vrai jadis, lorsque Jean Dutourd écrivait au Figaro, lançant des formules aussi gratuites que définitives, se moquant bien de ce qu’allaient en penser les patrons ou les dames pipi. “L’exactitude est la politesse des montres”, souriait-il derrière sa moustache. La formule aurait pu être de Michel Audiard, autre genre d’impertinent de droite. Je vous parle là du temps où un chat était un chat, un con un con, et la liberté de ton chose guère négociable. De son style et de son insouciance, que reste-t-il à la droite aujourd’hui ? Autant l’admettre : rien. Je ne citerai pas de noms, puisqu’il faudrait tous les pointer du doigt. Que l’on me montre simplement un seul politicien de droite, un seul chroniqueur, un seul influenceur – comme ils se décrivent eux-mêmes, oubliant qu’ils sont admirés d’esprits infantiles, affreusement influençables -, une seule plume contemporaine de droite dont la forme égale celles des années soixante, sans même parler de celles des années quarante, et dont on conserve les meilleurs aphorismes tels des trésors. Philippe Muray nous a quittés et son cimetière est peuplé d’éléphanteaux dispensables, qui l’imitent mal en barrissant. Sans doute l’auteur de ces lignes n’est-il pas le dernier, du reste. Nul ne vaut mieux que son époque.
Peuple de droite
L’électorat n’est guère plus brillant. On n’apprendra à personne que la foule de droite est timide, angoissante à force d’être angoissée, quand elle n’est pas carrément couarde.
Il n’y pas loin du tiède au pisse-froid, et la prudence peut faire aisément passer pour stupide. Alain Besançon : « En France, le catholique rase les murs ». Il les rase si bien qu’il rase tout le monde. Un interview d’électeur de droite donne souvent des envies de cordes et de tabourets. « Je crois en la France qui est le plus beau pays du monde de mes ancêtres qui ont donné leurs vies pour que je sois libre de défendre mon identité et la transmettre à mes quatre enfants, Thérèse-Marie, Marie-Thérèse, Clovis et Charlemagne ». Allez-vous étonner, avec cela, que la droite n’ait plus accédé au second tour depuis maintenant treize ans, bientôt quinze. Les bénitiers, combien de divisions de grenouilles, quand il s’agit d’affronter le monstre le plus parfait de toute l’histoire de la politique, le socialisme ?
On ne vainc pas le socialisme avec des gants beurre frais. On n’étripe pas vivante l’idéologie qui a accouché de Bakounine, Lénine, Staline, Trotsky, Mao, Castro, Guevara, Pol Pot, la dynastie Kim, Xi Jinping, et ses produits dérivés français, Thorez, Doriot, Mitterrand, Mauroy, Marchais, Hollande, Mélenchon, et on est très loin d’en voir le bout, si l’on s’interdit tout écart de langage : on ne casse pas la gueule à un alligator avec un fleuret moucheté.
De tous les socialismes apparus à la surface de la Terre, le français est un des plus coriaces. Menteur professionnel à l’instar de ses aînés, mais plus souple que la plupart, plus habile, patient, extraordinairement hypocrite, virus mutant autant de fois que nécessaire pour survivre, se reproduisant sous mille formes apparemment contradictoires, il doit être agressé au visage, directement, de face, jusqu’au sang de ses slogans, jusqu’à la moelle de ses croyances, et en l’appelant par son nom, socialisme, et non sous des appellations inventées à la hâte et qui se mordent la queue, tel le social-étatisme de Lisnard (où a-t-il vu qu’il existait un socialisme sans étatisme ?) ou le socialisme mental de Marion Maréchal (à quoi bon préciser, petite effrontée, puisque le socialisme est, fondamentalement, un trouble de l’intelligence !) L’idéologie socialiste est intégralement mauvaise et doit être dénoncée avec une détestation sans mélange, que l’on pimentera si l’on veut d’un soupçon de haine pamphlétaire, car on a le droit de torturer des idées et de les tuer plusieurs fois par jour, et d’y prendre un plaisir visible : il n’y a là jamais mort d’homme. Si l’assassin de Kirk s’était contenté de tirer sur ses idéaux à la mitrailleuse lourde, Kirk serait toujours en vie. Donc, bombardez le socialisme français, et qu’il n’en reste pas pierre sur pierre. Broyez-le. Insultez-le, injuriez-le, salissez-le, couvrez-le de toute la boue qu’il est, du moment que vous dites sur lui la vérité la plus pure. Une eau intarissable coulera sous les ponts avant que vous n’ayez dévoilé l’étendue de ses vices et de ses crimes. Lâchez-vous, que le sac des accusations soit enfin renversé sur sa tête de bureaucrate. Soyez irrespectueux par tous les nerfs de votre revanche.
Et, pour finir, venons-y : dites des gros mots. Guevara est-il une belle saloperie ? Oui. La science historique est formelle. Affirmez donc sans hésiter que le Che est une belle saloperie, criez-le s’il le faut, chantez-le et dansez, et ne laissez personne baisser le volume. Le mezza-voce de la droite française n’est plus tolérable. Notre galanterie a assez duré et elle explique trop de nos échecs. Vous défendez cent millions de morts, que diable ! Ils vous regardent. Ils comptent sur vous. Ils ont besoin d’une revanche verbale. C’est bien le moins que nous leur devons. Tant pis pour le bruit. Nous avons un droit imprescriptible au tapage : c’est notre tour. Et mettez-y de l’humour. Beaucoup. Trop ! Nous avons tant de retard. Effaçons un siècle de têtes d’enterrement.
Ce que veulent l’électeur de droite, le lecteur de droite, le quidam silencieux et propre sur lui – plus pour très longtemps -, c’est être épaulés, protégés, défendus et précédés par des gens grossiers et vulgaires qui leur ouvrent la voie. Je ressens le besoin que plus célèbre que moi dise à Sandrine Rousseau d’aller se faire voir. Finkielkraut se lance de temps en temps et c’est très agréable à observer, et il donne l’exemple. Quand Zemmour ose « C’est du foutage de gueule », cela fait du bien à la nation. Ça ouvre les fenêtres. On respire. La France sent moins le renfermé – et les intellectuels de gauche sont indisposés, ce qui est un excellent début. Piquez Piketty au vif. Mettez le camarade Jean-Luc en pétard : il n’est jamais mieux dénoncé que par ses hurlements. « Ma mission est de botter le cul aux collectivistes de merde. » Merci, Milei. Voilà comment nous aurions dû et devons apprendre à nous exprimer. Il est temps de nous munir d’un nouveau dictionnaire.
Le Christ nous ordonne de tendre la joue gauche. Tout honneur et toute gloire lui reviennent, et malheur à celui qui malmène un ami ou un frère. Cependant, nous avons des ennemis, ils veulent nous faire taire, nous ne méritons pas d’être ainsi réduits au silence, le réel nous appelle au secours, la plupart d’entre nous ne feraient pas de mal à une mouche, et certains emmerdeurs méritent de sérieux coups de pompe où je pense.
La justice et l’État doivent rétablir sans faiblesse l’autorité policière, car la violence des voyous a inversé le rapport de force ces dernières années et menace la société française, analyse Philippe Bilger
Ce qui me surprend, c’est l’étonnement qui saisit la plupart des citoyens, ainsi que le retentissement médiatique qui l’accompagne, à chaque agression de policiers par ceux qu’on peut qualifier de voyous.
La peur doit changer de camp
Comme si, depuis quelques années, la police n’avait pas peu à peu perdu la main et l’initiative, face à des groupes malfaisants qui ont littéralement pris le pouvoir. À la force légitime de l’État, ils opposent désormais la violence illégitime, parfois jusqu’au crime, sans l’ombre d’un scrupule ni la moindre mauvaise conscience.
Un exemple récent : à Reims, en plein centre-ville, sept policiers ont subi « un véritable lynchage » de la part de plusieurs hommes[1].
Si l’on se contente de déplorer la multitude de résistances, de désobéissances et de violences dont les policiers sont chaque jour les victimes, avec ce constat accablant qu’ils ne peuvent jamais aller jusqu’au bout de ce que la loi les autorise à faire pour se défendre eux-mêmes ou protéger autrui, on passe à côté de l’essentiel : la profondeur du changement qui a bouleversé leurs rapports avec les citoyens qu’ils doivent contrôler ou interpeller[2].
Certes, j’admets que ce n’est pas d’aujourd’hui que le civisme est défaillant. Ceux qui ont quelque chose à se reprocher cherchent depuis toujours à échapper à l’action policière. Mais, longtemps, cette attitude n’a été que la conséquence des initiatives prises par les fonctionnaires de police eux-mêmes. Ils n’étaient perçus comme des ennemis par les malfaisants que lorsqu’ils s’en prenaient à eux de leur propre autorité.
Ce qui a changé, avec une intensité accrue depuis quelque temps, c’est que les voyous, dans le rapport de force, sont dorénavant en position de dominants. Ils n’attendent plus d’être interpellés, ils prennent les devants, organisent des agressions, préparent leurs mauvais coups, mettent en place des pièges, de prétendus appels au secours. Forts de leur nombre et de l’impossibilité d’établir la preuve individuelle, ils peuvent attaquer – parfois massacrer – les policiers envoyés sur place, souvent en toute impunité.
Une société française à feu et à sang
Si les autorités n’appréhendent pas lucidement cette véritable révolution de la lutte contre la délinquance, avec le devoir d’assurer, bien davantage qu’hier, la sauvegarde des fonctionnaires de police, en service comme dans leur vie privée, notre société continuera d’être à feu et à sang. Avec, pour les transgresseurs, ce sentiment pervers de pouvoir tout se permettre, puisqu’aucune réponse ne viendra démontrer l’efficacité et le volontarisme de l’État et de ses relais.
Qu’on songe à l’accroissement des refus d’obtempérer et aux conséquences souvent dramatiques qui en résultent pour les policiers. Je laisse de côté ici mon opinion judiciaire sur la mort de Nahel, en espérant que la future cour d’assises saura recouvrer la raison et opérer un partage équitable entre les donneurs de leçons en chambre et les contraintes implacables auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées.
Ce seul exemple suffit à mesurer combien il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de protéger la police, d’instaurer une responsabilité collective afin que le groupe violent ne puisse plus échapper à sa culpabilité globale, et de refuser, avec l’énergie la plus extrême, la présomption de culpabilité qui confond les rôles, les fonctions et les légitimités.
Cette prise de conscience, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau l’a faite depuis longtemps, et sa résolution paraît entière pour remédier à cette inversion des culpabilités. J’attire toutefois son attention sur l’absurdité des doubles enquêtes, judiciaire et disciplinaire. Cette dernière vient comme un procédé mécanique laisser croire à une possible faute policière, alors que, la plupart du temps, la réalité suffirait à dissiper ce soupçon et justifierait un classement rapide.
L’est une entreprise de longue haleine qui devra être menée, bien au-delà de la seule question des moyens réclamés par la police. C’est la psychologie collective et politique qu’il faut changer. La police n’est pas l’ennemie. Les ennemis, ce sont les voyous.
Les fichés S d’extrême gauche sont dans la rue ! 80 000 policiers et gendarmes sont de nouveau mobilisés en ce jour de manifestations pour tenter de maitriser les débordements…
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que, en ce jour du 18 septembre 2025, la chose la mieux partagée par les populations, chez nous en France, n’est autre que la galère.
Grève et manif’ à tous les étages, pour ainsi dire. Si l’on se réfère aux préavis syndicaux et aux prévisions médiatiques, il n’est pratiquement pas un seul secteur de la vie du pays qui ne risque de se trouver, sinon bloqué, du moins, fort perturbé. Comme à l’accoutumée, environ 99% des personnes affectées – emmerdées serait plus proche de la réalité des choses, mais je tiens à rester correct – sont dans l’incapacité totale de faire quoi que ce soit pour résoudre les difficultés incriminées et adoucir le sort des récriminants. C’est ainsi. La sacro-sainte règle du jeu en la matière.
Mais il y a ceux, bien sûr, qui défilent et manifestent. C’est leur droit. Un droit inscrit dans le marbre constitutionnel. Il y a aussi ceux qui cassent, brûlent, saccagent, vandalisent, agressent le policier, le gendarme. « Black bloc » est la dénomination dont on les gratifie depuis quelque temps déjà. J’y vois quant à moi une affligeante résurgence des milices fascistes d’avant-guerre. Pour quel Duce roulent-elles au fond (Peut-être même à l’insu de leur plein gré) ? Poser la question en ces termes revient en gros à y répondre. Interrogation purement rhétorique, donc.
Et puis il y a M. Retailleau, le ministre de l’Intérieur. L’homme en charge de faire en sorte que le bordel XXL demeure dans des limites républicainement acceptables. Tâche délicate. Responsabilité énorme. Ses services envisagent la grande marée. 800 000 personnes. Un presque tsunami en comparaison des 200 000 du tour de chauffe du 10 de ce mois. Parmi cette foule, ces mêmes services redoutent les sauvageonneries de quelque 8000 durs de durs. Dont 2500 étudiants, ces derniers en plus grand nombre, donc, que l’autre fois, puisque les cours dans le supérieur ont repris. Cette hausse s’explique par le fait que l’étudiant en vacances a mille autres choses à foutre que de battre le pavé en beuglant des slogans. Cela est bon pour le temps de l’étude, mais certainement pas en dehors. Il ferait beau voir…
Face à ces perspectives fort peu engageantes, le ministre a procédé à la même mobilisation que la semaine dernière en matière de forces de l’ordre : 80 000 policiers et gendarmes. Pour eux, ce jour est jour de peine. Pis que galère. Insultes, crachats, caillasses, barres de fers, boulons, cocktails machins, poubelles à la volée. Toute la panoplie. Malgré cela, un impératif : rester maître de soi, garder son sang-froid, ne pas offrir au Duce évoqué plus haut et à ses sbires la bavure sanglante qu’ils espèrent tant. Et qui embraserait tout. Cette fois, vraiment tout. On ne le dira jamais assez : ces policiers, ces gendarmes méritent infiniment mieux que le sort, le traitement, la considération que la nation consent du bout des lèvres à leur accorder. À bon entendeur…
M. Retailleau, disais-je.
Eh bien, en sa qualité de gardien-chef de l’ordre républicain, il joue gros. Très gros. Pour tout dire, ce pourrait être son instant, quelque chose comme son heure de gloire. Si lui-même et ses troupes parviennent à maintenir cet ordre républicain, à limiter les dégâts, à éviter les drames, alors il aura été l’homme de la situation, celui qui mérite la reconnaissance des populations. Ce qui ne serait pas d’un mince intérêt s’il venait, lui aussi, à se voir partant pour la lutte finale. Je veux dire, 2027, la quête élyséenne.
L’ironie de l’histoire est que, en poussant à la révolte, à la subversion, en lâchant leurs meutes, M. Mélenchon et ses séides n’auraient fait au bout du compte que dégager encore un peu plus la voix qui pourrait bien le conduire, le ministre du jour, à la magistrature suprême. Ce serait rigolo, non ?… Cela, on l’aura compris, à la condition que les choses se passent relativement bien. Et c’est évidemment ce qu’on peut souhaiter, certes à M. Retailleau, mais avant tout et surtout au pays qui, vraiment, est à des années lumières de pouvoir s’offrir ce genre de chamboule-tout stérile autant que ruineux.
Cela dit, je ne voudrais pas rester sur une note pessimiste. En marge de l’article du Parisien d’hier qui détaillait le programme des douteuses festivités et les mesures arrêtées par le ministère, figurait une réclame de l’enseigne E. Leclerc annonçant le sachet d’endives catégorie 1 de 1kg au prix de 1,89 euros. Voilà, me dit-on, qui va très exactement dans le sens de la mère des revendications du jour, le pouvoir d’achat. Que voulez-vous, par les temps qui courent, le positif, le revigorant, on le déniche où on peut…
Plus de la moitié des Français soutiendraient la journée d’action, selon un sondage Elabe/BFMTV. Pour Elisabeth Lévy, les gens vont dans la rue pour de mauvaises raisons.
56 % des Français soutiennent ou ont de la sympathie pour le mouvement social du 18 septembre, 25 % le désapprouvent. Si on interrogeait les commerçants, les indépendants ou tous ces gens dont beaucoup se sont levés à 4 heures du matin pour travailler, le résultat serait certainement très différent. Leur problème, ce ne sont pas des jours fériés qui pour eux sont souvent travaillés, mais les journées de chiffre d’affaires perdues, les pillards et les casseurs. En tout cas, il n’est pas sûr que l’adhésion soit aussi élevée ce soir si les Black bloc et des militants chauffés par toutes sortes de discours cassent, agressent des policiers et offrent des images de guérilla urbaine – cela dit, on ne sait pas comment cela va se passer, espérons que cela soit calme.
J'appelle solennellement à la plus grande discipline demain dans la participation massive aux manifestations avec les syndicats.
Refusez tout débordement car c'est cela qu’espère et attend le ministre de l'Intérieur pour justifier sa propre violence habituelle contre le peuple.…
Cependant, ce succès demeure très étonnant. On proteste contre un budget qui n’est plus sur la table et contre un gouvernement démissionnaire. Essentiellement, il s’agit d’une grève des fonctionnaires et assimilés, mobilisés par leurs syndicats. Ces derniers parlent du budget comme d’un « musée des horreurs », d’une brutalité « sans précédent » à propos du projet de suppression de 3000 postes de fonctionnaires et du non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois. Si ça, c’est l’Angleterre de Dickens, on n’est pas rendus… Enfin, l’outrance de l’extrême gauche devrait être un repoussoir.
Comment expliquer cette popularité ?
Plutôt par de mauvaises raisons. La haine du président Macron est devenue délirante. Je n’ai aucune excuse à trouver à sa politique, mais stop aux caprices : vous l’avez élu, alors vous en avez pris pour cinq ans – en démocratie, on assume son vote ! La grève par procuration me semble toutefois moins massive qu’en 1995 quand les cheminots avaient réussi à faire avaler à tout le monde (dont votre servante) que les cheminots ne se battaient pas pour leur retraite mais pour la République… Aujourd’hui, les citoyens convaincus sont vraisemblablement solidaires des policiers, des infirmières ou des profs. Mais, aucune économie ne sera possible sans diminuer notre ultra-pléthorique fonction publique d’une façon ou d’une autre. Sinon, on ne va jamais s’en sortir.
Il y a ensuite toujours ce consensus suicidaire contre la réforme des retraites, ce refus de tout réalisme qui revient à écraser les jeunes actifs sous les cotisations. C’est désolant. Mais non : que les Français vivent plus longtemps n’y change rien, leur retraite est un droit sacré !
Enfin, la croyance qu’on s’en sortira en faisant payer les riches est massivement partagée. Pourtant, nous ne nous appauvrissons pas parce qu’il y a des milliardaires mais parce que nous produisons moins de richesses. Certes, ce n’est pas juste, parce que l’effort pèse sur ceux qui travaillent mais on a déjà le système le plus redistributif du monde développé. La France va encore se lancer dans un débat absurde et on finira par taxer l’outil de travail.
J’enrage de découvrir que les syndicats de lycéens ont appelé à des blocages. Et je rêve d’un pays où les jeunes manifesteraient pour leur droit d’apprendre la littérature. En attendant, tant que chaque Français pensera que c’est aux autres de faire un effort, il n’y aucune chance d’enrayer la spirale du déclin.
Connue pour ses analyses critiques des grandes fortunes françaises, la sociologue Monique Pinçon-Charlot utilise désormais la situation climatique pour faire passer ses idées d’extrême gauche. Mais, à trop rendre responsables les riches de tous les maux de la Terre, elle sombre dans une vision complotiste et perd tout contact avec la réalité.
Les capitalistes voudraient exterminer plusieurs milliards de pauvres avec le réchauffement climatique ! C’est la thèse que défend la sociologue Monique Pinçon-Charlot. Par exemple, avec son mari Michel Pinçon, elle déclarait, dans le quotidien L’Humanité, en décembre 2019 : « Le dérèglement climatique dont les capitalistes, qui ont pillé les ressources naturelles pour s’enrichir, sont les seuls responsables, constitue leur ultime arme pour éliminer la partie la plus pauvre de l’humanité devenue inutile à l’heure des robots et de l’automatisation généralisée. »
Puis, quelques mois plus tard, elle récidivait en déclarant, dans le documentaire Hold-Up sur la pandémie de Covid-19, que « l’on est dans une guerre de classes que les plus riches mènent contre les pauvres de la planète et […], comme les nazis allemands l’ont fait pendant la Deuxième, il y a un holocauste qui va éliminer certainement la partie la plus pauvre de l’humanité, c’est-à-dire trois milliards cinq cents millions d’êtres humains, dont les riches n’ont plus besoin pour assurer leur survie ». Même si, par la suite, elle a dit regretter sa comparaison avec le régime nazi, elle n’est jamais revenue sur le fond de sa pensée. De quoi surprendre, pour une sociologue à la retraite, ancienne directrice de recherche au CNRS !
Des riches qui exploiteraient les pauvres !
Avant d’en arriver à ces prises de position détonantes, Monique Pinçon-Charlot s’était imposée, avec son mari Michel Pinçon, comme une figure de la sociologie des élites. Ensemble, ils ont consacré plusieurs décennies à explorer le monde de la grande bourgeoisie française : ses fortunes, ses stratégies de reproduction sociale, ses mariages endogamiques, ses quartiers préservés et ses clubs fermés. Dans des ouvrages devenus des classiques, tels que Dans les beaux quartiers (1989), Grandes fortunes (1996) ou Sociologie de la bourgeoisie (2000), ils ont tenté de montrer comment cette classe dominante, soudée et consciente de ses intérêts, cherchait à consolider son pouvoir au détriment des plus pauvres.
Mais, cette grille de lecture en termes de lutte des classes, déjà problématique au sein de la sphère sociale et économique, a fini par devenir la clé unique par laquelle Monique Pinçon-Charlot appréhende tous les problèmes du monde. C’est pourquoi, même quand elle aborde la question du climat, elle n’arrive pas à sortir de sa vision complotiste anti-riches, comme en témoigne son dernier ouvrage, Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique (2025).
Déjà, dans ce livre, page après page, elle accuse de nouveau les riches et les capitalistes – sans que l’on sache à qui elle fait référence exactement – de vouloir exploiter le reste de la population. Elle estime ainsi que le « système capitaliste » permet aux premiers de « s’enrichir sans limite et oblige » les seconds « à se serrer toujours plus la ceinture ! » (p. 17). De même, elle estime que « les membres des dynasties familiales fortunées de la noblesse et de la grande bourgeoisie […] portent la responsabilité de nos difficultés à vivre dans la plénitude » (p. 15). Ou encore, elle accuse le capitalisme d’être « un ennemi commun à tous les peuples de la planète » (p. 71).
Mais confondant diatribe et analyse, jamais elle n’explique ce qu’elle entend par capitalisme. Puis, jamais elle ne reconnaît que les conditions de vie de l’humanité se sont considérablement améliorées depuis environ deux siècles, c’est-à-dire depuis l’avènement de ce que l’on a coutume d’appeler l’économie capitaliste. Aveuglée par sa haine des riches, elle oublie aussi de mentionner que cette amélioration est loin de n’avoir profité qu’à ces derniers. C’est dans toutes les couches de la société que la mortalité infantile a considérablement baissé et que l’alphabétisation, l’espérance de vie et le confort matériel ont fortement progressé. En outre, la proportion de gens très pauvres, loin d’avoir augmenté sous les coups de butoirs des classes dominantes, est celle qui s’est le plus réduite, notamment depuis la « mondialisation néolibérale » que Pinçon-Charlot honnit.
Des riches qui réchaufferaient la planète !
Poussée par sa vision manichéenne de la société, Pinçon-Charlot en vient alors à avancer que c’est « la classe dominante qui, depuis le sommet de l’État, continue à favoriser l’extraction des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz » (p. 10). Puis, au-delà des individus, elle soutient que c’est le « système capitaliste » qui porte la responsabilité du « chaos climatique » (p. 30). Elle va même jusqu’à considérer que « [l]’avenir de l’humanité est incompatible avec la logique du profit » (p. 70), c’est-à-dire, selon elle, avec le capitalisme. Aussi en vient-elle à déclarer que « le terme de capitalocène est le mot approprié pour désigner ce pillage généralisé de la planète, plus encore que celui d’anthropocène » (p. 12).
Cette accusation, même si Pinçon-Charlot n’est pas la première à la formuler, est – pour être charitable – étonnante, car il suffit de se tourner vers les régimes communistes du XXe siècle pour se rendre compte que les émissions de gaz à effet de serre et l’exploitation des ressources de la planète sont loin de caractériser uniquement les pays capitalistes. Quant à l’accusation que c’est la classe dominante qui est responsable du réchauffement climatique, elle oublie que c’est l’ensemble de la société qui profite du recours à des énergies fossiles, pour se chauffer, pour se déplacer, pour faire tourner ses machines, pour vivre mieux, etc. D’ailleurs, si demain un gouvernement décidait d’arrêter d’y recourir, le peuple descendrait très certainement dans la rue pour protester. Même augmenter les taxes sur ces énergies n’est pas facile à mettre en œuvre, comme l’épisode de gilets jaunes nous le rappelle.
Manifestation des gilets jaunes dans Paris, 8 décembre 2018. SIPA. 00887468_000005
Certes, en moyenne, les plus riches sont davantage responsables des émissions des gaz à effet de serre que les plus pauvres, que ce soit à l’échelle des individus ou des pays. Mais, contrairement à ce qu’avance Pinçon-Charlot, ce n’est pas par une indifférence plus grande à la situation climatique. Si les moins riches émettent moins, c’est juste par incapacité à consommer autant que les plus riches et nullement en raison d’une conscience plus aiguë du réchauffement climatique. Surtout, à travers leur consommation, ces derniers ne mènent pas une guerre de classe contre les premiers. Ils consomment juste à la hauteur de leurs moyens.
Quant à l’idée que le réchauffement climatique serait vu comme un moyen d’éliminer les plus pauvres, elle relève de la pure fabulation, dans la mesure où non seulement aucune information précise ne vient la corroborer, mais, en plus, elle est contredite par le fait que le nombre de victimes des aléas climatiques n’a cessé de diminuer depuis un siècle, au fur et à mesure que les sociétés s’enrichissaient, grâce aux énergies fossiles, et pouvaient donc mieux protéger leurs citoyens. Ces bienfaits des énergies fossiles ne signifient pas pour autant que l’on peut se permettre de continuer à les consommer de manière inconsidérée. Il faut savoir être raisonnable. Mais ils rappellent l’absurdité d’une croisade contre un enrichissement fondé sur les énergies fossiles, dans la mesure où, à ce jour, il a sauvé plus de vies qu’il n’en a détruites.
Des riches qui détruiraient le vivant !
Sur sa lancée, Pinçon-Charlot accuse aussi les plus riches de s’en prendre au vivant : « Cette oligarchie, aujourd’hui mondialisée, met à mal toutes les formes du vivant » (p. 12). Nous vivrions dans un monde où le vivant serait même en train de mourir ; qui plus est, ce serait une mort planifiée en cachette : « La mort du vivant est donc devenue notre pain quotidien. L’invisibilité d’une telle monstruosité est organisée à partir du secret, mais aussi de la diversité institutionnelle des intervenants afin d’ajouter des couches d’opacité pour que le quidam n’y comprenne rien et pire que ça, se sente analphabète, nul et incompétent devant la puissance des puissants ! » (p. 54). Aussi Pinçon-Charlot avance-t-elle que le « capitalisme est devenu incompatible avec le futur pour tous sur la planète » (p. 108).
Or cette idée que les riches, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, s’en prennent au vivant est absurde. Littéralement, elle signifierait qu’ils sont suicidaires ! Mais, même l’idée qu’ils seraient simplement responsables de la destruction de nombreuses formes vivantes ne tient pas la route. De fait, la plus grande cause de la baisse de la biodiversité est l’expansion des terres agricoles et l’étalement urbain. Or ce processus n’a rien à voir avec le mode de vie des riches. Il résulte tout simplement du développement d’une forme de vie particulière, à savoir l’humanité, permis – comme on l’a déjà dit – par le capitalisme et le recours aux énergies fossiles.
En tout cas, toute à sa haine des riches et, par association, de tout ce qui relève de l’industrie, Pinçon-Charlot s’en prend aussi aux pesticides et à l’agriculture industrielle (p. 12), et même aux OGM, qui « sous couvert de technologies modernes et de promesses d’un avenir radieux pour tous, [sont] aux mains d’“experts” au service des actionnaires de ces entreprises qui mettent en danger les humains et la nature avec des effets indirects sur le dérèglement climatique, puisque tout se tient et s’enchevêtre ! » (p. 48). Or ce fourre-tout accusatoire n’a, encore une fois, aucun sens.
Il est bien sûr légitime de s’inquiéter d’un trop grand usage de pesticides et de se méfier de promesses exagérées quant à la productivité agricole. Mais comment peut-on oublier que c’est la révolution verte au XXe siècle, fondée sur l’usage des pesticides, des engrais de synthèse et la sélection génétique, qui a permis de nourrir comme jamais auparavant la population humaine ? Si cette agriculture industrielle a, sans conteste, permis à certains investisseurs de s’enrichir, elle a surtout permis aux plus pauvres de ce monde de ne plus mourir de faim et, donc, à la population humaine de croître. Voir dans le développement de l’agrochimie un complot des riches contre les pauvres est donc absurde.
Enfin, après toutes ces accusations, on aurait pu penser que Pinçon-Charlot fasse l’effort d’offrir au moins une proposition concrète pour améliorer la situation du monde. Ce n’est pas le cas. Elle se contente de fustiger le « capitalisme vert » qui, selon elle, permet « aux dominants d’engranger toujours plus de dividendes au détriment de la vie sur Terre » (p. 35) et d’accuser « le développement durable » et « la neutralité carbone » d’être des « oxymores » (p. 137). Ce manque de proposition s’explique très probablement par l’idée que, si tous les problèmes viennent des riches, il suffit de leur faire la peau pour que tout aille bien dans ce monde. Inutile de dire que c’est le degré zéro de la réflexion politique.
Si l’emprise de la grille de lecture en termes de lutte des classes explique donc les dérives de Pinçon-Charlot, il reste toutefois à comprendre comment le CNRS, censé être le pinacle de la recherche française, a pu pendant des décennies laisser se développer, en son sein, ce genre de construction intellectuelle vide et potentiellement dangereuse. Mais cela est une autre histoire…
« Paris est la seule ville du monde où coule un fleuve encadré par deux rangées de livres », dixit Blaise Cendrars. Causeur peut y dénicher quelques pépites…
On écrit sur Paris avec ses jambes autant qu’avec sa plume. L’écrivain de Paris est un marcheur, un arpenteur de rues, de buttes, de plaines et de boulevards ; un fouineur de caves et de mansardes ; un client de bistrots et de restos ; un chat de salon et un rat de bibliothèque… car un écrivain de Paris est aussi un lecteur. Il sait qu’à force de tourner en rond dans cette ville depuis mille ans, les auteurs qui le précèdent y ont rédigé les plus belles pages, qu’en sortant de chez soi on ne peut que mettre ses pas dans ceux d’autrui et emprunter les mots des autres – parfois sans le savoir. Cet enrichissement successif, ce millefeuille de phrases et d’impressions, cette accumulation de choses vues qui se refile de génération en génération explique peut-être l’éternelle réinvention de cette littérature parisienne. Et il arrive qu’un miracle advienne.
Trajets parisiens, de Jean Plumyène (1932-1986), est un bijou sans préciosités, une démonstration d’élégance sans maniérisme. Le ton est juste, le regard est franc, les mots sont simples : Plumyène est au sommet de son art. Que cherche-t-il ? Reconstituer la géographie parisienne de quelques auteurs, retracer leurs déambulations citadines, leurs habitudes, leurs promenades, leurs appartements et leurs déménagements. « C’est un sujet de rêverie, en attendant de devenir un objet de science, que les migrations, d’un quartier à l’autre de la capitale, de ses artistes et de ses écrivains. » En six chapitres, on découvre donc à ses côtés « les Goncourt dans leur paysage », le « trajet de Léautaud », les « domiciles de Fargue », le « Paris surréel » de Breton, l’« Aragon parisien » et le « Paris-centre » de quelques autres, Céline, notamment. Pourquoi eux ? Parce que « tous les écrivains sont parisiens, mais certains le sont plus que d’autres ».
Il observe la façade de l’immeuble de l’un, les commerces de la rue d’un autre, gravit les escaliers qui mènent à la porte d’un troisième… Jean Plumyène consigne ses pérégrinations au début des années 1980, quand il était encore possible d’avoir sous les yeux les vestiges vivants du Paris du xixe siècle et des années 1930. Il se fait ouvrir la chambre de bonne de Léautaud, retrouve le dernier appartement de Fargue, s’attable au Cyrano, le QG des surréalistes à Pigalle, qu’il voit cependant, plus tard, dépecé de son décor historique pour devenir un fast-food. Mais Plumyène estime que « rien de parisien ne disparaît jamais vraiment. Les grandes villes, il faut le savoir, ont meilleure mémoire que les campagnes, par nature plus exposées qu’elles, toujours à la merci des grandes invasions, des végétations destructrices ». Il n’a pas complètement tort, mais aujourd’hui, le Paris préservé se cache derrière des digicodes et l’acharnement de quelques édiles à ratiboiser ce qui dépasse du passé annonce la disparition des ultimes survivances de ce Paris du quotidien des siècles anciens. Nul doute que la promenade, qu’il compare à la conversation (« le causeur change de sujet, le promeneur de trottoir »), sera toujours possible à l’avenir. Reste à savoir quel sera l’avenir du piéton de Paris condamné à arpenter des « rues piétonnes ».