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Qui va protéger la police ?

Le billet justice de Philippe Bilger


Qui va protéger la police ?
Nantes, 18 septembre 2025 © Sébastien Salom-Gomis/SIPA

La justice et l’État doivent rétablir sans faiblesse l’autorité policière, car la violence des voyous a inversé le rapport de force ces dernières années et menace la société française, analyse Philippe Bilger


Ce qui me surprend, c’est l’étonnement qui saisit la plupart des citoyens, ainsi que le retentissement médiatique qui l’accompagne, à chaque agression de policiers par ceux qu’on peut qualifier de voyous.

La peur doit changer de camp

Comme si, depuis quelques années, la police n’avait pas peu à peu perdu la main et l’initiative, face à des groupes malfaisants qui ont littéralement pris le pouvoir. À la force légitime de l’État, ils opposent désormais la violence illégitime, parfois jusqu’au crime, sans l’ombre d’un scrupule ni la moindre mauvaise conscience.

Un exemple récent : à Reims, en plein centre-ville, sept policiers ont subi « un véritable lynchage » de la part de plusieurs hommes[1].

Si l’on se contente de déplorer la multitude de résistances, de désobéissances et de violences dont les policiers sont chaque jour les victimes, avec ce constat accablant qu’ils ne peuvent jamais aller jusqu’au bout de ce que la loi les autorise à faire pour se défendre eux-mêmes ou protéger autrui, on passe à côté de l’essentiel : la profondeur du changement qui a bouleversé leurs rapports avec les citoyens qu’ils doivent contrôler ou interpeller[2].

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Certes, j’admets que ce n’est pas d’aujourd’hui que le civisme est défaillant. Ceux qui ont quelque chose à se reprocher cherchent depuis toujours à échapper à l’action policière. Mais, longtemps, cette attitude n’a été que la conséquence des initiatives prises par les fonctionnaires de police eux-mêmes. Ils n’étaient perçus comme des ennemis par les malfaisants que lorsqu’ils s’en prenaient à eux de leur propre autorité.

Ce qui a changé, avec une intensité accrue depuis quelque temps, c’est que les voyous, dans le rapport de force, sont dorénavant en position de dominants. Ils n’attendent plus d’être interpellés, ils prennent les devants, organisent des agressions, préparent leurs mauvais coups, mettent en place des pièges, de prétendus appels au secours. Forts de leur nombre et de l’impossibilité d’établir la preuve individuelle, ils peuvent attaquer – parfois massacrer – les policiers envoyés sur place, souvent en toute impunité.

Une société française à feu et à sang

Si les autorités n’appréhendent pas lucidement cette véritable révolution de la lutte contre la délinquance, avec le devoir d’assurer, bien davantage qu’hier, la sauvegarde des fonctionnaires de police, en service comme dans leur vie privée, notre société continuera d’être à feu et à sang. Avec, pour les transgresseurs, ce sentiment pervers de pouvoir tout se permettre, puisqu’aucune réponse ne viendra démontrer l’efficacité et le volontarisme de l’État et de ses relais.

Qu’on songe à l’accroissement des refus d’obtempérer et aux conséquences souvent dramatiques qui en résultent pour les policiers. Je laisse de côté ici mon opinion judiciaire sur la mort de Nahel, en espérant que la future cour d’assises saura recouvrer la raison et opérer un partage équitable entre les donneurs de leçons en chambre et les contraintes implacables auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées.

Ce seul exemple suffit à mesurer combien il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de protéger la police, d’instaurer une responsabilité collective afin que le groupe violent ne puisse plus échapper à sa culpabilité globale, et de refuser, avec l’énergie la plus extrême, la présomption de culpabilité qui confond les rôles, les fonctions et les légitimités.

Cette prise de conscience, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau l’a faite depuis longtemps, et sa résolution paraît entière pour remédier à cette inversion des culpabilités. J’attire toutefois son attention sur l’absurdité des doubles enquêtes, judiciaire et disciplinaire. Cette dernière vient comme un procédé mécanique laisser croire à une possible faute policière, alors que, la plupart du temps, la réalité suffirait à dissiper ce soupçon et justifierait un classement rapide.

L’est une entreprise de longue haleine qui devra être menée, bien au-delà de la seule question des moyens réclamés par la police. C’est la psychologie collective et politique qu’il faut changer. La police n’est pas l’ennemie. Les ennemis, ce sont les voyous.


[1] https://www.leparisien.fr/marne-51/violente-agression-nocturne-de-policiers-a-quelques-metres-du-commissariat-de-reims-15-09-2025-MZFWOODVGNA7DEJMPYJADXPLGA.php?ts=1758009151839

[2] https://www.lefigaro.fr/faits-divers/un-collegue-a-vu-sa-maison-taguee-avec-son-nom-et-ce-message-t-es-mort-la-colere-des-policiers-face-a-l-explosion-des-agressions-20250916



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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