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L’espace intergalactique ne fait plus peur

« La Bohème » de Puccini, à l’Opéra Bastille, à partir du 19 septembre


L’espace intergalactique ne fait plus peur
"La Bohême" 2025, Opéra de Paris © Monika Rittershaus

Le climat social fortement dégradé de l’arrière-saison, par miracle, n’atteint pas aux hauteurs sidérales où l’inspiration d’un Claus Guth hisse depuis pas loin d’une décennie les protagonistes de La Bohème, opéra mythique s’il en est, must absolu du répertoire lyrique : retranchées les représentations annulées en 2020 pour cause de Covid, on en est à la 3ème reprise de cette mise en scène dans le vaisseau spatial de l’Opéra-Bastille, avec plus de deux-cent représentations au compteur depuis 2017 ! La régie qui faisait scandale il y a huit ans est accueillie avec un franc succès par le public de 2025.
Après la translation, en mars dernier au Palais Garnier, du spectacle créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 Il Viaggio, Dante, du grand compositeur contemporain Pascal Dusapin, reparaît donc à Paris l’iconoclaste scénographe allemand sous les auspices de Puccini, dans la célébrissime adaptation, par le compositeur transalpin, des Scènes de la vie de bohème, de Henry Murger, opéra millésimé 1896, donc entre Manon Lescaut (1893) et Tosca (1900), pour situer.
Chez Guth, exit donc l’atmosphère fiévreuse du « café Momus », la jeunesse insouciante et fauchée se chauffant autour du poêle d’une mansarde au quartier latin. À distance de toute littéralité, Rodolfo et Mimi, Musetta, Marcello, Shaunard et Colline sont ici en perdition à bord d’une navette spatiale, astronautes épuisés, en manque d’oxygène, revivant nostalgiquement leur jeunesse enfuie, dans une odyssée terminale en apesanteur et dans le compte à rebours d’une fin inexorable. Défile le ruban du journal de bord de la capsule spatiale en détresse, qui finira par s’échouer, atterrissage forcé, au troisième tableau, au cœur d’un paysage lunaire sur lequel tombe continument une bruine neigeuse de minuscules flocons. Le passé revécu sous une forme hallucinée où perdure, hanté par la mort, le souvenir des jours heureux…
Au pupitre, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan succède à Michele Mariotti pour cette reprise, direction musclée, aux coloris chatoyants, soutenue par un Orchestre de l’opéra de Paris à son meilleur. Si Mimi, la maîtresse tuberculeuse du jaloux Rodolfo, faisait merveille au soir de la première sous les traits de la soprano australienne Nicole Car (rôle repris par la chilienne Yaritza Véliz à partir du 2 octobre, pour ses débuts sur le plateau de la Bastille), l’Américano-austro-guatémaltèque Andrea Carroll se découvrait en Musetta dans une performance amoindrie par des aigus quelque peu stridents. Charles Castronovo, superbe Adorno l’an passé sur cette même scène dans Simon Boccanegra, campe encore Rodolfo comme il y a deux ans, rôle repris à partir du 2 octobre par le ténor américain Joshua Guerrero, irremplaçable dans le répertoire italien. Une distribution de belle tenue globalement, en somme, mais dans laquelle domine, divine surprise, le bronze galbé de la basse grecque Alexandros Stavrakakis, au phrasé d’une rondeur, d’une générosité qui donnent le frisson, dans le rôle du poète philosophe Colline, dont l’air final sublime du dernier tableau – « ora che i giorni lieti fuggir, ti dico : addio, fedele amico moi. Addio, addio » (maintenant que les beaux jours se sont enfuis, je te dis adieu, mon fidèle ami. Adieu, adieu) – vaudra d’ailleurs au chanteur, le soir de la première, une ovation émue de la salle, tétanisée.


La Bohème. Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini. Avec Nicole Car/Varitza Véliz, Andrea Caroll, Charles Castronovo/Joshua Guerrero, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stravrakakis… Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris. Maîtrise populaire de l’Opéra Comique.
Opéra Bastille les 19, 23, 27, 30 septembre, 2, 8, 11, 14 octobre 2025 à 19h30, le 5 octobre à 14h30. Durée : 2h30




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