Plus de la moitié des Français soutiendraient la journée d’action, selon un sondage Elabe/BFMTV. Pour Elisabeth Lévy, les gens vont dans la rue pour de mauvaises raisons.
56 % des Français soutiennent ou ont de la sympathie pour le mouvement social du 18 septembre, 25 % le désapprouvent. Si on interrogeait les commerçants, les indépendants ou tous ces gens dont beaucoup se sont levés à 4 heures du matin pour travailler, le résultat serait certainement très différent. Leur problème, ce ne sont pas des jours fériés qui pour eux sont souvent travaillés, mais les journées de chiffre d’affaires perdues, les pillards et les casseurs. En tout cas, il n’est pas sûr que l’adhésion soit aussi élevée ce soir si les Black bloc et des militants chauffés par toutes sortes de discours cassent, agressent des policiers et offrent des images de guérilla urbaine – cela dit, on ne sait pas comment cela va se passer, espérons que cela soit calme.
Cependant, ce succès demeure très étonnant. On proteste contre un budget qui n’est plus sur la table et contre un gouvernement démissionnaire. Essentiellement, il s’agit d’une grève des fonctionnaires et assimilés, mobilisés par leurs syndicats. Ces derniers parlent du budget comme d’un « musée des horreurs », d’une brutalité « sans précédent » à propos du projet de suppression de 3000 postes de fonctionnaires et du non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois. Si ça, c’est l’Angleterre de Dickens, on n’est pas rendus… Enfin, l’outrance de l’extrême gauche devrait être un repoussoir.
Comment expliquer cette popularité ?
Plutôt par de mauvaises raisons. La haine du président Macron est devenue délirante. Je n’ai aucune excuse à trouver à sa politique, mais stop aux caprices : vous l’avez élu, alors vous en avez pris pour cinq ans – en démocratie, on assume son vote ! La grève par procuration me semble toutefois moins massive qu’en 1995 quand les cheminots avaient réussi à faire avaler à tout le monde (dont votre servante) que les cheminots ne se battaient pas pour leur retraite mais pour la République… Aujourd’hui, les citoyens convaincus sont vraisemblablement solidaires des policiers, des infirmières ou des profs. Mais, aucune économie ne sera possible sans diminuer notre ultra-pléthorique fonction publique d’une façon ou d’une autre. Sinon, on ne va jamais s’en sortir.
Il y a ensuite toujours ce consensus suicidaire contre la réforme des retraites, ce refus de tout réalisme qui revient à écraser les jeunes actifs sous les cotisations. C’est désolant. Mais non : que les Français vivent plus longtemps n’y change rien, leur retraite est un droit sacré !
Enfin, la croyance qu’on s’en sortira en faisant payer les riches est massivement partagée. Pourtant, nous ne nous appauvrissons pas parce qu’il y a des milliardaires mais parce que nous produisons moins de richesses. Certes, ce n’est pas juste, parce que l’effort pèse sur ceux qui travaillent mais on a déjà le système le plus redistributif du monde développé. La France va encore se lancer dans un débat absurde et on finira par taxer l’outil de travail.
J’enrage de découvrir que les syndicats de lycéens ont appelé à des blocages. Et je rêve d’un pays où les jeunes manifesteraient pour leur droit d’apprendre la littérature. En attendant, tant que chaque Français pensera que c’est aux autres de faire un effort, il n’y aucune chance d’enrayer la spirale du déclin.
Cette chronique a été diffusée sur Sud radio
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