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Le peuple français n’est pas antisémite

Une tribune libre de Charles Rojzman


Le peuple français n’est pas antisémite
Charles Rojzman. Photo: D.R.

On dit souvent que la France serait une terre d’antisémitisme. Le mot roule de tribune en éditorial comme une sentence définitive, une condamnation sans appel. Mais ma vie dément ce récit fabriqué. Elle en est la réfutation charnelle. Car je dois ma survie non pas aux institutions, non pas aux élites dont la langue est celle de la compromission, mais à un policier qui refusa d’obéir, et à des paysans catholiques du Dauphiné, les Danthon, qui m’ouvrirent leur maison comme on entrouvre une arche pleine de blé et de prières.

Ma mère fut sauvée d’une rafle par un simple fonctionnaire de police. Dans ce geste, rien du spectaculaire. Il n’y eut ni trompette ni panache. Mais la nudité d’un refus, la lumière d’une conscience. Quand tout autour n’était que papier signé, ordres secs, encre qui scellait la persécution, cet homme choisit de ne pas être complice. Sa grandeur fut sans uniforme, sans parole. Elle fut d’un silence d’autant plus éclatant.

Et moi, enfant, je fus recueilli par les Danthon. Leur maison, lourde de pierres, aux poutres noircies, respirait une abondance simple. Le pain sortait du four, les seaux tintaient dans la cour, les chevaux tiraient la charrue comme au temps d’avant l’Histoire. C’était une maison pleine : pleine de voix, de rires d’enfants, de gestes sûrs. À l’intérieur, la chaleur d’un poêle, l’odeur des soupes épaisses, les prières récitées à voix basse. Rien ne manquait, tout y était don.

Chaque soir, Madame Danthon me faisait réciter d’abord le Notre Père, puis le Shema Israël. Deux fidélités, deux prières, qui ne se contredisaient pas dans ma bouche d’enfant. La croix et l’étoile veillaient ensemble sur mon sommeil. Ainsi se révélait la France : non pas la France des tampons et des signatures, mais celle d’une coexistence silencieuse, naturelle, enracinée dans la terre.

Voilà pourquoi je l’affirme : le peuple français n’est pas antisémite. Il ne l’a jamais été dans ses fibres profondes. Ce sont ses élites qui ont trahi. Hier, celles de Vichy, qui signaient, calculaient, collaboraient, offrant la persécution juive sous la forme d’un registre administratif. Aujourd’hui, celles qui trahissent à nouveau, non plus en livrant les Juifs, mais en livrant Israël à la haine, en donnant une onction idéologique à l’antisionisme.

La lâcheté des élites est restée la même : incapacité à nommer l’ennemi, posture du Bien qui recouvre leur reniement. Hier, l’occupant allemand ; aujourd’hui, l’islamisme conquérant. Toujours la même froideur d’encre et de papier, toujours les mêmes mains trempées dans la complicité.

Mais la vérité est ailleurs. Elle est dans les maisons de pierre et de bois, dans la chaleur des foyers, dans la fidélité silencieuse de ceux qui accueillirent sans trembler. Ceux que l’on traite de « réactionnaires » furent alors les vrais résistants : non par discours, mais par chair, par geste, par fidélité.

De cette enfance, il me reste l’image de la brique chauffée sous mes draps, de la soupe partagée, de deux prières s’unissant dans la nuit. Cette image, plus qu’un souvenir, est une leçon : elle dit que la fidélité est plus forte que la haine, que le peuple simple porte la vérité que les élites, hier comme aujourd’hui, ont abandonnée.

C’est pour cela que j’écris. Pour rappeler à la France que son honneur ne fut jamais dans les proclamations de ses élites, mais dans la chaleur obscure de ses maisons paysannes. Hier, ce furent un policier anonyme et la maison des Danthon qui sauvèrent une mère et son enfant. Aujourd’hui encore, ce sont les voix modestes, étouffées, qui pressentent le danger que les élites refusent de voir.

Car l’histoire revient, avec d’autres masques. Hier, la collaboration au nom du réalisme ; aujourd’hui, la compromission au nom de l’antiracisme. La même peur, le même calcul, la même lâcheté sous d’autres habits.

Je veux que la mémoire des Justes juge nos contemporains. Que le visage des Danthon, la main tendue du policier, apparaissent comme un reproche vivant à ceux qui défilent aujourd’hui derrière les drapeaux palestiniens. Qu’on se souvienne : la vraie France n’était pas dans les salons de Vichy, mais dans la cuisine des Danthon, au bord du feu, dans la densité d’une maison pleine. De même, aujourd’hui, elle n’est pas dans les tribunes du progressisme mondain, mais dans le cœur lucide de ceux qui refusent le mensonge.

Voilà le sens de ce témoignage : défendre l’honneur du peuple français contre la lâcheté de ses élites. Rappeler que la fidélité, la vraie, se tient dans une soupe partagée, dans une prière chuchotée, dans la chaleur d’un poêle. Se tient là où la France, la seule France, continue de vivre.



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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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