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«Clause du grand-père»: l’inquiétant renoncement du gouvernement

Ce sera toujours aux jeunes générations d’éponger les déficits liés au maintien de ce privilège anachronique, dans les prochaines années, dénonce Benoît Perrin, le directeur de «Contribuables Associés», association regroupant 350 000 contribuables en France.


La réforme des retraites a le mérite de prévoir une mesure attendue de longue date par les Français attachés à l’équité et à une gestion saine de nos finances publiques: la disparition des régimes spéciaux pour les agents de la RATP, d’EDF, de la Banque de France, ou encore du CESE.

Cependant, leur enthousiasme doit être rapidement balayé: cette mesure s’accompagne d’une injustice flagrante, en prévoyant la fameuse « clause du grand-père ». À compter du 1er septembre 2023, seuls les nouveaux entrants sur le marché du travail devront intégrer le régime universel de retraite. Les autres, quel que soit leur âge ou leur ancienneté, bénéficieront toujours du calcul spécifique des droits ainsi que de l’âge de départ plus précoce.

Pour le dire simplement, cela revient à repousser d’au moins 40 ans les effets de la réforme. Voire plus: d’après le directeur général de la caisse de retraite des personnels de la RATP, un retraité toujours de ce monde perçoit sa pension depuis… 1952 ! Ainsi, les précieuses économies attendues de cette réforme n’apparaîtront définitivement que dans 70 ou 80 ans, lorsque le dernier ayant droit des régimes spéciaux aura disparu.

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Pourquoi attendre 2066 pour que les agents concernés partent aussi à la retraite à 64 ans – et avec de meilleures pensions en moyenne ? Au nom de quoi un tel privilège est-il maintenu? D’après les syndicats, ces avantages feraient partie du « contrat social » passé entre les agents et leur employeur à la date de leur embauche. « On ne change pas les règles en cours de route » abonde Olivier Véran.

Dès lors, pourquoi est-ce que les règles devraient changer pour tous les salariés, hormis pour quelques privilégiés protégés par leur statut et assurés d’une rente à vie ? Qu’est-ce qui différencie ces agents des autres salariés qui n’avaient certainement pas prévu, au moment de leur embauche, de travailler deux ou quatre ans de plus ? Pourquoi, a minima, ne pas envisager une solution de moyen terme permettant une extinction progressive des régimes spéciaux?

Au-delà de l’évidente injustice de cette mesure, il faut rappeler le coût de cette clause pour les finances publiques. Si l’on veut bien se donner la peine de regarder les chiffres, on se rend bien vite compte des sommes faramineuses payées par l’État – et donc par les contribuables – pour maintenir ces régimes.

Prenons le cas de la SNCF, où la « clause du grand-père » s’applique depuis déjà trois ans. À la suite de la réforme ferroviaire du premier quinquennat Macron, seuls les cheminots recrutés depuis 2020 n’ont plus le droit au régime spécial. Chaque année, l’État verse une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots, afin de financer les dispositifs de départ anticipés et l’écart démographique entre cotisants et retraités. En 2021, son coût budgétaire était de 3,3 milliards d’euros. En multipliant ce chiffre par les 40 années durant lesquelles les cheminots ne seront pas dans le régime universel, on parvient à un coût de 130 milliards d’euros pour le contribuable!

À ce chiffre, il faut ajouter le montant de la cotisation employeur T2 visant à financer les droits spécifiques de retraite du régime spécial, pour un coût de 600 millions d’euros annuels. Rapportée sur 40 ans, cette dépense supplémentaire revient donc à 24 milliards.

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Ainsi, en évitant l’extinction immédiate du régime spécial des cheminots, l’exécutif avait déjà lesté les finances publiques d’une dépense supplémentaire (et injustifiée) de 154 milliards d’euros [1] – sans même prendre en compte l’inflation!

Le coût de cet injustifiable cadeau est donc facilement calculable. Dans leur vaste majorité, les Français rejettent ce système à deux vitesses. Dès lors, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas le courage politique d’aller jusqu’au bout de sa réforme ? La réponse est simple : ces régimes coûteux et injustes profitent essentiellement à du personnel capable de bloquer les transports ou de couper l’électricité.

À ces concessions inouïes s’ajoute d’ailleurs le maintien pour tous les agents de conditions très favorables. À titre d’exemple, le gouvernement a choisi de ne pas repousser de deux ans l’âge auquel les conducteurs et les agents de sécurité de la RATP peuvent prendre leur retraite à taux plein : 57 ans – soit l’âge d’annulation de la décote [2].

La droite sénatoriale avait prévu de rétablir l’équité entre les Français. Cependant, elle ne sera pas allée au bout de son projet pour éviter l’obstruction de la gauche. Dès lors, le gouvernement et le parlement ont entériné un système qui maintient deux catégories de salariés, au prix d’un coût déraisonnable pour nos finances publiques. La clause du grand-père constitue enfin une profonde fracture intergénérationnelle : dans les décennies à venir, ce sera aux jeunes générations de continuer à éponger les déficits liés au maintien de ce privilège anachronique pour les plus anciens.


[1] Les 130 milliards d’euros de subventions d’équilibre sur 40 ans + les 24 milliards supplémentaires de cotisations employeur T2 à combler NDLR

[2] https://www.usinenouvelle.com/article/la-fin-de-son-regime-special-de-retraite-pose-un-probleme-d-attractivite-a-la-ratp.N2087081

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Emmanuel Macron n’est pas maladroit: il le fait exprès!

L’arrogance n’est pas quelque chose qu’Emmanuel Macron laisse transparaître par maladresse…


Depuis le discours du 22 mars, on entend nombre de commentateurs, pourtant peu suspects de sympathies macronistes, déplorer la « maladresse » de la communication présidentielle. C’est oublier un peu vite la personnalité de celui qui a dit « qu’ils viennent me chercher » et « j’ai très envie de les emmerder, donc on va continuer à le faire » – le point clef n’étant évidemment pas « emmerder » mais « j’ai très envie, donc », c’est-à-dire le fait du prince dans ce qu’il a de plus capricieux. C’est oublier, aussi, cette remarque cinglante de Coluche : « Les hommes politiques, j’vais vous faire un aveu, ne sont pas bêtes. Vous vous rendez compte de la gravité ? Ils sont intelligents. Ça veut dire que tout ce qu’ils font, ils le font exprès. »

Narguer la foule

Emmanuel Macron ne serait pas devenu président de la République sans un minimum d’intelligence et de sens politique : il y a, pour ce poste, nettement plus de candidats que de lauréats… Il est donc très probable que si la quasi-totalité des observateurs de la vie du pays ont remarqué que ses interventions ont presque systématiquement pour effet d’attiser les colères et d’amplifier les crises, lui-même s’en est également rendu compte. Alors pourquoi ?

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D’abord, il y a l’hubris en toile de fond. « Qu’ils viennent me chercher ! » Le prince se pense intouchable, et rejette la responsabilité de ses échecs et de la détestation qu’il suscite sur des ministres qu’il méprise d’autant plus qu’ils n’osent pas lui dire ses quatre vérités. Emmanuel Macron se ment-il à lui-même, croit-il vraiment qu’Élisabeth Borne est responsable ? Il est bien plus probable que, moderne Caligula parlant de nommer son cheval consul pour provoquer les sénateurs et leur faire sentir leur impuissance, il s’enivre de pouvoir tout se permettre sans risque, et jouisse de narguer la foule depuis l’abri de sa fonction et de la force publique. Ce qui est sûr, c’est que la personnalité d’Emmanuel Macron est un élément déterminant de ce qui se joue. La lettre ouverte que Julien Aubert, qui l’a côtoyé à l’ENA, lui écrivait au soir de son élection en 2017 paraît aujourd’hui prophétique, ses inquiétudes hélas confirmées, jusque dans leurs moindres détails, par les six années écoulées. L’arrogance n’est pas quelque chose qu’Emmanuel Macron laisserait transparaître par maladresse, mais quelque chose qu’il prend plaisir à pouvoir afficher en toute impunité.

Les violences permettent de décrédibiliser l’opposition

Sans doute, aussi, donne-t-il ainsi des gages au socle de son électorat, qui partage son mépris envers « ceux qui ne sont rien » et autres « sans dents » ou « déplorables », et apprécie qu’il le fasse sentir. Il y a toute une frange de ses soutiens qui a aimé son « j’ai très envie de les emmerder ». La même sans doute qui feint de confondre la foule et le peuple, et dénigre l’idée même d’un référendum (qui réconcilierait pourtant légalité et légitimité), le peuple étant souverain, certes, mais pas trop, les gueux ça vote mal, et la démocratie n’a de sens que tant que la plèbe suit les consignes de France Inter, des fact-checkers et de Saint-Germain-des-Prés.

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Ensuite, le calcul à court terme. Il faut radicaliser la contestation, la provoquer, attiser la rage, pour pousser à la violence. Car cette violence permet de décrédibiliser l’opposition dans son ensemble, et de justifier, outre une évidente tentation autoritaire, la confiscation de la démocratie par l’extrême-centre, le fameux « cercle de la raison », dont toute la rhétorique consiste à refuser la moindre légitimité aux projets de société différents du sien, et à se présenter comme la seule option possible. Édouard Philippe ne s’en cache pas, et appelle de ses vœux l’union des partis « de gouvernement », concrétisant le fameux « UMPS » tant dénoncé jadis par Marine Le Pen. Une telle manœuvre, visant à réserver l’exercice du pouvoir à un conglomérat de courants politiques ne représentant ensemble grosso-modo qu’un tiers de l’électorat (et encore : de l’électorat non-abstentionniste…) est pour le moins anti-démocratique. Bien sûr, l’ultra-gauche, l’extrême-gauche de plus en plus ouvertement complice de l’ultra-gauche, et la gauche autoproclamée « républicaine » mais alliée à l’extrême-gauche au sein de la Nupes, n’ont pas besoin des provocations d’Emmanuel Macron pour agresser les forces de l’ordre (avec, ces derniers jours, une violence inouïe), casser et brûler. Mais il faut que la colère générale monte pour que les opposants, même non-violents, se mettent eux-mêmes hors-jeu en rechignant un peu trop à se désolidariser des casseurs, il faut que l’exaspération conduise à la surenchère dans des discours militants absurdes, pour que la prétention de l’extrême-centre à se présenter comme le rempart de l’ordre et de la raison face au chaos soit crédible.

Les gagnants de la mondialisation prennent le large

Enfin, le projet à long terme. Accroître les tensions pour fragmenter le pays en blocs antagonistes. « Diviser pour mieux régner », oui, mais pas seulement. L’extrême-centre veut la tiers-mondisation. Pourquoi ? Parce qu’il est le parti des « élites » qui aspirent à se comporter comme le font les « élites » du tiers-monde, sans pudeur et sans vergogne. L’immigration massive et la déconstruction n’ont pas d’autre objectif. L’extrême-centre veut la fin de la décence commune pour désarmer moralement « monsieur tout-le-monde » et le rendre incapable de résister à l’endoctrinement qui le pousse à se soumettre à ses prédateurs (qu’il s’agisse des spéculateurs ou des racailles), mais aussi pour échapper lui-même au regard accusateur de cette décence commune, et pouvoir jouir de sa position de « gagnant de la mondialisation » sans même l’entrave d’un reste de mauvaise conscience. Pour priver le peuple de sa souveraineté, il veut qu’il n’y ait plus de peuple, seulement une collection de minorités rivales. Pour mettre fin à la démocratie, il veut mettre fin aux démos. Il veut que l’opinion publique soit hostile aux forces de l’ordre, pour acculer celles-ci à soutenir le pouvoir quoi qu’il fasse. Il veut l’effondrement des services publics (l’école, les hôpitaux, etc) pour rendre inévitable leur privatisation. « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance » disait Denis Kessler. Bien sûr, Emmanuel Macron n’est pas le premier à œuvrer dans ce sens. Il y a plusieurs décennies que, comme le souligne Xavier Patier « l’État (…) ne remplit plus ses missions essentielles, car les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques sont engloutis dans les transferts sociaux, tandis que les services publics, garantissant le bien commun, se paupérisent. » 

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Dit autrement, l’État est devenu un fermier général qui écrase d’impôts la classe moyenne afin de financer le « tribut aux barbares » (dont la présence massive, redisons-le, vise à la tiers-mondisation culturelle) et les subventions versées aux multiples clientèles et alliés des gouvernants successifs (on pense, par exemple, aux avantages fiscaux délirants dont bénéficie le Qatar). Christophe Boutin et Jean-Sébastien Ferjou ont bien cerné le macronisme, fuite en avant permanente : « À chaque fois, la méthode est la même : démanteler une administration nationale pour imposer un nouveau mode de « gouvernance » et de « management » issu du privé, à grand renfort de cabinets de « consultants » étrangers. » Le macronisme est un progressisme « libéral sur le plan économique, mais un libéralisme mondialisé et financiarisé, libertaire sur le plan sociétal, allant ici jusqu’à un déconstructionnisme qui, en s’attaquant aux piliers mêmes de l’ordre social (famille, roman national) n’est jamais que l’idiot utile du capitalisme financiarisé. »

À tout prendre, il serait rassurant qu’Emmanuel Macron et son entourage soient seulement maladroits, « fiers d’être des amateurs ». Sans doute certains y croient-ils vraiment, se réfugiant dans les bras de l’extrême-centre par peur d’une gauche ivre de ses rêves de Grand Soir et de ses néo-gardes rouges wokes, comme d’une droite systématiquement qualifiée « d’extrême » et méthodiquement diabolisée, alors qu’elle seule, dans la crise en cours, respecte à la fois le besoin de légalité et d’ordre, et l’indispensable légitimité démocratique de la volonté générale. Mais dans l’ensemble, hélas, la jubilation de narguer les uns et de manipuler les autres, et le calcul cynique, sont des explications bien plus probables au comportement de ceux qui nous dirigent.

L’extrême-gauche n’est pas romantique

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Les zadistes et les black bloc sont dangereux et pragmatiques. Après les violences extrêmes du weekend, autour d’une retenue d’eau à Sainte-Soline (79), le collectif écologiste des Soulèvements de la Terre, qui prône l’insurrection, est menacé de dissolution.


Candidat à sa première élection présidentielle, Emmanuel Macron débutait sa route vers l’Elysée en publiant à l’automne 2016 un essai qui obtint un certain succès. Son titre ? Révolution. L’ancien ministre de l’Economie du gouvernement Valls II se voulait alors le porteur d’un nouvel espoir, l’homme fort d’une « grande transformation comme ce pays n’en (avait) pas connu depuis l’invention de l’imprimerie et de la Renaissance ».

Il entendait dépasser tous les « clivages ». Mieux, les sublimer afin qu’advienne la « nécessaire refondation du pays ». Le dialogue social et la réforme de la fiscalité, censément revue et corrigée pour récompenser la « prise de risque », étaient alors au cœur de ce révolutionnaire en herbe désireux d’insuffler une praxis politique plus horizontale, débarrassée des oripeaux du passé de monarchie républicaine que trainait la France.

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Emmanuel Macron s’est pourtant rapidement ravisé. Oh, il s’est bien quelques fois exhibé en compagnie de Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, vieilles gloires sur le retour d’un Mai 68 mythifié, simplement vu par le prisme sorbonnard et oublieux de sa verve ouvriériste. Mais cela fait partie du jeu depuis l’époque Mitterrand. Comme l’a expliqué Guy Hocquenghem, il n’y a eu pour certains qu’un geste à faire pour troquer son col Mao pour la cravate club en usage au Rotary. La France aisée, qu’elle soit parisienne ou provinciale, a une forme d’affection coupable pour ses « révolutionnaires ». Elle n’aime rien tant qu’à célébrer Robespierre ou s’encanailler avec Cesare Battisti.

Bordeaux, 28 novembre 2020 © UGO AMEZ/SIPA

On connait la chanson

De fait, cela déteint sur une jeunesse elle-aussi éduquée dans le mythe, allaitée au sein par Louise Michel ou la rebelle Marianne. À telle enseigne que le Français, singulièrement le représentant politique, y compris de droite, oublie vite que les « libertaires » bakouniniens peuvent exister ailleurs que sur des images d’Epinal, être faits de chair et de sang comme leurs camarades de naguère qui assassinaient l’archiduc François-Ferdinand et déclenchaient ainsi la Première Guerre mondiale. La Bande à Bonnot était d’ailleurs un groupe anarchiste, ou, comme on disait dans le temps, une bande d’illégalistes.

Jules Bonnot se pensait légitime à agir contre des lois qu’il estimait injustes, tout à fait comme les membres actuels de la CNT, de la Révolution Permanente, des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline, ou comme ces blocs de gens venus d’horizons divers vêtus de noir pour casser et défier l’État. Quand l’homme avisé voit l’ultra-gauche de toujours, le politicien complaisant et inculte a trop longtemps vu le banal monôme étudiant. Leur point commun est de militer pour « l’abolition de la propriété privée », parfois même la « dictature du prolétariat ». Leur idéologie veut « abolir les frontières », « prendre aux riches », rendre la société « plus juste ».

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On connait la chanson. Pourtant, personne n’agit vraiment. L’extrême-gauche continue de bénéficier d’une forme de sympathie, comme si son rêve de grand soir ne relevait que d’un cirque folklorique, un rite de passage bruyant que nous simples citoyens devrions subir en silence. Reste que ces groupes passent à l’action, tyrannisent la rue, attaquent des policiers, vandalisent des propriétés privées, agressent gratuitement des adversaires politiques, tiennent le pavé la tête haute dans l’espoir qu’un jour peut-être le sort leur soit favorable.

Une complaisance permanente de LFI avec les violents

Ils auraient tort de se priver puisqu’ils sont le bras armé de l’extrême-gauche au parlement. La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, comme du reste certains syndicalistes, peuvent bien faire mine qu’ils n’ont rien à voir avec les blackblocs ; ils s’en servent pour mettre la pression et avoir des moyens de négociation. C’est la vérité et cela doit être dit. Ils en justifient les violences constamment en ne les condamnant jamais ouvertement, en regrettant simplement des débordements, alors que la pratique de l’émeute est systémique de leur camp politique. Pour l’heure, bien sûr, le danger d’une révolution n’est que de l’ordre de la science-fiction, mais nous pourrions toutefois connaître des années de plomb à l’italienne avec des violences politiques de moyenne intensité en permanence, entrainant des renoncements à des projets industriels et agricoles, des squats et occupations d’immeubles, voire des attaques d’écoterroristes et terroristes classiques.

La députée d’extrème gauche Mathilde Panot, Assemblée nationale, 18 juillet 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

S’il n’est pas possible de dissoudre les blackblocs, s’agissant d’une technique de regroupements dans les manifestations réunissant activistes comme marginaux, étudiants ou encore simples accros à l’adrénaline, il est tout à fait possible de porter une vigilance plus accrue sur les mouvements dits « antifas », la nébuleuse anarcho-syndicaliste et les écologistes radicaux. Encore faudrait-il pour cela que cesse la fascination malsaine pour le prétendu romantisme en rouge et noir de ceux qui n’ont pour rêve que le chaos. L’extrême-gauche n’est pas romantique. Elle est politique et pragmatique.

Quand l’éducation aux médias se mue en propagande déguisée

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La semaine de la presse et des médias, du 27 mars au 1er avril, entend aider nos enfants à «affronter la désinformation». Malheureusement, ce sont souvent des profs très idéologues qui assurent cette campagne de «sensibilisation», dispensable dans sa forme actuelle.


Du 27 mars au 1er avril, c’est la 34ᵉ semaine de la presse et des médias, dans les écoles, collèges et lycées de France. Une occasion annuelle, pour tous les professeurs volontaires – et il y en a ! – de prôner la pensée unique sous couvert de « former des citoyens libres et éclairés » (quelle contradiction !) et de taper joyeusement sur Bolloré et les médias privés, avec la bénédiction du ministère de l’Éducation nationale.

Objectif louable, exécution affligeante

Le thème de cette année ? « L’info sur tous les fronts ». Et pour bien l’aborder, le site internet officiel de l’Éducation nationale [1] propose un « dossier pédagogique » édifiant : au programme, des conseils pour « affronter la désinformation », ou « analyser le processus de captation de l’attention ». Il faut traduire, c’est de rigueur : car si les objectifs paraissent de prime abord plutôt raisonnables, la mise en pratique est, comme d’habitude, affligeante.

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« Affronter la désinformation », cela signifie « ne pas céder aux contradicteurs de la pensée unique » : ainsi, par exemple, le CLEMI (centre pour l’éducation aux médias et à l’information), qui est à l’origine de la séquence pédagogique, s’il constitue tout un premier dossier lié à la guerre en Ukraine (« Le journalisme de guerre aujourd’hui »), et analyse en long et en large la propagande russe – ce qui est parfaitement légitime –, ne donne que du bout des doigts des cas de désinformation ukrainienne (et encore: pour le principal, il s’agit de la vidéo truquée du parlement ukrainien montrant Paris sous les bombes, qui a toujours été clairement annoncée comme un montage). Il eût été louable, et particulièrement instructif, de démontrer qu’en matière de conflit armé entre deux pays, il faut toujours recueillir avec une extrême précaution les informations venant des deux belligérants. Même Franceinfo, le 26 février, trouvait nécessaire de consacrer un article aux mensonges ukrainiens [2]… Le rôle de l’école devrait être de développer l’esprit critique des élèves, et non de les désinformer, au nom de la désinformation pratiquée par une nation considérée comme ennemie ! L’histoire des conflits européens, et celle, encore plus récente, des conflits de la puissance américaine, nous ont pourtant bien assez appris à nous méfier des informations de guerre.

Pour analyser la galaxie Bolloré, une infographie de Libé et un documentaire de Mediapart

L’on pourrait s’attarder sur les pages 23 et 24 du dossier pédagogique, relatives à l’analyse du « processus de captation de l’attention » (l’on notera, au passage, l’utilisation d’un vocabulaire qui semble plus volontiers sortir d’une thèse de doctorat que d’un document à destination des instituteurs et des professeurs de collège et de lycée), dont l’objectif est de mettre en garde contre l’utilisation abusive des écrans. Mais passons directement au quatrième dossier : « Le journalisme sous pression » – la lecture en vaut la peine. L’on y trouvera, aux pages 27 et 28, deux séances passionnantes sur Vincent Bolloré et CNews, sous l’égide rassurante d’une infographie de Libération et d’un documentaire de Mediapart.

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Quelques exercices, évidemment neutres et d’une objectivité parfaite (d’autant que les professeurs, à n’en pas douter, sauront se souvenir qu’en qualité d’agents publics, ils sont soumis à une obligation de neutralité) sont proposés aux élèves autour de l’audition parlementaire de Vincent Bolloré… et de sa garde à vue, images à l’appui ! Et la séance de conclure : « On fait émerger la question de l’autocensure, forme de censure que l’on s’applique à soi-même sans injonction extérieure. » Excellente idée : et si l’on poursuivait ce questionnement avec celui de la censure du pouvoir exécutif, et notamment de la ministre de la Culture qui, à mots couverts, ne cesse de vouloir interdire la chaîne maudite ? Sans doute ne se priverait-elle pas, dans la foulée, de cacheter les lettres d’embastillement des animateurs, si l’on voulait seulement lui en laisser la possibilité !

Affiche pour la Semaine de la presse et des médias dans l’École, édition 2023

Les idées de Julia Cagé dans les têtes de tous vos mioches

Passons à la séance 3. « Étape 1 : l’enseignant présente le documentaire de Mediapart, Media Crash « Qui a tué le débat public ? », sorti en février 2022. » Si la consigne donne déjà des sueurs froides, la suite laisse pantois : « À cette occasion, il rappelle également en quoi consiste le travail d’investigation des journalistes : ce dernier s’appuie sur des faits et doit présenter des points de vue contradictoires. » L’on croirait à l’un de ces beaux articles du code de procédure civile : Edwy Plenel ou Élise Lucet, magistrats du siège indépendants et impartiaux, s’appuyant sur des faits et présentant des points de vue contradictoires ? – Allons ! à ces enquêteurs dont la devise est « partialité et subjectivité », la robe de procureur paraît bien mieux seoir ! « Étape 2 : les élèves visionnent l’extrait de ce documentaire qui évoque CNews et son changement de ligne éditoriale (vidéo 3). Ils reformulent l’affirmation des chercheurs, Alexis Lévrier et Julia Cagé, qui observent la présence croissante, sur CNews, d’invités politiques majoritairement de droite et particulièrement d’extrême-droite depuis la prise en main de la chaîne par Vincent Bolloré. » Tiens donc : l’on attendra que les journalistes d’investigation, entre deux reportages à charge sur le patronat, s’intéressent à l’utilisation abusive du concept d’« extrême-droite », et aux conditions de son emploi par les services publics de l’éducation et de l’information – en « s’appuyant sur des faits », bien sûr, et en « présentant des points de vue contradictoires ».

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J’en passe et des meilleures, je saute à la conclusion : « En étudiant les pressions auxquelles le journalisme peut être soumis, les élèves observent donc qu’il est important de questionner la concentration des médias et, dans certains cas, l’influence des propriétaires sur les rédactions. » L’Éducation nationale découvrirait-elle que l’idéologie influence le travail des journalistes ?… Celle des autres, bien sûr, pas celle du service public, qui, – c’est bien connu ! – est d’une neutralité impeccable. Le ministère et les rectorats, qui ont charge d’âmes, feraient bien de relire l’Évangile selon saint Matthieu, si ce n’est pas trop étouffer leur laïcité à géométrie variable, plutôt que de relayer ce genre de document dont l’objectif propagandiste est à peine masqué : « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! »

« L’info sur tous les fronts », bien sûr, n’est qu’un prétexte. L’Éducation nationale n’attend qu’une chose : que les élèves sachent, in fine, faire la différence entre, d’un côté, les journalistes du service public, – les gentils –, et, de l’autre, ceux des médias privés, – les méchants (i.e., d’extrême-droite). En somme, les bons journalistes, et les mauvais journalistes : l’on pourrait presque en faire un sketch… Certes, les « bons » ont bien des raisons de haïr les « mauvais » : car quand l’on constate que Cyril Hanouna sait mieux animer une émission de débat politique que n’importe quel professionnel du service public, l’on se dit que dans le camp des gentils, il y a décidément bien du progrès à faire…

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[1] https://www.clemi.fr/fileadmin/user_upload/SPME2023/SPME2023.pdf

[2] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html

Référendum en Ouzbékistan: Tachkent cherche son modèle de développement

Le 30 avril prochain, les citoyens d’Ouzbékistan, le pays le plus peuplé d’Asie centrale (36 millions d’habitants), seront appelés aux urnes pour s’exprimer sur une nouvelle Constitution.


Beaucoup de pays de l’ex-bloc soviétique ont mis du temps avant de se retrouver sur les rails de la modernisation et de la démocratisation. Héritages du communisme : la lourdeur de l’État et de la bureaucratie, le manque de dynamisme du secteur privé, l’autoritarisme. Après les indépendances des années 1990, il a fallu parfois attendre près de 30 ans avant de voir un véritable décollage. Parmi les pays d’Asie centrale qui montent, l’Ouzbékistan a engagé de nombreux chantiers depuis 2016 dans cette direction. 

Projet « Nouvel Ouzbékistan »

Comme nombre de pays en voie de développement, l’Ouzbékistan a dû avant tout  trouver tous les moyens pour doper la croissance de son économie et mettre en place des réformes de fond qui vont dans le sens du développement durable. Pour y parvenir, il faut une stratégie claire, des dirigeants et un État qui s’engagent dans cette voie. Cela a pris du temps en Ouzbékistan, mais les réformes mises en branle depuis sept ans semblent commencer à porter leurs fruits. Le pays est encore loin des standards internationaux et il devra maintenir le cap sur du long terme. 

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Malgré un net ralentissement des activités du pays pendant la pandémie en 2020, comme partout dans le monde, Tachkent a vu pour la première fois en 2022 son PIB augmenter de 80 milliards de dollars. Cette capacité de rebondir est due entre autres à une politique de décentralisation et de soutien au secteur privé. La pandémie a été un premier test réussi concernant la résilience du pays, lequel est l’un de ceux qui s’en sont le mieux sorti dans la région.  

Avec son projet « Nouvel Ouzbékistan », le président Mirziyoyev, au pouvoir depuis 2016, souhaite consolider et encourager les dynamiques déjà en œuvre. Il s’agit notamment de construire le véritable socle d’une économie prospère qui attire les investissements extérieurs : renforcer l’État de droit, mener une politique sociale plus équitable et renforcer la sécurité et la défense du pays dans un contexte international rendu encore plus compliqué, notamment par la guerre en Ukraine et le départ des Etats-Unis de l’Afghanistan voisin.  

L’Etat cherche à diminuer les écarts de développement sur l’ensemble de son territoire, désenclaver certaines régions et construire des infrastructures modernes prenant en compte les besoins, mais aussi les contraintes écologiques. En même temps, le gouvernement s’engage à améliorer l’offre de santé et d’éducation et à doter le pays d’un système de protection sociale de qualité.

Le gouvernement mise dans son processus de décentralisation sur l’échelon local. Il le fait avec des projets pilotes comme celui des « Quartiers numériques » et « Quartiers sociaux », des systèmes d’informations recensant l’ensemble des problèmes rencontrés par les citoyens dans leur rapport à l’Etat afin de tenter de rationaliser le traitement de ces dossiers et éviter autant que faire se peut des problèmes bureaucratiques.

Parmi ces projets, celui des « villages prospères », lesquels se développeront sur tout le territoire afin de doper le tissu régional. Un quart des Ouzbeks, qui rencontrent des difficultés quotidiennes, sont soutenus par l’État. Cela représente près de 2,2 millions de familles. L’année dernière, l’État a octroyé de nouveaux appartements à 50 000 familles, cette année 90 000, et dans les 2-3 prochaines années, 200 000 familles sans moyens devraient être logées par Tachkent. 

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L’éducation est aussi un chantier majeur – comme pour tout pays qui entend rejoindre les standards internationaux en matière de diplômes. Par conséquent, la formation des étudiants dans deux langues étrangères sera progressivement mise en œuvre dans les établissements d’enseignement secondaire de chaque ville. Ainsi, le français est déjà par exemple enseigné dans 76 écoles du pays (tout comme l’allemand), l’anglais dans 37, le coréen dans 10, le chinois dans six et le japonais dans trois. La France est donc bien positionnée pour devenir un acteur important dans la formation des futures élites économiques et techniques et ainsi jouer un rôle dans le pays à l’avenir.

Mais la compétition est rude… Des établissements d’enseignement professionnel seront créés en collaboration avec la Commission européenne, la Société allemande de coopération internationale (GIZ), la banque KFV, l’ambassade de Suisse en Ouzbékistan et la Fondation EDTSF de Corée du Sud…

Pollution et gestion de l’eau, deux problèmes majeurs du pays

L’Ouzbékistan est riche en minéraux, en gaz, en pétrole et en uranium. Cela représente les ¾ de ses exportations. Ces industries sont polluantes et le pays souhaite faire évoluer son économie vers une transition énergétique, en généralisant notamment l’utilisation de l’énergie solaire. L’objectif visé : 60 % de la consommation énergétique des bâtiments publics du pays produite par l’énergie non carbonée en 2026.

Le pays est aride et comme beaucoup d’autres dans la région, il manque d’eau. Dans le cadre des réformes en cours, des mesures d’urgence ont été prises pour réduire les pertes naturelles dans l’approvisionnement, grâce à la mise en place d’un système continu de gestion des ressources en eau et aux technologies numériques permettant de rationaliser les allocations d’eau à l’agriculture.

Avec une croissance de 1,6% en 2020 et près de 5% en 2022, le pays commence à recueillir les fruits d’une stratégie entreprise en 2016, focalisée sur la modernisation du pays, la diversification de l’économie et la construction d’un Etat de droit. Dans tous ces domaines, la France a une carte à jouer surtout car l’Ouzbekistan est un pays stable, avec un potentiel humain et économique considérable.   

L’aigle et le dragon

Nixon in China, le premier opéra du compositeur américain John Adams, à l’Opéra Bastille


Voilà qui tombe à pic. A l’heure même où se précise le danger d’un nouvel affrontement entre l’Oncle Sam et l’Empire du Milieu, la scène lyrique parisienne ranime, sous les auspices du « pape » américain du minimalisme musical John Adams (né en 1947), la fameuse visite, à Pékin, en février 1972, du président Richard Nixon à Mao Tse-tung, tandis que la guerre du Vietnam n’en finit pas de durer.  

Il neigeait. Alors au faîte de sa puissance, Nixon était accompagné de Pat, son épouse, et flanqué de l’éminence grise du régime, Henry Kissinger. Côté chinois, il y avait Zhou Enlai, le Premier ministre, et Jiang Qing, Première dame du Grand Timonier. Rencontre historique, donc, immortalisée par le compositeur originaire du Massachusetts, avec Nixon in China, son premier opéra, dont l’idée lui fut inspirée par le célèbre scénographe Peter Sellars. L’œuvre sera créée à Houston, au Wortham Theater Center, en 1987. Ainsi ces personnages (outre les trois femmes secrétaires de Mao, chantées par des mezzo-soprano) sont-ils au premier plan du merveilleux livret écrit par la poétesse Alice Goodman. C’est également à elle que John Adams devra le livret de son second opéra, The Death of Klinghoffer (1991).

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Nixon in China se ressent encore clairement de l’influence d’un Philip Glass, le compositeur de Einstein on the Beach (1976), tellement détesté, en Europe, par un Pierre Boulez et ses thuriféraires, lesquels affichaient un mépris intransigeant pour le formalisme répétitif de cette musique coloriste et anti-sérielle au tempo immuable. Mais justement, celle de John Adams, en cela d’une richesse stylistique incomparable, parvient à s’émanciper de la rigidité minimaliste d’un Steve Reich, par exemple, en incorporant à sa pulsation un lyrisme mélodique luxuriant, qui puise à foison dans le jazz tout autant que dans la tradition post-romantique du Vieux continent. C’est tout particulièrement vrai du dernier acte de Nixon in China, qui se resserre sur l’intimité de Richard et de Pat, de Jiang et de Mao, et s’achève, dans un remarquable accomplissement poétique, sur la mélodie vocale de Zhou s’interrogeant: « Dans tout ce que nous avons fait, qu’y a-t-il eu de bien ? Tout semble se jouer hors de portée de nos remèdes. »

Autant dire que Nixon in China n’a rien d’un hymne patriotique à la gloire de l’Amérique. Bien plus subtilement, sur cette texture harmonique d’une expressivité allègre, l’opéra désacralise ouvertement les figures de l’Histoire, sans grands égards pour leur aura mythologique, les dépouillant de tout panache pour ne plus ressembler qu’à des êtres humains alignant faux-semblants, formules creuses, phraséologie faussement conciliatrice, trivialités révélant leur fatigue, leur vulnérabilité, leur solitude individuelle. Si, sous les lèvres de Nixon, « l’Histoire est notre mère », pour Mao elle « est une salle truie : si par chance nous échappons à son groin/ elle nous écrase ». Livret versifié qui, par la bouche de Pat, à l’occasion dira la fragilité des destins : « Sur ce banc/ là – bas, nous nous reposerons en savourant le fruit/ de toutes nos actions. Pourquoi regretter/ cette vie qui ressemble tant à un rêve ? ».    

Créé en France à la MC93 de Bobigny en 1991, repris en 2012 au Théâtre du Châtelet, cet opéra magnifique fait son entrée à l’Opéra de Paris sous les meilleurs auspices, sous la baguette du grand maestro d’origine vénézuélienne Gustavo Dudamel à la tête de l’excellent Orchestre et Chœurs de notre Opéra national de Paris. Standing ovation plus que méritée, au tombé de rideau de la première, ce 25 mars, en présence du compositeur, après une bonne dizaine de rappels !  

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Il est vrai que tout, dans ce spectacle, rayonne. À commencer par la mise en scène, signée de l’ardente et toute jeune (elle est née en 1972) portena Valentina Carrasco : au premier acte, une imposante bibliothèque emprisonne dans un trompe-l’œil les conciliabules entre dirigeants, plateau redoublé, en sous-sol, par une vraie geôle-bibliothèque pleine d’ouvrages censurés, ceux-là, qui serviront d’ailleurs de bois de chauffage à l’auteur du Petit livre rouge ; apparition des chœurs dans la salle des fêtes : en référence à la « diplomatie du ping-pong », on y verra se jouer une partie bien réelle de tennis de table opposant, entre autres, Mao et Kissinger ; imposant et stylisé, descendu des cintres, l’aigle yankee affronte un superbe dragon de tulle rouge, dans les replis duquel un instant se lovera Pat Nixon ; un féérique ciel de flocons blancs s’immobilise dans le soir ultime du dernier acte…

Radieusement inventive, une poésie lumineuse, subtile, souriante quoique traversée d’une ironie amère, habite de part en part cette régie délectable entre toutes, magnifiée qui plus est par des voix (et des chœurs) exceptionnels. Renée Fleming, surpasse tout ce qu’on pouvait attendre de la diva âgée de 64 ans, au timbre intact, époustouflant dans le rôle de Pat. Les traits du baryton américain Thomas Hampson (67 ans !) investissent de sa présence sans égal la figure du président Nixon. Last but not least, tous faisant leur entrée à l’Opéra de Paris, le solide ténor américain John Matthew Myers dote Mao d’un éclat incomparable ; le baryton (natif de Shanghai mais parti étudier aux States) Xiaomeng Zhang incarne Chou En-lai avec un vibrato sensationnel, chaleureux, dans un phrasé aux nuances impeccables ; l’Australien Joshua Bloom met sa voix de basse au service d’un Kissinger parfaitement crédible ; la soprano Kathleen Kim et les trois mezzo Yajie Zhang, Ning Liang et Emmanuela Pascu, pour camper les trois secrétaires du Timonier, complètent une distribution décidément hors pair.

Nixon in China, à l’Opéra national de Paris. Le président Nixon, accompagné de sa femme, visite Pékin. © Christophe Pelé / Opéra national de Paris

À noter, incrusté au cœur du spectacle comme l’irruption soudaine de l’atrocité communiste, un extrait du documentaire de Murray Lerner sur la venue d’Isaac Stern en Chine, From Mao to Mozart, fait du témoignage bouleversant d’un musicien de formation classique, rescapé de la Révolution culturelle… Comme quoi le lyrique ne sera jamais que la métaphore sublimée du réel.        


Nixon in China. Opéra en 3 actes de John Adams (1987), sur un livret d’Alice Goodman. Avec Thomas Hampson, Renée Fleming, Xiaomeng Zhang, Joshua Bloom, John Matthew Myers, Kathleen Kim. Direction: Gustavo Dudamel. Mise en scène: Valentina Carrasco. Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris. Durée : 3h.

Opéra Bastille, les 29 mars, 1, 4, 7, 12 avril à 19h30 ; 10, 16 avril à 14h30. Durée : environ 3h.

Masculinité: une ligne à franchir, ou pas

Dans notre métier, il y a des gardiens de phare les yeux rivés sur l’horizon pour nous alerter quand une vague va déferler sur nos côtes. Une de ces vigies 10/10 à chaque œil a vu se former en partance de Californie une lame, possiblement de fond, poussée par un influenceur, un certain Rivelino. Le nom de sa vague: la Ligne Verte.


Seriez-vous tenté par ce genre de sujet idiot? Bigre. Si c’est idiot, j’ai une certaine légitimité à le traiter. Je ne parle même pas de mes capacités. Mon bon aiguilleur du ciel non-gréviste me joint un lien. Le sujet: “La Ligne Verte”. Oh putain, je vais encore me charger la capuche avec la dernière lubie de ces allumés d’écolos. Pas du tout. C’est une ligne tracée par un influenceur, Rivelino, qui détermine d’après photos de people en couple, qui porte la culotte, qui va faire marron l’autre, qui est une fiotte et qui est sévèrement burné. Rivelino fait avec ses conneries la Une de Newsweek, est accusé de vulgarité extrême et met en crise noire toutes les associations de hyènes de garde. Idiot, vulgaire, c’est pour moi.

La Ligne Verte kézako. Petit avant-propos. La Ligne Verte est un film américain de 1999, un petit chef-d’œuvre avec Tom Hanks et surtout Michael Clarke Duncan, un acteur black génial. Un film à mettre KO le plus engatsé des partisans de la peine de mort. Rien à voir avec la ligne qui nous concerne, je digresse. Rivelino. Le pseudo n’est pas choisi au hasard. C’est le nom d’un joueur de foot brésilien des années 70. Une légende. Il avait la foudre dans son pied gauche et avec sa moustache morse incarnait le machisme latino dans toute sa splendeur. Pas le style de Brésilien que l’on croise au… merde, je digresse encore. Bon, notre Rivelino aux pieds d’argile mais gros malin devant la twittosphère est désigné par la presse US inventeur de la Green Line. Il cumule, depuis, les abonnements, les pépettes et les condamnations de la meute des Roussettes (version française des néo-féministes) en mal d’oisiveté. Le principe de son “invention”: sur la photo du couple, celui qui se penche vers l’autre est une couille molle soumise à celui qui se tient droit. Il finira largué, trompé, humilié etc… Celui qui se penche est affublé d’une ligne verte en pointillé, celui qui se tient droit d’une ligne verte continue. Pas de quoi mettre un anar de droite sur la béquille mais cette époque est fort étrange.

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Exemples. Un paquet de photos de Trump flanqué de bimbos qui se penchent sur l’homme orange comme une chatte sur ses croquettes. Pas de photos de Macron avec Trump, pourtant il y avait de la matière verte à faire en pointillés. Une photo de Will Smith assis à côté de sa femme. Lui les jambes croisées et les mains pudiquement posées sur son entre-jambes devant un photographe offensif. Son épouse, une pouf même pas belle mais top vulgaire, écarte ses jambes devant l’objectif. Et c’est elle qui se prend la ligne verte continue, celle du patron, et Will se ramasse les pointillés du micheton de service. T’inquiète Will, si elle te largue c’est tout bénef, c’est un tapin ta femme. Rivelino sur ce coup tu es un con.

Une autre. C’est Rihanna qui marche et derrière son mari qui la suit. Évidemment, suiveur=toutou=deuxième=bientôt plus seul qu’une Borne ou un Dussopt dans un désert médical. Donc le mec à la star se prend plus de pointillés dans la tronche qu’un gendarme de caillasses à la Super-Bassine. Et c’est là que je m’inscris en faux. Ce type a la gonzesse qui a certainement un des plus beaux culs au monde. Et y veut quoi ce con de Rivelino. Qu’il marche 6 mètres devant?

Bref. La Ligne Verte est la dernière couillonade made in America. Et n’intéressera que les casse-couilles “enmeetooflées” dans leur camisole idéologique.

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Où va la France?

Ce qui se passe en France depuis quelques semaines dépasse l’entendement et rend l’indignation trop tiède...


Je ne parle pas de la démarche erratique d’un gouvernement et d’un pouvoir qui, à force de contradictions d’un jour à l’autre, selon l’appréciation du rapport de force, refusent puis acceptent, durcissent puis cèdent, méprisent puis flattent et sont en réalité dépassés par ce qu’ils ne savent plus maîtriser. Nous sommes saisis par l’incroyable libération d’une violence collective n’éprouvant même plus le besoin de prendre pour prétexte un ressort politique mais seulement soucieuse de servir une finalité destructrice, mortifère. Je suis lassé d’entendre, face à ces déchaînements d’une intensité inouïe, un savoir se contentant de nous expliquer doctement que le passé avait connu les mêmes péripéties, comme, par exemple, Alain Bauer à l’Heure des pros du 27 mars, ou un relativisme cherchant à nous faire accroire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et qu’au fond rien n’est grave puisque tout a déjà eu lieu.

Partialité effrayante des médias après les désordres à Sainte-Soline

Pourtant – sur ce point, Alain Bauer admettait la triste originalité -, une rupture radicale s’est produite quand on est passé de la résistance à la police dans l’exercice légitime de ses missions, à la volonté de s’en prendre à elle en l’attirant par exemple dans des pièges parfois mortels. Les malfaisants ont pris l’initiative d’incendier, de frapper, de blesser délibérément les policiers par haine obsessionnelle de l’ordre qu’ils ont à défendre. Bien au-delà de la police, cette hostilité organisée a été mise en œuvre contre tous ceux qui avaient pour charge d’assurer des missions officielles de secours, d’assistance, de sauvegarde, de représentation ou des actions médicales; contre la France de la solidarité, administrative et salutaire.

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Il me semble que des basculements terrifiants peuvent être constatés qui renvoient l’argument sur le « rien de nouveau » à une banalité dont la visée est de noyer aujourd’hui dans hier, pour le sous-estimer. Si la violence singulière et collective a toujours existé au fil des temps, si, en particulier, elle a souvent été complaisamment évoquée dès lors qu’elle s’assignait un but subversif, ses modalités ont pris un tour de plus en plus odieux, notamment en ce qu’il révèle une totale indifférence à l’égard de la vie humaine. Le transgresseur ne s’assigne plus aucune limite et est d’autant plus conforté dans sa cruauté cynique que le climat général politico-médiatique ne lui oppose qu’une faible contradiction quand ce n’est pas une complaisance scandaleuse.

Manifestation « Bassines non merci » à Sainte-Soline, le 25 mars 2023 © Ugo Amez/SIPA

On n’a jamais en effet connu une telle perversion des valeurs, un bouleversement aussi radical du licite et de l’illicite. Des élus participent à des manifestations interdites et loin d’en éprouver un peu de contrition, un zeste de mauvaise conscience, ils osent justifier leur présence en invoquant un quelconque contrôle de leur part quand, au contraire, excipant de leur qualité, ils attisent les tensions et légitiment le pire. Ce n’est pas d’aujourd’hui certes que le « révolutionnaire » a bonne presse dans notre pays mais dorénavant le deux poids deux mesures atteint des proportions inédites. L’extrême gauche et sa fureur permanente, son agitation frénétique ne tolérant pas une once de concorde, bénéficient, derrière le discours superficiellement critique, d’une sorte d’adhésion, de validation déférente, de retenue républicaine, comme si la volonté de subversion, de détestation du capitalisme avaient droit de cité même dans les démocraties les plus certaines d’elles-mêmes. Quand il y a Eric Zemmour pour dénoncer à juste titre Jean-Luc Mélenchon comme le responsable, pour lui exclusif, des désordres et violences récents, combien peu ont stigmatisé son « la police tue » et la propension de ses soutiens et de sa mouvance à ne tolérer la police que si elle est agressée ou impuissante.

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À consulter l’ensemble des médias le lundi 27 mars, on est effaré par la partialité effrayante qui, notamment sur France Inter, Libération et Mediapart, cible les « violences policières » à Sainte-Soline en oubliant la masse de ceux qui, armés diversement, n’avaient que l’envie d’en découdre pour manifester leur opposition à ce « gouvernement de salopards ». On n’ose imaginer ce qui serait advenu s’il n’y avait pas eu ces 4 000 grenades de désencerclement tant vilipendées, de la même manière que ces BRAV-M dont la suppression est demandée précisément parce qu’elles sont nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public et aux interpellations trop rares et judiciairement guère exploitées.

Une rupture radicale est souhaitable

À cause de l’impossibilité de l’individualisation de la preuve à l’encontre de ces groupes, la Justice est désarmée, alors qu’il conviendrait de sanctionner ces entreprises collectivement violentes – tous étant co-auteurs. Le fonctionnaire de police, s’il est auteur d’une violence illégitime, est immédiatement incriminé. Il n’est pas protégé, lui, par une masse qui le rendrait invisible. La rupture radicale qui serait souhaitable pour qu’on n’ait plus à choisir entre la démocratie ou la honte représente une différence nette avec le passé. Ce dernier permettait des retouches, des aménagements, des modifications ou des suppressions ici ou là et ces révisions partielles étaient opératoires.

Tandis qu’aujourd’hui, avec un État régalien qui prend l’eau, une Justice moins laxiste que débordée et parfois idéologiquement gangrenée, une police présumée si vite coupable, une part d’élus dégradant une République en osant affirmer qu’elle la sert, un pouvoir dont l’exemplarité fait défaut, des médias plus intéressés par le mensonge qui provoque que par la vérité banale, il faudrait tout changer pour qu’on puisse espérer le salut. Il n’est plus la moindre entreprise de restauration ou de redressement qui pourrait se dire autonome, indépendante des autres. Tout se tient. Il faudrait une révolution digne et humaniste. Et courageuse. N’était-ce pas le titre du livre d’Emmanuel Macron, publié avant qu’il devînt président ? Comme c’est loin et oublié !

Juan Branco: le chaos très au point

Le ténor du barreau publie un nouvel essai, Coup d’Etat (Au diable vauvert, 30 mars), présenté comme un manuel d’insurrection. Mais malheureusement pour notre jeune révolutionnaire, sa prose fait plus penser à Damien Saez qu’à Malaparte…


Ecouter les interventions de Juan Branco, sur ThinkerView ou sur TV Libertés, c’est un peu se retrouver dans la peau des personnages de Philipp K. Dick qui, enterrés dans les profondeurs de la Terre à l’abri des radiations nucléaires, finissent par faire un tour à la surface et découvrent le luxe dans lequel vivent les derniers humains restés tout là-haut…

Boxeur de salon

Pur produit du microcosme parisien, installé sur l’Île Saint-Louis, en plein cœur de la Matrice, Juan Branco nous raconte, dans ses passages sur ces chaines YouTube, les origines supposément troubles de la fortune de Xavier Niel ou de l’obtention de la construction du nouveau Tribunal de Paris par Bouygues. Aussi, c’est non sans gourmandise que nous attendions son nouveau livre, sobrement intitulé Coup d’État...

Envolées lyriques et rimes en «é»

Se présentant comme l’ancien avocat des gilets jaunes, de Julian Assange et de Jean-Luc Mélenchon (il aurait même rencontré certains d’entre eux !), Juan Branco est bien décidé à faire trembler l’oligarchie nationale et mondiale. Annoncé en février dernier, l’ouvrage prend un écho un peu particulier en cette fin mars 2023, alors que le mouvement contre la réforme des retraites bat son plein.

D.R.

Coup d’Etat est divisé en trois temps. La première partie, dans un style lyrique – trop – voire amphigourique, présente un texte qui est une succession de petits paragraphes rimant en « é » (« Jeunesse et vitalité absentes, exclues de tout, saturées de cris jamais portés, qui disent:/ Laissez-nous exister !/ Partout, des victimes, laissées à l’abandon en des paysages dévastés./ Nous défaire de notre allergie à cette notion qu’est le pouvoir consiste à accepter la damnation qui habite toute société humaine. À prendre au sérieux les cris qui sont portés » et ainsi de suite, sur plusieurs paragraphes), si bien que le lecteur se demande s’il ne s’est pas davantage retrouvé dans une chanson de Damien Saez plutôt que dans La Technique du Coup d’État de Curzio Malaparte. Pourtant, à le lire, Branco refuse tout romantisme naïf. Il désigne avec un excès de métaphores des stratégies de classe. Il voit l’État comme « une idée archaïque qui ne fait que sombrer », mais veut quand même récupérer une souveraineté. Il y a même quelques accents quasi gaulliens (« Nous avons besoin d’un pays qui non seulement demeure, mais retrouve sa grandeur. Des critères objectifs permettent de le justifier, et d’arguer que la permanence de notre civilisation, de tout ce qu’elle a permis d’accumuler, n’est pas que caprice ou affaire de pur intérêt, et justifie qu’un effort collectif soit mené ») et l’on croit reconnaître Du Bellay quand il évoque la France (« Où es-tu, France, toi qui est montée jusque l’idée, construisant un rapport au Tout, devenant chose, entrant en rapport avec les divinités, où es-tu et que tu désires-tu ? »). Interdit de rigoler: on parle de la France, quand même !

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Bons tuyaux révolutionnaires

Dans un deuxième temps, Branco propose trois voies pour parvenir à nos fins: les élections, le coup d’État ou la révolution. Pour les élections, on comprend bien vite que c’est un piège à cons, dans laquelle la France insoumise serait tombée. Jean-Luc Mélenchon est qualifié de « parlementaire d’un certain âge, apparatchik que l’on pensait fat et satisfait, ayant passé 30 ans à se nourrir aux frais de la princesse » ; on a connu avocats plus aimables avec leurs anciens clients. Il faut reconnaître que la plume de Branco s’améliore lorsqu’elle se charge de fiel, évoquant la bourgeoisie, et notamment « un mariage bourgeois dans le centre de Paris » où l’auteur doit « supporter le défilé des visages atteints par le lucre et le stupre, l’insuffisance mentale et physique »… Branco n’est pas toujours tendre avec les gens politiquement les moins éloignés de lui, par exemple François Bégaudeau, François Ruffin et le comité invisible.

Envahir la Villa Montmorency et Monaco

On comprend donc vite qu’il vaut mieux miser sur le coup d’État ou la révolution. Dans la troisième partie, Branco développe donc sa stratégie – ce qui permet au livre d’enfin mériter son sous-titre : « manuel d’insurrection ». Il propose aux successeurs des gilets jaunes d’attaquer les préfectures, d’y prendre en otages quelques haut-fonctionnaires, de piquer des armes dans les polices municipales, de saccager les archives et les stocks de données, de rallier au mouvement policiers et militaires, d’arrêter les résidents de la Villa Montmorency, d’envahir Monaco – le Général de Gaulle n’aurait pas complètement désapprouvé. Il nous glisse sur plusieurs pages ses bons tuyaux révolutionnaires en proposant une géographie complète des câbles de fibre longue distance à débrancher le long des plages bretonnes ou sur la dune du Pilat.

Homme de l’intérieur du système, Branco connaît les failles des portes d’entrée des ministères. Ça va faire quand même beaucoup de conjurés dispatchés sur tout le territoire… « Qu’est-ce qui a manqué [lors du mouvement des gilets jaunes] ? La possibilité d’offrir une alternative crédible, des négociateurs porteurs, non d’un discours cohérent – le nôtre l’était – mais suffisamment proches – c’est toujours, malheureusement, le paradoxe – des lignes hiérarchiques ennemies pour balayer les hésitations de ceux qui nous enfaçaient (sic) ». Comme par hasard, avec son pedigree, Branco répond parfaitement au profil recherché…

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Moldavie-Roumanie: vers la réunification?

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Dans la matinée du 27 mars, la présidente moldave Maïa Sandu a promulgué une loi entérinant le changement de langue officielle de la petite république, supprimant ainsi toute référence au moldave. 


Les thuriféraires de la mesure estiment en effet cette dénomination fort impropre, n’étant en réalité autre chose que du roumain ne différant aucunement de celui des locuteurs d’outre-Prout, tandis que ses opposants dénoncent déjà une concession faite à l’Occident, voire une propédeutique à une annexion du pays par Bucarest. Au cœur de l’épineuse question se trouvent les liens historiques, culturels et linguistiques qui unissent ces deux pays. 

Tentative de forger un peuple distinct à l’issue de la Seconde Guerre mondiale

De fait, l’utilisation de l’ethnonyme n’est pas prise à la légère dans la petite république de 2,6 millions d’habitants à l’histoire aussi mouvementée que complexe. Si la Moldavie fut de 1359 à 1859 l’une des trois principautés constitutives du futur Royaume de Roumanie, et forme encore l’une des trois grandes régions traditionnelles du pays dans sa partie occidentale, l’Etat moldave actuel doit sa genèse à l’URSS. Celle-ci n’avait en effet pas supporté la perte de ses territoires bessarabes et avait créé en 1924 une « République Socialiste Soviétique Autonome Moldave » sur le territoire ukrainien afin de préparer les esprits à la conquête de la région, ce qu’elle fera effectivement vingt ans plus tard à l’issue du second conflit mondial. Outre l’imposition de ce nom pour tenter de forger un peuple distinct, Moscou en avait alors profité pour peupler la zone orientale par des populations russes afin de l’ancrer plus profondément dans son giron.

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Avec l’indépendance de 1991, l’idée d’une éventuelle unification entre la Moldavie et la Roumanie suscita l’intérêt des spécialistes de la politique internationale. Régulièrement évoquée dans les médias et alimentant les discussions entre les gouvernements et les citoyens des deux pays depuis trente ans, la thématique n’a toutefois jusqu’ici débouché sur rien de concret. Toutefois, le peuple moldave a affirmé jusqu’ici sa volonté d’indépendance, notamment lors du référendum de 1994, tenu il est vrai sous la pression sécesionniste de l’entité transnistrienne et des armées russes.

La Roumanie a rejoint l’U.E. en 2007

Depuis la chute du régime soviétique, la Moldavie a toutefois cherché à se rapprocher de l’Union européenne et à se libérer de l’influence russe, notamment par le biais de l’l’Union européenne (U.E). De son côté, la Roumanie a rejoint l’U.E en 2007 et a pris une position ferme en faveur de l’intégration européenne de sa petite voisine, sans que la situation ne semble progresser davantage. On sait la présidente Sandu très européanisante, positionnement encore accru avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine le 22 février dernier. Beaucoup à Chisinau craignent en effet d’être la prochaine proie de l’agression russe, ce qui s’est vu par les nombreux appels de la présidente, qui exprime régulièrement sa crainte d’une déstabilisation en provenance du Kremlin. L’union avec la Roumanie permettrait ainsi de court-circuiter les circuits traditionnels, dans ce pays où près du quart de la population possède déjà un passeport roumain.

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Cependant, l’unification des deux pays est un sujet complexe qui soulève de nombreuses questions et préoccupations. Aux questions de la souveraineté de la Moldavie et de la volonté de ses citoyens se superposent les problèmes économiques et sociaux que la Moldavie doit résoudre avant de pouvoir envisager une quelconque union. Enfin, il serait étonnant d’obtenir pour ce faire une position accommodante du Kremlin, qui considère la Moldavie comme faisant partie de sa sphère d’influence, et ce, d’autant plus du fait de la présence d’une minorité russophone en Transnistrie, de facto indépendante. 

Mais les équilibres bougent beaucoup depuis un an, et ce qui semblait ne jamais pouvoir arriver il y a peu est désormais perçu comme une possibilité par certains. 

Si le chemin vers une telle union est long et semé d’embuches, la première pierre vient peut-être d’en être posée.

«Clause du grand-père»: l’inquiétant renoncement du gouvernement

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Des syndicalistes bloquent un dépôt de la RATP à Asnières (92), décembre 2019 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Ce sera toujours aux jeunes générations d’éponger les déficits liés au maintien de ce privilège anachronique, dans les prochaines années, dénonce Benoît Perrin, le directeur de «Contribuables Associés», association regroupant 350 000 contribuables en France.


La réforme des retraites a le mérite de prévoir une mesure attendue de longue date par les Français attachés à l’équité et à une gestion saine de nos finances publiques: la disparition des régimes spéciaux pour les agents de la RATP, d’EDF, de la Banque de France, ou encore du CESE.

Cependant, leur enthousiasme doit être rapidement balayé: cette mesure s’accompagne d’une injustice flagrante, en prévoyant la fameuse « clause du grand-père ». À compter du 1er septembre 2023, seuls les nouveaux entrants sur le marché du travail devront intégrer le régime universel de retraite. Les autres, quel que soit leur âge ou leur ancienneté, bénéficieront toujours du calcul spécifique des droits ainsi que de l’âge de départ plus précoce.

Pour le dire simplement, cela revient à repousser d’au moins 40 ans les effets de la réforme. Voire plus: d’après le directeur général de la caisse de retraite des personnels de la RATP, un retraité toujours de ce monde perçoit sa pension depuis… 1952 ! Ainsi, les précieuses économies attendues de cette réforme n’apparaîtront définitivement que dans 70 ou 80 ans, lorsque le dernier ayant droit des régimes spéciaux aura disparu.

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Pourquoi attendre 2066 pour que les agents concernés partent aussi à la retraite à 64 ans – et avec de meilleures pensions en moyenne ? Au nom de quoi un tel privilège est-il maintenu? D’après les syndicats, ces avantages feraient partie du « contrat social » passé entre les agents et leur employeur à la date de leur embauche. « On ne change pas les règles en cours de route » abonde Olivier Véran.

Dès lors, pourquoi est-ce que les règles devraient changer pour tous les salariés, hormis pour quelques privilégiés protégés par leur statut et assurés d’une rente à vie ? Qu’est-ce qui différencie ces agents des autres salariés qui n’avaient certainement pas prévu, au moment de leur embauche, de travailler deux ou quatre ans de plus ? Pourquoi, a minima, ne pas envisager une solution de moyen terme permettant une extinction progressive des régimes spéciaux?

Au-delà de l’évidente injustice de cette mesure, il faut rappeler le coût de cette clause pour les finances publiques. Si l’on veut bien se donner la peine de regarder les chiffres, on se rend bien vite compte des sommes faramineuses payées par l’État – et donc par les contribuables – pour maintenir ces régimes.

Prenons le cas de la SNCF, où la « clause du grand-père » s’applique depuis déjà trois ans. À la suite de la réforme ferroviaire du premier quinquennat Macron, seuls les cheminots recrutés depuis 2020 n’ont plus le droit au régime spécial. Chaque année, l’État verse une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots, afin de financer les dispositifs de départ anticipés et l’écart démographique entre cotisants et retraités. En 2021, son coût budgétaire était de 3,3 milliards d’euros. En multipliant ce chiffre par les 40 années durant lesquelles les cheminots ne seront pas dans le régime universel, on parvient à un coût de 130 milliards d’euros pour le contribuable!

À ce chiffre, il faut ajouter le montant de la cotisation employeur T2 visant à financer les droits spécifiques de retraite du régime spécial, pour un coût de 600 millions d’euros annuels. Rapportée sur 40 ans, cette dépense supplémentaire revient donc à 24 milliards.

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Ainsi, en évitant l’extinction immédiate du régime spécial des cheminots, l’exécutif avait déjà lesté les finances publiques d’une dépense supplémentaire (et injustifiée) de 154 milliards d’euros [1] – sans même prendre en compte l’inflation!

Le coût de cet injustifiable cadeau est donc facilement calculable. Dans leur vaste majorité, les Français rejettent ce système à deux vitesses. Dès lors, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas le courage politique d’aller jusqu’au bout de sa réforme ? La réponse est simple : ces régimes coûteux et injustes profitent essentiellement à du personnel capable de bloquer les transports ou de couper l’électricité.

À ces concessions inouïes s’ajoute d’ailleurs le maintien pour tous les agents de conditions très favorables. À titre d’exemple, le gouvernement a choisi de ne pas repousser de deux ans l’âge auquel les conducteurs et les agents de sécurité de la RATP peuvent prendre leur retraite à taux plein : 57 ans – soit l’âge d’annulation de la décote [2].

La droite sénatoriale avait prévu de rétablir l’équité entre les Français. Cependant, elle ne sera pas allée au bout de son projet pour éviter l’obstruction de la gauche. Dès lors, le gouvernement et le parlement ont entériné un système qui maintient deux catégories de salariés, au prix d’un coût déraisonnable pour nos finances publiques. La clause du grand-père constitue enfin une profonde fracture intergénérationnelle : dans les décennies à venir, ce sera aux jeunes générations de continuer à éponger les déficits liés au maintien de ce privilège anachronique pour les plus anciens.


[1] Les 130 milliards d’euros de subventions d’équilibre sur 40 ans + les 24 milliards supplémentaires de cotisations employeur T2 à combler NDLR

[2] https://www.usinenouvelle.com/article/la-fin-de-son-regime-special-de-retraite-pose-un-probleme-d-attractivite-a-la-ratp.N2087081

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Emmanuel Macron n’est pas maladroit: il le fait exprès!

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Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Bruno Le Maire à l'Élysée le 12 décembre 2022 © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

L’arrogance n’est pas quelque chose qu’Emmanuel Macron laisse transparaître par maladresse…


Depuis le discours du 22 mars, on entend nombre de commentateurs, pourtant peu suspects de sympathies macronistes, déplorer la « maladresse » de la communication présidentielle. C’est oublier un peu vite la personnalité de celui qui a dit « qu’ils viennent me chercher » et « j’ai très envie de les emmerder, donc on va continuer à le faire » – le point clef n’étant évidemment pas « emmerder » mais « j’ai très envie, donc », c’est-à-dire le fait du prince dans ce qu’il a de plus capricieux. C’est oublier, aussi, cette remarque cinglante de Coluche : « Les hommes politiques, j’vais vous faire un aveu, ne sont pas bêtes. Vous vous rendez compte de la gravité ? Ils sont intelligents. Ça veut dire que tout ce qu’ils font, ils le font exprès. »

Narguer la foule

Emmanuel Macron ne serait pas devenu président de la République sans un minimum d’intelligence et de sens politique : il y a, pour ce poste, nettement plus de candidats que de lauréats… Il est donc très probable que si la quasi-totalité des observateurs de la vie du pays ont remarqué que ses interventions ont presque systématiquement pour effet d’attiser les colères et d’amplifier les crises, lui-même s’en est également rendu compte. Alors pourquoi ?

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D’abord, il y a l’hubris en toile de fond. « Qu’ils viennent me chercher ! » Le prince se pense intouchable, et rejette la responsabilité de ses échecs et de la détestation qu’il suscite sur des ministres qu’il méprise d’autant plus qu’ils n’osent pas lui dire ses quatre vérités. Emmanuel Macron se ment-il à lui-même, croit-il vraiment qu’Élisabeth Borne est responsable ? Il est bien plus probable que, moderne Caligula parlant de nommer son cheval consul pour provoquer les sénateurs et leur faire sentir leur impuissance, il s’enivre de pouvoir tout se permettre sans risque, et jouisse de narguer la foule depuis l’abri de sa fonction et de la force publique. Ce qui est sûr, c’est que la personnalité d’Emmanuel Macron est un élément déterminant de ce qui se joue. La lettre ouverte que Julien Aubert, qui l’a côtoyé à l’ENA, lui écrivait au soir de son élection en 2017 paraît aujourd’hui prophétique, ses inquiétudes hélas confirmées, jusque dans leurs moindres détails, par les six années écoulées. L’arrogance n’est pas quelque chose qu’Emmanuel Macron laisserait transparaître par maladresse, mais quelque chose qu’il prend plaisir à pouvoir afficher en toute impunité.

Les violences permettent de décrédibiliser l’opposition

Sans doute, aussi, donne-t-il ainsi des gages au socle de son électorat, qui partage son mépris envers « ceux qui ne sont rien » et autres « sans dents » ou « déplorables », et apprécie qu’il le fasse sentir. Il y a toute une frange de ses soutiens qui a aimé son « j’ai très envie de les emmerder ». La même sans doute qui feint de confondre la foule et le peuple, et dénigre l’idée même d’un référendum (qui réconcilierait pourtant légalité et légitimité), le peuple étant souverain, certes, mais pas trop, les gueux ça vote mal, et la démocratie n’a de sens que tant que la plèbe suit les consignes de France Inter, des fact-checkers et de Saint-Germain-des-Prés.

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Ensuite, le calcul à court terme. Il faut radicaliser la contestation, la provoquer, attiser la rage, pour pousser à la violence. Car cette violence permet de décrédibiliser l’opposition dans son ensemble, et de justifier, outre une évidente tentation autoritaire, la confiscation de la démocratie par l’extrême-centre, le fameux « cercle de la raison », dont toute la rhétorique consiste à refuser la moindre légitimité aux projets de société différents du sien, et à se présenter comme la seule option possible. Édouard Philippe ne s’en cache pas, et appelle de ses vœux l’union des partis « de gouvernement », concrétisant le fameux « UMPS » tant dénoncé jadis par Marine Le Pen. Une telle manœuvre, visant à réserver l’exercice du pouvoir à un conglomérat de courants politiques ne représentant ensemble grosso-modo qu’un tiers de l’électorat (et encore : de l’électorat non-abstentionniste…) est pour le moins anti-démocratique. Bien sûr, l’ultra-gauche, l’extrême-gauche de plus en plus ouvertement complice de l’ultra-gauche, et la gauche autoproclamée « républicaine » mais alliée à l’extrême-gauche au sein de la Nupes, n’ont pas besoin des provocations d’Emmanuel Macron pour agresser les forces de l’ordre (avec, ces derniers jours, une violence inouïe), casser et brûler. Mais il faut que la colère générale monte pour que les opposants, même non-violents, se mettent eux-mêmes hors-jeu en rechignant un peu trop à se désolidariser des casseurs, il faut que l’exaspération conduise à la surenchère dans des discours militants absurdes, pour que la prétention de l’extrême-centre à se présenter comme le rempart de l’ordre et de la raison face au chaos soit crédible.

Les gagnants de la mondialisation prennent le large

Enfin, le projet à long terme. Accroître les tensions pour fragmenter le pays en blocs antagonistes. « Diviser pour mieux régner », oui, mais pas seulement. L’extrême-centre veut la tiers-mondisation. Pourquoi ? Parce qu’il est le parti des « élites » qui aspirent à se comporter comme le font les « élites » du tiers-monde, sans pudeur et sans vergogne. L’immigration massive et la déconstruction n’ont pas d’autre objectif. L’extrême-centre veut la fin de la décence commune pour désarmer moralement « monsieur tout-le-monde » et le rendre incapable de résister à l’endoctrinement qui le pousse à se soumettre à ses prédateurs (qu’il s’agisse des spéculateurs ou des racailles), mais aussi pour échapper lui-même au regard accusateur de cette décence commune, et pouvoir jouir de sa position de « gagnant de la mondialisation » sans même l’entrave d’un reste de mauvaise conscience. Pour priver le peuple de sa souveraineté, il veut qu’il n’y ait plus de peuple, seulement une collection de minorités rivales. Pour mettre fin à la démocratie, il veut mettre fin aux démos. Il veut que l’opinion publique soit hostile aux forces de l’ordre, pour acculer celles-ci à soutenir le pouvoir quoi qu’il fasse. Il veut l’effondrement des services publics (l’école, les hôpitaux, etc) pour rendre inévitable leur privatisation. « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance » disait Denis Kessler. Bien sûr, Emmanuel Macron n’est pas le premier à œuvrer dans ce sens. Il y a plusieurs décennies que, comme le souligne Xavier Patier « l’État (…) ne remplit plus ses missions essentielles, car les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques sont engloutis dans les transferts sociaux, tandis que les services publics, garantissant le bien commun, se paupérisent. » 

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Dit autrement, l’État est devenu un fermier général qui écrase d’impôts la classe moyenne afin de financer le « tribut aux barbares » (dont la présence massive, redisons-le, vise à la tiers-mondisation culturelle) et les subventions versées aux multiples clientèles et alliés des gouvernants successifs (on pense, par exemple, aux avantages fiscaux délirants dont bénéficie le Qatar). Christophe Boutin et Jean-Sébastien Ferjou ont bien cerné le macronisme, fuite en avant permanente : « À chaque fois, la méthode est la même : démanteler une administration nationale pour imposer un nouveau mode de « gouvernance » et de « management » issu du privé, à grand renfort de cabinets de « consultants » étrangers. » Le macronisme est un progressisme « libéral sur le plan économique, mais un libéralisme mondialisé et financiarisé, libertaire sur le plan sociétal, allant ici jusqu’à un déconstructionnisme qui, en s’attaquant aux piliers mêmes de l’ordre social (famille, roman national) n’est jamais que l’idiot utile du capitalisme financiarisé. »

À tout prendre, il serait rassurant qu’Emmanuel Macron et son entourage soient seulement maladroits, « fiers d’être des amateurs ». Sans doute certains y croient-ils vraiment, se réfugiant dans les bras de l’extrême-centre par peur d’une gauche ivre de ses rêves de Grand Soir et de ses néo-gardes rouges wokes, comme d’une droite systématiquement qualifiée « d’extrême » et méthodiquement diabolisée, alors qu’elle seule, dans la crise en cours, respecte à la fois le besoin de légalité et d’ordre, et l’indispensable légitimité démocratique de la volonté générale. Mais dans l’ensemble, hélas, la jubilation de narguer les uns et de manipuler les autres, et le calcul cynique, sont des explications bien plus probables au comportement de ceux qui nous dirigent.

L’extrême-gauche n’est pas romantique

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Paris, 28 mars 2023 © Christophe Ena/AP/SIPA

Les zadistes et les black bloc sont dangereux et pragmatiques. Après les violences extrêmes du weekend, autour d’une retenue d’eau à Sainte-Soline (79), le collectif écologiste des Soulèvements de la Terre, qui prône l’insurrection, est menacé de dissolution.


Candidat à sa première élection présidentielle, Emmanuel Macron débutait sa route vers l’Elysée en publiant à l’automne 2016 un essai qui obtint un certain succès. Son titre ? Révolution. L’ancien ministre de l’Economie du gouvernement Valls II se voulait alors le porteur d’un nouvel espoir, l’homme fort d’une « grande transformation comme ce pays n’en (avait) pas connu depuis l’invention de l’imprimerie et de la Renaissance ».

Il entendait dépasser tous les « clivages ». Mieux, les sublimer afin qu’advienne la « nécessaire refondation du pays ». Le dialogue social et la réforme de la fiscalité, censément revue et corrigée pour récompenser la « prise de risque », étaient alors au cœur de ce révolutionnaire en herbe désireux d’insuffler une praxis politique plus horizontale, débarrassée des oripeaux du passé de monarchie républicaine que trainait la France.

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Emmanuel Macron s’est pourtant rapidement ravisé. Oh, il s’est bien quelques fois exhibé en compagnie de Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, vieilles gloires sur le retour d’un Mai 68 mythifié, simplement vu par le prisme sorbonnard et oublieux de sa verve ouvriériste. Mais cela fait partie du jeu depuis l’époque Mitterrand. Comme l’a expliqué Guy Hocquenghem, il n’y a eu pour certains qu’un geste à faire pour troquer son col Mao pour la cravate club en usage au Rotary. La France aisée, qu’elle soit parisienne ou provinciale, a une forme d’affection coupable pour ses « révolutionnaires ». Elle n’aime rien tant qu’à célébrer Robespierre ou s’encanailler avec Cesare Battisti.

Bordeaux, 28 novembre 2020 © UGO AMEZ/SIPA

On connait la chanson

De fait, cela déteint sur une jeunesse elle-aussi éduquée dans le mythe, allaitée au sein par Louise Michel ou la rebelle Marianne. À telle enseigne que le Français, singulièrement le représentant politique, y compris de droite, oublie vite que les « libertaires » bakouniniens peuvent exister ailleurs que sur des images d’Epinal, être faits de chair et de sang comme leurs camarades de naguère qui assassinaient l’archiduc François-Ferdinand et déclenchaient ainsi la Première Guerre mondiale. La Bande à Bonnot était d’ailleurs un groupe anarchiste, ou, comme on disait dans le temps, une bande d’illégalistes.

Jules Bonnot se pensait légitime à agir contre des lois qu’il estimait injustes, tout à fait comme les membres actuels de la CNT, de la Révolution Permanente, des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline, ou comme ces blocs de gens venus d’horizons divers vêtus de noir pour casser et défier l’État. Quand l’homme avisé voit l’ultra-gauche de toujours, le politicien complaisant et inculte a trop longtemps vu le banal monôme étudiant. Leur point commun est de militer pour « l’abolition de la propriété privée », parfois même la « dictature du prolétariat ». Leur idéologie veut « abolir les frontières », « prendre aux riches », rendre la société « plus juste ».

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On connait la chanson. Pourtant, personne n’agit vraiment. L’extrême-gauche continue de bénéficier d’une forme de sympathie, comme si son rêve de grand soir ne relevait que d’un cirque folklorique, un rite de passage bruyant que nous simples citoyens devrions subir en silence. Reste que ces groupes passent à l’action, tyrannisent la rue, attaquent des policiers, vandalisent des propriétés privées, agressent gratuitement des adversaires politiques, tiennent le pavé la tête haute dans l’espoir qu’un jour peut-être le sort leur soit favorable.

Une complaisance permanente de LFI avec les violents

Ils auraient tort de se priver puisqu’ils sont le bras armé de l’extrême-gauche au parlement. La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, comme du reste certains syndicalistes, peuvent bien faire mine qu’ils n’ont rien à voir avec les blackblocs ; ils s’en servent pour mettre la pression et avoir des moyens de négociation. C’est la vérité et cela doit être dit. Ils en justifient les violences constamment en ne les condamnant jamais ouvertement, en regrettant simplement des débordements, alors que la pratique de l’émeute est systémique de leur camp politique. Pour l’heure, bien sûr, le danger d’une révolution n’est que de l’ordre de la science-fiction, mais nous pourrions toutefois connaître des années de plomb à l’italienne avec des violences politiques de moyenne intensité en permanence, entrainant des renoncements à des projets industriels et agricoles, des squats et occupations d’immeubles, voire des attaques d’écoterroristes et terroristes classiques.

La députée d’extrème gauche Mathilde Panot, Assemblée nationale, 18 juillet 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

S’il n’est pas possible de dissoudre les blackblocs, s’agissant d’une technique de regroupements dans les manifestations réunissant activistes comme marginaux, étudiants ou encore simples accros à l’adrénaline, il est tout à fait possible de porter une vigilance plus accrue sur les mouvements dits « antifas », la nébuleuse anarcho-syndicaliste et les écologistes radicaux. Encore faudrait-il pour cela que cesse la fascination malsaine pour le prétendu romantisme en rouge et noir de ceux qui n’ont pour rêve que le chaos. L’extrême-gauche n’est pas romantique. Elle est politique et pragmatique.

Quand l’éducation aux médias se mue en propagande déguisée

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L'économiste engagée Julia Cagé dans le film "Media Cash : Qui a tué le débat public ?" de Valentine Oberti et Luc Hermann, recommandé aux profs par le CLEMI...

La semaine de la presse et des médias, du 27 mars au 1er avril, entend aider nos enfants à «affronter la désinformation». Malheureusement, ce sont souvent des profs très idéologues qui assurent cette campagne de «sensibilisation», dispensable dans sa forme actuelle.


Du 27 mars au 1er avril, c’est la 34ᵉ semaine de la presse et des médias, dans les écoles, collèges et lycées de France. Une occasion annuelle, pour tous les professeurs volontaires – et il y en a ! – de prôner la pensée unique sous couvert de « former des citoyens libres et éclairés » (quelle contradiction !) et de taper joyeusement sur Bolloré et les médias privés, avec la bénédiction du ministère de l’Éducation nationale.

Objectif louable, exécution affligeante

Le thème de cette année ? « L’info sur tous les fronts ». Et pour bien l’aborder, le site internet officiel de l’Éducation nationale [1] propose un « dossier pédagogique » édifiant : au programme, des conseils pour « affronter la désinformation », ou « analyser le processus de captation de l’attention ». Il faut traduire, c’est de rigueur : car si les objectifs paraissent de prime abord plutôt raisonnables, la mise en pratique est, comme d’habitude, affligeante.

À lire aussi, du même auteur: La position du démissionnaire, témoignage d’un enseignant

« Affronter la désinformation », cela signifie « ne pas céder aux contradicteurs de la pensée unique » : ainsi, par exemple, le CLEMI (centre pour l’éducation aux médias et à l’information), qui est à l’origine de la séquence pédagogique, s’il constitue tout un premier dossier lié à la guerre en Ukraine (« Le journalisme de guerre aujourd’hui »), et analyse en long et en large la propagande russe – ce qui est parfaitement légitime –, ne donne que du bout des doigts des cas de désinformation ukrainienne (et encore: pour le principal, il s’agit de la vidéo truquée du parlement ukrainien montrant Paris sous les bombes, qui a toujours été clairement annoncée comme un montage). Il eût été louable, et particulièrement instructif, de démontrer qu’en matière de conflit armé entre deux pays, il faut toujours recueillir avec une extrême précaution les informations venant des deux belligérants. Même Franceinfo, le 26 février, trouvait nécessaire de consacrer un article aux mensonges ukrainiens [2]… Le rôle de l’école devrait être de développer l’esprit critique des élèves, et non de les désinformer, au nom de la désinformation pratiquée par une nation considérée comme ennemie ! L’histoire des conflits européens, et celle, encore plus récente, des conflits de la puissance américaine, nous ont pourtant bien assez appris à nous méfier des informations de guerre.

Pour analyser la galaxie Bolloré, une infographie de Libé et un documentaire de Mediapart

L’on pourrait s’attarder sur les pages 23 et 24 du dossier pédagogique, relatives à l’analyse du « processus de captation de l’attention » (l’on notera, au passage, l’utilisation d’un vocabulaire qui semble plus volontiers sortir d’une thèse de doctorat que d’un document à destination des instituteurs et des professeurs de collège et de lycée), dont l’objectif est de mettre en garde contre l’utilisation abusive des écrans. Mais passons directement au quatrième dossier : « Le journalisme sous pression » – la lecture en vaut la peine. L’on y trouvera, aux pages 27 et 28, deux séances passionnantes sur Vincent Bolloré et CNews, sous l’égide rassurante d’une infographie de Libération et d’un documentaire de Mediapart.

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Quelques exercices, évidemment neutres et d’une objectivité parfaite (d’autant que les professeurs, à n’en pas douter, sauront se souvenir qu’en qualité d’agents publics, ils sont soumis à une obligation de neutralité) sont proposés aux élèves autour de l’audition parlementaire de Vincent Bolloré… et de sa garde à vue, images à l’appui ! Et la séance de conclure : « On fait émerger la question de l’autocensure, forme de censure que l’on s’applique à soi-même sans injonction extérieure. » Excellente idée : et si l’on poursuivait ce questionnement avec celui de la censure du pouvoir exécutif, et notamment de la ministre de la Culture qui, à mots couverts, ne cesse de vouloir interdire la chaîne maudite ? Sans doute ne se priverait-elle pas, dans la foulée, de cacheter les lettres d’embastillement des animateurs, si l’on voulait seulement lui en laisser la possibilité !

Affiche pour la Semaine de la presse et des médias dans l’École, édition 2023

Les idées de Julia Cagé dans les têtes de tous vos mioches

Passons à la séance 3. « Étape 1 : l’enseignant présente le documentaire de Mediapart, Media Crash « Qui a tué le débat public ? », sorti en février 2022. » Si la consigne donne déjà des sueurs froides, la suite laisse pantois : « À cette occasion, il rappelle également en quoi consiste le travail d’investigation des journalistes : ce dernier s’appuie sur des faits et doit présenter des points de vue contradictoires. » L’on croirait à l’un de ces beaux articles du code de procédure civile : Edwy Plenel ou Élise Lucet, magistrats du siège indépendants et impartiaux, s’appuyant sur des faits et présentant des points de vue contradictoires ? – Allons ! à ces enquêteurs dont la devise est « partialité et subjectivité », la robe de procureur paraît bien mieux seoir ! « Étape 2 : les élèves visionnent l’extrait de ce documentaire qui évoque CNews et son changement de ligne éditoriale (vidéo 3). Ils reformulent l’affirmation des chercheurs, Alexis Lévrier et Julia Cagé, qui observent la présence croissante, sur CNews, d’invités politiques majoritairement de droite et particulièrement d’extrême-droite depuis la prise en main de la chaîne par Vincent Bolloré. » Tiens donc : l’on attendra que les journalistes d’investigation, entre deux reportages à charge sur le patronat, s’intéressent à l’utilisation abusive du concept d’« extrême-droite », et aux conditions de son emploi par les services publics de l’éducation et de l’information – en « s’appuyant sur des faits », bien sûr, et en « présentant des points de vue contradictoires ».

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J’en passe et des meilleures, je saute à la conclusion : « En étudiant les pressions auxquelles le journalisme peut être soumis, les élèves observent donc qu’il est important de questionner la concentration des médias et, dans certains cas, l’influence des propriétaires sur les rédactions. » L’Éducation nationale découvrirait-elle que l’idéologie influence le travail des journalistes ?… Celle des autres, bien sûr, pas celle du service public, qui, – c’est bien connu ! – est d’une neutralité impeccable. Le ministère et les rectorats, qui ont charge d’âmes, feraient bien de relire l’Évangile selon saint Matthieu, si ce n’est pas trop étouffer leur laïcité à géométrie variable, plutôt que de relayer ce genre de document dont l’objectif propagandiste est à peine masqué : « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! »

« L’info sur tous les fronts », bien sûr, n’est qu’un prétexte. L’Éducation nationale n’attend qu’une chose : que les élèves sachent, in fine, faire la différence entre, d’un côté, les journalistes du service public, – les gentils –, et, de l’autre, ceux des médias privés, – les méchants (i.e., d’extrême-droite). En somme, les bons journalistes, et les mauvais journalistes : l’on pourrait presque en faire un sketch… Certes, les « bons » ont bien des raisons de haïr les « mauvais » : car quand l’on constate que Cyril Hanouna sait mieux animer une émission de débat politique que n’importe quel professionnel du service public, l’on se dit que dans le camp des gentils, il y a décidément bien du progrès à faire…

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[1] https://www.clemi.fr/fileadmin/user_upload/SPME2023/SPME2023.pdf

[2] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html

Référendum en Ouzbékistan: Tachkent cherche son modèle de développement

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Election présidentielle ouzbèke, à Tashkent, en octobre 2021. © /AP/SIPA

Le 30 avril prochain, les citoyens d’Ouzbékistan, le pays le plus peuplé d’Asie centrale (36 millions d’habitants), seront appelés aux urnes pour s’exprimer sur une nouvelle Constitution.


Beaucoup de pays de l’ex-bloc soviétique ont mis du temps avant de se retrouver sur les rails de la modernisation et de la démocratisation. Héritages du communisme : la lourdeur de l’État et de la bureaucratie, le manque de dynamisme du secteur privé, l’autoritarisme. Après les indépendances des années 1990, il a fallu parfois attendre près de 30 ans avant de voir un véritable décollage. Parmi les pays d’Asie centrale qui montent, l’Ouzbékistan a engagé de nombreux chantiers depuis 2016 dans cette direction. 

Projet « Nouvel Ouzbékistan »

Comme nombre de pays en voie de développement, l’Ouzbékistan a dû avant tout  trouver tous les moyens pour doper la croissance de son économie et mettre en place des réformes de fond qui vont dans le sens du développement durable. Pour y parvenir, il faut une stratégie claire, des dirigeants et un État qui s’engagent dans cette voie. Cela a pris du temps en Ouzbékistan, mais les réformes mises en branle depuis sept ans semblent commencer à porter leurs fruits. Le pays est encore loin des standards internationaux et il devra maintenir le cap sur du long terme. 

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Malgré un net ralentissement des activités du pays pendant la pandémie en 2020, comme partout dans le monde, Tachkent a vu pour la première fois en 2022 son PIB augmenter de 80 milliards de dollars. Cette capacité de rebondir est due entre autres à une politique de décentralisation et de soutien au secteur privé. La pandémie a été un premier test réussi concernant la résilience du pays, lequel est l’un de ceux qui s’en sont le mieux sorti dans la région.  

Avec son projet « Nouvel Ouzbékistan », le président Mirziyoyev, au pouvoir depuis 2016, souhaite consolider et encourager les dynamiques déjà en œuvre. Il s’agit notamment de construire le véritable socle d’une économie prospère qui attire les investissements extérieurs : renforcer l’État de droit, mener une politique sociale plus équitable et renforcer la sécurité et la défense du pays dans un contexte international rendu encore plus compliqué, notamment par la guerre en Ukraine et le départ des Etats-Unis de l’Afghanistan voisin.  

L’Etat cherche à diminuer les écarts de développement sur l’ensemble de son territoire, désenclaver certaines régions et construire des infrastructures modernes prenant en compte les besoins, mais aussi les contraintes écologiques. En même temps, le gouvernement s’engage à améliorer l’offre de santé et d’éducation et à doter le pays d’un système de protection sociale de qualité.

Le gouvernement mise dans son processus de décentralisation sur l’échelon local. Il le fait avec des projets pilotes comme celui des « Quartiers numériques » et « Quartiers sociaux », des systèmes d’informations recensant l’ensemble des problèmes rencontrés par les citoyens dans leur rapport à l’Etat afin de tenter de rationaliser le traitement de ces dossiers et éviter autant que faire se peut des problèmes bureaucratiques.

Parmi ces projets, celui des « villages prospères », lesquels se développeront sur tout le territoire afin de doper le tissu régional. Un quart des Ouzbeks, qui rencontrent des difficultés quotidiennes, sont soutenus par l’État. Cela représente près de 2,2 millions de familles. L’année dernière, l’État a octroyé de nouveaux appartements à 50 000 familles, cette année 90 000, et dans les 2-3 prochaines années, 200 000 familles sans moyens devraient être logées par Tachkent. 

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L’éducation est aussi un chantier majeur – comme pour tout pays qui entend rejoindre les standards internationaux en matière de diplômes. Par conséquent, la formation des étudiants dans deux langues étrangères sera progressivement mise en œuvre dans les établissements d’enseignement secondaire de chaque ville. Ainsi, le français est déjà par exemple enseigné dans 76 écoles du pays (tout comme l’allemand), l’anglais dans 37, le coréen dans 10, le chinois dans six et le japonais dans trois. La France est donc bien positionnée pour devenir un acteur important dans la formation des futures élites économiques et techniques et ainsi jouer un rôle dans le pays à l’avenir.

Mais la compétition est rude… Des établissements d’enseignement professionnel seront créés en collaboration avec la Commission européenne, la Société allemande de coopération internationale (GIZ), la banque KFV, l’ambassade de Suisse en Ouzbékistan et la Fondation EDTSF de Corée du Sud…

Pollution et gestion de l’eau, deux problèmes majeurs du pays

L’Ouzbékistan est riche en minéraux, en gaz, en pétrole et en uranium. Cela représente les ¾ de ses exportations. Ces industries sont polluantes et le pays souhaite faire évoluer son économie vers une transition énergétique, en généralisant notamment l’utilisation de l’énergie solaire. L’objectif visé : 60 % de la consommation énergétique des bâtiments publics du pays produite par l’énergie non carbonée en 2026.

Le pays est aride et comme beaucoup d’autres dans la région, il manque d’eau. Dans le cadre des réformes en cours, des mesures d’urgence ont été prises pour réduire les pertes naturelles dans l’approvisionnement, grâce à la mise en place d’un système continu de gestion des ressources en eau et aux technologies numériques permettant de rationaliser les allocations d’eau à l’agriculture.

Avec une croissance de 1,6% en 2020 et près de 5% en 2022, le pays commence à recueillir les fruits d’une stratégie entreprise en 2016, focalisée sur la modernisation du pays, la diversification de l’économie et la construction d’un Etat de droit. Dans tous ces domaines, la France a une carte à jouer surtout car l’Ouzbekistan est un pays stable, avec un potentiel humain et économique considérable.   

L’aigle et le dragon

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L'Opéra en 3 actes, Nixon in China à l'Opéra national de Paris. © Christophe Pelé / Opéra national de Paris

Nixon in China, le premier opéra du compositeur américain John Adams, à l’Opéra Bastille


Voilà qui tombe à pic. A l’heure même où se précise le danger d’un nouvel affrontement entre l’Oncle Sam et l’Empire du Milieu, la scène lyrique parisienne ranime, sous les auspices du « pape » américain du minimalisme musical John Adams (né en 1947), la fameuse visite, à Pékin, en février 1972, du président Richard Nixon à Mao Tse-tung, tandis que la guerre du Vietnam n’en finit pas de durer.  

Il neigeait. Alors au faîte de sa puissance, Nixon était accompagné de Pat, son épouse, et flanqué de l’éminence grise du régime, Henry Kissinger. Côté chinois, il y avait Zhou Enlai, le Premier ministre, et Jiang Qing, Première dame du Grand Timonier. Rencontre historique, donc, immortalisée par le compositeur originaire du Massachusetts, avec Nixon in China, son premier opéra, dont l’idée lui fut inspirée par le célèbre scénographe Peter Sellars. L’œuvre sera créée à Houston, au Wortham Theater Center, en 1987. Ainsi ces personnages (outre les trois femmes secrétaires de Mao, chantées par des mezzo-soprano) sont-ils au premier plan du merveilleux livret écrit par la poétesse Alice Goodman. C’est également à elle que John Adams devra le livret de son second opéra, The Death of Klinghoffer (1991).

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Nixon in China se ressent encore clairement de l’influence d’un Philip Glass, le compositeur de Einstein on the Beach (1976), tellement détesté, en Europe, par un Pierre Boulez et ses thuriféraires, lesquels affichaient un mépris intransigeant pour le formalisme répétitif de cette musique coloriste et anti-sérielle au tempo immuable. Mais justement, celle de John Adams, en cela d’une richesse stylistique incomparable, parvient à s’émanciper de la rigidité minimaliste d’un Steve Reich, par exemple, en incorporant à sa pulsation un lyrisme mélodique luxuriant, qui puise à foison dans le jazz tout autant que dans la tradition post-romantique du Vieux continent. C’est tout particulièrement vrai du dernier acte de Nixon in China, qui se resserre sur l’intimité de Richard et de Pat, de Jiang et de Mao, et s’achève, dans un remarquable accomplissement poétique, sur la mélodie vocale de Zhou s’interrogeant: « Dans tout ce que nous avons fait, qu’y a-t-il eu de bien ? Tout semble se jouer hors de portée de nos remèdes. »

Autant dire que Nixon in China n’a rien d’un hymne patriotique à la gloire de l’Amérique. Bien plus subtilement, sur cette texture harmonique d’une expressivité allègre, l’opéra désacralise ouvertement les figures de l’Histoire, sans grands égards pour leur aura mythologique, les dépouillant de tout panache pour ne plus ressembler qu’à des êtres humains alignant faux-semblants, formules creuses, phraséologie faussement conciliatrice, trivialités révélant leur fatigue, leur vulnérabilité, leur solitude individuelle. Si, sous les lèvres de Nixon, « l’Histoire est notre mère », pour Mao elle « est une salle truie : si par chance nous échappons à son groin/ elle nous écrase ». Livret versifié qui, par la bouche de Pat, à l’occasion dira la fragilité des destins : « Sur ce banc/ là – bas, nous nous reposerons en savourant le fruit/ de toutes nos actions. Pourquoi regretter/ cette vie qui ressemble tant à un rêve ? ».    

Créé en France à la MC93 de Bobigny en 1991, repris en 2012 au Théâtre du Châtelet, cet opéra magnifique fait son entrée à l’Opéra de Paris sous les meilleurs auspices, sous la baguette du grand maestro d’origine vénézuélienne Gustavo Dudamel à la tête de l’excellent Orchestre et Chœurs de notre Opéra national de Paris. Standing ovation plus que méritée, au tombé de rideau de la première, ce 25 mars, en présence du compositeur, après une bonne dizaine de rappels !  

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Il est vrai que tout, dans ce spectacle, rayonne. À commencer par la mise en scène, signée de l’ardente et toute jeune (elle est née en 1972) portena Valentina Carrasco : au premier acte, une imposante bibliothèque emprisonne dans un trompe-l’œil les conciliabules entre dirigeants, plateau redoublé, en sous-sol, par une vraie geôle-bibliothèque pleine d’ouvrages censurés, ceux-là, qui serviront d’ailleurs de bois de chauffage à l’auteur du Petit livre rouge ; apparition des chœurs dans la salle des fêtes : en référence à la « diplomatie du ping-pong », on y verra se jouer une partie bien réelle de tennis de table opposant, entre autres, Mao et Kissinger ; imposant et stylisé, descendu des cintres, l’aigle yankee affronte un superbe dragon de tulle rouge, dans les replis duquel un instant se lovera Pat Nixon ; un féérique ciel de flocons blancs s’immobilise dans le soir ultime du dernier acte…

Radieusement inventive, une poésie lumineuse, subtile, souriante quoique traversée d’une ironie amère, habite de part en part cette régie délectable entre toutes, magnifiée qui plus est par des voix (et des chœurs) exceptionnels. Renée Fleming, surpasse tout ce qu’on pouvait attendre de la diva âgée de 64 ans, au timbre intact, époustouflant dans le rôle de Pat. Les traits du baryton américain Thomas Hampson (67 ans !) investissent de sa présence sans égal la figure du président Nixon. Last but not least, tous faisant leur entrée à l’Opéra de Paris, le solide ténor américain John Matthew Myers dote Mao d’un éclat incomparable ; le baryton (natif de Shanghai mais parti étudier aux States) Xiaomeng Zhang incarne Chou En-lai avec un vibrato sensationnel, chaleureux, dans un phrasé aux nuances impeccables ; l’Australien Joshua Bloom met sa voix de basse au service d’un Kissinger parfaitement crédible ; la soprano Kathleen Kim et les trois mezzo Yajie Zhang, Ning Liang et Emmanuela Pascu, pour camper les trois secrétaires du Timonier, complètent une distribution décidément hors pair.

Nixon in China, à l’Opéra national de Paris. Le président Nixon, accompagné de sa femme, visite Pékin. © Christophe Pelé / Opéra national de Paris

À noter, incrusté au cœur du spectacle comme l’irruption soudaine de l’atrocité communiste, un extrait du documentaire de Murray Lerner sur la venue d’Isaac Stern en Chine, From Mao to Mozart, fait du témoignage bouleversant d’un musicien de formation classique, rescapé de la Révolution culturelle… Comme quoi le lyrique ne sera jamais que la métaphore sublimée du réel.        


Nixon in China. Opéra en 3 actes de John Adams (1987), sur un livret d’Alice Goodman. Avec Thomas Hampson, Renée Fleming, Xiaomeng Zhang, Joshua Bloom, John Matthew Myers, Kathleen Kim. Direction: Gustavo Dudamel. Mise en scène: Valentina Carrasco. Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris. Durée : 3h.

Opéra Bastille, les 29 mars, 1, 4, 7, 12 avril à 19h30 ; 10, 16 avril à 14h30. Durée : environ 3h.

Masculinité: une ligne à franchir, ou pas

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D.R.

Dans notre métier, il y a des gardiens de phare les yeux rivés sur l’horizon pour nous alerter quand une vague va déferler sur nos côtes. Une de ces vigies 10/10 à chaque œil a vu se former en partance de Californie une lame, possiblement de fond, poussée par un influenceur, un certain Rivelino. Le nom de sa vague: la Ligne Verte.


Seriez-vous tenté par ce genre de sujet idiot? Bigre. Si c’est idiot, j’ai une certaine légitimité à le traiter. Je ne parle même pas de mes capacités. Mon bon aiguilleur du ciel non-gréviste me joint un lien. Le sujet: “La Ligne Verte”. Oh putain, je vais encore me charger la capuche avec la dernière lubie de ces allumés d’écolos. Pas du tout. C’est une ligne tracée par un influenceur, Rivelino, qui détermine d’après photos de people en couple, qui porte la culotte, qui va faire marron l’autre, qui est une fiotte et qui est sévèrement burné. Rivelino fait avec ses conneries la Une de Newsweek, est accusé de vulgarité extrême et met en crise noire toutes les associations de hyènes de garde. Idiot, vulgaire, c’est pour moi.

La Ligne Verte kézako. Petit avant-propos. La Ligne Verte est un film américain de 1999, un petit chef-d’œuvre avec Tom Hanks et surtout Michael Clarke Duncan, un acteur black génial. Un film à mettre KO le plus engatsé des partisans de la peine de mort. Rien à voir avec la ligne qui nous concerne, je digresse. Rivelino. Le pseudo n’est pas choisi au hasard. C’est le nom d’un joueur de foot brésilien des années 70. Une légende. Il avait la foudre dans son pied gauche et avec sa moustache morse incarnait le machisme latino dans toute sa splendeur. Pas le style de Brésilien que l’on croise au… merde, je digresse encore. Bon, notre Rivelino aux pieds d’argile mais gros malin devant la twittosphère est désigné par la presse US inventeur de la Green Line. Il cumule, depuis, les abonnements, les pépettes et les condamnations de la meute des Roussettes (version française des néo-féministes) en mal d’oisiveté. Le principe de son “invention”: sur la photo du couple, celui qui se penche vers l’autre est une couille molle soumise à celui qui se tient droit. Il finira largué, trompé, humilié etc… Celui qui se penche est affublé d’une ligne verte en pointillé, celui qui se tient droit d’une ligne verte continue. Pas de quoi mettre un anar de droite sur la béquille mais cette époque est fort étrange.

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Exemples. Un paquet de photos de Trump flanqué de bimbos qui se penchent sur l’homme orange comme une chatte sur ses croquettes. Pas de photos de Macron avec Trump, pourtant il y avait de la matière verte à faire en pointillés. Une photo de Will Smith assis à côté de sa femme. Lui les jambes croisées et les mains pudiquement posées sur son entre-jambes devant un photographe offensif. Son épouse, une pouf même pas belle mais top vulgaire, écarte ses jambes devant l’objectif. Et c’est elle qui se prend la ligne verte continue, celle du patron, et Will se ramasse les pointillés du micheton de service. T’inquiète Will, si elle te largue c’est tout bénef, c’est un tapin ta femme. Rivelino sur ce coup tu es un con.

Une autre. C’est Rihanna qui marche et derrière son mari qui la suit. Évidemment, suiveur=toutou=deuxième=bientôt plus seul qu’une Borne ou un Dussopt dans un désert médical. Donc le mec à la star se prend plus de pointillés dans la tronche qu’un gendarme de caillasses à la Super-Bassine. Et c’est là que je m’inscris en faux. Ce type a la gonzesse qui a certainement un des plus beaux culs au monde. Et y veut quoi ce con de Rivelino. Qu’il marche 6 mètres devant?

Bref. La Ligne Verte est la dernière couillonade made in America. Et n’intéressera que les casse-couilles “enmeetooflées” dans leur camisole idéologique.

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Où va la France?

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Manifestation "Bassines non merci" à Sainte-Soline, le 25 mars 2023 © Ugo Amez/SIPA

Ce qui se passe en France depuis quelques semaines dépasse l’entendement et rend l’indignation trop tiède...


Je ne parle pas de la démarche erratique d’un gouvernement et d’un pouvoir qui, à force de contradictions d’un jour à l’autre, selon l’appréciation du rapport de force, refusent puis acceptent, durcissent puis cèdent, méprisent puis flattent et sont en réalité dépassés par ce qu’ils ne savent plus maîtriser. Nous sommes saisis par l’incroyable libération d’une violence collective n’éprouvant même plus le besoin de prendre pour prétexte un ressort politique mais seulement soucieuse de servir une finalité destructrice, mortifère. Je suis lassé d’entendre, face à ces déchaînements d’une intensité inouïe, un savoir se contentant de nous expliquer doctement que le passé avait connu les mêmes péripéties, comme, par exemple, Alain Bauer à l’Heure des pros du 27 mars, ou un relativisme cherchant à nous faire accroire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et qu’au fond rien n’est grave puisque tout a déjà eu lieu.

Partialité effrayante des médias après les désordres à Sainte-Soline

Pourtant – sur ce point, Alain Bauer admettait la triste originalité -, une rupture radicale s’est produite quand on est passé de la résistance à la police dans l’exercice légitime de ses missions, à la volonté de s’en prendre à elle en l’attirant par exemple dans des pièges parfois mortels. Les malfaisants ont pris l’initiative d’incendier, de frapper, de blesser délibérément les policiers par haine obsessionnelle de l’ordre qu’ils ont à défendre. Bien au-delà de la police, cette hostilité organisée a été mise en œuvre contre tous ceux qui avaient pour charge d’assurer des missions officielles de secours, d’assistance, de sauvegarde, de représentation ou des actions médicales; contre la France de la solidarité, administrative et salutaire.

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Il me semble que des basculements terrifiants peuvent être constatés qui renvoient l’argument sur le « rien de nouveau » à une banalité dont la visée est de noyer aujourd’hui dans hier, pour le sous-estimer. Si la violence singulière et collective a toujours existé au fil des temps, si, en particulier, elle a souvent été complaisamment évoquée dès lors qu’elle s’assignait un but subversif, ses modalités ont pris un tour de plus en plus odieux, notamment en ce qu’il révèle une totale indifférence à l’égard de la vie humaine. Le transgresseur ne s’assigne plus aucune limite et est d’autant plus conforté dans sa cruauté cynique que le climat général politico-médiatique ne lui oppose qu’une faible contradiction quand ce n’est pas une complaisance scandaleuse.

Manifestation « Bassines non merci » à Sainte-Soline, le 25 mars 2023 © Ugo Amez/SIPA

On n’a jamais en effet connu une telle perversion des valeurs, un bouleversement aussi radical du licite et de l’illicite. Des élus participent à des manifestations interdites et loin d’en éprouver un peu de contrition, un zeste de mauvaise conscience, ils osent justifier leur présence en invoquant un quelconque contrôle de leur part quand, au contraire, excipant de leur qualité, ils attisent les tensions et légitiment le pire. Ce n’est pas d’aujourd’hui certes que le « révolutionnaire » a bonne presse dans notre pays mais dorénavant le deux poids deux mesures atteint des proportions inédites. L’extrême gauche et sa fureur permanente, son agitation frénétique ne tolérant pas une once de concorde, bénéficient, derrière le discours superficiellement critique, d’une sorte d’adhésion, de validation déférente, de retenue républicaine, comme si la volonté de subversion, de détestation du capitalisme avaient droit de cité même dans les démocraties les plus certaines d’elles-mêmes. Quand il y a Eric Zemmour pour dénoncer à juste titre Jean-Luc Mélenchon comme le responsable, pour lui exclusif, des désordres et violences récents, combien peu ont stigmatisé son « la police tue » et la propension de ses soutiens et de sa mouvance à ne tolérer la police que si elle est agressée ou impuissante.

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À consulter l’ensemble des médias le lundi 27 mars, on est effaré par la partialité effrayante qui, notamment sur France Inter, Libération et Mediapart, cible les « violences policières » à Sainte-Soline en oubliant la masse de ceux qui, armés diversement, n’avaient que l’envie d’en découdre pour manifester leur opposition à ce « gouvernement de salopards ». On n’ose imaginer ce qui serait advenu s’il n’y avait pas eu ces 4 000 grenades de désencerclement tant vilipendées, de la même manière que ces BRAV-M dont la suppression est demandée précisément parce qu’elles sont nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public et aux interpellations trop rares et judiciairement guère exploitées.

Une rupture radicale est souhaitable

À cause de l’impossibilité de l’individualisation de la preuve à l’encontre de ces groupes, la Justice est désarmée, alors qu’il conviendrait de sanctionner ces entreprises collectivement violentes – tous étant co-auteurs. Le fonctionnaire de police, s’il est auteur d’une violence illégitime, est immédiatement incriminé. Il n’est pas protégé, lui, par une masse qui le rendrait invisible. La rupture radicale qui serait souhaitable pour qu’on n’ait plus à choisir entre la démocratie ou la honte représente une différence nette avec le passé. Ce dernier permettait des retouches, des aménagements, des modifications ou des suppressions ici ou là et ces révisions partielles étaient opératoires.

Tandis qu’aujourd’hui, avec un État régalien qui prend l’eau, une Justice moins laxiste que débordée et parfois idéologiquement gangrenée, une police présumée si vite coupable, une part d’élus dégradant une République en osant affirmer qu’elle la sert, un pouvoir dont l’exemplarité fait défaut, des médias plus intéressés par le mensonge qui provoque que par la vérité banale, il faudrait tout changer pour qu’on puisse espérer le salut. Il n’est plus la moindre entreprise de restauration ou de redressement qui pourrait se dire autonome, indépendante des autres. Tout se tient. Il faudrait une révolution digne et humaniste. Et courageuse. N’était-ce pas le titre du livre d’Emmanuel Macron, publié avant qu’il devînt président ? Comme c’est loin et oublié !

Juan Branco: le chaos très au point

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Juan Branco photographié à Paris, octobre 2022 © STEPHANE DUPRAT/SIPA

Le ténor du barreau publie un nouvel essai, Coup d’Etat (Au diable vauvert, 30 mars), présenté comme un manuel d’insurrection. Mais malheureusement pour notre jeune révolutionnaire, sa prose fait plus penser à Damien Saez qu’à Malaparte…


Ecouter les interventions de Juan Branco, sur ThinkerView ou sur TV Libertés, c’est un peu se retrouver dans la peau des personnages de Philipp K. Dick qui, enterrés dans les profondeurs de la Terre à l’abri des radiations nucléaires, finissent par faire un tour à la surface et découvrent le luxe dans lequel vivent les derniers humains restés tout là-haut…

Boxeur de salon

Pur produit du microcosme parisien, installé sur l’Île Saint-Louis, en plein cœur de la Matrice, Juan Branco nous raconte, dans ses passages sur ces chaines YouTube, les origines supposément troubles de la fortune de Xavier Niel ou de l’obtention de la construction du nouveau Tribunal de Paris par Bouygues. Aussi, c’est non sans gourmandise que nous attendions son nouveau livre, sobrement intitulé Coup d’État...

Envolées lyriques et rimes en «é»

Se présentant comme l’ancien avocat des gilets jaunes, de Julian Assange et de Jean-Luc Mélenchon (il aurait même rencontré certains d’entre eux !), Juan Branco est bien décidé à faire trembler l’oligarchie nationale et mondiale. Annoncé en février dernier, l’ouvrage prend un écho un peu particulier en cette fin mars 2023, alors que le mouvement contre la réforme des retraites bat son plein.

D.R.

Coup d’Etat est divisé en trois temps. La première partie, dans un style lyrique – trop – voire amphigourique, présente un texte qui est une succession de petits paragraphes rimant en « é » (« Jeunesse et vitalité absentes, exclues de tout, saturées de cris jamais portés, qui disent:/ Laissez-nous exister !/ Partout, des victimes, laissées à l’abandon en des paysages dévastés./ Nous défaire de notre allergie à cette notion qu’est le pouvoir consiste à accepter la damnation qui habite toute société humaine. À prendre au sérieux les cris qui sont portés » et ainsi de suite, sur plusieurs paragraphes), si bien que le lecteur se demande s’il ne s’est pas davantage retrouvé dans une chanson de Damien Saez plutôt que dans La Technique du Coup d’État de Curzio Malaparte. Pourtant, à le lire, Branco refuse tout romantisme naïf. Il désigne avec un excès de métaphores des stratégies de classe. Il voit l’État comme « une idée archaïque qui ne fait que sombrer », mais veut quand même récupérer une souveraineté. Il y a même quelques accents quasi gaulliens (« Nous avons besoin d’un pays qui non seulement demeure, mais retrouve sa grandeur. Des critères objectifs permettent de le justifier, et d’arguer que la permanence de notre civilisation, de tout ce qu’elle a permis d’accumuler, n’est pas que caprice ou affaire de pur intérêt, et justifie qu’un effort collectif soit mené ») et l’on croit reconnaître Du Bellay quand il évoque la France (« Où es-tu, France, toi qui est montée jusque l’idée, construisant un rapport au Tout, devenant chose, entrant en rapport avec les divinités, où es-tu et que tu désires-tu ? »). Interdit de rigoler: on parle de la France, quand même !

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Bons tuyaux révolutionnaires

Dans un deuxième temps, Branco propose trois voies pour parvenir à nos fins: les élections, le coup d’État ou la révolution. Pour les élections, on comprend bien vite que c’est un piège à cons, dans laquelle la France insoumise serait tombée. Jean-Luc Mélenchon est qualifié de « parlementaire d’un certain âge, apparatchik que l’on pensait fat et satisfait, ayant passé 30 ans à se nourrir aux frais de la princesse » ; on a connu avocats plus aimables avec leurs anciens clients. Il faut reconnaître que la plume de Branco s’améliore lorsqu’elle se charge de fiel, évoquant la bourgeoisie, et notamment « un mariage bourgeois dans le centre de Paris » où l’auteur doit « supporter le défilé des visages atteints par le lucre et le stupre, l’insuffisance mentale et physique »… Branco n’est pas toujours tendre avec les gens politiquement les moins éloignés de lui, par exemple François Bégaudeau, François Ruffin et le comité invisible.

Envahir la Villa Montmorency et Monaco

On comprend donc vite qu’il vaut mieux miser sur le coup d’État ou la révolution. Dans la troisième partie, Branco développe donc sa stratégie – ce qui permet au livre d’enfin mériter son sous-titre : « manuel d’insurrection ». Il propose aux successeurs des gilets jaunes d’attaquer les préfectures, d’y prendre en otages quelques haut-fonctionnaires, de piquer des armes dans les polices municipales, de saccager les archives et les stocks de données, de rallier au mouvement policiers et militaires, d’arrêter les résidents de la Villa Montmorency, d’envahir Monaco – le Général de Gaulle n’aurait pas complètement désapprouvé. Il nous glisse sur plusieurs pages ses bons tuyaux révolutionnaires en proposant une géographie complète des câbles de fibre longue distance à débrancher le long des plages bretonnes ou sur la dune du Pilat.

Homme de l’intérieur du système, Branco connaît les failles des portes d’entrée des ministères. Ça va faire quand même beaucoup de conjurés dispatchés sur tout le territoire… « Qu’est-ce qui a manqué [lors du mouvement des gilets jaunes] ? La possibilité d’offrir une alternative crédible, des négociateurs porteurs, non d’un discours cohérent – le nôtre l’était – mais suffisamment proches – c’est toujours, malheureusement, le paradoxe – des lignes hiérarchiques ennemies pour balayer les hésitations de ceux qui nous enfaçaient (sic) ». Comme par hasard, avec son pedigree, Branco répond parfaitement au profil recherché…

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Moldavie-Roumanie: vers la réunification?

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La présidente moldave Maia Sandu reçoit le président français à Chisinau, 15 juin 2022 SPUTNIK/SIPA

Dans la matinée du 27 mars, la présidente moldave Maïa Sandu a promulgué une loi entérinant le changement de langue officielle de la petite république, supprimant ainsi toute référence au moldave. 


Les thuriféraires de la mesure estiment en effet cette dénomination fort impropre, n’étant en réalité autre chose que du roumain ne différant aucunement de celui des locuteurs d’outre-Prout, tandis que ses opposants dénoncent déjà une concession faite à l’Occident, voire une propédeutique à une annexion du pays par Bucarest. Au cœur de l’épineuse question se trouvent les liens historiques, culturels et linguistiques qui unissent ces deux pays. 

Tentative de forger un peuple distinct à l’issue de la Seconde Guerre mondiale

De fait, l’utilisation de l’ethnonyme n’est pas prise à la légère dans la petite république de 2,6 millions d’habitants à l’histoire aussi mouvementée que complexe. Si la Moldavie fut de 1359 à 1859 l’une des trois principautés constitutives du futur Royaume de Roumanie, et forme encore l’une des trois grandes régions traditionnelles du pays dans sa partie occidentale, l’Etat moldave actuel doit sa genèse à l’URSS. Celle-ci n’avait en effet pas supporté la perte de ses territoires bessarabes et avait créé en 1924 une « République Socialiste Soviétique Autonome Moldave » sur le territoire ukrainien afin de préparer les esprits à la conquête de la région, ce qu’elle fera effectivement vingt ans plus tard à l’issue du second conflit mondial. Outre l’imposition de ce nom pour tenter de forger un peuple distinct, Moscou en avait alors profité pour peupler la zone orientale par des populations russes afin de l’ancrer plus profondément dans son giron.

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Avec l’indépendance de 1991, l’idée d’une éventuelle unification entre la Moldavie et la Roumanie suscita l’intérêt des spécialistes de la politique internationale. Régulièrement évoquée dans les médias et alimentant les discussions entre les gouvernements et les citoyens des deux pays depuis trente ans, la thématique n’a toutefois jusqu’ici débouché sur rien de concret. Toutefois, le peuple moldave a affirmé jusqu’ici sa volonté d’indépendance, notamment lors du référendum de 1994, tenu il est vrai sous la pression sécesionniste de l’entité transnistrienne et des armées russes.

La Roumanie a rejoint l’U.E. en 2007

Depuis la chute du régime soviétique, la Moldavie a toutefois cherché à se rapprocher de l’Union européenne et à se libérer de l’influence russe, notamment par le biais de l’l’Union européenne (U.E). De son côté, la Roumanie a rejoint l’U.E en 2007 et a pris une position ferme en faveur de l’intégration européenne de sa petite voisine, sans que la situation ne semble progresser davantage. On sait la présidente Sandu très européanisante, positionnement encore accru avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine le 22 février dernier. Beaucoup à Chisinau craignent en effet d’être la prochaine proie de l’agression russe, ce qui s’est vu par les nombreux appels de la présidente, qui exprime régulièrement sa crainte d’une déstabilisation en provenance du Kremlin. L’union avec la Roumanie permettrait ainsi de court-circuiter les circuits traditionnels, dans ce pays où près du quart de la population possède déjà un passeport roumain.

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Cependant, l’unification des deux pays est un sujet complexe qui soulève de nombreuses questions et préoccupations. Aux questions de la souveraineté de la Moldavie et de la volonté de ses citoyens se superposent les problèmes économiques et sociaux que la Moldavie doit résoudre avant de pouvoir envisager une quelconque union. Enfin, il serait étonnant d’obtenir pour ce faire une position accommodante du Kremlin, qui considère la Moldavie comme faisant partie de sa sphère d’influence, et ce, d’autant plus du fait de la présence d’une minorité russophone en Transnistrie, de facto indépendante. 

Mais les équilibres bougent beaucoup depuis un an, et ce qui semblait ne jamais pouvoir arriver il y a peu est désormais perçu comme une possibilité par certains. 

Si le chemin vers une telle union est long et semé d’embuches, la première pierre vient peut-être d’en être posée.