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L’extrême-gauche n’est pas romantique

En 2023 en France, les violences politiques viennent de l'extrême gauche et non de l'extrême droite


L’extrême-gauche n’est pas romantique
Paris, 28 mars 2023 © Christophe Ena/AP/SIPA

Les zadistes et les black bloc sont dangereux et pragmatiques. Après les violences extrêmes du weekend, autour d’une retenue d’eau à Sainte-Soline (79), le collectif écologiste des Soulèvements de la Terre, qui prône l’insurrection, est menacé de dissolution.


Candidat à sa première élection présidentielle, Emmanuel Macron débutait sa route vers l’Elysée en publiant à l’automne 2016 un essai qui obtint un certain succès. Son titre ? Révolution. L’ancien ministre de l’Economie du gouvernement Valls II se voulait alors le porteur d’un nouvel espoir, l’homme fort d’une « grande transformation comme ce pays n’en (avait) pas connu depuis l’invention de l’imprimerie et de la Renaissance ».

Il entendait dépasser tous les « clivages ». Mieux, les sublimer afin qu’advienne la « nécessaire refondation du pays ». Le dialogue social et la réforme de la fiscalité, censément revue et corrigée pour récompenser la « prise de risque », étaient alors au cœur de ce révolutionnaire en herbe désireux d’insuffler une praxis politique plus horizontale, débarrassée des oripeaux du passé de monarchie républicaine que trainait la France.

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Emmanuel Macron s’est pourtant rapidement ravisé. Oh, il s’est bien quelques fois exhibé en compagnie de Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, vieilles gloires sur le retour d’un Mai 68 mythifié, simplement vu par le prisme sorbonnard et oublieux de sa verve ouvriériste. Mais cela fait partie du jeu depuis l’époque Mitterrand. Comme l’a expliqué Guy Hocquenghem, il n’y a eu pour certains qu’un geste à faire pour troquer son col Mao pour la cravate club en usage au Rotary. La France aisée, qu’elle soit parisienne ou provinciale, a une forme d’affection coupable pour ses « révolutionnaires ». Elle n’aime rien tant qu’à célébrer Robespierre ou s’encanailler avec Cesare Battisti.

Bordeaux, 28 novembre 2020 © UGO AMEZ/SIPA

On connait la chanson

De fait, cela déteint sur une jeunesse elle-aussi éduquée dans le mythe, allaitée au sein par Louise Michel ou la rebelle Marianne. À telle enseigne que le Français, singulièrement le représentant politique, y compris de droite, oublie vite que les « libertaires » bakouniniens peuvent exister ailleurs que sur des images d’Epinal, être faits de chair et de sang comme leurs camarades de naguère qui assassinaient l’archiduc François-Ferdinand et déclenchaient ainsi la Première Guerre mondiale. La Bande à Bonnot était d’ailleurs un groupe anarchiste, ou, comme on disait dans le temps, une bande d’illégalistes.

Jules Bonnot se pensait légitime à agir contre des lois qu’il estimait injustes, tout à fait comme les membres actuels de la CNT, de la Révolution Permanente, des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline, ou comme ces blocs de gens venus d’horizons divers vêtus de noir pour casser et défier l’État. Quand l’homme avisé voit l’ultra-gauche de toujours, le politicien complaisant et inculte a trop longtemps vu le banal monôme étudiant. Leur point commun est de militer pour « l’abolition de la propriété privée », parfois même la « dictature du prolétariat ». Leur idéologie veut « abolir les frontières », « prendre aux riches », rendre la société « plus juste ».

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On connait la chanson. Pourtant, personne n’agit vraiment. L’extrême-gauche continue de bénéficier d’une forme de sympathie, comme si son rêve de grand soir ne relevait que d’un cirque folklorique, un rite de passage bruyant que nous simples citoyens devrions subir en silence. Reste que ces groupes passent à l’action, tyrannisent la rue, attaquent des policiers, vandalisent des propriétés privées, agressent gratuitement des adversaires politiques, tiennent le pavé la tête haute dans l’espoir qu’un jour peut-être le sort leur soit favorable.

Une complaisance permanente de LFI avec les violents

Ils auraient tort de se priver puisqu’ils sont le bras armé de l’extrême-gauche au parlement. La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, comme du reste certains syndicalistes, peuvent bien faire mine qu’ils n’ont rien à voir avec les blackblocs ; ils s’en servent pour mettre la pression et avoir des moyens de négociation. C’est la vérité et cela doit être dit. Ils en justifient les violences constamment en ne les condamnant jamais ouvertement, en regrettant simplement des débordements, alors que la pratique de l’émeute est systémique de leur camp politique. Pour l’heure, bien sûr, le danger d’une révolution n’est que de l’ordre de la science-fiction, mais nous pourrions toutefois connaître des années de plomb à l’italienne avec des violences politiques de moyenne intensité en permanence, entrainant des renoncements à des projets industriels et agricoles, des squats et occupations d’immeubles, voire des attaques d’écoterroristes et terroristes classiques.

La députée d’extrème gauche Mathilde Panot, Assemblée nationale, 18 juillet 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

S’il n’est pas possible de dissoudre les blackblocs, s’agissant d’une technique de regroupements dans les manifestations réunissant activistes comme marginaux, étudiants ou encore simples accros à l’adrénaline, il est tout à fait possible de porter une vigilance plus accrue sur les mouvements dits « antifas », la nébuleuse anarcho-syndicaliste et les écologistes radicaux. Encore faudrait-il pour cela que cesse la fascination malsaine pour le prétendu romantisme en rouge et noir de ceux qui n’ont pour rêve que le chaos. L’extrême-gauche n’est pas romantique. Elle est politique et pragmatique.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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