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Jusqu’où doit-on aller dans l’exhibitionnisme de l’horreur?

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L’info nous épuise. Les horreurs de la guerre, et les avis divers des experts, diffusés à foison sur les réseaux sociaux, les télés et sites d’informations, sont notre nouvelle charge mentale. Notre contributrice témoigne de sa fatigue informationnelle.


Notre traumatisme émotionnel a dépassé le seuil du supportable ! Certes, nous sommes empathiques, certes nous sommes outrés, certes nous sommes dans une situation géopolitique insoutenable, certes nous sommes des Républicains convaincus. Oui, nous sommes terrassés par l’idée d’un antisémitisme qui se propagerait comme une trainée de poudre, oui, un bébé assassiné reste un bébé d’où qu’il vienne et quel qu’il soit. Mais stop. Stop à cette invasion politico-médiatique, à ce désir absolu de nous faire regarder les images les plus insoutenables, pire, on nous montre les vidéos barbares commentées par des experts envoyés sur place, face à d’autres images créées par l’intelligence artificielle. Mais, il parait que c’est pour nous convaincre. Nous sommes abreuvés de récits de bébés vivants cuits dans un four, de « bons » Palestiniens mourant de soif, de faim et d’autres choses, d’explications incompréhensibles des pays limitrophes qui sont pires les uns que les autres. Et dire qu’en France, nous avons un homme politique « insoumis » à tout, qui considère que le Hamas lutte légitimement contre le colonialisme… Tout cela fait que trop de surmédiatisation étouffe la raison quand elle ne nous fait pas détourner le regard, ou ne plus regarder du tout nos journaux. On peut se demander si remuer sans arrêt ces horreurs, qui méritent d’être dénoncées, n’attise pas les haines des extrémistes ? Peut-on aussi relativiser, et arrêter de penser que la France entière est devenue antisémite ? A force de nous le dire, n’ouvrons-nous pas les vannes ? La République c’est aussi savoir se tenir, c’est ne pas se précipiter dans la rue en vagissant avec les pires des pancartes, la bave aux lèvres. Nous nous auto-alimentons en détestation. Ne pas haïr violemment un côté ou l’autre, aujourd’hui, serait suspect. La nuance est totalement exclue, expliquer serait déjà une trahison ! Le pire est que nous perdons tout jugement sous le coup de l’émotion, et que nous en oublions aussi l’essentiel de nos vies. Un drame chasse l’autre ! Vous vous souvenez de l’Ukraine ? De la Russie ? Des massacres de civils ? L’Arménie, le Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan, ça vous dit quelque chose ? Ah ! non pardon ! C’était il y a quinze jours…

À lire aussi, Sonia Ben Mordechai: #SurrenderNow

Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes nous a appris, alors que nous sommes dans une forme d’indifférence collective, que l’Ukraine était dans une impasse et que la Russie allait de fait gagner. Ne faudrait-il pas maitriser notre force de frappe médiatique ? Réseaux sociaux, intelligence artificielle mal utilisée, incultes à tous les étages qui donnent leurs avis : et si nous aussi, nous alimentions les guerres ? Il faut retrouver un peu de sérénité, ne serait-ce que pour les victimes ! Messieurs les experts de plateaux, géo-politiciens, diplomates, communicants en cascade, historiens, journalistes, éditorialistes, politiques, écrivains, psychiatres et témoins : pitié pour notre surcharge mentale !

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Âme es-tu là?

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Robert Redeker déplore L’abolition de l’âme dans notre culture et notre quotidien. Son nouvel essai appelle à plus de spiritualité pour résister au conformisme contemporain.


Jusqu’à Descartes, l’âme se nommait psyché. L’étude cartésienne a distingué l’âme de la pensée, et inscrit un dualisme entre le corps et l’esprit. Ce qui était « souffle de vie » a peu à peu disparu pour laisser place au sujet, puis au moi, puis à l’égo qui nous a mené tout droit au narcissisme généralisé que Robert Redeker appelle « la tyrannie de la subjectivité ». Une subjectivité parfaitement compatible avec le conformisme.

« Nous appelons conformisme cette illusion de la singularité au sein du clonage généralisé. » C’est ce qui fait que « le conformisme a remplacé la normalité », estime le philosophe qui nous offre une autre compréhension de ce mot : « La norme n’est pas la moyenne. Il est fréquent que la moyenne navigue très à l’écart de la norme. Si vous prenez la sainteté, comme dans l’église catholique ou, comme dans l’Armée, l’héroïsme, le membre moyen de ces institutions se situera fort loin de la norme. » Et d’ajouter : « S’il est difficile d’être normal, il est facile, presque automatique, véritablement de tout repos, d’être conformiste. »

Et quoi de plus conformiste de nos jours que de taper sur l’Église et de rabaisser l’École ! L’auteur remet donc ces institutions au centre du village, car c’est autant le soin apporté à l’âme qu’à l’enseignement qui nous permet de grandir et de tenir debout. Redeker donne l’exemple de Socrate : à la fois homme de l’âme et homme de la cité ; l’un ne pouvant aller sans l’autre.

Si l’École est ce qui structure le sujet, le « pneuma » ou « souffle de vie » anime l’être humain d’une force spirituelle qui ne vient pas de lui. Le philosophe catholique estime que l’un des effets de la « dépneumatisation » généralisée est « le remplacement de l’âme par le mental ; force mécanique, psychisme matérialisé et solidifié dans du physique, aussi compact qu’un bloc métallique. »

Au « souffle de vie » insufflé par Dieu dans les narines d’Adam pour en faire un être vivant s’est substituée « une volonté de fer », dont le sport est devenu le paradigme. Par ailleurs, « la domestication de l’intelligence » a permis à l’utilité de supplanter la finalité. L’École, encore elle, en est un exemple frappant, qui a oublié que sa « gratuité » n’est pas que financière mais intrinsèque ; c’est-à-dire que la connaissance s’y révèle comme une fin en soi et ne peut être réduite à des compétences en vue d’objectifs professionnels ou commerciaux. « Gratuit, nous indique Aristote, sera ce qui est à soi-même sa fin. »

Robert Redeker nous rappelle ainsi que l’homme, à la différence de l’animal, ne respire pas seulement avec ses poumons mais aussi avec ses forces spirituelles.

L’abolition de l’âme, de Robert Redeker, Éditions du Cerf, 2023.

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#SurrenderNow

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Guerre Israël / Hamas: dans les pays occidentaux où l’opinion publique refuse de regarder en face la réalité du pouvoir politique en place à Gaza, le hashtag prétendument généreux #ceasefirenow remporte un grand succès.


Sur les réseaux sociaux, dans les tribunes de la presse nationale, les slogans pacifistes se succèdent les uns après les autres. On lit des appels au cessez-le-feu immédiat à Gaza, on veut mettre fin, coûte que coûte, aux pertes civiles, insupportable réalité de la guerre. Les indécis qui préféraient se taire au lendemain des massacres du 7 octobre prennent enfin la parole pour exiger un arrêt immédiat des combats. Voilà plus de trois semaines que le Moyen-Orient a sombré dans l’horreur et les opinions publiques sont excédées, elles n’en peuvent plus: #ceasefirenow. À première vue, ces discours pacifistes ont de quoi séduire, ils donnent bonne conscience. Quoi de plus louable que de s’afficher pour la paix et contre toute forme de violence ? Qui peut batailler contre ces bons vœux et se décréter de facto pour la guerre?

Mais en y réfléchissant de plus près, si c’est vraiment l’arrêt des combats que ces masses exigent, si le nombre de victimes civiles sans cesse croissant donne la nausée – et à juste titre – pourquoi les pancartes brandies, les publications Instagram passionnées, n’appellent pas plutôt à la reddition immédiate du Hamas ? N’en déplaisent aux plus paresseux – et la paresse est un mal qui se répand comme une trainée de poudre depuis l’avènement des réseaux sociaux – il serait de bon augure de rappeler la chronologie des faits et la nature d’une organisation comme celle du Hamas avant d’exprimer sa colère et son point de vue sur la situation. Pour les plus studieux, un petit détour par les livres d’histoire ne ferait pas de mal non plus. Le 7 octobre au petit matin, plus de 2000 hommes du Hamas ont pénétré le territoire israélien avec l’intention affichée de tuer hommes, femmes, enfants. Munis de caméras Go-Pro, pour une mise en scène macabre de l’horreur, ils ont assassiné plus de 1400 personnes, dans des conditions indicibles; ont enlevé au moins 240 otages, parmi eux enfants et nourrissons, vieillards. Ces atrocités ont été commises à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël, sur une bande de territoire qui n’est pas à « libérer », sauf si, comme on l’entend hurler dans les manifestations pro-palestiniennes ces derniers jours, l’ultime but est de libérer la Palestine « toute entière, de la rivière à la mer », autrement dit de détruire tout bonnement l’État d’Israël pour le remplacer par la Palestine.

À lire aussi : Hamas: pour la gauche belge, il faut avant toute chose «contextualiser»

Le Hamas connaissait la nature de la riposte israélienne à une telle attaque et avait évidemment conscience des répercussions de ses actions meurtrières sur une population civile gazaouie déjà fragilisée par des conditions de vie déplorables. Parlons-en des conditions de vie à Gaza. Année après année, Gaza a reçu des milliards de dollars en guise d’aide humanitaire, aides visant à améliorer le sort des Gazaouis. Qui a contrôlé l’utilisation de ces deniers? Qui s’est préoccupé de comprendre pourquoi la vie des civils ne s’améliorait guère quand le Hamas, lui, étendait encore et toujours son dédale de tunnels militaires ? Qui s’interroge sur la provenance de l’immense richesse des chefs du Hamas, logés au Qatar dans de fastes villas, quand son peuple meurt sous les bombes? Depuis le début de la riposte israélienne, toutes les organisations internationales, MSF, Unicef et consorts crient à la pénurie des produits de première nécessité dans l’enclave, mais n’expriment aucun étonnement, voir aucune réprobation devant un Hamas qui empile des stocks d’essence lui assurant une force de combat d’au moins encore quatre mois. Personne pour s’indigner de ce braquage? On hurle aux crimes de guerre commis par l’armée israélienne quand on se tait devant le cynisme d’un Hamas qui utilise sa population comme bouclier humain. Personne n’est choqué d’apprendre que le quartier général du groupe se loge sous un hôpital, mettant en danger personnel et malades? Personne ne crie d’épouvante quand des civils sont empêchés de fuir les bombardements de l’armée israélienne?

Nos masses pacifistes semblent oublier que le Hamas règne d’une main de fer et totalitaire sur l’enclave gazouie, qu’il a mené un coup d’Etat en 2007 et tout simplement décimé tous les membres de l’Autorité palestinienne et plus largement toute voix opposante. Les appels au cessez-le-feu immédiat de nos féministes et défenseurs des droits LGBTQ+ choquent quand on sait que déloger le Hamas, c’est aussi mettre fin à l’oppression atroce subie par les homosexuels gazaouis. Ce constat dressé, clin d’œil historique oblige, comment ne pas penser aux foules en liesse accueillant en 1938 un Chamberlain qui venait de sacrifier la Tchécoslovaquie à Hitler, lui-même renforcé de voir des puissances européennes pusillanimes, trop soucieuses de dorloter une opinion publique aveugle aux dangers de l’Allemagne nazie ? On connait la douloureuse suite de l’histoire…

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Alors Mesdames et Messieurs les pacifistes, il est évident qu’au vu de la configuration urbaine de Gaza, de la densité monstre qui y règne et du fameux « Gaza métro », la tâche que Tsahal s’est assignée, à savoir réduire à néant le Hamas, s’annonce terriblement difficile. Quelle que soit l’issue de la riposte israélienne, le nombre de civils tués sera tristement conséquent. Mais devant ce constant inéluctable et après les quelques points rappelés ci-dessous, Mesdames et Messieurs les pacifistes, il est temps de remplacer le hashtag naïf #ceasefirenow par un hashtag plus courageux et pertinent: #surrendernow.

La Fontaine en fables et en notes


Cela commence par la Tempête— on est surpris !— et se termine par un tango. Cela va de Daquin, Rameau à Chopin et Debussy en passant par Bach sans oublier Nino Rota ou Michel Legrand. C’est joyeux et grave, intelligent, spirituel, riche d’harmoniques. On rêve, on rit, on est ému, on réfléchit. On savoure, on se souvient. On est en pays connu et inconnu. À la Cour et dans les forêts, au bord de l’eau et dans des arbres, dans une alcôve et chez les dieux. Un croquant et un chien et un loup, deux coqs, une tortue et un lièvre, un mari jaloux, une femme, tout ce monde parle le même langage. Les vers vous viennent à la bouche. On est heureux de cette « gaité » si particulière à ce monde enchanteur et cruel. C’est La Fontaine en fables et en notes. C’est dit par Brigitte Fossey, et joué au piano par Danielle Laval. C’est au théâtre de Poche jusqu’en fin décembre.

Véritable Orphée qui « transforme les arbres et les plantes en créatures parlantes », La Fontaine aimait tous les arts : la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, les jardins, l’opéra auxquels il a consacré des livrets. Il a été maintes fois illustré par des gravures. Quoi de plus naturel que de le mettre en notes ? La musique n’est pas là pour meubler le silence entre deux fables : elle est un monde auquel le texte entre en résonance, car les notes et les mots — surtout la prosodie de la Fontaine— sont des écritures capables de tisser entre elles des correspondances poétiques, souvent inattendues.

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Brigitte Fossey fait depuis des années des concerts / lectures d’une grande qualité. Aimant passionnément notre langue et la littérature, elle fait vivre, dans ce petit théâtre, l’univers de La Fontaine, sans jamais céder au cabotinage ou à l’effet. D’un pas vif sur la scène, d’une diction parfaite, elle ne rate aucun pied dans l’alexandrin, rendant parfois délicatement un e muet ! À cela, elle joint un incontestable don comique que l’on perçoit, par exemple, dans Le paon se plaignant à Junon ou dans Les deux coqs. Quant à Danielle Laval, pianiste mondialement connue, et créatrice, aux côtés de Brigitte Fossey, de spectacles,— Gourmandises, Mozart et sa Correspondance, La Vie de Rachmaninov et les Lettres de Mendelssohon— elle traduit à merveille cette « comédie à cent actes divers » que sont les fables.

Brigitte Fossey et Danielle Laval, filage Théâtre de Poche-Montparnasse. Photo: Sébastien Toubon

Un air vivifiant, un air de liberté passe dans l’univers des fables unissant la simplicité populaire à la haute culture. Et quelle fantaisie ! Car, enfin, a-t-on jamais vu un rat délivrant un lion des rets où il était pris, ou une colombe « usant de charité » envers une fourmi ? Il n’y a qu’un poète pour inventer cela ! Avec un petit Scarlatti qui vous fouette, c’est délicieux. Sans oublier des histoires tout à fait folles, délicieusement misogynes, comme Le Mari, la Femme et le Voleur. Ou encore Les femmes et le secret ! Notre police des mœurs ferait bien d’ailleurs d’aller y regarder de plus près.

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Je termine sur deux perles d’une eau parfaite. Les deux pigeons, cela fait fondre. « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre… » La Fontaine a 65 ans quand il écrit cette fable… « Ai-je passé le temps d’aimer ? » Qu’il est émouvant d’entendre résonner cette confidence après des siècles ! La deuxième perle est Le Héron : chef-d’œuvre absolu de dessin, de poésie, et de peinture d’un caractère.  A-t-on entendu musique plus transparente que ces vers : «  Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où / Le héron au long bec emmanché d’un long cou… L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours »

Au début du spectacle, le poète, debout devant son pupitre, écrit son livre, nous rappelant que les Fables est un texte écrit qui a donné lieu à de nombreuses éditions. La mise en scène de  Stéphanie Tesson et de Marie Adam enchaîne les tableaux, d’une manière fluide, sur un tempo vif, avec élégance. Alors, courez vite au Poche avec vos enfants ! Dire les fables de La Fontaine et l’écouter en notes, le faire vivre et l’entendre, c’est, de nos jours, un pur bonheur.

Tous les lundis à 19 heures. Détails et réservation en ligne. Tél. 01 45 44 50 21.

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Islamisme, wokisme: les «parents vigilants» ne savent plus où donner de la tête

Je viens d’assister au colloque de l’association « Parents Vigilants » à la fois par intérêt et par curiosité…


En effet, des connaissances personnelles au sein de l’association m’avaient proposé de venir écouter les différentes tables rondes, dans ce lieu si emblématique de notre République, puisque cela se déroulait au Sénat. Je me suis donc inscrit trois semaines auparavant et assez impatient d’y être, je m’y suis rendu avec l’œil attentif et l’oreille avertie de celui qui connaît très bien le milieu de l’école, puisque j’y exerce depuis plus de 25 ans à différents postes. Je dois dire d’ores et déjà que je suis totalement satisfait de ce que j’ai entendu. Très loin de la caricature affligeante qu’en font les médias gauchistes, je n’ai rien entendu d’extrême, de sectaire, ni même de propagande idéologique nationaliste, ou que sais-je d’autre, qui flirterait avec les heures les plus sombres de notre histoire… En ce moment, ces fameuses heures tant et tant évoquées dans certains médias et par certaines personnes, soufflent de nouveau sur notre pays, et ce n’est pas de ce côté-là de l’échiquier politique qu’il faut les chercher. Fermons la parenthèse. L’organisation très bien menée a permis trois échanges sur les thèmes essentiels pour les Parents Vigilants et deux petits discours, en fin d’après-midi, l’un de Marion Maréchal, le second d’Éric Zemmour en personne.

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Les échanges mettent en évidence les constats déjà bien ancrés maintenant chez la plupart des observateurs un minimum honnêtes : l’effondrement du niveau des élèves et l’entrisme de plus en plus important de l’idéologie. Au sujet des connaissances, le retour à un apprentissage des fondamentaux est préconisé avec la volonté assumée de prôner l’arrêt de certains enseignements, au profit d’un net renforcement du volume horaire dédié au français et aux mathématiques. Au niveau de l’idéologie, si le wokisme est dénoncé de manière très constante, notamment par des exemples assez fournis de témoignages recueillis par l’association sur la théorie du genre et tout ce qui s’y rattache, il y est très peu question de l’islamisme. Une minute de silence est effectuée en hommage et en mémoire des deux professeurs, Samuel Paty et Dominique Bernard, tués par des islamistes, mais ce fanatisme religieux n’est pratiquement pas évoqué ensuite. Il faut dire que le temps est compté et que les sujets sont nombreux : dénonciation du pédagogisme, regret que l’enseignement vertical soit de plus en plus contesté, imprégnation des professeurs eux-mêmes des idéologies qu’ils relayent dans leur classe, trop grande importance du numérique à l’école, notamment au travers des Espace Numérique de Travail, favorisant le manque de repères structurants pour les élèves qui gagneraient à écrire davantage et à travailler leur autonomie. S’ensuit une très riche intervention de Bérénice Levet dont je retiens essentiellement l’indispensable retour de l’exigence dans l’apprentissage de notre langue, qui permet de structurer la pensée, ce dont les étudiants sont de moins en moins capables. Cela conjointement à la lutte contre les idéologies, notamment la théorie du genre avec l’imprégnation toujours plus grande chez les élèves de plus en plus jeunes qu’ils peuvent facilement changer de genre et qu’ils seront ce qu’ils ont décidé d’être. Trop de conséquences négatives sont décriées par beaucoup, et d’ailleurs en Angleterre et en Suède on voit un très net changement d’approche car les aspects contraignants sont apparus aux yeux de tous. La fragilité psychologique des élèves et des étudiants est abordée également car elle apparaît de façon de plus en plus criante, parfois dramatique.

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À ma grande surprise, je m’aperçois que le secteur privé est également très concerné par tous ces constats que je pensais, peut-être naïvement, presque exclusivement le fait de l’école publique. La valeur du travail en tant que source d’émancipation libératrice est mise en évidence. De même la discipline est notée comme primordiale et indispensable à l’élaboration d’un climat scolaire serein, propice aux apprentissages scolaires au sein des classes, actuellement beaucoup trop chahutées par des élèves mal orientés et mal accompagnés. Cela se voit même au travers de l’attitude relâchée de certains et non du nécessaire maintien du corps pour se poser en tant qu’élèves prêts à recevoir le savoir. Le grand endoctrinement dénoncé, où le maitre mot est de déconstruire plutôt qu’instruire, fait la part belle à son corollaire, le grand abrutissement, avec une chute vertigineuse des connaissances et des capacités des élèves depuis plusieurs décennies. Ainsi, cette association souhaite lutter contre la présence de l’idéologie à l’école, d’où qu’elle vienne, et n’a pas la volonté d’instaurer sa propre idéologie. Au contraire, aucune idéologie n’a sa place à l’école, et il est clairement affiché le désir profond de « transformer l’école pour que l’on tolère que l’élève y apprenne », comme le note le dernier intervenant, Joost Fernandez, car actuellement beaucoup de temps est consacré à effectuer des activités qui laissent peu de place à l’apprentissage réel des fondamentaux.

En guise de conclusion, je citerai Marion Maréchal qui développe le thème qui m’est peut-être le plus cher depuis quelques années déjà, à savoir le devenir des élèves en tant que citoyens français. Car elle déclame avec raison que « derrière l’effondrement de l’école, c’est l’effondrement de la nation tout entière qui se joue ». Cela se double « d’un effondrement du pluralisme intellectuel très nuisible à notre pays » et à son devenir sur la scène internationale. Jadis, la France brillait par son rayonnement culturel, par ses classements internationaux et par la pratique de sa langue. Tout est lié, l’école est l’enjeu majeur de notre devenir en tant que nation, c’est donc la priorité des parents que de défendre et de protéger l’avenir de leurs enfants. Qu’y aurait-il à redire à tout cela, ou à dénoncer ? Au contraire, il m’apparaît très sain de nous rassembler autour d’un projet fiable et exigeant pour faire de l’école française le ciment de notre nation. Laissons l’idéologie à la porte de l’école, remettons le savoir au centre, et redonnons à l’effort, au mérite et au travail les places qu’ils n’auraient jamais dû quitter ! Faisons-le, ensemble, parents, enseignants, élèves et autres acteurs de la société, afin de permettre à la génération suivante de bénéficier de la transmission des connaissances, si primordiale pour le développement et la structure des enfants en devenir, et pour garantir la pérennisation de ce que nous sommes et de la civilisation que nous portons.

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Florence Arthaud, une supernana!

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Flo, le biopic romancé de Géraldine Danon est à l’affiche depuis mercredi dans les salles. Librement inspiré de la vie de Florence Arthaud (1957-2015) incarnée à la perfection par l’actrice Stéphane Caillard, ce film a l’immense mérite de remettre dans la lumière la seule navigatrice ayant remporté la Route du Rhum, notre dernière étoile des mers.


Pourquoi Florence Arthaud nous touche-t-elle autant depuis sa disparition tragique dans un accident d’hélicoptère ? Parce qu’on a longtemps vu son regard perdu sur les plateaux de télévision, il balayait la platitude des studios tel un phare planté en haute mer ; dans cet environnement hostile et insincère, elle conservait son quant-à-soi. Une puissance d’insoumission qui faisait l’économie de mots trop amples et de gestes trop apprêtés qui sont la marque des poseurs. Ceux-là encombrent les programmes. Ils sont de quart en permanence, toute l’année, jamais fatigués de faire reluire leur égo. Dans cette arène médiatique, les truqueurs sont à leur aise. Ils déploient leur vanité et hissent leur vacuité en pleine promo, gonflés au délirium. Ils ont toujours quelque chose à vendre ou à vanter, une cause à revendiquer ou un business à maintenir; alors quand Flo apparaissait en deuxième partie de soirée, coincée entre deux artistes en jachère, dans ces émissions où l’impertinence confinait à la vulgarité, elle serrait les dents et nous éblouissait par sa nature indomptable.

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Elle gardait le cap ; en pensée, elle était pourtant loin, très loin, à des milles nautiques de ces exercices commandés où un navigateur est obligé d’être un marchand comme un autre. De courir le sponsor et de ne surtout pas faire fuir la ménagère, la cheffe des achats. Flo était incapable de jouer avec les règles faussées de ces milieux avariés, d’aguicher le téléspectateur avec de la frime et de l’exploit en barres. Sa pudeur nous honorait. Une forme d’élégance parcimonieuse et cependant lumineuse transparaissait. Quelque chose de complètement étranger à la situation qui imposait de l’éclat, de la flambe, de l’ironie, du vacarme, en somme. Avec Flo, une retenue, si rare, si friable, si souveraine jaillissait du petit écran. Nous n’étions pas habitués à cette vérité-là, tellement inondés par les médiocrités qui font le lit des grandes carrières populaires. Chaque moment passé en compagnie de Flo, par l’entremise du téléviseur, était intense, brisé, chargé d’une émotion palpable, épidermique, instinctif, nous ressentions cette onde comme un cadeau du ciel. Nous la savions sur un fil, peut-être même au plus mal. Son absence de gloriole nous la rendait terriblement attachante. Son charisme explosait. Il prenait tout l’espace, sans artifice. D’autres qu’elle auraient dû batailler pour espérer décrocher un peu d’attention, un peu de chaleur, nous lui étions acquis car elle ne filtrait pas la douleur. Elle était droite et humble, fracassée et insubmersible. Quel souffle de vie ! Une « femme like U » qui nous emmenait au bout du monde. Une supernana dont les exploits encore aujourd’hui nous fascinent. Nous l’observions dans cet océan de rires bêtes, surtout ne pas tanguer, ne pas sombrer, nous la soutenions de notre canapé, il y avait chez elle, en même temps, l’abîme et la résurrection, les errements et le courage extrême. C’est peu dire qu’elle nous impressionnait. Poliment, patiemment, elle répondait, un peu ailleurs, avec l’envie de se débarrasser de cette corvée, d’en finir avec cet animateur intrusif et, malgré tout, elle remportait cette joute haut la main. Elle fut notre fiancée de l’Atlantique, nous l’avions en poster dans nos chambres d’ado, elle rivalisait avec Rocky et Schwarzy. Elle pimpait notre morne existence. La seule star des vagues au féminin, nous la mettons sur la même haute marche du podium que Tabarly, le père fondateur, le capitaine de vaisseau, celui qui posa la première pierre, tira la première drisse, qui fit de la voile, un métier, un loisir, une économie, un sport, une éthique nationale, et même une morale des mers.

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Dans la mémoire de très nombreux Français, ces deux-là ont fait entrer le nautisme à l’intérieur des départements agraires, dans les corons et les banlieues grises. Ils étaient exigeants, déterminés, surdimensionnés et portés par une ambition plus vaste, plus dévastatrice que leur minuscule « moi ». Nous ne pouvons pas revoir les images de la Route du Rhum 1990 sans une fierté pour la chevauchée fantastique de Flo, nous sommes emplis de bonheur et d’une immense gratitude.

Flo était une championne entière et possédée par une passion tempétueuse. Avec ses tee-shirts rock, son bandana dans les cheveux comme Véronique Sanson dans ses années américaines, sa détermination sans faille dans les bras et le cœur, elle avait amené en tête son trimaran Pierre 1er, tout paré d’or éclairé d’un liseré bleu, sur les côtes de la Guadeloupe. Minuit n’avait pas encore sonné dans les Antilles, et la France faisait connaissance avec Flo pour l’éternité. Le film de Géraldine Danon ne trahit pas cette folle épopée.

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Le doigt dans l’œil

Succédant à la redoutable tempête Ciaran, l’arrivée de Domingos sur nos côtes a produit ses ravages. Emoi chez les Français : 126 000 foyers toujours privés d’électricité, calamités agricoles, transports perturbés… Emoi chez les journalistes : malgré tous leurs efforts, pas un titre de presse n’a trouvé un climatologue capable de mettre ces catastrophes météo sur le dos du réchauffement climatique ! Par ailleurs, ce sont surtout les valeurs des démocraties libérales occidentales qui subissent actuellement le plus sévère tsunami.


Nous venons de vivre – et pour certains d’entre nous de subir – une magistrale démonstration de violence. Les coupables, fichés S, comme il se doit, et insensibles aux éventuelles injonctions de quitter notre territoire se nomment Ciaran et Domingos. Fichés S, donc, comme Sacrées tempêtes. Des vents terribles, des vagues monstrueuses, des arbres déracinés, des toitures envolées, des demeures saccagées, des dégâts par millions, de l’insomnie d’assureurs garantie pour des mois et des mois. Surtout, pour beaucoup, des vies de boulot perdues en une bourrasque.

On est peu de choses, mon bon Monsieur…

Voilà pour la violence de dame nature et de ses éléments. Cela ferait presque oublier la force tranquille de ces mêmes éléments, ces marées, ces vagues qui, imperturbablement, grignotent nos littoraux, avalent nos dunes jour après jour, saison après saison. Tout dans la nature, dans l’univers est manifestation de force, parfois charmante comme celle de la primevère qui s’extirpe de la terre encore froide de l’hiver, parfois terrifiante comme l’éruption du volcan qui, entre deux siestes d’un siècle ou deux, se réveille en une furie éruptive quasi-mélenchonienne.

La force. La force moteur de la vie. Végétale, minérale, animale, humaine, physique, mentale. Sans elle l’oriflamme se met en berne, le voilier de l’extrême s’encalmine, le moulin va trop mou et les nuages s’ennuient.

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Principe vital, donc. Voilà ce qu’on a perdu de vue, me semble-t-il. Au fond, nous qui sommes si prompts à lâcher le mot de valeurs, ce mot qu’on met aujourd’hui à toutes les sauces et dont on attend qu’il comble à lui seul les vides culturels, intellectuels, moraux que nous avons creusés, comment avons-nous pu oublier, négliger la vérité d’évidence que la seule valeur authentiquement universelle – nous dirons universaliste pour complaire aux esprits raffinés – n’est autre que celle-là, la force ? La force, non la violence. La violence qui n’est que la force de ceux qui n’en ont pas. La violence qui est à la fois le mode de fonctionnement et la finalité de toute engeance révolutionnaire. Sartre l’a bien montré dans Critique de la Raison Dialectique (Oui, Sartre, Jean-Paul, comme quoi…). Cette engeance se fabrique un ennemi (ennemi à géométrie variable en fonction du contexte du moment) afin de lui imputer ce qui sera l’alibi de sa violence. Aujourd’hui le jeu – terrifiant – consiste à nazifier l’autre, à le fasciser, systématiquement. Dès lors la violence révolutionnaire a beau jeu de se parer des atours de la résistance. (Sur ce point, se reporter à l’aveu obtenu aux forceps de Madame Obono). Tout devient légitime, à commencer par l’horreur. Nous en sommes là. Et nous y sommes parce que nous avons délaissé la leçon de la nature et de l’univers. Tout ce qui existe, tout ce qui résiste se nourrit de force. De force saine, créatrice, de force heureuse, dionysiaque.

Les valeurs de l’Occident dans la tempête

Or, on s’est fourré le doigt dans l’œil bien profond tout ce temps où nous nous sommes égarés à considérer que nos belles et saintes valeurs républicaines de droit de l’homme, de laïcité, de liberté, d’égalité, de fraternité, auxquelles se sont ajoutées voilà peu la splendide convivialité du vivre ensemble et la non moins enthousiasmante sacralité LGBT+++, se suffiraient à elles seules et que la terre entière finirait bien par se rendre à l’évidence que rien n’est plus beau, plus exaltant, plus universellement nécessaire que ces abstractions en elles-mêmes si satisfaisantes et pour le cœur et pour l’esprit.

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Nos valeurs d’Occident, nos valeurs républicaines, démocratiques, bref, n’ont été respectables et respectées que tant que, non seulement, nous les associions à la force mais que, de surcroît, nous nous en faisions une gloire.

J’entendais ces dernières heures, unis dans un bel accord, le philosophe au brushing irréprochable et à la chemise immaculée échancrée jusqu’au nom du fils, et l’ex-président de la République à casque et scooter, recalé en deuxième tentative pour résultats insuffisants, affirmer que nous assistions à la guerre du totalitarisme contre nos émérites démocraties. Là encore, doigt dans l’œil. La réalité est plus simple, et donc plus terrifiante. C’est la guerre de ceux qui assument leur force contre ceux qui l’ont perdue, abandonnée.

Lorsque le sultan Erdogan, devant une foule immense, évoque – sans doute avec une once de nostalgie – le combat du Croissant contre la Croix, ou plus précisément selon certaines traductions, contre les Croisés, il nous donne, lui aussi, mine de rien, une espèce de leçon.

À savoir que des Croisés, c’est bien tout ce qui manque à nos « valeurs ». Et depuis bien trop longtemps maintenant.

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Jean-Paul Rouve: acteur raté à succès

Dans Le Consentement, l’adaptation cinématographique du livre de Vanessa Springora, Jean-Paul Rouve campe un grossier prédateur sexuel à mi-chemin entre Nosferatu et Hannibal Lecter. Rouve n’a rien compris à Matzneff et il en est fier. Un ratage exemplaire!


Regarder la bande-annonce du filmLe Consentement et écouter l’acteur Jean-Paul Rouve– qui y joue le rôle de Gabriel Matzneff – en faire la promotion sur les plateaux télévisés suffisent pour comprendre le ratage total de cette adaptation du livre de Vanessa Springora sans même l’avoir vu. « Un journaliste m’a dit :“Moi je connais bien Matzneff. Vous savez, c’est plus compliqué que ça.” » Bah non ! C’est pas plus compliqué que ça. C’est très simple même. C’est un homme de 50 ans avec une gamine de 14 ans. » Voilà ce qu’explique l’acteur des Tuche dans l’émission « C à vous ». Mais alors, si ce n’est pas plus compliqué que ça, à quoi bon en faire un film ? À quoi bon y consacrer tant d’énergie et de temps ? La messe est dite. La caricature simpliste est annoncée. Rouve s’y travestit en vieux monsieur très laid, libidineux, reptilien, repoussant, effrayant. Un pédo-Nosferatu maléfique en phase terminale de cancer. Mais Matzneff, au moment des faits, ce n’est pas ça. Matzneff au milieu des années 1980, c’est un homme élégant, séduisant et paraissant avoir une quarantaine d’années. Rouve en paraît 70 ! Cependant, le comédien a l’honnêteté d’avouer sans complexe son échec. Il confesse fièrement ne pas avoir réussi à comprendre le personnage de l’écrivain sulfureux. « Comme je n’arrivais pas à l’incarner comme un parfum de l’intérieur, comme on fait quand on joue, enfin on essaye… j’ai fait ce qu’on ne fait jamais. Je suis passé par l’extérieur. Je suis passé par l’enveloppe. Donc j’ai fait un peu comme il faisait lui. Lui, il s’adore, il pense qu’à lui, il se regarde tout le temps. Il nageait beaucoup, donc je suis allé nager. J’ai fait des UV. J’ai fait des manucures. J’ai fait des trucs comme ça. Donc je me suis dit, je vais essayer de le comprendre un peu comme ça. Mais j’ai rien compris. » Voilà ce qu’il nous explique crânement, le célèbre comédien. Qu’il n’a pas réussi. Malgré la manucure ! Bien essayé Jean-Paul, dommage. Pour définir le personnage, il ajoute : « C’est le mal absolu. C’est un monstre terrible. » Matzneff, le mal absolu ? Et Michel Fourniret, Mohammed Merah, Staline, Klaus Barbie… à quel niveau de mal se trouvent-ils sur l’échelle de Rouve ? Pour travailler le rôle, il dit avoir pensé à Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux. Un tueur en série qui mange ses victimes !

Un acteur n’est pas un père la morale

Bon. Prenons un acteur, un vrai, un grand : Bruno Ganz ! Lorsqu’il incarnait Hitler dans La Chute, on ne l’a pas vu jouer la caricature du mal. Non ! Au contraire ! Ganz se disait d’ailleurs amusé d’entendre certaines personnes lui reprocher d’avoir « humanisé » le dictateur. « Les gens ont besoin d’avoir une icône intacte du mal lui-même.[…] Mais je ne sais pas ce qu’est vraiment le mal », expliquait l’acteur suisse. Quand les journalistes lui demandaient s’il avait abordé et travaillé le rôle en se persuadant qu’il était humain, il répondait :« Bien sûr qu’il l’est. Qu’est-ce qu’il pourrait être d’autre ? » Pour s’emparer du personnage, il avait en partie travaillé sur les failles du dictateur, sur l’absence d’amour qu’il avait reçu de sa mère, sur son côté artiste raté. Voilà ce qu’est un acteur ! Un homme qui travaille sur l’être humain, sur ses nuances, sur ses contrastes. Un acteur n’est pas un juge ! Ce n’est pas un père la morale. Et je ne compare pas ici Matzneff à Hitler ! J’ai le sens de la mesure, moi. Ganz avait assumé sa lourde responsabilité d’acteur en endossant le rôle d’Hitler avec toute sa complexité, et toute son humanité (humain n’est pas synonyme de bon !). Rouve n’en a probablement ni les moyens ni le courage… ni même l’intelligence nécessaire. Ganz avait essuyé une pluie de critiques pour avoir fait d’Hitler ce qu’il était : un homme. On criait au scandale. Son interprétation magistrale et troublante aura cependant marqué l’histoire du cinéma.

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Mais laissons ce petit joueur d’Adolf de côté. Revenons-en au vrai mal, au mal absolu, total : Gabriel Matzneff. Jean-Paul Rouve explique que l’écrivain, en plus d’être un monstre, s’est servi de toutes ses horreurs pour faire « ses écrits, qui au final sont médiocres ». Que l’on ne considère pas Matzneff comme un grand écrivain, cela peut s’entendre. Mais venant de Jean-Paul Rouve, qui a joué au théâtre les textes de ses chansons préférées dont fait partie « Il jouait du piano debout »… on se dit que, là encore, comme pour son échelle du mal, il y a un petit problème de valeur. Lors de la promotion de ce spectacle, qu’il donnait au Théâtre Antoine, il avait justement évoqué cette chanson, dans l’émission « C à vous ». « C’est beau ce qui est dit ! Un moment il dit :“Essaie d’être heureux, ça vaut le coup.” Il dit ça dans le texte. Les textes de Michel Berger sont quand même formidables », expliquait l’artiste féru de grande littérature.

Jean-Paul Rouve et Kim Higelin dans Le Consentement de Vanessa Filho. (c) Julie Trannoy

Fier de ne pas avoir compris Matzneff

Allez ! Je parle, je parle, mais il faut quand même que je voie ce film. Je file au cinéma. Mauvaise nouvelle, il dure tout de même une heure et cinquante-huit minutes. J’achète mon billet, je m’installe. Au bout d’une heure et quart, je ressors. Et je ne suis pas le premier. Rouve avait vendu le machin avec honnêteté : « C’est pas plus compliqué que ça. C’est très simple même. C’est un homme de 50 ans avec une gamine de 14 ans. » Ce n’est effectivement pas plus compliqué que ça. Les dix premières minutes auraient donc largement suffi à nous faire passer le message. Pourquoi un long-métrage ? Rouve disait encore vrai en affirmant ne rien comprendre au personnage. Il ne joue d’ailleurs pas grand-chose. On dirait un beauf essayant d’imiter, de caricaturer avec mépris un intellectuel. Rouve barbouille à la truelle un Matzneff inhumain, incompréhensible, vide, en y ajoutant du noir. Du noir encore et encore. Rouve ne joue – ou plutôt ne surjoue – qu’une seule et unique chose : le dégoût qu’il éprouve pour Matzneff, mettant ainsi en scène sa propre vertu de carton-pâte. C’est Rouve le personnage principal du film. Ce n’est pas Matzneff, ni même Springora. C’est Rouve ! Rouve le Vertueux. Il avait bien raison de nous prévenir qu’il n’avait pas réussi à atteindre le rôle. Enfin… pas réussi, mon œil ! C’est plutôt qu’il ne le voulait pas. Ce film était pour lui une trop bonne occasion de nous montrer comme il est bon. Comme il est bien. Pour lui, c’est une fierté de n’avoir pas réussi à comprendre Matzneff. C’est la preuve que lui, Rouve, n’est pas un être obscur, qu’il n’est pas un monstre, pas un pédophile. Son impossibilité à entrer dans le personnage, à le comprendre, il l’arbore comme une décoration à sa boutonnière. C’est sa Légion d’honneur. Mais, même mauvais, Rouve reste un acteur. Un menteur. Il joue un personnage. Il imite, il simule, il fabrique. Même son dégoût pour Matzneff, il le joue. Mal, grossièrement, sans finesse, mais il le joue. Et moi, devant ce film, ce n’est pas Matzneff qui me dégoûte. Matzneff est absent. On ne le voit pas. Celui qui me dégoûte, c’est cet affreux Rouve gonflé de sa fausse, opportuniste et dégoulinante bonté d’âme. Il veut à tout prix nous montrer que c’est lui qui a la plus grosse. Comme il est vulgaire. Comme il est obscène. Signalons aussi toutes ces scènes de sexe interminables ! Ces scènes de sodomie qui dure, de langues sucées lentement, de fellations sans fin. De la pornographie ! Savent-ils qu’ils ont dû exciter beaucoup de vieux messieurs dans les salles obscures ? Des messieurs qui n’avaient même peut-être jamais pensé à cela avant ! Tu m’étonnes que Rouve ait l’air un peu gêné sur les plateaux télé lorsqu’il parle du tournage et qu’il explique avoir eu la sensation d’être « couvert de boue » le soir, après le travail. Couvert de boue dans sa tête, mais couvert de salive dans les faits. Il semble avoir un peu de mal à assumer. Et comment ! Être payé une fortune pour caresser les seins d’une fille de trente ans de moins que lui et lécher sa langue pendant des heures et des heures… lui, l’acteur star de 56 ans, elle, la jeune débutante de 22 ans. Est-ce bien moral d’ailleurs cela ? Je ne sais plus, je m’y perds. Peut-être un jour regrettera-t-elle de s’être laissé tripoter par le sosie raté et répugnant de Gabriel Matzneff dans le but de vouloir lancer sa carrière. Le regret serait bien compréhensible. Beurk ! Avoir à lécher la langue de Jean-Paul Rouve, quel dégoût. Bon… là, je commence à m’emporter. Je vais donc m’arrêter ici. Je ne veux pas à mon tour mettre en scène ma propre vertu en me servant de ce pauvre acteur raté à succès. Et si un jour, au cinéma, on me confie la tâche de jouer le rôle de Jean-Paul Rouve, je promets que je saurai trouver en lui, quelque part, une lueur d’humanité à jouer. « Jean-Paul Rouve un être humain ? »me demanderont certains. Oui, un être humain ! Que pourrait-il être d’autre qu’un être humain ? Qu’un misérable être humain ? Pour terminer, rappelons une petite note prise au Conservatoire par Éliane Moch-Bickert – élève de Louis Jouvet – lors de l’un des cours de son maître :« Il faut arriver à aimer tous les personnages qu’on joue, quels qu’ils soient. Il faut être très circonspect, très réservé avec eux, les fréquenter d’une fréquentation longue, quotidienne. C’est la seule façon d’en tirer quelque chose. »

Délit de selfie

Tout le monde déteste la police et Jordan Bardella!


Sont-ce les clichés de la honte ? Alors que Jordan Bardella visitait le salon de l’élevage, le jeudi 5 octobre, à Cournon-d’Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, des policiers ont voulu poser avec le président du RN. Uniformes et gilets pare-balles sur les épaules, ils sont tout sourire. Certains seraient venus rien que pour ça. « Les fonctionnaires, censés patrouiller ailleurs dans le secteur, auraient fait le déplacement au sommet uniquement pour croiser Jordan Bardella », estime RMC. Ils sont cinq ou six, d’après un porte-parole de la police nationale. La préfecture du Puy-de-Dôme a ouvert une enquête administrative. La question du devoir de réserve se pose en effet. D’après les textes, celle-ci désigne « l’obligation faite à tout agent public de faire preuve de réserve et de retenue dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles. L’obligation de réserve n’est pas conçue comme une interdiction d’exercer les droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et liberté d’expression. »

A lire aussi : Un ministre de l’Intérieur bien vantard…

On peut quand même s’interroger. Ces policiers se seraient-ils attiré les mêmes foudres s’ils avaient tenu à prendre un selfie avec un élu LFI ou avec une figure macroniste ? Et d’ailleurs, en quoi ces clichés constituent-ils une expression « sans retenue ni réserve » des opinions des policiers ? Un selfie constitue-t-il une forme d’expression écrite ou orale ? Enfin, les photos avaient-elles vocation à sortir de la sphère privée si les caméras n’avaient pas filmé la scène, et si le journal auvergnat, La Montagne, n’en avait pas parlé ? Pour les médias bien-pensants, c’est une nouvelle preuve de la connivence entre le parti de la droite nationale et la police. Gérald Darmanin, invité par « Quotidien », trouve ça « très choquant ». Pointe de jalousie d’un ministre à l’égard d’une figure politique qui le dépasse en popularité chez les flics ? Fabien Vanhemelryck, du syndicat Alliance, dédramatisait : « Qu’est-ce qu’on leur reproche en réalité ? […] On n’a pas besoin de crisper les policiers avec des bêtises comme ça. »

Pour un nouveau grand-œuvre anti-terroriste

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Face à l’internationale de la barbarie, la coalition menacée des démocraties libérales doit prendre appui sur un nouveau dispositif écrit.


Huit décennies après l’extermination des Juifs ainsi que d’autres minorités, et à quelques semaines du 75ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le 10 décembre 1948 à Paris, le monde se trouve aujourd’hui en proie aux calamités : guerres, pandémies, désordres climatiques aux effets destructeurs et violences terroristes infligées sans vergogne dans l’ivresse de la haine démesurée.

La diffusion d’images révélant la cruauté sans limite conduit à un cataclysme, au sens où l’effet réel recouvre un grand bouleversement social, économique et psychologique, provoquant également d’importants troubles. En apparence, il s’agit de la défaite des rédacteurs du texte de 1948, à valeur non contraignante, mais plaçant la dignité humaine au sommet des aspirations partagées pendant les années d’après-guerre. Il s’avère donc impérieux de reprendre l’initiative, afin d’affirmer encore et toujours cette même exigence de dignité, que les persécuteurs sanguinaires frappant lâchement au petit jour veulent piétiner, exactement comme le firent les bourreaux nazis. Or toute coalition de démocraties doit prendre appui sur un dispositif écrit.

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Il est donc temps qu’un nouveau texte global et contraignant prenne en compte l’hyper-terrorisme qui a pour caractéristiques d’être mondialisé dans son organisation et ses effets, autant que sordidement spectaculaire. L’inhumanité et le déploiement des actuels maîtres en sauvagerie frappant par surprise creusent des empreintes si profondes que la réinitialisation espérée après le mois de mai 1945 se révèle balayée par les atrocités exponentielles.

La mondialisation a pour génie cynique d’éluder l’horreur terroriste, en la présentant simplement comme une constante contemporaine réactionnelle. Désormais, la généralisation concertée de la terreur nous expose à l’effondrement, c’est-à-dire au risque de nous vider de toute humanité. Précisément, s’effondrer consisterait à collectivement tomber morts ou frappés lourdement : comment, alors, nous relever ?

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Interrogé en raison de sa grande expérience de vie sur ce qu’il pensait de la civilisation, le docteur Albert Schweitzer répondit avec ironie : « Je crois que ce serait une bonne chose. » L’urgent grand-œuvre de réhabilitation passe désormais par une verbalisation des attentes face aux atteintes ou, comme l’écrivait Elie Wiesel, de la transformation d’une histoire sur le désespoir en une histoire contre le désespoir.

Le 10 mai 1944, voici bientôt quatre-vingts ans, fut proclamée à Philadelphie la première Déclaration internationale de droits[1] s’adressant à « l’ensemble du monde civilisé. » Il est temps de considérer que l’aggravation de l’avènement hyper-terroriste appelle l’émergence d’un nouveau repère lisible sur lequel s’appuyer, pour que soient, de manière effective et globale, condamnés et sanctionnés unanimement – et non plus « contextualisés » – les massacres de victimes totalement sans défense.


[1] Déclaration concernant les buts et objectifs de l’organisation internationale du travail.

Jusqu’où doit-on aller dans l’exhibitionnisme de l’horreur?

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Le 30 octobre au Daguestan, l'aéroport de Makhatchkala est pris d'assaut par une foule hostile à Israël. Capture BFMTV.

L’info nous épuise. Les horreurs de la guerre, et les avis divers des experts, diffusés à foison sur les réseaux sociaux, les télés et sites d’informations, sont notre nouvelle charge mentale. Notre contributrice témoigne de sa fatigue informationnelle.


Notre traumatisme émotionnel a dépassé le seuil du supportable ! Certes, nous sommes empathiques, certes nous sommes outrés, certes nous sommes dans une situation géopolitique insoutenable, certes nous sommes des Républicains convaincus. Oui, nous sommes terrassés par l’idée d’un antisémitisme qui se propagerait comme une trainée de poudre, oui, un bébé assassiné reste un bébé d’où qu’il vienne et quel qu’il soit. Mais stop. Stop à cette invasion politico-médiatique, à ce désir absolu de nous faire regarder les images les plus insoutenables, pire, on nous montre les vidéos barbares commentées par des experts envoyés sur place, face à d’autres images créées par l’intelligence artificielle. Mais, il parait que c’est pour nous convaincre. Nous sommes abreuvés de récits de bébés vivants cuits dans un four, de « bons » Palestiniens mourant de soif, de faim et d’autres choses, d’explications incompréhensibles des pays limitrophes qui sont pires les uns que les autres. Et dire qu’en France, nous avons un homme politique « insoumis » à tout, qui considère que le Hamas lutte légitimement contre le colonialisme… Tout cela fait que trop de surmédiatisation étouffe la raison quand elle ne nous fait pas détourner le regard, ou ne plus regarder du tout nos journaux. On peut se demander si remuer sans arrêt ces horreurs, qui méritent d’être dénoncées, n’attise pas les haines des extrémistes ? Peut-on aussi relativiser, et arrêter de penser que la France entière est devenue antisémite ? A force de nous le dire, n’ouvrons-nous pas les vannes ? La République c’est aussi savoir se tenir, c’est ne pas se précipiter dans la rue en vagissant avec les pires des pancartes, la bave aux lèvres. Nous nous auto-alimentons en détestation. Ne pas haïr violemment un côté ou l’autre, aujourd’hui, serait suspect. La nuance est totalement exclue, expliquer serait déjà une trahison ! Le pire est que nous perdons tout jugement sous le coup de l’émotion, et que nous en oublions aussi l’essentiel de nos vies. Un drame chasse l’autre ! Vous vous souvenez de l’Ukraine ? De la Russie ? Des massacres de civils ? L’Arménie, le Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan, ça vous dit quelque chose ? Ah ! non pardon ! C’était il y a quinze jours…

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Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes nous a appris, alors que nous sommes dans une forme d’indifférence collective, que l’Ukraine était dans une impasse et que la Russie allait de fait gagner. Ne faudrait-il pas maitriser notre force de frappe médiatique ? Réseaux sociaux, intelligence artificielle mal utilisée, incultes à tous les étages qui donnent leurs avis : et si nous aussi, nous alimentions les guerres ? Il faut retrouver un peu de sérénité, ne serait-ce que pour les victimes ! Messieurs les experts de plateaux, géo-politiciens, diplomates, communicants en cascade, historiens, journalistes, éditorialistes, politiques, écrivains, psychiatres et témoins : pitié pour notre surcharge mentale !

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Âme es-tu là?

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Robert Redeker déplore L’abolition de l’âme dans notre culture et notre quotidien. Son nouvel essai appelle à plus de spiritualité pour résister au conformisme contemporain.


Jusqu’à Descartes, l’âme se nommait psyché. L’étude cartésienne a distingué l’âme de la pensée, et inscrit un dualisme entre le corps et l’esprit. Ce qui était « souffle de vie » a peu à peu disparu pour laisser place au sujet, puis au moi, puis à l’égo qui nous a mené tout droit au narcissisme généralisé que Robert Redeker appelle « la tyrannie de la subjectivité ». Une subjectivité parfaitement compatible avec le conformisme.

« Nous appelons conformisme cette illusion de la singularité au sein du clonage généralisé. » C’est ce qui fait que « le conformisme a remplacé la normalité », estime le philosophe qui nous offre une autre compréhension de ce mot : « La norme n’est pas la moyenne. Il est fréquent que la moyenne navigue très à l’écart de la norme. Si vous prenez la sainteté, comme dans l’église catholique ou, comme dans l’Armée, l’héroïsme, le membre moyen de ces institutions se situera fort loin de la norme. » Et d’ajouter : « S’il est difficile d’être normal, il est facile, presque automatique, véritablement de tout repos, d’être conformiste. »

Et quoi de plus conformiste de nos jours que de taper sur l’Église et de rabaisser l’École ! L’auteur remet donc ces institutions au centre du village, car c’est autant le soin apporté à l’âme qu’à l’enseignement qui nous permet de grandir et de tenir debout. Redeker donne l’exemple de Socrate : à la fois homme de l’âme et homme de la cité ; l’un ne pouvant aller sans l’autre.

Si l’École est ce qui structure le sujet, le « pneuma » ou « souffle de vie » anime l’être humain d’une force spirituelle qui ne vient pas de lui. Le philosophe catholique estime que l’un des effets de la « dépneumatisation » généralisée est « le remplacement de l’âme par le mental ; force mécanique, psychisme matérialisé et solidifié dans du physique, aussi compact qu’un bloc métallique. »

Au « souffle de vie » insufflé par Dieu dans les narines d’Adam pour en faire un être vivant s’est substituée « une volonté de fer », dont le sport est devenu le paradigme. Par ailleurs, « la domestication de l’intelligence » a permis à l’utilité de supplanter la finalité. L’École, encore elle, en est un exemple frappant, qui a oublié que sa « gratuité » n’est pas que financière mais intrinsèque ; c’est-à-dire que la connaissance s’y révèle comme une fin en soi et ne peut être réduite à des compétences en vue d’objectifs professionnels ou commerciaux. « Gratuit, nous indique Aristote, sera ce qui est à soi-même sa fin. »

Robert Redeker nous rappelle ainsi que l’homme, à la différence de l’animal, ne respire pas seulement avec ses poumons mais aussi avec ses forces spirituelles.

L’abolition de l’âme, de Robert Redeker, Éditions du Cerf, 2023.

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#SurrenderNow

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Paris, 4 novembre 2023 © Aurelien Morissard/AP/SIPA

Guerre Israël / Hamas: dans les pays occidentaux où l’opinion publique refuse de regarder en face la réalité du pouvoir politique en place à Gaza, le hashtag prétendument généreux #ceasefirenow remporte un grand succès.


Sur les réseaux sociaux, dans les tribunes de la presse nationale, les slogans pacifistes se succèdent les uns après les autres. On lit des appels au cessez-le-feu immédiat à Gaza, on veut mettre fin, coûte que coûte, aux pertes civiles, insupportable réalité de la guerre. Les indécis qui préféraient se taire au lendemain des massacres du 7 octobre prennent enfin la parole pour exiger un arrêt immédiat des combats. Voilà plus de trois semaines que le Moyen-Orient a sombré dans l’horreur et les opinions publiques sont excédées, elles n’en peuvent plus: #ceasefirenow. À première vue, ces discours pacifistes ont de quoi séduire, ils donnent bonne conscience. Quoi de plus louable que de s’afficher pour la paix et contre toute forme de violence ? Qui peut batailler contre ces bons vœux et se décréter de facto pour la guerre?

Mais en y réfléchissant de plus près, si c’est vraiment l’arrêt des combats que ces masses exigent, si le nombre de victimes civiles sans cesse croissant donne la nausée – et à juste titre – pourquoi les pancartes brandies, les publications Instagram passionnées, n’appellent pas plutôt à la reddition immédiate du Hamas ? N’en déplaisent aux plus paresseux – et la paresse est un mal qui se répand comme une trainée de poudre depuis l’avènement des réseaux sociaux – il serait de bon augure de rappeler la chronologie des faits et la nature d’une organisation comme celle du Hamas avant d’exprimer sa colère et son point de vue sur la situation. Pour les plus studieux, un petit détour par les livres d’histoire ne ferait pas de mal non plus. Le 7 octobre au petit matin, plus de 2000 hommes du Hamas ont pénétré le territoire israélien avec l’intention affichée de tuer hommes, femmes, enfants. Munis de caméras Go-Pro, pour une mise en scène macabre de l’horreur, ils ont assassiné plus de 1400 personnes, dans des conditions indicibles; ont enlevé au moins 240 otages, parmi eux enfants et nourrissons, vieillards. Ces atrocités ont été commises à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël, sur une bande de territoire qui n’est pas à « libérer », sauf si, comme on l’entend hurler dans les manifestations pro-palestiniennes ces derniers jours, l’ultime but est de libérer la Palestine « toute entière, de la rivière à la mer », autrement dit de détruire tout bonnement l’État d’Israël pour le remplacer par la Palestine.

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Le Hamas connaissait la nature de la riposte israélienne à une telle attaque et avait évidemment conscience des répercussions de ses actions meurtrières sur une population civile gazaouie déjà fragilisée par des conditions de vie déplorables. Parlons-en des conditions de vie à Gaza. Année après année, Gaza a reçu des milliards de dollars en guise d’aide humanitaire, aides visant à améliorer le sort des Gazaouis. Qui a contrôlé l’utilisation de ces deniers? Qui s’est préoccupé de comprendre pourquoi la vie des civils ne s’améliorait guère quand le Hamas, lui, étendait encore et toujours son dédale de tunnels militaires ? Qui s’interroge sur la provenance de l’immense richesse des chefs du Hamas, logés au Qatar dans de fastes villas, quand son peuple meurt sous les bombes? Depuis le début de la riposte israélienne, toutes les organisations internationales, MSF, Unicef et consorts crient à la pénurie des produits de première nécessité dans l’enclave, mais n’expriment aucun étonnement, voir aucune réprobation devant un Hamas qui empile des stocks d’essence lui assurant une force de combat d’au moins encore quatre mois. Personne pour s’indigner de ce braquage? On hurle aux crimes de guerre commis par l’armée israélienne quand on se tait devant le cynisme d’un Hamas qui utilise sa population comme bouclier humain. Personne n’est choqué d’apprendre que le quartier général du groupe se loge sous un hôpital, mettant en danger personnel et malades? Personne ne crie d’épouvante quand des civils sont empêchés de fuir les bombardements de l’armée israélienne?

Nos masses pacifistes semblent oublier que le Hamas règne d’une main de fer et totalitaire sur l’enclave gazouie, qu’il a mené un coup d’Etat en 2007 et tout simplement décimé tous les membres de l’Autorité palestinienne et plus largement toute voix opposante. Les appels au cessez-le-feu immédiat de nos féministes et défenseurs des droits LGBTQ+ choquent quand on sait que déloger le Hamas, c’est aussi mettre fin à l’oppression atroce subie par les homosexuels gazaouis. Ce constat dressé, clin d’œil historique oblige, comment ne pas penser aux foules en liesse accueillant en 1938 un Chamberlain qui venait de sacrifier la Tchécoslovaquie à Hitler, lui-même renforcé de voir des puissances européennes pusillanimes, trop soucieuses de dorloter une opinion publique aveugle aux dangers de l’Allemagne nazie ? On connait la douloureuse suite de l’histoire…

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Alors Mesdames et Messieurs les pacifistes, il est évident qu’au vu de la configuration urbaine de Gaza, de la densité monstre qui y règne et du fameux « Gaza métro », la tâche que Tsahal s’est assignée, à savoir réduire à néant le Hamas, s’annonce terriblement difficile. Quelle que soit l’issue de la riposte israélienne, le nombre de civils tués sera tristement conséquent. Mais devant ce constant inéluctable et après les quelques points rappelés ci-dessous, Mesdames et Messieurs les pacifistes, il est temps de remplacer le hashtag naïf #ceasefirenow par un hashtag plus courageux et pertinent: #surrendernow.

La Fontaine en fables et en notes

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Brigitte Fossey et Danielle Laval s'amusent © Sébastien Toubon

Cela commence par la Tempête— on est surpris !— et se termine par un tango. Cela va de Daquin, Rameau à Chopin et Debussy en passant par Bach sans oublier Nino Rota ou Michel Legrand. C’est joyeux et grave, intelligent, spirituel, riche d’harmoniques. On rêve, on rit, on est ému, on réfléchit. On savoure, on se souvient. On est en pays connu et inconnu. À la Cour et dans les forêts, au bord de l’eau et dans des arbres, dans une alcôve et chez les dieux. Un croquant et un chien et un loup, deux coqs, une tortue et un lièvre, un mari jaloux, une femme, tout ce monde parle le même langage. Les vers vous viennent à la bouche. On est heureux de cette « gaité » si particulière à ce monde enchanteur et cruel. C’est La Fontaine en fables et en notes. C’est dit par Brigitte Fossey, et joué au piano par Danielle Laval. C’est au théâtre de Poche jusqu’en fin décembre.

Véritable Orphée qui « transforme les arbres et les plantes en créatures parlantes », La Fontaine aimait tous les arts : la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, les jardins, l’opéra auxquels il a consacré des livrets. Il a été maintes fois illustré par des gravures. Quoi de plus naturel que de le mettre en notes ? La musique n’est pas là pour meubler le silence entre deux fables : elle est un monde auquel le texte entre en résonance, car les notes et les mots — surtout la prosodie de la Fontaine— sont des écritures capables de tisser entre elles des correspondances poétiques, souvent inattendues.

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Brigitte Fossey fait depuis des années des concerts / lectures d’une grande qualité. Aimant passionnément notre langue et la littérature, elle fait vivre, dans ce petit théâtre, l’univers de La Fontaine, sans jamais céder au cabotinage ou à l’effet. D’un pas vif sur la scène, d’une diction parfaite, elle ne rate aucun pied dans l’alexandrin, rendant parfois délicatement un e muet ! À cela, elle joint un incontestable don comique que l’on perçoit, par exemple, dans Le paon se plaignant à Junon ou dans Les deux coqs. Quant à Danielle Laval, pianiste mondialement connue, et créatrice, aux côtés de Brigitte Fossey, de spectacles,— Gourmandises, Mozart et sa Correspondance, La Vie de Rachmaninov et les Lettres de Mendelssohon— elle traduit à merveille cette « comédie à cent actes divers » que sont les fables.

Brigitte Fossey et Danielle Laval, filage Théâtre de Poche-Montparnasse. Photo: Sébastien Toubon

Un air vivifiant, un air de liberté passe dans l’univers des fables unissant la simplicité populaire à la haute culture. Et quelle fantaisie ! Car, enfin, a-t-on jamais vu un rat délivrant un lion des rets où il était pris, ou une colombe « usant de charité » envers une fourmi ? Il n’y a qu’un poète pour inventer cela ! Avec un petit Scarlatti qui vous fouette, c’est délicieux. Sans oublier des histoires tout à fait folles, délicieusement misogynes, comme Le Mari, la Femme et le Voleur. Ou encore Les femmes et le secret ! Notre police des mœurs ferait bien d’ailleurs d’aller y regarder de plus près.

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Je termine sur deux perles d’une eau parfaite. Les deux pigeons, cela fait fondre. « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre… » La Fontaine a 65 ans quand il écrit cette fable… « Ai-je passé le temps d’aimer ? » Qu’il est émouvant d’entendre résonner cette confidence après des siècles ! La deuxième perle est Le Héron : chef-d’œuvre absolu de dessin, de poésie, et de peinture d’un caractère.  A-t-on entendu musique plus transparente que ces vers : «  Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où / Le héron au long bec emmanché d’un long cou… L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours »

Au début du spectacle, le poète, debout devant son pupitre, écrit son livre, nous rappelant que les Fables est un texte écrit qui a donné lieu à de nombreuses éditions. La mise en scène de  Stéphanie Tesson et de Marie Adam enchaîne les tableaux, d’une manière fluide, sur un tempo vif, avec élégance. Alors, courez vite au Poche avec vos enfants ! Dire les fables de La Fontaine et l’écouter en notes, le faire vivre et l’entendre, c’est, de nos jours, un pur bonheur.

Tous les lundis à 19 heures. Détails et réservation en ligne. Tél. 01 45 44 50 21.

La Fontaine : Fables

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Islamisme, wokisme: les «parents vigilants» ne savent plus où donner de la tête

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De gauche à droite, Ève Vaguerlant, Bérénice Levet et Joost Fernandez. D.R.

Je viens d’assister au colloque de l’association « Parents Vigilants » à la fois par intérêt et par curiosité…


En effet, des connaissances personnelles au sein de l’association m’avaient proposé de venir écouter les différentes tables rondes, dans ce lieu si emblématique de notre République, puisque cela se déroulait au Sénat. Je me suis donc inscrit trois semaines auparavant et assez impatient d’y être, je m’y suis rendu avec l’œil attentif et l’oreille avertie de celui qui connaît très bien le milieu de l’école, puisque j’y exerce depuis plus de 25 ans à différents postes. Je dois dire d’ores et déjà que je suis totalement satisfait de ce que j’ai entendu. Très loin de la caricature affligeante qu’en font les médias gauchistes, je n’ai rien entendu d’extrême, de sectaire, ni même de propagande idéologique nationaliste, ou que sais-je d’autre, qui flirterait avec les heures les plus sombres de notre histoire… En ce moment, ces fameuses heures tant et tant évoquées dans certains médias et par certaines personnes, soufflent de nouveau sur notre pays, et ce n’est pas de ce côté-là de l’échiquier politique qu’il faut les chercher. Fermons la parenthèse. L’organisation très bien menée a permis trois échanges sur les thèmes essentiels pour les Parents Vigilants et deux petits discours, en fin d’après-midi, l’un de Marion Maréchal, le second d’Éric Zemmour en personne.

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Les échanges mettent en évidence les constats déjà bien ancrés maintenant chez la plupart des observateurs un minimum honnêtes : l’effondrement du niveau des élèves et l’entrisme de plus en plus important de l’idéologie. Au sujet des connaissances, le retour à un apprentissage des fondamentaux est préconisé avec la volonté assumée de prôner l’arrêt de certains enseignements, au profit d’un net renforcement du volume horaire dédié au français et aux mathématiques. Au niveau de l’idéologie, si le wokisme est dénoncé de manière très constante, notamment par des exemples assez fournis de témoignages recueillis par l’association sur la théorie du genre et tout ce qui s’y rattache, il y est très peu question de l’islamisme. Une minute de silence est effectuée en hommage et en mémoire des deux professeurs, Samuel Paty et Dominique Bernard, tués par des islamistes, mais ce fanatisme religieux n’est pratiquement pas évoqué ensuite. Il faut dire que le temps est compté et que les sujets sont nombreux : dénonciation du pédagogisme, regret que l’enseignement vertical soit de plus en plus contesté, imprégnation des professeurs eux-mêmes des idéologies qu’ils relayent dans leur classe, trop grande importance du numérique à l’école, notamment au travers des Espace Numérique de Travail, favorisant le manque de repères structurants pour les élèves qui gagneraient à écrire davantage et à travailler leur autonomie. S’ensuit une très riche intervention de Bérénice Levet dont je retiens essentiellement l’indispensable retour de l’exigence dans l’apprentissage de notre langue, qui permet de structurer la pensée, ce dont les étudiants sont de moins en moins capables. Cela conjointement à la lutte contre les idéologies, notamment la théorie du genre avec l’imprégnation toujours plus grande chez les élèves de plus en plus jeunes qu’ils peuvent facilement changer de genre et qu’ils seront ce qu’ils ont décidé d’être. Trop de conséquences négatives sont décriées par beaucoup, et d’ailleurs en Angleterre et en Suède on voit un très net changement d’approche car les aspects contraignants sont apparus aux yeux de tous. La fragilité psychologique des élèves et des étudiants est abordée également car elle apparaît de façon de plus en plus criante, parfois dramatique.

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À ma grande surprise, je m’aperçois que le secteur privé est également très concerné par tous ces constats que je pensais, peut-être naïvement, presque exclusivement le fait de l’école publique. La valeur du travail en tant que source d’émancipation libératrice est mise en évidence. De même la discipline est notée comme primordiale et indispensable à l’élaboration d’un climat scolaire serein, propice aux apprentissages scolaires au sein des classes, actuellement beaucoup trop chahutées par des élèves mal orientés et mal accompagnés. Cela se voit même au travers de l’attitude relâchée de certains et non du nécessaire maintien du corps pour se poser en tant qu’élèves prêts à recevoir le savoir. Le grand endoctrinement dénoncé, où le maitre mot est de déconstruire plutôt qu’instruire, fait la part belle à son corollaire, le grand abrutissement, avec une chute vertigineuse des connaissances et des capacités des élèves depuis plusieurs décennies. Ainsi, cette association souhaite lutter contre la présence de l’idéologie à l’école, d’où qu’elle vienne, et n’a pas la volonté d’instaurer sa propre idéologie. Au contraire, aucune idéologie n’a sa place à l’école, et il est clairement affiché le désir profond de « transformer l’école pour que l’on tolère que l’élève y apprenne », comme le note le dernier intervenant, Joost Fernandez, car actuellement beaucoup de temps est consacré à effectuer des activités qui laissent peu de place à l’apprentissage réel des fondamentaux.

En guise de conclusion, je citerai Marion Maréchal qui développe le thème qui m’est peut-être le plus cher depuis quelques années déjà, à savoir le devenir des élèves en tant que citoyens français. Car elle déclame avec raison que « derrière l’effondrement de l’école, c’est l’effondrement de la nation tout entière qui se joue ». Cela se double « d’un effondrement du pluralisme intellectuel très nuisible à notre pays » et à son devenir sur la scène internationale. Jadis, la France brillait par son rayonnement culturel, par ses classements internationaux et par la pratique de sa langue. Tout est lié, l’école est l’enjeu majeur de notre devenir en tant que nation, c’est donc la priorité des parents que de défendre et de protéger l’avenir de leurs enfants. Qu’y aurait-il à redire à tout cela, ou à dénoncer ? Au contraire, il m’apparaît très sain de nous rassembler autour d’un projet fiable et exigeant pour faire de l’école française le ciment de notre nation. Laissons l’idéologie à la porte de l’école, remettons le savoir au centre, et redonnons à l’effort, au mérite et au travail les places qu’ils n’auraient jamais dû quitter ! Faisons-le, ensemble, parents, enseignants, élèves et autres acteurs de la société, afin de permettre à la génération suivante de bénéficier de la transmission des connaissances, si primordiale pour le développement et la structure des enfants en devenir, et pour garantir la pérennisation de ce que nous sommes et de la civilisation que nous portons.

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Florence Arthaud, une supernana!

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La navigatrice française Florence Arthaud (1957-2015) photographiée en Guadeloupe en 1993 © COLIN MAX/SIPA

Flo, le biopic romancé de Géraldine Danon est à l’affiche depuis mercredi dans les salles. Librement inspiré de la vie de Florence Arthaud (1957-2015) incarnée à la perfection par l’actrice Stéphane Caillard, ce film a l’immense mérite de remettre dans la lumière la seule navigatrice ayant remporté la Route du Rhum, notre dernière étoile des mers.


Pourquoi Florence Arthaud nous touche-t-elle autant depuis sa disparition tragique dans un accident d’hélicoptère ? Parce qu’on a longtemps vu son regard perdu sur les plateaux de télévision, il balayait la platitude des studios tel un phare planté en haute mer ; dans cet environnement hostile et insincère, elle conservait son quant-à-soi. Une puissance d’insoumission qui faisait l’économie de mots trop amples et de gestes trop apprêtés qui sont la marque des poseurs. Ceux-là encombrent les programmes. Ils sont de quart en permanence, toute l’année, jamais fatigués de faire reluire leur égo. Dans cette arène médiatique, les truqueurs sont à leur aise. Ils déploient leur vanité et hissent leur vacuité en pleine promo, gonflés au délirium. Ils ont toujours quelque chose à vendre ou à vanter, une cause à revendiquer ou un business à maintenir; alors quand Flo apparaissait en deuxième partie de soirée, coincée entre deux artistes en jachère, dans ces émissions où l’impertinence confinait à la vulgarité, elle serrait les dents et nous éblouissait par sa nature indomptable.

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Elle gardait le cap ; en pensée, elle était pourtant loin, très loin, à des milles nautiques de ces exercices commandés où un navigateur est obligé d’être un marchand comme un autre. De courir le sponsor et de ne surtout pas faire fuir la ménagère, la cheffe des achats. Flo était incapable de jouer avec les règles faussées de ces milieux avariés, d’aguicher le téléspectateur avec de la frime et de l’exploit en barres. Sa pudeur nous honorait. Une forme d’élégance parcimonieuse et cependant lumineuse transparaissait. Quelque chose de complètement étranger à la situation qui imposait de l’éclat, de la flambe, de l’ironie, du vacarme, en somme. Avec Flo, une retenue, si rare, si friable, si souveraine jaillissait du petit écran. Nous n’étions pas habitués à cette vérité-là, tellement inondés par les médiocrités qui font le lit des grandes carrières populaires. Chaque moment passé en compagnie de Flo, par l’entremise du téléviseur, était intense, brisé, chargé d’une émotion palpable, épidermique, instinctif, nous ressentions cette onde comme un cadeau du ciel. Nous la savions sur un fil, peut-être même au plus mal. Son absence de gloriole nous la rendait terriblement attachante. Son charisme explosait. Il prenait tout l’espace, sans artifice. D’autres qu’elle auraient dû batailler pour espérer décrocher un peu d’attention, un peu de chaleur, nous lui étions acquis car elle ne filtrait pas la douleur. Elle était droite et humble, fracassée et insubmersible. Quel souffle de vie ! Une « femme like U » qui nous emmenait au bout du monde. Une supernana dont les exploits encore aujourd’hui nous fascinent. Nous l’observions dans cet océan de rires bêtes, surtout ne pas tanguer, ne pas sombrer, nous la soutenions de notre canapé, il y avait chez elle, en même temps, l’abîme et la résurrection, les errements et le courage extrême. C’est peu dire qu’elle nous impressionnait. Poliment, patiemment, elle répondait, un peu ailleurs, avec l’envie de se débarrasser de cette corvée, d’en finir avec cet animateur intrusif et, malgré tout, elle remportait cette joute haut la main. Elle fut notre fiancée de l’Atlantique, nous l’avions en poster dans nos chambres d’ado, elle rivalisait avec Rocky et Schwarzy. Elle pimpait notre morne existence. La seule star des vagues au féminin, nous la mettons sur la même haute marche du podium que Tabarly, le père fondateur, le capitaine de vaisseau, celui qui posa la première pierre, tira la première drisse, qui fit de la voile, un métier, un loisir, une économie, un sport, une éthique nationale, et même une morale des mers.

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Dans la mémoire de très nombreux Français, ces deux-là ont fait entrer le nautisme à l’intérieur des départements agraires, dans les corons et les banlieues grises. Ils étaient exigeants, déterminés, surdimensionnés et portés par une ambition plus vaste, plus dévastatrice que leur minuscule « moi ». Nous ne pouvons pas revoir les images de la Route du Rhum 1990 sans une fierté pour la chevauchée fantastique de Flo, nous sommes emplis de bonheur et d’une immense gratitude.

Flo était une championne entière et possédée par une passion tempétueuse. Avec ses tee-shirts rock, son bandana dans les cheveux comme Véronique Sanson dans ses années américaines, sa détermination sans faille dans les bras et le cœur, elle avait amené en tête son trimaran Pierre 1er, tout paré d’or éclairé d’un liseré bleu, sur les côtes de la Guadeloupe. Minuit n’avait pas encore sonné dans les Antilles, et la France faisait connaissance avec Flo pour l’éternité. Le film de Géraldine Danon ne trahit pas cette folle épopée.

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Le doigt dans l’œil

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Le président Macron rend visite à des maraichers touchés par la tempête Ciaran, Plougastel-Daoulas (29), 3 novembre 2023 © YOAN VALAT/POOL/SIPA

Succédant à la redoutable tempête Ciaran, l’arrivée de Domingos sur nos côtes a produit ses ravages. Emoi chez les Français : 126 000 foyers toujours privés d’électricité, calamités agricoles, transports perturbés… Emoi chez les journalistes : malgré tous leurs efforts, pas un titre de presse n’a trouvé un climatologue capable de mettre ces catastrophes météo sur le dos du réchauffement climatique ! Par ailleurs, ce sont surtout les valeurs des démocraties libérales occidentales qui subissent actuellement le plus sévère tsunami.


Nous venons de vivre – et pour certains d’entre nous de subir – une magistrale démonstration de violence. Les coupables, fichés S, comme il se doit, et insensibles aux éventuelles injonctions de quitter notre territoire se nomment Ciaran et Domingos. Fichés S, donc, comme Sacrées tempêtes. Des vents terribles, des vagues monstrueuses, des arbres déracinés, des toitures envolées, des demeures saccagées, des dégâts par millions, de l’insomnie d’assureurs garantie pour des mois et des mois. Surtout, pour beaucoup, des vies de boulot perdues en une bourrasque.

On est peu de choses, mon bon Monsieur…

Voilà pour la violence de dame nature et de ses éléments. Cela ferait presque oublier la force tranquille de ces mêmes éléments, ces marées, ces vagues qui, imperturbablement, grignotent nos littoraux, avalent nos dunes jour après jour, saison après saison. Tout dans la nature, dans l’univers est manifestation de force, parfois charmante comme celle de la primevère qui s’extirpe de la terre encore froide de l’hiver, parfois terrifiante comme l’éruption du volcan qui, entre deux siestes d’un siècle ou deux, se réveille en une furie éruptive quasi-mélenchonienne.

La force. La force moteur de la vie. Végétale, minérale, animale, humaine, physique, mentale. Sans elle l’oriflamme se met en berne, le voilier de l’extrême s’encalmine, le moulin va trop mou et les nuages s’ennuient.

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Principe vital, donc. Voilà ce qu’on a perdu de vue, me semble-t-il. Au fond, nous qui sommes si prompts à lâcher le mot de valeurs, ce mot qu’on met aujourd’hui à toutes les sauces et dont on attend qu’il comble à lui seul les vides culturels, intellectuels, moraux que nous avons creusés, comment avons-nous pu oublier, négliger la vérité d’évidence que la seule valeur authentiquement universelle – nous dirons universaliste pour complaire aux esprits raffinés – n’est autre que celle-là, la force ? La force, non la violence. La violence qui n’est que la force de ceux qui n’en ont pas. La violence qui est à la fois le mode de fonctionnement et la finalité de toute engeance révolutionnaire. Sartre l’a bien montré dans Critique de la Raison Dialectique (Oui, Sartre, Jean-Paul, comme quoi…). Cette engeance se fabrique un ennemi (ennemi à géométrie variable en fonction du contexte du moment) afin de lui imputer ce qui sera l’alibi de sa violence. Aujourd’hui le jeu – terrifiant – consiste à nazifier l’autre, à le fasciser, systématiquement. Dès lors la violence révolutionnaire a beau jeu de se parer des atours de la résistance. (Sur ce point, se reporter à l’aveu obtenu aux forceps de Madame Obono). Tout devient légitime, à commencer par l’horreur. Nous en sommes là. Et nous y sommes parce que nous avons délaissé la leçon de la nature et de l’univers. Tout ce qui existe, tout ce qui résiste se nourrit de force. De force saine, créatrice, de force heureuse, dionysiaque.

Les valeurs de l’Occident dans la tempête

Or, on s’est fourré le doigt dans l’œil bien profond tout ce temps où nous nous sommes égarés à considérer que nos belles et saintes valeurs républicaines de droit de l’homme, de laïcité, de liberté, d’égalité, de fraternité, auxquelles se sont ajoutées voilà peu la splendide convivialité du vivre ensemble et la non moins enthousiasmante sacralité LGBT+++, se suffiraient à elles seules et que la terre entière finirait bien par se rendre à l’évidence que rien n’est plus beau, plus exaltant, plus universellement nécessaire que ces abstractions en elles-mêmes si satisfaisantes et pour le cœur et pour l’esprit.

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Nos valeurs d’Occident, nos valeurs républicaines, démocratiques, bref, n’ont été respectables et respectées que tant que, non seulement, nous les associions à la force mais que, de surcroît, nous nous en faisions une gloire.

J’entendais ces dernières heures, unis dans un bel accord, le philosophe au brushing irréprochable et à la chemise immaculée échancrée jusqu’au nom du fils, et l’ex-président de la République à casque et scooter, recalé en deuxième tentative pour résultats insuffisants, affirmer que nous assistions à la guerre du totalitarisme contre nos émérites démocraties. Là encore, doigt dans l’œil. La réalité est plus simple, et donc plus terrifiante. C’est la guerre de ceux qui assument leur force contre ceux qui l’ont perdue, abandonnée.

Lorsque le sultan Erdogan, devant une foule immense, évoque – sans doute avec une once de nostalgie – le combat du Croissant contre la Croix, ou plus précisément selon certaines traductions, contre les Croisés, il nous donne, lui aussi, mine de rien, une espèce de leçon.

À savoir que des Croisés, c’est bien tout ce qui manque à nos « valeurs ». Et depuis bien trop longtemps maintenant.

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Jean-Paul Rouve: acteur raté à succès

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Jean-Paul Rouve, dans "Le Consentement" / Gabriel Matzeff, 1985 © Bridgeman Images – Julie Trannoy

Dans Le Consentement, l’adaptation cinématographique du livre de Vanessa Springora, Jean-Paul Rouve campe un grossier prédateur sexuel à mi-chemin entre Nosferatu et Hannibal Lecter. Rouve n’a rien compris à Matzneff et il en est fier. Un ratage exemplaire!


Regarder la bande-annonce du filmLe Consentement et écouter l’acteur Jean-Paul Rouve– qui y joue le rôle de Gabriel Matzneff – en faire la promotion sur les plateaux télévisés suffisent pour comprendre le ratage total de cette adaptation du livre de Vanessa Springora sans même l’avoir vu. « Un journaliste m’a dit :“Moi je connais bien Matzneff. Vous savez, c’est plus compliqué que ça.” » Bah non ! C’est pas plus compliqué que ça. C’est très simple même. C’est un homme de 50 ans avec une gamine de 14 ans. » Voilà ce qu’explique l’acteur des Tuche dans l’émission « C à vous ». Mais alors, si ce n’est pas plus compliqué que ça, à quoi bon en faire un film ? À quoi bon y consacrer tant d’énergie et de temps ? La messe est dite. La caricature simpliste est annoncée. Rouve s’y travestit en vieux monsieur très laid, libidineux, reptilien, repoussant, effrayant. Un pédo-Nosferatu maléfique en phase terminale de cancer. Mais Matzneff, au moment des faits, ce n’est pas ça. Matzneff au milieu des années 1980, c’est un homme élégant, séduisant et paraissant avoir une quarantaine d’années. Rouve en paraît 70 ! Cependant, le comédien a l’honnêteté d’avouer sans complexe son échec. Il confesse fièrement ne pas avoir réussi à comprendre le personnage de l’écrivain sulfureux. « Comme je n’arrivais pas à l’incarner comme un parfum de l’intérieur, comme on fait quand on joue, enfin on essaye… j’ai fait ce qu’on ne fait jamais. Je suis passé par l’extérieur. Je suis passé par l’enveloppe. Donc j’ai fait un peu comme il faisait lui. Lui, il s’adore, il pense qu’à lui, il se regarde tout le temps. Il nageait beaucoup, donc je suis allé nager. J’ai fait des UV. J’ai fait des manucures. J’ai fait des trucs comme ça. Donc je me suis dit, je vais essayer de le comprendre un peu comme ça. Mais j’ai rien compris. » Voilà ce qu’il nous explique crânement, le célèbre comédien. Qu’il n’a pas réussi. Malgré la manucure ! Bien essayé Jean-Paul, dommage. Pour définir le personnage, il ajoute : « C’est le mal absolu. C’est un monstre terrible. » Matzneff, le mal absolu ? Et Michel Fourniret, Mohammed Merah, Staline, Klaus Barbie… à quel niveau de mal se trouvent-ils sur l’échelle de Rouve ? Pour travailler le rôle, il dit avoir pensé à Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux. Un tueur en série qui mange ses victimes !

Un acteur n’est pas un père la morale

Bon. Prenons un acteur, un vrai, un grand : Bruno Ganz ! Lorsqu’il incarnait Hitler dans La Chute, on ne l’a pas vu jouer la caricature du mal. Non ! Au contraire ! Ganz se disait d’ailleurs amusé d’entendre certaines personnes lui reprocher d’avoir « humanisé » le dictateur. « Les gens ont besoin d’avoir une icône intacte du mal lui-même.[…] Mais je ne sais pas ce qu’est vraiment le mal », expliquait l’acteur suisse. Quand les journalistes lui demandaient s’il avait abordé et travaillé le rôle en se persuadant qu’il était humain, il répondait :« Bien sûr qu’il l’est. Qu’est-ce qu’il pourrait être d’autre ? » Pour s’emparer du personnage, il avait en partie travaillé sur les failles du dictateur, sur l’absence d’amour qu’il avait reçu de sa mère, sur son côté artiste raté. Voilà ce qu’est un acteur ! Un homme qui travaille sur l’être humain, sur ses nuances, sur ses contrastes. Un acteur n’est pas un juge ! Ce n’est pas un père la morale. Et je ne compare pas ici Matzneff à Hitler ! J’ai le sens de la mesure, moi. Ganz avait assumé sa lourde responsabilité d’acteur en endossant le rôle d’Hitler avec toute sa complexité, et toute son humanité (humain n’est pas synonyme de bon !). Rouve n’en a probablement ni les moyens ni le courage… ni même l’intelligence nécessaire. Ganz avait essuyé une pluie de critiques pour avoir fait d’Hitler ce qu’il était : un homme. On criait au scandale. Son interprétation magistrale et troublante aura cependant marqué l’histoire du cinéma.

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Mais laissons ce petit joueur d’Adolf de côté. Revenons-en au vrai mal, au mal absolu, total : Gabriel Matzneff. Jean-Paul Rouve explique que l’écrivain, en plus d’être un monstre, s’est servi de toutes ses horreurs pour faire « ses écrits, qui au final sont médiocres ». Que l’on ne considère pas Matzneff comme un grand écrivain, cela peut s’entendre. Mais venant de Jean-Paul Rouve, qui a joué au théâtre les textes de ses chansons préférées dont fait partie « Il jouait du piano debout »… on se dit que, là encore, comme pour son échelle du mal, il y a un petit problème de valeur. Lors de la promotion de ce spectacle, qu’il donnait au Théâtre Antoine, il avait justement évoqué cette chanson, dans l’émission « C à vous ». « C’est beau ce qui est dit ! Un moment il dit :“Essaie d’être heureux, ça vaut le coup.” Il dit ça dans le texte. Les textes de Michel Berger sont quand même formidables », expliquait l’artiste féru de grande littérature.

Jean-Paul Rouve et Kim Higelin dans Le Consentement de Vanessa Filho. (c) Julie Trannoy

Fier de ne pas avoir compris Matzneff

Allez ! Je parle, je parle, mais il faut quand même que je voie ce film. Je file au cinéma. Mauvaise nouvelle, il dure tout de même une heure et cinquante-huit minutes. J’achète mon billet, je m’installe. Au bout d’une heure et quart, je ressors. Et je ne suis pas le premier. Rouve avait vendu le machin avec honnêteté : « C’est pas plus compliqué que ça. C’est très simple même. C’est un homme de 50 ans avec une gamine de 14 ans. » Ce n’est effectivement pas plus compliqué que ça. Les dix premières minutes auraient donc largement suffi à nous faire passer le message. Pourquoi un long-métrage ? Rouve disait encore vrai en affirmant ne rien comprendre au personnage. Il ne joue d’ailleurs pas grand-chose. On dirait un beauf essayant d’imiter, de caricaturer avec mépris un intellectuel. Rouve barbouille à la truelle un Matzneff inhumain, incompréhensible, vide, en y ajoutant du noir. Du noir encore et encore. Rouve ne joue – ou plutôt ne surjoue – qu’une seule et unique chose : le dégoût qu’il éprouve pour Matzneff, mettant ainsi en scène sa propre vertu de carton-pâte. C’est Rouve le personnage principal du film. Ce n’est pas Matzneff, ni même Springora. C’est Rouve ! Rouve le Vertueux. Il avait bien raison de nous prévenir qu’il n’avait pas réussi à atteindre le rôle. Enfin… pas réussi, mon œil ! C’est plutôt qu’il ne le voulait pas. Ce film était pour lui une trop bonne occasion de nous montrer comme il est bon. Comme il est bien. Pour lui, c’est une fierté de n’avoir pas réussi à comprendre Matzneff. C’est la preuve que lui, Rouve, n’est pas un être obscur, qu’il n’est pas un monstre, pas un pédophile. Son impossibilité à entrer dans le personnage, à le comprendre, il l’arbore comme une décoration à sa boutonnière. C’est sa Légion d’honneur. Mais, même mauvais, Rouve reste un acteur. Un menteur. Il joue un personnage. Il imite, il simule, il fabrique. Même son dégoût pour Matzneff, il le joue. Mal, grossièrement, sans finesse, mais il le joue. Et moi, devant ce film, ce n’est pas Matzneff qui me dégoûte. Matzneff est absent. On ne le voit pas. Celui qui me dégoûte, c’est cet affreux Rouve gonflé de sa fausse, opportuniste et dégoulinante bonté d’âme. Il veut à tout prix nous montrer que c’est lui qui a la plus grosse. Comme il est vulgaire. Comme il est obscène. Signalons aussi toutes ces scènes de sexe interminables ! Ces scènes de sodomie qui dure, de langues sucées lentement, de fellations sans fin. De la pornographie ! Savent-ils qu’ils ont dû exciter beaucoup de vieux messieurs dans les salles obscures ? Des messieurs qui n’avaient même peut-être jamais pensé à cela avant ! Tu m’étonnes que Rouve ait l’air un peu gêné sur les plateaux télé lorsqu’il parle du tournage et qu’il explique avoir eu la sensation d’être « couvert de boue » le soir, après le travail. Couvert de boue dans sa tête, mais couvert de salive dans les faits. Il semble avoir un peu de mal à assumer. Et comment ! Être payé une fortune pour caresser les seins d’une fille de trente ans de moins que lui et lécher sa langue pendant des heures et des heures… lui, l’acteur star de 56 ans, elle, la jeune débutante de 22 ans. Est-ce bien moral d’ailleurs cela ? Je ne sais plus, je m’y perds. Peut-être un jour regrettera-t-elle de s’être laissé tripoter par le sosie raté et répugnant de Gabriel Matzneff dans le but de vouloir lancer sa carrière. Le regret serait bien compréhensible. Beurk ! Avoir à lécher la langue de Jean-Paul Rouve, quel dégoût. Bon… là, je commence à m’emporter. Je vais donc m’arrêter ici. Je ne veux pas à mon tour mettre en scène ma propre vertu en me servant de ce pauvre acteur raté à succès. Et si un jour, au cinéma, on me confie la tâche de jouer le rôle de Jean-Paul Rouve, je promets que je saurai trouver en lui, quelque part, une lueur d’humanité à jouer. « Jean-Paul Rouve un être humain ? »me demanderont certains. Oui, un être humain ! Que pourrait-il être d’autre qu’un être humain ? Qu’un misérable être humain ? Pour terminer, rappelons une petite note prise au Conservatoire par Éliane Moch-Bickert – élève de Louis Jouvet – lors de l’un des cours de son maître :« Il faut arriver à aimer tous les personnages qu’on joue, quels qu’ils soient. Il faut être très circonspect, très réservé avec eux, les fréquenter d’une fréquentation longue, quotidienne. C’est la seule façon d’en tirer quelque chose. »

Délit de selfie

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D.R

Tout le monde déteste la police et Jordan Bardella!


Sont-ce les clichés de la honte ? Alors que Jordan Bardella visitait le salon de l’élevage, le jeudi 5 octobre, à Cournon-d’Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, des policiers ont voulu poser avec le président du RN. Uniformes et gilets pare-balles sur les épaules, ils sont tout sourire. Certains seraient venus rien que pour ça. « Les fonctionnaires, censés patrouiller ailleurs dans le secteur, auraient fait le déplacement au sommet uniquement pour croiser Jordan Bardella », estime RMC. Ils sont cinq ou six, d’après un porte-parole de la police nationale. La préfecture du Puy-de-Dôme a ouvert une enquête administrative. La question du devoir de réserve se pose en effet. D’après les textes, celle-ci désigne « l’obligation faite à tout agent public de faire preuve de réserve et de retenue dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles. L’obligation de réserve n’est pas conçue comme une interdiction d’exercer les droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et liberté d’expression. »

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On peut quand même s’interroger. Ces policiers se seraient-ils attiré les mêmes foudres s’ils avaient tenu à prendre un selfie avec un élu LFI ou avec une figure macroniste ? Et d’ailleurs, en quoi ces clichés constituent-ils une expression « sans retenue ni réserve » des opinions des policiers ? Un selfie constitue-t-il une forme d’expression écrite ou orale ? Enfin, les photos avaient-elles vocation à sortir de la sphère privée si les caméras n’avaient pas filmé la scène, et si le journal auvergnat, La Montagne, n’en avait pas parlé ? Pour les médias bien-pensants, c’est une nouvelle preuve de la connivence entre le parti de la droite nationale et la police. Gérald Darmanin, invité par « Quotidien », trouve ça « très choquant ». Pointe de jalousie d’un ministre à l’égard d’une figure politique qui le dépasse en popularité chez les flics ? Fabien Vanhemelryck, du syndicat Alliance, dédramatisait : « Qu’est-ce qu’on leur reproche en réalité ? […] On n’a pas besoin de crisper les policiers avec des bêtises comme ça. »

Pour un nouveau grand-œuvre anti-terroriste

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Manifestation pro-Palestine, Londres, 4 novembre 2023 © SOPA Images/SIPA

Face à l’internationale de la barbarie, la coalition menacée des démocraties libérales doit prendre appui sur un nouveau dispositif écrit.


Huit décennies après l’extermination des Juifs ainsi que d’autres minorités, et à quelques semaines du 75ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le 10 décembre 1948 à Paris, le monde se trouve aujourd’hui en proie aux calamités : guerres, pandémies, désordres climatiques aux effets destructeurs et violences terroristes infligées sans vergogne dans l’ivresse de la haine démesurée.

La diffusion d’images révélant la cruauté sans limite conduit à un cataclysme, au sens où l’effet réel recouvre un grand bouleversement social, économique et psychologique, provoquant également d’importants troubles. En apparence, il s’agit de la défaite des rédacteurs du texte de 1948, à valeur non contraignante, mais plaçant la dignité humaine au sommet des aspirations partagées pendant les années d’après-guerre. Il s’avère donc impérieux de reprendre l’initiative, afin d’affirmer encore et toujours cette même exigence de dignité, que les persécuteurs sanguinaires frappant lâchement au petit jour veulent piétiner, exactement comme le firent les bourreaux nazis. Or toute coalition de démocraties doit prendre appui sur un dispositif écrit.

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Il est donc temps qu’un nouveau texte global et contraignant prenne en compte l’hyper-terrorisme qui a pour caractéristiques d’être mondialisé dans son organisation et ses effets, autant que sordidement spectaculaire. L’inhumanité et le déploiement des actuels maîtres en sauvagerie frappant par surprise creusent des empreintes si profondes que la réinitialisation espérée après le mois de mai 1945 se révèle balayée par les atrocités exponentielles.

La mondialisation a pour génie cynique d’éluder l’horreur terroriste, en la présentant simplement comme une constante contemporaine réactionnelle. Désormais, la généralisation concertée de la terreur nous expose à l’effondrement, c’est-à-dire au risque de nous vider de toute humanité. Précisément, s’effondrer consisterait à collectivement tomber morts ou frappés lourdement : comment, alors, nous relever ?

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Interrogé en raison de sa grande expérience de vie sur ce qu’il pensait de la civilisation, le docteur Albert Schweitzer répondit avec ironie : « Je crois que ce serait une bonne chose. » L’urgent grand-œuvre de réhabilitation passe désormais par une verbalisation des attentes face aux atteintes ou, comme l’écrivait Elie Wiesel, de la transformation d’une histoire sur le désespoir en une histoire contre le désespoir.

Le 10 mai 1944, voici bientôt quatre-vingts ans, fut proclamée à Philadelphie la première Déclaration internationale de droits[1] s’adressant à « l’ensemble du monde civilisé. » Il est temps de considérer que l’aggravation de l’avènement hyper-terroriste appelle l’émergence d’un nouveau repère lisible sur lequel s’appuyer, pour que soient, de manière effective et globale, condamnés et sanctionnés unanimement – et non plus « contextualisés » – les massacres de victimes totalement sans défense.


[1] Déclaration concernant les buts et objectifs de l’organisation internationale du travail.