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LFI: des sans-cravates menés à la cravache

La France insoumise vient de mettre Raquel Garrido au placard pendant quatre mois. Son tort? S’être comportée exactement comme Jean-Luc Mélenchon!


Hier à l’Assemblée nationale, les « Insoumis » ont montré, à ceux qui ne l’avaient pas encore compris, que leur parti est de loin le plus caporalisé et le moins démocratique de France. Lors de son point presse hebdomadaire, Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI, a annoncé qu’une lourde sanction interne venait d’être prononcée à l’encontre de Raquel Garrido pour avoir osé… critiquer son chef historique.

Qui nuit à qui ?

La décision, qui devait rester opaque et confidentielle, avait été révélée la veille par la principale intéressée. « Pendant quatre mois je n’ai plus le droit de représenter mon groupe parlementaire en tant qu’oratrice dans les discussions générales en Commission des Lois et dans l’hémicycle, a précisé la députée de Bobigny (93) dans un tweet. Je n’ai plus le droit de poser des Questions au Gouvernement au nom de mon groupe. »

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Officiellement, la compagne d’Alexis Corbière est rappelée à l’ordre pour « une accumulation d’agissements et de propos répétés qui nuisent au bon fonctionnement collectif du groupe », « la diffusion de fausses informations dans la presse », ainsi que « la mise en cause et le dénigrement ad hominem de plusieurs membres du groupe ». Mais en réalité c’est une unique déclaration qui lui est reprochée, qui tient en deux phrases et qui a été reproduite dans Le Figaro le 16 octobre : « Jean-Luc Mélenchon avait le choix d’aider à faire mieux, comme il nous y avait invités après la présidentielle, ou de nuire. Je dois constater qu’il n’a fait que nuire depuis dix mois. »

Les limites du tout-conflictuel

Ainsi donc à La France insoumise, on est prié de « tout conflictualiser », mais pas touche au tôlier ! Dieu merci, cette discipline absurde n’est pas de mise à l’intérieur de l’espace, plus vaste, de la Nupes. Sans quoi l’insoumise Sophia Chikirou serait en bien mauvaise posture depuis qu’elle a comparé, le 21 septembre sur Facebook, son allié communiste Fabien Roussel au nazi Jacques Doriot1. Et que dire de Jean-Luc Mélenchon, qui, lui-même, déclarait le 18 octobre sur BFM TV, au sujet des autres formations de gauche avec lesquelles il est pourtant censé être “uni” : « Franchement je ne les aime pas » ? N’a-t-il pas, tout autant que Raquel Garrido, nui “au bon fonctionnement collectif du groupe” ?

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Face à une décision aussi ubuesque, certains « Insoumis » n’ont pas tardé à ruer dans les brancards. Sur France Inter, Clémentine Autain s’est déclarée « atterrée », tandis que sur Twitter, François Ruffin s’est élevé contre « l’arbitraire », Danièle Simonet a exprimé sa « honte » et Gérard Miller parlé de « gâchis ». On aurait toutefois tort de penser qu’une implosion se prépare au sein de la formation mélenchoniste, où la dévotion au lider maximo est inébranlable. Rien, pas même ses ambiguïtés sur les émeutes de banlieue ou ses outrances sur le Crif, ne saurait ébrécher la statue du commandeur. Il faut voir dans ces engueulades entre chapeaux à plumes de simples duels à fleuret moucheté entre petits bourgeois privés de Grand soir.


Dernière minute. En réaction à l’appel à manifester dimanche contre l’antisémitisme lancé par le président du Sénat Gérard Larcher et la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, Jean-Luc Mélenchon a déclaré sur Twitter : « Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous ». Après avoir estimé qu’on n’est quand même pas à Berlin en 33 et qu’elle en a marre d’entendre dire que les juifs français vivraient dans la terreur, notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy a estimé, dans sa chronique radio matinale, que la réaction « dégoutante » du leader des « Insoumis » avait finalement achevé de la convaincre. • MP
  1. https://www.causeur.fr/melenchon-chikirou-roussel-et-jacques-doriot-266761 ↩︎

L’UE chez Mickey

Le 16 octobre, les eurodéputés, qui effectuaient leur habituelle transhumance entre Bruxelles et Strasbourg, se sont retrouvés à Disneyland Paris. 


Chaque mois, le Parlement européen fait la navette entre Bruxelles, le centre administratif de l’UE, et Strasbourg, symbole de la réconciliation franco-allemande post-1945. Ce déménagement oblige les 705 eurodéputés, accompagnés de leurs 2 500 assistants et de leurs dossiers, à faire un voyage de 450 kilomètres et, quatre jours plus tard, à prendre le chemin inverse. Le gros du travail parlementaire a lieu dans les commissions, qu’il est plus commode de tenir à Bruxelles, à proximité de la Commission et du Conseil européens. Seulement, le traité sur le fonctionnement de l’UE stipule qu’au moins 12 séances plénières par an doivent avoir lieu à Strasbourg.

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Or, le 16 octobre, le train affrété pour transporter les eurodéputés a fini, non dans la capitale alsacienne, mais à Eurodisney. La SNCF a reconnu une erreur d’aiguillage qui a provoqué un arrêt de quarante-cinq minutes : trop court pour que les élus puissent profiter du parc d’attractions, mais suffisant pour relancer le débat éternel qui oppose les partisans d’un siège unique à ceux d’une solution à deux sièges. Le premier groupe est lui-même divisé entre Bruxellois et Strasbourgeois. Les eurodéputés sont largement pour un siège unique, et de préférence à Bruxelles. Ils ont même voté pour réduire le nombre des déplacements à Strasbourg, mais en vain. Car le Conseil européen ne peut modifier un traité que par un vote à l’unanimité, ce qui confère un droit de veto à la France, qui tient au siège officiel à Strasbourg. Une étude parlementaire conduite en 2013 estimait le coût de la gestion de deux sièges à 103 millions d’euros, sans compter que les navettes ne font rien pour réduire l’empreinte carbone du Parlement. À Marne-la-Vallée, le chargé de presse d’un eurodéputé danois s’est demandé si le bâtiment strasbourgeois ne pouvait pas abriter un nouveau Disneyland. L’eurodéputé vert allemand Daniel Freund a riposté sur X, exploitant l’expression anglaise pour désigner quelque chose de peu sérieux : « Nous ne sommes PAS un Parlement à la Mickey Mouse » (We are not a Mickey Mouse Parliament). Qu’en diraient les électeurs européens ?

Marxisme américain: la menace interne?

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À la différence de certains pays européens, les États-Unis n’ont jamais constitué une terre fertile pour les idées marxistes. Jusqu’à maintenant. Inspiré par la pensée du communiste italien, Antonio Gramsci, un marxisme proprement américain déborde du milieu universitaire où il était resté confiné pour investir d’autres milieux, notamment celui de la vie politique, et menacer l’héritage des Pères fondateurs.


En dehors des milieux universitaires, le marxisme n’a jamais vraiment percé aux États-Unis. Cette situation serait-elle en train de changer? La greffe entre le marxisme-léninisme et le constitutionnalisme républicain n’ayant jamais pris (et pour cause, ils sont foncièrement antinomiques), l’Amérique progressiste aurait réussi à imposer au fil des dernières décennies, dans un nombre croissant de segments de la société, sa propre variante du marxisme : le « socialisme identitaire », fondé sur le critère de la « race » ou du « genre », et non plus sur celui de la « classe ». Mais dans quelle mesure peut-on bien parler ici de « marxisme » ? De plus, ce phénomène est-il irréversible ou bien les conservateurs républicains ont-ils une chance de reprendre la main sur leurs adversaires ? Car ne comptons pas trop sur les Démocrates, qui ont migré ces derniers temps vers l’extrême gauche, pour écarter les brebis galeuses.   

Gramsci et la « longue marche »

En 2000, l’essayiste conservateur et rédacteur en chef de la revue The New Criterion, Roger Kimball, fit paraître un ouvrage intitulé The Long March: How the Cultural Revolution of the 60s Changed America, ou « comment la révolution culturelle des années soixante a transformé l’Amérique ». Il y défendait la thèse selon laquelle les grandes institutions culturelles américaines (université, médias, etc.) avaient été de plus en plus infiltrées depuis plusieurs décennies par les progressistes radicaux, et ce conformément au plan d’action qu’avait pensé le communiste italien Antonio Gramsci (1891-1937) dans les années 1920 : constatant que la prévision de Marx, selon laquelle la classe ouvrière allait renverser la classe bourgeoise dominante dans les pays capitalistes, ne s’était produite nulle part, Gramsci appela à s’emparer progressivement des leviers culturels opérant dans les sociétés « bourgeoises » en vue de prendre le contrôle de ces dernières.

Leur but est de détruire le pays […] d’anéantir la confiance des citoyens dans leurs institutions, leurs traditions et leurs coutumes

Gramsci peut d’ailleurs être considéré, ainsi que le remarque très justement Pierre Valentin dans son livre Comprendre la révolution woke (Paris, Gallimard, 2023, p. 153-154), comme l’intermédiaire déterminant entre le marxisme « classique » et le nouveau marxisme « woke ». Les superstructures idéologiques (cultures, œuvres de l’esprit…) n’étant que le produit des infrastructures économiques pour les marxistes de la première heure, dont l’approche du réel social et de l’histoire reposait sur le primat de l’économique, le champ du militantisme politico-culturel s’était ainsi trouvé délaissé. Ce chaînon manquant, poursuit Pierre Valentin, ce sont les Cahiers de prison de Gramsci qui allaient l’apporter, ouvrant ainsi la voie à l’infiltration des institutions des sociétés libres et ouvertes par les idées socialo-marxistes.

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Dans son ouvrage United States of Socialism (2020), l’essayiste et réalisateur de documentaires Dinesh D’Souza insiste lui aussi sur le rôle des plus néfastes joué par Gramsci dans l’émergence du socialo-marxisme identitaire outre-Atlantique. Aux yeux de Gramsci, nous rappelle D’Souza, les capitalistes avaient réussi à imposer leur pouvoir non seulement économique, mais aussi culturel, à travers la diffusion des « valeurs bourgeoises » (p. 102). La classe ouvrière s’était selon lui embourgeoisée, essentiellement du fait de l’hégémonie culturelle de la classe capitaliste. Comme on ne pouvait plus attendre de la première qu’elle fasse d’elle-même la révolution, la seule solution pour Gramsci était donc de mettre fin à l’hégémonie de la seconde en attaquant de l’intérieur l’ensemble de ses supports culturels. À ce titre, Gramsci peut être considéré à la fois comme le continuateur du marxisme et comme celui qui en a complètement renversé la perspective initiale en décrétant que l’économie est un sous-ensemble de la culture.

Un autre essayiste américain qui n’hésite pas à parler ouvertement de « marxisme » à propos de l’implantation et de l’élargissement du socialisme identitaire aux États-Unis est Mark Levin dont le titre de l’avant-dernier livre, paru en 2021, ne saurait être plus explicite : American Marxism (Threshold Editions). Il écrit ainsi dès la première page : « La contrerévolution américaine (dirigée contre la révolution des États-Unis elle-même, c’est-à-dire celle de 1776), bat son plein ». Et il ajoute : « La contrerévolution ou le mouvement dont je veux parler, c’est le marxisme ». Naturellement, le marxisme dont il est ici question ne se propose plus d’atteindre comme autrefois à la « dictature du prolétariat » en tant que stade intermédiaire, préludant à l’avènement d’une société sans classes. Du marxisme originel, le progressisme radical américain ne conserve que l’opposition fondamentale entre « oppresseurs » (désormais incarnés par le mâle blanc capitaliste et hétérosexuel) et « opprimés » (qui se composent aujourd’hui de l’ensemble des « minorités »). Il en conserve aussi l’esprit de la table rase : il convient pour les nouveaux apôtres de la « révolution » de remplacer l’ancien système capitaliste, jugé tout à la fois réactionnaire, patriarcal, raciste, colonialiste, antiféministe et anti-écologiste, par un nouveau système fondé sur l’« équité », la « justice sociale et environnementale » et la lutte contre les discriminations de toutes natures.      

A-t-on atteint un point de non-retour ?

Mais qui sont en pratique ces promoteurs du socialo-marxisme à l’américaine ? À cette question, Dinesh D’Souza et Mark Levin répondent sans ambages : non seulement des politiques (comme Alexandria Ocasio-Cortez, Elizabeth Warren, ou Bernie Sanders, dont le collectivisme forcené a fortement imprégné la politique de l’administration Biden depuis que celui-ci est arrivé au pouvoir), mais aussi des organisations comme Black Lives Matter (BLM), Antifa, The Squad… Leur but, écrit Mark Levin dans l’ouvrage précité, est « de détruire le pays […] d’anéantir la confiance des citoyens dans leurs institutions, leurs traditions et leurs coutumes. Ils veulent affaiblir le pays de l’intérieur et détruire le capitalisme et le républicanisme américains ».

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Le progressisme radical d’inspiration marxiste a colonisé des pans entiers de la société américaine depuis une cinquantaine ou une soixantaine d’années, au point où l’on ne sait exactement si cette évolution est réversible ou non. Tout en alertant leurs concitoyens sur les ravages causés par la diffusion croissante de cette idéologie socialo-progressiste, notamment auprès de la jeune génération, ni D’Souza ni Levin ne sont pour autant des fatalistes : leurs écrits peuvent se concevoir comme de vigoureux plaidoyers en faveur d’un retour à l’esprit de la seule et vraie révolution américaine, incarné dans la Déclaration d’indépendance de 1776 et la Constitution de 1787. Chose encore possible à leurs yeux, à condition qu’une majorité d’Américains prenne conscience de l’existence de cette menace, qui corrompt de l’intérieur toutes les forces vives du pays. « Si nous ne prévalons pas, écrit Levin, l’Amérique des fondateurs disparaîtra à jamais ».

Il y a 40 ans, Reagan prenait acte du caractère intrinsèquement criminogène de feu l’URSS en qualifiant cette dernière (non sans susciter l’indignation des Occidentaux…) d’« empire du Mal ». S’attirant le même genre de reproches un peu moins de deux décennies plus tard, George W. Bush parla quant à lui d’« axe du Mal » pour désigner les États voyous méprisant sans vergogne les droits de l’homme et nourrissant une haine viscérale de l’Amérique et de l’Occident. Peut-être Trump, malgré ses trop nombreux et incontestables excès, aura-t-il toutefois été le président américain ayant su reconnaître l’existence de cette menace existentielle – désormais interne – pour la perpétuation de l’Amérique des fondateurs : le collectivisme socialo-écologiste de type « woke », fondé sur la « convergence des luttes » et la sanctification de la victime « intersectionnelle », et dont le but ultime n’est autre que de détricoter tout ce qui a fait l’incomparable succès des États-Unis dans le monde depuis leur création.

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Étoiles de David taguées dans Paris: une énième déstabilisation russe?

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Une semaine après avoir découvert des étoiles de David sur des murs d’immeubles à Paris, la police est sur la piste d’une opération de déstabilisation venue de Russie.


La semaine passée, la plupart des médias ont relayé avec émotion le témoignage d’une vieille dame émue après avoir trouvé des étoiles de David peintes à l’encre bleue du drapeau israélien sur les murs de différents immeubles de plusieurs arrondissements parisiens, mais aussi dans les départements de la petite couronne de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Des tags parfois assortis d’inscriptions comme « Mort à Israël » ou encore « De la mer au Jourdain, Palestine vaincra », comme on a pu le constater à Aubervilliers. « Ce n’est pas un hasard, ça me fait penser à avant », avait dit cette dame interrogée par BFMTV. D’autres personnes interrogées avaient de leur côté fait part de leur effroi, de leur crainte d’être visées par des actions violentes.

De par leur dessin millimétré, leur nombre et leur impeccable disposition sur les murs, ces étoiles réalisées au pochoir avaient fait légitimement craindre à un ciblage antijuif en France dans le sillage des attaques du Hamas du 7 octobre puis de la riposte d’Israël. La Licra avait ainsi immédiatement commenté pour condamner : « Cette vague de haine qui monte et s’affiche est l’affaire de tous ». D’autres associations, telles que l’UEJF, lui avaient emboité le pas, dénonçant un affichage d’étoiles de David qui n’était pas « une première depuis la Seconde Guerre mondiale » mais qui était d’une « ampleur inédite », à même de « gangréne(r) le tissu social, la cohésion nationale et les valeurs de la République ». Même Elisabeth Borne avait dû commenter contre ces « agissements ignobles », demandant à son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de tout faire pour « retrouver les auteurs », ajoutant qu’il était du « devoir de la République de protéger trous les juifs de France ».

L’histoire n’en est effet pas restée là. Elle s’est même grandement complexifiée après l’arrestation d’un couple de Moldaves en situation irrégulière en France. Ubuesque, cette affaire de prime abord inquiétante prenait alors une étonnante tournure syldave ! Après une semaine complète d’émissions consacrées à ce cas et de réactions, les Français étaient en droit d’en savoir plus. Très rapidement, la rumeur a bruissé concernant les auteurs. Avaient-ils agi seuls ou sur ordre ? Si rien ne permet pour l’heure d’affirmer avec une absolue certitude que ces actes ont été commandités, un faisceau d’indices bien circonstancié a permis de remonter à un homme répondant au nom d’Anatoli P, un Moldave pro-russe identifié et localisé en Russie grâce à l’exploitation des données mobiles du couple d’immigrés, comme l’a rapporté Europe 1.

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Âgé d’une cinquantaine d’années, l’homme est connu comme appartenant à un mouvement indépendantiste pro russe pour l’union douanière eurasiatique, dans le plus pur style des idées d’un Douguine. Cité par Europe 1, un policier de la Direction générale des services intérieurs a déclaré que cela s’inscrivait « parfaitement dans la réponse de la Russie à la France, après l’expulsion, il y a plus d’un an, de 35 diplomates russes ». On serait tenté de lui rétorquer que les opérations de déstabilisation menées par la Russie en France comme dans d’autres pays occidentaux sont bien plus anciennes. L’URSS pratiquait déjà la subversion, finançant tous azimuts les mouvements et les idées susceptibles de nous affaiblir. Plus récemment, la Russie a été soupçonnée d’avoir piraté France Info TV pour diffuser un faux message de menace de l’Etat islamique. Nous étions alors en 2015, au plus fort de la vague d’attentats de l’État islamique, entre Charlie Hebdo et le Bataclan.

La Suède a dernièrement accusé les Russes d’avoir instrumentalisé l’affaire de l’autodafé de Corans à Stockholm. L’Agence suédoise pour la défense psychologique a ainsi expliqué que Moscou avait utilisé ce cas pour diffuser des articles de désinformation, dans l’optique d’empêcher l’adhésion du pays scandinave à l’OTAN. Nous subissons présentement en Afrique une campagne de dénigrement terrible orchestrée par Moscou, qui a même mis en danger nos soldats au Sahel en 2022. La campagne dite du « Doppelganger », dénoncée par le Quai d’Orsay en juin dernier, a aussi montré que les Russes avaient créé des centaines de faux comptes ainsi que de faux articles de journaux français publiés sur des sites miroirs. « On a trouvé des dizaines de noms de domaines achetés par les Russes pour faire du typosquattage. On n’a pas affaire à des gens qui agissent à dose homéopathique. Ils sont au début d’un processus d’industrialisation », avait expliqué une source sécuritaire à TF1 à ce propos. Il ajoutait, interrogatif, ne pas connaitre leur objectif final : « Est-ce que c’est du micro-ciblage de certaines populations ? Est-ce que c’est pour une campagne permanente de basse intensité ? Ou en vue d’une action massive à un moment précis ? » Ce professionnel devrait urgemment lire Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. Outre ses qualités littéraires et narratives, ce roman montre de manière pédagogique les ressorts utilisés par les spécialistes russes de la guerre informationnelle et de la contre-influence, qui ont probablement lu tout Bernays et tout Goebbels. Leur but n’est pas de nous imposer leur version des faits, mais d’inonder notre espace médiatique de contre-versions destinées à tous les publics « sceptiques », qu’ils appartiennent à l’extrême gauche ou à la droite, qu’ils soient juifs ou musulmans, apolitiques ou engagés.

La Russie souhaite que le faux ne soit désormais plus qu’un moment du vrai et cherche à attiser tous les antagonismes qui secouent notre société. Cette opération des tags n’avait que cela pour objectif. Faite par des pieds-nickelés, elle a pu être éventée. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas et nous devons rester extrêmement vigilants face à un État qui ne recule absolument devant rien. Leur méthode est simple mais d’une terrible efficacité. Qu’est-ce qui est le plus efficace ? Cibler quelques influenceurs à grande gueule capables de parler partout et d’utiliser les réseaux sociaux ou commander dix rapports universitaires que personne ne lira ? Placer judicieusement quelques tags ou organiser une immense campagne publicitaire argumentée ? Quoi que rudimentaire, le travail de l’intelligence russe est redoutable.

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«Le procès Goldman»: les limites du huis-clos

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En quoi le film réussi de Cédric Kahn est bien une fiction.


Les faits

Le double meurtre d’une pharmacienne et de son assistante est commis le 19 décembre 1969, dans une pharmacie, tout à côté de la place de la Bastille à Paris. Deux hommes sont gravement blessés. Pierre Goldman est interpelé par la police en avril 1970 et à l’issue d’un premier procès, en 1974, condamné pour ces meurtres qu’il nie et pour trois hold-up qu’il reconnaît, à la réclusion à perpétuité. Après l’annulation de ce jugement par la Cour de cassation en 1975, un second procès intervient en avril 1976, donnant lieu à l’acquittement de l’accusé pour les meurtres. Trois ans plus tard, celui-ci est assassiné dans des circonstances obscures[1]

Le film : les limites d’une posture originale.

Le film de Cédric Kahn se concentre exclusivement sur le second procès de Pierre Goldman, aboutissant à l’acquittement de l’accusé au bénéfice du doute. La posture adoptée est celle du huis-clos d’une salle d’audience dans le respect des règles classiques des trois unités, de temps, de lieu et d’action. Le long métrage acquiert de ce fait une réelle intensité dramatique en jouant, entre autres, de gros plans sur les visages des protagonistes.

La longue genèse de ce procès, on y revient ci-après, est largement occultée par ce choix narratif. Les ressorts véritables du procès sont quelque peu sacrifiés au profit d’une imagerie assez superficielle pour traiter les arrières plans familiaux et personnels de l’accusé (parents juifs polonais résistants, dossier psychiatrique[2], engagement de Goldman à l’extrême-gauche, le conduisant jusqu’au Venezuela).

Relevons au passage l’ambiguïté du registre adopté, entre réel et fiction. Les noms sont conservés, la référence au procès réel est tout à fait explicite, jusque dans ses détails, mais le film se revendique comme une fiction.

La fabrique d’un acquittement

Le second procès Goldman, objet du film, a marqué l’aboutissement d’une pluralité d’actions, menées sur plusieurs fronts.

Il s’agit, d’abord, de l’intense mobilisation de groupes de pression : – notables du PCF mobilisés par le père de l’accusé ; – anciens camarades de l’UEC de celui-ci ; – intervention de célébrités (Simone Signoret, notamment) ; contacts politiques au plus haut niveau, pris entre autres par Régis Debray.

Ensuite, les magistrats de la cour de Cassation ont été saisis personnellement, de diverses façons (entre autres l’accusé a envoyé à chacun d’eux son livre[3]). Il faut ici mentionner le fait que l’annulation du 1er procès par cette cour s’est effectuée en relevant une erreur de procédure qui n’avait jamais été considérée comme substantielle, c’est-à-dire suffisante, depuis un siècle.

Enfin, le battage de presse, notamment de la part de Libération, a été incessant. Le quotidien s’est livré à la construction d’un mythe, faisant de Goldman un héros révolutionnaire, accusé de meurtre par une police fascisante parce que Juif et militant. Ajoutons que le livre de Goldman, qui a créé un véritable effet de choc, fournissait tous les éléments pour une telle légende.

Pendant le second procès, cette machine exerce une pression morale intense, confinant à de l’intimidation et visant à déstabiliser tour à tour le Président, l’accusation et la police (le Président est amené à présenter des excuses[4], le commissaire Leclerc doit se justifier comme un mauvais écolier, sur la procédure de reconnaissance et sur le fait que le dossier est dépourvu de « preuves matérielles[5] ».

Toute cette mécanique institutionnelle complexe et puissante, qui constitue le levier du second procès, se résume dans le film aux vociférations à tout propos d’une bande de gauchistes excités, relayée de temps à autre par celles du public antillais et celles, plus discrètes, des soutiens de l’accusation. Le film reste donc prisonnier du cadre choisi et ne montre pas dans sa vraie dimension la dynamique implacable de la machine à acquitter mise en place par les groupes de soutien.

Le fond de l’affaire : était-il coupable ?

Derrière l’imagerie romantique charriée par cette affaire, la question centrale est bien celle de la culpabilité ou non de Goldman dans le double meurtre de décembre 1969. En l’absence de preuves matérielles, le jugement que l’on peut porter sur ce point ne saurait reposer que sur deux éléments, la procédure de reconnaissance menée par la police et la consistance de l’alibi fourni par Joël Lautric.

Accablante pour l’accusé, reconnu, sur cinq témoins, par quatre d’entre eux, dont deux victimes et témoins-clés, Quinet et Trocard, la procédure de reconnaissance menée de façon réglementaire par la police pendant la garde à vue a été affectée par l’erreur plus que malencontreuse d’un technicien. Celui-ci a tout simplement omis de placer une pellicule dans l’appareil photo devant garder la mémoire précise de chaque étape de l’opération.

Le commissaire Leclerc, qui a dirigé toute l’enquête policière pour la Police judiciaire, revient sur cet épisode dans ses mémoires[6]. Regrettant amèrement cette bévue, il fait remarquer que la police, sûre de son fait dans l’affaire Goldman, était particulièrement soucieuse de ne pas entacher cette procédure de la moindre irrégularité, pour ne pas risquer une contestation à ce sujet par les tribunaux.

Tirant parti de cette erreur technique, la défense a prétendu qu’on avait fait à Goldman une tête de malfrat lors de cette reconnaissance, en brandissant à l’appui de cette affirmation une photo de l’accusé grandeur nature. Or, cette photo n’était pas celle de la reconnaissance, mais celle de son entrée en garde à vue, au terme d’une interpellation vigoureuse[7].

Rappelons aussi la disparition de Trocard, témoin capital – ayant vu l’accusé en pleine lumière, ayant parlé avec lui -, dans des circonstances étranges, et très opportunes pour la Défense, lors d’une partie de pêche[8]. Trocard, on l’a vu, avait formellement reconnu l’accusé.

Quant à l’alibi fourni par Joël Lautric, il faudrait être singulièrement naïf pour le prendre au sérieux. Ce témoin s’est contredit d’une déposition à l’autre. Lors du procès, il confirme bien le jour, mais non l’heure de la présence de Goldman chez lui, contrairement à ce qui est présenté dans le film sur ce dernier point. Lautric affirme, bien après, qu’à 20 heures, heure des meurtres, Goldman était parti de chez lui depuis longtemps. Son ouvrage volumineux, significativement intitulé Mémoires d’un parjure[9], établit ce fait. On rappelle ici qu’il ne faut pas plus de six à sept minutes en marchant pour aller de son domicile jusqu’à la scène des meurtres[10].

Parmi les réactions suscitées par ce long-métrage, je retiens celle de Philippe Bilger, ancien magistrat qui suit cette affaire depuis longtemps[11]. Il s’agit pour lui d’un film « remarquable ». Après avoir souligné que la « pression collective a joué au bénéfice de l’accusé », il nous confie : « Au sortir (de ce film) j’ai continué à considérer que la culpabilité de Pierre Goldman était certaine ».

Ma libre interprétation de ce propos est que ce commentateur salue le caractère équilibré du film qui, malgré ses limites et sans conclure franchement, place les arguments pour et contre la culpabilité sur le même plan. Ceci est sans doute, aux yeux du chroniqueur, la reconnaissance d’un progrès dans la longue, très longue marche vers la vérité sur cette ténébreuse affaire. Plusieurs auteurs, dont Jean-Paul Dollé[12], Michael Prazan[13], Luc Rozensweig[14], ont contribué à l’élucidation de celle-ci. Je crois avoir également participé à ce mouvement dans un roman[15] qui en traite sous un voile fictionnel, en développant une argumentation que Bilger a qualifiée de « redoutable », ce qui tient probablement au fait que j’ai travaillé non sur des éléments de seconde main, mais sur le dossier judiciaire proprement dit. Cette appréciation console quelque peu de l’omerta sans faille opposée à mon roman, comme à tout écrit sur le sujet non conforme à la légende, par la totalité de la presse allant du centre-droit à l’extrême gauche.

Parlant de son roman Madame Bovary, Flaubert disait en substance que le véritable sujet de son œuvre était moins madame Bovary elle-même que la mythologie qu’une bourgeoise de province cultive sur elle-même. Dans Patria o muerte, mon objectif était de montrer, à travers l’affaire Goldman fictionnalisée, au-delà du personnage central, comment des groupes de pression avaient fabriqué une mythologie, dont la force d’emprise au sein de la société devait forcer l’acquittement de cet accusé.

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Plusieurs éléments, plus ou moins importants, montrent des approximations ou des facilités. On en retiendra quelques-uns.  
 
Goldman est présenté comme un personnage colérique, toujours prêt à l’invective, sans cesse débordé par ses affects. Le film montre notamment un accès fureur de sa part, suivi d’une expulsion de la salle sous escorte policière. Mais on ne voit pas dans les procès-verbaux de ce procès la mention de tels débordements de l’accusé. Tout au contraire, celui-ci apparaît, aux yeux des commentateurs, comme soucieux de montrer un personnage posé, travaillant à son image de notable.
 
Les consultations de Oury par Goldman à la clinique de La Borde n’ont pas eu lieu en 1962, mais en 1965-1966. Plusieurs expertises psychiatriques ont été effectuées dans le cadre des procès, les rapports étant joints au dossier de procédure.
 
Christiane Succab-Goldman, veuve de Goldman, n’était pas présente au procès, tandis qu’elle est montrée dans le film. Elle a assigné le réalisateur en référé le 22 septembre, entre autres sur ce point. Ses demandes ont été rejetées par le tribunal.

[1] Ces circonstances sont présentées dans mon roman « Patria o muerte », Denoël, 1970.

[2] Au cours du procès, Accusation et Défense se gardent d’évoquer le lourd dossier psychiatrique de Goldman, comportant plusieurs rapports d’expertise.

[3] Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France, Le Seuil, 1975.

[4] Ceci au terme d’une suspension de séance demandée par la Défense. Ceci est consigné dans le procès-verbal du procès.

[5] L’amalgame entre preuve matérielle et preuve judiciaire a dès lors fait le jeu de la Défense.

[6] Marcel Leclerc, « De l’Antigang à la criminelle », Paris, Plon, 2000.

[7] J’ai pu établir ce point à partir du dossier de procédure judiciaire. La photo en question est datée du jour de l’entrée en garde à vue de Goldman. Ce n’est donc pas celle de la sortie de garde à vue, comme le prétend le film.

[8] Et non lors d’un accident de voiture, comme il est dit dans le film.

[9] Joël Lautric, « Mémoires d’un parjure », 2011, TheBookedition.com.

[10] De la rue de Turenne au bd Richard-Lenoir, en passant par la place des Vosges.

[11] Philipe Bilger, « ‘Le Procès Goldman’, un film remarquable », Causeur, 3 octobre 2023.

[12] Jean-Paul Dollé, « L’Insoumis, vies et légendes de Pierre Goldman », Grasset, 1997.  

[13] Michael Prazan, « Pierre Goldman, Le Frère de l’ombre », Seuil, 2005 ; voir aussi, du même auteur, le film documentaire : « L’Assassinat de Pierre Goldman », Kuiv productions – Fr 3, 2006.

[14] Journaliste au Monde, Luc Rosenzweig a publié un article en septembre 1999 sur l’affaire Goldman.

[15] Dominique Perrut, Patria o muerte, op. cit.

By Jove! Olrik a encore frappé!

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Nouvelles aventures pour le capitaine Blake et le professeur Mortimer, en voyage cette fois-ci à New York. Toujours avec Olrik et ses coups tordus, mais en compagnie d’un nouveau dessinateur, Floc’h.


C’est une interprétation personnelle de l’œuvre Blake et Mortimer à laquelle se livre le dessinateur Floc’h. Si les deux héros sont bien présents, avec leurs caractéristiques, si le méchant est bien tenu par Olrik et s’il s’agit toujours de sauver le monde d’une destruction imminente, Floc’h a imprimé sa marque et son style dans le dessin et la façon de conduire l’album. Il s’est exprimé longuement sur le sujet : les précédents albums ne lui plaisent pas. Trop de textes à son goût, trop de détails, trop de pleins. Il a voulu proposer un album sous le signe de l’épure, avec des bulles et des conversations réduites au minimum et des personnages qui évoluent dans des paysages épurés. Certains pourront être surpris par ce trait, voire être déçus, mais force est de reconnaitre que Floc’h a tenu son parti pris et l’a suivi tout au long de l’album. En y ajoutant des touches personnelles qui sont celles de ses affections, notamment le goût des États-Unis et du pop art. Au gré des cases, on trouve ainsi des références assumées à Andy Wharol, à Edward Hopper, à Roy Lichtenstein. C’est une rupture assumée et voulue, la condition posée par Floc’h pour réaliser l’album.

Pour le reste, en faisant appel à deux scénaristes habitués des Blake et Mortimer, Fromental et Bocquet, on suit un fil beaucoup plus classique. L’intrigue renoue avec le roman policier, en réduisant la science-fiction au minimum. Les caractères sont bien ceux de Blake et Mortimer, chacun jouant sa partition. Il y a un club (le Penn club, pendant du Centaur), il y a du bourbon, du tabac, de belles voitures et de beaux costumes, des perspectives urbaines, de l’intrigue et une action qui a du rythme. Floc’h avait une obsession : créer un page turner. Force est de constater que la chose est pleinement réussie. En mêlant innovation de rupture et tradition jacobsienne, il a créé un album personnel et original qui marque un moment important dans l’histoire des Blake et Mortimer. Le tout avec une ironie mordante sur le système des relations internationales. Sans dévoiler l’intrigue aux lecteurs, on y retrouve des espions soviétiques, des agents du FBI, des diplomates anglais et une femme médecin plus alerte qu’il n’y semble. Toute l’action tourne dans un huis clos dont le centre est la tour de l’ONU (la matchbox, la boîte d’allumettes) et la scène New York. Blake doit y prononcer un discours sur la paix lors d’une grande conférence organisée par l’Organisation. Le genre de conférence et de discours qui ne servent à rien, mais autour desquels tout le monde s’affaire pour faire illusion. On palabre, on discute, on échange des amabilités autour des petits fours et des soirées mondaines. Pendant ce temps, Olrik, bien sûr, trame une nouvelle machination, s’inspirant des principes de Sun Tzu dans son Art de la guerre. Ce n’est pas avec son discours que Blake contribue à sauver la paix mondiale, mais en désarmant Olrik et en contribuant à faire travailler ensemble des personnes qui se détestent. Une application de « l’art de la paix » qui est sa conclusion finale.


L’intrigue est pleine de rebondissements, les personnes secondaires sont plus complexes qu’elles ne pourraient le laisser penser de prime abord et la réflexion sur la diplomatie, la paix et les relations internationales bien vue et bien poussée. C’est le propre des grandes bandes dessinées, comme Tintin, Lefranc ou Astérix, de pouvoir être appréciées tant par les enfants que par les adultes, grâce aux différents niveaux d’interprétation possibles.

Côté Floc’h, c’est réussi et c’est une touche originale dans les aventures de Blake et Mortimer. Tout en apportant une esthétique assumée, cet album suit une intrigue palpitante et crédible.

Source : revue Conflits

Un autre regard sur Blake & Mortimer - L'Art de la guerre

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Entre l’Islam et l’Occident, l’issue de la séparation

L’Autre, l’altérité, il faut parfois reconnaitre qu’il est préférable de le garder à bonne distance


C’est à ça qu’on les reconnaît : les saboteurs de la nation sont les premiers à nier leurs fautes. Ils affirment, contre l’évidence : non il n’y a pas de choc de civilisations, non l’intégration n’est pas un échec, non la guerre civile ne viendra pas, non l’immigration musulmane n’est pas un problème, non l’antisémitisme n’est pas porté par l’islam conquérant. Mais, oui « l’extrême droite » est le vrai danger….

Des progressistes aveugles

Cela fait trente ans et plus que ces mondialistes avancent les yeux grands fermés, entrainant le pays trahi à sa perte. Aujourd’hui, ces dénégationnistes sont incapables d’admettre leurs responsabilités dans les désastres que subit la France ouverte à ses ennemis. Le mensonge est leur bouée. Mais cette dernière se perce en maints endroits, drossée sur le récif des réalités. C’est l’historien de la Shoah, Georges Bensoussan, qui expliquait dimanche sur Europe 1, commentant l’offensive anti-occidentale de l’islamisme, soudé derrière la barbarie du Hamas agresseur d’Israël : « Nous devons accepter la guerre de civilisations qu’on nous impose ». 

Ceux qui ordonnent de dormir encore, en récusant le danger totalitaire djihadiste, ont accepté de baisser les bras, voire de prêter main forte aux occupants décidés à maintenir ici leur mode de vie de là-bas. La « rhinocérite », dévoilée jadis par Ionesco, a contaminé les falsificateurs à carte de presse et les « progressistes » subjugués par l’islam révolutionnaire, défenseur des opprimés d’un Occident trop blanc pour être honnête.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Israël, une frontière civilisationnelle

Il est temps d’admettre des vérités et de reconnaître des erreurs. J’ai eu ma part, en soutenant en 2003 la guerre américaine contre Saddam Hussein en Irak, au nom de la promotion de la démocratie. Son rejet, in fine, par la culture musulmane est un échec qui m’a convaincu de ne plus insister dans l’utopie.

Il est où l’apartheid ?

Aujourd’hui, il faut tirer les conséquences des incompatibilités identitaires en évoquant la question, interdite par les sans-frontiéristes, de la séparation entre les peuples et les cultures. C’est en ces termes que se pose l’issue du conflit entre Israéliens et Palestiniens, même si la perspective de deux États s’est éloignée dans l’immédiat après la démence anti-juive du Hamas qui obligera, pour un temps, à placer Gaza sous surveillance militaire. Il n’empêche : ceux qui hurlent à l’ « apartheid » israélien (en oubliant que 20% des Israéliens sont des Arabes représentés à la Knesset) ne disent rien des épurations ethniques en pays musulmans. Au fil des ans, les Juifs y ont pratiquement disparu et les quelques Chrétiens d’Orient qui s’accrochent encore à la mémoire de leurs terres évangélisées vivent en dhimmis, c’est-à-dire en sous-hommes aux yeux de l’islam suprémaciste. Ce déséquilibre est une réalité qu’impose unilatéralement l’idéologie islamiste, qui interdit à l’Occident d’en faire autant au nom du respect de l’Autre. Cette idéologie a pour cela le soutien de la gauche hébétée qui répète : tout va bien…

En France, deux peuples sont déjà irréconciliables, tandis que l’immigration de masse se poursuit. Oui, ses promoteurs sont les fossoyeurs de la nation.

Sophie Djigo, profession professeur à côté de la plaque

Quand le sage désigne l’islamisme, l’imbécile regarde l’extrême droite! Le célèbre proverbe, quelque peu détourné, convient très bien à Sophie Djigo. Comme nombre de ses collègues, elle s’estime davantage menacée par la droite nationale que par l’islamisme.


Quelques jours avant l’assassinat de Dominique Bernard par un terroriste ingouche, on pouvait lire, dans La Voix du Nord, un article intitulé : « Face aux attaques de l’extrême droite, un manuel « d’autodéfense intellectuelle » pour les enseignants »[1]. Ce papier du 7 octobre, révèlait, tout autant, la domination idéologique de la gauche sur la PQR que le décalage avec le réel que cela engendre quand on sait que moins d’une semaine plus tard, un professeur de français de 57 ans, marié et père de trois filles, était poignardé à mort par un islamiste dans son collège.

Elle veut chasser Éric Zemmour de l’école

L’article de La Voix du Nord donnait la parole à Sophie Djigo, 41 ans, une professeure de philosophie qui représente un collectif d’enseignants appelant à lutter contre l’entrisme de l’extrême droite au sein des établissements scolaires. Ces profs dénoncent notamment le réseau « Parents Vigilants », lancé par Éric Zemmour en septembre 2022 et qui, selon le président de « Reconquête », compte plus de 60 000 membres et a remporté plus de 3500 sièges lors des élections de parents d’élèves qui se sont tenues mi-octobre. Comme le présente Agnès Mation, porte-parole de la campagne « Protégeons nos enfants », sur le site de Parents Vigilants, ce réseau a pour objectif de lutter contre « l’effondrement du niveau scolaire » et « le grand endoctrinement ». Ce dernier, comporte, entre autres, « l’enseignement de la théorie du genre, de la propagande LGBT ou des théories wokistes », thèses défendues il n’y a encore pas si longtemps par Pap Ndiaye à écouter toutes ces mauvaises langues. Le collectif entend également s’opposer aux « associations d’extrême gauche qui viennent diffuser leur propagande dans les établissements » ou encore à « l’offensive islamique à l’école ».

A lire aussi: Islamisme, wokisme: les «parents vigilants» ne savent plus où donner de la tête

Il n’en fallait pas plus pour que des professeurs de gauche, et leurs syndicats, s’offusquent en brandissant leur sacro-sainte liberté d’enseigner, eux qui ne se gênent pas toujours pour imposer leur propagande aux enfants sans respecter la liberté des parents de s’y opposer. Avant les élections de parents d’élèves, la FSU-SNUipp, qui se présente sur son compte Twitter comme le « premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires » alerte sur « la menace de l’offensive de l’extrême droite sur l’école qui est plus précise et concrète ». De son côté, Sophie Djigo en appelle à « l’autodéfense intellectuelle » à travers un nouveau collectif, au nom sans équivoque : la Coordination antifasciste pour l’affirmation des libertés académiques et pédagogiques. La professeure de philosophie légitime la création de ce collectif par l’urgence de « s’organiser pour offrir un rempart et expliquer la différence entre savoirs et opinions ». En effet la distinction entre « savoirs » et « opinions » est fondamentale. Entre ce qui relève des faits et de la subjectivité de chacun. Le problème est que Sophie Djigo, comme nombre de ses collègues, considère par exemple la théorie du genre comme un savoir. L’absence de continuité entre le biologique et le culturel, entre le sexe et le genre, le fait de naître femme et de devenir homme et inversement ou encore la possibilité qu’un homme soit enceint sont érigés en réalité objective, en « savoirs », alors que la réalité biologique de la différence sexuelle est reléguée dans la catégorie des opinions réactionnaires.

Une sortie scolaire polémique

Mais Sophie Djigo n’en est pas à son coup d’essai. Fondatrice de l’association « Migraction59 », engagée dans le soutien aux migrants de Calais, cette professeure de philosophie s’était fait connaître en novembre 2022 lorsqu’elle avait organisé, pour ses étudiants de classe préparatoire littéraire du lycée Watteau de Valenciennes, une sortie auprès des bénévoles de l’association « L’Auberge des migrants » à Calais[2]. En raison de la polémique, la sortie, prévue en décembre, avait été annulée. À l’époque, auprès de France Info, elle avait justifié cette sortie scolaire en expliquant qu’elle s’inscrivait « dans le cadre du programme d’une classe préparatoire littéraire, qui se déroule entre septembre 2022 et juin 2023, et regroupant trois disciplines : théâtre, culture antique et philosophie. Les questions abordées sont celles de l’exil et de la citoyenneté »[3].

Sur Arte, le journaliste Claude Askolovitch a pris la défense de la philosophe « de terrain »

Sophie Djigo avait malheureusement été menacée sur les réseaux sociaux, son adresse professionnelle ayant été révélée, elle avait dû être mutée dans un autre établissement. Elle poursuit alors son combat contre le danger que représente, selon elle, l’influence de l’extrême droite dans les écoles. En octobre dernier, elle livrait un témoignage intéressant auprès de France Info : « J’ai reçu depuis beaucoup de messages de collègues dans toute la France, en particulier des enseignants de SVT, d’histoire et de lettres, qui se retrouvent confrontés à des pressions de groupes qui refusent l’enseignement de la théorie du genre, du fait islamique en cours d’histoire, l’enseignement de la Shoah, des mémoires de l’esclavage, de l’histoire coloniale ou de la décolonisation ».  L’enseignement de la théorie du genre ? On se rappelle de Najat Vallaud-Belkacem, qui expliquait en 2013, alors qu’elle était porte-parole du gouvernement, que « la théorie du genre n’existe pas »[4]. On est content d’apprendre, dans la bouche d’une professeure qui y est favorable, que non seulement elle existe mais qu’elle est enseignée et qu’il est illégitime de la contester.

Dans cet article de France Info intitulé : « Comment les « Parents vigilants », créés par Éric Zemmour, mettent sous pression des professeurs », un passage est à la fois révélateur et comique. Le média cite un extrait de l’appel lancé par un collectif d’enseignants qui dénoncent les pressions des parents des droite. L’extrait est le suivant : « Chaque semaine, partout en France, des enseignant·e·s sont ciblé ·e ·s pour avoir simplement fait leur travail. Ils et elles se retrouvent taxé·e·s de propagande, jeté·e·s à la vindicte des réseaux sociaux, menacé·e·s jusque dans leur vie personnelle et leur vie tout court ». On ne peut s’empêcher de rire en lisant ces lignes. Alors que leur texte est en écriture inclusive ils sont surpris d’être « taxé-e-s de propagande ». Ils ne manquent pas de souffle !

A contre-courant de ses collègues ?

Cependant, derrière ces enseignants d’extrême gauche, très visibles médiatiquement car ils font régulièrement parler d’eux, le vote des enseignants a évolué ces dernières années. En effet, en 2017, une enquête de l’IFOP[5] révélait, que pour le premier tour, ils étaient 38% à voter Macron, 24% Mélenchon, 15% Hamon, 11% Fillon, et seulement 5% pour Marine Le Pen, soit, pour cette dernière, « quatre fois moins que son score chez l’ensemble des électeurs métropolitains (21,5%) ».

77% des enseignants ont donc voté pour un candidat de gauche au premier tour de la présidentielle de 2017, ce qui tend à confirmer la réputation de cet électorat comme bastion de la gauche. Néanmoins, une étude du Cevipof, dirigée par Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS[6], nous apprend qu’ils étaient 18% à avoir choisi Marine Le Pen au second tour face à Macron en 2017. Chose impensable quelques années plus tôt. Au second tour de l’élection présidentielle de 2022, toujours selon Luc Rouban, 25% des enseignants ont voté pour la candidate RN. Un quart des professeurs ! Confrontés à une insécurité culturelle et physique grandissante les professeurs se droitisent petit à petit. « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là » rappelait, le 17 octobre, Mickaëlle Paty, la sœur du professeur décapité, devant le Sénat. Trois ans après Samuel Paty la sécurité des enseignants ne s’est pas améliorée, comme le démontrent les agressions dont ils sont régulièrement victimes. Rien que ces dernières semaines, des professeurs d’un lycée du 15e arrondissement de Paris se sont mis en grève après l’agression de l’un de leurs collègues ; à Montbéliard un collégien de 14 ans a été interpellé après avoir menacé de mort sa professeure d’histoire. Aucune école n’est épargnée, même au lycée Montaigne, dans le chic 6e arrondissement de la capitale, où un élève a asséné plusieurs coups de poing au visage  de sa professeure de mathématiques en novembre 2021. Bilan : une plaie ouverte au front et des hématomes. Rien d’étonnant, quand on sait que, selon un rapport de l’Ifop de 2021, 50% des professeurs ont déjà été victimes d’agression physique ou verbale au cours de leur carrière de la part    d’élèves ou de leurs parents.

A lire aussi, du même auteur: Quand « Blast : Le souffle de l’info » souffle sur les braises

Tout était déjà dans le rapport de Jean-Pierre Obin de 2004. L’inspecteur général de l’Éducation nationale constatait, il y a près de deux décennies, que « dans le second degré d’une manière générale, de nombreux cas nous ont été signalés de professeurs femmes ayant fait l’objet de propos désobligeants ou sexistes de la part d’élèves. Le refus de la part de certains parents d’être reçus par une personne du sexe opposé, ou de la regarder, ou de lui serrer la main, ou de se trouver dans la même pièce qu’elle, ou même de reconnaître sa fonction pour des motifs religieux, est particulièrement mal vécu par les professeurs et les personnels d’éducation et de direction qui en ont été l’objet. Plus grave, ce type de refus a été observé également pendant le carême musulman de la part de personnels hommes vis-à-vis de collègues ou supérieurs hiérarchiques femmes ». Dans ce rapport de 40 pages, les contestations politico-religieuses, l’antisémitisme ainsi que le prosélytisme musulman sont parfaitement détaillés. « Oussama Ben Laden est en train de devenir, chez les jeunes de nos « quartiers d’exil », et donc pour une part notable de nos élèves, la figure emblématique d’un islam conquérant, assurant la revanche symbolique des laissés-pour-compte du développement en rejetant en bloc les valeurs de notre civilisation », écrivait-il. Malheureusement, François Fillon, qui était ministre de l’Éducation à l’époque, a préféré mettre ce rapport sous le boisseau.

Un futur et un relativisme terrifiants

Nous voici donc en 2023, et il est quasiment impossible de faire respecter une minute de silence en hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. Les commentaires ironiques ou faisant l’éloge de ces attentats pullulent sur les réseaux sociaux. Récemment un collégien, arborant un maillot de l’Algérie, a posté une photo de lui sur Twitter avec en légende la phrase suivante : « Demain pour les 1 minutes de silence commencez même pas à me regarder parce que je vais exploser de rire ». Marguerite Stern, militante Femen repentie, a commenté cette publication avec une grande lucidité, écrivant : « Démographiquement, le futur de la France c’est ça et c’est terrifiant ».

Malgré ce réel effrayant, des professeurs se mettent en danger et mettent en danger leurs collègues en ciblant l’extrême droite en permanence. Le 15 octobre, deux jours après l’assassinat de Dominique Bernard, le syndicat CNT-SO Éducation et Recherche, dans un communiqué, voyait dans l’attaque terroriste d’Arras une conséquence des « polémiques stériles et aux relents racistes comme celle sur l’abaya »[7] ! Sans compter les déclarations de politiques d’extrême gauche, comme le député LFI Antoine Léaument, qui, sur Twitter le 24 octobre, écrivait que « l’islamisme et l’extrême droite c’est la même chose » ou encore, un autre député LFI, Jean-François Coulomme, qui siège à la commission des lois et qui, sur Twitter le 16 octobre, expliquait doctement que « le terrorisme islamiste est consubstantiel à l’idéologie d’extrême-droite, car il partage avec elle l’obsession et la haine identitaire, ethnique et/ou religieuse »…. Avec des amis comme Sophie Djigo, certains syndicats enseignants et députés LFI, les professeurs n’ont pas besoin d’ennemis. Mention spéciale pour Benjamin Lucas, député EELV, qui n’a rien trouvé de mieux, le 4 novembre, que de qualifier « Parents Vigilants » de « milice zemmourienne des écoles ». Alors qu’une cinquième colonne islamiste grandit de jours en jours dans notre pays, ces gens-là concentrent leur énergie et leur colère sur des « Parents Vigilants » qui s’inquiètent, légitimement, de l’éducation de leurs enfants. D’une certaine manière, ces bouffeurs de curés ressemblent aux prêtres de Constantinople qui, en 1453, discutaient du sexe des anges alors que les Turcs étaient aux portes de la ville…


[1] https://www.lavoixdunord.fr/1382084/article/2023-10-06/face-aux-attaques-de-l-extreme-droite-un-manuel-d-autodefense-intellectuelle

[2] https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/valenciennes/valenciennes-une-professeure-menacee-pour-une-sortie-a-calais-une-plainte-deposee-2665584.html

[3] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-choix-franceinfo/enquete-ecole-comment-l-extreme-droite-tente-d-intimider-les-professeurs_6069969.html

[4] https://www.youtube.com/watch?v=cQiIgD0qBq4

[5] https://www.ifop.com/publication/pour-qui-ont-vote-les-enseignants/

[6] https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/declassement-sentiment-d-abandon-laicite-pourquoi-les-professeurs-votent-de-plus-en-plus-rn-7900258863

[7] https://twitter.com/PaulSugy/status/1713596566194266509

La guerre des six mois

L’offensive sanguinaire du Hamas a révélé les failles de l’armée et du renseignement israélien. Son onde de choc secoue la société israélienne et bouscule les équilibres fragiles de la région. Le risque d’embrasement est réel. Israël peut compter sur l’allié américain et les principaux pays occidentaux. Mais toute perspective de sortie de crise suppose au préalable un changement politique en Israël.


Samedi 7 octobre, Israël a vécu la pire journée de sa courte histoire. Un coup terrible d’une brutalité physique et psychologique qui vous donne le sentiment – objectivement exagéré, mais non moins réel et douloureux – que rien n’est jamais acquis, que tout, à commencer par votre existence et votre légitimité, est en jeu de manière permanente. Car il y a eu le massacre, mais surtout il y a eu la débâcle. Ceux qui étaient supposés prévenir n’ont rien vu venir et ceux dont la mission était de défendre les civils ont failli. Pendant des heures, des milliers d’Israéliens ont dû se cacher et se défendre avant d’entendre les voix rassurantes en hébreu de leurs sauveteurs. Sauf que pour 1 600 d’entre eux, c’était trop tard : 1 400 étaient morts et quelque 200 se trouvaient à Gaza, otages du Hamas et du Djihad islamique. Des millions d’autres sont hantés depuis par les images et les voix de ce samedi noir. Et par une question qui accompagnera désormais l’histoire d’Israël : comment cela a-t-il été possible ? Comment, cinquante ans après la surprise et le traumatisme du samedi 6 octobre, jour de Kippour 1973, Israël a-t-il pu se retrouver dans le même état de sidération et d’impréparation ?

Un shabbat de pogrom

Vendredi 6 octobre, tard dans la soirée : Shabak (Shin Beth – services secrets intérieurs) intercepte des signes d’activités inhabituelles. Après consultation avec l’armée, on décide qu’il s’agit d’un exercice. L’alerte n’est pas donnée.

Samedi 7 octobre 6 h 30 : tirs intenses de roquettes et de mortiers sur les positions et les localités israéliennes le long de la frontière avec Gaza.Des drones neutralisent les caméras des miradors de surveillance. Deux cents terroristes du Hamas se ruent vers la barrière, juchés sur des pick-up et des motos, et la percent en plusieurs endroits. C’est le moment où les soldats israéliens comprennent qu’il ne s’agit pas d’un exercice.

Des dizaines de parapentes décollent de la bande de Gaza et se dirigent vers le territoire israélien.Des zodiacs de la force maritime du Hamas se lancent vers la côte israélienne au nord de Gaza. Des unités du Hamas neutralisent des moyens de communication et coupent des lignes d’électricité.

Une deuxième vague de 500 combattants pénètre en Israël par les brèches et attaquent les points de commandement de l’armée et son QG à Kibboutz Re’im. D’autres se dirigent vers les différentes bourgades et kibboutz. Ils tombent, probablement par hasard, sur la rave party.

7 h 00-7 h 30 : plus d’une vingtaine de localités et six bases militaires sont attaquées.

7 h 45 : le premier hélicoptère de combat israélien arrive sur la zone des combats.

8 h 00 : une vingtaine de combattants des commandos de l’armée de l’air arrivent par hélicoptère à Kibboutz Aloumim (au milieu du triangle de l’enfer Be’eri, KfarAza, Nahal Oz). C’est la première force militaire israélienne qui entre en contact avec les terroristes.

Vers 14 h 00-14 h 30 : les forces israéliennes reprennent le contrôle de leur QG et interviennent sur tous les points attaqués par le Hamas. À cette heure-là, on estime que 1 400 civils israéliens ont déjà été massacrés et 200 enlevés, 300 soldats et policiers sont tombés au combat. Un tiers des Israéliens massacrés ont perdu la vie sur le site de la rave party. Dans les Kibboutz Nahal Oz et KfarAza, 20 % de la population a été enlevée ou assassinée.

Premières leçons d’un désastre

L’heure des comptes viendra – quand les armes se tairont. Mais à l’évidence, il s’agit d’une faillite à deux têtes : le renseignement a été incapable de prévenir et l’armée, de protéger.

Il s’avère très vite que le renseignement lui-même a doublement failli, n’ayant ni repéré ni alerté. On ne sait pas encore comment le Hamas est parvenu à cacher à Israël des préparatifs qui ont nécessairement été longs et compliqués. On sait en revanchepourquoi l’alerte n’a pas été donnée. D’après la presse israélienne, vendredi 6 octobre, la veille de l’attaque, le Shabak, le service de renseignement et d’action chargé de Gaza et de la Cisjordanie, a relevé les signes d’une activité inhabituelle. Qualifiées de « signaux faibles », ces informations sont remontées jusqu’au chef du Shabak, Ronen Bar, qui en a parlé avec le général de brigade Avi Rosenfeld, commandant de la division militaire de la région de Gaza. Selon les mêmes publications, les deux ont conclu qu’il s’agissait d’un exercice du Hamas et se sont contentés de quelques légères précautions. Ils n’ont pas jugé nécessaire d’informer le chef d’état-major et celui de l’armée de l’air.

Ces deux hauts responsables n’ont pas péché par légèreté. Ils ont pris une décision à partir des informations dont ils disposaient, mais aussi dans le cadre intellectuel qui est le leur et c’est sans doute ce cadre, ou ce paradigme, qui explique leur erreur. Ils pensaient, comme tout l’establishment politico-stratégique israélien, qu’après dix-sept ans, de nombreux incidents et plusieurs opérations d’envergure, le Hamas s’était assagi. Sous la contrainte du réel, le mouvement radical était devenu un gouvernement, tenant certes un discours extrémiste, mais chargé de responsabilités, de problèmes d’école et de ramassage d’ordures, sans oublier des intérêts nombreux plus ou moins licites. Bref, à renverser brutalement la table, le Hamas avait beaucoup plus à perdre qu’à gagner. Les stratèges israéliens ont commis la même faute d’analyse,fait la même erreur que ceux qui ont refusé de croire que Poutine lancerait son armée contre l’Ukraine.

Pour le plus grand malheur d’Israël, sa deuxième ligne de défense, l’armée, a également connu une déroute de grande ampleur, puisqu’elle a été incapable, dans un premier temps, de bloquer et de repousser les assaillants.

Pour un dispositif défensif bien construit, une alerte indiquant l’heure, le lieu et la méthode d’une attaque est bienvenue, mais pas complètement indispensable. Le défenseur doit être capable d’agir au saut du lit, sans avoir été prévenu. C’est d’autant plus vrai en Israël où la défense manque cruellement de profondeurstratégique : une fois la première ligne franchie, les « cibles molles » – villages, bourgades, zones d’activités –ne sont qu’à quelques minutes de route, parfois de marche.

La dévastation du kibboutz de Be’eri après le massacre du Hamas, 14 octobre 2023. Photo: AP Photo/Ariel Schalit/SIPA

Le plan astucieux du Hamas reposait sur trois piliers : surprendre, aveugler et saturer.

Pendant des mois, le Hamas a su garder le secret et endormir la vigilance des Israéliens en confirmant leurs présupposés. Il a feint de s’embourgeoiser, a joué le rôle d’un acteur responsable, soucieux des intérêts de ses administrés, en négociant avec Israël l’augmentation du nombre de permis de travail. Il a entretenu la volonté de croire à cette histoire. Dans la presse israélienne, les reportages sur l’embellie économique à Gaza se sont multipliés. Bref, cela a parfaitement fonctionné.

L’opération stricto sensu est préparée dans le plus grand secret depuis un an. Les unités du Hamas qui devaient y participer ont habitué les forces israéliennes à leur routine d’entraînement. Pour permettre à ses hommes de poser des charges explosives télécommandées sous le nez des soldats de Tsahal, le Hamas a organisé des manifestations à proximité de la barrière de sécurité. Tout a été bien pensé et bien exécuté.

Quant à l’attaque, elle a commencé par des frappes sur les moyens technologiques de détection, de contrôle et de commandement de l’armée israélienne. Parallèlement, des milliers de roquettes ont été tirées sur le sud d’Israël, surtout sur les localités proches de la frontière avec Gaza. Les unités du Hamas se sont précipitées sur le terminal de passage et les obstacles de la frontière, laquelle a été percée en 18 endroits sur un front de 50 kilomètres. Des terroristes en parapentes et bateaux pneumatiques ont accompagné par l’air et la mer l’effort principal mené au sol.

En moins d’une heure, les six principaux points de commandement israéliens sont attaqués par le Hamas. Avec une conséquence terrible : durant plusieurs heures, l’armée n’est plus en état de se faire une idée claire de la situation, donc d’agir. C’est le temps qu’il faudra pour que les capacités de commande et de contrôle soient rétablies, et que l’armée puisse à nouveau fonctionner de manière centralisée et coordonnée. Les forces de police ont été, elles aussi, débordées et souvent contraintes de se battre pour leur propre survie, incapables donc de porter secours à la population.

Petite lueur d’espoir dans la déroute, la résistance est venue de la société. Le Hamas a mis en échec le renseignement et l’armée. Ses terroristes se sont heurtés à des héros ordinaires en uniforme ou en civil. Avec peu ou pas d’information, sans structure de commandement, des civils et des militaires ont pris les choses en main, à leur niveau et avec les moyens du bord. Ils ont avancé vers l’ennemi en cherchant partout le contact. Les pilotes d’hélicoptère improvisaient des tactiques et communiquaient avec leurs contacts au sol à l’aide de téléphones portables. Des officiers à la retraite, dont des généraux, ont pris leur voiture pour aller au front, glaner des informations, s’équiper tant bien que mal et partir ainsi, en groupes improvisés, vers les colonnes de fumée et le bruit des combats. Dans les villages et kibboutz, des habitants se sont battus jusqu’à la dernière cartouche et, dans des endroits où l’alerte donnée par les bruits de guerre a permis quelques minutes de préparation hâtive, les terroristes ont été repoussés et ont subi de lourdes pertes avant même l’arrivée des soldats.

Pendant tout ce temps, les terroristes se sont livrés à une orgie de sang et de haine, s’acharnant sur les civils qui tombaient sous leurs mains, y compris les enfants, les bébés, les femmes enceintes. Ils ont souvent accompagné leurs meurtres de mises en scène d’une cruauté dépassant l’entendement. En quelques heures, plus de 1 400 personnes ont été massacrées et plusieurs dizaines prises en otages par les soudards du Hamas, mais aussi par de simples Gazaouis opportunistes qui se sont précipités pour piller, massacrer ou récupérer un otage ou un cadavre, espérant sans doute les revendre au Hamas.

Israël groggy, mais debout

Sous l’effet de la conjonction de l’effroi devant l’horreur et de l’échec d’institutions qui ont manqué à leur premier devoir, la société israélienne s’est métamorphosée. Après de longs mois d’une crise politique et constitutionnelle qui a vu naître le plus important mouvement de contestation de son histoire, Israël est désormais passé en situation d’« union critique ». La contestation est certes suspendue, mais les griefs ne sont pas oubliés. Des ministres et des députés de la majorité sont souvent accueillis par des huées, ou tout simplement chassés quand ils essaient de rendre visite aux victimes. En même temps, les réseaux forgés pendant la contestation, des machinesde mobilisation et de logistique d’une grande efficacité, ont pris la place des services défaillants. Ils évacuent des civils des localités sinistrés, trouvent des logements et désencombrent les obstacles innombrables d’une bureaucratie lourde et lente à changer d’état d’esprit. Ainsi, du matériel arrêté par la douane a été débloqué en quelques heures grâce à l’intervention directe de « gens connaissant des gens », et donc en mesure d’appeler la nuit le portable de la bonne personne… Tout le monde s’active, improvise, entreprend ou, comme on dit en hébreu, met son épaule sous la civière. Du reste, cette mobilisation inédite depuis octobre 1973 n’est pas de trop.          

Il ne s’agit pas seulement de se tenir chaud en s’affairant, ni de surmonter un stress post-traumatique. En Israël, tout le monde le sait, le risque d’un embrasement général avec le Liban, la Syrie mais aussi la Cisjordanie, sans parler des vagues d’attentats mondiales, voire de l’entrée directe de l’Iran dans la guerre, est bien réel. Cela explique que les États-Unis aient envoyé deux porte-avions patrouiller en Méditerranée, et que le président américain ait dépêché ses principaux ministres avant de se rendre lui-même sur place : il fallait s’assurer que même un Iranien sourd et aveuglepuisse comprendre le message. Et que le gouvernement israélien comprenne, lui aussi, clairement et sans ambiguïté ce qu’il peut et ne peut pas faire à Gaza et ailleurs.

La véritable raison pour laquelle on peut craindre une généralisation du conflit est que les événements sont sans précédent récent, même s’ils rappellent étrangement les étés de 1914 et 1939. Pour ne rien arranger, cette poussée de fièvre survient dans un contexte de guerre froide entre la Chine et les États-Unis. Alors que le système international est d’ores et déjà gouverné par une logique de blocs, une mobilisation mondiale pour étouffer les flammes a peu de chances d’advenir. Tous les hommes de bonne volonté du monde ne vont pas se donner la main. La Chine, qui se voit endosser le rôle de la défunte URSS, se positionne derrière les Palestiniens et découvre à quel point un peu d’antisémitisme – « les juifs contrôlent les médias occidentaux et manipulent les États-Unis » –vous vaut aisément des sympathies au sein du « Sud global » (ci-devant tiers monde, non-alignés, damnés de la terre). La Russie, allié de l’Iran, voit tout naturellement les choses à travers sa croisade contre l’« Occident collectif » et la guerre contre l’Ukraine. Israël, qui s’est fait violence pour garder ses distances et ne pas fâcher Moscou, va sans doute être rangé sur le rayon  « Otanonazis ».

L’avenir de Benyamin Netanyahou

La question anime les conversations à New York et Paris autant qu’à Tel Aviv. Benyamin Netanyahou peut-il survivre (politiquement) à une telle débâcle ?

Les chefs de l’armée et du Shabak ont tous déclaré publiquement et clairement être responsables de l’échec et ses terribles conséquences. Même Naftali Bennett, Premier ministre pendant un an (2021-2022), assume sa part. À quelques exceptions individuelles près, ni le gouvernement ni son chef ne l’ont suivi. Au contraire, certains de leurs porte-parole officieux font circuler des insinuations indécentes. Une publication des religieux nationalistes a déjà laissé entendre que les victimes des kibboutz étaient des athées et donc que le Hamas était l’instrument du châtiment divin. Des « bibistes » notoires ont ainsi attribué l’arrivée tardive des hélicoptères de combat au fait que les pilotes sont de gauche… d’autres ont parlé d’officiers israéliens ayant collaboré avec le Hamas le 7 octobre. Cette petite musique du « couteau dans le dos » permettrait à Netanyahou de mobiliser une partie de sa base et de ses alliés orthodoxes s’il décide de s’accrocher au pouvoir. Dans ce cas, dès que la situation sécuritaire sera stabilisée et les réservistes libérés, la contestation reprendra avec une ampleur sans précédent. Le 7 octobre aura donc probablement la peau de Netanyahou, l’allié objectif du Hamas depuis 2009, mais aussi de sa réforme et de son camp politique. Aujourd’hui, une majorité d’Israéliens attend ce jour avec impatience.

Benjamin Netanyahou rencontre des soldats près de la frontière avec Gaza, 19 octobre 2023. Photo : EPN/Newscom/SIPA

L’heure des armes

Il est difficile de comprendre les calculs politiques et stratégiques qui ont poussé le Hamas àrenverser la table géopolitique de la région. À l’évidence, avant le 7 octobre, l’organisation terroriste se trouvait dans une situation inconfortable : son « embourgeoisement » risquait de gommer la différence avec l’OLP et l’Autorité palestinienne qui avaient misé sur l’abandon de la lutte armée avec Israël. Ce genre de contradiction n’est pas rare dans des mouvements terroristes, mais le Hamas a tranché et opté pour la radicalité et la lutte armée à outrance. Les atrocités sciemment commises par l’organisation samedi matin ne laissent d’autre option à Israël et à ses alliés que de l’éliminer en tant qu’acteur du conflit. Le Hamas a donc brûlé ses vaisseaux et s’est mis complètement entre les mains de l’Iran, chef de file d’un front du refus à Israël, qui a perdu au fil des ans nombre de pays d’importance.

L’organisation islamiste terroriste a également discrédité la cause palestinienne au sein des opinions publiques en Occident, ou d’une large fraction de celles-ci. Enfin, son attaque ayant poussé la société israélienne, très divisée, à mettre ses querelles de côté, cette agression sans précédent tracera sans doute pour les Israéliens un chemin de sortie de leur crise interne. Cependant, à court et moyen termes, les ondes de choc du 7 octobre vont continuer à se faire sentir un peu partout. En Europe, il faut s’attendre à plus d’attentats, à des manifestations virulentes, voire violentes, ou à des attaques contre des ambassades, personnes et intérêts des pays vaguement identifiés comme pro-israéliens. Dans les pays arabes, la pression de la « rue » risque d’ébranler les régimes. La Turquie pourrait profiter de l’occasion pour renforcer sa position de champion de la cause islamiste, comme dans le temps des « flottilles pour Gaza ». En somme, beaucoup tenteront de surfer sur la vague. Cependant, il n’est pas sûr qu’une fois la poussière retombée, le Hamas sera capable de toucher les dividendes de son investissement. À long terme, on verra qui sont les gagnants et les perdants de cette première crise majeure de la nouvelle guerre froide, mais elle contribue certainement à la tectonique des plaques géostratégique d’où sortiront de nouveaux équilibres.

Les contours de la stratégie israélienne commencent à se dessiner. Son premier pilier est le soutien net, concret et puissant des États-Unis. L’allié américain ne se contente pas de déployer ses forces pour rendre crédible sa menace d’intervenir contre le Hezbollah et l’Iran s’ils s’invitent dans le conflit. Washington concocte un ficelage diplomatique et politique qui permette à la fois de donner à Israël le temps nécessaire pour l’opération terrestre dans Gaza et d’élaborer les grandes lignes d’une sortie de crise quand les objectifs militaires auront été obtenus. Nous sommes donc dans un rythme lent. Il ne s’agit pas d’une guerre de six jours, mais plutôt d’une guerre de six mois, qui nécessitera une longue série de combats dans une zone urbaine dense et en présence des nombreux civils. Comme en mai-juin 1967, Israël attend que l’agenda politique soit prêt pour lancer l’armée.

Prenant en compte les défis exceptionnels d’une opération compliquée sous le regard souvent malveillant de la communauté internationale, l’armée israélienne commencerait très probablement par une manœuvre coupant la bande de Gaza en deux au niveau de l’Oued Gaza. Ensuite, l’espace au nord de ce cours d’eau, notamment Gaza ville,la capitale du Hamas, sera encerclée et soumiseà une pression croissante, sur et sous la terre. Le mouvement sera lent pour épargner les civils et recueillir des renseignements détaillés et minutieux, étage par étage, immeuble par immeuble. Au sud de l’Oued, Israël continuera à frapper les cibles identifiées par les airs avec des raids des forces spéciales. Parallèlement et en coordination avec les États-Unis, des couloirs humanitaires et des zones sûres seront créés pour protéger les non-impliqués. Il faut donc s’attendre à une phase de combats de plusieurs semaines, suivie d’une occupation d’une durée difficile à estimer, qui pourrait se compter en mois. Cependant, avant de quitter Gaza pour la troisième fois (après 1957 et 2005), Israël devra probablement revenir aux urnes pour se doter d’une nouvelle majorité et d’un nouveau gouvernement, mieux à même de naviguer dans le nouveau Moyen-Orient. Qui ne sera sans doute pas meilleur.

Plaidoyer pour le mariage des profs

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Expatrié en Asie depuis les années 90, Jean-Christophe Q. est jugé à Paris pour des viols et des agressions sexuelles sur un nombre effroyable de jeunes garçons en Malaisie. Il a documenté et filmé l’intégralité de ses crimes.


Il n’est pas facile ces dernières semaines d’attirer l’attention du public sur des sujets de société alors que la guerre se poursuit en Ukraine, que la violence se déchaîne au Proche-Orient et que nos banlieues semblent sur le point de s’enflammer. Mais quand même : en ce moment se tient à Paris le procès de Jean-Christophe Q, pédocriminel au parcours « hors-normes ». Pendant une trentaine d’années, cet enseignant installé à Singapour a écumé en toute impunité les pays d’Asie du Sud-Est à la recherche d’adolescents et pré-adolescents qu’il entraînait dans des actes sexuels filmés en leur promettant une rétribution dérisoire. La police a saisi lors de son arrestation plus de 90 000 vidéos le mettant en scène, dont le contenu a été jugé « particulièrement écœurant » par la cheffe de l’office spécialisé sur les mineurs de la direction de la Police Judiciaire elle-même….

Ce cas est donc « hors-normes », tant par la gravité de ces activités criminelles que par leur durée. Mais il n’est pas exceptionnel, loin de là : depuis qu’a cessé ce qu’on a pu appeler la « culture de l’étouffement[1] » il est devenu tristement régulier que des pédophiles soient identifiés dans les rangs de l’Éducation nationale. Et puisqu’il s’agit d’un problème « systémique », et non pas de cas individuels isolés, il convient d’y apporter une réponse globale, susceptible de prévenir enfin la répétition de ces horreurs. Il est donc temps, je le crois, d’envisager de réformer le statut qui prive nos enseignants d’une vie sexuelle harmonieuse et dévoie leurs pulsions. Je le dis haut et fort : nous devons mettre à bas le célibat des profs !

D.R.

À ceux qui viennent d’interrompre leur lecture avec stupeur en se demandant pourquoi leur magazine favori a laissé passer une tribune d’une telle stupidité, je propose à présent de réfléchir un instant. Car après tout, ce discours, c’est exactement celui qu’on nous sert, depuis des décennies, à chaque fois qu’une affaire de pédophilie est mise à jour dans l’Église. Et c’est tout aussi inepte. Penser que la pédophilie – qui est un travers criminel – puisse être un dérivatif à une sexualité « normale » rendue impossible par le célibat des prêtres, c’est aussi faux que d’imaginer que le meurtre puisse être un exutoire à l’incapacité de se livrer à une violence légale. Le substrat « ontologique », dans les deux cas, est radicalement différent. D’un côté se trouve la « norme » (infiniment vaste de nos jours, en particulier en matière sexuelle, mais il faut bien le dire aussi dans un certain usage banalisé de la violence) et de l’autre la déviance criminelle. Ces concepts ne sont pas de même nature, tant sur le plan médical que juridique, bien que leur superposition partielle puisse parfois être source de confusion. La pratique maîtrisée de la violence dans les cercles de sports de combats, tout comme l’emploi contrôlé des armes à feu dans les clubs de tir, n’empêchent pas que se pressent parmi leurs membres, à côté d’honnêtes citoyens, justement ceux qu’attire un usage illégal et potentiellement criminel. De même, le fait que les enseignants aient droit à une vie sexuelle n’est absolument pas en mesure d’interférer avec la tragique probabilité que soient attirés par l’Éducation nationale ceux qu’habite une pulsion maladive et criminelle envers les enfants et qui recherchent avidement leur proximité. Et ce fut aussi pendant très longtemps – mais probablement moins à l’avenir au vu de la désertification avancée des cours de catéchisme – le cas de l’Église…

A tous mes amis progressistes croyants et (plus souvent) incroyants qui attribuent au célibat des prêtres – pour le remettre aussitôt en question – une responsabilité déterminante dans les affaires de pédophilie qui ont secoué l’Église, je répondrai donc qu’un prêtre débordé par ses envies sexuelles troussera peut-être une paroissienne (ou un paroissien), qu’il recourra probablement à la prostitution ou s’adonnera certainement à la pornographie. Il ne s’en prendra pas pour autant à un enfant s’il n’est pas, au préalable, disposé à cet acte criminel par une disposition qui n’a aucun lien intrinsèque avec son état ecclésiastique même si elle a justement pu le conduire à rechercher cet état… Et qu’elle n’a pas de lien causal avec le célibat ! À ces amis j’aimerais presque aussi pouvoir faire le reproche désarmant que certains – parfois les mêmes, d’ailleurs, ce qui est assez ironique – font aujourd’hui aux hommes qui ont l’audace d’émettre une opinion au sujet d’une question éminemment féminine – l’avortement[2], par exemple – en les accusant de mansplaining: si vous n’êtes pas catholiques, pourquoi vous accordez-vous le droit d’émettre un jugement sur la question du célibat des prêtres ? Mais voilà, justement parce que cette question est considérée comme susceptible d’avoir des répercussions sur la société tout entière, je reste persuadé au contraire que chacun est en droit d’émettre une opinion à son sujet…


[1] Le mot est de Claude Lelièvre, historien de l’éducation.

[2] Auquel, je le répète, je ne suis pas opposé.

LFI: des sans-cravates menés à la cravache

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La députée d'extrème gauche Raquel Garrido (LFI) à une manifestation pro palestinienne a Paris, 4 novembre 2023 © Gabrielle CEZARD/SIPA

La France insoumise vient de mettre Raquel Garrido au placard pendant quatre mois. Son tort? S’être comportée exactement comme Jean-Luc Mélenchon!


Hier à l’Assemblée nationale, les « Insoumis » ont montré, à ceux qui ne l’avaient pas encore compris, que leur parti est de loin le plus caporalisé et le moins démocratique de France. Lors de son point presse hebdomadaire, Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI, a annoncé qu’une lourde sanction interne venait d’être prononcée à l’encontre de Raquel Garrido pour avoir osé… critiquer son chef historique.

Qui nuit à qui ?

La décision, qui devait rester opaque et confidentielle, avait été révélée la veille par la principale intéressée. « Pendant quatre mois je n’ai plus le droit de représenter mon groupe parlementaire en tant qu’oratrice dans les discussions générales en Commission des Lois et dans l’hémicycle, a précisé la députée de Bobigny (93) dans un tweet. Je n’ai plus le droit de poser des Questions au Gouvernement au nom de mon groupe. »

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Officiellement, la compagne d’Alexis Corbière est rappelée à l’ordre pour « une accumulation d’agissements et de propos répétés qui nuisent au bon fonctionnement collectif du groupe », « la diffusion de fausses informations dans la presse », ainsi que « la mise en cause et le dénigrement ad hominem de plusieurs membres du groupe ». Mais en réalité c’est une unique déclaration qui lui est reprochée, qui tient en deux phrases et qui a été reproduite dans Le Figaro le 16 octobre : « Jean-Luc Mélenchon avait le choix d’aider à faire mieux, comme il nous y avait invités après la présidentielle, ou de nuire. Je dois constater qu’il n’a fait que nuire depuis dix mois. »

Les limites du tout-conflictuel

Ainsi donc à La France insoumise, on est prié de « tout conflictualiser », mais pas touche au tôlier ! Dieu merci, cette discipline absurde n’est pas de mise à l’intérieur de l’espace, plus vaste, de la Nupes. Sans quoi l’insoumise Sophia Chikirou serait en bien mauvaise posture depuis qu’elle a comparé, le 21 septembre sur Facebook, son allié communiste Fabien Roussel au nazi Jacques Doriot1. Et que dire de Jean-Luc Mélenchon, qui, lui-même, déclarait le 18 octobre sur BFM TV, au sujet des autres formations de gauche avec lesquelles il est pourtant censé être “uni” : « Franchement je ne les aime pas » ? N’a-t-il pas, tout autant que Raquel Garrido, nui “au bon fonctionnement collectif du groupe” ?

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Face à une décision aussi ubuesque, certains « Insoumis » n’ont pas tardé à ruer dans les brancards. Sur France Inter, Clémentine Autain s’est déclarée « atterrée », tandis que sur Twitter, François Ruffin s’est élevé contre « l’arbitraire », Danièle Simonet a exprimé sa « honte » et Gérard Miller parlé de « gâchis ». On aurait toutefois tort de penser qu’une implosion se prépare au sein de la formation mélenchoniste, où la dévotion au lider maximo est inébranlable. Rien, pas même ses ambiguïtés sur les émeutes de banlieue ou ses outrances sur le Crif, ne saurait ébrécher la statue du commandeur. Il faut voir dans ces engueulades entre chapeaux à plumes de simples duels à fleuret moucheté entre petits bourgeois privés de Grand soir.


Dernière minute. En réaction à l’appel à manifester dimanche contre l’antisémitisme lancé par le président du Sénat Gérard Larcher et la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, Jean-Luc Mélenchon a déclaré sur Twitter : « Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous ». Après avoir estimé qu’on n’est quand même pas à Berlin en 33 et qu’elle en a marre d’entendre dire que les juifs français vivraient dans la terreur, notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy a estimé, dans sa chronique radio matinale, que la réaction « dégoutante » du leader des « Insoumis » avait finalement achevé de la convaincre. • MP
  1. https://www.causeur.fr/melenchon-chikirou-roussel-et-jacques-doriot-266761 ↩︎

L’UE chez Mickey

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Shutterstock/Politico

Le 16 octobre, les eurodéputés, qui effectuaient leur habituelle transhumance entre Bruxelles et Strasbourg, se sont retrouvés à Disneyland Paris. 


Chaque mois, le Parlement européen fait la navette entre Bruxelles, le centre administratif de l’UE, et Strasbourg, symbole de la réconciliation franco-allemande post-1945. Ce déménagement oblige les 705 eurodéputés, accompagnés de leurs 2 500 assistants et de leurs dossiers, à faire un voyage de 450 kilomètres et, quatre jours plus tard, à prendre le chemin inverse. Le gros du travail parlementaire a lieu dans les commissions, qu’il est plus commode de tenir à Bruxelles, à proximité de la Commission et du Conseil européens. Seulement, le traité sur le fonctionnement de l’UE stipule qu’au moins 12 séances plénières par an doivent avoir lieu à Strasbourg.

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Or, le 16 octobre, le train affrété pour transporter les eurodéputés a fini, non dans la capitale alsacienne, mais à Eurodisney. La SNCF a reconnu une erreur d’aiguillage qui a provoqué un arrêt de quarante-cinq minutes : trop court pour que les élus puissent profiter du parc d’attractions, mais suffisant pour relancer le débat éternel qui oppose les partisans d’un siège unique à ceux d’une solution à deux sièges. Le premier groupe est lui-même divisé entre Bruxellois et Strasbourgeois. Les eurodéputés sont largement pour un siège unique, et de préférence à Bruxelles. Ils ont même voté pour réduire le nombre des déplacements à Strasbourg, mais en vain. Car le Conseil européen ne peut modifier un traité que par un vote à l’unanimité, ce qui confère un droit de veto à la France, qui tient au siège officiel à Strasbourg. Une étude parlementaire conduite en 2013 estimait le coût de la gestion de deux sièges à 103 millions d’euros, sans compter que les navettes ne font rien pour réduire l’empreinte carbone du Parlement. À Marne-la-Vallée, le chargé de presse d’un eurodéputé danois s’est demandé si le bâtiment strasbourgeois ne pouvait pas abriter un nouveau Disneyland. L’eurodéputé vert allemand Daniel Freund a riposté sur X, exploitant l’expression anglaise pour désigner quelque chose de peu sérieux : « Nous ne sommes PAS un Parlement à la Mickey Mouse » (We are not a Mickey Mouse Parliament). Qu’en diraient les électeurs européens ?

Marxisme américain: la menace interne?

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La representante démocrate de New York, Alexandria Ocasio-Cortez lors d'une conférence de presse sur la politique des frontières, Washington, 25 janvier 2023 © Sipa USA/SIPA

À la différence de certains pays européens, les États-Unis n’ont jamais constitué une terre fertile pour les idées marxistes. Jusqu’à maintenant. Inspiré par la pensée du communiste italien, Antonio Gramsci, un marxisme proprement américain déborde du milieu universitaire où il était resté confiné pour investir d’autres milieux, notamment celui de la vie politique, et menacer l’héritage des Pères fondateurs.


En dehors des milieux universitaires, le marxisme n’a jamais vraiment percé aux États-Unis. Cette situation serait-elle en train de changer? La greffe entre le marxisme-léninisme et le constitutionnalisme républicain n’ayant jamais pris (et pour cause, ils sont foncièrement antinomiques), l’Amérique progressiste aurait réussi à imposer au fil des dernières décennies, dans un nombre croissant de segments de la société, sa propre variante du marxisme : le « socialisme identitaire », fondé sur le critère de la « race » ou du « genre », et non plus sur celui de la « classe ». Mais dans quelle mesure peut-on bien parler ici de « marxisme » ? De plus, ce phénomène est-il irréversible ou bien les conservateurs républicains ont-ils une chance de reprendre la main sur leurs adversaires ? Car ne comptons pas trop sur les Démocrates, qui ont migré ces derniers temps vers l’extrême gauche, pour écarter les brebis galeuses.   

Gramsci et la « longue marche »

En 2000, l’essayiste conservateur et rédacteur en chef de la revue The New Criterion, Roger Kimball, fit paraître un ouvrage intitulé The Long March: How the Cultural Revolution of the 60s Changed America, ou « comment la révolution culturelle des années soixante a transformé l’Amérique ». Il y défendait la thèse selon laquelle les grandes institutions culturelles américaines (université, médias, etc.) avaient été de plus en plus infiltrées depuis plusieurs décennies par les progressistes radicaux, et ce conformément au plan d’action qu’avait pensé le communiste italien Antonio Gramsci (1891-1937) dans les années 1920 : constatant que la prévision de Marx, selon laquelle la classe ouvrière allait renverser la classe bourgeoise dominante dans les pays capitalistes, ne s’était produite nulle part, Gramsci appela à s’emparer progressivement des leviers culturels opérant dans les sociétés « bourgeoises » en vue de prendre le contrôle de ces dernières.

Leur but est de détruire le pays […] d’anéantir la confiance des citoyens dans leurs institutions, leurs traditions et leurs coutumes

Gramsci peut d’ailleurs être considéré, ainsi que le remarque très justement Pierre Valentin dans son livre Comprendre la révolution woke (Paris, Gallimard, 2023, p. 153-154), comme l’intermédiaire déterminant entre le marxisme « classique » et le nouveau marxisme « woke ». Les superstructures idéologiques (cultures, œuvres de l’esprit…) n’étant que le produit des infrastructures économiques pour les marxistes de la première heure, dont l’approche du réel social et de l’histoire reposait sur le primat de l’économique, le champ du militantisme politico-culturel s’était ainsi trouvé délaissé. Ce chaînon manquant, poursuit Pierre Valentin, ce sont les Cahiers de prison de Gramsci qui allaient l’apporter, ouvrant ainsi la voie à l’infiltration des institutions des sociétés libres et ouvertes par les idées socialo-marxistes.

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Dans son ouvrage United States of Socialism (2020), l’essayiste et réalisateur de documentaires Dinesh D’Souza insiste lui aussi sur le rôle des plus néfastes joué par Gramsci dans l’émergence du socialo-marxisme identitaire outre-Atlantique. Aux yeux de Gramsci, nous rappelle D’Souza, les capitalistes avaient réussi à imposer leur pouvoir non seulement économique, mais aussi culturel, à travers la diffusion des « valeurs bourgeoises » (p. 102). La classe ouvrière s’était selon lui embourgeoisée, essentiellement du fait de l’hégémonie culturelle de la classe capitaliste. Comme on ne pouvait plus attendre de la première qu’elle fasse d’elle-même la révolution, la seule solution pour Gramsci était donc de mettre fin à l’hégémonie de la seconde en attaquant de l’intérieur l’ensemble de ses supports culturels. À ce titre, Gramsci peut être considéré à la fois comme le continuateur du marxisme et comme celui qui en a complètement renversé la perspective initiale en décrétant que l’économie est un sous-ensemble de la culture.

Un autre essayiste américain qui n’hésite pas à parler ouvertement de « marxisme » à propos de l’implantation et de l’élargissement du socialisme identitaire aux États-Unis est Mark Levin dont le titre de l’avant-dernier livre, paru en 2021, ne saurait être plus explicite : American Marxism (Threshold Editions). Il écrit ainsi dès la première page : « La contrerévolution américaine (dirigée contre la révolution des États-Unis elle-même, c’est-à-dire celle de 1776), bat son plein ». Et il ajoute : « La contrerévolution ou le mouvement dont je veux parler, c’est le marxisme ». Naturellement, le marxisme dont il est ici question ne se propose plus d’atteindre comme autrefois à la « dictature du prolétariat » en tant que stade intermédiaire, préludant à l’avènement d’une société sans classes. Du marxisme originel, le progressisme radical américain ne conserve que l’opposition fondamentale entre « oppresseurs » (désormais incarnés par le mâle blanc capitaliste et hétérosexuel) et « opprimés » (qui se composent aujourd’hui de l’ensemble des « minorités »). Il en conserve aussi l’esprit de la table rase : il convient pour les nouveaux apôtres de la « révolution » de remplacer l’ancien système capitaliste, jugé tout à la fois réactionnaire, patriarcal, raciste, colonialiste, antiféministe et anti-écologiste, par un nouveau système fondé sur l’« équité », la « justice sociale et environnementale » et la lutte contre les discriminations de toutes natures.      

A-t-on atteint un point de non-retour ?

Mais qui sont en pratique ces promoteurs du socialo-marxisme à l’américaine ? À cette question, Dinesh D’Souza et Mark Levin répondent sans ambages : non seulement des politiques (comme Alexandria Ocasio-Cortez, Elizabeth Warren, ou Bernie Sanders, dont le collectivisme forcené a fortement imprégné la politique de l’administration Biden depuis que celui-ci est arrivé au pouvoir), mais aussi des organisations comme Black Lives Matter (BLM), Antifa, The Squad… Leur but, écrit Mark Levin dans l’ouvrage précité, est « de détruire le pays […] d’anéantir la confiance des citoyens dans leurs institutions, leurs traditions et leurs coutumes. Ils veulent affaiblir le pays de l’intérieur et détruire le capitalisme et le républicanisme américains ».

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Le progressisme radical d’inspiration marxiste a colonisé des pans entiers de la société américaine depuis une cinquantaine ou une soixantaine d’années, au point où l’on ne sait exactement si cette évolution est réversible ou non. Tout en alertant leurs concitoyens sur les ravages causés par la diffusion croissante de cette idéologie socialo-progressiste, notamment auprès de la jeune génération, ni D’Souza ni Levin ne sont pour autant des fatalistes : leurs écrits peuvent se concevoir comme de vigoureux plaidoyers en faveur d’un retour à l’esprit de la seule et vraie révolution américaine, incarné dans la Déclaration d’indépendance de 1776 et la Constitution de 1787. Chose encore possible à leurs yeux, à condition qu’une majorité d’Américains prenne conscience de l’existence de cette menace, qui corrompt de l’intérieur toutes les forces vives du pays. « Si nous ne prévalons pas, écrit Levin, l’Amérique des fondateurs disparaîtra à jamais ».

Il y a 40 ans, Reagan prenait acte du caractère intrinsèquement criminogène de feu l’URSS en qualifiant cette dernière (non sans susciter l’indignation des Occidentaux…) d’« empire du Mal ». S’attirant le même genre de reproches un peu moins de deux décennies plus tard, George W. Bush parla quant à lui d’« axe du Mal » pour désigner les États voyous méprisant sans vergogne les droits de l’homme et nourrissant une haine viscérale de l’Amérique et de l’Occident. Peut-être Trump, malgré ses trop nombreux et incontestables excès, aura-t-il toutefois été le président américain ayant su reconnaître l’existence de cette menace existentielle – désormais interne – pour la perpétuation de l’Amérique des fondateurs : le collectivisme socialo-écologiste de type « woke », fondé sur la « convergence des luttes » et la sanctification de la victime « intersectionnelle », et dont le but ultime n’est autre que de détricoter tout ce qui a fait l’incomparable succès des États-Unis dans le monde depuis leur création.

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Étoiles de David taguées dans Paris: une énième déstabilisation russe?

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Paris, novembre 2023 © J-F ROLLINGER

Une semaine après avoir découvert des étoiles de David sur des murs d’immeubles à Paris, la police est sur la piste d’une opération de déstabilisation venue de Russie.


La semaine passée, la plupart des médias ont relayé avec émotion le témoignage d’une vieille dame émue après avoir trouvé des étoiles de David peintes à l’encre bleue du drapeau israélien sur les murs de différents immeubles de plusieurs arrondissements parisiens, mais aussi dans les départements de la petite couronne de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Des tags parfois assortis d’inscriptions comme « Mort à Israël » ou encore « De la mer au Jourdain, Palestine vaincra », comme on a pu le constater à Aubervilliers. « Ce n’est pas un hasard, ça me fait penser à avant », avait dit cette dame interrogée par BFMTV. D’autres personnes interrogées avaient de leur côté fait part de leur effroi, de leur crainte d’être visées par des actions violentes.

De par leur dessin millimétré, leur nombre et leur impeccable disposition sur les murs, ces étoiles réalisées au pochoir avaient fait légitimement craindre à un ciblage antijuif en France dans le sillage des attaques du Hamas du 7 octobre puis de la riposte d’Israël. La Licra avait ainsi immédiatement commenté pour condamner : « Cette vague de haine qui monte et s’affiche est l’affaire de tous ». D’autres associations, telles que l’UEJF, lui avaient emboité le pas, dénonçant un affichage d’étoiles de David qui n’était pas « une première depuis la Seconde Guerre mondiale » mais qui était d’une « ampleur inédite », à même de « gangréne(r) le tissu social, la cohésion nationale et les valeurs de la République ». Même Elisabeth Borne avait dû commenter contre ces « agissements ignobles », demandant à son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de tout faire pour « retrouver les auteurs », ajoutant qu’il était du « devoir de la République de protéger trous les juifs de France ».

L’histoire n’en est effet pas restée là. Elle s’est même grandement complexifiée après l’arrestation d’un couple de Moldaves en situation irrégulière en France. Ubuesque, cette affaire de prime abord inquiétante prenait alors une étonnante tournure syldave ! Après une semaine complète d’émissions consacrées à ce cas et de réactions, les Français étaient en droit d’en savoir plus. Très rapidement, la rumeur a bruissé concernant les auteurs. Avaient-ils agi seuls ou sur ordre ? Si rien ne permet pour l’heure d’affirmer avec une absolue certitude que ces actes ont été commandités, un faisceau d’indices bien circonstancié a permis de remonter à un homme répondant au nom d’Anatoli P, un Moldave pro-russe identifié et localisé en Russie grâce à l’exploitation des données mobiles du couple d’immigrés, comme l’a rapporté Europe 1.

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Âgé d’une cinquantaine d’années, l’homme est connu comme appartenant à un mouvement indépendantiste pro russe pour l’union douanière eurasiatique, dans le plus pur style des idées d’un Douguine. Cité par Europe 1, un policier de la Direction générale des services intérieurs a déclaré que cela s’inscrivait « parfaitement dans la réponse de la Russie à la France, après l’expulsion, il y a plus d’un an, de 35 diplomates russes ». On serait tenté de lui rétorquer que les opérations de déstabilisation menées par la Russie en France comme dans d’autres pays occidentaux sont bien plus anciennes. L’URSS pratiquait déjà la subversion, finançant tous azimuts les mouvements et les idées susceptibles de nous affaiblir. Plus récemment, la Russie a été soupçonnée d’avoir piraté France Info TV pour diffuser un faux message de menace de l’Etat islamique. Nous étions alors en 2015, au plus fort de la vague d’attentats de l’État islamique, entre Charlie Hebdo et le Bataclan.

La Suède a dernièrement accusé les Russes d’avoir instrumentalisé l’affaire de l’autodafé de Corans à Stockholm. L’Agence suédoise pour la défense psychologique a ainsi expliqué que Moscou avait utilisé ce cas pour diffuser des articles de désinformation, dans l’optique d’empêcher l’adhésion du pays scandinave à l’OTAN. Nous subissons présentement en Afrique une campagne de dénigrement terrible orchestrée par Moscou, qui a même mis en danger nos soldats au Sahel en 2022. La campagne dite du « Doppelganger », dénoncée par le Quai d’Orsay en juin dernier, a aussi montré que les Russes avaient créé des centaines de faux comptes ainsi que de faux articles de journaux français publiés sur des sites miroirs. « On a trouvé des dizaines de noms de domaines achetés par les Russes pour faire du typosquattage. On n’a pas affaire à des gens qui agissent à dose homéopathique. Ils sont au début d’un processus d’industrialisation », avait expliqué une source sécuritaire à TF1 à ce propos. Il ajoutait, interrogatif, ne pas connaitre leur objectif final : « Est-ce que c’est du micro-ciblage de certaines populations ? Est-ce que c’est pour une campagne permanente de basse intensité ? Ou en vue d’une action massive à un moment précis ? » Ce professionnel devrait urgemment lire Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. Outre ses qualités littéraires et narratives, ce roman montre de manière pédagogique les ressorts utilisés par les spécialistes russes de la guerre informationnelle et de la contre-influence, qui ont probablement lu tout Bernays et tout Goebbels. Leur but n’est pas de nous imposer leur version des faits, mais d’inonder notre espace médiatique de contre-versions destinées à tous les publics « sceptiques », qu’ils appartiennent à l’extrême gauche ou à la droite, qu’ils soient juifs ou musulmans, apolitiques ou engagés.

La Russie souhaite que le faux ne soit désormais plus qu’un moment du vrai et cherche à attiser tous les antagonismes qui secouent notre société. Cette opération des tags n’avait que cela pour objectif. Faite par des pieds-nickelés, elle a pu être éventée. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas et nous devons rester extrêmement vigilants face à un État qui ne recule absolument devant rien. Leur méthode est simple mais d’une terrible efficacité. Qu’est-ce qui est le plus efficace ? Cibler quelques influenceurs à grande gueule capables de parler partout et d’utiliser les réseaux sociaux ou commander dix rapports universitaires que personne ne lira ? Placer judicieusement quelques tags ou organiser une immense campagne publicitaire argumentée ? Quoi que rudimentaire, le travail de l’intelligence russe est redoutable.

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«Le procès Goldman»: les limites du huis-clos

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Arieh WORTHALTER dans "Le procès Goldman"(2023) © Ad Vitam

En quoi le film réussi de Cédric Kahn est bien une fiction.


Les faits

Le double meurtre d’une pharmacienne et de son assistante est commis le 19 décembre 1969, dans une pharmacie, tout à côté de la place de la Bastille à Paris. Deux hommes sont gravement blessés. Pierre Goldman est interpelé par la police en avril 1970 et à l’issue d’un premier procès, en 1974, condamné pour ces meurtres qu’il nie et pour trois hold-up qu’il reconnaît, à la réclusion à perpétuité. Après l’annulation de ce jugement par la Cour de cassation en 1975, un second procès intervient en avril 1976, donnant lieu à l’acquittement de l’accusé pour les meurtres. Trois ans plus tard, celui-ci est assassiné dans des circonstances obscures[1]

Le film : les limites d’une posture originale.

Le film de Cédric Kahn se concentre exclusivement sur le second procès de Pierre Goldman, aboutissant à l’acquittement de l’accusé au bénéfice du doute. La posture adoptée est celle du huis-clos d’une salle d’audience dans le respect des règles classiques des trois unités, de temps, de lieu et d’action. Le long métrage acquiert de ce fait une réelle intensité dramatique en jouant, entre autres, de gros plans sur les visages des protagonistes.

La longue genèse de ce procès, on y revient ci-après, est largement occultée par ce choix narratif. Les ressorts véritables du procès sont quelque peu sacrifiés au profit d’une imagerie assez superficielle pour traiter les arrières plans familiaux et personnels de l’accusé (parents juifs polonais résistants, dossier psychiatrique[2], engagement de Goldman à l’extrême-gauche, le conduisant jusqu’au Venezuela).

Relevons au passage l’ambiguïté du registre adopté, entre réel et fiction. Les noms sont conservés, la référence au procès réel est tout à fait explicite, jusque dans ses détails, mais le film se revendique comme une fiction.

La fabrique d’un acquittement

Le second procès Goldman, objet du film, a marqué l’aboutissement d’une pluralité d’actions, menées sur plusieurs fronts.

Il s’agit, d’abord, de l’intense mobilisation de groupes de pression : – notables du PCF mobilisés par le père de l’accusé ; – anciens camarades de l’UEC de celui-ci ; – intervention de célébrités (Simone Signoret, notamment) ; contacts politiques au plus haut niveau, pris entre autres par Régis Debray.

Ensuite, les magistrats de la cour de Cassation ont été saisis personnellement, de diverses façons (entre autres l’accusé a envoyé à chacun d’eux son livre[3]). Il faut ici mentionner le fait que l’annulation du 1er procès par cette cour s’est effectuée en relevant une erreur de procédure qui n’avait jamais été considérée comme substantielle, c’est-à-dire suffisante, depuis un siècle.

Enfin, le battage de presse, notamment de la part de Libération, a été incessant. Le quotidien s’est livré à la construction d’un mythe, faisant de Goldman un héros révolutionnaire, accusé de meurtre par une police fascisante parce que Juif et militant. Ajoutons que le livre de Goldman, qui a créé un véritable effet de choc, fournissait tous les éléments pour une telle légende.

Pendant le second procès, cette machine exerce une pression morale intense, confinant à de l’intimidation et visant à déstabiliser tour à tour le Président, l’accusation et la police (le Président est amené à présenter des excuses[4], le commissaire Leclerc doit se justifier comme un mauvais écolier, sur la procédure de reconnaissance et sur le fait que le dossier est dépourvu de « preuves matérielles[5] ».

Toute cette mécanique institutionnelle complexe et puissante, qui constitue le levier du second procès, se résume dans le film aux vociférations à tout propos d’une bande de gauchistes excités, relayée de temps à autre par celles du public antillais et celles, plus discrètes, des soutiens de l’accusation. Le film reste donc prisonnier du cadre choisi et ne montre pas dans sa vraie dimension la dynamique implacable de la machine à acquitter mise en place par les groupes de soutien.

Le fond de l’affaire : était-il coupable ?

Derrière l’imagerie romantique charriée par cette affaire, la question centrale est bien celle de la culpabilité ou non de Goldman dans le double meurtre de décembre 1969. En l’absence de preuves matérielles, le jugement que l’on peut porter sur ce point ne saurait reposer que sur deux éléments, la procédure de reconnaissance menée par la police et la consistance de l’alibi fourni par Joël Lautric.

Accablante pour l’accusé, reconnu, sur cinq témoins, par quatre d’entre eux, dont deux victimes et témoins-clés, Quinet et Trocard, la procédure de reconnaissance menée de façon réglementaire par la police pendant la garde à vue a été affectée par l’erreur plus que malencontreuse d’un technicien. Celui-ci a tout simplement omis de placer une pellicule dans l’appareil photo devant garder la mémoire précise de chaque étape de l’opération.

Le commissaire Leclerc, qui a dirigé toute l’enquête policière pour la Police judiciaire, revient sur cet épisode dans ses mémoires[6]. Regrettant amèrement cette bévue, il fait remarquer que la police, sûre de son fait dans l’affaire Goldman, était particulièrement soucieuse de ne pas entacher cette procédure de la moindre irrégularité, pour ne pas risquer une contestation à ce sujet par les tribunaux.

Tirant parti de cette erreur technique, la défense a prétendu qu’on avait fait à Goldman une tête de malfrat lors de cette reconnaissance, en brandissant à l’appui de cette affirmation une photo de l’accusé grandeur nature. Or, cette photo n’était pas celle de la reconnaissance, mais celle de son entrée en garde à vue, au terme d’une interpellation vigoureuse[7].

Rappelons aussi la disparition de Trocard, témoin capital – ayant vu l’accusé en pleine lumière, ayant parlé avec lui -, dans des circonstances étranges, et très opportunes pour la Défense, lors d’une partie de pêche[8]. Trocard, on l’a vu, avait formellement reconnu l’accusé.

Quant à l’alibi fourni par Joël Lautric, il faudrait être singulièrement naïf pour le prendre au sérieux. Ce témoin s’est contredit d’une déposition à l’autre. Lors du procès, il confirme bien le jour, mais non l’heure de la présence de Goldman chez lui, contrairement à ce qui est présenté dans le film sur ce dernier point. Lautric affirme, bien après, qu’à 20 heures, heure des meurtres, Goldman était parti de chez lui depuis longtemps. Son ouvrage volumineux, significativement intitulé Mémoires d’un parjure[9], établit ce fait. On rappelle ici qu’il ne faut pas plus de six à sept minutes en marchant pour aller de son domicile jusqu’à la scène des meurtres[10].

Parmi les réactions suscitées par ce long-métrage, je retiens celle de Philippe Bilger, ancien magistrat qui suit cette affaire depuis longtemps[11]. Il s’agit pour lui d’un film « remarquable ». Après avoir souligné que la « pression collective a joué au bénéfice de l’accusé », il nous confie : « Au sortir (de ce film) j’ai continué à considérer que la culpabilité de Pierre Goldman était certaine ».

Ma libre interprétation de ce propos est que ce commentateur salue le caractère équilibré du film qui, malgré ses limites et sans conclure franchement, place les arguments pour et contre la culpabilité sur le même plan. Ceci est sans doute, aux yeux du chroniqueur, la reconnaissance d’un progrès dans la longue, très longue marche vers la vérité sur cette ténébreuse affaire. Plusieurs auteurs, dont Jean-Paul Dollé[12], Michael Prazan[13], Luc Rozensweig[14], ont contribué à l’élucidation de celle-ci. Je crois avoir également participé à ce mouvement dans un roman[15] qui en traite sous un voile fictionnel, en développant une argumentation que Bilger a qualifiée de « redoutable », ce qui tient probablement au fait que j’ai travaillé non sur des éléments de seconde main, mais sur le dossier judiciaire proprement dit. Cette appréciation console quelque peu de l’omerta sans faille opposée à mon roman, comme à tout écrit sur le sujet non conforme à la légende, par la totalité de la presse allant du centre-droit à l’extrême gauche.

Parlant de son roman Madame Bovary, Flaubert disait en substance que le véritable sujet de son œuvre était moins madame Bovary elle-même que la mythologie qu’une bourgeoise de province cultive sur elle-même. Dans Patria o muerte, mon objectif était de montrer, à travers l’affaire Goldman fictionnalisée, au-delà du personnage central, comment des groupes de pression avaient fabriqué une mythologie, dont la force d’emprise au sein de la société devait forcer l’acquittement de cet accusé.

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Plusieurs éléments, plus ou moins importants, montrent des approximations ou des facilités. On en retiendra quelques-uns.  
 
Goldman est présenté comme un personnage colérique, toujours prêt à l’invective, sans cesse débordé par ses affects. Le film montre notamment un accès fureur de sa part, suivi d’une expulsion de la salle sous escorte policière. Mais on ne voit pas dans les procès-verbaux de ce procès la mention de tels débordements de l’accusé. Tout au contraire, celui-ci apparaît, aux yeux des commentateurs, comme soucieux de montrer un personnage posé, travaillant à son image de notable.
 
Les consultations de Oury par Goldman à la clinique de La Borde n’ont pas eu lieu en 1962, mais en 1965-1966. Plusieurs expertises psychiatriques ont été effectuées dans le cadre des procès, les rapports étant joints au dossier de procédure.
 
Christiane Succab-Goldman, veuve de Goldman, n’était pas présente au procès, tandis qu’elle est montrée dans le film. Elle a assigné le réalisateur en référé le 22 septembre, entre autres sur ce point. Ses demandes ont été rejetées par le tribunal.

[1] Ces circonstances sont présentées dans mon roman « Patria o muerte », Denoël, 1970.

[2] Au cours du procès, Accusation et Défense se gardent d’évoquer le lourd dossier psychiatrique de Goldman, comportant plusieurs rapports d’expertise.

[3] Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France, Le Seuil, 1975.

[4] Ceci au terme d’une suspension de séance demandée par la Défense. Ceci est consigné dans le procès-verbal du procès.

[5] L’amalgame entre preuve matérielle et preuve judiciaire a dès lors fait le jeu de la Défense.

[6] Marcel Leclerc, « De l’Antigang à la criminelle », Paris, Plon, 2000.

[7] J’ai pu établir ce point à partir du dossier de procédure judiciaire. La photo en question est datée du jour de l’entrée en garde à vue de Goldman. Ce n’est donc pas celle de la sortie de garde à vue, comme le prétend le film.

[8] Et non lors d’un accident de voiture, comme il est dit dans le film.

[9] Joël Lautric, « Mémoires d’un parjure », 2011, TheBookedition.com.

[10] De la rue de Turenne au bd Richard-Lenoir, en passant par la place des Vosges.

[11] Philipe Bilger, « ‘Le Procès Goldman’, un film remarquable », Causeur, 3 octobre 2023.

[12] Jean-Paul Dollé, « L’Insoumis, vies et légendes de Pierre Goldman », Grasset, 1997.  

[13] Michael Prazan, « Pierre Goldman, Le Frère de l’ombre », Seuil, 2005 ; voir aussi, du même auteur, le film documentaire : « L’Assassinat de Pierre Goldman », Kuiv productions – Fr 3, 2006.

[14] Journaliste au Monde, Luc Rosenzweig a publié un article en septembre 1999 sur l’affaire Goldman.

[15] Dominique Perrut, Patria o muerte, op. cit.

By Jove! Olrik a encore frappé!

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"L'art de la guerre", 2023 © DARGAUD

Nouvelles aventures pour le capitaine Blake et le professeur Mortimer, en voyage cette fois-ci à New York. Toujours avec Olrik et ses coups tordus, mais en compagnie d’un nouveau dessinateur, Floc’h.


C’est une interprétation personnelle de l’œuvre Blake et Mortimer à laquelle se livre le dessinateur Floc’h. Si les deux héros sont bien présents, avec leurs caractéristiques, si le méchant est bien tenu par Olrik et s’il s’agit toujours de sauver le monde d’une destruction imminente, Floc’h a imprimé sa marque et son style dans le dessin et la façon de conduire l’album. Il s’est exprimé longuement sur le sujet : les précédents albums ne lui plaisent pas. Trop de textes à son goût, trop de détails, trop de pleins. Il a voulu proposer un album sous le signe de l’épure, avec des bulles et des conversations réduites au minimum et des personnages qui évoluent dans des paysages épurés. Certains pourront être surpris par ce trait, voire être déçus, mais force est de reconnaitre que Floc’h a tenu son parti pris et l’a suivi tout au long de l’album. En y ajoutant des touches personnelles qui sont celles de ses affections, notamment le goût des États-Unis et du pop art. Au gré des cases, on trouve ainsi des références assumées à Andy Wharol, à Edward Hopper, à Roy Lichtenstein. C’est une rupture assumée et voulue, la condition posée par Floc’h pour réaliser l’album.

Pour le reste, en faisant appel à deux scénaristes habitués des Blake et Mortimer, Fromental et Bocquet, on suit un fil beaucoup plus classique. L’intrigue renoue avec le roman policier, en réduisant la science-fiction au minimum. Les caractères sont bien ceux de Blake et Mortimer, chacun jouant sa partition. Il y a un club (le Penn club, pendant du Centaur), il y a du bourbon, du tabac, de belles voitures et de beaux costumes, des perspectives urbaines, de l’intrigue et une action qui a du rythme. Floc’h avait une obsession : créer un page turner. Force est de constater que la chose est pleinement réussie. En mêlant innovation de rupture et tradition jacobsienne, il a créé un album personnel et original qui marque un moment important dans l’histoire des Blake et Mortimer. Le tout avec une ironie mordante sur le système des relations internationales. Sans dévoiler l’intrigue aux lecteurs, on y retrouve des espions soviétiques, des agents du FBI, des diplomates anglais et une femme médecin plus alerte qu’il n’y semble. Toute l’action tourne dans un huis clos dont le centre est la tour de l’ONU (la matchbox, la boîte d’allumettes) et la scène New York. Blake doit y prononcer un discours sur la paix lors d’une grande conférence organisée par l’Organisation. Le genre de conférence et de discours qui ne servent à rien, mais autour desquels tout le monde s’affaire pour faire illusion. On palabre, on discute, on échange des amabilités autour des petits fours et des soirées mondaines. Pendant ce temps, Olrik, bien sûr, trame une nouvelle machination, s’inspirant des principes de Sun Tzu dans son Art de la guerre. Ce n’est pas avec son discours que Blake contribue à sauver la paix mondiale, mais en désarmant Olrik et en contribuant à faire travailler ensemble des personnes qui se détestent. Une application de « l’art de la paix » qui est sa conclusion finale.


L’intrigue est pleine de rebondissements, les personnes secondaires sont plus complexes qu’elles ne pourraient le laisser penser de prime abord et la réflexion sur la diplomatie, la paix et les relations internationales bien vue et bien poussée. C’est le propre des grandes bandes dessinées, comme Tintin, Lefranc ou Astérix, de pouvoir être appréciées tant par les enfants que par les adultes, grâce aux différents niveaux d’interprétation possibles.

Côté Floc’h, c’est réussi et c’est une touche originale dans les aventures de Blake et Mortimer. Tout en apportant une esthétique assumée, cet album suit une intrigue palpitante et crédible.

Source : revue Conflits

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Entre l’Islam et l’Occident, l’issue de la séparation

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Le journaliste Ivan Rioufol. Photo: Hannah Assouline

L’Autre, l’altérité, il faut parfois reconnaitre qu’il est préférable de le garder à bonne distance


C’est à ça qu’on les reconnaît : les saboteurs de la nation sont les premiers à nier leurs fautes. Ils affirment, contre l’évidence : non il n’y a pas de choc de civilisations, non l’intégration n’est pas un échec, non la guerre civile ne viendra pas, non l’immigration musulmane n’est pas un problème, non l’antisémitisme n’est pas porté par l’islam conquérant. Mais, oui « l’extrême droite » est le vrai danger….

Des progressistes aveugles

Cela fait trente ans et plus que ces mondialistes avancent les yeux grands fermés, entrainant le pays trahi à sa perte. Aujourd’hui, ces dénégationnistes sont incapables d’admettre leurs responsabilités dans les désastres que subit la France ouverte à ses ennemis. Le mensonge est leur bouée. Mais cette dernière se perce en maints endroits, drossée sur le récif des réalités. C’est l’historien de la Shoah, Georges Bensoussan, qui expliquait dimanche sur Europe 1, commentant l’offensive anti-occidentale de l’islamisme, soudé derrière la barbarie du Hamas agresseur d’Israël : « Nous devons accepter la guerre de civilisations qu’on nous impose ». 

Ceux qui ordonnent de dormir encore, en récusant le danger totalitaire djihadiste, ont accepté de baisser les bras, voire de prêter main forte aux occupants décidés à maintenir ici leur mode de vie de là-bas. La « rhinocérite », dévoilée jadis par Ionesco, a contaminé les falsificateurs à carte de presse et les « progressistes » subjugués par l’islam révolutionnaire, défenseur des opprimés d’un Occident trop blanc pour être honnête.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Israël, une frontière civilisationnelle

Il est temps d’admettre des vérités et de reconnaître des erreurs. J’ai eu ma part, en soutenant en 2003 la guerre américaine contre Saddam Hussein en Irak, au nom de la promotion de la démocratie. Son rejet, in fine, par la culture musulmane est un échec qui m’a convaincu de ne plus insister dans l’utopie.

Il est où l’apartheid ?

Aujourd’hui, il faut tirer les conséquences des incompatibilités identitaires en évoquant la question, interdite par les sans-frontiéristes, de la séparation entre les peuples et les cultures. C’est en ces termes que se pose l’issue du conflit entre Israéliens et Palestiniens, même si la perspective de deux États s’est éloignée dans l’immédiat après la démence anti-juive du Hamas qui obligera, pour un temps, à placer Gaza sous surveillance militaire. Il n’empêche : ceux qui hurlent à l’ « apartheid » israélien (en oubliant que 20% des Israéliens sont des Arabes représentés à la Knesset) ne disent rien des épurations ethniques en pays musulmans. Au fil des ans, les Juifs y ont pratiquement disparu et les quelques Chrétiens d’Orient qui s’accrochent encore à la mémoire de leurs terres évangélisées vivent en dhimmis, c’est-à-dire en sous-hommes aux yeux de l’islam suprémaciste. Ce déséquilibre est une réalité qu’impose unilatéralement l’idéologie islamiste, qui interdit à l’Occident d’en faire autant au nom du respect de l’Autre. Cette idéologie a pour cela le soutien de la gauche hébétée qui répète : tout va bien…

En France, deux peuples sont déjà irréconciliables, tandis que l’immigration de masse se poursuit. Oui, ses promoteurs sont les fossoyeurs de la nation.

Sophie Djigo, profession professeur à côté de la plaque

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La prof Sophie Djigo avec les migrants de Calais. Capture d'écran YouTube / Arte.

Quand le sage désigne l’islamisme, l’imbécile regarde l’extrême droite! Le célèbre proverbe, quelque peu détourné, convient très bien à Sophie Djigo. Comme nombre de ses collègues, elle s’estime davantage menacée par la droite nationale que par l’islamisme.


Quelques jours avant l’assassinat de Dominique Bernard par un terroriste ingouche, on pouvait lire, dans La Voix du Nord, un article intitulé : « Face aux attaques de l’extrême droite, un manuel « d’autodéfense intellectuelle » pour les enseignants »[1]. Ce papier du 7 octobre, révèlait, tout autant, la domination idéologique de la gauche sur la PQR que le décalage avec le réel que cela engendre quand on sait que moins d’une semaine plus tard, un professeur de français de 57 ans, marié et père de trois filles, était poignardé à mort par un islamiste dans son collège.

Elle veut chasser Éric Zemmour de l’école

L’article de La Voix du Nord donnait la parole à Sophie Djigo, 41 ans, une professeure de philosophie qui représente un collectif d’enseignants appelant à lutter contre l’entrisme de l’extrême droite au sein des établissements scolaires. Ces profs dénoncent notamment le réseau « Parents Vigilants », lancé par Éric Zemmour en septembre 2022 et qui, selon le président de « Reconquête », compte plus de 60 000 membres et a remporté plus de 3500 sièges lors des élections de parents d’élèves qui se sont tenues mi-octobre. Comme le présente Agnès Mation, porte-parole de la campagne « Protégeons nos enfants », sur le site de Parents Vigilants, ce réseau a pour objectif de lutter contre « l’effondrement du niveau scolaire » et « le grand endoctrinement ». Ce dernier, comporte, entre autres, « l’enseignement de la théorie du genre, de la propagande LGBT ou des théories wokistes », thèses défendues il n’y a encore pas si longtemps par Pap Ndiaye à écouter toutes ces mauvaises langues. Le collectif entend également s’opposer aux « associations d’extrême gauche qui viennent diffuser leur propagande dans les établissements » ou encore à « l’offensive islamique à l’école ».

A lire aussi: Islamisme, wokisme: les «parents vigilants» ne savent plus où donner de la tête

Il n’en fallait pas plus pour que des professeurs de gauche, et leurs syndicats, s’offusquent en brandissant leur sacro-sainte liberté d’enseigner, eux qui ne se gênent pas toujours pour imposer leur propagande aux enfants sans respecter la liberté des parents de s’y opposer. Avant les élections de parents d’élèves, la FSU-SNUipp, qui se présente sur son compte Twitter comme le « premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires » alerte sur « la menace de l’offensive de l’extrême droite sur l’école qui est plus précise et concrète ». De son côté, Sophie Djigo en appelle à « l’autodéfense intellectuelle » à travers un nouveau collectif, au nom sans équivoque : la Coordination antifasciste pour l’affirmation des libertés académiques et pédagogiques. La professeure de philosophie légitime la création de ce collectif par l’urgence de « s’organiser pour offrir un rempart et expliquer la différence entre savoirs et opinions ». En effet la distinction entre « savoirs » et « opinions » est fondamentale. Entre ce qui relève des faits et de la subjectivité de chacun. Le problème est que Sophie Djigo, comme nombre de ses collègues, considère par exemple la théorie du genre comme un savoir. L’absence de continuité entre le biologique et le culturel, entre le sexe et le genre, le fait de naître femme et de devenir homme et inversement ou encore la possibilité qu’un homme soit enceint sont érigés en réalité objective, en « savoirs », alors que la réalité biologique de la différence sexuelle est reléguée dans la catégorie des opinions réactionnaires.

Une sortie scolaire polémique

Mais Sophie Djigo n’en est pas à son coup d’essai. Fondatrice de l’association « Migraction59 », engagée dans le soutien aux migrants de Calais, cette professeure de philosophie s’était fait connaître en novembre 2022 lorsqu’elle avait organisé, pour ses étudiants de classe préparatoire littéraire du lycée Watteau de Valenciennes, une sortie auprès des bénévoles de l’association « L’Auberge des migrants » à Calais[2]. En raison de la polémique, la sortie, prévue en décembre, avait été annulée. À l’époque, auprès de France Info, elle avait justifié cette sortie scolaire en expliquant qu’elle s’inscrivait « dans le cadre du programme d’une classe préparatoire littéraire, qui se déroule entre septembre 2022 et juin 2023, et regroupant trois disciplines : théâtre, culture antique et philosophie. Les questions abordées sont celles de l’exil et de la citoyenneté »[3].

Sur Arte, le journaliste Claude Askolovitch a pris la défense de la philosophe « de terrain »

Sophie Djigo avait malheureusement été menacée sur les réseaux sociaux, son adresse professionnelle ayant été révélée, elle avait dû être mutée dans un autre établissement. Elle poursuit alors son combat contre le danger que représente, selon elle, l’influence de l’extrême droite dans les écoles. En octobre dernier, elle livrait un témoignage intéressant auprès de France Info : « J’ai reçu depuis beaucoup de messages de collègues dans toute la France, en particulier des enseignants de SVT, d’histoire et de lettres, qui se retrouvent confrontés à des pressions de groupes qui refusent l’enseignement de la théorie du genre, du fait islamique en cours d’histoire, l’enseignement de la Shoah, des mémoires de l’esclavage, de l’histoire coloniale ou de la décolonisation ».  L’enseignement de la théorie du genre ? On se rappelle de Najat Vallaud-Belkacem, qui expliquait en 2013, alors qu’elle était porte-parole du gouvernement, que « la théorie du genre n’existe pas »[4]. On est content d’apprendre, dans la bouche d’une professeure qui y est favorable, que non seulement elle existe mais qu’elle est enseignée et qu’il est illégitime de la contester.

Dans cet article de France Info intitulé : « Comment les « Parents vigilants », créés par Éric Zemmour, mettent sous pression des professeurs », un passage est à la fois révélateur et comique. Le média cite un extrait de l’appel lancé par un collectif d’enseignants qui dénoncent les pressions des parents des droite. L’extrait est le suivant : « Chaque semaine, partout en France, des enseignant·e·s sont ciblé ·e ·s pour avoir simplement fait leur travail. Ils et elles se retrouvent taxé·e·s de propagande, jeté·e·s à la vindicte des réseaux sociaux, menacé·e·s jusque dans leur vie personnelle et leur vie tout court ». On ne peut s’empêcher de rire en lisant ces lignes. Alors que leur texte est en écriture inclusive ils sont surpris d’être « taxé-e-s de propagande ». Ils ne manquent pas de souffle !

A contre-courant de ses collègues ?

Cependant, derrière ces enseignants d’extrême gauche, très visibles médiatiquement car ils font régulièrement parler d’eux, le vote des enseignants a évolué ces dernières années. En effet, en 2017, une enquête de l’IFOP[5] révélait, que pour le premier tour, ils étaient 38% à voter Macron, 24% Mélenchon, 15% Hamon, 11% Fillon, et seulement 5% pour Marine Le Pen, soit, pour cette dernière, « quatre fois moins que son score chez l’ensemble des électeurs métropolitains (21,5%) ».

77% des enseignants ont donc voté pour un candidat de gauche au premier tour de la présidentielle de 2017, ce qui tend à confirmer la réputation de cet électorat comme bastion de la gauche. Néanmoins, une étude du Cevipof, dirigée par Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS[6], nous apprend qu’ils étaient 18% à avoir choisi Marine Le Pen au second tour face à Macron en 2017. Chose impensable quelques années plus tôt. Au second tour de l’élection présidentielle de 2022, toujours selon Luc Rouban, 25% des enseignants ont voté pour la candidate RN. Un quart des professeurs ! Confrontés à une insécurité culturelle et physique grandissante les professeurs se droitisent petit à petit. « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là » rappelait, le 17 octobre, Mickaëlle Paty, la sœur du professeur décapité, devant le Sénat. Trois ans après Samuel Paty la sécurité des enseignants ne s’est pas améliorée, comme le démontrent les agressions dont ils sont régulièrement victimes. Rien que ces dernières semaines, des professeurs d’un lycée du 15e arrondissement de Paris se sont mis en grève après l’agression de l’un de leurs collègues ; à Montbéliard un collégien de 14 ans a été interpellé après avoir menacé de mort sa professeure d’histoire. Aucune école n’est épargnée, même au lycée Montaigne, dans le chic 6e arrondissement de la capitale, où un élève a asséné plusieurs coups de poing au visage  de sa professeure de mathématiques en novembre 2021. Bilan : une plaie ouverte au front et des hématomes. Rien d’étonnant, quand on sait que, selon un rapport de l’Ifop de 2021, 50% des professeurs ont déjà été victimes d’agression physique ou verbale au cours de leur carrière de la part    d’élèves ou de leurs parents.

A lire aussi, du même auteur: Quand « Blast : Le souffle de l’info » souffle sur les braises

Tout était déjà dans le rapport de Jean-Pierre Obin de 2004. L’inspecteur général de l’Éducation nationale constatait, il y a près de deux décennies, que « dans le second degré d’une manière générale, de nombreux cas nous ont été signalés de professeurs femmes ayant fait l’objet de propos désobligeants ou sexistes de la part d’élèves. Le refus de la part de certains parents d’être reçus par une personne du sexe opposé, ou de la regarder, ou de lui serrer la main, ou de se trouver dans la même pièce qu’elle, ou même de reconnaître sa fonction pour des motifs religieux, est particulièrement mal vécu par les professeurs et les personnels d’éducation et de direction qui en ont été l’objet. Plus grave, ce type de refus a été observé également pendant le carême musulman de la part de personnels hommes vis-à-vis de collègues ou supérieurs hiérarchiques femmes ». Dans ce rapport de 40 pages, les contestations politico-religieuses, l’antisémitisme ainsi que le prosélytisme musulman sont parfaitement détaillés. « Oussama Ben Laden est en train de devenir, chez les jeunes de nos « quartiers d’exil », et donc pour une part notable de nos élèves, la figure emblématique d’un islam conquérant, assurant la revanche symbolique des laissés-pour-compte du développement en rejetant en bloc les valeurs de notre civilisation », écrivait-il. Malheureusement, François Fillon, qui était ministre de l’Éducation à l’époque, a préféré mettre ce rapport sous le boisseau.

Un futur et un relativisme terrifiants

Nous voici donc en 2023, et il est quasiment impossible de faire respecter une minute de silence en hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. Les commentaires ironiques ou faisant l’éloge de ces attentats pullulent sur les réseaux sociaux. Récemment un collégien, arborant un maillot de l’Algérie, a posté une photo de lui sur Twitter avec en légende la phrase suivante : « Demain pour les 1 minutes de silence commencez même pas à me regarder parce que je vais exploser de rire ». Marguerite Stern, militante Femen repentie, a commenté cette publication avec une grande lucidité, écrivant : « Démographiquement, le futur de la France c’est ça et c’est terrifiant ».

Malgré ce réel effrayant, des professeurs se mettent en danger et mettent en danger leurs collègues en ciblant l’extrême droite en permanence. Le 15 octobre, deux jours après l’assassinat de Dominique Bernard, le syndicat CNT-SO Éducation et Recherche, dans un communiqué, voyait dans l’attaque terroriste d’Arras une conséquence des « polémiques stériles et aux relents racistes comme celle sur l’abaya »[7] ! Sans compter les déclarations de politiques d’extrême gauche, comme le député LFI Antoine Léaument, qui, sur Twitter le 24 octobre, écrivait que « l’islamisme et l’extrême droite c’est la même chose » ou encore, un autre député LFI, Jean-François Coulomme, qui siège à la commission des lois et qui, sur Twitter le 16 octobre, expliquait doctement que « le terrorisme islamiste est consubstantiel à l’idéologie d’extrême-droite, car il partage avec elle l’obsession et la haine identitaire, ethnique et/ou religieuse »…. Avec des amis comme Sophie Djigo, certains syndicats enseignants et députés LFI, les professeurs n’ont pas besoin d’ennemis. Mention spéciale pour Benjamin Lucas, député EELV, qui n’a rien trouvé de mieux, le 4 novembre, que de qualifier « Parents Vigilants » de « milice zemmourienne des écoles ». Alors qu’une cinquième colonne islamiste grandit de jours en jours dans notre pays, ces gens-là concentrent leur énergie et leur colère sur des « Parents Vigilants » qui s’inquiètent, légitimement, de l’éducation de leurs enfants. D’une certaine manière, ces bouffeurs de curés ressemblent aux prêtres de Constantinople qui, en 1453, discutaient du sexe des anges alors que les Turcs étaient aux portes de la ville…


[1] https://www.lavoixdunord.fr/1382084/article/2023-10-06/face-aux-attaques-de-l-extreme-droite-un-manuel-d-autodefense-intellectuelle

[2] https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/valenciennes/valenciennes-une-professeure-menacee-pour-une-sortie-a-calais-une-plainte-deposee-2665584.html

[3] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-choix-franceinfo/enquete-ecole-comment-l-extreme-droite-tente-d-intimider-les-professeurs_6069969.html

[4] https://www.youtube.com/watch?v=cQiIgD0qBq4

[5] https://www.ifop.com/publication/pour-qui-ont-vote-les-enseignants/

[6] https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/declassement-sentiment-d-abandon-laicite-pourquoi-les-professeurs-votent-de-plus-en-plus-rn-7900258863

[7] https://twitter.com/PaulSugy/status/1713596566194266509

La guerre des six mois

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Barrière de sécurité entre Gaza et Israël arrachée par le Hamas, 7 octobre 2023 © Apaimages/SIPA

L’offensive sanguinaire du Hamas a révélé les failles de l’armée et du renseignement israélien. Son onde de choc secoue la société israélienne et bouscule les équilibres fragiles de la région. Le risque d’embrasement est réel. Israël peut compter sur l’allié américain et les principaux pays occidentaux. Mais toute perspective de sortie de crise suppose au préalable un changement politique en Israël.


Samedi 7 octobre, Israël a vécu la pire journée de sa courte histoire. Un coup terrible d’une brutalité physique et psychologique qui vous donne le sentiment – objectivement exagéré, mais non moins réel et douloureux – que rien n’est jamais acquis, que tout, à commencer par votre existence et votre légitimité, est en jeu de manière permanente. Car il y a eu le massacre, mais surtout il y a eu la débâcle. Ceux qui étaient supposés prévenir n’ont rien vu venir et ceux dont la mission était de défendre les civils ont failli. Pendant des heures, des milliers d’Israéliens ont dû se cacher et se défendre avant d’entendre les voix rassurantes en hébreu de leurs sauveteurs. Sauf que pour 1 600 d’entre eux, c’était trop tard : 1 400 étaient morts et quelque 200 se trouvaient à Gaza, otages du Hamas et du Djihad islamique. Des millions d’autres sont hantés depuis par les images et les voix de ce samedi noir. Et par une question qui accompagnera désormais l’histoire d’Israël : comment cela a-t-il été possible ? Comment, cinquante ans après la surprise et le traumatisme du samedi 6 octobre, jour de Kippour 1973, Israël a-t-il pu se retrouver dans le même état de sidération et d’impréparation ?

Un shabbat de pogrom

Vendredi 6 octobre, tard dans la soirée : Shabak (Shin Beth – services secrets intérieurs) intercepte des signes d’activités inhabituelles. Après consultation avec l’armée, on décide qu’il s’agit d’un exercice. L’alerte n’est pas donnée.

Samedi 7 octobre 6 h 30 : tirs intenses de roquettes et de mortiers sur les positions et les localités israéliennes le long de la frontière avec Gaza.Des drones neutralisent les caméras des miradors de surveillance. Deux cents terroristes du Hamas se ruent vers la barrière, juchés sur des pick-up et des motos, et la percent en plusieurs endroits. C’est le moment où les soldats israéliens comprennent qu’il ne s’agit pas d’un exercice.

Des dizaines de parapentes décollent de la bande de Gaza et se dirigent vers le territoire israélien.Des zodiacs de la force maritime du Hamas se lancent vers la côte israélienne au nord de Gaza. Des unités du Hamas neutralisent des moyens de communication et coupent des lignes d’électricité.

Une deuxième vague de 500 combattants pénètre en Israël par les brèches et attaquent les points de commandement de l’armée et son QG à Kibboutz Re’im. D’autres se dirigent vers les différentes bourgades et kibboutz. Ils tombent, probablement par hasard, sur la rave party.

7 h 00-7 h 30 : plus d’une vingtaine de localités et six bases militaires sont attaquées.

7 h 45 : le premier hélicoptère de combat israélien arrive sur la zone des combats.

8 h 00 : une vingtaine de combattants des commandos de l’armée de l’air arrivent par hélicoptère à Kibboutz Aloumim (au milieu du triangle de l’enfer Be’eri, KfarAza, Nahal Oz). C’est la première force militaire israélienne qui entre en contact avec les terroristes.

Vers 14 h 00-14 h 30 : les forces israéliennes reprennent le contrôle de leur QG et interviennent sur tous les points attaqués par le Hamas. À cette heure-là, on estime que 1 400 civils israéliens ont déjà été massacrés et 200 enlevés, 300 soldats et policiers sont tombés au combat. Un tiers des Israéliens massacrés ont perdu la vie sur le site de la rave party. Dans les Kibboutz Nahal Oz et KfarAza, 20 % de la population a été enlevée ou assassinée.

Premières leçons d’un désastre

L’heure des comptes viendra – quand les armes se tairont. Mais à l’évidence, il s’agit d’une faillite à deux têtes : le renseignement a été incapable de prévenir et l’armée, de protéger.

Il s’avère très vite que le renseignement lui-même a doublement failli, n’ayant ni repéré ni alerté. On ne sait pas encore comment le Hamas est parvenu à cacher à Israël des préparatifs qui ont nécessairement été longs et compliqués. On sait en revanchepourquoi l’alerte n’a pas été donnée. D’après la presse israélienne, vendredi 6 octobre, la veille de l’attaque, le Shabak, le service de renseignement et d’action chargé de Gaza et de la Cisjordanie, a relevé les signes d’une activité inhabituelle. Qualifiées de « signaux faibles », ces informations sont remontées jusqu’au chef du Shabak, Ronen Bar, qui en a parlé avec le général de brigade Avi Rosenfeld, commandant de la division militaire de la région de Gaza. Selon les mêmes publications, les deux ont conclu qu’il s’agissait d’un exercice du Hamas et se sont contentés de quelques légères précautions. Ils n’ont pas jugé nécessaire d’informer le chef d’état-major et celui de l’armée de l’air.

Ces deux hauts responsables n’ont pas péché par légèreté. Ils ont pris une décision à partir des informations dont ils disposaient, mais aussi dans le cadre intellectuel qui est le leur et c’est sans doute ce cadre, ou ce paradigme, qui explique leur erreur. Ils pensaient, comme tout l’establishment politico-stratégique israélien, qu’après dix-sept ans, de nombreux incidents et plusieurs opérations d’envergure, le Hamas s’était assagi. Sous la contrainte du réel, le mouvement radical était devenu un gouvernement, tenant certes un discours extrémiste, mais chargé de responsabilités, de problèmes d’école et de ramassage d’ordures, sans oublier des intérêts nombreux plus ou moins licites. Bref, à renverser brutalement la table, le Hamas avait beaucoup plus à perdre qu’à gagner. Les stratèges israéliens ont commis la même faute d’analyse,fait la même erreur que ceux qui ont refusé de croire que Poutine lancerait son armée contre l’Ukraine.

Pour le plus grand malheur d’Israël, sa deuxième ligne de défense, l’armée, a également connu une déroute de grande ampleur, puisqu’elle a été incapable, dans un premier temps, de bloquer et de repousser les assaillants.

Pour un dispositif défensif bien construit, une alerte indiquant l’heure, le lieu et la méthode d’une attaque est bienvenue, mais pas complètement indispensable. Le défenseur doit être capable d’agir au saut du lit, sans avoir été prévenu. C’est d’autant plus vrai en Israël où la défense manque cruellement de profondeurstratégique : une fois la première ligne franchie, les « cibles molles » – villages, bourgades, zones d’activités –ne sont qu’à quelques minutes de route, parfois de marche.

La dévastation du kibboutz de Be’eri après le massacre du Hamas, 14 octobre 2023. Photo: AP Photo/Ariel Schalit/SIPA

Le plan astucieux du Hamas reposait sur trois piliers : surprendre, aveugler et saturer.

Pendant des mois, le Hamas a su garder le secret et endormir la vigilance des Israéliens en confirmant leurs présupposés. Il a feint de s’embourgeoiser, a joué le rôle d’un acteur responsable, soucieux des intérêts de ses administrés, en négociant avec Israël l’augmentation du nombre de permis de travail. Il a entretenu la volonté de croire à cette histoire. Dans la presse israélienne, les reportages sur l’embellie économique à Gaza se sont multipliés. Bref, cela a parfaitement fonctionné.

L’opération stricto sensu est préparée dans le plus grand secret depuis un an. Les unités du Hamas qui devaient y participer ont habitué les forces israéliennes à leur routine d’entraînement. Pour permettre à ses hommes de poser des charges explosives télécommandées sous le nez des soldats de Tsahal, le Hamas a organisé des manifestations à proximité de la barrière de sécurité. Tout a été bien pensé et bien exécuté.

Quant à l’attaque, elle a commencé par des frappes sur les moyens technologiques de détection, de contrôle et de commandement de l’armée israélienne. Parallèlement, des milliers de roquettes ont été tirées sur le sud d’Israël, surtout sur les localités proches de la frontière avec Gaza. Les unités du Hamas se sont précipitées sur le terminal de passage et les obstacles de la frontière, laquelle a été percée en 18 endroits sur un front de 50 kilomètres. Des terroristes en parapentes et bateaux pneumatiques ont accompagné par l’air et la mer l’effort principal mené au sol.

En moins d’une heure, les six principaux points de commandement israéliens sont attaqués par le Hamas. Avec une conséquence terrible : durant plusieurs heures, l’armée n’est plus en état de se faire une idée claire de la situation, donc d’agir. C’est le temps qu’il faudra pour que les capacités de commande et de contrôle soient rétablies, et que l’armée puisse à nouveau fonctionner de manière centralisée et coordonnée. Les forces de police ont été, elles aussi, débordées et souvent contraintes de se battre pour leur propre survie, incapables donc de porter secours à la population.

Petite lueur d’espoir dans la déroute, la résistance est venue de la société. Le Hamas a mis en échec le renseignement et l’armée. Ses terroristes se sont heurtés à des héros ordinaires en uniforme ou en civil. Avec peu ou pas d’information, sans structure de commandement, des civils et des militaires ont pris les choses en main, à leur niveau et avec les moyens du bord. Ils ont avancé vers l’ennemi en cherchant partout le contact. Les pilotes d’hélicoptère improvisaient des tactiques et communiquaient avec leurs contacts au sol à l’aide de téléphones portables. Des officiers à la retraite, dont des généraux, ont pris leur voiture pour aller au front, glaner des informations, s’équiper tant bien que mal et partir ainsi, en groupes improvisés, vers les colonnes de fumée et le bruit des combats. Dans les villages et kibboutz, des habitants se sont battus jusqu’à la dernière cartouche et, dans des endroits où l’alerte donnée par les bruits de guerre a permis quelques minutes de préparation hâtive, les terroristes ont été repoussés et ont subi de lourdes pertes avant même l’arrivée des soldats.

Pendant tout ce temps, les terroristes se sont livrés à une orgie de sang et de haine, s’acharnant sur les civils qui tombaient sous leurs mains, y compris les enfants, les bébés, les femmes enceintes. Ils ont souvent accompagné leurs meurtres de mises en scène d’une cruauté dépassant l’entendement. En quelques heures, plus de 1 400 personnes ont été massacrées et plusieurs dizaines prises en otages par les soudards du Hamas, mais aussi par de simples Gazaouis opportunistes qui se sont précipités pour piller, massacrer ou récupérer un otage ou un cadavre, espérant sans doute les revendre au Hamas.

Israël groggy, mais debout

Sous l’effet de la conjonction de l’effroi devant l’horreur et de l’échec d’institutions qui ont manqué à leur premier devoir, la société israélienne s’est métamorphosée. Après de longs mois d’une crise politique et constitutionnelle qui a vu naître le plus important mouvement de contestation de son histoire, Israël est désormais passé en situation d’« union critique ». La contestation est certes suspendue, mais les griefs ne sont pas oubliés. Des ministres et des députés de la majorité sont souvent accueillis par des huées, ou tout simplement chassés quand ils essaient de rendre visite aux victimes. En même temps, les réseaux forgés pendant la contestation, des machinesde mobilisation et de logistique d’une grande efficacité, ont pris la place des services défaillants. Ils évacuent des civils des localités sinistrés, trouvent des logements et désencombrent les obstacles innombrables d’une bureaucratie lourde et lente à changer d’état d’esprit. Ainsi, du matériel arrêté par la douane a été débloqué en quelques heures grâce à l’intervention directe de « gens connaissant des gens », et donc en mesure d’appeler la nuit le portable de la bonne personne… Tout le monde s’active, improvise, entreprend ou, comme on dit en hébreu, met son épaule sous la civière. Du reste, cette mobilisation inédite depuis octobre 1973 n’est pas de trop.          

Il ne s’agit pas seulement de se tenir chaud en s’affairant, ni de surmonter un stress post-traumatique. En Israël, tout le monde le sait, le risque d’un embrasement général avec le Liban, la Syrie mais aussi la Cisjordanie, sans parler des vagues d’attentats mondiales, voire de l’entrée directe de l’Iran dans la guerre, est bien réel. Cela explique que les États-Unis aient envoyé deux porte-avions patrouiller en Méditerranée, et que le président américain ait dépêché ses principaux ministres avant de se rendre lui-même sur place : il fallait s’assurer que même un Iranien sourd et aveuglepuisse comprendre le message. Et que le gouvernement israélien comprenne, lui aussi, clairement et sans ambiguïté ce qu’il peut et ne peut pas faire à Gaza et ailleurs.

La véritable raison pour laquelle on peut craindre une généralisation du conflit est que les événements sont sans précédent récent, même s’ils rappellent étrangement les étés de 1914 et 1939. Pour ne rien arranger, cette poussée de fièvre survient dans un contexte de guerre froide entre la Chine et les États-Unis. Alors que le système international est d’ores et déjà gouverné par une logique de blocs, une mobilisation mondiale pour étouffer les flammes a peu de chances d’advenir. Tous les hommes de bonne volonté du monde ne vont pas se donner la main. La Chine, qui se voit endosser le rôle de la défunte URSS, se positionne derrière les Palestiniens et découvre à quel point un peu d’antisémitisme – « les juifs contrôlent les médias occidentaux et manipulent les États-Unis » –vous vaut aisément des sympathies au sein du « Sud global » (ci-devant tiers monde, non-alignés, damnés de la terre). La Russie, allié de l’Iran, voit tout naturellement les choses à travers sa croisade contre l’« Occident collectif » et la guerre contre l’Ukraine. Israël, qui s’est fait violence pour garder ses distances et ne pas fâcher Moscou, va sans doute être rangé sur le rayon  « Otanonazis ».

L’avenir de Benyamin Netanyahou

La question anime les conversations à New York et Paris autant qu’à Tel Aviv. Benyamin Netanyahou peut-il survivre (politiquement) à une telle débâcle ?

Les chefs de l’armée et du Shabak ont tous déclaré publiquement et clairement être responsables de l’échec et ses terribles conséquences. Même Naftali Bennett, Premier ministre pendant un an (2021-2022), assume sa part. À quelques exceptions individuelles près, ni le gouvernement ni son chef ne l’ont suivi. Au contraire, certains de leurs porte-parole officieux font circuler des insinuations indécentes. Une publication des religieux nationalistes a déjà laissé entendre que les victimes des kibboutz étaient des athées et donc que le Hamas était l’instrument du châtiment divin. Des « bibistes » notoires ont ainsi attribué l’arrivée tardive des hélicoptères de combat au fait que les pilotes sont de gauche… d’autres ont parlé d’officiers israéliens ayant collaboré avec le Hamas le 7 octobre. Cette petite musique du « couteau dans le dos » permettrait à Netanyahou de mobiliser une partie de sa base et de ses alliés orthodoxes s’il décide de s’accrocher au pouvoir. Dans ce cas, dès que la situation sécuritaire sera stabilisée et les réservistes libérés, la contestation reprendra avec une ampleur sans précédent. Le 7 octobre aura donc probablement la peau de Netanyahou, l’allié objectif du Hamas depuis 2009, mais aussi de sa réforme et de son camp politique. Aujourd’hui, une majorité d’Israéliens attend ce jour avec impatience.

Benjamin Netanyahou rencontre des soldats près de la frontière avec Gaza, 19 octobre 2023. Photo : EPN/Newscom/SIPA

L’heure des armes

Il est difficile de comprendre les calculs politiques et stratégiques qui ont poussé le Hamas àrenverser la table géopolitique de la région. À l’évidence, avant le 7 octobre, l’organisation terroriste se trouvait dans une situation inconfortable : son « embourgeoisement » risquait de gommer la différence avec l’OLP et l’Autorité palestinienne qui avaient misé sur l’abandon de la lutte armée avec Israël. Ce genre de contradiction n’est pas rare dans des mouvements terroristes, mais le Hamas a tranché et opté pour la radicalité et la lutte armée à outrance. Les atrocités sciemment commises par l’organisation samedi matin ne laissent d’autre option à Israël et à ses alliés que de l’éliminer en tant qu’acteur du conflit. Le Hamas a donc brûlé ses vaisseaux et s’est mis complètement entre les mains de l’Iran, chef de file d’un front du refus à Israël, qui a perdu au fil des ans nombre de pays d’importance.

L’organisation islamiste terroriste a également discrédité la cause palestinienne au sein des opinions publiques en Occident, ou d’une large fraction de celles-ci. Enfin, son attaque ayant poussé la société israélienne, très divisée, à mettre ses querelles de côté, cette agression sans précédent tracera sans doute pour les Israéliens un chemin de sortie de leur crise interne. Cependant, à court et moyen termes, les ondes de choc du 7 octobre vont continuer à se faire sentir un peu partout. En Europe, il faut s’attendre à plus d’attentats, à des manifestations virulentes, voire violentes, ou à des attaques contre des ambassades, personnes et intérêts des pays vaguement identifiés comme pro-israéliens. Dans les pays arabes, la pression de la « rue » risque d’ébranler les régimes. La Turquie pourrait profiter de l’occasion pour renforcer sa position de champion de la cause islamiste, comme dans le temps des « flottilles pour Gaza ». En somme, beaucoup tenteront de surfer sur la vague. Cependant, il n’est pas sûr qu’une fois la poussière retombée, le Hamas sera capable de toucher les dividendes de son investissement. À long terme, on verra qui sont les gagnants et les perdants de cette première crise majeure de la nouvelle guerre froide, mais elle contribue certainement à la tectonique des plaques géostratégique d’où sortiront de nouveaux équilibres.

Les contours de la stratégie israélienne commencent à se dessiner. Son premier pilier est le soutien net, concret et puissant des États-Unis. L’allié américain ne se contente pas de déployer ses forces pour rendre crédible sa menace d’intervenir contre le Hezbollah et l’Iran s’ils s’invitent dans le conflit. Washington concocte un ficelage diplomatique et politique qui permette à la fois de donner à Israël le temps nécessaire pour l’opération terrestre dans Gaza et d’élaborer les grandes lignes d’une sortie de crise quand les objectifs militaires auront été obtenus. Nous sommes donc dans un rythme lent. Il ne s’agit pas d’une guerre de six jours, mais plutôt d’une guerre de six mois, qui nécessitera une longue série de combats dans une zone urbaine dense et en présence des nombreux civils. Comme en mai-juin 1967, Israël attend que l’agenda politique soit prêt pour lancer l’armée.

Prenant en compte les défis exceptionnels d’une opération compliquée sous le regard souvent malveillant de la communauté internationale, l’armée israélienne commencerait très probablement par une manœuvre coupant la bande de Gaza en deux au niveau de l’Oued Gaza. Ensuite, l’espace au nord de ce cours d’eau, notamment Gaza ville,la capitale du Hamas, sera encerclée et soumiseà une pression croissante, sur et sous la terre. Le mouvement sera lent pour épargner les civils et recueillir des renseignements détaillés et minutieux, étage par étage, immeuble par immeuble. Au sud de l’Oued, Israël continuera à frapper les cibles identifiées par les airs avec des raids des forces spéciales. Parallèlement et en coordination avec les États-Unis, des couloirs humanitaires et des zones sûres seront créés pour protéger les non-impliqués. Il faut donc s’attendre à une phase de combats de plusieurs semaines, suivie d’une occupation d’une durée difficile à estimer, qui pourrait se compter en mois. Cependant, avant de quitter Gaza pour la troisième fois (après 1957 et 2005), Israël devra probablement revenir aux urnes pour se doter d’une nouvelle majorité et d’un nouveau gouvernement, mieux à même de naviguer dans le nouveau Moyen-Orient. Qui ne sera sans doute pas meilleur.

Plaidoyer pour le mariage des profs

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Palais de justice de Paris. Auteurs : ALLILI MOURAD/SIPA.

Expatrié en Asie depuis les années 90, Jean-Christophe Q. est jugé à Paris pour des viols et des agressions sexuelles sur un nombre effroyable de jeunes garçons en Malaisie. Il a documenté et filmé l’intégralité de ses crimes.


Il n’est pas facile ces dernières semaines d’attirer l’attention du public sur des sujets de société alors que la guerre se poursuit en Ukraine, que la violence se déchaîne au Proche-Orient et que nos banlieues semblent sur le point de s’enflammer. Mais quand même : en ce moment se tient à Paris le procès de Jean-Christophe Q, pédocriminel au parcours « hors-normes ». Pendant une trentaine d’années, cet enseignant installé à Singapour a écumé en toute impunité les pays d’Asie du Sud-Est à la recherche d’adolescents et pré-adolescents qu’il entraînait dans des actes sexuels filmés en leur promettant une rétribution dérisoire. La police a saisi lors de son arrestation plus de 90 000 vidéos le mettant en scène, dont le contenu a été jugé « particulièrement écœurant » par la cheffe de l’office spécialisé sur les mineurs de la direction de la Police Judiciaire elle-même….

Ce cas est donc « hors-normes », tant par la gravité de ces activités criminelles que par leur durée. Mais il n’est pas exceptionnel, loin de là : depuis qu’a cessé ce qu’on a pu appeler la « culture de l’étouffement[1] » il est devenu tristement régulier que des pédophiles soient identifiés dans les rangs de l’Éducation nationale. Et puisqu’il s’agit d’un problème « systémique », et non pas de cas individuels isolés, il convient d’y apporter une réponse globale, susceptible de prévenir enfin la répétition de ces horreurs. Il est donc temps, je le crois, d’envisager de réformer le statut qui prive nos enseignants d’une vie sexuelle harmonieuse et dévoie leurs pulsions. Je le dis haut et fort : nous devons mettre à bas le célibat des profs !

D.R.

À ceux qui viennent d’interrompre leur lecture avec stupeur en se demandant pourquoi leur magazine favori a laissé passer une tribune d’une telle stupidité, je propose à présent de réfléchir un instant. Car après tout, ce discours, c’est exactement celui qu’on nous sert, depuis des décennies, à chaque fois qu’une affaire de pédophilie est mise à jour dans l’Église. Et c’est tout aussi inepte. Penser que la pédophilie – qui est un travers criminel – puisse être un dérivatif à une sexualité « normale » rendue impossible par le célibat des prêtres, c’est aussi faux que d’imaginer que le meurtre puisse être un exutoire à l’incapacité de se livrer à une violence légale. Le substrat « ontologique », dans les deux cas, est radicalement différent. D’un côté se trouve la « norme » (infiniment vaste de nos jours, en particulier en matière sexuelle, mais il faut bien le dire aussi dans un certain usage banalisé de la violence) et de l’autre la déviance criminelle. Ces concepts ne sont pas de même nature, tant sur le plan médical que juridique, bien que leur superposition partielle puisse parfois être source de confusion. La pratique maîtrisée de la violence dans les cercles de sports de combats, tout comme l’emploi contrôlé des armes à feu dans les clubs de tir, n’empêchent pas que se pressent parmi leurs membres, à côté d’honnêtes citoyens, justement ceux qu’attire un usage illégal et potentiellement criminel. De même, le fait que les enseignants aient droit à une vie sexuelle n’est absolument pas en mesure d’interférer avec la tragique probabilité que soient attirés par l’Éducation nationale ceux qu’habite une pulsion maladive et criminelle envers les enfants et qui recherchent avidement leur proximité. Et ce fut aussi pendant très longtemps – mais probablement moins à l’avenir au vu de la désertification avancée des cours de catéchisme – le cas de l’Église…

A tous mes amis progressistes croyants et (plus souvent) incroyants qui attribuent au célibat des prêtres – pour le remettre aussitôt en question – une responsabilité déterminante dans les affaires de pédophilie qui ont secoué l’Église, je répondrai donc qu’un prêtre débordé par ses envies sexuelles troussera peut-être une paroissienne (ou un paroissien), qu’il recourra probablement à la prostitution ou s’adonnera certainement à la pornographie. Il ne s’en prendra pas pour autant à un enfant s’il n’est pas, au préalable, disposé à cet acte criminel par une disposition qui n’a aucun lien intrinsèque avec son état ecclésiastique même si elle a justement pu le conduire à rechercher cet état… Et qu’elle n’a pas de lien causal avec le célibat ! À ces amis j’aimerais presque aussi pouvoir faire le reproche désarmant que certains – parfois les mêmes, d’ailleurs, ce qui est assez ironique – font aujourd’hui aux hommes qui ont l’audace d’émettre une opinion au sujet d’une question éminemment féminine – l’avortement[2], par exemple – en les accusant de mansplaining: si vous n’êtes pas catholiques, pourquoi vous accordez-vous le droit d’émettre un jugement sur la question du célibat des prêtres ? Mais voilà, justement parce que cette question est considérée comme susceptible d’avoir des répercussions sur la société tout entière, je reste persuadé au contraire que chacun est en droit d’émettre une opinion à son sujet…


[1] Le mot est de Claude Lelièvre, historien de l’éducation.

[2] Auquel, je le répète, je ne suis pas opposé.