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Une journée qui ébranla le monde

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Il y a deux ans, le Hamas lançait une attaque terroriste terrible contre Israël. Je pense aux victimes (dont 51 Français), aux familles inconsolées, à Noa, 23 ans, assassinée au festival Nova, à sa mère, Mali, infirmière, que j’ai rencontrée, qui accueille et soigne les otages revenus de l’enfer – elle qui n’aura jamais la chance de revoir sa fille. Je pense aux otages prisonniers dans les tunnels de Gaza. Je pense aussi aux enfances brisées et aux civils palestiniens, dont un dirigeant du Hamas disait que plus ils mourraient mieux ce serait pour la cause.

Nouvelle donne

Beaucoup d’Israéliens sont encore habités aujourd’hui par une angoisse vitale. Ils ont la certitude, comme ils disent, qu’ « ils veulent nous détruire ». Et beaucoup d’amis d’Israël ne comprennent pas cette guerre interminable. Alors on se dit que le 7-octobre est irréparable.

Et pourtant, il existe aujourd’hui un espoir réel que la diplomatie prenne le relais de la force. Pas parce que le monde écoute la France comme semble le croire Emmanuel Macron, mais parce que la riposte israélienne a créé une nouvelle donne stratégique, parce qu’Assad est tombé en Syrie, que les mollahs iraniens sont affaiblis, tout comme le Hezbollah et le Hamas lui-même. A la suite de cet usage de la force, le plan Trump ne s’appuie ni sur l’ONU ni sur l’Autorité Palestinienne – une excellente chose – mais est soutenu par le monde arabo-musulman.

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Chaque étape à venir est pleine de chausse-trapes. On négocie aujourd’hui le retour des otages. Et on ne sait pas si au bout il y aura un Etat palestinien. Mais pour la première fois depuis longtemps, on trace un chemin vers la coexistence.

Tsunami antisémite

Le Hamas a-t-il perdu cette guerre lancée le 7-Octobre ? Sur le terrain, oui. Très affaibli militairement, le mouvement terroriste a quand même réussi à replacer la question palestinienne à l’agenda international, même s’il sera lui-même exclu du jeu dans le futur. Le problème, c’est que le Hamas a beaucoup gagné dans les esprits occidentaux. Croyant défendre les Palestiniens, toute une jeunesse est happée par sa propagande – c’est-à-dire, l’idée de la Palestine « de la mer au Jourdain » (un seul État, et donc pas d’État juif).

Dans nos facs, « sale sioniste » a remplacé sale juif. Beaucoup de juifs européens et français se demandent s’ils ont encore leur place dans leurs pays respectifs. En France, un mouvement politique a fait de la haine d’Israël son principal fonds de commerce. Ses dirigeants déplorent le futur désarmement d’un mouvement terroriste (quand ils ne le qualifient pas de résistant).

Au-delà de la question antisémite, le drapeau palestinien est devenu l’emblème de la haine de la France, il accompagne désormais violences, désordres et démonstrations de force islamistes dans nos rues.

Mais malgré tout, il y a une raison d’être optimiste. Une majorité de Français ne mange pas de ce pain-là. Contrairement à Olivier Faure, beaucoup de gens de gauche ont clairement rompu avec les Insoumis. Peut-être que les assassins lancés par Yahya Al-Sinwar il y a deux ans seront aussi les fossoyeurs politiques d’un parti aux méthodes fascistoïdes.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Branlette écolo


Le média écologiste Reporterre a récemment proposé à ses lecteurs un dossier très complet et très instructif1 dénommé « Sexe et écologie ».

Après avoir affirmé que « le queer, c’est de la biodiversité », la « penseuse féministe et décoloniale » Myriam Bahaffou explique que l’écosexualité consiste à s’adonner à « toute pratique érotique n’ayant pas l’humain au centre ». Myriam conseille de « murmurer des mots doux aux plantes » ou de « caresser un arbre » tout en recourant à la « respiration orgasmique », le but ultime étant de « répandre ses fluides dans la nature ». En cas d’échec, la flagellation végétale est autorisée.

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Inspirés par cette nouvelle façon de prendre son pied, des artistes militant pour une « dimension écologique au sein d’une narration pornographique » ont réalisé un film « écoporn » dans lequel « des personnes se fouettent les fesses avec du houx ». Les fruits et les légumes peuvent également avoir une grande place dans les pratiques sexuelles écologiques, apprend-on dans la rubrique « Sextoys ». L’utilisation de légumes à forme phallique – concombres, aubergines et autres courgettes – peut être combinée à celle de « fruits et légumes moins connus ». Les avocats et les pêches sont, paraît-il, d’excellents stimulateurs clitoridiens. Toutefois, avertit une éco-sexothérapeute, il est nécessaire de laver le fruit ou le légume à chaque utilisation. Par ailleurs, précise-t-elle, « il faut faire attention en cas de pénétration anale, car les fruits et légumes peuvent rester coincés dans le rectum ».

Pour préserver la planète, la spécialiste recommande également l’usage de sextoys en bois, en particulier ceux fabriqués avec du merisier ou du noyer, pour leur faible empreinte écologique. « Une partie du bois vient de scieries locales, la consommation électrique est très faible, aucune matière chimique n’est utilisée, mis à part pour la très fine couche de vernis qui les recouvre, explique le créateur de la marque Idée du désir. Pour ceux qui en prennent soin, ils peuvent durer toute une vie. » Décidément, l’écologie s’introduit partout.


  1. https://reporterre.net/Sexe-et-ecologie ↩︎

F-O-U-T-U

Dans ce vieux pays fatigué, la progression de l’islamisme, du wokisme, du nihilisme et du crétinisme semble inéluctable. Pour Éric Naulleau le constat est évident : tout est foutu.


F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Au moins ne me reprochera-t-on pas de vouloir faire carrière médiatique, tant il est mieux vu, sur les plateaux de télévision comme dans les colonnes des gazettes, d’en appeler au sursaut ou au choc d’autorité, de dissimuler sous un vocabulaire ronflant l’évidence de la défaite, de même que l’on masque de parfums une odeur de putréfaction. De prétendre se battre quand on ne fait que se débattre. F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Au moins ne me reprochera-t-on pas de vouloir faire carrière politique quand le parti foutuiste serait une contradiction dans les termes. Si ses sympathisants, toujours plus nombreux, font parler la poudre, ce n’est jamais que la poudre d’escampette. Sauve qui peut, chacun se cherche un arrière-pays ou un autre pays pour mettre à l’abri du désastre sa personne et ses enfants. Non pas en attendant des jours meilleurs, mais en prévision des jours plus malheureux encore. Ce n’est plus la tentation de Venise, c’est N’importe Où Hors de France, pour emprunter à Baudelaire. Jusque sur des terres menacées par l’apocalypse nucléaire. F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Il faudrait un de Gaulle ou un Napoléon pour nous sortir de là (laissons Jeanne d’Arc de côté pour le moment). Mais même si, par extraordinaire, une personnalité hors norme se dissimulait parmi les actuels boutiquiers de la politique, auprès desquels les combinards de la IVe République font désormais figure d’aigles planant au plus haut des cieux historiques, sa tâche se révélerait autrement plus ardue que dans la France de 1799 ou de 1940. Quand le général de Gaulle lança son appel du 18 juin, 144 habitants de l’île de Sein s’embarquèrent illico sur des bateaux de pêche pour Londres – ce n’est pas la même chose que de se ruer vers les canots de sauvetage en espérant réchapper du naufrage, ainsi que nous y invitent les temps mauvais. De Gaulle combattait le Mal. On ne combat pas le Bien, on le fuit.

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Et la difficulté ne s’arrête pas là. Pris séparément, nos principaux ennemis ne sont pas irrésistibles, il demeure très possible de défaire l’islamisme, le wokisme, le nihilisme ou le crétinisme. Mais F-O-U-T-U, oui, c’est foutu : unis comme ils se dressent aujourd’hui, ils deviennent invincibles, rien n’empêchera ces nouveaux barbares associés de détruire, jusqu’à ce qu’il ne reste pierre sur l’autre, notre république, notre pays, notre culture, notre civilisation. Ils disposent d’une École dont la mission paraît d’initier les têtes blondes au monde merveilleux des drag queens et à la théorie du genre plutôt que de leur transmettre les savoirs fondamentaux. Ils disposent d’un service public dont la plus puissante représentante, nous avons nommé Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, a officiellement déclaré que son rôle était « de représenter la France non telle qu’elle est, mais telle qu’elle devrait être » – le délire schizophrène comme programme officiel, du jamais vu depuis le stalinisme. Ils disposent des institutions et des médias, ils disposent d’à peu près tous les lieux de pouvoir, ils disposent d’une armada de sociologues comme autant d’émissaires d’un pays imaginaire, d’une dimension parallèle.

F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Mince consolation que de connaître enfin ce qu’éprouvèrent les contemporains de la chute de l’Empire romain. Quand des militants LGBT défilent en soutien à leurs futurs égorgeurs islamistes, quand une féministe déclare « préférer les jeteuses de sorts aux ingénieurs EPR », quand des lycéens, dont le crâne a été vidé de sa cervelle par l’Éducation nationale pour être farci d’un tas d’inepties, s’en prennent à tout drapeau français comme à un symbole fasciste, quand on est prié de croire, sous peine d’être poursuivi en justice, qu’un homme peut devenir une femme, menstruer et tomber « enceint », quand les bouffeurs de curés baisent les babouches d’imams intégristes, quand « La Palestine de la rivière à la mer », équivalent jugé acceptable de « Mort aux juifs ! », est un slogan repris en chœur par des gens qui ignorent de quelle rivière et de quelle mer il s’agit, quand boire des demis en terrasse de 18 heures jusqu’à l’aube devient un projet de vie, quand commander son sandwich favori à un esclave à vélo devient un acte militant au service de l’utopie multiculturelle, alors tout est joué, les noces de l’ignorance et du cynisme sont consommées. Les portes de Troie battent à tous les vents – Jean-Luc Mélenchon peut alors s’asseoir à la table rase, décréter la créolisation générale comme d’autres la mobilisation générale, en appeler au grand remplacement d’un peuple par un autre sans cette fois tirer de leur sommeil la moindre orfraie, assimiler la France des traditions à « une France diminuée », décréter que notre langue n’existe plus. Ah oui, parce que l’ennemi dispose aussi d’un parti officiel. Ses ouailles décérébrées acquiescent avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elles ne savent à peu près rien de ce pays, de sa culture, de son histoire et de sa langue, sinon qu’ils sont autant de motifs de honte, de sujets de repentance – si ce qu’à Dieu ne plaise, Jean-Michel Aphatie parvenait au pouvoir, sa première mesure serait « de raser le château de Versailles afin que la France expie sa grandeur ». On a les intellectuels organiques (comme on parle d’engrais organique) que l’on mérite du côté de l’anti-France.

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F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Car il y a pire encore. Une forme de résignation chez le plus grand nombre, une perte d’énergie vitale, plus envie de travailler, plus envie d’avoir des enfants, plus envie de faire l’amour. Pourquoi ne pas déléguer tout cela à des nouveaux venus ? Moins cher, moins fatigant. L’impression, plus ou moins vivement ressentie et directement exprimée, que nous devons nous effacer de l’Histoire, que c’est au tour des anciens colonisateurs d’être colonisés. Un acquiescement, une soumission à l’idée de notre propre disparition. La grandeur de la France est devenue un fardeau pour les Français, trop de gloire, trop de génie, trop de beauté, trop de savants, d’écrivains (Proust ET Céline, non mais allô, quoi…), de peintres, de cathédrales, de musées, trop de place laissée aux femmes. L’éternité n’est plus notre mesure, l’exception n’est plus notre règle. Quand nous aurons laissé sur le bord du chemin cet encombrant bagage, le pas se fera plus léger. Quand le souci métaphysique se limitera à connaître la date des prochains soldes, l’angoisse se fera moins vive. Et l’appel à la prière dans les centres commerciaux viendra rappeler qu’Allah s’occupe du reste. Quand tous les classiques littéraires sembleront avoir été écrits dans une langue étrangère, nous continuerons de les lire dans les catacombes. Quand la France ne sera plus, quand y régnera le nouvel ordre islamo-consumériste, elle sera devenue l’Abistan du 2084 de Boualem Sansal : « À la fin des fins régnera le silence et il pèsera lourd, il portera le poids des choses disparues depuis le début du monde et celui encore plus lourd des choses qui n’auront pas vu le jour faute de mots sensés pour les nommer. » Et personne ne connaîtra plus la signification du mot F-O-U-T-U.

Le président est nu

La démission surprise de Sébastien Lecornu est aussi affligeante que démoralisante, à l’heure où la situation exigerait des réformes financières radicales et rapides. Privée de gouvernement et de budget, la France est affaiblie


Emmanuel Macron: le corps nu

Après Michel Barnier, François Bayrou et la démission expéditive de celui qu’il espérait être son bouclier le plus sûr, Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron est dorénavant confronté à sa responsabilité fondamentale : à cause d’une dissolution aberrante qui a rendu l’exercice parlementaire impraticable et, au-delà, gangrené la vie démocratique, le président de la République n’a à sa disposition que des solutions qui mettront en lumière son propre échec.

Arrogance

Le président ne démissionnera pas. Une telle décision, si elle émanait de lui seul, serait le signe d’une démarche parfaitement républicaine. Mais le propre d’Emmanuel Macron, et du macronisme qu’il a inspiré, a toujours été de substituer à la lucidité sur leurs erreurs une arrogance occultant le désastre.

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En refusant la politique du pire et pour éviter le pire de la politique, le président peut être tenté de nommer un Premier ministre de gauche qui sera conforté par des forces de gauche et d’extrême gauche miraculeusement réunies par la tactique et l’unité imposée. Ce gouvernement peu probable serait balayé très rapidement.

La dissolution, cette fois nécessaire, devrait être l’expédient suprême. Sans le front républicain qui avait totalement dénaturé le résultat des dernières élections législatives, de nouvelles élections, organisées dans une totale liberté et transparence démocratiques, pourraient aboutir à une victoire incontestable, amplifiée, du Rassemblement national.

Bardella demain à Matignon ?

Si le RN se retrouvait en position de proposer un Premier ministre, le président, en l’acceptant, mettrait ce parti dans une position très inconfortable avant l’élection présidentielle : cela révélerait davantage son impuissance que son efficacité.

La France vit une situation totalement inédite. Le président est nu. Ce n’est plus seulement une crise, pas encore une révolution. Le peuple piaffe. Nous sommes au bord du gouffre. Il faut résister à la tentation – perverse ou lasse – d’y tomber.

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Les «Ringards» au pouvoir!

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À la vue du nouveau gouvernement et sa composition tragi-comique, Monsieur Nostalgie préfère les vrais, les authentiques, les flamboyants Ringards du film de Robert Pouret de 1978. Ceux-là ne nous décevaient jamais et avaient la décence de ne pas faire de la politique !


Il y a comme ça des dimanches patibulaires. Crépusculaires. Ils annoncent la fin d’une classe politique démonétisée depuis quarante ans. Le divorce est consommé. Système tournant à vide, à la botte de quelques affidés, sans plus aucune consistance intellectuelle et assise réelle. Un machin hors-sol que le peuple, par salubrité, par honte aussi (lui ne nie pas ses fautes), a mis à distance. Très loin de sa vue. Cachez-nous ces représentants, les enfants regardent la télévision, ils pourraient prendre pour acquis leurs mauvaises manières. On apprenait jadis dans les IEP que ce peuple français était politique, colérique, passionné par la « chose publique » et le débat des idées, qu’il avait le sens du collectif et de la controverse, qu’il croyait à la geste de ses élus et au récit national. Ce peuple tant honni et tellement infantilisé fait désormais sécession dans les urnes et dans les têtes. Il est ailleurs. Il est fragmenté. Il est satellisé. Il répond aux abonnés absents. Il n’a plus le courage de participer et encore moins d’encourager les gesticulations de ce théâtre répétitif, besogneux, visqueux, laid et vide des ors de la République. Le peuple, contrairement à ses élites, ne se défausse pas, il a sa part de responsabilité dans la création de ce « monstre » démocratique. Ce système chimérique et ses relents de morgue, il en a été l’artisan.

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Au fond de lui, par fatigue morale, par étranglement économique et peur de sombrer, par des votations erratiques et des entourloupes constitutionnelles, le peuple a laissé courir. Il a été floué. On lui a menti. Il a été faible. Bien qu’il n’ait jamais cru aux boniments, aux promesses, aux grands soirs, il s’est laissé anesthésier, peu à peu, jusqu’à se désintéresser du schmilblick. Il a laissé prospérer le délitement. Laissé à une classe d’apprentis-sorciers les rênes du commandement par dépit, rarement par enthousiasme débordant. Il a même admis, magnanime, que cette classe surprotégée pouvait vivre à ses frais, sur son dos, le tondre à l’occasion et le faire culpabiliser. Il a accepté de les nourrir, de les loger, de les habiller, sans contrepartie. C’est la grandeur des vieilles nations, notre courtoisie bienveillante. Les Français sont des seigneurs un peu las de tout ce cirque médiatique. De ce barnum qui captive seulement quelques professionnels du commentaire sur les antennes. Nous avons pourtant l’habitude d’être dupés. Là, peut-être à cause de l’accumulation, du côté farce et amateurisme, l’amertume nous monte à la gorge. Un petit goût d’enfumage plane sur notre pays. Nous avons délégué, durant des décennies, à des plus « sachants », à des supposés plus « instruits » que nous. Les diplômes dorés, parfois plaqués, de nos dirigeants ne font plus guère illusion. Le diplôme sans la culture, sans la stature, sans l’incarnation et sans la vibration intime de notre terre n’est qu’une guenille. Des frusques. Face à cette faillite, je préfère m’en remettre aux vrais « Ringards », ceux du film sorti à la fin du mois de septembre 1978. Nous étions sous Barre III. Boulin était au Travail, Soisson au Sport et Deniau, le navigateur berrichon au Commerce extérieur.

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Place aux authentiques branques, aux « bons à rien » de classe internationale, braqueurs pathétiques, un aréopage d’inutiles et de gentils parasites. Des flamboyants de la « lose ». Incapables de mener à bien une mission. Ils s’appelaient Aldo Maccione qui fêtera ses 90 ans en novembre prochain, dragueur turinois impénitent, Julien Guiomar, le Breton professoral et Charles Gérard, le réfractaire en polo de tennis. Une triplette qui mériterait d’entrer dans les ministères sous la supervision de Mireille Darc conduisant une Lancia dans la cour de Matignon. Ils étaient nuls, fainéants, des tire-au-flanc splendides de bêtises et d’arrivisme.  Avec eux, au moins, on riait de bon cœur et on oubliait nos misères quotidiennes. J’apprends que Georges Descrières et Katia Tchenko ont été coupés au montage de cette comédie ratée. Ils auraient mérité leur maroquin.

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Trump et Netanyahou feront-ils bouger l’histoire?

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Le Premier ministre israélien Netanyahou se dit certain de pouvoir libérer les otages et désarmer les terroristes du Hamas, que ce soit grâce au plan de Donald Trump ou par la force.


La politique produit des grands et des petits hommes. Les grands hommes sont ceux qui affrontent, seuls le plus souvent, le mur du conformisme afin d’atteindre leurs objectifs. Les petits sont ceux qui tergiversent, se trompent d’adversaires, pactisent avec la meute. Le plastronnant Emmanuel Macron est de cette seconde race. Voici un président qui flatte l’opinion anti-israélienne en joignant sa voix à ceux qui accablent Benyamin Netanyahou, et qui accuse Vladimir Poutine de « confrontations permanentes » contre l’Europe. Le chef de l’État voit beaucoup de complots russes ; y compris dans des « pétroliers fantômes » contre qui il a exigé des « politiques d’entrave ». C’est ainsi que la Marine a arraisonné la semaine dernière, dans les eaux internationales au large de Saint-Nazaire, un navire soupçonné d’être pro-russe et d’être la plate-forme de drones envoyés dernièrement survoler le Danemark.

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Vérifications faites, l’équipage était chinois et aucun appareil n’a été trouvé. Le bateau a repris sa route jeudi soir après une garde à vue de son capitaine. Ce flop a été aimablement passé sous silence par les médias. Le fiasco est venu rappeler néanmoins le jeu trouble que Macron entretient avec les peurs collectives, en alimentant cette fois un possible conflit avec une puissance nucléaire. Aurait-il le dessein de constituer autour de lui, avec une guerre contre la Russie, une solidarité nationale qui part en lambeaux (16% de satisfaits dans le dernier baromètre du Figaro Magazine !) ? La question mérite en tout cas d’être posée, tant le personnage est sans limite. Sébastien Lecornu a au moins l’honnêteté de se présenter comme « le Premier ministre le plus faible de la République ».

Parallèlement à ces manœuvres médiocres, qui rendent par capillarité le spectacle politique français affligeant d’amateurisme[1], des grands hommes sont en train d’écrire l’histoire.

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Donald Trump et le Premier ministre israélien, tous deux conspués par l’unanimisme médiatique, sont de ceux-ci. Le choix de Netanyahou d’éradiquer coûte que coûte le Hamas islamiste, au prix d’une guerre cruelle lancée à Gaza après le 7-Octobre 2023, semble avoir atteint son but : sous la pression conjointe du président américain, le mouvement terroriste s’est dit prêt à accepter les conditions de sa reddition, en acceptant notamment de libérer les 48 derniers otages, dont beaucoup sont morts. Dix-sept pays arabes, dont le Qatar qui abrite la branche politique du Hamas, sont prêts à consolider une paix avec Israël. Si «Bibi» avait obtempéré aux coups de menton de Macron en cessant le feu prématurément, le Hamas n’aurait vraisemblablement pas eu à rendre les armes. Certes, rien n’est encore, ce lundi matin, totalement acquis de la part d’un mouvement islamiste apocalyptique. Mais une dynamique de paix est enclenchée. MM. Trump et Netanyahou, les deux pires parias occidentaux (après Poutine) aux yeux des esprits capitulards, sont en train de clore la politique du « soft power » qui jusqu’alors était la norme convenue. Tous deux ne manquent pas de défauts, c’est entendu. Mais les petits hommes, eux, n’ont aucune qualité.

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[1] Les LR devaient dire, ce lundi à midi, s’ils se maintiendraient dans le nouveau gouvernement macronien… dont le Premier ministre vient de démissionner.

Emmanuel Macron: Je trolle donc je suis

Dernière minute : Reçu ce matin au Palais de l’Elysée, Sébastien Lecornu a remis sa démission au président Macron, qui l’a acceptée. Le grand cirque continue… •

Sébastien Lecornu a frappé fort hier soir avec l’annonce des 18 premiers membres de son gouvernement. Lui qu’on pensait incapable de peser face à Emmanuel Macron, quel démenti cinglant infligé à ses détracteurs, quel séisme ! Car la nouvelle équipe ne ressemble en rien à la précédente, et c’est à peine si l’on y reconnaît un visage…

Ah ! nous espérions un acte d’émancipation, nous avons été servis ! Après tout, Emmanuel Macron nous avait annoncé qu’il allait révolutionner la politique ; il fallait donc s’attendre à ce que Sébastien Lecornu, l’un de ses plus fidèles disciples, révolutionne l’art de composer un gouvernement.

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé

Mais tout de même, se dit-on. Patrick Mignola, Marie Barsacq, Laurent Marcangeli, Eric Lombard, François Rebsamen : une telle hémorragie de talents, alors que la France, on le sait, est un patient affaibli, est-ce vraiment bien raisonnable ?

Aucun grand médecin, certes, n’ignore les vertus d’une saignée ; mais celle-ci, par son audace, passait décidément toutes les bornes connues.

Aussi ne pouvait-on s’empêcher de se demander, étreint d’un doute atroce, en ce dimanche finissant : Jupiter, notre infaillible Jupiter, n’était-il pas allé trop loin cette fois, en amputant l’État de cinq de ses piliers ? Et nous maudissions Ganymède, son nouveau Premier ministre, de l’avoir entraîné ainsi dans l’hybris et l’inconnu.

« Je vous ai compris »

De la grande telenovela voulue et réalisée par Emmanuel Macron depuis l’été 2024, l’épisode du 5 octobre demeurera comme un des sommets de la seconde saison. Car cette annonce du gouvernement, c’est l’équivalent jupitérien du « Je vous ai compris » gaullien, c’est-à-dire une manière très particulière de marquer sa compréhension de ce qu’on lui demande, mais qui, en l’occurrence, ne s’embarrasse plus d’aucune ambiguïté (car Jupiter l’intrépide, lui, ne craint pas qu’on « vienne le chercher »). Mon seul regret, dans cette belle trouvaille, c’est donc que nos deux scénaristes n’aient pas osé aller au bout de leur idée, en conservant toute l’équipe précédente et en nommant simplement Bayrou aux Armées, pour parachever leur troll.

La dream team toujours là

Mais je boude mon plaisir, car la fine équipe qu’ont commencé à réunir Jupiter et Ganymède, nos deux orfèvres politiques, s’annonce déjà comme une farandole de pépites.

Il serait évidemment trop long de les passer toutes en revue ; aussi, rassurons-nous en disant qu’à l’exception de nos cinq disparus de Saint-Agil, le cœur battant de la brillante phalange gouvernementale dont nous disposions est toujours là. En particulier, la superbe batterie constituée par ces sortes de ministres-tofu – Catherine Vautrin, Agnès Pannier-Runacher, Roland Lescure, Amélie de Montchalin, etc. – dont on a l’impression qu’ils pourraient rester en place 1000 ans sans laisser une quelconque trace de leur passage, est parfaitement préservée. 

Ensuite, si nous nous attardons plus particulièrement sur quelques joyaux, les nations du monde entier, en tout premier lieu, nous ont remercié pour la reconduction de l’indispensable Jean-Noël Barrot à la tête de notre diplomatie. Avec cet excellent paillasson hypoallergénique, toujours disposé à servir, nos partenaires diplomatiques sont en effet assurés d’avoir leurs semelles propres en permanence, et ont donc été ravis de pouvoir conserver cet article de télé-achat, notamment en Algérie, où les semelles se salissent notoirement très vite.

Nos confettis d’empire n’ont pas non plus été oubliés et Manuel Valls a été confirmé, pour son plus grand bonheur, dans ses anciennes responsabilités ; il n’aura donc pas à s’expatrier dans un nouveau pays pour y essayer à toute force de récupérer un maroquin quelconque. La loi établie avec Ségolène Royal pour les pôles se confirme ainsi avec lui pour l’outre-mer : plus un territoire s’éloigne de la métropole, et plus il faut convoquer les forces vives de la nation pour y représenter dignement le gouvernement.

La Culture, quant à elle, aurait évidemment été orpheline sans cet autre superbe exemple de 4×4 idéologique qu’est Rachida Dati, jamais à court d’un reniement si cela peut lui sécuriser un débouché. Quand on pense que même Nicolas Sarkozy, avec son immense bagage littéraire, n’avait pas osé la nommer à ce poste, on mesure combien Malraux serait surclassé…

Le rappel de Cincinnatus

Mais c’est surtout le rappel de Bruno Le Maire aux affaires qui traduit la conscience aiguë que Bouvard et Pécuchet (Macron et Lecornu) ont désormais de l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons.

La République romaine, comme on sait, avait instauré dans ses premières années d’existence une magistrature extraordinaire, pour faire face aux situations de péril ou d’urgence extrêmes qu’elle pouvait traverser : la dictature. Alors, pendant une période limitée, un individu, généralement choisi parmi les anciens consuls, se voyait confier un pouvoir absolu, le temps de résoudre la crise.

Bruno Le Maire est le nouvel avatar de cette dictature romaine ; plus exactement, le lointain successeur, à travers les âges, du grand Cincinnatus, que les envoyés du Sénat vinrent arracher à sa charrue, en 458 avant notre ère, pour sauver Rome des Èques, tâche qu’il accomplit en seulement seize jours, avant de rendre le pouvoir aussi sec pour retourner labourer ses terres au-delà du Tibre. Malheureusement, Bruno Le Maire ne disposera pas des pleins pouvoirs – sans quoi nous serions sauvés  –, mais il pourra compter sur ses talents multiples, d’autant qu’il n’est pas le seul à être rappelé des limbes par Jupiter et Ganymède. Son come-back s’accompagne en effet de celui d’un autre grand revenant, Éric Woerth, tout juste relaxé, étonnamment nommé à l’aménagement du territoire quand son expertise financière eut été bien utile aux Comptes publics. Espérons que cette anomalie sera vite régularisée, car notre talentueux gouvernement pourrait devoir se révéler plus expéditif encore dans sa mission que l’excellent Cincinnatus.

Les fourberies de Scapin

La seule incompréhension qui persiste ainsi chez moi, à l’heure tardive où j’écris ces lignes, naît du rempilage du brave Bruno Retailleau à l’Intérieur. Rempilage à propos duquel il faut bien reproduire l’interrogation médusée de Géronte, dans ces délicieuses fourberies de Scapin auxquelles j’ai eu le plaisir d’assister la semaine dernière, à la Comédie française, avec un Noam Morgensztern génial dans le rôle éponyme : « mais que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Saint Thomas Becket et Dame Sarah Mullally: du martyre à la bien-pensance

Tout compte fait, la nomination de Sarah Mullally, première femme archevêque de Canterbury, est aussi frustrante pour les progressistes que pour les conservateurs. Analyse.


Quatorze siècles de tradition immuable se sont écoulés pour qu’une femme accède, enfin, à la primatie de l’Église d’Angleterre. Le 3 octobre 2025, Charles III a entériné la nomination de Sarah Mullally, actuelle évêque de Londres et ancienne infirmière en chef du NHS, comme 106ᵉ archevêque de Canterbury. Un moment que les commentateurs qualifient d’« historique ». Mais en quoi cette nomination serait-elle véritablement historique ? D’un sursaut spirituel ou d’un alignement complaisant sur l’air du temps ?

Le vernis du progrès

La nouvelle primat n’a rien d’une théologienne flamboyante : sa carrière fut d’abord médicale, puis managériale. Profil idéal pour une Église transformée en ONG morale. Alors que les temples se vident et que les scandales d’abus minent sa crédibilité, l’anglicanisme a trouvé une parade : ériger son archevêque en symbole inclusif. Première femme, donc première victoire… mais surtout pour la communication.

Un essaim de promesses

Elle succède à Justin Welby, emporté par l’affaire Smyth et ses graves défaillances en matière de protection des fidèles. Mme Mullally promet « d’écouter les survivants ». Des mots mille fois entendus. Ce dont l’Église anglicane a besoin, ce n’est pas d’un nouveau slogan, mais d’une réforme en profondeur – et cela, on peine à le discerner dans son discours.

La vitrine de l’archevêque

Ses positions sont connues : bénédiction des couples homosexuels, respect « de ceux qui refusent son ministère féminin », soutien au LGBT+ History Month. Sur l’avortement, elle se dit « plus proche du pro-choice que du pro-life », tout en penchant « personnellement vers le pro-life ». Sur l’euthanasie, elle s’est opposée à l’aide à mourir à la Chambre des Lords. Bref : compromis, nuances, demi-teintes. Une théologie du « en même temps » – inclusive pour les progressistes, rassurante pour les conservateurs… mais frustrante pour tous.

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Un trône fracturé

Cette nomination réjouit Londres, mais scandalise le Sud anglican. Le GAFCON a déjà dénoncé une « trahison biblique ». Pour les Églises africaines et asiatiques, une femme archevêque n’est pas seulement une hérésie : c’est la preuve que l’Occident impose sa modernité comme une nouvelle colonisation culturelle. Inclusivité, oui – mais au prix de l’unité.

À cheval sur deux mondes

Mme Mullally n’est pas seulement pasteure : elle siège à la Chambre des Lords, où elle s’oppose aux projets du gouvernement, de l’euthanasie à l’expulsion des migrants vers le Rwanda. Ses interventions la placent au cœur du débat politique. Mais l’archevêque est-elle encore une figure spirituelle, ou simplement la conscience sociale attitrée d’un Royaume en quête de morale d’État ?

Du feu de Cranmer au vernis de l’époque

Souvenons-nous : l’anglicanisme naquit dans la fureur d’Henri VIII et la radicalité de Thomas Cranmer, brûlé vif pour sa foi. Cinq siècles plus tard, l’audace s’est muée en conformisme. De la défense intransigeante de la vérité, on est passé aux compromis inclusifs. L’archevêque d’hier affrontait les rois. Celle d’aujourd’hui rassure les éditorialistes.

La nomination de Sarah Mullally restera comme un jalon. Mais que marque réellement ce jalon ? Un réveil spirituel ou une soumission à l’idéologie dominante ? À force de vouloir plaire à tout le monde, l’Église d’Angleterre risque bien de ne plus émouvoir personne. En 1170, Thomas Becket mourait à genoux devant l’autel, refusant de céder au pouvoir. En 2025, Dame Sarah Mullally s’incline, elle, devant le pouvoir de l’air du temps.

La justice, c’est quand on gagne le procès…

Les yeux de l’Éternel sont sur les justes, et ses oreilles sont attentives à leur cri.
Psaume 34 :16.

La justice, c’est quand on gagne le procès.
Samuel Johnson.


En France, font les manchettes la condamnation de l’ex-président Sarkozy pour « association de malfaiteurs » dans le cadre du procès relatif au financement libyen et le procès en cours de Cédric Jubillar, accusé de meurtre de son épouse.

Sarkozy : une nouvelle affaire Dreyfus ?

Commençons par l’ex-chef de l’État.

Plus que sa condamnation en elle-même, c’est la décision d’exécution provisoire qui fait débat : d’aucuns y voient une atteinte à la présomption d’innocence dont jouit en principe tout condamné qui fait appel.

Il n’est pas question ici de se prononcer sur le bien (ou mal)-fondé de cette condamnation. Aux citoyens justiciables et aux médias que l’affaire intéresse d’examiner le dossier, en commençant évidemment pas les attendus du jugement et en faisant les recoupements pertinents. Chacun peut souverainement tirer ses propres conclusions; chacun a le droit absolu de « juger les juges » et de défendre ses conclusions dans l’agora.

On se penchera sur les déclarations publiques pertinentes. La droite dénonce un acharnement « politique » et Nicolas Sarkozy, lui, évoque non seulement une « honte », une « indignité », mais aussi une « infamie ». Bref, une nouvelle affaire Dreyfus.

Comme il fallait s’y attendre (on est en France) les cris aigus de vierges effarouchées ne se sont pas fait attendre : une vingtaine d’avocats viennent de porter plainte contre Nicolas Sarkozy, l’accusant d’avoir discrédité l’institution judiciaire: il y aurait « de fait un acte délibéré de discrédit porté à l’institution judiciaire, de nature à affaiblir la confiance des citoyens dans l’impartialité et l’indépendance de la justice ».

Et, ô surprise, abonde dans le même sens M. Ghaleh-Marzban, le nouveau président du Tribunal de Paris, selon lequel ces critiques « sapent les bases de notre droit et les fondements de notre démocratie ». Rien que ça.

La question est donc posée: l’institution judiciaire mérite-t-elle cette confiance de la part des citoyens?

Un peu d’histoire française (et pas seulement française).

Depuis l’affaire Calas, l’institution judiciaire s’est parfois complue dans l’infamie. L’exemple classique est l’affaire Dreyfus, où chaque magistrat de toute la hiérarchie judiciaire fut le servile larbin de l’antisémitisme. Idem en ce qui concerne la persécution de son défenseur Émile Zola. La nature humaine a-t-elle changé depuis et les leçons ont-elles été tirées? Plus récemment, il y a aussi l’affaire Outreau. Et d’ailleurs, à ce sujet, l’infamie persiste puisque l’ex-juge d’instruction Fabrice Burgaud a fait l’objet d’une simple réprimande et (aux dernières nouvelles) coule aujourd’hui des jours heureux dans sa sinécure d’avocat général référendaire de la Cour de cass’; une référence précieuse dans les pourvois fondés sur l’erreur judiciaire. Il a eu droit à un poste qui fait l’envie de bien des juristes.

(Petite note de droit comparé : en droit pénal anglo-saxon, il n’y a pas de juge d’instruction et ses fonctions sont remplies par le procureur, qui est avocat; un Burgaud aurait été rayé du barreau et fait, en… outre (si l’on ose dire), lui-même l’objet de poursuites pénales).

Bien entendu, les menaces de violence proférées contre les magistrats sont gravement attentatoires à l’État de droit et inadmissibles. Mais quid des remontrances des condamnés?

On répondra aux détracteurs de l’ex-président que, objectivement, c’est plutôt le bâillonnement d’un condamné qui est dangereux pour l’État de droit, lequel repose, précisément, sur le droit absolu du condamné de dénoncer une possible injustice du processus judiciaire. L’article 434-25 du code pénal est une archaïque survivance de l’esprit de la Sainte Inquisition qui a d’ailleurs été habilement transposé dans la procédure pénale stalinienne.

Le vrai fondement de la démocratie et de l’État de droit, c’est le droit absolu de dire : « J’accuse ». Incidemment, cela vaut aussi pour Mme Rachida Dati, qui fait face à un calendrier judiciaire relativement chargé.

(Autre petite note de droit comparé, l’infraction de common law équivalente, dite « scandalizing the court » – les lecteurs auront traduit d’eux-mêmes – a disparu des juridictions anglo-saxonnes les plus évoluées, notamment pour inconstitutionnalité, au titre de la violation de la liberté d’expression).

Comme le savent tous les magistrats et les avocats plaideurs dignes de ce nom, en substance, tout procès (civil ou pénal) est une vente aux enchères; la mise à prix dépend évidemment de divers facteurs, notamment de la nature de la cause, mais l’issue dépend étroitement des ressources respectives des parties, car le riche (qui a aussi pleinement droit à la présomption d’innocence dans un État de droit) est en meilleure position pour soutenir une guerre de tranchées. En l’espèce, il serait instructif de connaître le budget des parties. A ce stade, l’on peut sans doute conjecturer que M. Sarkozy a pu puiser dans un arsenal quelque plus conséquent que celui de l’officier d’artillerie Alfred Dreyfus jadis.

Cela dit, les bonnes âmes qui font de la confiance aveugle en l’institution judiciaire un acte de foi sont parfaitement libres de voir dans les récriminations d’un quelconque condamné, et de ses défenseurs, la hargne des mauvais perdants. Cela n’engage qu’elles.

Il faut déplorer cette tendance de la magistrature à être juge… et partie. En tentant de réduire au silence par l’intimidation un condamné censé jeter le discrédit sur elle, elle se livre à un abus de pouvoir et oublie que dans le mot « discrédit », il y a le mot « crédit ». C’est mettre la charrue avant les bœufs. Pour toute institution humaine, le respect, ça se mérite.

Parlant de respect, passons au procès Jubillar.

On constate d’abord une entrée en matière classique en France: sont exposés les antécédents et les analyses de personnalité de l’accusé effectuées par d’éminents experts disciples de Jacques Derrida.

(Autre petite note de droit comparé : la procédure anglo-saxonne, logiquement, rejette une telle hérésie car les parties débattent d’abord la matérialité des faits et, le cas échéant,  en recherchent ensuite, les éventuelles explications psychologiques. En France, on met encore la charrue avant les bœufs.)

Nous n’en sommes qu’aux premières phases du procès. Se succèdent des témoignages sur la personnalité apparemment peu amène de l’accusé.

Tous ces témoignages sont troublants.

Très troublants.

Et ce – parlant d’infamie – d’autant plus que cette fichue procédure pénale franchouillarde permet aux témoins de vomir leurs soit-disant convictions dans les prétoires.

(Petite note de droit comparé supplémentaire : en droit anglo-saxon, le témoin doit s’en tenir strictement aux seuls faits bruts dont il a une connaissance directe).

Cela dit, l’on ne peut que constater l’absence de tout indice déterminant. En dépit de tous ces éléments que l’on qualifiera charitablement de tangentiels… la réalité incontournable, maintes fois proclamée dans la sphère publique, est inchangée. Il n’existe aucune preuve formelle de culpabilité: surtout pas de corps, et encore moins d’aveux (encore que la religion de l’aveu est un autre archaïsme superstitieux bien français). En théorie, tout verdict de culpabilité repose sur des preuves factuelles, qui ne laissent place à nul doute. En l’absence de corps, pas d’ADN, pas d’analyses balistiques solides ou pas d’angles de coups de couteau, pas de datation de la mort, etc.

(Les conclusions des médecins-légistes, qui ont les pieds sur terre et mettent la main à la pâte, sont généralement plus fiables que les divinations hasardeuses des psys dont l’outil de travail est la boule de crystal).

Dans ce cas, en effet, la réunion, rigoureuse, de preuves indirectes peut suffire à emporter la conviction… si elles sont en béton. Est bien connu en droit pénal (pas seulement français) le délit de sale gueule; en l’espèce, seul est nettement caractérisé le délit de sale caractère.

Et y a-t-il eu enquête à charge, qui complique toujours considérablement la tâche de la défense? A ce stade du procès, demeure posée la question (classique, pas seulement en France, encore qu’est légendaire l’« entonnoir » français, tandis que dans les juridictions anglo-saxonnes a cours l’expression « tunnel vision » – les lecteurs auront encore traduit d’eux-mêmes). A chacun d’apprécier les tout aussi classiques véhémentes protestations d’innocence des enquêteurs en la matière.

A suivre. En France, le doute a, à l’occasion, plutôt tendance à profiter à l’accusation. Y aura-t-il un coup de théâtre?

Moralité : si nous sommes tous des chasseurs de prime, cela est particulièrement vrai pour les policiers, magistrats, avocats et journalistes.

Aïda chez les mollahs

La mise en scène de Shirin Neshat ne remporte franchement pas tous les suffrages…


Tout porte à croire que cette Aïda ne restera pas dans les annales du lyrique verdien, pas davantage que la production précédente du chef-d’œuvre de Verdi, concoctée par la Néerlandaise Lotte de Beer, et qui fit long feu en 2021 à l’Opéra de Paris pour cause de Covid. Shirin Neshat est, avant tout, plasticienne. Native de Téhéran, elle a étudié l’histoire de l’art aux États-Unis, séparée de sa famille par la révolution islamiste de 1979, et s’est fait un nom comme photographe avec la série Women of Allah, puis comme vidéaste et cinéaste. En 2017, elle est invitée à monter Aïda au Festival de Salzbourg, mise en scène remaniée au fil de ses reprises, en 2022 dans la ville mozartienne, et à présent à l’Opéra-Bastille, en coproduction avec le Liceu de Barcelone.

Bernd Uhlig

Déracinées

On comprend bien pourquoi Aïda « parle » singulièrement à une artiste iranienne en exil, tragédie grandiose de cette esclave éthiopienne, princesse secrètement aimée du chef de guerre ennemi Radamès, et qui a pour rivale Amneris, la fille du roi d’Egypte : la déracinée, otage du vainqueur, bientôt forcée de choisir sous la pression d’Amonastro, son père, entre l’amant et la patrie, en d’autres termes entre le désir et le devoir moral, rejettera tous les compromis et suivra Radamès, condamné comme traître, dans le tombeau où, enterrés vivants, ils seront tous deux réunis dans la mort…

Commande du khédive Ismaël Pacha pour célébrer l’ouverture du canal de Suez, péplum pharaonique créé au Caire en 1871 soit quatre ans après le magistral Don Carlos, mais d’abord imaginé, sur un scénario de l’égyptologue Auguste Mariette, pour la scène parisienne dans la pure tradition française du « grand opéra », Aïda revêt traditionnellement la dimension d’un spectacle monumental, dont la marche des trompettes reste le morceau de bravoure célébrissime.

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Il n’est pas illégitime en soi de se détacher de cet orientalisme kitsch qui a parfois rempli, pour le pire, les stades de foot transformés en grand spectacle son et lumière. Cela n’autorise pas pour autant tous les contre-sens. Chez Shirin Neshat, le décor de l’Egypte ancienne revêt l’apparence géométrique d’une paire de fortins bâtis dans une sorte d’agrégat de béton blanc, façon cabines de douches géantes, mais pivotantes, ajourées, réunies au finish pour former le tombeau où sont emmurés Radamès et Aïda, mais dont les murs, tout au long du spectacle, auront essentiellement servi d’écrans de projection pour les clichés noir et blanc ou les films en couleur exhumés du book conséquent de l’artiste, les chanteurs en chair et en os promis quant à eux aux rôles de figurants d’un univers plastique dont le théâtre verdien se voit délibérément exclu.

L’extraordinaire dramaturgie du compositeur dans sa maturité, cette partition sublime, tout à la fois rutilante et onctueuse, au lieu d’être servies par la mise en scène, semblent ici les supports d’occasion d’un discours sans lien organique avec le livret. Par une curieuse interversion, l’opéra est ici sommé d’obéir aux injonctions de la scénographie. Laquelle donne à l’Égypte ancienne des pharaons le profil d’une théocratie sanguinaire, signalée, dans un vestiaire amorti par un vague syncrétisme (histoire de ne pas désigner précisément l’Iran – je ne nomme personne, suivez mon regard), par les longues barbes et les costumes voilés de noir de l’oppresseur, par opposition aux Éthiopiens prisonniers, tandis qu’Amneris, la rivale d’Aïda, fait d’acte en acte les essayages chromatiques de ses longues traînes de gaze, où elle se prend parfois les pieds et qui, au fil des tableaux, passeront du blanc au rouge ou au jaune –  faut-il y voir un symbole ? Pendant la durée interminable des changements de décor, la salle est priée de patienter en silence.  

Exceptionnel Piotr Beczała

Au soir de la première, le 24 septembre dernier, le cast vocal se ressentait du statisme de cette régie où la saturation des projections d’images anesthésie passablement l’émotion, les chanteurs se regardant à peine, plantés comme des quilles face au public. Certes, n’est pas qui veut Leontyne Price ou, plus près de nous, Anna Netrebko mais, voix métallique, la soprano espagnole Saioa Hernández, dans les redoutables difficultés du rôle-titre, n’échappait pas à une certaine froideur d’expression, tandis qu’il aura fallu attendre le troisième acte pour que la mezzo genevoise Eve-Maud Hubeaux, en fille du roi d’Egypte, trouve la souplesse, le délié, la rondeur et l’intensité réclamée par l’emploi d’Amneris. Au moins la basse russe Roman Burdenko faisait-elle un magnifique Amonasro, le roi d’Ethiopie et père d’Aïda (on l’avait entendu déjà cette année dans Il Trittico, la trilogie puccinienne). La palme revient sans conteste à Radamès, le capitaine égyptien épris d’Aïda, campé de façon souveraine par Piotr Beczala, ténor exceptionnel, capable de monter vertigineusement dans les aigus. Habitué du plateau parisien, le Polonais Krzysztof Baczyk incarnait « Il Re » d’une splendide voix de basse. Quant à Ramfis, le grand prêtre égyptien, autre voix de basse joliment charnue, on le découvrait tout aussi convainquant sur le plan vocal, sous les traits du chanteur hungaro-roumain Alexander Köpeczi.   

Le maestro Michele Mariotti, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, reprend la direction qu’il avait assumée avec davantage d’énergie en 2021 pour deux représentations seulement, programme alors rompu par la pandémie. Sans donner peut-être, cette fois, au versant intime d’Aïda la grâce mélancolique, la douceur crépusculaire qui, à côté des passages fortissimo, sont le trésor secret de cet opéra.

Hors Krzysztof Baczyk  (Il Re) et la basse Alexander Köpecki (Ramfis) qu’on découvre sur la scène parisienne, la distribution s’annonce différente pour les dernières représentations, la soprano polono-américaine Ewa Plonka succédant par exemple à Saioa Hernandez à partir du 19 octobre, autre prise de rôle d’Aïda à Paris.  

Qui voudrait retrouver l’esprit péplum du chef-d’œuvre aura tout intérêt à  visionner, disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 30 novembre, la toute récente captation d’Aïda fort bien réalisée au Met Opera : Nézet-Séguin à la baguette, dans une mise en scène signée Peter Mayer, avec, d’ailleurs, toujours Piotr Bezcala en Radamès, et en Amneris la mezzo roumaine Judit Kutasi, celle-là même qui, à l’Opéra-Bastille, reprend le rôle à partir du 19 octobre, et ce jusqu’à la dernière représentation, le 4 novembre. D’une opulence, pour le coup, pharaonique.


Aïda. Opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi. Avec Krysztof Baczyk, Eve-Maud Hubeaux/Judit Kutasi, Aioa Hernandez/Ewa Ptonka, Piotr Beczata/Gregory Kunde… Direction : Michele Mariotti/ Dmitry Matvienko. Mise en scène et vidéo : Shirin Neshat. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris.
Durée : 3h05
Opéra Bastille les 7, 10, 13, 16, 22 octobre, 1 et 4 novembre à 19h30 ; le 19 octobre à 14h30

Une journée qui ébranla le monde

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Des Palestiniens et des terroristes du Hamas transportent Yarden Bibas vers Gaza après l’avoir enlevé à son domicile de Nir Oz, un kibboutz en Israël près de la frontière avec Gaza, le 7 octobre 2023 © Hatem Ali/AP/SIPA

Il y a deux ans, le Hamas lançait une attaque terroriste terrible contre Israël. Je pense aux victimes (dont 51 Français), aux familles inconsolées, à Noa, 23 ans, assassinée au festival Nova, à sa mère, Mali, infirmière, que j’ai rencontrée, qui accueille et soigne les otages revenus de l’enfer – elle qui n’aura jamais la chance de revoir sa fille. Je pense aux otages prisonniers dans les tunnels de Gaza. Je pense aussi aux enfances brisées et aux civils palestiniens, dont un dirigeant du Hamas disait que plus ils mourraient mieux ce serait pour la cause.

Nouvelle donne

Beaucoup d’Israéliens sont encore habités aujourd’hui par une angoisse vitale. Ils ont la certitude, comme ils disent, qu’ « ils veulent nous détruire ». Et beaucoup d’amis d’Israël ne comprennent pas cette guerre interminable. Alors on se dit que le 7-octobre est irréparable.

Et pourtant, il existe aujourd’hui un espoir réel que la diplomatie prenne le relais de la force. Pas parce que le monde écoute la France comme semble le croire Emmanuel Macron, mais parce que la riposte israélienne a créé une nouvelle donne stratégique, parce qu’Assad est tombé en Syrie, que les mollahs iraniens sont affaiblis, tout comme le Hezbollah et le Hamas lui-même. A la suite de cet usage de la force, le plan Trump ne s’appuie ni sur l’ONU ni sur l’Autorité Palestinienne – une excellente chose – mais est soutenu par le monde arabo-musulman.

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Chaque étape à venir est pleine de chausse-trapes. On négocie aujourd’hui le retour des otages. Et on ne sait pas si au bout il y aura un Etat palestinien. Mais pour la première fois depuis longtemps, on trace un chemin vers la coexistence.

Tsunami antisémite

Le Hamas a-t-il perdu cette guerre lancée le 7-Octobre ? Sur le terrain, oui. Très affaibli militairement, le mouvement terroriste a quand même réussi à replacer la question palestinienne à l’agenda international, même s’il sera lui-même exclu du jeu dans le futur. Le problème, c’est que le Hamas a beaucoup gagné dans les esprits occidentaux. Croyant défendre les Palestiniens, toute une jeunesse est happée par sa propagande – c’est-à-dire, l’idée de la Palestine « de la mer au Jourdain » (un seul État, et donc pas d’État juif).

Dans nos facs, « sale sioniste » a remplacé sale juif. Beaucoup de juifs européens et français se demandent s’ils ont encore leur place dans leurs pays respectifs. En France, un mouvement politique a fait de la haine d’Israël son principal fonds de commerce. Ses dirigeants déplorent le futur désarmement d’un mouvement terroriste (quand ils ne le qualifient pas de résistant).

Au-delà de la question antisémite, le drapeau palestinien est devenu l’emblème de la haine de la France, il accompagne désormais violences, désordres et démonstrations de force islamistes dans nos rues.

Mais malgré tout, il y a une raison d’être optimiste. Une majorité de Français ne mange pas de ce pain-là. Contrairement à Olivier Faure, beaucoup de gens de gauche ont clairement rompu avec les Insoumis. Peut-être que les assassins lancés par Yahya Al-Sinwar il y a deux ans seront aussi les fossoyeurs politiques d’un parti aux méthodes fascistoïdes.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Branlette écolo

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Ce n'est pas sale... DR.

Le média écologiste Reporterre a récemment proposé à ses lecteurs un dossier très complet et très instructif1 dénommé « Sexe et écologie ».

Après avoir affirmé que « le queer, c’est de la biodiversité », la « penseuse féministe et décoloniale » Myriam Bahaffou explique que l’écosexualité consiste à s’adonner à « toute pratique érotique n’ayant pas l’humain au centre ». Myriam conseille de « murmurer des mots doux aux plantes » ou de « caresser un arbre » tout en recourant à la « respiration orgasmique », le but ultime étant de « répandre ses fluides dans la nature ». En cas d’échec, la flagellation végétale est autorisée.

A lire aussi, du même auteur: Fumisteries et balivernes: quand le théâtre féministe «taille en pièces le patriarcat»…

Inspirés par cette nouvelle façon de prendre son pied, des artistes militant pour une « dimension écologique au sein d’une narration pornographique » ont réalisé un film « écoporn » dans lequel « des personnes se fouettent les fesses avec du houx ». Les fruits et les légumes peuvent également avoir une grande place dans les pratiques sexuelles écologiques, apprend-on dans la rubrique « Sextoys ». L’utilisation de légumes à forme phallique – concombres, aubergines et autres courgettes – peut être combinée à celle de « fruits et légumes moins connus ». Les avocats et les pêches sont, paraît-il, d’excellents stimulateurs clitoridiens. Toutefois, avertit une éco-sexothérapeute, il est nécessaire de laver le fruit ou le légume à chaque utilisation. Par ailleurs, précise-t-elle, « il faut faire attention en cas de pénétration anale, car les fruits et légumes peuvent rester coincés dans le rectum ».

Pour préserver la planète, la spécialiste recommande également l’usage de sextoys en bois, en particulier ceux fabriqués avec du merisier ou du noyer, pour leur faible empreinte écologique. « Une partie du bois vient de scieries locales, la consommation électrique est très faible, aucune matière chimique n’est utilisée, mis à part pour la très fine couche de vernis qui les recouvre, explique le créateur de la marque Idée du désir. Pour ceux qui en prennent soin, ils peuvent durer toute une vie. » Décidément, l’écologie s’introduit partout.


  1. https://reporterre.net/Sexe-et-ecologie ↩︎

F-O-U-T-U

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Éric Naulleau © Hannah Assouline

Dans ce vieux pays fatigué, la progression de l’islamisme, du wokisme, du nihilisme et du crétinisme semble inéluctable. Pour Éric Naulleau le constat est évident : tout est foutu.


F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Au moins ne me reprochera-t-on pas de vouloir faire carrière médiatique, tant il est mieux vu, sur les plateaux de télévision comme dans les colonnes des gazettes, d’en appeler au sursaut ou au choc d’autorité, de dissimuler sous un vocabulaire ronflant l’évidence de la défaite, de même que l’on masque de parfums une odeur de putréfaction. De prétendre se battre quand on ne fait que se débattre. F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Au moins ne me reprochera-t-on pas de vouloir faire carrière politique quand le parti foutuiste serait une contradiction dans les termes. Si ses sympathisants, toujours plus nombreux, font parler la poudre, ce n’est jamais que la poudre d’escampette. Sauve qui peut, chacun se cherche un arrière-pays ou un autre pays pour mettre à l’abri du désastre sa personne et ses enfants. Non pas en attendant des jours meilleurs, mais en prévision des jours plus malheureux encore. Ce n’est plus la tentation de Venise, c’est N’importe Où Hors de France, pour emprunter à Baudelaire. Jusque sur des terres menacées par l’apocalypse nucléaire. F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Il faudrait un de Gaulle ou un Napoléon pour nous sortir de là (laissons Jeanne d’Arc de côté pour le moment). Mais même si, par extraordinaire, une personnalité hors norme se dissimulait parmi les actuels boutiquiers de la politique, auprès desquels les combinards de la IVe République font désormais figure d’aigles planant au plus haut des cieux historiques, sa tâche se révélerait autrement plus ardue que dans la France de 1799 ou de 1940. Quand le général de Gaulle lança son appel du 18 juin, 144 habitants de l’île de Sein s’embarquèrent illico sur des bateaux de pêche pour Londres – ce n’est pas la même chose que de se ruer vers les canots de sauvetage en espérant réchapper du naufrage, ainsi que nous y invitent les temps mauvais. De Gaulle combattait le Mal. On ne combat pas le Bien, on le fuit.

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Et la difficulté ne s’arrête pas là. Pris séparément, nos principaux ennemis ne sont pas irrésistibles, il demeure très possible de défaire l’islamisme, le wokisme, le nihilisme ou le crétinisme. Mais F-O-U-T-U, oui, c’est foutu : unis comme ils se dressent aujourd’hui, ils deviennent invincibles, rien n’empêchera ces nouveaux barbares associés de détruire, jusqu’à ce qu’il ne reste pierre sur l’autre, notre république, notre pays, notre culture, notre civilisation. Ils disposent d’une École dont la mission paraît d’initier les têtes blondes au monde merveilleux des drag queens et à la théorie du genre plutôt que de leur transmettre les savoirs fondamentaux. Ils disposent d’un service public dont la plus puissante représentante, nous avons nommé Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, a officiellement déclaré que son rôle était « de représenter la France non telle qu’elle est, mais telle qu’elle devrait être » – le délire schizophrène comme programme officiel, du jamais vu depuis le stalinisme. Ils disposent des institutions et des médias, ils disposent d’à peu près tous les lieux de pouvoir, ils disposent d’une armada de sociologues comme autant d’émissaires d’un pays imaginaire, d’une dimension parallèle.

F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Mince consolation que de connaître enfin ce qu’éprouvèrent les contemporains de la chute de l’Empire romain. Quand des militants LGBT défilent en soutien à leurs futurs égorgeurs islamistes, quand une féministe déclare « préférer les jeteuses de sorts aux ingénieurs EPR », quand des lycéens, dont le crâne a été vidé de sa cervelle par l’Éducation nationale pour être farci d’un tas d’inepties, s’en prennent à tout drapeau français comme à un symbole fasciste, quand on est prié de croire, sous peine d’être poursuivi en justice, qu’un homme peut devenir une femme, menstruer et tomber « enceint », quand les bouffeurs de curés baisent les babouches d’imams intégristes, quand « La Palestine de la rivière à la mer », équivalent jugé acceptable de « Mort aux juifs ! », est un slogan repris en chœur par des gens qui ignorent de quelle rivière et de quelle mer il s’agit, quand boire des demis en terrasse de 18 heures jusqu’à l’aube devient un projet de vie, quand commander son sandwich favori à un esclave à vélo devient un acte militant au service de l’utopie multiculturelle, alors tout est joué, les noces de l’ignorance et du cynisme sont consommées. Les portes de Troie battent à tous les vents – Jean-Luc Mélenchon peut alors s’asseoir à la table rase, décréter la créolisation générale comme d’autres la mobilisation générale, en appeler au grand remplacement d’un peuple par un autre sans cette fois tirer de leur sommeil la moindre orfraie, assimiler la France des traditions à « une France diminuée », décréter que notre langue n’existe plus. Ah oui, parce que l’ennemi dispose aussi d’un parti officiel. Ses ouailles décérébrées acquiescent avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elles ne savent à peu près rien de ce pays, de sa culture, de son histoire et de sa langue, sinon qu’ils sont autant de motifs de honte, de sujets de repentance – si ce qu’à Dieu ne plaise, Jean-Michel Aphatie parvenait au pouvoir, sa première mesure serait « de raser le château de Versailles afin que la France expie sa grandeur ». On a les intellectuels organiques (comme on parle d’engrais organique) que l’on mérite du côté de l’anti-France.

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F-O-U-T-U, oui, c’est foutu. Car il y a pire encore. Une forme de résignation chez le plus grand nombre, une perte d’énergie vitale, plus envie de travailler, plus envie d’avoir des enfants, plus envie de faire l’amour. Pourquoi ne pas déléguer tout cela à des nouveaux venus ? Moins cher, moins fatigant. L’impression, plus ou moins vivement ressentie et directement exprimée, que nous devons nous effacer de l’Histoire, que c’est au tour des anciens colonisateurs d’être colonisés. Un acquiescement, une soumission à l’idée de notre propre disparition. La grandeur de la France est devenue un fardeau pour les Français, trop de gloire, trop de génie, trop de beauté, trop de savants, d’écrivains (Proust ET Céline, non mais allô, quoi…), de peintres, de cathédrales, de musées, trop de place laissée aux femmes. L’éternité n’est plus notre mesure, l’exception n’est plus notre règle. Quand nous aurons laissé sur le bord du chemin cet encombrant bagage, le pas se fera plus léger. Quand le souci métaphysique se limitera à connaître la date des prochains soldes, l’angoisse se fera moins vive. Et l’appel à la prière dans les centres commerciaux viendra rappeler qu’Allah s’occupe du reste. Quand tous les classiques littéraires sembleront avoir été écrits dans une langue étrangère, nous continuerons de les lire dans les catacombes. Quand la France ne sera plus, quand y régnera le nouvel ordre islamo-consumériste, elle sera devenue l’Abistan du 2084 de Boualem Sansal : « À la fin des fins régnera le silence et il pèsera lourd, il portera le poids des choses disparues depuis le début du monde et celui encore plus lourd des choses qui n’auront pas vu le jour faute de mots sensés pour les nommer. » Et personne ne connaîtra plus la signification du mot F-O-U-T-U.

Le président est nu

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Le président de la République Emmanuel Macron sur les bords de la Seine, ce matin. Image : capture BFMTV.

La démission surprise de Sébastien Lecornu est aussi affligeante que démoralisante, à l’heure où la situation exigerait des réformes financières radicales et rapides. Privée de gouvernement et de budget, la France est affaiblie


Emmanuel Macron: le corps nu

Après Michel Barnier, François Bayrou et la démission expéditive de celui qu’il espérait être son bouclier le plus sûr, Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron est dorénavant confronté à sa responsabilité fondamentale : à cause d’une dissolution aberrante qui a rendu l’exercice parlementaire impraticable et, au-delà, gangrené la vie démocratique, le président de la République n’a à sa disposition que des solutions qui mettront en lumière son propre échec.

Arrogance

Le président ne démissionnera pas. Une telle décision, si elle émanait de lui seul, serait le signe d’une démarche parfaitement républicaine. Mais le propre d’Emmanuel Macron, et du macronisme qu’il a inspiré, a toujours été de substituer à la lucidité sur leurs erreurs une arrogance occultant le désastre.

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En refusant la politique du pire et pour éviter le pire de la politique, le président peut être tenté de nommer un Premier ministre de gauche qui sera conforté par des forces de gauche et d’extrême gauche miraculeusement réunies par la tactique et l’unité imposée. Ce gouvernement peu probable serait balayé très rapidement.

La dissolution, cette fois nécessaire, devrait être l’expédient suprême. Sans le front républicain qui avait totalement dénaturé le résultat des dernières élections législatives, de nouvelles élections, organisées dans une totale liberté et transparence démocratiques, pourraient aboutir à une victoire incontestable, amplifiée, du Rassemblement national.

Bardella demain à Matignon ?

Si le RN se retrouvait en position de proposer un Premier ministre, le président, en l’acceptant, mettrait ce parti dans une position très inconfortable avant l’élection présidentielle : cela révélerait davantage son impuissance que son efficacité.

La France vit une situation totalement inédite. Le président est nu. Ce n’est plus seulement une crise, pas encore une révolution. Le peuple piaffe. Nous sommes au bord du gouffre. Il faut résister à la tentation – perverse ou lasse – d’y tomber.

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Les «Ringards» au pouvoir!

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Les Ringards (1978) de R. Pouret © NANA PRODUCTIONS/SIPA

À la vue du nouveau gouvernement et sa composition tragi-comique, Monsieur Nostalgie préfère les vrais, les authentiques, les flamboyants Ringards du film de Robert Pouret de 1978. Ceux-là ne nous décevaient jamais et avaient la décence de ne pas faire de la politique !


Il y a comme ça des dimanches patibulaires. Crépusculaires. Ils annoncent la fin d’une classe politique démonétisée depuis quarante ans. Le divorce est consommé. Système tournant à vide, à la botte de quelques affidés, sans plus aucune consistance intellectuelle et assise réelle. Un machin hors-sol que le peuple, par salubrité, par honte aussi (lui ne nie pas ses fautes), a mis à distance. Très loin de sa vue. Cachez-nous ces représentants, les enfants regardent la télévision, ils pourraient prendre pour acquis leurs mauvaises manières. On apprenait jadis dans les IEP que ce peuple français était politique, colérique, passionné par la « chose publique » et le débat des idées, qu’il avait le sens du collectif et de la controverse, qu’il croyait à la geste de ses élus et au récit national. Ce peuple tant honni et tellement infantilisé fait désormais sécession dans les urnes et dans les têtes. Il est ailleurs. Il est fragmenté. Il est satellisé. Il répond aux abonnés absents. Il n’a plus le courage de participer et encore moins d’encourager les gesticulations de ce théâtre répétitif, besogneux, visqueux, laid et vide des ors de la République. Le peuple, contrairement à ses élites, ne se défausse pas, il a sa part de responsabilité dans la création de ce « monstre » démocratique. Ce système chimérique et ses relents de morgue, il en a été l’artisan.

À ne pas manquer, Éric Naulleau: F-O-U-T-U

Au fond de lui, par fatigue morale, par étranglement économique et peur de sombrer, par des votations erratiques et des entourloupes constitutionnelles, le peuple a laissé courir. Il a été floué. On lui a menti. Il a été faible. Bien qu’il n’ait jamais cru aux boniments, aux promesses, aux grands soirs, il s’est laissé anesthésier, peu à peu, jusqu’à se désintéresser du schmilblick. Il a laissé prospérer le délitement. Laissé à une classe d’apprentis-sorciers les rênes du commandement par dépit, rarement par enthousiasme débordant. Il a même admis, magnanime, que cette classe surprotégée pouvait vivre à ses frais, sur son dos, le tondre à l’occasion et le faire culpabiliser. Il a accepté de les nourrir, de les loger, de les habiller, sans contrepartie. C’est la grandeur des vieilles nations, notre courtoisie bienveillante. Les Français sont des seigneurs un peu las de tout ce cirque médiatique. De ce barnum qui captive seulement quelques professionnels du commentaire sur les antennes. Nous avons pourtant l’habitude d’être dupés. Là, peut-être à cause de l’accumulation, du côté farce et amateurisme, l’amertume nous monte à la gorge. Un petit goût d’enfumage plane sur notre pays. Nous avons délégué, durant des décennies, à des plus « sachants », à des supposés plus « instruits » que nous. Les diplômes dorés, parfois plaqués, de nos dirigeants ne font plus guère illusion. Le diplôme sans la culture, sans la stature, sans l’incarnation et sans la vibration intime de notre terre n’est qu’une guenille. Des frusques. Face à cette faillite, je préfère m’en remettre aux vrais « Ringards », ceux du film sorti à la fin du mois de septembre 1978. Nous étions sous Barre III. Boulin était au Travail, Soisson au Sport et Deniau, le navigateur berrichon au Commerce extérieur.

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Place aux authentiques branques, aux « bons à rien » de classe internationale, braqueurs pathétiques, un aréopage d’inutiles et de gentils parasites. Des flamboyants de la « lose ». Incapables de mener à bien une mission. Ils s’appelaient Aldo Maccione qui fêtera ses 90 ans en novembre prochain, dragueur turinois impénitent, Julien Guiomar, le Breton professoral et Charles Gérard, le réfractaire en polo de tennis. Une triplette qui mériterait d’entrer dans les ministères sous la supervision de Mireille Darc conduisant une Lancia dans la cour de Matignon. Ils étaient nuls, fainéants, des tire-au-flanc splendides de bêtises et d’arrivisme.  Avec eux, au moins, on riait de bon cœur et on oubliait nos misères quotidiennes. J’apprends que Georges Descrières et Katia Tchenko ont été coupés au montage de cette comédie ratée. Ils auraient mérité leur maroquin.

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Trump et Netanyahou feront-ils bouger l’histoire?

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Washington, le 29 septembre 2025 © Nathan Posner/Shutterstock/SIPA

Le Premier ministre israélien Netanyahou se dit certain de pouvoir libérer les otages et désarmer les terroristes du Hamas, que ce soit grâce au plan de Donald Trump ou par la force.


La politique produit des grands et des petits hommes. Les grands hommes sont ceux qui affrontent, seuls le plus souvent, le mur du conformisme afin d’atteindre leurs objectifs. Les petits sont ceux qui tergiversent, se trompent d’adversaires, pactisent avec la meute. Le plastronnant Emmanuel Macron est de cette seconde race. Voici un président qui flatte l’opinion anti-israélienne en joignant sa voix à ceux qui accablent Benyamin Netanyahou, et qui accuse Vladimir Poutine de « confrontations permanentes » contre l’Europe. Le chef de l’État voit beaucoup de complots russes ; y compris dans des « pétroliers fantômes » contre qui il a exigé des « politiques d’entrave ». C’est ainsi que la Marine a arraisonné la semaine dernière, dans les eaux internationales au large de Saint-Nazaire, un navire soupçonné d’être pro-russe et d’être la plate-forme de drones envoyés dernièrement survoler le Danemark.

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Vérifications faites, l’équipage était chinois et aucun appareil n’a été trouvé. Le bateau a repris sa route jeudi soir après une garde à vue de son capitaine. Ce flop a été aimablement passé sous silence par les médias. Le fiasco est venu rappeler néanmoins le jeu trouble que Macron entretient avec les peurs collectives, en alimentant cette fois un possible conflit avec une puissance nucléaire. Aurait-il le dessein de constituer autour de lui, avec une guerre contre la Russie, une solidarité nationale qui part en lambeaux (16% de satisfaits dans le dernier baromètre du Figaro Magazine !) ? La question mérite en tout cas d’être posée, tant le personnage est sans limite. Sébastien Lecornu a au moins l’honnêteté de se présenter comme « le Premier ministre le plus faible de la République ».

Parallèlement à ces manœuvres médiocres, qui rendent par capillarité le spectacle politique français affligeant d’amateurisme[1], des grands hommes sont en train d’écrire l’histoire.

A lire aussi, Gil Mihaely: Gaza: Trump enferme le Hamas avec ses otages

Donald Trump et le Premier ministre israélien, tous deux conspués par l’unanimisme médiatique, sont de ceux-ci. Le choix de Netanyahou d’éradiquer coûte que coûte le Hamas islamiste, au prix d’une guerre cruelle lancée à Gaza après le 7-Octobre 2023, semble avoir atteint son but : sous la pression conjointe du président américain, le mouvement terroriste s’est dit prêt à accepter les conditions de sa reddition, en acceptant notamment de libérer les 48 derniers otages, dont beaucoup sont morts. Dix-sept pays arabes, dont le Qatar qui abrite la branche politique du Hamas, sont prêts à consolider une paix avec Israël. Si «Bibi» avait obtempéré aux coups de menton de Macron en cessant le feu prématurément, le Hamas n’aurait vraisemblablement pas eu à rendre les armes. Certes, rien n’est encore, ce lundi matin, totalement acquis de la part d’un mouvement islamiste apocalyptique. Mais une dynamique de paix est enclenchée. MM. Trump et Netanyahou, les deux pires parias occidentaux (après Poutine) aux yeux des esprits capitulards, sont en train de clore la politique du « soft power » qui jusqu’alors était la norme convenue. Tous deux ne manquent pas de défauts, c’est entendu. Mais les petits hommes, eux, n’ont aucune qualité.

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[1] Les LR devaient dire, ce lundi à midi, s’ils se maintiendraient dans le nouveau gouvernement macronien… dont le Premier ministre vient de démissionner.

Emmanuel Macron: Je trolle donc je suis

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© Raphael Lafargue -pool/SIPA
Dernière minute : Reçu ce matin au Palais de l’Elysée, Sébastien Lecornu a remis sa démission au président Macron, qui l’a acceptée. Le grand cirque continue… •

Sébastien Lecornu a frappé fort hier soir avec l’annonce des 18 premiers membres de son gouvernement. Lui qu’on pensait incapable de peser face à Emmanuel Macron, quel démenti cinglant infligé à ses détracteurs, quel séisme ! Car la nouvelle équipe ne ressemble en rien à la précédente, et c’est à peine si l’on y reconnaît un visage…

Ah ! nous espérions un acte d’émancipation, nous avons été servis ! Après tout, Emmanuel Macron nous avait annoncé qu’il allait révolutionner la politique ; il fallait donc s’attendre à ce que Sébastien Lecornu, l’un de ses plus fidèles disciples, révolutionne l’art de composer un gouvernement.

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé

Mais tout de même, se dit-on. Patrick Mignola, Marie Barsacq, Laurent Marcangeli, Eric Lombard, François Rebsamen : une telle hémorragie de talents, alors que la France, on le sait, est un patient affaibli, est-ce vraiment bien raisonnable ?

Aucun grand médecin, certes, n’ignore les vertus d’une saignée ; mais celle-ci, par son audace, passait décidément toutes les bornes connues.

Aussi ne pouvait-on s’empêcher de se demander, étreint d’un doute atroce, en ce dimanche finissant : Jupiter, notre infaillible Jupiter, n’était-il pas allé trop loin cette fois, en amputant l’État de cinq de ses piliers ? Et nous maudissions Ganymède, son nouveau Premier ministre, de l’avoir entraîné ainsi dans l’hybris et l’inconnu.

« Je vous ai compris »

De la grande telenovela voulue et réalisée par Emmanuel Macron depuis l’été 2024, l’épisode du 5 octobre demeurera comme un des sommets de la seconde saison. Car cette annonce du gouvernement, c’est l’équivalent jupitérien du « Je vous ai compris » gaullien, c’est-à-dire une manière très particulière de marquer sa compréhension de ce qu’on lui demande, mais qui, en l’occurrence, ne s’embarrasse plus d’aucune ambiguïté (car Jupiter l’intrépide, lui, ne craint pas qu’on « vienne le chercher »). Mon seul regret, dans cette belle trouvaille, c’est donc que nos deux scénaristes n’aient pas osé aller au bout de leur idée, en conservant toute l’équipe précédente et en nommant simplement Bayrou aux Armées, pour parachever leur troll.

La dream team toujours là

Mais je boude mon plaisir, car la fine équipe qu’ont commencé à réunir Jupiter et Ganymède, nos deux orfèvres politiques, s’annonce déjà comme une farandole de pépites.

Il serait évidemment trop long de les passer toutes en revue ; aussi, rassurons-nous en disant qu’à l’exception de nos cinq disparus de Saint-Agil, le cœur battant de la brillante phalange gouvernementale dont nous disposions est toujours là. En particulier, la superbe batterie constituée par ces sortes de ministres-tofu – Catherine Vautrin, Agnès Pannier-Runacher, Roland Lescure, Amélie de Montchalin, etc. – dont on a l’impression qu’ils pourraient rester en place 1000 ans sans laisser une quelconque trace de leur passage, est parfaitement préservée. 

Ensuite, si nous nous attardons plus particulièrement sur quelques joyaux, les nations du monde entier, en tout premier lieu, nous ont remercié pour la reconduction de l’indispensable Jean-Noël Barrot à la tête de notre diplomatie. Avec cet excellent paillasson hypoallergénique, toujours disposé à servir, nos partenaires diplomatiques sont en effet assurés d’avoir leurs semelles propres en permanence, et ont donc été ravis de pouvoir conserver cet article de télé-achat, notamment en Algérie, où les semelles se salissent notoirement très vite.

Nos confettis d’empire n’ont pas non plus été oubliés et Manuel Valls a été confirmé, pour son plus grand bonheur, dans ses anciennes responsabilités ; il n’aura donc pas à s’expatrier dans un nouveau pays pour y essayer à toute force de récupérer un maroquin quelconque. La loi établie avec Ségolène Royal pour les pôles se confirme ainsi avec lui pour l’outre-mer : plus un territoire s’éloigne de la métropole, et plus il faut convoquer les forces vives de la nation pour y représenter dignement le gouvernement.

La Culture, quant à elle, aurait évidemment été orpheline sans cet autre superbe exemple de 4×4 idéologique qu’est Rachida Dati, jamais à court d’un reniement si cela peut lui sécuriser un débouché. Quand on pense que même Nicolas Sarkozy, avec son immense bagage littéraire, n’avait pas osé la nommer à ce poste, on mesure combien Malraux serait surclassé…

Le rappel de Cincinnatus

Mais c’est surtout le rappel de Bruno Le Maire aux affaires qui traduit la conscience aiguë que Bouvard et Pécuchet (Macron et Lecornu) ont désormais de l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons.

La République romaine, comme on sait, avait instauré dans ses premières années d’existence une magistrature extraordinaire, pour faire face aux situations de péril ou d’urgence extrêmes qu’elle pouvait traverser : la dictature. Alors, pendant une période limitée, un individu, généralement choisi parmi les anciens consuls, se voyait confier un pouvoir absolu, le temps de résoudre la crise.

Bruno Le Maire est le nouvel avatar de cette dictature romaine ; plus exactement, le lointain successeur, à travers les âges, du grand Cincinnatus, que les envoyés du Sénat vinrent arracher à sa charrue, en 458 avant notre ère, pour sauver Rome des Èques, tâche qu’il accomplit en seulement seize jours, avant de rendre le pouvoir aussi sec pour retourner labourer ses terres au-delà du Tibre. Malheureusement, Bruno Le Maire ne disposera pas des pleins pouvoirs – sans quoi nous serions sauvés  –, mais il pourra compter sur ses talents multiples, d’autant qu’il n’est pas le seul à être rappelé des limbes par Jupiter et Ganymède. Son come-back s’accompagne en effet de celui d’un autre grand revenant, Éric Woerth, tout juste relaxé, étonnamment nommé à l’aménagement du territoire quand son expertise financière eut été bien utile aux Comptes publics. Espérons que cette anomalie sera vite régularisée, car notre talentueux gouvernement pourrait devoir se révéler plus expéditif encore dans sa mission que l’excellent Cincinnatus.

Les fourberies de Scapin

La seule incompréhension qui persiste ainsi chez moi, à l’heure tardive où j’écris ces lignes, naît du rempilage du brave Bruno Retailleau à l’Intérieur. Rempilage à propos duquel il faut bien reproduire l’interrogation médusée de Géronte, dans ces délicieuses fourberies de Scapin auxquelles j’ai eu le plaisir d’assister la semaine dernière, à la Comédie française, avec un Noam Morgensztern génial dans le rôle éponyme : « mais que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Saint Thomas Becket et Dame Sarah Mullally: du martyre à la bien-pensance

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Sarah Mullally prononce un discours dans le chœur de la cathédrale de Cantorbéry, dans le Kent, à la suite de l’annonce de sa nomination comme 106ᵉ archevêque de Cantorbéry, le vendredi 3 octobre 2025 © Gareth Fuller/AP/SIPA

Tout compte fait, la nomination de Sarah Mullally, première femme archevêque de Canterbury, est aussi frustrante pour les progressistes que pour les conservateurs. Analyse.


Quatorze siècles de tradition immuable se sont écoulés pour qu’une femme accède, enfin, à la primatie de l’Église d’Angleterre. Le 3 octobre 2025, Charles III a entériné la nomination de Sarah Mullally, actuelle évêque de Londres et ancienne infirmière en chef du NHS, comme 106ᵉ archevêque de Canterbury. Un moment que les commentateurs qualifient d’« historique ». Mais en quoi cette nomination serait-elle véritablement historique ? D’un sursaut spirituel ou d’un alignement complaisant sur l’air du temps ?

Le vernis du progrès

La nouvelle primat n’a rien d’une théologienne flamboyante : sa carrière fut d’abord médicale, puis managériale. Profil idéal pour une Église transformée en ONG morale. Alors que les temples se vident et que les scandales d’abus minent sa crédibilité, l’anglicanisme a trouvé une parade : ériger son archevêque en symbole inclusif. Première femme, donc première victoire… mais surtout pour la communication.

Un essaim de promesses

Elle succède à Justin Welby, emporté par l’affaire Smyth et ses graves défaillances en matière de protection des fidèles. Mme Mullally promet « d’écouter les survivants ». Des mots mille fois entendus. Ce dont l’Église anglicane a besoin, ce n’est pas d’un nouveau slogan, mais d’une réforme en profondeur – et cela, on peine à le discerner dans son discours.

La vitrine de l’archevêque

Ses positions sont connues : bénédiction des couples homosexuels, respect « de ceux qui refusent son ministère féminin », soutien au LGBT+ History Month. Sur l’avortement, elle se dit « plus proche du pro-choice que du pro-life », tout en penchant « personnellement vers le pro-life ». Sur l’euthanasie, elle s’est opposée à l’aide à mourir à la Chambre des Lords. Bref : compromis, nuances, demi-teintes. Une théologie du « en même temps » – inclusive pour les progressistes, rassurante pour les conservateurs… mais frustrante pour tous.

A lire aussi: Vatican: quelle stratégie?

Un trône fracturé

Cette nomination réjouit Londres, mais scandalise le Sud anglican. Le GAFCON a déjà dénoncé une « trahison biblique ». Pour les Églises africaines et asiatiques, une femme archevêque n’est pas seulement une hérésie : c’est la preuve que l’Occident impose sa modernité comme une nouvelle colonisation culturelle. Inclusivité, oui – mais au prix de l’unité.

À cheval sur deux mondes

Mme Mullally n’est pas seulement pasteure : elle siège à la Chambre des Lords, où elle s’oppose aux projets du gouvernement, de l’euthanasie à l’expulsion des migrants vers le Rwanda. Ses interventions la placent au cœur du débat politique. Mais l’archevêque est-elle encore une figure spirituelle, ou simplement la conscience sociale attitrée d’un Royaume en quête de morale d’État ?

Du feu de Cranmer au vernis de l’époque

Souvenons-nous : l’anglicanisme naquit dans la fureur d’Henri VIII et la radicalité de Thomas Cranmer, brûlé vif pour sa foi. Cinq siècles plus tard, l’audace s’est muée en conformisme. De la défense intransigeante de la vérité, on est passé aux compromis inclusifs. L’archevêque d’hier affrontait les rois. Celle d’aujourd’hui rassure les éditorialistes.

La nomination de Sarah Mullally restera comme un jalon. Mais que marque réellement ce jalon ? Un réveil spirituel ou une soumission à l’idéologie dominante ? À force de vouloir plaire à tout le monde, l’Église d’Angleterre risque bien de ne plus émouvoir personne. En 1170, Thomas Becket mourait à genoux devant l’autel, refusant de céder au pouvoir. En 2025, Dame Sarah Mullally s’incline, elle, devant le pouvoir de l’air du temps.

La justice, c’est quand on gagne le procès…

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Cédric Jubillar parle à ses avocats lors de son procès, Albi, 22 septembre 2025 © JM HAEDRICH/SIPA

Les yeux de l’Éternel sont sur les justes, et ses oreilles sont attentives à leur cri.
Psaume 34 :16.

La justice, c’est quand on gagne le procès.
Samuel Johnson.


En France, font les manchettes la condamnation de l’ex-président Sarkozy pour « association de malfaiteurs » dans le cadre du procès relatif au financement libyen et le procès en cours de Cédric Jubillar, accusé de meurtre de son épouse.

Sarkozy : une nouvelle affaire Dreyfus ?

Commençons par l’ex-chef de l’État.

Plus que sa condamnation en elle-même, c’est la décision d’exécution provisoire qui fait débat : d’aucuns y voient une atteinte à la présomption d’innocence dont jouit en principe tout condamné qui fait appel.

Il n’est pas question ici de se prononcer sur le bien (ou mal)-fondé de cette condamnation. Aux citoyens justiciables et aux médias que l’affaire intéresse d’examiner le dossier, en commençant évidemment pas les attendus du jugement et en faisant les recoupements pertinents. Chacun peut souverainement tirer ses propres conclusions; chacun a le droit absolu de « juger les juges » et de défendre ses conclusions dans l’agora.

On se penchera sur les déclarations publiques pertinentes. La droite dénonce un acharnement « politique » et Nicolas Sarkozy, lui, évoque non seulement une « honte », une « indignité », mais aussi une « infamie ». Bref, une nouvelle affaire Dreyfus.

Comme il fallait s’y attendre (on est en France) les cris aigus de vierges effarouchées ne se sont pas fait attendre : une vingtaine d’avocats viennent de porter plainte contre Nicolas Sarkozy, l’accusant d’avoir discrédité l’institution judiciaire: il y aurait « de fait un acte délibéré de discrédit porté à l’institution judiciaire, de nature à affaiblir la confiance des citoyens dans l’impartialité et l’indépendance de la justice ».

Et, ô surprise, abonde dans le même sens M. Ghaleh-Marzban, le nouveau président du Tribunal de Paris, selon lequel ces critiques « sapent les bases de notre droit et les fondements de notre démocratie ». Rien que ça.

La question est donc posée: l’institution judiciaire mérite-t-elle cette confiance de la part des citoyens?

Un peu d’histoire française (et pas seulement française).

Depuis l’affaire Calas, l’institution judiciaire s’est parfois complue dans l’infamie. L’exemple classique est l’affaire Dreyfus, où chaque magistrat de toute la hiérarchie judiciaire fut le servile larbin de l’antisémitisme. Idem en ce qui concerne la persécution de son défenseur Émile Zola. La nature humaine a-t-elle changé depuis et les leçons ont-elles été tirées? Plus récemment, il y a aussi l’affaire Outreau. Et d’ailleurs, à ce sujet, l’infamie persiste puisque l’ex-juge d’instruction Fabrice Burgaud a fait l’objet d’une simple réprimande et (aux dernières nouvelles) coule aujourd’hui des jours heureux dans sa sinécure d’avocat général référendaire de la Cour de cass’; une référence précieuse dans les pourvois fondés sur l’erreur judiciaire. Il a eu droit à un poste qui fait l’envie de bien des juristes.

(Petite note de droit comparé : en droit pénal anglo-saxon, il n’y a pas de juge d’instruction et ses fonctions sont remplies par le procureur, qui est avocat; un Burgaud aurait été rayé du barreau et fait, en… outre (si l’on ose dire), lui-même l’objet de poursuites pénales).

Bien entendu, les menaces de violence proférées contre les magistrats sont gravement attentatoires à l’État de droit et inadmissibles. Mais quid des remontrances des condamnés?

On répondra aux détracteurs de l’ex-président que, objectivement, c’est plutôt le bâillonnement d’un condamné qui est dangereux pour l’État de droit, lequel repose, précisément, sur le droit absolu du condamné de dénoncer une possible injustice du processus judiciaire. L’article 434-25 du code pénal est une archaïque survivance de l’esprit de la Sainte Inquisition qui a d’ailleurs été habilement transposé dans la procédure pénale stalinienne.

Le vrai fondement de la démocratie et de l’État de droit, c’est le droit absolu de dire : « J’accuse ». Incidemment, cela vaut aussi pour Mme Rachida Dati, qui fait face à un calendrier judiciaire relativement chargé.

(Autre petite note de droit comparé, l’infraction de common law équivalente, dite « scandalizing the court » – les lecteurs auront traduit d’eux-mêmes – a disparu des juridictions anglo-saxonnes les plus évoluées, notamment pour inconstitutionnalité, au titre de la violation de la liberté d’expression).

Comme le savent tous les magistrats et les avocats plaideurs dignes de ce nom, en substance, tout procès (civil ou pénal) est une vente aux enchères; la mise à prix dépend évidemment de divers facteurs, notamment de la nature de la cause, mais l’issue dépend étroitement des ressources respectives des parties, car le riche (qui a aussi pleinement droit à la présomption d’innocence dans un État de droit) est en meilleure position pour soutenir une guerre de tranchées. En l’espèce, il serait instructif de connaître le budget des parties. A ce stade, l’on peut sans doute conjecturer que M. Sarkozy a pu puiser dans un arsenal quelque plus conséquent que celui de l’officier d’artillerie Alfred Dreyfus jadis.

Cela dit, les bonnes âmes qui font de la confiance aveugle en l’institution judiciaire un acte de foi sont parfaitement libres de voir dans les récriminations d’un quelconque condamné, et de ses défenseurs, la hargne des mauvais perdants. Cela n’engage qu’elles.

Il faut déplorer cette tendance de la magistrature à être juge… et partie. En tentant de réduire au silence par l’intimidation un condamné censé jeter le discrédit sur elle, elle se livre à un abus de pouvoir et oublie que dans le mot « discrédit », il y a le mot « crédit ». C’est mettre la charrue avant les bœufs. Pour toute institution humaine, le respect, ça se mérite.

Parlant de respect, passons au procès Jubillar.

On constate d’abord une entrée en matière classique en France: sont exposés les antécédents et les analyses de personnalité de l’accusé effectuées par d’éminents experts disciples de Jacques Derrida.

(Autre petite note de droit comparé : la procédure anglo-saxonne, logiquement, rejette une telle hérésie car les parties débattent d’abord la matérialité des faits et, le cas échéant,  en recherchent ensuite, les éventuelles explications psychologiques. En France, on met encore la charrue avant les bœufs.)

Nous n’en sommes qu’aux premières phases du procès. Se succèdent des témoignages sur la personnalité apparemment peu amène de l’accusé.

Tous ces témoignages sont troublants.

Très troublants.

Et ce – parlant d’infamie – d’autant plus que cette fichue procédure pénale franchouillarde permet aux témoins de vomir leurs soit-disant convictions dans les prétoires.

(Petite note de droit comparé supplémentaire : en droit anglo-saxon, le témoin doit s’en tenir strictement aux seuls faits bruts dont il a une connaissance directe).

Cela dit, l’on ne peut que constater l’absence de tout indice déterminant. En dépit de tous ces éléments que l’on qualifiera charitablement de tangentiels… la réalité incontournable, maintes fois proclamée dans la sphère publique, est inchangée. Il n’existe aucune preuve formelle de culpabilité: surtout pas de corps, et encore moins d’aveux (encore que la religion de l’aveu est un autre archaïsme superstitieux bien français). En théorie, tout verdict de culpabilité repose sur des preuves factuelles, qui ne laissent place à nul doute. En l’absence de corps, pas d’ADN, pas d’analyses balistiques solides ou pas d’angles de coups de couteau, pas de datation de la mort, etc.

(Les conclusions des médecins-légistes, qui ont les pieds sur terre et mettent la main à la pâte, sont généralement plus fiables que les divinations hasardeuses des psys dont l’outil de travail est la boule de crystal).

Dans ce cas, en effet, la réunion, rigoureuse, de preuves indirectes peut suffire à emporter la conviction… si elles sont en béton. Est bien connu en droit pénal (pas seulement français) le délit de sale gueule; en l’espèce, seul est nettement caractérisé le délit de sale caractère.

Et y a-t-il eu enquête à charge, qui complique toujours considérablement la tâche de la défense? A ce stade du procès, demeure posée la question (classique, pas seulement en France, encore qu’est légendaire l’« entonnoir » français, tandis que dans les juridictions anglo-saxonnes a cours l’expression « tunnel vision » – les lecteurs auront encore traduit d’eux-mêmes). A chacun d’apprécier les tout aussi classiques véhémentes protestations d’innocence des enquêteurs en la matière.

A suivre. En France, le doute a, à l’occasion, plutôt tendance à profiter à l’accusation. Y aura-t-il un coup de théâtre?

Moralité : si nous sommes tous des chasseurs de prime, cela est particulièrement vrai pour les policiers, magistrats, avocats et journalistes.

Aïda chez les mollahs

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© Bernd Uhlig / Opéra national de Paris

La mise en scène de Shirin Neshat ne remporte franchement pas tous les suffrages…


Tout porte à croire que cette Aïda ne restera pas dans les annales du lyrique verdien, pas davantage que la production précédente du chef-d’œuvre de Verdi, concoctée par la Néerlandaise Lotte de Beer, et qui fit long feu en 2021 à l’Opéra de Paris pour cause de Covid. Shirin Neshat est, avant tout, plasticienne. Native de Téhéran, elle a étudié l’histoire de l’art aux États-Unis, séparée de sa famille par la révolution islamiste de 1979, et s’est fait un nom comme photographe avec la série Women of Allah, puis comme vidéaste et cinéaste. En 2017, elle est invitée à monter Aïda au Festival de Salzbourg, mise en scène remaniée au fil de ses reprises, en 2022 dans la ville mozartienne, et à présent à l’Opéra-Bastille, en coproduction avec le Liceu de Barcelone.

Bernd Uhlig

Déracinées

On comprend bien pourquoi Aïda « parle » singulièrement à une artiste iranienne en exil, tragédie grandiose de cette esclave éthiopienne, princesse secrètement aimée du chef de guerre ennemi Radamès, et qui a pour rivale Amneris, la fille du roi d’Egypte : la déracinée, otage du vainqueur, bientôt forcée de choisir sous la pression d’Amonastro, son père, entre l’amant et la patrie, en d’autres termes entre le désir et le devoir moral, rejettera tous les compromis et suivra Radamès, condamné comme traître, dans le tombeau où, enterrés vivants, ils seront tous deux réunis dans la mort…

Commande du khédive Ismaël Pacha pour célébrer l’ouverture du canal de Suez, péplum pharaonique créé au Caire en 1871 soit quatre ans après le magistral Don Carlos, mais d’abord imaginé, sur un scénario de l’égyptologue Auguste Mariette, pour la scène parisienne dans la pure tradition française du « grand opéra », Aïda revêt traditionnellement la dimension d’un spectacle monumental, dont la marche des trompettes reste le morceau de bravoure célébrissime.

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Il n’est pas illégitime en soi de se détacher de cet orientalisme kitsch qui a parfois rempli, pour le pire, les stades de foot transformés en grand spectacle son et lumière. Cela n’autorise pas pour autant tous les contre-sens. Chez Shirin Neshat, le décor de l’Egypte ancienne revêt l’apparence géométrique d’une paire de fortins bâtis dans une sorte d’agrégat de béton blanc, façon cabines de douches géantes, mais pivotantes, ajourées, réunies au finish pour former le tombeau où sont emmurés Radamès et Aïda, mais dont les murs, tout au long du spectacle, auront essentiellement servi d’écrans de projection pour les clichés noir et blanc ou les films en couleur exhumés du book conséquent de l’artiste, les chanteurs en chair et en os promis quant à eux aux rôles de figurants d’un univers plastique dont le théâtre verdien se voit délibérément exclu.

L’extraordinaire dramaturgie du compositeur dans sa maturité, cette partition sublime, tout à la fois rutilante et onctueuse, au lieu d’être servies par la mise en scène, semblent ici les supports d’occasion d’un discours sans lien organique avec le livret. Par une curieuse interversion, l’opéra est ici sommé d’obéir aux injonctions de la scénographie. Laquelle donne à l’Égypte ancienne des pharaons le profil d’une théocratie sanguinaire, signalée, dans un vestiaire amorti par un vague syncrétisme (histoire de ne pas désigner précisément l’Iran – je ne nomme personne, suivez mon regard), par les longues barbes et les costumes voilés de noir de l’oppresseur, par opposition aux Éthiopiens prisonniers, tandis qu’Amneris, la rivale d’Aïda, fait d’acte en acte les essayages chromatiques de ses longues traînes de gaze, où elle se prend parfois les pieds et qui, au fil des tableaux, passeront du blanc au rouge ou au jaune –  faut-il y voir un symbole ? Pendant la durée interminable des changements de décor, la salle est priée de patienter en silence.  

Exceptionnel Piotr Beczała

Au soir de la première, le 24 septembre dernier, le cast vocal se ressentait du statisme de cette régie où la saturation des projections d’images anesthésie passablement l’émotion, les chanteurs se regardant à peine, plantés comme des quilles face au public. Certes, n’est pas qui veut Leontyne Price ou, plus près de nous, Anna Netrebko mais, voix métallique, la soprano espagnole Saioa Hernández, dans les redoutables difficultés du rôle-titre, n’échappait pas à une certaine froideur d’expression, tandis qu’il aura fallu attendre le troisième acte pour que la mezzo genevoise Eve-Maud Hubeaux, en fille du roi d’Egypte, trouve la souplesse, le délié, la rondeur et l’intensité réclamée par l’emploi d’Amneris. Au moins la basse russe Roman Burdenko faisait-elle un magnifique Amonasro, le roi d’Ethiopie et père d’Aïda (on l’avait entendu déjà cette année dans Il Trittico, la trilogie puccinienne). La palme revient sans conteste à Radamès, le capitaine égyptien épris d’Aïda, campé de façon souveraine par Piotr Beczala, ténor exceptionnel, capable de monter vertigineusement dans les aigus. Habitué du plateau parisien, le Polonais Krzysztof Baczyk incarnait « Il Re » d’une splendide voix de basse. Quant à Ramfis, le grand prêtre égyptien, autre voix de basse joliment charnue, on le découvrait tout aussi convainquant sur le plan vocal, sous les traits du chanteur hungaro-roumain Alexander Köpeczi.   

Le maestro Michele Mariotti, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, reprend la direction qu’il avait assumée avec davantage d’énergie en 2021 pour deux représentations seulement, programme alors rompu par la pandémie. Sans donner peut-être, cette fois, au versant intime d’Aïda la grâce mélancolique, la douceur crépusculaire qui, à côté des passages fortissimo, sont le trésor secret de cet opéra.

Hors Krzysztof Baczyk  (Il Re) et la basse Alexander Köpecki (Ramfis) qu’on découvre sur la scène parisienne, la distribution s’annonce différente pour les dernières représentations, la soprano polono-américaine Ewa Plonka succédant par exemple à Saioa Hernandez à partir du 19 octobre, autre prise de rôle d’Aïda à Paris.  

Qui voudrait retrouver l’esprit péplum du chef-d’œuvre aura tout intérêt à  visionner, disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 30 novembre, la toute récente captation d’Aïda fort bien réalisée au Met Opera : Nézet-Séguin à la baguette, dans une mise en scène signée Peter Mayer, avec, d’ailleurs, toujours Piotr Bezcala en Radamès, et en Amneris la mezzo roumaine Judit Kutasi, celle-là même qui, à l’Opéra-Bastille, reprend le rôle à partir du 19 octobre, et ce jusqu’à la dernière représentation, le 4 novembre. D’une opulence, pour le coup, pharaonique.


Aïda. Opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi. Avec Krysztof Baczyk, Eve-Maud Hubeaux/Judit Kutasi, Aioa Hernandez/Ewa Ptonka, Piotr Beczata/Gregory Kunde… Direction : Michele Mariotti/ Dmitry Matvienko. Mise en scène et vidéo : Shirin Neshat. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris.
Durée : 3h05
Opéra Bastille les 7, 10, 13, 16, 22 octobre, 1 et 4 novembre à 19h30 ; le 19 octobre à 14h30