À la vue du nouveau gouvernement et sa composition tragi-comique, Monsieur Nostalgie préfère les vrais, les authentiques, les flamboyants Ringards du film de Robert Pouret de 1978. Ceux-là ne nous décevaient jamais et avaient la décence de ne pas faire de la politique !
Il y a comme ça des dimanches patibulaires. Crépusculaires. Ils annoncent la fin d’une classe politique démonétisée depuis quarante ans. Le divorce est consommé. Système tournant à vide, à la botte de quelques affidés, sans plus aucune consistance intellectuelle et assise réelle. Un machin hors-sol que le peuple, par salubrité, par honte aussi (lui ne nie pas ses fautes), a mis à distance. Très loin de sa vue. Cachez-nous ces représentants, les enfants regardent la télévision, ils pourraient prendre pour acquis leurs mauvaises manières. On apprenait jadis dans les IEP que ce peuple français était politique, colérique, passionné par la « chose publique » et le débat des idées, qu’il avait le sens du collectif et de la controverse, qu’il croyait à la geste de ses élus et au récit national. Ce peuple tant honni et tellement infantilisé fait désormais sécession dans les urnes et dans les têtes. Il est ailleurs. Il est fragmenté. Il est satellisé. Il répond aux abonnés absents. Il n’a plus le courage de participer et encore moins d’encourager les gesticulations de ce théâtre répétitif, besogneux, visqueux, laid et vide des ors de la République. Le peuple, contrairement à ses élites, ne se défausse pas, il a sa part de responsabilité dans la création de ce « monstre » démocratique. Ce système chimérique et ses relents de morgue, il en a été l’artisan.
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Au fond de lui, par fatigue morale, par étranglement économique et peur de sombrer, par des votations erratiques et des entourloupes constitutionnelles, le peuple a laissé courir. Il a été floué. On lui a menti. Il a été faible. Bien qu’il n’ait jamais cru aux boniments, aux promesses, aux grands soirs, il s’est laissé anesthésier, peu à peu, jusqu’à se désintéresser du schmilblick. Il a laissé prospérer le délitement. Laissé à une classe d’apprentis-sorciers les rênes du commandement par dépit, rarement par enthousiasme débordant. Il a même admis, magnanime, que cette classe surprotégée pouvait vivre à ses frais, sur son dos, le tondre à l’occasion et le faire culpabiliser. Il a accepté de les nourrir, de les loger, de les habiller, sans contrepartie. C’est la grandeur des vieilles nations, notre courtoisie bienveillante. Les Français sont des seigneurs un peu las de tout ce cirque médiatique. De ce barnum qui captive seulement quelques professionnels du commentaire sur les antennes. Nous avons pourtant l’habitude d’être dupés. Là, peut-être à cause de l’accumulation, du côté farce et amateurisme, l’amertume nous monte à la gorge. Un petit goût d’enfumage plane sur notre pays. Nous avons délégué, durant des décennies, à des plus « sachants », à des supposés plus « instruits » que nous. Les diplômes dorés, parfois plaqués, de nos dirigeants ne font plus guère illusion. Le diplôme sans la culture, sans la stature, sans l’incarnation et sans la vibration intime de notre terre n’est qu’une guenille. Des frusques. Face à cette faillite, je préfère m’en remettre aux vrais « Ringards », ceux du film sorti à la fin du mois de septembre 1978. Nous étions sous Barre III. Boulin était au Travail, Soisson au Sport et Deniau, le navigateur berrichon au Commerce extérieur.
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Place aux authentiques branques, aux « bons à rien » de classe internationale, braqueurs pathétiques, un aréopage d’inutiles et de gentils parasites. Des flamboyants de la « lose ». Incapables de mener à bien une mission. Ils s’appelaient Aldo Maccione qui fêtera ses 90 ans en novembre prochain, dragueur turinois impénitent, Julien Guiomar, le Breton professoral et Charles Gérard, le réfractaire en polo de tennis. Une triplette qui mériterait d’entrer dans les ministères sous la supervision de Mireille Darc conduisant une Lancia dans la cour de Matignon. Ils étaient nuls, fainéants, des tire-au-flanc splendides de bêtises et d’arrivisme. Avec eux, au moins, on riait de bon cœur et on oubliait nos misères quotidiennes. J’apprends que Georges Descrières et Katia Tchenko ont été coupés au montage de cette comédie ratée. Ils auraient mérité leur maroquin.
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